N° 67

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 17 novembre 2004

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur la proposition de loi, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, portant diverses dispositions relatives au sport professionnel ,

Par M. Jean-François HUMBERT,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Valade, président ; MM. Ambroise Dupont, Jacques Legendre, Serge Lagauche, Jean-Léonce Dupont, Ivan Renar, Michel Thiollière, vice-présidents ; MM. Alain Dufaut, Philippe Nachbar, Pierre Martin, David Assouline, Jean-Marc Todeschini, secrétaires ; M. Jean-Pierre Bel, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Jean-Marie Bockel, Yannick Bodin, Pierre Bordier, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Jean-Pierre Chauveau, Gérard Collomb, Yves Dauge, Mme Annie David, MM. Christian Demuynck, Denis Detcheverry, Mme Muguette Dini, MM. Alain Dufaut, Louis Duvernois, Jean-Paul Emin, Hubert Falco, Mme Françoise Férat, MM. Bernard Fournier, Jean-François Humbert, Mme Christiane Hummel, MM. Soibahaddine Ibrahim, Pierre Laffitte, Alain Journet, André Labarrère, Philippe Labeyrie, Mme Lucienne Malovry, MM. Jean Louis Masson, Jean-Luc Mélenchon, Mme Colette Melot, MM.Jean-Luc Miraux, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Bernard Murat, Mme Monique Papon, MM. Jean-François Picheral, Jack Ralite, Philippe Richert, René-Pierre Signé, Mme Catherine Troendle, MM. André Vallet, Marcel Vidal, Jean-François Voguet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 1758 , 1831 et T.A. 339

Sénat : 29 (2004-2005)

Sports.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le texte dont nous sommes saisis est issu d'une proposition de loi, portant diverses dispositions relatives au sport professionnel , déposée à l'Assemblée nationale le 21 juillet 2004 par MM. Édouard Landrin et Jean-Marie Geveaux, députés.

Ses dispositions s'inscrivent dans le droit fil des recommandations formulées par le « comité de suivi des réformes à mettre en oeuvre pour renforcer la compétitivité et l'attractivité des clubs professionnels français », mis en place dans le prolongement du rapport de M. Jean-Pierre Denis, inspecteur des finances, à qui avait été confié une mission d'analyse de certains aspects du sport professionnel en France.

Adopté à l'Assemblée nationale le 14 octobre dernier et transmis au Sénat le 19 octobre, le présent texte se compose de six articles qui portent respectivement sur :

• la reconnaissance d'une rémunération du droit à l'image dans les sports collectifs ;

• la sécurisation de la situation de travail des sportifs sélectionnés en Equipes de France ;

• la suppression du versement de 1 % sur les contrats de travail à durée déterminée ;

• la levée de l'interdiction absolue de la multipropriété des sociétés sportives ;

• la participation des sociétés sportives au fonctionnement des fédérations.

Ces dispositions résultent notamment des réflexions menées au sein des groupes de travail des Etats généraux du Sport et concrétisent les engagements pris, lors de leur conclusion, le 8 décembre 2002, par le ministre chargé des sports, en particulier sur certains aspects du sport professionnel.

Votre commission est très attentive aux préoccupations du monde sportif. Elle a d'ailleurs organisé au mois de mars 2004 un colloque consacré aux relations entre le sport, l'argent et les médias.

Elle approuve les dispositions proposées qui devraient permettre d'améliorer la compétitivité de nos clubs sur la scène européenne et donc de conserver nos meilleurs talents.

Elle considère cependant que ce texte n'est qu'une première avancée, nécessaire, mais pas suffisante, sur la voie d'une véritable refonte de la régulation sportive.

Elle appelle notamment de ses voeux une réforme permettant de moraliser et de mieux contrôler la profession d'agent de joueurs.

A. UN ENVIRONNEMENT RENOUVELÉ POUR LE SPORT PROFESSIONNEL

En une vingtaine d'années, l'environnement dans lequel évoluent les sportifs professionnels a connu des transformations majeures, sous la double impulsion de la forte progression des produits de la commercialisation des droits TV et de l'émergence d'un marché sportif européen unique.

Les incidences, tant financières que sportives, ne peuvent être ignorées et nécessitent des adaptations législatives et réglementaires, si l'on veut, d'une part, préserver la compétitivité des clubs sportifs français et, d'autre part, garantir la spécificité fondamentale du droit applicable en France aux activités physiques et sportives, basée sur la solidarité entre sport amateur et sport professionnel.

1. Une situation « explosive » entre le sport et les médias

Lors d'un colloque intitulé « Sports, argent, médias », organisé par la commission des affaires culturelles du Sénat en mars dernier, M. Wladimir Andreff, professeur en sciences économiques à Paris I, qualifiait d'explosif le nouveau rapport qui liait les médias au monde du sport professionnel.

Si , en effet, avec un peu plus de 600 millions d'euros, la contribution des médias au financement du sport en France reste relativement minime par rapport à celle des ménages et des personnes publiques, puisqu'elle ne représente que 2,6 % de la dépense intérieure sportive globale, qui est de l'ordre de 25 milliards d'euros par an, en revanche, pour le sport professionnel, la situation est différente.

Selon M. Wladimir Andreff, en dépit du fait que les recettes télévisuelles soient focalisées sur quelques clubs, les médias, et la télévision en particulier, sont devenus la première source de revenus de certains clubs sportifs professionnels , ceci devant les spectateurs et devant les sponsors, alors qu'il y a vingt ans, la situation était inverse : les médias ne représentaient que 1 ou 2 % du financement total du sport professionnel.

A titre d'exemple, aujourd'hui, le produit des retransmissions télévisées représente plus de 40 % du financement du football professionnel.

Comme le faisait remarquer M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, lors de ce colloque, « la médiatisation croissante des sports professionnels, avec les conséquences financières que cela entraîne, impose une rénovation de certains aspects de la politique des sports ».

C'est notamment l'objet du texte examiné, dont l'une des dispositions majeures, à savoir la reconnaissance d'un droit à l'image collectif, vise à garantir aux sportifs évoluant au sein des équipes engagées dans les compétitions, tant nationales qu'internationales, une part légitime des revenus engendrés par l'exploitation médiatique de l'image de l'équipe.

2. L'émergence d'un marché européen du sport professionnel

L'application au domaine sportif d'un certain nombre de règles issues du droit européen, notamment le principe de libre circulation des personnes, consacré en 1995 dans la décision de la Cour européenne de justice (CEJ) sur le cas de M. Jean-Marc Bosman, -qui a annulé les dispositions du règlement de l'Union européenne de football (UEFA) imposant des quotas de nationalité au sein des clubs- a abouti à mettre les clubs sportifs européens en concurrence sur un grand marché unique.

Ce marché des sportifs professionnels est extrêmement fluide, puisque, d'un point de vue technique, le sportif professionnel, bénéficiant de contrats à durée déterminée d'usage et d'un marché structuré des transferts, peut s'expatrier beaucoup plus facilement qu'un salarié classique.

Il en résulte, selon M. Jean-Pierre Denis 1 ( * ) , des distorsions de concurrence importantes, en défaveur des clubs français : « dans ce contexte, le fossé se creuse progressivement entre les clubs français à vocation européenne et leurs grands concurrents étrangers qui, non seulement ont souvent un poids économique supérieur, mais supportent des charges sociales et fiscales moindres . »

En effet, dans ces conditions, les clubs des grands pays ayant les conditions financières d'emploi les plus favorables ont recruté les meilleurs joueurs.

Or, pour offrir le même salaire net après impôt à un sportif, un club français doit dépenser jusqu'à 60 % de plus que ses principaux concurrents anglais, espagnols ou italiens.

Cette situation a engendré une fuite des talents, qui explique qu'il reste exceptionnel que les clubs professionnels français puissent se hisser au niveau des équipes nationales lors des compétitions internationales.

Ainsi, d'après les informations fournies par la Ligue professionnelle de football, aucun club de foot français n'avait pu participer aux quarts de finale de la Ligue des Champions des cinq éditions ayant précédé la finale de Monaco.

En basket, aucun club français n'a participé aux demi-finales de la compétition européenne au cours des sept dernières éditions.

Les meilleurs basketteurs et handballeurs français ainsi que certains rugbymen et volleyeurs évoluent eux aussi à l'étranger.

3. Un processus en cours de modernisation du droit applicable au sport

Les dispositions du présent texte tendant, d'une part, à supprimer le versement de 1 % sur les contrats de travail à durée déterminée et, d'autre part, à instituer une rémunération du droit à l'image dans les sports collectifs, s'inscrivent dans un mouvement législatif et réglementaire plus large, qui vise à renforcer la compétitivité des clubs français dans ce contexte européen.

Le présent texte constitue une nouvelle étape dans cette voie, après les premiers aménagements apportés par la loi du 1 er août 2003 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives.

Cette dernière a autorisé, d'une part, les clubs sportifs professionnels à acquérir auprès de l'association support la propriété de leurs dénominations, marques et signes distinctifs qui, à travers le marchandisage, sont une source croissante de financements et d'autre part, les fédérations sportives à céder gratuitement aux clubs professionnels la propriété de tout ou partie des droits d'exploitation audiovisuelle des compétitions organisées par la Ligue professionnelle auxquelles ils participent.

Tendant à amplifier le mouvement d'allègement des charges et de diversification des sources de revenus des clubs, les dispositions du présent texte s'inscrivent, par conséquent, dans un processus plus large de modernisation du droit applicable au sport professionnel.

Cette nécessaire modernisation s'insère, néanmoins, dans un cadre législatif et réglementaire spécifique, basé en France sur le principe de solidarité entre sport amateur et sport professionnel.

* 1 Voir le rapport précité sur « certains aspects du sport professionnel en France ».

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