II. LE PROJET DE LOI DE SAUVEGARDE DES ENTREPRISES : RÉFORMER POUR ANTICIPER DAVANTAGE LES DIFFICULTÉS DES ENTREPRISES ET AMÉLIORER LEUR TRAITEMENT

Afin d'assurer une meilleure prise en charge des difficultés des entreprises, le présent projet de loi tend à réformer l'approche du droit français en matière de procédures collectives.

Si les objectifs fondamentaux de la loi du 25 janvier 1985, à savoir le sauvetage des entreprises et des emplois, ne sont pas remis en cause, un meilleur équilibre est recherché par le projet de loi, qui permette d'agir au plus tôt lorsqu'une entreprise est en difficulté, sans que les droits des créanciers soient totalement lésés.

Au surplus, la réforme présentée par le Gouvernement est guidée par le souci de réduire l'aspect punitif des procédures collectives , poursuivant ainsi le mouvement amorcé par le droit français depuis plusieurs dizaines d'années. Le recours aux procédures de faillite prévues par la loi ne doit en effet pas avoir pour objectif premier de sanctionner le débiteur mais de l'aider à rétablir sa situation par des mesures appropriées. Néanmoins, l'idée de sanction doit subsister à l'égard des dirigeants qui, sciemment, auraient contribué aux difficultés de leur entreprise, mettant souvent, ce faisant, d'autres entreprises dans des situations financières ou économiques difficiles.

A cet effet, le projet de loi prévoit une refonte complète du livre VI du code de commerce, les dispositions existantes qui ne seraient pas reprises au sein du projet de loi étant abrogées ( article 1 er ). Ses dispositions entreraient en vigueur le premier jour du septième mois à compter de sa publication , certaines d'entre elles étant cependant d'application immédiate ( article 192 ). Elles ne seraient, en principe, pas applicables aux instances en cours , sauf exceptions limitativement énumérées par le texte ( article 193 ).

A. L'OBJET DE LA RÉFORME : RENDRE LA PRÉVENTION ET LE TRAITEMENT DES DIFFICULTÉS DES ENTREPRISES PLUS EFFICACES

1. Un champ d'application désormais étendu aux professions indépendantes

L'élargissement du champ d'application des procédures collectives opéré par le présent projet de loi conduit à faire bénéficier des mécanismes de traitement judiciaire des difficultés des entreprises les professions indépendantes.

L'un des principaux reproches adressé de longue date à l'encontre des lois du 25 janvier 1985 et du 1 er mars 1984 est qu'elles ne s'appliquent pas à tous les débiteurs exerçant une activité professionnelle.

Seules peuvent en bénéficier, d'une part, les personnes morales de droit privé, qu'elles aient une nature commerciale ou non, et d'autre part, les personnes physiques artisans, commerçants ou agriculteurs. Sont donc aujourd'hui exclus du bénéfice de cette législation les personnes physiques exerçant une profession indépendante sans être pour autant commerçants, artisans ou agriculteurs .

Si cette situation est en grande partie l'héritage de l'histoire -le droit des faillites ayant été, à l'origine, un droit applicable aux seuls commerçants-, son maintien apparaît, à l'heure actuelle, particulièrement paradoxal et injustifié.

En effet, les particuliers bénéficient, sous certaines conditions, d'un droit à l'effacement de leurs dettes non professionnelles, consacré par le code de la consommation. Ce droit a d'ailleurs été récemment renforcé par les articles 35 et 36 de la loi n° 2003-710 du 1 er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine qui a institué une procédure dite de « rétablissement personnel » 22 ( * ) . Par ailleurs, depuis la loi du 1 er juin 1924 portant introduction des lois commerciales françaises dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, les personnes physiques même non commerçantes domiciliées dans ces départements bénéficient, dans le cadre de la procédure dite de « faillite civile », de la possibilité de voir leurs dettes tant personnelles que professionnelles effacées 23 ( * ) .

Ainsi, en l'état actuel du droit, les personnes physiques exerçant une profession indépendante hors des départements d'Alsace-Moselle, sont les seules à ne pas pouvoir bénéficier de procédures tendant à l'apurement de leurs dettes professionnelles. Cette situation est d'autant plus problématique que les entreprises « libérales » représentent près de 25 % des entreprises en France .

Mettant un terme à cette anomalie, tout en prévoyant des règles particulières pour les professions libérales réglementées ou dont le titre est protégé afin de garantir l'intervention des autorités ou des ordres professionnels intéressés, le présent projet de loi rendrait applicable à l'ensemble des professions indépendantes les procédures de prévention et de conciliation, d'une part ( article 5 ) , et les procédures de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaires, d'autre part ( articles 13, 99 et 108 ).

Panorama des « entreprises libérales » en 2003

Entreprises libérales

Nombre d'entreprises

Intermédiaires du commerce (sauf centrale d'achat)

37 000

Services rendus aux entreprises dont :

213 961

Conseils en système informatique, réalisation de logiciels

29 686

Activités juridiques

43 142

Activités comptables

19 106

Etudes de marché, sondages

2 807

Conseils pour les affaires et la gestion

56 942

Activités d'architecture

27 916

Métreurs, géomètres

3 967

Ingénierie, études techniques

30 395

Auxiliaires d'assurance

28 000

Enseignement : formation des adultes et continue, Autres enseignements

21 000

Activités liées à la santé

300 000

Ensemble des entreprises libérales

600 000

Total des entreprises françaises

2 415 000

Part des entreprises libérales

25%

Source : Insee - Sirène au 1 er janvier 2003 (y compris les entreprises au régime fiscal de la micro entreprise).

En revanche, les personnes morales de droit public resteraient cependant toujours exclues du droit des procédures collectives . Les personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité agricole conserveraient, quant à elles, le régime partiellement dérogatoire qui leur est applicable 24 ( * ) .

* 22 Articles L. 332-5 à L. 332-12 du code de la consommation.

* 23 Articles L. 628-1 à L. 628-8 du code de commerce.

* 24 Voir les articles L. 351-1 et suivants du code rural.

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