B. LE SUIVI SOCIO-JUDICIAIRE : LA GARANTIE D'UN SUIVI POST-CARCÉRAL DE NATURE JUDICIAIRE

Institué par la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs, le suivi socio-judiciaire 23 ( * ) peut être prononcé par les juridictions répressives à l'encontre des personnes condamnées pour une infraction de nature sexuelle. Selon la doctrine, il présente un caractère sui generis intermédiaire entre la peine complémentaire et la mesure de sûreté.

Dans le silence de la loi, la chambre criminelle de la cour de cassation a qualifié le suivi socio-judiciaire de « peine complémentaire » et estimé, en vertu du principe de la non rétroactivité de la loi pénale, qu'il ne pouvait s'appliquer pour des faits commis avant l'entrée en vigueur de la loi 24 ( * ) .

1. Un champ d'application réservé aux infractions à caractère sexuel

- Le champ des infractions concernées

La mesure de suivi socio-judiciaire ne peut être prononcée que dans les cas prévus par la loi. Elle est encourue, d'une part, en cas de meurtre ou assassinat précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie, d'autre part, en cas d'agressions sexuelles (y compris l'exhibition sexuelle), de corruption de mineur, de diffusion de messages violents ou pornographiques ainsi que d'atteintes sexuelles sur mineur.

- La teneur des obligations

Le suivi socio-judiciaire consiste à soumettre le condamné, sous le contrôle du juge de l'application des peines, pendant une durée fixée par la juridiction de jugement, à des mesures d'assistance et de surveillance destinées en principe à prévenir la récidive. Cette durée ne peut excéder dix ans en matière correctionnelle et 20 ans en matière criminelle. La loi du 9 mars 2004 a néanmoins fixé cette durée à trente ans lorsqu'il s'agit d'un crime puni de trente ans de réclusion criminelle. Elle a également permis à la cour d'assises de ne pas fixer de limite à la durée du suivi socio-judiciaire s'il s'agit d'un crime puni de la réclusion criminelle à perpétuité.

Si la mesure de suivi est prononcée en même temps qu'une peine privative de liberté, cette durée ne commencera à courir qu'à compter de la libération du condamné.

Les obligations du suivi socio-judiciaire qui doivent en principe être initialement fixées par la juridiction de jugement 25 ( * ) renvoient, d'une part, à celles prévues pour le sursis avec mise à l'épreuve et comportent, d'autre part, des dispositions spécifiques. Le suivi socio-judiciaire peut également comprendre une injonction de soins 26 ( * ) .

Les obligations du suivi socio-judiciaire

1° Obligations et interdictions du sursis avec mise à l'épreuve

* Mesures de surveillance obligatoires

- Répondre aux convocations du juge de l'application des peines ou de l'agent de probation, les prévenir de ses déplacements ou de ses changements d'emploi ou de résidence (1°, 3°, 4° de l'article 132-44)

- Solliciter l'autorisation du juge de l'application des peines pour se rendre à l'étranger ou si le changement de résidence ou d'emploi est susceptible de faire obstacle à l'exécution des obligations de l'épreuve (5°)

- obligation de recevoir les visites de l'agent de probation et de lui communiquer toute information utile (2°)

* Obligations et interdictions facultatives

Le condamné peut aussi être soumis par la décision de condamnation ou par le juge de l'application des peines aux obligations prévues à l'article 132-45 du code pénal : il s'agit soit de démarches positives pour favoriser sa réinsertion (établir une résidence fixe, exercer une activité, suivre une formation) ou le contraindre à acquitter ses dettes, soit de certaines interdictions portant sur des activités, des déplacements ou des rencontres dangereuses.

2° Interdictions facultatives spécifiques au suivi socio-judiciaire (articles 131-36-2 du code pénal)

- interdiction de paraître dans certains lieux

- interdiction de rencontrer certaines personnes

- interdiction d'exercer une activité en contact avec les mineurs.

Le suivi socio-judiciaire comporte également des mesures d'assistance similaires à celles du SME (aide sociale et, le cas échéant, aide matérielle.

En matière correctionnelle, le suivi socio-judiciaire peut être prononcé à titre de peine principale. Le condamné est averti par le président de la juridiction, après le prononcé de la condamnation, des conséquences qu'entraînerait l'inobservation de ses obligations.

- Les sanctions

L'inobservation par le condamné des obligations liées au suivi socio-judiciaire est sanctionnée par un emprisonnement dont la durée maximale doit être initialement fixée par la juridiction de jugement et qui, en tout état de cause, ne peut dépasser trois ans en cas de délit et sept ans en cas de crime. Il appartient au juge de l'application des peines d'ordonner, en tout ou partie, l'exécution de cet emprisonnement.

2. Un bilan contrasté

Les cas d'application du suivi socio-judiciaire peuvent être très variables et concerner l'auteur d'une exhibition sexuelle condamné à titre principal à deux ans de suivi socio-judiciaire comme le responsable d'un viol suivi de meurtre condamné à trente ans de réclusion criminelle et à vingt ans de suivi socio-judiciaire.

Dès lors qu'il est prononcé en même temps qu'une peine privative de liberté, le suivi socio-judiciaire permet d'exercer un contrôle post-carcéral du condamné.

Le nombre de suivis socio-judiciaires prononcés par les juridictions demeure limité 27 ( * ) .

Le développement de cette mesure dont l'intérêt apparaît indéniable au regard de la prévention de la récidive, implique le renforcement du nombre de juges de l'application des peines et d'agents de probation, mais aussi, dans le cadre de l'injonction de soins, de médecins coordonnateurs et surtout de médecins traitants. Comme l'ont souligné les psychiatres entendus par votre rapporteur, un effort particulier de formation dans les domaines pathologiques liés à la délinquance sexuelle devrait être engagé.

* 23 Les dispositions relatives au suivi socio-judiciaire ont été codifiées aux articles 131-36-1 à 131-36-8 du code pénal, aux articles L. 3711-1 à L. 3711-5 du code de la santé publique.

* 24 Chambre criminelle de la cour de cassation, 2 septembre 2004.

* 25 Pendant la durée du suivi socio-judiciaire, le juge de l'application des peines peut modifier ou compléter ces mesures.

* 26 Sur ce point, voir le commentaire de l'articl. 14 de la proposition de loi.

* 27 Voir tableau « Nombre de suivis socio-judiciaires prononcés en 2002 et 2003 » en annexe 1.

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