ARTICLE 23

Extension du champ de compétence des commissions départementales des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires et aménagement des modalités de saisine

Commentaire : le présent article vise à étendre le champ de compétence des commissions départementales des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires à des sujets nouveaux, ainsi qu'à reconnaître la possibilité d'examiner les questions de fait lorsqu'elles concourent à la qualification juridique des faits. Il est par ailleurs proposé des aménagements des modalités de saisine relatives à la compétence territoriale de ces commissions.

I. LE DROIT EXISTANT

Les commissions départementales des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires (CDIDTCA) interviennent dans l'hypothèse de litiges à un stade préjuridictionnel dans certains cas de redressements fiscaux après un contrôle fiscal externe, conformément aux dispositions de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales (LPF) 68 ( * ) .

En 2003, 5.100 dossiers ont été traités par les CDIDTCA, représentant 10 % de l'ensemble des contrôles fiscaux concernés. Bien que l'administration ne soit pas tenue de suivre l'avis de la CDIDTCA, elle procède en ce sens dans 95 % des cas.

Le conseil des impôts a souligné l'originalité de ces commissions, formées paritairement de représentants de l'administration et des contribuables et présidées par un membre du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel, dans son rapport pour l'année 2002 :

« Elles sont les seules aujourd'hui à associer magistrats, représentants de l'administration et représentants des contribuables » 69 ( * ) .

La compétence des CDIDTCA est limitée aux questions de fait (par exemple, l'évaluation de valeurs et de montants, l'importance d'une provision ou le caractère probant d'une comptabilité), ainsi que l'a précisé le Conseil d'Etat, concernant des matières limitativement énumérées à l'article L. 59 A du LPF :

« La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient :

« 1° Lorsque le désaccord porte soit sur le montant du bénéfice industriel et commercial, du bénéfice non commercial, du bénéfice agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition , soit sur la valeur vénale des immeubles, des fonds de commerce, des parts d'intérêts, des actions ou des parts de sociétés immobilières servant de base à la taxe sur la valeur ajoutée , en application de l'article 257 (6° et 7°-1) du code général des impôts ;

« 2° Lorsqu'il s'agit de différends portant sur l'application du 1° du 1 de l'article 39 et d de l'article 111 du code général des impôts relatifs aux rémunérations non déductibles pour la détermination du bénéfice des entreprises industrielles ou commerciales , ou du 5 de l'article 39 du même code relatif aux dépenses que ces mêmes entreprises doivent mentionner sur le relevé prévu à l'article 54 quater du code précité ».

S'agissant de la compétence territoriale , la CDIDTCA compétente est en principe celle du département où se trouve le lieu d'imposition. Le deuxième alinéa de l'article 1651 F du code général des impôts (CGI) prévoit toutefois une possibilité de délocaliser les procédures, en cas d'intervention de la CDIDTCA pour des impositions d'office, afin notamment d'éviter que ne siègent dans la CDIDTCA des personnes ayant des liens personnels avec le contribuable concerné :

« Pour des motifs tirés de la protection de sa vie privée, le contribuable peut demander la saisine de la commission d'un autre département. Ce département est choisi par le président du tribunal administratif dans le ressort de ce tribunal ou, s'il s'agit d'un département d'outre-mer, par le président de la cour administrative d'appel de Paris dans le ressort de cette cour ».

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Dans la continuité des préconisations formulées tant par le conseil des impôts que par notre collègue député Jean-Yves Cousin dans son rapport d'information de septembre 2003 sur les relations entre l'administration fiscale et les contribuables 70 ( * ) , le présent article vise à étendre les compétences des CDIDTCA et à aménager la procédure applicable .

Le III du présent article précise que les dispositions prévues au présent article « sont applicables aux propositions de rectification adressées à compter du 1 er janvier 2005 », et non à l'ensemble des litiges en cours à cette date, ce qui permet d'éviter tout effet rétroactif.

Le I du présent article étend la compétence des CDIDTCA, en procédant à une nouvelle rédaction de l'article L. 59-A du LPF.

D'une part, dans le I de la nouvelle rédaction proposée pour l'article L. 59-A du LPF, il est envisagé, outre des aménagements rédactionnels 71 ( * ) , d'étendre le champ de compétence de la CDIDTCA à des sujets nouveaux. Il est envisagé, au 2° du I de l'article L. 59 A du LPF, que les CDIDTCA deviennent également compétentes « sur les conditions d'application des régimes d'exonération ou d'allégements fiscaux en faveur des entreprises nouvelles , à l'exception de la qualification des dépenses de recherche mentionnées au II de l'article 244 quater B du code général des impôts 72 ( * ) ».

D'autre part, au II de l'article L. 59 A du LPF également proposé par le I du présent article, il est reconnu la possibilité pour les CDIDTCA d' examiner les questions de fait qui concourent à la qualification juridique des opérations , en énumérant ensuite certains matières où la CDIDTCA se voit reconnaître explicitement un pouvoir de qualification juridique des faits :

« (...) la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut, sans trancher une question de droit, se prononcer sur les faits susceptibles d'être pris en compte pour l'examen de cette question de droit.

« Par dérogation aux dispositions du précédent alinéa, la commission peut se prononcer sur le caractère anormal d'un acte de gestion, sur le principe et le montant des amortissements et des provisions ainsi que sur le caractère de charges déductibles des travaux immobiliers ».

Le II du présent article opère diverses modifications du CGI. Le 1° du II du présent article procède à une coordination rédactionnelle et le 2° du II supprime le second alinéa de l'article 1651 F, dont les dispositions sont reprises et étendues à l'article 1651 G du CGI que propose de créer le 3° du II du présent article.

L'article 1651 G du CGI clarifie et étend les possibilités de délocaliser les procédures .

Le premier alinéa de l'article 1651 G du CGI reprend, en l'aménageant 73 ( * ) , la possibilité d'opérer une délocalisation à la demande du contribuable.

Les deuxième et troisième alinéas proposés à l'article 1651 G du CGI visent, en vue de faciliter le règlement global du litige, à simplifier les conditions de saisine de la CDIDTCA en cas de dossiers connexes , en prévoyant, d'une part, la possibilité de saisir la CDIDTCA compétente pour la société mère dans le cas du contrôle de sociétés appartenant à un groupe et, d'autre part, celle de saisir la CDIDTCA compétente pour l'entreprise opérant des versements dans le cas d'un contrôle qui porte sur la fraction des rémunérations non déductibles du bénéfice net imposable, en application des dispositions du 1° du I de l'article 39 du CGI 74 ( * ) :

« Lorsque des rehaussements fondés sur les mêmes motifs sont notifiés à des sociétés membres d'un groupe au sens de l'article 223 A, les contribuables peuvent demander la saisine de la commission départementale compétente pour la société mère.

« Les contribuables dont les bases d'imposition ont été rehaussées en vertu du d de l'article 111 75 ( * ) peuvent demander la saisine de la commission départementale compétente pour l'entreprise versante ».

L'Assemblée nationale a adopté le présent article sans modification.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur général se félicite que soit confortée la mission des CDIDTCA dans leur rôle préjuridictionnel de conciliation entre les contribuables et l'administration fiscale, en cas de redressements fiscaux . Les CDIDTCA apportent des garanties essentielles pour les droits des contribuables.

La réforme proposée s'inscrit dans le cadre du respect des engagements pris devant le Sénat par M. Alain Lambert, alors ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, lors de l'examen des articles de la première partie du projet de loi de finances initiale pour 2004 .

A l'occasion de l'examen d'un amendement de notre collègue Denis Badré et des membres du groupe de l'Union centriste au projet de loi de finances pour 2004, tendant à étendre aux questions de droit la compétence des CDIDTCA, M. Alain Lambert s'était engagé, au nom du gouvernement, à effectuer des propositions de réforme d'ici la fin de l'année 2004 76 ( * ) :

« Cela étant, dans la pratique, ces commissions sont conduites à porter une appréciation sur des questions qui se trouvent au croisement du droit et de l'appréciation des faits ; il est bien évident que l'administration en tient compte.

« Le Gouvernement est, par ailleurs, pleinement conscient de la nécessité de renforcer l'efficacité de ces commissions pour améliorer les garanties au bénéfice du contribuable.

« Je suis en mesure de prendre devant vous l'engagement d'aboutir, au cours de l'année à venir, à des avancées concrètes dans ce domaine , se situant dans le droit-fil des propositions figurant dans le rapport du député Jean-Yves Cousin ».

Si l'extension de la compétence aux CDIDTCA aux questions de droit se heurte au fait que les CDIDTCA ne sont pas composées de magistrats professionnels, l'élargissement du champ de compétence à d'autres questions de fait, y compris si celles-ci concourent à la qualification juridique des opérations, représente un progrès notable et attendu .

S'agissant des questions de fait et de leur qualification juridique, votre rapporteur général ajoute qu'il s'agit d'une extension logique de la compétence des CDIDTCA au regard de leurs méthodes actuelles de travail : en pratique, les commissions n'hésitent déjà pas à se prononcer lorsque les questions de fait et de droit sont imbriquées, par exemple dans le cas d'un acte anormal de gestion qui est ainsi qualifié juridiquement par les commissions. Les actes anormaux de gestion figurent désormais explicitement parmi les sujets sur lesquels les CDIDTCA peuvent se prononcer.

A cet égard, il convient de rappeler que le juge n'est pas lié par la position adoptée par la CDIDTCA lorsque celle-ci a été amenée à se prononcer sur une question impliquant la qualification juridique des faits, telle que la notion d'acte anormal de gestion, et il ne saurait donc y avoir engagement de la responsabilité de l'Etat dans l'hypothèse où la position du juge ne serait pas celle de la CDIDTCA. Toutefois, la position adoptée par la CDIDTCA a pour effet de déterminer quelle partie doit apporter la charge de la preuve.

Votre rapporteur général se félicite par ailleurs de l'extension de la délocalisation des procédures.

Il reste toutefois attentif sur la nécessité d'éviter les risques d'engorgement des commissions départementales, suite à cette extension de leurs compétences, alors que dans certains départements les délais d'attente atteignent six mois.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

* 68 L'article 59 du LPF dispose que « l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis soit de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts, soit de la commission départementale de conciliation prévue à l'article 667 du même code ».

* 69 Conseil des impôts, rapport d'activité 2002, p. 231.

* 70 Assemblée nationale, rapport d'information n° 1064, XII ème législature.

* 71 Il est ainsi référence non plus au « bénéfice » mais au « résultat » (lequel peut être positif ou négatif) industriel et commercial, non commercial, agricole ou du chiffre d'affaires déterminé selon le mode réel d'imposition.

* 72 La qualification des dépenses de recherche ainsi effectuées dans le cadre du crédit impôt-recherche , visé par l'article 244 quater B du CGI, relève d'un dispositif spécifique défini à l'article L. 45 B du LPF : « La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B du code général des impôts peut, sans préjudice des pouvoirs de contrôle de l'administration des impôts qui demeure seule compétente pour l'application des procédures de rectification, être vérifiée par les agents du ministère chargé de la recherche et de la technologie ».

* 73 D'une part, il est précisé que cette demande peut intervenir « pour des motifs de confidentialité », et non plus « pour des motifs tirés de la protection de la vie privée », ce qui vise à permettre aux entreprises de bénéficier de ces dispositions . D'autre part, pour le choix du département où est délocalisée la procédure, lequel incombe toujours au président du tribunal administratif, il est prévu que, « lorsque le ressort du tribunal administratif (TA) ne comprend qu'un seul département », ce choix relève du « président de la cour administrative d'appel territorialement compétente dans le ressort de cette cour ». Dans le droit existant, cette procédure n'existe que « dans les départements d'outre-mer » où le ressort du TA ne comprend qu'un seul département. Cette modification rédactionnelle a aussi pour effet de prendre en compte le fait que, désormais, le ressort du TA de Paris ne comprend que le département de Paris et qu'il convient de permettre à un contribuable de Paris de pouvoir saisir la CDIDTCA d'un autre département.

* 74 Les dispositions du I de l'article 39 du CGI sont les suivantes : « Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais ».

* 75 Le d de l'article 111 du CGI fait référence à « la fraction des rémunérations qui n'est pas déductible » en application du 1° du I de l'article 39 du CGI, cité ci-dessus.

* 76 Sénat, compte rendu intégral des débats, séance du 25 novembre 2003.

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