Article 8 -

Licences obligatoires en cas de dépendance d'une obtention végétale à l'égard d'un brevet

L'article 8 prévoit d'insérer dans le code, après son article L. 613-15 relatif aux licences de dépendance, un article nouveau, L. 613-15-1 qui rend possible l'octroi de licences obligatoires en cas de dépendance d'une obtention végétale à l'égard d'un brevet.

Cet article transpose très fidèlement les paragraphes 1 et 3 de l'article 12 de la directive communautaire. Il dispose ainsi que peut être demandée, si l'obtention ou l'exploitation d'un droit sur une variété végétale est empêchée par un brevet, la concession d'une licence de ce brevet à deux conditions cumulatives :

- « dans la mesure où cette licence est nécessaire pour l'exploitation de la variété végétale à protéger » ;

- « pour autant que la variété constitue à l'égard de ce brevet un progrès technique important et présente un intérêt économique certain. »

Cet article envisage donc le cas où l'obtention d'un droit sur une variété végétale peut porter atteinte à un brevet antérieur : il s'agit ici d'une variété dont la protection par COV est demandée et qui inclut un gène déjà protégé par brevet. Il est évident que, dans un tel cas classique de dépendance, une licence doit être demandée : en effet, le droit sur une variété permet à son détenteur d'engager l'exploitation commerciale de cette variété, ce qui implique nécessairement d'obtenir une licence du détenteur du brevet couvrant le gène qui est inclus dans la nouvelle variété à protéger. En revanche, cet article ne vise pas le cas où la nouvelle variété pour laquelle est revendiqué le COV n'inclut plus le gène de la variété transgénique à partir de laquelle elle a toutefois été élaborée initialement, ce cas ne nécessitant pas de licence.

Comme la rédaction proposée par le projet de loi laisse croire qu'un brevet est susceptible de faire obstacle à l'obtention d'un droit sur une variété végétale, votre rapporteur propose de l'améliorer. Il est clair, en effet, que l'octroi d'un tel droit ne pourra jamais être conditionné qu'à la satisfaction des trois critères habituels (distinction, homogénéité et stabilité de la variété). Jamais un brevet ne pourrait « faire obstacle » à l'octroi de ce droit.

L'amendement proposé présente une nouvelle formulation, directement inspirée de l'article 12 de la directive communautaire, afin de viser clairement le cas où l'obtention d'un droit sur une variété peut porter atteinte à un brevet antérieur. Ce cas correspond à la demande de protection d'une variété incluant un gène protégé.

De même, et de façon encore plus évidente, l'exploitation d'un droit sur une variété végétale incluant un gène breveté justifie l'octroi d'une licence.

Toutefois, dans les deux cas (obtention d'un droit ou exploitation de celui-ci), le demandeur n'est fondé à demander une licence obligatoire que si la variété à protéger présente, par rapport au brevet, un progrès technique important et un intérêt économique « certain ». A ce propos, un amendement, purement rédactionnel, est proposé par votre rapporteur, afin de tenir compte du fait que le progrès technique et l'intérêt économique ne sauraient s'apprécier entre un titre de propriété, le brevet, et une variété végétale. Ils ne peuvent s'apprécier qu'entre l'invention, protégée par ledit brevet, et cette variété.

La souplesse du terme retenu en droit national - intérêt économique « certain » - pourrait utilement contribuer à faciliter l'octroi de licences obligatoires de dépendance et, ainsi, à éviter un engorgement du fait du nombre de titres de propriété intellectuelle et des chevauchements entre eux. Toutefois que le texte communautaire, directement inspiré des accords ADPIC 67 ( * ) de l'Organisation mondiale du commerce, exige que l'intérêt économique soit « considérable ». Une exacte conformité à la directive impose de rétablir l'adjectif « considérable ». Votre rapporteur vous propose un amendement en ce sens.

Il n'ignore pas que ce souci de fidélité à la directive conduit à restreindre le champ d'octroi des licences obligatoires. En effet, l'amélioration variétale relève rarement d'un « progrès technique important d'un intérêt économique considérable » . C'est pourquoi il plaide à nouveau pour l'introduction de l'exception du sélectionneur qui rendra moins nécessaire le recours aux licences au stade pré-commercial, ceci contrebalançant la plus grande sévérité dans l'octroi de licences obligatoires.

Par ailleurs, la portée pratique du « resserrement » des conditions d'octroi des licences obligatoires pourrait être mineure, dans la mesure où les juristes auditionnés par votre rapporteur lui ont fait part de la grande rareté du recours aux licences obligatoires.

Le deuxième alinéa de l'article L. 613-15-1 prévoit que, dans le cas où une telle licence est accordée, le titulaire du brevet est en droit d'obtenir lui aussi du tribunal, « à des conditions équitables » -que la directive préfère qualifier de « raisonnables » -, la concession d'une licence réciproque pour utiliser la variété protégée : ainsi, des licences croisées doivent permettre de rendre harmonieuse la coexistence des deux systèmes concurrents de protection végétale que constitueront désormais le brevet et le certificat d'obtention végétale (COV) et de fluidifier l'exploitation des innovations soumises à des régimes différents de protection de la propriété intellectuelle.

Enfin, le dernier alinéa de l'article confirme que restent applicables aux cas de dépendance entre brevet et COV les dispositions classiques en matière de licences obligatoires, contenues aux articles L. 613-12 (qui impose notamment de prouver l'impossibilité d'obtenir préalablement du détenteur du brevet une licence contractuelle et qui prévoit que la licence obligatoire donne lieu à redevances), L. 613-13 (caractère non exclusif de la licence obligatoire), et L. 613-14 (retrait de licence en cas de violation des conditions de son octroi).

Votre rapporteur vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

* 67 Article 31 l)i).

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