Rapport n° 318 (2004-2005) de M. Jacques BLANC , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 4 mai 2005

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N° 318

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 4 mai 2005

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , autorisant l'approbation des protocoles d'application de la convention alpine du 7 novembre 1991 dans le domaine de la protection de la nature et de l' entretien des paysages , de l' aménagement du territoire et du développement durable , des forêts de montagne , de l' énergie , du tourisme , de la protection des sols et des transports ,

Par M. Jacques BLANC,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Serge Vinçon, président ; MM. Jean François-Poncet, Robert Del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, Mme Hélène Luc, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, André Rouvière, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette Brisepierre, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, MM. Francis Giraud, Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Hue, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Jacques Pelletier, Daniel Percheron, Jacques Peyrat, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Yves Rispat, Josselin de Rohan, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 813 , 1634 et T.A. 399

Sénat : 245 (2004-2005)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L'Assemblée nationale a adopté le 10 mars dernier le présent projet de loi autorisant l'approbation de sept protocoles d'application de la Convention alpine.

Convention cadre destinée à préserver l'environnement naturel des Alpes et les intérêts des populations qui y résident dans une perspective de développement durable, la Convention alpine a été signée à Salzbourg le 7 novembre 1991 par l'Allemagne, l'Autriche, la France, l'Italie, le Liechtenstein et la Suisse, ainsi que par l'Union européenne. Ces signataires ont été rejoints par la Slovénie en 1993 et Monaco en 1994.

Par cette convention, tous les pays de l'arc alpin se sont engagés à assurer une politique globale de préservation et de protection des Alpes et à intensifier à cet effet leur coopération transfrontalière. La Convention instaure une Conférence alpine réunissant régulièrement les Etats parties pour examiner les questions d'intérêt commun. Elle énonce douze domaines dans lesquels les parties sont invitées à prendre les mesures nécessaires pour atteindre les objectifs de la convention.

Sur les douze domaines cités par la Convention alpine, huit ont donné lieu à l'élaboration d'un protocole d'application. Il s'agit de l'aménagement du territoire et du développement durable, de la protection des sols, de la protection de la nature et de l'entretien des paysages, de l'agriculture de montagne, des forêts de montagne, du tourisme, des transports et de l'énergie. Le protocole relatif à l'agriculture de montagne a été ratifié par la France en novembre 2002 par voie réglementaire. La ratification des sept autres nécessitait une approbation législative qui fait l'objet du présent projet de loi.

Dans les quatre autres domaines, concernant la population et la culture, la qualité de l'air, le régime des eaux et les déchets, les mesures d'application restent à élaborer.

Votre rapporteur effectuera une brève présentation des objectifs de la Convention alpine et des structures qu'elle a mis en place avant de détailler le contenu des sept protocoles visés par le présent projet de loi.

I. LA CONVENTION ALPINE ET SA MISE EN oeUVRE

A. UNE CONVENTION-CADRE RÉUNISSANT TOUS LES PAYS DE L'ARC ALPIN

1. Les objectifs de la Convention alpine

Au cours des années 1980, les préoccupations liées à la protection et à la mise en valeur du massif alpin se sont renforcées dans les différents pays concernés. Ceux-ci ont également pris conscience que toute politique efficace en ce sens passait par des mesures concertées et coordonnées entre Etats.

Réunis le 9 octobre 1989 à Berchtesgaden, lors de la 1 ère Conférence alpine, les ministres de l'environnement des pays de l'Arc alpin lancèrent l'élaboration d'une convention internationale permettant de mettre en oeuvre une politique commune de développement et de protection de l'espace alpin. C'est le 7 novembre 1991 , lors de la 2 ème Conférence alpine réunie à Salzbourg, que fut signée la Convention alpine .

La Convention alpine se présente sous la forme d'une convention-cadre relativement brève (14 articles), renvoyant les mesures d'application à des protocoles.

Le Préambule témoigne de l'inspiration générale qui sous-tend la convention, à savoir « harmoniser les intérêts économiques et les exigences écologiques ». Il met l'accent sur la double caractéristique du massif alpin qui constitue « l'un des plus grands espaces naturels d'un seul tenant en Europe », ainsi qu'un « habitat et un refuge indispensables pour nombre d'espèces animales et végétales menacées », mais qui demeure « un cadre de vie et un espace économique pour la population qui y habite » et revêt « une importance particulière pour les régions extra-alpines, notamment comme support de voies de communications essentielles ».

La disposition essentielle de la Convention alpine est son article 2 énonçant les obligations générales des parties qui, « dans le respect des principes de précaution, du pollueur-payeur et de coopération, assurent une politique globale de préservation et de protection des Alpes en prenant en considération de façon équitable les intérêts de tous les Etats alpins, de leurs régions alpines ainsi que de la Communauté économique européenne tout en utilisant avec discernement les ressources et en les exploitant de façon durable ».

La convention énonce 12 domaines dans lesquels les parties doivent prendre des mesures appropriées :

- population et culture , en vue de maintenir et promouvoir l'identité des populations et la garantie de leurs ressources fondamentales, notamment de l'habitat et du développement économique respectant l'environnement ;

- aménagement du territoire , en vue d'assurer une utilisation économe et rationnelle des sols et un développement sain et harmonieux du territoire ;

- qualité de l'air , en vue d'obtenir une réduction drastique des émissions de polluants et de leurs nuisances dans l'espace alpin ;

- protection du sol, notamment en utilisant des modes de production agricoles et sylvicoles ménageant les sols, en freinant l'érosion ainsi qu'en limitant l'imperméabilisation des sols ;

- régime des eaux , en vue de préserver la qualité naturelle des eaux et de renforcer les préoccupations environnementales dans l'exploitation de l'énergie hydraulique ;

- protection de la nature et entretien des paysages , de manière à garantir durablement le fonctionnement des écosystèmes, la préservation de la faune ainsi que la diversité de la nature et des paysages ;

- agriculture de montagne , en vue de promouvoir les paysages ruraux traditionnels et une agriculture adaptée au site et compatible avec l'environnement ;

- forêts de montagne , en vue d'assurer la préservation, le renforcement et le rétablissement des fonctions forestières ;

- tourisme et loisirs , en vue de concilier les activités touristiques et de loisir avec les exigences écologiques et sociales ;

- transports , en vue de réduire les nuisances et les risques, notamment par un transfert sur la voie ferrée d'une partie croissante du trafic ;

- énergie, en vue d'imposer une production, distribution et utilisation de l'énergie ménageant la nature et le paysage et d'encourager des mesures d'économie d'énergie,

- déchets , en vue d'assurer des systèmes de ramassage, de recyclage et de traitement adaptés aux besoins spécifiques de l'espace alpin.

Les parties conviennent des protocoles fixant les mesures d'application de la convention. Dans les domaines qu'elle énumère, elles effectuent des travaux d'observation ou de recherche, mènent des programmes communs et échangent des informations.

2. Le champ d'application géographique de la Convention alpine

La Convention alpine a été signée dès l'origine par l' Allemagne , l' Autriche , la France , l' Italie , le Liechtenstein et la Suisse , ainsi que par la Communauté européenne . Ces parties ont été rejointes par la Slovénie en 1993 et par Monaco en 1994.

Pour les Etats parties, la Convention alpine ne concerne que les territoires visés par une annexe élaborée lors de la signature et ceux qu'ils auraient éventuellement désignés ultérieurement. Le champ d'application de la convention s'étend sur un territoire de plus de 190 000 km 2 comprenant 13,2 millions d'habitants .

Répartition entre pays des territoires et des populations
couvertes par la convention alpine

Surface
(en % de l'espace alpin)

Population
(en % de la population alpine)

Italie

27,6 %

33,8 %

Autriche

28,5 %

22,8 %

France

21,4 %

16,7 %

Suisse

13,1 %

12,3 %

Allemagne

5,8 %

10,1 %

Slovénie

3,6 %

2,8 %

Monaco

0,001 %

0,23 %

Liechtenstein

0,08 %

0,22 %

Total

190 912 km 2

13,2 millions habitants

Pour la France , les territoires entrant dans le périmètre de la Convention alpine représentent 40 900 km 2 et environ 2 200 000 habitants 1 ( * ) .

3. Les structures de la Convention alpine

Les structures mises en place par la Convention alpine s'organisent en trois niveaux : la Conférence alpine, le Comité permanent et le Secrétariat.

La Conférence alpine, conférence des Etats parties, se déroule normalement tous les deux ans sous l'égide du pays qui assure, durant cette période, sa présidence. Six conférences ont eu lieu depuis la signature de la convention, en 1991, la dernière en date s'étant déroulée sous présidence allemande à Garmisch-Partenkirchen en novembre 2004. Depuis lors, l'Autriche a pris la présidence et la France lui succédera en fin d'année 2006.

La Conférence alpine constitue l'organe décisionnel de la Convention. Elle se compose des délégations des Etats membres et délibère par consensus, chaque partie contractante disposant d'une voix. Dans les domaines relevant de sa compétence, l'Union européenne exerce son droit de vote avec un nombre de voix égal à celui des Etats parties qui en sont membres, mais elle n'exerce pas son droit de vote si les Etats concernés exercent le leur.

La Conférence alpine traite des questions d'intérêt commun aux parties et de leur coopération. Elle peut amender la Convention et adopter des protocoles d'application. Elle décide de la création de groupes de travail jugés nécessaires pour l'application de la Convention. Les parties contractantes lui transmettent les informations sur les mesures qu'elles ont prises pour mettre en oeuvre la Convention. Elle peut effectuer des recommandations. La Conférence alpine peut admettre comme observateur l'Organisation des Nations unies ou ses institutions spécialisées, le Conseil de l'Europe et tout Etat européen. Les organisations non gouvernementales peuvent également obtenir le statut d'observateur.

L'organe exécutif de la Convention est le Comité permanent qui est chargé de préparer les réunions de la Conférence alpine en lui faisant un rapport sur les informations collectées auprès des parties et sur la mise en oeuvre de la Convention. Il se réunit trois fois par an.

Enfin, la Conférence alpine a décidé, en 2000, de se doter d'un secrétariat permanent dont le siège a été fixé à Innsbruck (Autriche), avec un bureau à Bolzano (Italie). Ce secrétariat permanent a commencé à fonctionner en 2003.

B. LA MISE EN oeUVRE DE LA CONVENTION

1. L'élaboration des protocoles d'application

L'élaboration des protocoles d'application dans les différents domaines cités par la Convention alpine s'est échelonnée sur six années. Ont en effet été signées :

- le 20 décembre 1994, trois protocoles relatifs à la protection de la nature et à l'entretien des paysages, à l'agriculture de montagne et à l'aménagement du territoire et au développement durable ;

- le 27 février 1996, un protocole relatif aux forêts de montagne ;

- le 16 octobre 1998, trois protocoles relatifs à l'énergie, au tourisme et à la protection des sols ;

- le 31 octobre 2000, le protocole relatif aux transports, qui a donné lieu à de longues et difficiles négociations, ainsi qu'un protocole concernant le règlement des différends.

Si la Convention elle-même est entrée en vigueur en 1995, la ratification des protocoles n'a été engagée qu'à partir de la signature du protocole « transports ». Actuellement, seuls quatre pays : l'Allemagne, l'Autriche, le Liechtenstein et la Slovénie, ont ratifié les huit protocoles thématiques qui sont entrés en vigueur à l'égard des trois premiers pays le 18 décembre 2002 et de la Slovénie le 28 avril 2004. La France a ratifié fin 2002, par voie réglementaire, le protocole « agriculture de montagne » et le présent projet de loi vise à lui permettre d'achever le processus de ratification des sept autres protocoles en 2005. Monaco a ratifié trois des huit protocoles (aménagement du territoire, tourisme et protection des sols).

L'Italie et la Suisse ont signé les huit protocoles mais n'en ont pour l'instant ratifié aucun. Enfin, la Communauté européenne n'a signé que trois protocoles (aménagement du territoire, agriculture de montagne, protection de la nature et entretien des paysages).

Aucun des quatre autres domaines cités par la Convention alpine (population et culture, qualité de l'air, régime des eaux, déchets) n'a pour l'instant fait l'objet d'un protocole. S'agissant du thème « population et culture », il a été décidé d'élaborer, d'ici la prochaine Conférence alpine, en 2006, une déclaration politique des Etats parties, cette forme semblant recueillir leur préférence par rapport à un protocole.

2. Les activités engagées dans le cadre de la Convention alpine

En dehors de l'élaboration des protocoles d'application, la Conférence alpine a mis en place divers groupes de travail. Certains ont rendu leurs conclusions (groupe de travail sur les avalanches et les glissements de terrain), d'autres poursuivent leurs travaux (groupe de travail sur la mise au point d'un système d'indicateurs spécifique à l'espace alpin, groupe de travail sur les transports, groupe de travail « population et culture »). Il a également été décidé, en 2002, de créer un comité de vérification chargé d'établir une structure standardisée pour les comptes rendus périodiques des Etats parties sur l'application de la Convention.

Lors de la Conférence alpine réunie en novembre 2004 à Garmisch-Partenkirchen, celle-ci a adopté un programme de travail pour la période 2005-2010. L'orientation générale de ce programme consiste à renforcer les coopérations internationales pour trouver des solutions innovantes et durables aux défis qui s'imposent aux populations de l'espace alpin. Il s'agit aussi de renforcer la prise en compte de l'espace alpin dans la formulation des politiques de l'Union européenne, non seulement du point de vue de la politique de l'environnement, mais aussi pour mettre en valeur les potentiels de développement induits par la Convention alpine et ses protocoles.

Pour les cinq prochaines années, la Conférence alpine a retenu quatre priorités :

- la mobilité, l'accessibilité et le transit, notamment en favorisant le report des trafics de la route vers le rail et le transport combiné, en recherchant les moyens de réduire les nuisances du trafic de transit, en renforçant les transports en commun et en garantissant l'accessibilité aux biens et services ;

- la société, la culture et l'identité, à travers l'intensification des échanges d'informations dans l'espace alpin, la mise en valeur du patrimoine culturel et l'évolution des conditions de vie dans les Alpes ;

- le tourisme, les loisirs et les sports ;

- la nature, l'agriculture, la sylviculture et le paysage.

Un rapport sur l'état des Alpes doit être élaboré pour 2006. Ce rapport établi à intervalles réguliers fournira au grand public les informations et estimations essentielles en relation avec l'objectif de développement durable des Alpes. En 2006 sera également présenté le premier rapport de vérification de la mise en oeuvre de la Convention alpine par les parties contractantes.

Par ailleurs, la Conférence alpine a décidé de rechercher toutes les synergies possibles avec les différents réseaux poursuivant les mêmes objectifs que la Convention alpine , au premier rang desquels le Réseau alpin des espaces protégés, lancé par la France en 1994 et rassemblant les gestionnaires des espaces protégés des Alpes (parcs nationaux, parcs naturels, parcs régionaux, réserves naturelles...), le réseau de communes « Alliance dans les Alpes », association formée de communes de l'Arc alpin, ou le Comité scientifique pour la recherche alpine ISCAR.

II. LES PROTOCOLES D'APPLICATION DE LA CONVENTION ALPINE

Le projet de loi vise à autoriser l'approbation de sept des huit protocoles d'application de la Convention alpine signés par la France entre 1994 et 2000, le protocole relatif à l'agriculture de montagne ayant été ratifié par voie réglementaire à la fin de l'année 2002.

Chacun des sept protocoles d'application comporte, dans son préambule , une référence aux objectifs généraux définis par la Convention alpine en vue d'assurer une politique globale de protection et de développement durable de l'espace alpin . Ce préambule rappelle, pour chaque domaine concerné, quelles sont les préoccupations des parties et les considérations devant inspirer leur politique. Pour chaque protocole, le préambule indique que la population locale doit être en mesure de définir son propre projet de développement social, culturel et économique et de participer à sa mise en oeuvre. Il souligne aussi que certains problèmes ne peuvent être résolus que dans un cadre transfrontalier et exigent des mesures communes de la part des Etats alpins.

Chaque protocole se présente selon une structure similaire. Les dispositions générales énoncent les objectifs du protocole concerné et les obligations fondamentales des parties. Parmi ces obligations fondamentales figurent la coopération transfrontalière ainsi que la participation des collectivités territoriales . Les sept protocoles comportent une disposition type stipulant que les collectivités locales directement concernées sont parties prenantes aux différents stades de préparation et de mise en oeuvre des politiques qui en découlent, dans le respect de leurs compétences.

Un chapitre est consacré aux mesures spécifiques à prendre pour l'application des protocoles. Ils comportent également une série d'engagements afférents à la recherche, au suivi, à la formation et à l'information ainsi qu'aux contrôles visant à en évaluer leur application. Enfin, les dispositions finales énoncent les modalités de signature et de ratification. Il est notamment prévu que les protocoles entrent en vigueur trois mois après le dépôt du troisième instrument de ratification.

A. PROTOCOLE «PROTECTION DE LA NATURE ET ENTRETIEN DES PAYSAGES»

Le protocole d'application « protection de la nature et entretien des paysages » a été signé à Chambéry, lors de la III ème Conférence alpine, le 20 décembre 1994 .

Dans son préambule, le protocole rappelle les contraintes qui s'exercent sur la nature et les paysages alpins ainsi que l'importance des glaciers, des pelouses alpines, de la forêt de montagne et des écosystèmes aquatiques en tant qu'habitat d'une faune et d'une flore variées. Il souligne le rôle de l'agriculture et de l'exploitation forestière extensives pour la conservation et l'entretien des paysages. Il considère que, lorsqu'il s'agit de mettre en balance la capacité de tolérance des écosystèmes et les intérêts économiques, il faut accorder la priorité aux exigences écologiques, si cela est nécessaire pour conserver les fondements naturels de la vie.

Au titre des dispositions générales, l'article 1 er définit l' objectif du protocole . Il s'agit, en application de la Convention alpine et en prenant également en compte les intérêts de la population résidente, de convenir des règles internationales en vue d'assurer la protection, la gestion et, si nécessaire, la restauration de la nature et des paysages, de manière à garantir durablement le fonctionnement des écosystèmes, la conservation des éléments du paysage et des espèces de faune et de flore sauvages, y compris de leurs habitats naturels.

Pour atteindre cet objectif, les parties s'engagent à respecter une série d' obligations fondamentales , en particulier:

- coopérer à l'échelon international en ce qui concerne la cartographie,  la désignation, la gestion et la surveillance d'aires protégées et d'autres éléments des paysages naturels et ruraux dignes d'êtres protégés;

- coopérer en vue de créer des réseaux de biotopes, d'élaborer des programmes d'aménagement du paysage, de prévenir et de compenser les détériorations de la nature et des paysages ;

- coopérer en vue de la surveillance systématique de la nature et des paysages, de la recherche scientifique ainsi que de la protection des espèces de faune et de flore sauvages.

Pour faire face à tous ces engagements, les parties s'engagent à adopter et à mettre en oeuvre des mesures spécifiques , notamment:

- à présenter, dans les trois ans suivant l'entrée en vigueur du protocole, un inventaire de l'état de la protection de la nature et de l'entretien des paysages (article 6) ;

- à établir, dans les cinq ans suivant l'entrée en vigueur du protocole, des orientations, programmes et/ou plans aptes à réaliser les objectifs convenus de protection de la nature et d'entretien des paysages dans l'espace alpin (article 7);

- à adopter les mesures nécessaires à la préservation et à l'amélioration des habitats naturels et semi-naturels des espèces de faune et de flore sauvages (article 8);

- à évaluer, en cas  de mesures et projets de nature publique et privée susceptibles d'entraîner des atteintes à la nature et aux paysages, les impacts directs et indirects sur l'équilibre naturel et les paysages (article 9);

- à réduire les contraintes et les détériorations subies par la nature et les paysages, en tenant compte des intérêts de la population résidente (article 10);

- à conserver et gérer les aires déjà protégées et à désigner de nouvelles aires à protéger, à promouvoir la création et la gestion de parcs nationaux (article 11);

- à prendre les mesures nécessaires à la conservation des biotopes, naturels et semi-naturels et des espèces de faune et de flore indigènes, en s'assurant notamment que les habitats soient de dimension suffisante (articles 13 et 14);

- à interdire de capturer, de prélever, de perturber et de mettre à mort des espèces animales déterminées (article 15);

- à promouvoir la réintroduction et la propagation d'espèces indigènes de faune et de flore sauvages ainsi que des sous-espèces, de races et d'écotypes, sous réserve que soient réunies les conditions nécessaires et que cela n'entraîne pas d'effets inacceptables pour la nature et les paysages ainsi que pour les activités humaines (article 16);

- à interdire l'introduction artificielle d'espèces de faune et de flore sauvages dans des régions où ces espèces n'ont jamais été présentes de manière naturelle (article 17);

- à assurer que la dissémination dans l'environnement d'organismes génétiquement modifiés par l'homme soit réalisée uniquement sur la base d'un examen formel portant un résultat positif (article 18).

B. PROTOCOLE « AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DÉVELOPPEMENT DURABLE »

Le protocole « aménagement du territoire et développement durable » a été signé à Chambéry, lors de la III ème Conférence alpine, le 20 décembre 1994.

Dans son préambule, le protocole souligne que la protection de l'environnement, la promotion sociale et culturelle et le développement économique de l'espace alpin sont des objectifs de même importance et qu'il faut définir entre eux un équilibre approprié viable à long terme. Il indique également que les collectivités territoriales directement concernées sont le mieux à même de résoudre de nombreux problèmes de l'espace alpin.

L'article 1 er du protocole définit huit objectifs d'aménagement du territoire et de développement durable de l'espace alpin :

- reconnaître les besoins spécifiques de l'espace alpin dans le cadre des politiques nationales et européennes;

- harmoniser l'utilisation de l'espace avec les objectifs et les exigences écologiques;

- gérer les ressources de manière économe et compatible avec l'environnement;

- reconnaître les intérêts spécifiques de la population alpine par des efforts tendant à garantir durablement leurs bases de développement;

- favoriser le développement économique en même temps que la répartition harmonieuse de la population au sein de l'espace alpin;

- respecter les identités régionales et les spécificités culturelles;

- promouvoir l'égalité des chances de la population locale en matière de développement social, culturel et économique dans le respect des compétences des collectivités territoriales;

- prendre en considération les handicaps naturels, les prestations d'intérêt général, les restrictions d'utilisation des ressources et les prix pour l'utilisation de celles-ci correspondant à leur valeur réelle.

Au titre des obligations fondamentales des parties, l'article 2 mentionne notamment le renforcement de la capacité d'agir des collectivités territoriales , conformément au principe de subsidiarité ainsi que l'adoption de mesures de soutien en cas de restriction dans l'utilisation des ressources naturelles ou de handicaps reconnus pour l'activité économique, si de telles mesures sont nécessaires au maintien des activités économiques et compatibles avec l'environnement.

L'article 3 énumère les différents critères de protection de l'environnement qui doivent être pris en compte dans les politiques d'aménagement du territoire.

Au titre des mesures spécifiques, l'article 8 préconise l'adoption, dans chaque Etat partie, de plans ou programmes d'aménagement du territoire et de développement durable , élaborés par ou avec les collectivités territoriales compétentes et en concertation avec les collectivités territoriales limitrophes, le cas échéant dans un cadre transfrontalier. L'article 9 en précise le contenu autour de cinq thèmes principaux : le développement économique régional (emploi, offre de biens et services, diversification économique), l'espace rural (développement de l'agriculture et de la sylviculture de montagne), l'espace urbain (plans d'urbanisme en vue d'une utilisation rationnelle de l'espace), la protection de la nature et des paysages (délimitation de zones de protection) , les transports (amélioration des dessertes et de l'offre de transport public, modération du trafic).

L'article 10 énonce l'obligation d'instaurer un dispositif d'évaluation préalable des projets publics ou privés susceptibles de porter des atteintes importantes et durables à la nature et aux paysages.

Les articles 11 et 12 encouragent les Etats parties à envisager des mesures économiques et financières adaptées aux activités menées dans l'espace alpin . Ils citent notamment les compensations qui pourraient être versées aux activités économiques affectées de handicaps naturels, notamment l'agriculture et l'exploitation forestière, la compensation des prestations d'intérêt général, l'intégration, dans les prix facturés aux utilisateurs des ressources alpines, le coût de la mise à disposition de ces ressources, la rémunération équitable des modes économiques de mise en valeur du patrimoine naturel qui font l'objet de limitations supplémentaires considérables.

C. PROTOCOLE « FORÊTS DE MONTAGNE »

Le protocole d'application  « forêts de montagne » a été signé à Brdo (Slovénie) lors de la IV ème Conférence alpine, le 27 février 1996.

Le préambule reconnaît le rôle de la forêt de montagne dans la protection contre les risques naturels (érosion, inondations, avalanches, glissements de terrains), mais aussi comme source de matières premières renouvelables et comme activité économique dans les zones de montagne.

L'article 1 er assigne au protocole un objectif de conservation de la forêt de montagne en tant qu'écosystème proche de la nature et, si nécessaire, de son développement Les parties s'engagent à assurer :

- la régénération naturelle de la forêt;

- des peuplements étagés et bien structurés, composés d'essences adaptées à la station;

- l'utilisation de plants forestiers de provenance autochtone;

- une prévention de l'érosion et du compactage des sols grâce à des procédés d'exploitation et de débardage soigneux.

Elles s'engagent également, par l'article 2, à prendre en considération les objectifs du protocole dans leurs autres politiques, particulièrement dans les domaines suivants : la réduction des polluants atmosphériques; la régulation du grand gibier; la limitation du pâturage en forêt ; la limitation de l'utilisation de la forêt à des fins récréatives; l'encouragement d'une utilisation accrue du bois en provenance des forêts de montagne gérées de façon durable ; la prévention des incendies de forêt; la présence en nombre suffisant d'un personnel forestier qualifié.

Au titre des mesures spécifiques en vue de la protection de la forêt de montagne, les parties contractantes s'engagent à :

- élaborer des bases de planification forestière nécessaires (article 5);

- accorder la priorité aux forêts de montagne ayant une fonction de protection importante pour leur propre site, pour les agglomérations, pour les infrastructures de transports, pour les surfaces cultivées agricoles (article 6);

- faire en sorte, là où la fonction économique est dominante et les conditions économiques régionales l'exigent, que l'économie forestière de montagne se développe en tant que source de travail et de revenu pour la population locale (article 7);

- prendre des mesures pour les forêts de montagne susceptibles de garantir leur efficacité sur l'approvisionnement en ressources en eau, l'équilibre climatique, l'épuration de l'air et la protection contre le bruit, leur diversité biologique, la découverte de la nature et la récréation (article 8);

- adopter des mesures, planifiées et réalisées avec soin, assurant la desserte forestière, compte tenu des exigences de la protection de la nature et des paysages (article 9) ;

- instituer un nombre et une étendue suffisante de réserves forestières naturelles et les gérer en fonction de la sauvegarde des dynamiques naturelles et de la recherche, en arrêtant toute exploitation ou en l'adaptant aux objectifs de la réserve (article 10).

D. PROTOCOLE « ENERGIE »

Le protocole d'application « énergie » a été signé à Bled (Slovénie) lors de la V ème Conférence alpine, le 16 octobre 1998.

L'objectif général du protocole, défini par l'article 1 er , est d'encourager les parties à adopter des mesures en matière d'économies d'énergie, de production, de transport, de distribution et d'utilisation de l'énergie propres à réaliser une situation énergétique de développement durable, compatible avec les limites spécifiques de tolérance de l'espace alpin. A cet effet, les parties apporteront une contribution importante à la protection de la population et de l'environnement, à la sauvegarde des ressources et du climat.

Les obligations fondamentales souscrites par les parties et énumérées à l'article 2 sont les suivantes :

- harmoniser leur planification de l'économie énergétique avec leur plan d'aménagement général de l'espace alpin ;

- adapter les systèmes de production, de transport et de distribution de l'énergie en tenant compte des besoins de protection de l'environnement ;

- limiter les impacts d'origine énergétique sur l'environnement en optimisant la fourniture de services aux utilisateurs finaux de l'énergie;

- limiter les effets négatifs des infrastructures énergétiques sur l'environnement et sur le paysage, y compris ceux relatifs à la gestion de leurs déchets, à travers l'adoption de mesures préventives pour les nouvelles infrastructures et, si nécessaire, le recours à des interventions d'amélioration des installations existantes ;

- vérifier la compatibilité avec l'environnement alpin d'éventuelles nouvelles grandes infrastructures en évaluant leur impact et leurs effets sous l'angle territorial et socio-économique.

Les mesures spécifiques envisagées pour respecter ces engagements visent notamment à :

- promouvoir les économies d'énergie et l'utilisation rationnelle de l'énergie, en prenant notamment en compte les besoins en énergie dans le territoire, la disponibilité locale de ressources d'énergie renouvelables et l'impact dans les bassins et les vallées des émissions atmosphériques (article 5);

- promouvoir l'utilisation de ressources d'énergie renouvelables, l'emploi d'installations décentralisées pour l'exploitation de ressources d'énergie renouvelables (comme l'eau, le soleil et la biomasse), l'utilisation rationnelle des ressources en eau et en bois (article 6);

- assurer, en ce qui concerne l'énergie hydroélectrique, le maintien des fonctions écologiques des cours d'eau et l'intégrité des paysages (article 7);

- garantir le recours aux meilleures techniques disponibles pour la production d'énergie électrique ou de chaleur utilisant des combustibles fossiles (article 8);

- encourager l'échange d'informations sur l'énergie nucléaire et les centrales nucléaires qui pourraient avoir des conséquences dans l'espace alpin (article 9);

- poursuivre la rationalisation et l'optimisation de toutes les infrastructures existantes en matière de transports et de distribution d'énergie (article 10);

- établir dans les avant-projets et dans les études d'impact environnemental les modalités de renaturalisation des sites et des milieux aquatiques à la suite de l'exécution de travaux publics ou privés dans le domaine énergétique relatifs à l'environnement et aux écosystèmes dans l'espace alpin;

- effectuer une évaluation préalable de l'impact sur l'environnement pour la construction et pour toute modification d'installations énergétiques visées par le protocole.

E. PROTOCOLE « TOURISME »

Le protocole d'application  « tourisme » a été signé à Bled (Slovénie) lors de la V ème Conférence alpine, le 16 octobre 1998.

Dans son préambule, il reconnaît la vocation des Alpes à demeurer l'un des grands espaces d'accueil pour le tourisme et les loisirs en Europe, ainsi que la contribution du tourisme alpin au maintien d'une population permanente dans le massif. Il souligne la grande variété des offres touristiques dans les Alpes en souhaitant qu'elle engendre des activités touristiques diversifiées et complémentaires. Il souligne également la nécessité d'un développement durable de l'économie touristique, fondé sur la valorisation du patrimoine naturel, sur la qualité des prestations et des services et sur le respect de l'environnement.

Le développement durable de l'espace alpin par un tourisme respectueux de l'environnement constitue l'objectif du protocole, défini à l'article 1 er .

Au titre des mesures spécifiques de mise en oeuvre du protocole figurent les engagements suivants:

- élaborer des plans ou programmes directeurs axés sur le développement touristique durable (article 5) ;

- promouvoir des projets favorables aux paysages et tolérables pour l'environnement, en veillant à ce que soit recherché dans les régions à forte pression touristique un rapport équilibré entre les formes de tourisme intensif et extensif (article 6) ;

- favoriser l'échange d'expériences et la réalisation de programmes d'actions communes poursuivant l'amélioration qualitative de l'offre touristique dans l'arc alpin, concernant notamment l'insertion des équipements dans les paysages et les milieux naturels, l'urbanisme et l'architecture, les équipements d'hébergement et les offres de services touristiques, la diversification du produit touristique de l'espace alpin (article 7) ;

- maîtriser les flux touristiques notamment dans les espaces protégés, en organisant la répartition et l'accueil des touristes de façon à garantir la pérennité de ces sites (article 8).

En ce qui concerne les mesures techniques , les parties contractantes s'engagent à:

- établir une évaluation préalable des projets susceptibles d'avoir un impact notable sur l'environnement (article 9) ;

- délimiter des zones de tranquillité où l'on renonce aux aménagements touristiques (article 10) ;

- développer des politiques d'hébergement prenant en compte la rareté de l'espace disponible, en privilégiant l'hébergement commercial, la réhabilitation et l'utilisation du bâti existant et en modernisant et améliorant la qualité des hébergements existants (article 11) ;

- subordonner, en ce qui concerne les remontées mécaniques, les nouvelles autorisations d'exploitation ainsi que la concession au démontage et à l'enlèvement des remontées mécaniques hors d'usage et à la renaturalisation des surfaces inutilisées avec en priorité des espèces d'origine locale (article 12) ;

- favoriser les mesures visant à réduire le trafic motorisé à l'intérieur des stations touristiques, en encourageant notamment les moyens de transports collectifs (article 13) ;

- veiller à ce que l'aménagement, l'entretien et l'exploitation des pistes de ski présentent la meilleure intégration possible au paysage (article 14) ;

- définir une politique de maîtrise des pratiques sportives de plein air, particulièrement dans les espaces protégés, de façon à éviter les inconvénients pour l'environnement, y compris par une limitation, voire une interdiction des activités sportives motorisées en dehors de zones déterminées (article 15) ;

- limiter au maximum et si nécessaire à interdire, en dehors des aérodromes, les déposes par aéronefs à des fins sportives (article 16) ;

- étudier des solutions adaptées au niveau territorial approprié permettant un développement équilibré des régions et des collectivités économiquement faibles (article 17) ;

- soutenir la collaboration entre Etats en ce qui concerne l'étalement des vacances et les expériences de prolongation des saisons (article 18).

F. PROTOCOLE « PROTECTION DES SOLS »

Le protocole d'application « protection des sols » a été signé à Bled (Slovénie) lors de la V ème Conférence alpine, le 16 octobre 1998.

Le protocole a pour objectif de garantir et préserver à long terme, qualitativement et quantitativement, les fonctions écologiques du sol en tant qu'élément essentiel de l'écosystème et d'encourager la renaturalisation des sols endommagés (article 1 er ).

Les parties s'engagent à respecter une série d'obligations fondamentales, notamment:

- prendre les mesures juridiques et administratives nécessaires, sous le contrôle et la responsabilité des autorités nationales, pour assurer la protection des sols dans l'espace alpin ;

- en cas de risque d'atteintes graves et persistantes à la capacité de fonctionnement des sols, privilégier les aspects de protection par rapport aux aspects d'utilisation ;

- prendre en compte les objectifs du protocole également dans toutes les autres politiques pouvant intéresser l'espace alpin ;

- coopérer à l'échelon international avec les différentes institutions compétentes, notamment en ce qui concerne l'établissement de cadastres des sols, l'observation des sols et la surveillance des zones protégées et des zones de sols pollués ainsi que des zones à risque ;

- établir et harmoniser des bases de données dans le but de coordonner l'information et la recherche sur la protection des sols dans l'espace alpin.

Pour faire face à tous ces engagements, les parties ont identifié une série de mesures spécifiques à adopter, et notamment :

- délimiter les espaces à protéger eu égard notamment aux formations pédologiques et rocheuses caractéristiques ou d'un intérêt particulier pour la connaissance de l'évolution de la terre (article 6) ;

- prendre en compte les besoins de la protection des sols lors de l'établissement et de la mise en oeuvre des plans et des programmes relatifs aux espaces urbains (article 7);

- limiter l'imperméabilisation et l'occupation des sols en veillant à l'utilisation de modes de construction économisant les surfaces et ménageant les sols (article 7);

- utiliser des produits de substitution des ressources minières dans le but d'une utilisation économe de ces dernières (article 8);

- préserver les tourbières, en visant à moyen terme à recourir entièrement à un substitut de la tourbe (article 9);

- cartographier et recenser les zones alpines menacées par des risques géologiques et hydrogéologiques, en délimitant les zones à risques (article 10);

- cartographier et recenser le sol des zones alpines intéressées par des érosions en nappe (article 11);

- éviter les impacts négatifs des activités touristiques sur les sols dans les Alpes, en encourageant le rétablissement du couvert végétal des terrains déjà touchés par une utilisation touristique intensive et le recours à des techniques d'ingénierie proches de la nature (article 14);

- réduire autant que possible et préventivement les apports de polluants dans les sols par l'atmosphère, les eaux, les déchets et les autres substances nuisibles pour l'environnement (article 15).

G. PROTOCOLE «  TRANSPORTS »

Le  protocole d'application «  transports » a été signé à Lucerne, lors de la VI ème Conférence alpine, les 30-31 octobre 2000.

Le préambule rappelle l'impact du trafic transalpin sur l'environnement et les nuisances qu'il engendre. Il juge nécessaire d'optimiser les infrastructures de transport actuelles, les potentialités de l'interopérabilité et celle des modes de transport respectueux de l'environnement (chemin de fer, transport fluvio-maritime, ferroutage). Il précise aussi que les dispositions du protocole se conçoivent dans le respect des conventions bilatérales et multilatérales conclues entre les Etats parties et la Communauté européenne.

Les parties s'engagent à mener une politique des transports durable définie par l'article 1 er et visant à :

- réduire les nuisances et les risques dans le secteur du transport intra-alpin et transalpin, de telle sorte qu'ils soient supportables pour les hommes, la faune et la flore ainsi que pour leur cadre de vie et leurs habitats;

- contribuer au développement durable des habitats et des espaces économiques;

- limiter les effets susceptibles de mettre en danger le rôle et la biodiversité de l'espace alpin et la conservation de son patrimoine naturel et culturel;

- assurer la circulation intra-alpine et transalpine à des coûts économiquement supportables, par un accroissement de l'efficacité des systèmes de transport et par la promotion des modes de transport les plus respectueux de l'environnement et les plus économes en ressources naturelles;

- assurer des conditions de concurrence équitables entre les modes de transport;

- observer, dans le secteur des transports, les principes de précaution, de prévention et de pollueur-payeur.

Par ailleurs, le protocole prévoit une série d'engagements visant à adopter des mesures spécifiques dans trois domaines :

En ce qui concerne la stratégie générale de la politique des transports , les parties s'engagent à promouvoir une gestion rationnelle et sûre des transports, notamment dans les réseaux transfrontaliers harmonisés (article 7) et à réaliser des études d'opportunité, des études d'impact sur l'environnement et des analyses des risques lorsqu'elles construisent, modifient ou agrandissent de façon significative des infrastructures de transports, (article 8). Elles s'engagent notamment à procéder au préalable à des consultations avec les Etats concernés en cas d'infrastructures ayant un impact transfrontalier significatif, sans préjudice des infrastructures déjà décidées au moment de l'approbation du protocole.

Dans le cadre des mesures techniques , les parties s'engagent à:

- encourager la création et le développement de systèmes de transports publics conviviaux et adaptés à l'environnement (article 9) ;

- exploiter la capacité particulière du chemin de fer à répondre aux besoins du transport de longue distance, en vue de mieux utiliser le réseau ferroviaire pour la mise en valeur touristique et économique des Alpes et renforcer la navigation en vue de diminuer la part du transit des marchandises par voie terrestre (article 10);

- s'abstenir de construire de nouvelles routes à grand débit pour le trafic transalpin et ne réaliser des projets routiers à grand débit pour le trafic intra-alpin que sous certaines conditions, notamment l'impossibilité de satisfaire les besoins par d'autres modes de transport ou infrastructure, un résultat positif des études d'impact et des mesures réduisant les nuisances sur l'environnement (article 11);

- réduire autant que faire se peut les nuisances pour l'environnement causées par le trafic aérien, limiter ou d'interdire, le cas échéant, la dépose à partir d'aéronefs en dehors des aérodromes, améliorer les systèmes de transport public permettant de relier les aéroports se trouvant en bordure des Alpes et les différentes régions alpines (article 12);

- évaluer les effets sur le trafic de nouvelles installations touristiques et, si nécessaire, prendre des mesures préventives ou compensatoires, soutenir la création et le maintien des zones à faible circulation et de zones exemptes de circulation, l'exclusion des voitures dans certains lieux touristiques ainsi que des mesures favorisant le transport des touristes sans voitures (article 13);

- appliquer le principe du pollueur-payeur et soutenir la mise en place d'un système de calcul permettant de déterminer les coûts d'infrastructure et les coûts externes afin d'introduire progressivement des systèmes de tarification spécifiques au trafic qui permettent de couvrir de façon équitable les coûts réels (article 14).

En matière de suivi et de contrôle, les parties s'engagent à établir un document de référence périodique dressant l'état de la réduction des nuisances ainsi que l'état d'avancement et de développement des infrastructures de transport et des différents systèmes de transport à grand débit (article 15).

Le protocole d'application « transports » de la Convention alpine s'est avéré le plus difficile à élaborer et il a donné lieu à de longues négociations.

Votre rapporteur tient à souligner que nombre d'actions engagées par la France vont dans le sens des objectifs du protocole « transports ». C'est le cas notamment, en matière de report du trafic routier vers le rail, du projet de nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin qui a été retenu, lors du Conseil européen d'Essen, en 1994, parmi les 14 grands projets d'infrastructures prioritaires de l'Union européenne. C'est aussi le cas, à une échelle plus modeste, du premier service d'autoroute ferroviaire mis en place depuis deux ans sur la ligne actuelle entre Modane, dans la vallée de la Maurienne, et le versant italien, par la société Modalhor.

Votre rapporteur remarque également l'accent mis par le développement du transport maritime comme alternative au transport terrestre. A cet effet, une coopération beaucoup plus forte est nécessaire dans un cadre euro-méditerranéen.

Enfin, il est à noter que le gouvernement français envisage d'assortir la ratification du protocole d'une déclaration en précisant la portée.

Selon les informations fournies à votre rapporteur, cette déclaration de la France viserait en premier lieu à préciser la notion de « routes à grand débit » incluse dans le protocole, en se référant aux termes d'autoroutes et de routes express tels qu'ils s'entendent dans le cadre de la convention de 1991 sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière, dite « convention d'Espoo ».

L'essentiel de la déclaration française concernerait l'article 11 du protocole qui écarte la construction de nouvelles routes à grand débit pour le trafic transalpin et qui l'encadre strictement pour le trafic intra-alpin. La France exclurait du champ d'application de cet article du protocole :

- les projets routiers à grand débit qui, pour des raisons d'utilité publique, comporterait moins de 15% et moins de 6 km de leur longueur dans l'espace alpin tel que défini par la convention ;

- les projets justifiés par certains impératifs définis à l'article 7.2 du protocole (réduction des nuisances, renforcement de la sécurité), notamment les itinéraires de contournement d'agglomération ou de conurbation ;

- les projets routiers dont le principe était acquis au 31 octobre 2000 en vertu du schéma directeur routier national (A51 Grenoble - Sisteron ; liaison entre l'A8 et l'A51 entre Saint-Maximin-la-Sainte-Baume et Cadarache ; liaison entre l'A41 et l'A40 entre Villy-Le Pelloux et Saint-Julien-en-Genevois ; antenne entre l'A51er Digne ; liaison Annemasse - Thonon ; liaison entre l'A48 et l'A49 à proximité de Voiron).

CONCLUSION

La Convention alpine et ses protocoles d'application définissent les principes sur lesquels tous les Etats alpins s'accordent et qu'ils s'engagent à mettre en oeuvre en vue de préserver et de mettre en valeur l'espace alpin, dans une perspective de développement durable. Ils constituent également un cadre de coopération remarquable, à l'échelle de tout le massif alpin, pour favoriser l'échange d'information, la concertation, l'harmonisation des politiques et des actions transfrontalières.

Votre rapporteur salue l'ambition de ces différents textes pour la préservation et la mise en valeur d'une vaste région étendue sur sept pays, allant de l'Europe continentale à la façade méditerranéenne.

La mise en oeuvre de la Convention alpine et des protocoles élaborés entre 1994 et 2000 repose sur des mesures nationales, le cadre multilatéral de la Convention devant permettre à tous les Etats alpins de mieux coordonner ces mesures. Il appartiendra donc à la France de mettre en place les moyens adaptés pour atteindre les objectifs ambitieux fixés par la Convention et ses protocoles d'application. Partie prenante à la Convention et aux protocoles, l'Union européenne devra elle aussi, dans ces politiques, les besoins liés au développement durable de la montagne alpine.

Votre rapporteur souligne que bien des propositions émises par le Sénat il y a un peu plus de deux ans, dans le cadre de la mission d'information sur l'avenir de la montagne 2 ( * ) , s'inscrivent pleinement dans la logique de cette Convention alpine soucieuse de favoriser la nécessaire protection du milieu naturel comme le développement des territoires alpins.

Pour cette raison, votre commission des Affaires étrangères et de la défense vous demande d'adopter le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent rapport lors de sa réunion du mercredi 4 mai 2005.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. André Dulait a demandé si une démarche comparable à celle de la Convention alpine était envisagée pour le massif pyrénéen.

M. Jacques Blanc, rapporteur , a rappelé que bien avant l'entrée de l'Espagne dans la Communauté européenne, les collectivités territoriales françaises et espagnoles concernées, ainsi que l'Andorre, avaient engagé une démarche de coopération transfrontalière dans le cadre de la Communauté de travail des Pyrénées. Il a ajouté que l'action de cette dernière s'inscrivait pleinement dans l'objectif de développement durable du massif pyrénéen, même s'il n'existe pas d'instrument international comparable à la Convention alpine.

M. André Rouvière s'est interrogé sur les perspectives de mise en oeuvre de la Convention alpine et de ses protocoles à l'heure où s'affirme, à l'échelle mondiale, la tendance à une concurrence accrue entre les territoires. Il s'est également demandé si le cadre géographique retenu n'était pas trop étroit pour réellement atteindre les objectifs ambitieux assignés à cette convention.

M. Jacques Blanc, rapporteur , a répondu que la Convention alpine visait précisément à éviter une concurrence entre les différents Etats de l'arc alpin qui ont accepté de s'imposer les mêmes contraintes. Il a rappelé que la Communauté européenne était partie à la Convention, ce qui devait assurer la cohérence entre les objectifs poursuivis par les Etats alpins et la politique économique et commerciale menée à l'échelle européenne. Il s'est déclaré convaincu que dans la compétition mondiale, la notion de développement durable, à la base de la Convention alpine, constituait un atout, et non un handicap. Citant l'agriculture, le tourisme ou l'artisanat, il a estimé que la protection du patrimoine naturel constituait une valeur ajoutée pour de nombreuses activités économiques.

Mme Hélène Luc a estimé que la récente décision de la Commission européenne d'imposer à la SNCF une réduction de son activité de transport ferroviaire était en contradiction directe avec les objectifs affichés par le protocole « transports » en matière de report du trafic routier vers le rail. De manière générale, elle a considéré que les autorités européennes et françaises, en dépit des déclarations officielles, n'agissaient pas en faveur du développement du transport ferroviaire, la part de ce dernier diminuant sans cesse par rapport au trafic routier.

M. Jacques Blanc, rapporteur , a rappelé les engagements importants pris par l'Union européenne en faveur du développement du trafic ferroviaire. Il a notamment cité la liaison ferroviaire Lyon-Turin inscrite parmi les 14 grands projets d'infrastructures prioritaires retenus en 1994 lors du Conseil européen d'Essen. Il a souligné l'engagement du gouvernement français en faveur de ce projet comme, du reste, en faveur d'autres projets susceptibles de favoriser le transport ferroviaire, notamment la nouvelle ligne Perpignan-Barcelone. S'agissant de la SNCF, il a considéré que les mesures conjoncturelles prises, en accord avec la Commission européenne, dans le cadre du redressement de sa branche « fret » n'étaient en rien contradictoire avec l'objectif de développement du fret ferroviaire, puisqu'il s'agit bien de permettre à l'entreprise de retrouver les conditions lui permettant d'être compétitive pour le transport des marchandises.

Mme Dominique Voynet a estimé que tout en portant sur un espace délimité, la Convention alpine avait été élaborée dans un cadre plus large intéressant plusieurs pays. Elle a notamment évoqué à ce propos la commission économique pour l'Europe des Nations unies. Elle a souligné que les élus des régions concernées avaient l'occasion d'être associés aux réunions de la Conférence alpine, tout comme les représentants de la société civile. Elle a estimé que depuis plusieurs années, l'Union européenne s'efforce d'encourager le développement du transport combiné rail-route et elle a relevé, à ce propos, une contradiction dans la position du gouvernement français qui espère des financements européens pour ses projets ferroviaires, notamment Lyon-Turin, tout en s'opposant à une augmentation du budget communautaire au delà de 1% du PIB européen. Elle a estimé que l'évolution des cours du pétrole ne faisait que renforcer l'intérêt, pour l'Union européenne, d'une politique active en faveur du rail. S'agissant de la situation du transport ferroviaire en France, elle a rappelé que la SNCF en était largement responsable, puisqu'elle constitue, à travers ses filiales, le plus important transporteur routier national.

M. Jacques Blanc , rapporteur , a souligné la nécessité d'associer étroitement les élus locaux à la mise en oeuvre de la Convention alpine. S'agissant de la position française sur le budget communautaire, il a estimé que l'objectif de stabilisation n'excluait pas une accentuation de certaines politiques et il a rappelé les propos tenus devant la commission par le ministre des Affaires étrangères insistant sur l'attachement de la France à la politique régionale de l'Union. Il a également rappelé les difficultés du secteur du transport ferroviaire en France en estimant qu'avec le soutien de l'Union européenne il était nécessaire de les résoudre.

La commission a ensuite adopté le projet de loi, Mme Hélène Luc précisant qu'elle s'abstenait.

PROJET DE LOI

(Texte adopté par l'Assemblée nationale) 3 ( * )

Article  1er

Est autorisée l'approbation du protocole d'application de la convention alpine de 1991 dans le domaine de la protection de la nature et de l'entretien des paysages, fait à Chambéry le 20 décembre 1994, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Article  2

Est autorisée l'approbation du protocole d'application de la convention alpine de 1991 dans le domaine de l'aménagement du territoire et du développement durable, fait à Chambéry le 20 décembre 1994, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Article  3

Est autorisée l'approbation du protocole d'application de la convention alpine de 1991 dans le domaine des forêts de montagne, fait à Brdo le 27 février 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Article  4

Est autorisée l'approbation du protocole d'application de la convention alpine de 1991 dans le domaine de l'énergie, fait à Bled le 16 octobre 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Article  5

Est autorisée l'approbation du protocole d'application de la convention alpine de 1991 dans le domaine du tourisme, fait à Bled le 16 octobre 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Article  6

Est autorisée l'approbation du protocole d'application de la convention alpine de 1991 dans le domaine de la protection des sols, fait à Bled le 16 octobre 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Article  7

Est autorisée l'approbation du protocole d'application de la convention alpine de 1991 dans le domaine des transports, fait à Lucerne le 31 octobre 2000, et dont le texte est annexé à la présente loi.

* 1 L'espace alpin comprend les départements des Alpes de Haute Provence, des Hautes Alpes, de Savoie et de Haute-Savoie, ainsi que certaines portions des départements des Alpes-Maritimes, de la Drôme, de l'Isère, du Var et du Vaucluse.

* 2 L'avenir de la montagne - Un développement équilibré dans un environnement préservé - Rapport d'information n°15 (2002-2003).

* 3 Voir le texte annexé au document Assemblée nationale n° 813 (XIIè législature)

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