Rapport n° 231 (2003-2004) de M. André ROUVIÈRE , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 3 mars 2004

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N° 231

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004

Annexe au procès-verbal de la séance du 3 mars 2004

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l' accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Mozambique sur l' encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole),

Par M. André ROUVIÈRE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. André Dulait, président ; MM. Robert Del Picchia, Jean-Marie Poirier, Guy Penne, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, André Rouvière, Jean-Pierre Masseret, secrétaires ; MM. Jean-Yves Autexier, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Jacques Blanc, Didier Borotra, Didier Boulaud, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Ernest Cartigny, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Paul Dubrule, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Jean Faure, Philippe François, Jean François-Poncet, Philippe de Gaulle, Mme Jacqueline Gourault, MM. Christian de La Malène, René-Georges Laurin, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Philippe Madrelle, Bernard Mantienne, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Louis Moinard, Jacques Peyrat, Xavier Pintat, Jean-Pierre Plancade, Bernard Plasait, Jean Puech, Yves Rispat, Roger Romani, Henri Torre, Xavier de Villepin, Serge Vinçon.

Voir le numéro :

Sénat : 102 (2003-2004)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La France a récemment conclu des accords de protection des investissements avec trois pays d'Afrique orientale et australe : la Zambie, le 14 août 2002, le Mozambique, le 15 novembre 2002, et l'Ouganda, le 3 janvier 2003.

Notre diplomatie poursuit ainsi, avec la conclusion de ces nouveaux accords, un mouvement entrepris depuis les années 1970, et qui vise à sécuriser la situation des investisseurs français opérant hors de la zone OCDE. Les pays regroupés au sein de cette instance sont, en effet, unis par des accords de protection spécifiques.

Après avoir présenté les axes principaux de l'accord sur l'encouragement et la protection des investissements conclu le 15 novembre 2002 à Maputo, votre rapporteur analysera la spécificité du Mozambique dans son contexte régional, et dans ses relations bilatérales avec la France.

La conclusion de cet accord est particulièrement opportune dans le cas du Mozambique, pays actuellement pauvre et dont la population, très démunie, a été, de surcroît, affectée par plusieurs catastrophes naturelles ces dernières années.

La France soutient ce pays par plusieurs dispositifs d'aide, mais les sociétés françaises y sont encore peu nombreuses, alors que le développement d'industries de base et d'infrastructures offre de nombreuses potentialités.

I. UN ACCORD AUX DISPOSITIONS CLASSIQUES

Les accords de protection des investissements reprennent, pour la plupart, des clauses-types du droit international, éventuellement adaptées au contexte local du partenaire. Leur but est d'apporter une protection contre les risques politiques découlant d'une éventuelle dégradation de la situation intérieure des pays où travaillent nos opérateurs économiques. Ils ont l'avantage d'instaurer un cadre clair et normalisé, supérieur dans la majorité des cas aux dispositions de la législation du pays intéressé.

Le présent texte définit , tout d'abord, les notions d'investissement, de société, de revenu, ainsi que sa zone géographique d'application , qui recouvre le territoire national, ainsi que la zone économique maritime (article 1 er ).

Le principe de l'encouragement des investissements réciproques y est posé, ainsi que le traitement équitable de ceux-ci (articles 2 et 3). Ces investissements bénéficient d'un traitement de même nature que celui réservé aux investissements nationaux, ou que celui réservé à ceux de la nation la plus favorisée, si elle est plus avantageuse (article 4).

Une éventuelle expropriation est limitée à une cause d'utilité publique, et doit être compensée par le versement d'une « indemnité prompte et adéquate ».

Les pertes résultant « d'une guerre ou de tout autre conflit armé, révolution, état d'urgence national ou révolte » doivent être traitées de la même façon que si elles affectaient une société nationale (article 5).

Les revenus et intérêts découlant de l'activité économique ou de sa cession sont librement transférables (article 6) .

Les différends éventuels pouvant survenir entre un investisseur et un Etat contractant sont soumis , faute d'accord amiable, à l'arbitrage du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) (articles 7 à 10). Ce centre a été créé en 1965 par une convention conclue à Washington sous l'égide de la Banque Mondiale.

Enfin, l'entrée en vigueur de l'accord est effective un mois après la notification à l'autre Partie de l'accomplissement des procédures internes requises (à ce jour, le Mozambique n'a pas encore ratifié l'accord).

Ce texte, conclu pour une durée initiale de quinze ans, est renouvelable par tacite reconduction . Sa dénonciation éventuelle s'opère par voie diplomatique, et devient effective au terme d'un préavis d'un an. Cependant, en ce cas, les investissements effectués durant son application continuent de bénéficier de ses dispositions durant dix ans (article 11).

Un protocole joint à l'accord proprement dit précise les notions d'entraves de fait et de droit au traitement équitable des investissements. Il prévoit que les deux pays examinent « avec bienveillance » les demandes d'entrée et d'autorisation de séjour liées à un investissement réalisé sur leur territoire respectif.

Enfin, il dispose que les « incitations spéciales » accordées par le Mozambique à ses nationaux pour le développement des PME du pays ne sont pas prohibées par le présent accord.

II. LA FRANCE SOUTIENT ACTIVEMENT LE MOZAMBIQUE DANS SES EFFORTS DE DÉVELOPPEMENT, MAIS DOIT Y RENFORCER SA PRÉSENCE ÉCONOMIQUE

Ancienne colonie portugaise, le Mozambique a accédé à l'indépendance en 1975 . Cependant, comme en Angola, autre colonie portugaise sub-saharienne, cette indépendance a été suivie d'une guerre civile qui a opposé la RENAMO (Résistance nationale mozambicaine), animée essentiellement par des paysans, et le FRELIMO (Front de libération du Mozambique), d'inspiration urbaine et marxiste.

La réconciliation nationale, menée sous l'impulsion du Président Joachim Chissano, a permis la stabilisation politique et la croissance économique qui a atteint près de 10 % en 2003, mais qui reste insuffisante au regard des besoins.

Les dix-huit millions d'habitants du pays, inégalement répartis sur 800.000 km 2 , ont été durement affectés par les inondations successives intervenues en 1999 puis 2000, ainsi que par un cyclone qui, en mars 2003, a touché le centre et le sud du pays. Cependant, le pays a pu célébrer, en octobre 2002, les dix premières années de paix depuis l'indépendance.

Si la situation géographique du Mozambique l'expose à des cyclones périodiques, son environnement politique ne comporte pas d'éléments déstabilisateurs. Le pays est frontalier, à l'Est, de l'Afrique du Sud, du Zimbabwe et de la Zambie et, au Nord, de la Tanzanie. Sa large façade côtière orientale fait face à Madagascar.

L'agriculture, qui dégage 22 % du PNB, permet de subvenir aux besoins de 80 % de la population . Ce sont les provinces du sud qui sont déficitaires, faute d'infrastructures de transport adaptées pour recevoir, à des coûts raisonnables, les excédents produits par le Nord.

Les cultures d'exportation portent sur la noix de cajou, la canne à sucre, le thé et le coton, mais sont peu productives. Cependant, les turbulences politiques qui affectent le Zimbabwe voisin conduisent de nombreux fermiers blancs expropriés à s'installer au Mozambique, ce qui constitue un facteur de dynamisme pour le secteur agricole. Les ressources de la pêche et de l'aquaculture contribuent, elles aussi, aux exportations.

L'industrie possède de nombreux atouts, qui sont progressivement mis en valeur dans les domaines du charbon, du gaz naturel et de l'hydroélectricité.

Ainsi, la fonderie d'aluminium localisée à Mozal a requis des investissements à hauteur de 1,3 milliard de dollars, essentiellement sud-africains, mais auxquels a également concouru la société française Péchiney.

Ce projet, entrepris en 2000, a permis de produire 2 500 000 tonnes d'aluminium en 2001, et son extension, grâce à 800 millions de dollars d'investissements supplémentaires, permettra le doublement de cette production en 2004.

Un gazoduc de 860 km est également en cours de construction et reliera le Mozambique et l'Afrique du Sud à la fin de 2004. Les 600 millions de dollars d'investissements requis sont mobilisés par un consortium associant des capitaux américains, sud-africains et émiratis.

Deux projets d'exploitation de « sables lourds », permettant l'extraction de titane et de fer, notamment, associent des capitaux australiens et sud-africains.

Un programme de privatisation a été récemment entrepris pour améliorer la compétitivité des entreprises, et stimuler les investissements étrangers nécessités par ces nombreux projets.

C'est dans cette perspective que le présent accord semble particulièrement opportun, car la France a une bonne image au Mozambique, et les décideurs de ce pays souhaitent diversifier les investissements étrangers. Ceux-ci proviennent en effet aujourd'hui, pour l'essentiel, d'Afrique du Sud, pour l'industrie, ou du Portugal, pour le secteur bancaire. Il convient de faire valoir nos atouts spécifiques dans le domaine de la gestion de l'eau, par exemple, comme s'y emploie déjà la société SAUR, filiale de Bouygues.

Il faut relever que notre présence économique n'est pas encore à la hauteur des bonnes relations politiques qui unissent les deux pays , et qui se sont notamment traduites par la présence du Mozambique aux sommets Afrique-France, et par le déplacement du Président Chirac à Maputo, en juin 1998.

La France apporte un soutien important au développement du Mozambique depuis 1996, date à laquelle ce pays a été intégré dans le « champ » de notre coopération. Cette aide transite par le Fonds de solidarité prioritaire, l'Agence française de développement, et sa filiale pour les investissements privés, Proparco. Cet appui se traduit par un soutien à de nombreux projets « structurants », comme la rénovation et l'extension du réseau de télécommunications, l'amélioration de l'interconnexion électrique régionale du barrage de Cahora Bassa ou l'avancement des projets de desserte sroutière et ferroviaire des zones les plus enclavées (Corridor de Nacaba, au Nord-Ouest, liaison de la capitale, Maputo, située à l'extrême sud du pays, avec les centres économiques, dont le port de Beira).

Le premier contrat de désendettement-développement élaboré par la France a été signé en 2002 avec le Mozambique , pour un montant de 29 millions d'euros, avec comme points d'affectation prioritaire l'appui à l'édification d'un réseau de santé primaire, et la lutte contre le Sida. Trois millions d'euros annuels sont spécifiquement affectés à cette action.

La France, forte de ces différents atouts, peut renforcer sensiblement sa présence économique au Mozambique. Les échanges commerciaux entre les deux pays sont, pour l'instant, composés d'importations d'aluminium mozambicain, et d'exportations de biens d'équipement français, avec un déficit au détriment de notre pays.

La conclusion du présent accord confortera les intérêts français, originaires tant de métropole que de la Réunion, qui souhaitent s'investir plus fortement dans ce pays aux nombreuses potentialités.

CONCLUSION

Le Mozambique constitue un exemple typique d'un pays, certes encore fragile économiquement, mais dont les nombreuses ressources minières et hydrauliques offrent de fortes possibilités d'investissements que notre pays a, jusqu'ici, peu considérées.

Le renforcement de notre présence économique répondrait aux liens politiques bilatéraux qui se sont tissés entre les deux pays depuis une dizaine d'années.

Le présent accord ne peut que faciliter cette plus grande implication, qui serait mutuellement souhaitable.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné les rapports autorisant l'approbation des accords d'encouragement et de protection des investissements conclus entre la France et le Mozambique, l'Ouganda et la Zambie, lors de sa séance du 3 mars 2004.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Xavier de Villepin s'est interrogé sur les critères, ou conditions d'inscription d'un pays à notre zone de solidarité prioritaire, estimant, par exemple, que bien des différences séparaient le Mozambique de l'Ouganda sur le plan intérieur ou celui de leur action régionale.

M. Robert Del Picchia, vice-président, a estimé que ces accords, comme l'inscription sur la ZSP, constituaient un pari politique visant, notamment dans le cas de l'Ouganda, à appuyer une stabilisation de la région des Grands Lacs.

M. André Boyer a souhaité connaître le rôle joué par les églises presbytériennes en Ouganda ; il a en effet rappelé leur forte influence au Sud-Soudan, et l'extension de leur implantation sur l'ensemble du continent africain.

M. Jean-Pierre Plancade a souligné que la zone de solidarité prioritaire devait être considérée plus comme un instrument politique que comme un outil économique, notamment du fait que cette zone s'était considérablement étendue, alors que les crédits qui lui étaient affectés demeuraient constants.

En réponse, M. André Rouvière, rapporteur, a estimé que les accords de protection et d'encouragement des investissements, que la France s'attache à conclure avec un nombre croissant de partenaires, s'appuyaient sur l'idée que les investisseurs français devaient pouvoir, dans un cadre juridique clair et normalisé, profiter des potentialités offertes par des économies émergentes. Il a précisé, en réponse à M. André Boyer, que les influences à l'oeuvre en Ouganda et au Soudan relevaient autant de logiques ethniques ou d'intérêts particuliers que de l'emprise religieuse.

Puis la commission a adopté l'ensemble des projets de loi.

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Mozambique sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole), signé à Maputo le 15 novembre 2002, et dont le texte est annexé à la présente loi. 1 ( * )

ANNEXE -
ÉTUDE D'IMPACT2 ( * )

I - Etat du droit et situation de fait existant et leurs insuffisances :

Les entreprises qui investissent dans un pays étranger, outre les risques économiques encourus pour toute opération d'investissement, s'exposent à des risques de nature spécifiquement politique: nationalisation, traitement discriminatoire, par exemple pour l'accès à des infrastructures ou à des matières premières, limitation à la possibilité de rapatrier en France les revenus retirés de l'investissement réalisé.

En l'absence d'un cadre multilatéral de protection des investissements internationaux, la protection juridique des investisseurs français à l'étranger, hors de la zone de l'OCDE, ne repose souvent que sur des accords bilatéraux de ce type, les législations des Etats d'accueil n'étant pas toujours suffisamment protectrices et étant, en tout état de cause, susceptibles de modifications à tout moment.

II - Bénéfices escomptés en matière :

* d'emploi :

Impossible à quantifier, mais l'accord devrait pouvoir inciter les opérateurs économiques français à investir et à exporter dans ce pays appauvri par de longues années de guerres coloniale et civile, mais qui dispose cependant de quelques ressources naturelles exportables et d'énergie électrique à bon marché. Il devrait donc, à terme, en résulter une consolidation de l'emploi dans les industries d'équipement.

* d'intérêt général :

Les accords de ce type sont de nature à modifier la perception du risque des investisseurs français et, donc, à développer les investissements français dans ce pays au potentiel non négligeable. Il pourrait en résulter une amélioration de la croissance de cet Etat qui fait partie des pays les moins avancés (PMA).

* d'implications financières :

L'accord permettra à l'Etat, conformément à l'article 26 de la loi de finances rectificative n° 71-1025 du 24 décembre 1971, d'accorder par l'intermédiaire de la COFACE, des garanties aux investisseurs français pour leurs opérations au Mozambique.

* de simplification des formalités administratives :

Néant.

* de complexité de l'ordonnancement juridique :

L'introduction de cet instrument juridique dans notre ordre interne facilitera le règlement d'éventuels contentieux par la voie d'arbitrage et, en cela, ne peut être considéré comme renforçant la complexité de l'ordonnancement juridique.

* 1 Voir le texte annexé au document Sénat n° 102 (2003-2004).

* 2 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.

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