TITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES
AU SUIVI SOCIO-JUDICIAIRE

Article additionnel avant l'article 13
(art. 221-9-1, 222-48-1, 227-31 du code pénal)
Extension des infractions susceptibles de faire l'objet
d'un suivi socio-judiciaire - coordinations

Cet article additionnel vise, d'une part, à élargir le champ d'application du suivi socio-judiciaire et, d'autre part, à assurer les coordinations liées à la nouvelle rédaction proposée aux articles 7 et 8 pour permettre, dans le cadre du suivi socio-judiciaire, de décider le placement sous surveillance électronique mobile.

Il convient de rappeler qu'en matière criminelle, le suivi socio-judiciaire peut être décidé dans trois hypothèses :

en vertu de l'article 221-9-1 du code pénal :

- le meurtre ou l'assassinat précédé ou accompagné d'un viol (art. 221-2 du code pénal) ;

- le meurtre ou l'assassinat précédé ou accompagné de tortures ou d'actes de barbarie (art. 221-2) ;

en application de l'article 222-48-1 du code pénal :

- pour le viol simple ou aggravé (art. 222-23 à 222-26 du code pénal).

En dehors de ces cas d'application limitativement énumérés par la loi, le suivi socio-judiciaire ne peut actuellement être prononcé pour d'autres crimes qui, sans revêtir un caractère sexuel explicite, trahissent cependant une réelle perversité. Il en est ainsi des tortures et des actes de barbarie. Alors même que les meurtres ou assassinats précédés de tortures ou d'actes de barbarie entrent dans le champ d'application du suivi socio-judiciaire, il n'y a pas lieu d'en écarter les crimes de torture et de barbarie.

Les mesures de contrôle qu'implique le suivi socio-judiciaire peuvent se justifier pour des crimes ne présentant aucun caractère sexuel.

L'article 224-48-1 du code pénal serait modifié en ce sens.

Article 13
(art. L. 3711-1, L. 3711-2, L. 3711-3
du code de la santé publique)
Participation de psychologues
au dispositif d'injonction de soins

Le présent article vise à permettre aux psychologues titulaires d'un DESS de psychologie de participer au dispositif de l'injonction de soins dans le cadre du suivi socio-judiciaire des délinquants sexuels.

Aux termes de l'article 131-36-4 du code pénal, le suivi socio-judiciaire « peut comprendre une injonction de soins ». L'injonction, prononcée en principe par la juridiction de jugement 47 ( * ) , demeure subordonnée à une expertise médicale établissant que la personne poursuivie est susceptible de faire l'objet d'un traitement 48 ( * ) .

L'injonction de soins prend tous ses effets à la libération du condamné 49 ( * ) .

Le juge de l'application des peines doit alors désigner un médecin coordonnateur sur une liste départementale de psychiatres ou de médecins ayant suivi une formation appropriée, établie par le procureur de la République (art. L. 3711-1 du code de la santé publique). Le médecin coordonnateur assume une triple fonction :

- il invite le condamné à choisir son médecin traitant ;

- il conseille le médecin traitant -considéré comme médecin référent- à la demande de celui-ci ;

- il transmet au juge de l'application des peines ou à l'agent de probation les éléments nécessaires au contrôle de l'injonction des soins.

La part des suivis socio-judiciaires assortis d'une injonction de soins n'est pas appréhendée par les statistiques du ministère de la justice. Il semble cependant qu'elle demeure faible.

En réalité le dispositif d'injonction de soins souffre d'une triple faiblesse que la mission d'information de l'Assemblée nationale a mise en évidence.

Tout d'abord, la pénurie de psychiatres dans le secteur public -quelques 800 postes vacants- explique que certains tribunaux de grande instance soient dépourvus de médecins coordonnateurs (dont le nombre total n'est d'ailleurs pas connu).

Ensuite, la prise en compte thérapeutique de la délinquance sexuelle est limitée, d'une part, par l'absence de formation des médecins psychiatres dans ce domaine et, d'autre part, par le fait que les auteurs de ces actes sont considérés, par une majorité de psychiatres, comme des « pervers » au sens clinique et à ce titre non susceptibles -à la différence des schizophrènes- d'un traitement.

Enfin, le nombre de médecins traitant apparaît insuffisant au regard des besoins.

La proposition de loi vise précisément à remédier à cette dernière difficulté en élargissant le « vivier » des responsables du traitement thérapeutique aux titulaires d'un diplôme universitaire de troisième cycle en psychologie clinique.

Ainsi le médecin coordonnateur pourrait inviter le condamné à choisir un médecin traitant ou un psychologue titulaire d'un DESS de psychologie (et en cas de désaccord, le médecin ou le psychologue serait désigné par le juge de l'application des peines après avis du médecin coordonnateur).

Le psychologue se verrait confier des missions identiques à celles actuellement dévolues au médecin traitant :

- il aurait la faculté d'obtenir du juge de l'application, par l'intermédiaire du médecin coordonnateur, des copies des pièces du dossier de la procédure -pièces de fond et expertises- (art. L. 3711-2, al. 1 er du code de la santé publique) ;

- il pourrait délivrer au condamné, à intervalles réguliers, des attestations de suivi du traitement, par lesquelles ce dernier peut justifier auprès du juge de l'application des peines du respect de l'injonction de soins (art. L. 3711-2, al. 1 er du code de la santé publique) ;

- il aurait également la possibilité d'informer directement le juge de l'application des peines ou ses délégués de l'interruption du traitement, le secret médical étant alors levé dans cette hypothèse; il pourrait en outre le prévenir, par l'intermédiaire du médecin coordonnateur, des difficultés intervenant dans l'exécution du traitement ; il pourrait enfin proposer au juge de l'application des peines d'ordonner une expertise afin de faire le point sur l'évolution de la personnalité du condamné (art. L. 3711-3 du code de la santé publique).

Par deux amendements présentés par M. Christophe Caresche et acceptés par la commission des Lois de l'Assemblée nationale, les députés ont précisé que le psychologue interviendrait dans les limites de sa compétence précisée par décret en Conseil d'Etat et que ses missions seraient fixées par un décret en Conseil d'Etat.

Votre commission approuve la possibilité de faire appel, le cas, échéant, à un psychologue.

Elle estime cependant opportun de ménager un dispositif plus souple que celui proposé par l'Assemblée nationale afin de permettre au médecin coordonnateur de désigner un psychologue soit, comme l'ont prévu les députés, à la place du médecin traitant, soit en sus de ce médecin traitant.

Il serait en effet souhaitable, à terme, de favoriser, comme l'a d'ailleurs recommandé le docteur Michel Roure lors de son audition par votre rapporteur, la constitution d'équipes pluridisciplinaires afin d'assurer la mise en oeuvre des soins.

Par ailleurs, votre commission vous propose une rédaction plus simple de cette disposition sous la forme d'un nouvel article (L. 3711-5) inséré dans le code de la santé publique.

Les conditions de diplôme -compte tenu des réformes intervenues en la matière et de la mise en place des masters professionnels- ont, en particulier, été renvoyées au décret.

Votre commission vous soumet un amendement dans ce sens et vous invite à adopter l'article 13 ainsi modifié .

Article additionnel après l'article 13
(Art. L. 3711-3 nouveau du code de la santé publique)
Prescription de certains médicaments par le médecin traitant

Cet article additionnel tend à insérer un nouvel article dans le code de la santé publique afin de prévoir la possibilité pour le médecin traitant de prescrire, sous certaines conditions, des médicaments entraînant une diminution de la libido.

Les auteurs d'infractions sexuelles condamnés à un suivi socio-judiciaire avec injonction de soins font parfois l'objet, en sus du traitement psychothérapeutique, d'un traitement hormonal consistant dans la prise régulière de médicaments -parfois présentés à tort comme des « castrateurs chimiques »- destinés à diminuer, de manière réversible, leur libido.

Ces médicaments ont toutefois, de par leur autorisation de mise sur le marché, un autre objet (le plus souvent, il s'agit de lutter contre le cancer de la prostate). Il en résulte que les médecins peuvent n'être pas couverts par leur assurance et que ces traitements ne sont pas remboursés par la sécurité sociale, ce qui constitue un frein à leur mise en oeuvre.

A l'initiative du ministère de la justice, une expérimentation a été engagée afin de permettre une autorisation de mise sur le marché pour les indications concernant les pathologies liées à la délinquance sexuelle. Cependant, la validation des résultats de cette étude devrait prendre plusieurs années.

Il paraît donc aujourd'hui opportun de légaliser ce type d'indication. Tel est l'objet du présent amendement.

Le texte proposé prévoit trois séries de garanties, en exigeant, d'une part, le consentement écrit et réitéré du patient, conformément aux recommandations du comité consultatif national d'éthique, en précisant, d'autre part, que seuls les médecins agréés à cette fin pourront prescrire ces traitements afin qu'il s'agisse de spécialistes intervenant en milieu hospitalier, et en précisant, enfin, que la liste des médicaments concernés sera fixée par arrêté du ministre de la santé.

Article 14
(chapitre II du titre XIX du livre quatrième du code de procédure pénale)
Elargissement du fichier judiciaire automatisé
des auteurs d'infractions sexuelles aux informations
relatives aux irresponsables pénaux

Cet article vise à intégrer dans le fichier national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles (FIJAIS) les informations relatives aux irresponsables pénaux quelle que soit la nature des infractions commises.

Ce fichier a été institué par la loi du 9 mars 2004. Inséré dans ce texte par le Sénat, à l'initiative de votre rapporteur, ce fichier a pour objet de prévenir le renouvellement des crimes ou délits mentionnés à l'article 706-47 du code de procédure pénale (meurtre ou assassinat de mineur précédé de viol ou de torture, viol, agressions sexuelles, certaines atteintes sexuelles) et de faciliter l'identification des auteurs de ces infractions.

A cette fin, il prévoit l'enregistrement des informations relatives à l'identité et à l'adresse (ou aux adresses successives) des délinquants sexuels. Les décisions concernant des délits punis d'une peine d'emprisonnement d'une durée égale ou inférieure à cinq ans ne sont pas mentionnées dans le fichier -sauf si cette inscription est ordonnée par décision expresse de la juridiction.

Par ailleurs, ces informations sont conservées dans le fichier pendant un délai de trente ans s'il s'agit d'un crime ou d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement ou de vingt ans dans les autres cas. Ce délai court à compter du jour où l'ensemble des décisions enregistrées ont cessé de produire tout effet.

Le fichier autorise d'ores et déjà l'enregistrement des personnes ayant fait l'objet d'une décision de non lieu, de relaxe ou d'acquittement fondée sur leur irresponsabilité pénale en raison de l'abolition de leur discernement (premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal).

Néanmoins, cet enregistrement se limite, conformément à la vocation du fichier, aux seules infractions sexuelles. Les auteurs de la proposition de loi estiment, quant à eux, qu'il convient de viser toutes les infractions commises par une personne dont le discernement a été aboli. En effet, comme le rappelait le rapporteur de la proposition de loi, M. Gérard Léonard, si les personnes dont le discernement a été partiellement « altéré » (deuxième alinéa de l'article 122-1 du code pénal) peuvent être condamnées et, à ce titre, soumises à un suivi judiciaire, il n'en est pas de même de celles dont le discernement a été, quant à lui, totalement aboli. Or, il s'agit de personnes souffrant de troubles mentaux les plus graves et dont le comportement peut être précisément le plus dangereux et le plus imprévisible. Sans doute, peuvent-elles faire l'objet d'une hospitalisation d'office mais celle-ci se limite souvent à quelques mois et se conclut par une remise en liberté sans suivi judiciaire.

Il importait dès lors pour prendre en compte le risque de récidive et prononcer les mesures adaptées, de conserver la mémoire des faits commis. La mission d'information de l'Assemblée nationale avait proposé en conséquence la création d'un « fichier national recensant les auteurs d'infractions reconnus irresponsables pénalement » en raison de l'abolition de leur discernement.

Le rapporteur de la proposition de loi a privilégié, plutôt que la création d'un nouveau fichier, l'intégration des données recensant les irresponsables pénaux dans le FIJAIS. Il suggère en conséquence de compléter l'intitulé de ce fichier (paragraphe I) ainsi que son objet qui serait étendu à la conservation « des informations relatives aux infractions commises par les personnes déclarées pénalement irresponsables » (paragraphe II).

Les critères d'enregistrement des décisions relatives aux irresponsables pénaux seraient élargis au regard des conditions actuellement exigées pour l'inscription dans le FIJAIS :

- d'une part, les décisions de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement fondées sur l'irresponsabilité pénale du prévenu pourraient être inscrites « quelle soit la nature des infractions commises » ;

- d'autre part, ces décisions seraient enregistrées dans le fichier même si elles concernent des délits punis d'une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans (paragraphe III).

Ce dispositif soulève certaines objections.

En premier lieu, il affecte la spécificité d'un fichier que le législateur a entendu réserver aux seuls auteurs d'infractions sexuelles. Il semblerait également induire une assimilation entre délinquants sexuels et irresponsables pénaux qui ne saurait, à l'évidence, être systématique.

En outre, la terminologie même d'« irresponsables pénaux » n'apparaît pas suffisamment précise car les hypothèses d'irresponsabilité pénale ne se réduisent pas au seul cas prévu par l'article 122-1 du code de procédure pénale (art. 122-2 à 122-7 du code de procédure pénale).

Ensuite, il ne semble pas justifié de prévoir pour les irresponsables pénaux des dispositions plus rigoureuses que celles actuellement prévues pour les auteurs d'infractions sexuelles. Or, ces personnes seraient systématiquement enregistrées même si elles ont commis un délit punissable d'une peine égale ou inférieure à cinq ans. Actuellement, elles ne peuvent l'être pour ces délits que par décision expresse du procureur de la République.

Votre commission souscrit à l'objectif d'assurer un meilleur suivi de ces personnes. Néanmoins, la formule retenue par la proposition de loi n'apparaît pas la plus adaptée. Un dispositif spécifique comme l'avait d'ailleurs initialement suggéré le rapport de la mission d'information de l'Assemblée nationale serait sans doute préférable. Les recommandations de la commission « santé-justice » présidée par M. Jean-François Burgelin pourraient à cet égard utilement éclairer les travaux des parlementaires. Dans l'immédiat, il semble donc opportun de différer la définition d'un dispositif qui mérite une réflexion plus complète.

Votre commission vous propose en conséquence de supprimer l'article 14.

Article 15
Entrée en vigueur du fichier des délinquants sexuels

Cet article, introduit dans la proposition de loi à l'initiative de M. Christian Estrosi, prévoit que l'entrée en vigueur du fichier national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles et des irresponsables pénaux entrera en vigueur dans les six mois suivant la publication de la présente proposition de loi.

Bien que les dispositions relatives au FIJAIS introduites dans le code de procédure pénale par la loi du 9 Mars 2004 soient d'application immédiate, aucune mesure d'application n'a encore été prise. La CNIL, dont l'avis doit être recueilli au préalable, n'a pas encore à ce jour été saisie.

Votre commission particulièrement attachée à un dispositif dont l'initiative revient au Sénat, ne peut que partager le souhait exprimé par l'Assemblée nationale d'une mise en oeuvre la plus rapide possible de ce fichier.

Sous réserve d'un amendement de coordination, elle vous propose d'adopter l'article 16 ainsi modifié .

* 47 L'injonction de soins peut également être prononcée par le juge de l'application des peines au vu d'une nouvelle expertise, en particulier lorsque, après sa condamnation, l'auteur d'une infraction sexuelle reconnaît les faits reprochés et devient ainsi accessible aux soins.

* 48 En cas de meurtre ou assassinat d'un mineur, précédé ou accompagné de viol, de torture ou actes de barbarie, l'expertise devra être réalisée par deux experts.

* 49 Celui-ci peut refuser le traitement -en vertu du principe du « consentement aux soins » inspiré par l'éthique médicale ainsi que par un souci d'efficacité thérapeutique- mais il s'expose à la mise à exécution de l'emprisonnement prononcé par la juridiction (art. 131-36-4, alinéa 2 du code pénal). En effet, il convient de rappeler que l'inobservation par le condamné des obligations résultant du suivi pourra être sanctionnée par un emprisonnement dont la durée sera initialement fixée par la décision de condamnation. Il appartient au juge de l'application des peines d'ordonner, le cas échéant, l'exécution de cet emprisonnement.

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