Rapport n° 392 (2004-2005) de M. François ZOCCHETTO , fait au nom de la commission des lois, déposé le 15 juin 2005

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N° 392

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 15 juin 2005

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , portant diverses dispositions d' adaptation au droit communautaire dans le domaine de la justice ,

Par M. François ZOCCHETTO,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest, président ; MM. Patrice Gélard, Bernard Saugey, Jean-Claude Peyronnet, François Zocchetto, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Georges Othily, vice-présidents ; MM. Christian Cointat, Pierre Jarlier, Jacques Mahéas, Simon Sutour, secrétaires ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Michèle André, M. Philippe Arnaud, Mme Eliane Assassi, MM. Robert Badinter, José Balarello, Laurent Béteille, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. François-Noël Buffet, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Pierre-Yves Collombat, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Yves Détraigne, Michel Dreyfus-Schmidt, Pierre Fauchon, Gaston Flosse, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Charles Gautier, Philippe Goujon, Mme Jacqueline Gourault, MM. Charles Guené, Jean-René Lecerf, Mme Josiane Mathon, MM. Hugues Portelli, Henri de Richemont, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle, MM. Alex Türk, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung.

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 2233 , 2291 et T.A. 420

Sénat : 330 (2004-2005)

Union européenne.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 15 juin 2005, sous la présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président, la commission a examiné sur le rapport de M. François Zocchetto, le projet de loi n° 330 (2004-2005), adopté par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions d' adaptation au droit communautaire dans le domaine de la justice.

Le rapporteur a relevé que les différentes dispositions de ce texte transposant des directives ou décisions-cadre du Conseil de l'Union européenne marquaient toutes un progrès de la coopération dans le domaine de la justice.

Ainsi, l' article 1 er permet de définir un régime d'aide juridictionnelle plus favorable que le droit commun pour toute personne en situation régulière résidant habituellement dans un Etat membre de l'Union européenne qui serait partie à un litige transfrontalier en matière civile et commerciale.

L' article 2 ouvre la voie à la prise en compte des condamnations prononcées par la juridiction d'un autre Etat membre de l'Union européenne au titre de la récidive pour les seules infractions de faux monnayage. A cet égard, il ouvre une première brèche au principe du droit pénal français selon lequel seules les décisions d'une juridiction française peuvent constituer le premier terme de la récidive et devrait ainsi permettre une répression plus efficace de cette criminalité transfrontalière.

Les articles 3 et 4 visent à compléter utilement le régime défini par le code pénal pour réprimer la corruption dans le secteur public en substituant aux dispositions actuelles partielles du code du travail ne concernant que la corruption des salariés, un régime couvrant l'ensemble du secteur privé, lucratif ou non lucratif.

L' article 5 tend à définir un mécanisme plus efficace de mise en oeuvre des demandes de gel de biens ou d'éléments de preuve venant de l'étranger ou adressées à l'étranger. En effet, ces demandes seraient transmises directement d'autorité judiciaire à autorité judiciaire et leur exécution devrait être immédiate sous réserve des conditions fixées par la décision-cadre. La coopération européenne dans le domaine pénal pourrait ainsi s'appuyer sur un dispositif efficace.

Votre commission approuve par ailleurs, dans l'attente d'une réforme d'ensemble sur les mesures d'exécution provisoire en matière pénale, la suppression de l' article 6 du projet de loi l'autorisant exécution provisoire de mesures conservatoires en matière délictuelle, qui ne procédait d'aucune décision européenne.

Au regard des avancées permises par ces différentes dispositions et compte tenu des précisions utiles apportées par l'Assemblée nationale, votre commission propose l' adoption du projet de loi sans modification.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames Messieurs,

Le Sénat est appelé à se prononcer sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la justice, adopté par l'Assemblée nationale le 9 mai dernier.

Ce texte comporte quatre séries de mesures qui illustrent la diversité du champ d'intervention de l'Union européenne dans le domaine de la justice et du droit pénal. Il touche en effet à :

- l'aide juridictionnelle (art. 1 er ) ;

- la prise en compte des condamnations prononcées par la juridiction d'un autre Etat membre en matière de faux monnayage au regard de l'application des règles de la récidive (art. 2) ;

- l'harmonisation des incriminations et des sanctions dans le domaine de la lutte contre la corruption (art. 3 et 4) ;

- la mise en place d'une procédure rapide et simplifiée de gel des avoirs et des éléments de preuve dans le cadre de l'entraide judiciaire (art. 5).

Ces diverses dispositions marquent, chacune dans leur domaine, un renforcement de la coopération européenne.

Elles s'inscrivent ainsi dans la perspective de la construction progressive d'un espace judiciaire commun dont votre rapporteur rappellera les grandes orientations avant de présenter les principaux apports du présent projet de loi.

I. LA CONSTRUCTION PROGRESSIVE D'UN ESPACE PÉNAL EUROPÉEN

Les fondements d'un espace pénal européen ont été posés par le traité de Maastricht signé le 7 février 1992 qui a assigné aux Etats membres de l'Union européenne la mission de développer la coopération intergouvernementale dans le domaine de la justice et des affaires intérieures (le « troisième pilier » de l'Union européenne). La coopération judiciaire pénale avait en effet alors été rangée parmi les sujets d'« intérêt commun ». Le traité d'Amsterdam (conclu le 2 octobre 1997) a permis de conforter ces acquis à travers l'intégration dans le cadre de l'Union des accords de Schengen 1 ( * ) et la création d'un « espace de liberté, de sécurité et de justice ». Par ailleurs, le processus décisionnel a été amélioré à trois égards : la Commission européenne s'est vu reconnaître un droit d'initiative dans tous les domaines visés par le titre IV du traité sur l'Union européenne ; la décision-cadre a été substituée à l'action commune comme instrument privilégié de rapprochement des législations ; enfin, l'entrée en vigueur de toute convention peut intervenir après ratification par la moitié des Etats membres signataires.

Parallèlement, la Cour de justice des Communautés européennes a également oeuvré en faveur de la constitution d'un espace pénal européen « qui implique nécessairement qu'il existe une confiance mutuelle des Etats membres dans leurs systèmes de justice pénale et que chacun de ceux-ci accepte l'application du droit pénal en vigueur dans les autres Etats membres, quand bien même la mise en oeuvre de son propre droit national conduirait à une solution différente » 2 ( * ) .

Le Conseil européen extraordinaire de Tampere réuni en octobre 1999, exclusivement consacré aux questions de justice et d'affaires intérieures a établi les quatre grands axes de la construction d'un espace pénal européen : la concrétisation du principe de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires, le rapprochement du droit pénal des Etats membres, l'institution d'acteurs intégrés de coopération et, enfin, le renforcement de la coopération internationale dans ce domaine.

La mise en oeuvre du principe de reconnaissance mutuelle

Le principe de reconnaissance mutuelle, considéré lors du Conseil européen de Tampere comme la « pierre angulaire » de la coopération judiciaire, implique que les décisions de justice rendues dans un Etat membre peuvent être exécutées directement dans toute l'Union. Alors que la reconnaissance mutuelle avait d'abord été expérimentée pour les décisions présentencielles en matière de lutte contre la criminalité financière, les événements du 11 septembre 2001 ont conduit à la mettre en oeuvre pour un type de décision jugé désormais prioritaire dans le contexte de lutte contre le terrorisme : les demandes d'arrestation et de remise entre Etats membres des personnes recherchées. Ainsi, le Conseil est parvenu en deux mois et demi seulement à un accord politique sur la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen pourtant juridiquement complexe et politiquement sensible. Aux termes de cette décision-cadre, les mandats d'arrêt européen peuvent être émis et exécutés exclusivement par les magistrats ; en outre, l'exigence de double incrimination est supprimée pour les faits qui relèvent de l'une des 32 infractions graves (parmi lesquelles le terrorisme, le trafic illicite de stupéfiants, la corruption, le blanchiment du produit du crime, le racisme et la xénophobie) prévues par la décision-cadre et sont punis d'une peine d'emprisonnement supérieure à trois ans.

Le rapprochement du droit pénal des Etats membres

L'Union européenne a engagé un effort important pour rapprocher les incriminations et les sanctions dans plusieurs domaines : traite des êtres humains (décision-cadre du 22 juin 2002), aide à l'entrée d'immigrants illégaux (décision-cadre du 1 er août 2002), exploitation sexuelle des enfants et pédopornographie (décision-cadre du 5 février 2003)...

Au-delà du rapprochement des législations existantes, il s'agit parfois, comme en matière de terrorisme (décision-cadre du 22 juin 2002) de combler un vide juridique dans le droit des Etats membres ou de certains d'entre eux -ainsi, la décision-cadre définit les infractions terroristes et celles relatives à un groupe terroriste (par exemple, la participation directe ou indirecte à un groupe terroriste, la direction d'une organisation terroriste) et fait obligation aux Etats membres de les incriminer et de prévoir des sanctions graves (8 ans d'emprisonnement pour la participation, 15 ans pour la direction).

Les progrès apparaissent en revanche moins sensibles dans le domaine du droit procédural : seules deux décisions-cadres ont, à ce jour, été adoptées -la première sur le statut des victimes dans le procès pénal (décision-cadre du 22 août 2001), la seconde sur le gel des biens et des éléments de preuve (décision-cadre du 22 juillet 2003) dont la transposition dans l'ordre juridique français est d'ailleurs prévue par l'article 5 du présent projet de loi. La Commission européenne poursuit néanmoins une démarche ambitieuse dans ce domaine : ainsi, elle a récemment présenté un projet de décision-cadre relative aux garanties procédurales accordées aux suspects et aux personnes mises en cause dans les procédures pénales au sein de l'Union. Notre délégation pour l'Union européenne a d'ailleurs présenté une proposition de résolution sur ce document dont votre commission des lois a été saisie.

La coopération institutionnelle

La coopération institutionnelle a emprunté deux voies : d'une part, la constitution de réseaux judiciaires (principalement le réseau judiciaire européen 3 ( * ) ou le mécanisme des magistrats de liaison), d'autre part l'institution d'une unité de coopération judiciaire, Eurojust .

Cette structure vise un triple objectif : promouvoir la coordination des enquêtes et des poursuites menées par les autorités compétentes de plusieurs Etats membres (par une gamme d'interventions non contraignantes consistant par exemple à demander aux autorités compétentes d'engager des poursuites, inviter celles-ci à se dessaisir d'une enquête au profit des autorités d'un autre Etat membre ou encore mettre en place une équipe conjointe d'enquête...), améliorer l'entraide judiciaire entre les autorités compétentes des Etats membres (à cet égard, la présence au sein d'Eurojust d'autant de magistrats de liaison que d'Etats membres favorise l'exécution des commissions rogatoires internationales)  et contribuer à la définition d'une politique criminelle européenne.

Le développement de la coopération internationale en matière pénale

La construction d'un espace pénal européen présente aussi une dimension internationale avec la signature de conventions de coopération judiciaire. Ces accords permettent non seulement de renforcer la sécurité intérieure de l'Union, mais aussi de promouvoir le système de valeurs dans lequel se reconnaît l'Union.

A cet égard, les deux accords d'entraide pénale et d'extradition conclus entre l'Union européenne et les Etats-Unis le 25 juin 2003 apparaissent exemplaires. D'une part, l'Union a fait admettre le principe selon lequel une extradition ou une demande d'entraide judiciaire pouvaient être refusées si les éléments recueillis sont susceptibles de justifier l'application de la peine de mort ou d'une peine perpétuelle ou si la personne peut être jugée par une juridiction d'exception ; d'autre part, des dispositions de protection de données à caractère personnel inspirées de celles qui prévalent entre les Etats membres ont été introduites, malgré les fortes réticences des partenaires américains, dans l'accord sur l'entraide pénale.

Un bilan encourageant

Sans doute la construction d'un espace pénal européen rencontre-t-elle certaines difficultés. Celles-ci paraissent principalement de trois ordres :

En premier lieu, l' effectivité du droit dérivé de l'Union européenne en matière pénale demeure partielle. Ainsi les actions communes et les décisions-cadres sont transposées souvent tardivement. La France, à cet égard, accuse un retard persistant en dépit de la forte mobilisation du Gouvernement en faveur de la mise en conformité du droit français avec le droit communautaire et malgré des efforts significatifs pour inscrire des textes de transposition à l'ordre du jour du Parlement.

En effet, comme l'indiquait en mars dernier M. Dominique Perben alors garde des Sceaux en réponse à une question écrite, « depuis l'année 2000, la France a été condamnée une centaine de fois au titre de la procédure en manquement » 4 ( * ) prononcée par la Cour de justice des Communautés européennes pour sanctionner la non-application d'une norme communautaire.

D'ailleurs, le présent projet de loi ne fait pas exception, deux des quatre textes européens à retranscrire en droit interne l'étant avec retard. Il s'agit de la directive 2003/8 du 27 janvier 2003 visant à améliorer l'accès à la justice judiciaire dans les affaires transfrontalières et la décision-cadre du conseil de l'Union européenne du 6 décembre 2001 visant à renforcer par des sanctions pénales et autres la protection contre le faux monnayage en vue de la mise en circulation de l'euro dont le délai de transposition était fixé respectivement au 30 novembre 2004 5 ( * ) et au 31 décembre 2002 .

En second lieu, l'unanimité exigée pour l'adoption par le Conseil des actes du titre VI du traité sur l'Union européenne (à l'exception des mesures de mise en oeuvre de ces décisions qui peuvent être adoptées à la majorité qualifiée) peut freiner la dynamique de rapprochement. En effet, comme le soulignait un observateur 6 ( * ) , « d'une part, elle ralentit exagérément la négociation. L'expérience montre en effet que les délégations se comportent de manière radicalement différente lorsqu'un acte peut être adopté à la majorité qualifiée, leur implication dans les débats et leur propension à compromettre se manifestant beaucoup plus tôt dans la négociation. D'autre part, elle entraîne un réel appauvrissement des normes adoptées qui doivent être indexées sur les exigences de la délégation la moins ambitieuse.

« Il s'ensuit une harmonisation, soit « à droit constant », la délégation parvenant à configurer la décision-cadre en manière telle qu'aucun Etat membre n'ait à modifier son droit pénal, soit « en trompe-l'oeil » par le recours à des artifices (...) tels que la référence au droit national, la possibilité de dérogations ou d'option » 7 ( * ) .

Enfin, la question de la base juridique pertinente pour l'adoption de mesures en matière pénale fait l'objet d'un débat récurrent entre les Etats membres et la Commission européenne. Les premiers estiment que ces dispositions doivent être prises dans le cadre des règles propres à la coopération intergouvernementale telle qu'elles résultent du titre VI du traité sur l'Union européenne (droit d'initiative partagé entre la Commission et les Etats membres, décision du Conseil prises à l'unanimité, association du Parlement européen sur le mode consultatif). La seconde considère que les règles communautaires prévalent chaque fois que l'harmonisation du droit pénal est nécessaire pour assurer l'exercice par la Communauté des compétences que lui reconnaissent les traités telles que la protection de l'environnement ou la protection des intérêts financiers de la Communauté (initiative exclusive de la Commission, mode de décision à l'unanimité ou à la majorité qualifiée selon le domaine visé, le cas échéant, codécision du Parlement européen).

Malgré ces difficultés, la coopération européenne dans le domaine pénal a connu des avancées d'autant plus remarquables qu'elles ont été acquises sur une durée relativement brève et dans des domaines qui touchent de près à la souveraineté des Etats. Le mandat d'arrêt européen est sans doute la mesure la plus emblématique de ces progrès.

Au terme de la très prochaine transposition de cette procédure en Italie, le mandat d'arrêt européen sera applicable dans tous les Etats membres. En France, cette procédure est applicable depuis l'entrée en vigueur de la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité du 9 mars 2004 (art. 695-11 et 695-51 du code de procédure pénale).

Le premier bilan qui peut être dressé du mandat d'arrêt confirme le caractère opérationnel et efficace attendu de cette procédure. Ainsi, à ce jour, s'agissant de la France, les délais de remise des personnes reclamées s'établissent en moyenne à moins de trente jours en cas de consentement et de deux mois en cas de recours lié à un refus de consentement.

Au cours des douze derniers mois, 268 personnes ont été remises par la France (parmi lesquelles une cinquantaine de ressortissants français) et 144 personnes lui ont été livrées par les autorités étrangères. L'Espagne et la Belgique comptent parmi les Etats avec lesquels les échanges sont les plus importants. Les infractions qui donnent lieu à exécution d'un mandat d'arrêt européen concernent par ordre décroissant d'importance numérique : le trafic de stupéfiants, les viols, les homicides, le terrorisme, la criminalité organisée et les escroqueries.

II. LE PROJET DE LOI PORTANT DISPOSITIONS D'ADAPTATION AU DROIT COMMUNAUTAIRE DANS LE DOMAINE DE LA JUSTICE

Le présent projet de loi portant dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la justice tend à transposer quatre directives et décisions-cadres modifiant la loi relative à l'aide juridique, le code pénal et le code de procédure pénale.

Présenté en Conseil des ministres le 6 avril dernier, il a été voté par l'Assemblée nationale le 9 mai. A l'exception de la suppression de l'article 6 du projet de loi, les 22 amendements adoptés par l'Assemblée nationale ont une portée principalement rédactionnelle. Ils ont utilement précisé et clarifié certaines des dispositions du texte.

L' article premier du projet de loi a pour objet de mettre le droit français en conformité avec la directive n° 2003/8 du conseil de l'Union européenne du 27 janvier 2003 visant à améliorer l'accès à la justice dans les affaires transfrontalières 8 ( * ) par l'établissement de règles minimales communes relatives à l'aide judiciaire accordée dans le cadre de telles affaires.

La loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique répond en grande partie aux objectifs de la directive tendant à permettre aux justiciables qui résident dans l'Union européenne d'accéder effectivement à l'aide judiciaire à l'occasion d'une procédure engagée sur le territoire national.

En effet, de nombreux justiciables, quels que soient leur nationalité et le lieu de leur résidence 9 ( * ) , peuvent déjà bénéficier de l'aide juridictionnelle française pour engager une procédure sur le territoire national. Au total, 123 demandes d'aide juridictionnelle transfrontalières ont été enregistrées en 2004 10 ( * ) , contre 96 et 88 demandes respectivement en 2002 et 2003.

Quelques aménagements se sont toutefois révélés nécessaires pour satisfaire aux obligations communautaires.

Le présent projet de loi propose de définir un régime d'aide juridictionnelle plus favorable que le droit commun dont l'application serait limitée aux litiges transfrontaliers en matière civile et commerciale. Ce dispositif serait accessible à tous les ressortissants, sans considération de leur nationalité, en situation régulière et résidant habituellement dans un Etat membre de l'Union européenne .

En premier lieu, le champ des frais couverts par l'aide juridictionnelle française serait étendu à deux égards.

Les ressortissants résidant régulièrement dans un autre Etat membre de l'Union européenne 11 ( * ) pourraient obtenir en France la prise en charge, au titre de l'aide juridictionnelle , des frais d'interprétation , des frais de déplacement lorsque leur présence est requise par le juge à l'audience et des frais de traduction des documents nécessaires au règlement de l'affaire supportés à l'occasion d'une procédure engagée sur le territoire français.

Les ressortissants résidant sur le territoire national pourraient obtenir la couverture des frais de traduction supportés à l'occasion d'une demande d'assistance judiciaire adressée à un autre Etat membre.

En second lieu, les ressortissants résidant régulièrement dans un autre Etat membre pourraient bénéficier d'un assouplissement des conditions de ressources imposées par la loi française, à condition de prouver leur impossibilité de supporter les dépenses liées au procès compte tenu des différences de coût de la vie entre la France et l'Etat dans lequel ils résident.

Enfin, ce régime particulier d'aide juridictionnelle aurait un caractère subsidiaire . Il ne s'appliquerait donc qu'à la condition que les frais exposés ne soient pas déjà pris en charge par d'autres systèmes de protection juridique ou dans le cadre d'un contrat d'assurance.

Une augmentation des dépenses de l'Etat affectées à l'aide juridictionnelle paraît donc prévisible . Selon les informations fournies à votre rapporteur par le ministère de la justice, les demandes d'aide juridictionnelle portant sur des litiges transfrontaliers devraient concerner une centaine de dossiers. Le Gouvernement a d'ores et déjà anticipé l'impact financier du présent projet de loi en inscrivant dans la loi de finances pour 2005 12 ( * ) une mesure de 70.000 euros.

L'Assemblée nationale a approuvé ce dispositif auquel elle n'a apporté que des améliorations rédactionnelles.

Ces innovations répondent à l'une des quatre priorités inscrites dans la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 13 ( * ) relative à l'amélioration de l'accès des citoyens au droit et à la justice . Elles méritent donc d'être approuvées.

L' article 2 du projet de loi a pour objet la transposition de la décision-cadre du conseil de l'Union européenne du 6 décembre 2001 visant à renforcer par des sanctions pénales et autres la protection contre le faux monnayage en vue de la mise en circulation de l'Euro.

Aux termes du nouvel article qui serait inséré dans le code pénal, une personne qui commettrait une nouvelle infraction en France après avoir fait l'objet d'une première condamnation pour faux monnayage, rendue par la juridiction d'un autre Etat membre de l'Union européenne, pourrait se voir appliquer l'aggravation des peines, prévue au titre de la récidive. Actuellement, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, fondée sur le principe de territorialité de la loi pénale, seule une condamnation prononcée par une juridiction française peut être prise en compte au titre de la récidive.

Aussi, la reconnaissance des condamnations rendues par un autre Etat membre de l'Union européenne, même limitée aux infractions de faux monnayage, constituerait-elle une première brèche à cette règle.

Elle apparaît non seulement comme l'une des conditions de la construction progressive d'un espace pénal européen mais également comme le moyen de réprimer de manière plus efficace la criminalité transfrontalière.

A ces deux titres, cet article qui a été adopté sans modification par l'Assemblée nationale doit être approuvé.

Les articles 3 et 4 du projet de loi procèdent à la transposition de la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne du 22 juillet 2003 relative à la lutte contre la corruption dans le secteur privé.

Actuellement, le droit français incrimine la corruption active et la corruption passive 14 ( * ) , d'une part, des personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission du service public (art. 432-11 et 433-1 du code pénal), d'autre part, des salariés (art. L. 152-6 du code du travail).

Les nouvelles dispositions tendent à insérer un nouveau chapitre V intitulé « De la corruption des personnes n'exerçant pas une fonction publique » au sein du livre IV du code pénal (« Des atteintes à la confiance mutuelle »). Elles modifieraient le droit en vigueur à trois titres.

En premier lieu, l'ensemble des faits de corruption concernant le secteur privé seraient incriminés, y compris ceux commis par des personnes exerçant des fonctions de direction (chefs d'entreprises, personnes exerçant une profession libérale).

Ensuite, la responsabilité des personnes morales pourrait être mise en cause pour des faits de corruption active ou passive alors qu'elle ne peut être aujourd'hui engagée que pour des actes de corruption active de personnes exerçant une fonction publique.

Enfin, les peines encourues ont été relevées à un niveau comparable à celles prévues pour certaines infractions comme l'abus de biens sociaux ou l'escroquerie parfois utilisés aujourd'hui pour réprimer le délit de corruption (cinq ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende).

L'Assemblée nationale a complété ce dispositif par des amendements de coordination.

Grâce à ces dispositions dont la transposition devrait intervenir avant le 25 juillet 2005 , la France peut utilement combler une lacune injustifiée de son arsenal répressif en matière de corruption.

L'article 5 vise à transposer la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne du 22 juillet 2003 relative à l'exécution dans l'Union européenne des décisions de gel de biens ou d'éléments de preuve. Pas moins de trente nouveaux articles seraient ainsi insérés dans le code de procédure pénale.

Actuellement, les demandes de saisie venant de l'étranger ou adressées à l'étranger, qu'elles portent sur un élément de preuve dans le cadre d'une enquête judiciaire ou un avoir en vue d'une confiscation, empruntent la voie d'une commission rogatoire internationale , procédure souvent lourde -du fait de la transmission par la voie diplomatique- et lente.

Or, en la matière, il apparaît essentiel d'agir de manière rapide. La décision-cadre apporte à cet égard trois progrès significatifs. D'une part, la décision de gel serait transmise directement de l'autorité judiciaire de l'Etat à l'origine de la demande (appelé Etat d'émission) à l'autorité judiciaire de l'Etat chargé de la mise en oeuvre (dénommé Etat d'exécution). D'autre part, l'exécution, sous réserve, naturellement, que la décision de gel réponde aux conditions fixées par la décision-cadre, devrait intervenir « immédiatement ». Ces dispositions procédurales s'inscrivent ainsi dans la logique du principe de reconnaissance mutuelle. Enfin, tandis que certaines demandes de saisie souffrent aujourd'hui de beaucoup d'imprécision, les décisions de gel devraient désormais s'accompagner d'un certificat comportant l'ensemble des mentions pertinentes pour permettre au magistrat du pays d'exécution de procéder à la mise en oeuvre de la décision dans des délais rapides.

La transposition de la décision-cadre inscrit ces nouvelles règles dans le cadre des règles de compétence et de procédures applicables en droit français aux saisies.

L'Assemblée nationale a complété ce dispositif en permettant que l'Etat d'émission, appelé à intervenir dans le cadre du recours éventuel porté dans l'Etat d'exécution contre la décision de gel, le fasse à l'audience par le biais de la visioconférence.

Les magistrats praticiens des commissions rogatoires internationales, entendus par votre rapporteur, ont souligné l'intérêt de la procédure rapide et efficace prévue par la décision-cadre. Le délai limite de transposition de cette décision-cadre a été fixé au 25 août 2005.

L'article 6 du projet de loi initial a été supprimé par l'Assemblée nationale avec l'avis de sagesse du Gouvernement. Il tendait à ouvrir la faculté aux juridictions pénales de prononcer des mesures conservatoires sur les biens meubles et immeubles divis et indivis afin de garantir le paiement de l'amende ou l'exécution de la confiscation prononcée. Ces nouvelles dispositions modifiaient profondément le droit en vigueur qui subordonne le caractère exécutoire d'une sanction à la double condition qu'une peine de prison soit encourue et prononcée. Les députés ont estimé qu'à ce titre, elles anticipaient sur la réforme d'ensemble , en cours de réflexion à la Chancellerie, sur les mesures d'exécution provisoire en matière pénale .

Votre commission des lois partage cette position.

*

* *

Compte tenu de l'ensemble de ces observations, votre commission vous propose d'adopter le projet de loi sans modification.

EXAMEN DES ARTICLES
CHAPITRE PREMIER
TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE DU CONSEIL
DE L'UNION EUROPÉENNE DU 27 JANVIER 2003 VISANT
À AMÉLIORER L'ACCÈS À LA JUSTICE DANS LES AFFAIRES TRANSFRONTALIÈRES PAR L'ÉTABLISSEMENT DE RÈGLES MINIMALES COMMUNES RELATIVES À L'AIDE JUDICIAIRE ACCORDÉE DANS LE CADRE DE TELLES AFFAIRES

Article premier
(art. 3-1 nouveau, 6, 10, 40-1 nouveau, 61 de la loi n° 91-647
du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique)
Régime de l'aide juridique accordée
dans le cadre de litiges transfrontaliers

Cet article tend à définir un régime d'aide juridique particulier, applicable aux litiges transfrontaliers, afin de mettre le droit français en conformité avec la directive 2003/8 du Conseil de l'Union européenne du 27 janvier 2003.

1. La directive du 27 janvier 2003 : un socle de règles minimales communes pour promouvoir l'aide judiciaire dans l'Union européenne

La liberté de circulation des personnes , des biens et des services dans l'Union européenne et son corollaire, le libre établissement, favorisent la multiplication des litiges transfrontaliers n'impliquant pas forcément des personnes aux ressources élevées.

Cette évolution a rendu nécessaire de rechercher des moyens pour assurer une plus grande égalité de traitement entre les justiciables qui résident habituellement dans l'Union européenne qu'ils soient ou non ressortissants communautaires .

Tel est l'objet de la directive 2003/8/CE du 27 janvier 2003. Inspiré des préconisations formulées par le conseil européen extraordinaire de Tampere réuni les 15 et 16 octobre 1999, ce texte s'inscrit dans le cadre de la coopération civile et commerciale qui constitue un des axes principaux du développement de l'« espace judiciaire de liberté, de sécurité et de justice » consacré par le traité d'Amsterdam.

Il prend sa source dans les réflexions esquissées par la Commission européenne en 2000 dans le livre vert sur « l'assistance judiciaire en matière civile : problèmes rencontrés par le plaideur transfrontalier » 15 ( * ) qui avait identifié six obstacles à l'accès effectif à l'assistance judiciaire.

Les six obstacles à l'accès effectif à l'assistance judiciaire
identifiés par la Commission européenne

- le champ trop restrictif des personnes bénéficiaires de l'aide juridique ;

- les critères d'éligibilité à l'aide judiciaire, notamment financiers ou liés au fond de l'affaire ;

- les coûts supplémentaires inhérents au caractère transfrontalier d'un litige engendrés par les frais de traduction et d'interprétation, les frais de déplacement du plaideur, des avocats ou encore les frais liés à la nécessité de s'adresser à deux avocats (celui de l'Etat d'origine et celui de l'Etat où se situe la juridiction compétente pour examiner le litige) ;

- les difficultés pratiques pour trouver un avocat compétent dans un autre Etat que celui du plaideur ;

- la lourdeur des démarches à entreprendre pour saisir un autre Etat membre que l'Etat d'origine du plaideur d'une demande d'assistance judiciaire ;

- l'insuffisante circulation de l'information sur les différents systèmes d'aide judiciaire nationaux trop limitée aux frontières nationales ;

- le caractère national des régimes d'aide judiciaire des Etats membres impliquant que l'assistance judiciaire n'est accordée par un Etat que pour les seules procédures engagées sur son territoire.

La directive 2003/8 propose de « garantir un niveau approprié d'aide judiciaire dans les affaires transfrontalières », définies comme « tout litige dans lequel la partie qui présente une demande d'aide judiciaire [...] à son domicile ou sa résidence habituelle dans un Etat membre autre que l'Etat du for 16 ( * ) ou que l'Etat dans lequel la décision doit être exécutée » 17 ( * ) .

Il s'agit donc d'un dispositif « ciblé » qui laisse les Etats membres libres de déterminer les règles régissant leur système national d'aide juridique, tout en proposant des solutions communes pour éviter que les plaideurs ne soient découragés par les nombreux obstacles à l'accès effectif à la justice .

La directive comprend deux volets, l'un normatif qui définit les conditions et l'étendue de l'aide judicaire accordée à l'occasion de litiges transfrontaliers (articles premier à 12), l'autre d'ordre pratique ayant trait aux circuits de transmission des demandes d'aide judiciaire (articles 12 à 16) 18 ( * ) . Seule la première partie de ce texte impose une transposition de la loi française 19 ( * ) .

La directive prévoit deux séries de dispositions relatives aux modalités de l'aide judiciaire accordée aux demandeurs à l'occasion d'un litige transfrontalier, les unes impératives s'imposant aux Etats membres (type de contentieux concerné, champ des plaideurs éligibles, phases de la procédure couvertes, nature des dépenses prises en charge), les autres facultatives (caractère subsidiaire de l'aide accordée, inclusion des dépens dans le champ de l'aide).

Cette démarche a été accueillie favorablement par le Conseil des barreaux de l'Union européenne 20 ( * ) . Ce texte est en cours de transposition dans la plupart des Etats membres de l'Union européenne.

2. Une nécessaire adaptation des règles de droit interne

Régie par la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, le système français d'aide judiciaire s'appuie sur deux mécanismes distincts : l'accès au droit qui a trait aux droits et obligations en dehors de toutes procédures juridictionnelles 21 ( * ) et l' aide juridictionnelle .

Ce second volet, le plus important, permet la prise en charge par l'Etat des frais exposés par les justiciables ne disposant pas des ressources suffisantes pour faire valoir leurs droit en justice . Cette aide financière couvre en particulier les frais liés à l'assistance d'un avocat (honoraires) ou d'un autre auxiliaire de justice et les frais de procédure (article 40 de la loi du 10 juillet 1991).

Son domaine est vaste (article 10 de la loi du 10 juillet 1991). En effet, cette aide peut être accordée dans t outes les matières -gracieuse ou contentieuse-, devant toutes les juridictions et à t ous les stades d'une procédure juridictionnelle : en amont, dans le cadre d'une transaction avant l'introduction de l'instance, lors du procès ou encore après celui-ci pour obtenir l'exécution d'une décision de justice rendue au bénéfice du demandeur.

- Les exigences de la directive déjà partiellement satisfaites par le droit en vigueur

Comme le souligne l'exposé des motifs du projet de loi, le droit français prend déjà en compte une partie des exigences inscrites dans la directive du 27 janvier 2003. L'aide juridictionnelle française peut en effet d'ores et déjà être accordée à certains demandeurs ne résidant pas habituellement sur le territoire national et quelle que soit leur nationalité à l'occasion d'une procédure engagée en France.

Outre certaines personnes morales qui peuvent, à titre exceptionnel, prétendre à l'aide juridictionnelle, sous de strictes conditions 22 ( * ) , et les syndicats de copropriétaires d'immeubles dans le cadre de certaines actions 23 ( * ) , le bénéfice de l'aide juridictionnelle est accordé - par le bureau d'aide juridictionnelle établi auprès de la juridiction compétente pour statuer sur le litige - aux personnes physiques qui remplissent trois conditions cumulatives relatives aux ressources - qui ne doivent pas dépasser un certain seuil réévalué chaque année 24 ( * ) - , au caractère sérieux de la demande 25 ( * ) et à la nationalité .

En ce qui concerne cette dernière condition définie à l'article 3 de la loi du 10 juillet 1990, le système français , à l'instar de nombreux autres Etats membres 26 ( * ) est déjà largement ouvert .

En effet, outre les justiciables français , les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne, sans considération du lieu de leur domicile, sont également autorisés à demander l'aide juridictionnelle à l'occasion d'une procédure engagée en France . Cette disposition, qui n'était pas prévue par le régime antérieur à 1991, est la conséquence de l'article 7 du traité de Rome de 1957 qui impose une égalité de traitement entre les ressortissants communautaires et les ressortissants nationaux et de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 relative à la libre circulation des jugements. Dans le même esprit, les ressortissants des Etats liés par une convention bilatérale relative à l'assistance judiciaire 27 ( * ) , peuvent également bénéficier du régime d'aide juridique français.

Sont également éligibles à l'aide juridictionnelle pour une procédure engagée en France les ressortissants étrangers en situation régulière résidant habituellement en France. A titre exceptionnel , peuvent également accéder à ce dispositif les demandeurs étrangers qui ne remplissent pas ces conditions dont la situation se révèle particulièrement digne d'intérêt au regard de l'objet du litige ou des charges prévisibles de celui-ci.

Enfin, certaines catégories de ressortissants étrangers - mineurs, témoins assistés, mis en examen, prévenus, accusés, condamnés ou partie civile - sont admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle sans condition de résidence.

- Des adaptations ponctuelles au régime de droit commun pour mettre le droit français en conformité avec le droit communautaire

Le présent projet de loi définit un régime d'aide juridictionnelle applicable aux litiges transfrontaliers qui reprend pour l'essentiel les règles de droit commun applicables sous réserve de quelques adaptations ponctuelles sur des points particuliers qui, aux termes de la directive, relèvent de règles spécifiques.

Le texte proposé pour l'article 3-1 (nouveau) de la loi du 10 juillet 1991 détermine la liste des personnes éligibles à l'aide juridictionnelle et le champ d'application de l'aide accordée. Il définit les litiges transfrontaliers et affirme le caractère subsidiaire de l'aide juridictionnelle octroyée en la matière.

Le présent article propose de définir une liste de personnes éligibles à l'aide juridictionnelle en cas de litige transfrontalier strictement calquée sur les termes de la directive . Ce dispositif serait donc ouvert aux ressortissants communautaires, comme actuellement, et, de manière plus novatrice, aux ressortissants des pays tiers, en situation régulière, résidant ou domiciliés dans l'un des Etats membres. Une exception sur ce dernier point serait toutefois prévue pour exclure l'Etat du Danemark qui n'a pas participé à l'adoption de la directive 2003/8 28 ( * ) .

A la différence du régime de droit commun, les personnes morales -visées à titre exceptionnel par l'article 2 de la loi de 1990- ainsi que les personnes physiques ressortissants étrangers en situation irrégulière ou ne résidant par sur le territoire français éligibles à l'aide juridictionnelle à titre exceptionnel- aux termes de l'article 3 de cette même loi - seraient écartées.

La définition des litiges transfrontaliers retenue par la directive serait strictement reprise. Seuls les litiges transfrontaliers civils et commerciaux seraient susceptibles d'entrer dans le champ du dispositif, conformément à la directive 2003/8 29 ( * ) . Serait donc exclus le contentieux pénal, fiscal, douanier ou encore administratif.

Selon les informations fournies à votre rapporteur par le ministère de la justice, pourraient être plus particulièrement concernés des contentieux en matière familiale (divorce, garde des enfants, pensions alimentaires), de droit du travail (droit des licenciements notamment) ou encore de sécurité sociale ou de responsabilité médicale.

Par un renvoi au titre II (qui regroupe les articles 10 et 11) de la loi du 10 juillet 1991, le bénéfice de l'aide pourrait être octroyé à toutes les étapes de la procédure .

L'Assemblée nationale, sur la proposition de sa commission des lois, le Gouvernement ayant donné un avis favorable, a apporté une clarification pour éviter que l'octroi de l'aide juridictionnelle aux litiges transfrontaliers puisse être étendu à la matière pénale et quelques améliorations rédactionnelles à la liste de personnes visées.

Le présent article confère un caractère subsidiaire à l'aide juridictionnelle octroyée en cas de litige transfrontalier , ce qui implique que son bénéfice serait exclu lorsque les frais de procédure sont déjà pris en charge dans le cadre « d'un contrat d'assurance » ou par « d'autres systèmes de protection ». Ce mécanisme s'appliquerait à la seule condition que la police d'assurance couvre effectivement la procédure engagée sur le territoire français. Selon les informations recueillies par votre rapporteur auprès du ministère de la justice, le caractère subsidiaire de l'aide sera apprécié par les bureaux d'aide juridictionnelle au cas par cas.

Votre rapporteur se félicite que le Gouvernement ait fait le choix opportun d'utiliser la possibilité laissée par la directive 30 ( * ) aux Etats membres de tenir compte de l'existence de mécanismes alternatifs à l'aide judiciaire dans certains Etats membres de l'Union européenne 31 ( * ) . Cette initiative paraît particulièrement bienvenue dans le contexte actuel de maîtrise des dépenses publiques et en particulier des dépenses d'aide juridictionnelle - en croissance exponentielle (+ 42 % entre 1998 et 2004) 32 ( * ) .

Le texte proposé pour l'article 6 de la loi du 10 juillet 1991 tend à permettre la prise en compte des différences de coût de la vie entre les Etats membres de l'Union européenne.

Actuellement, l'article 6 de la loi du 10 juillet 1991 prévoit une dérogation au seuil financier permettant d'accéder à l'aide juridictionnelle. En effet, à titre exceptionnel, les personnes dont la situation apparaît digne d'intérêt au regard de l'objet du litige et des charges prévisibles du procès peuvent être admises à son bénéfice sans considération des ressources dont elles disposent.

Transposant une obligation énoncée à l'article 5, paragraphe 4 de la directive, le présent article complète ces dispositions pour prévoir une nouvelle dérogation applicable aux seuls litiges transfrontaliers civils ou commerciaux. Une personne dont les ressources excèderaient les seuils d'éligibilité financière à l'aide juridictionnelle pourrait néanmoins en bénéficier à condition d'apporter la preuve de son incapacité financière à faire face aux dépenses traditionnellement couvertes par le dispositif de droit commun compte tenu des écarts de niveau de vie entre la France et l'Etat dans lequel elle est établie.

Les Etats membres ont demandé à la Commission européenne d'établir un tableau de concordance des niveaux de vie au sein de l'Union européenne qui n'a pas encore été réalisé. Selon le ministère de la justice, il appartiendra au cas par cas d'apprécier la situation de chaque demandeur.

Transposant les dispositions de la directive relatives à la continuité de l'aide judiciaire 33 ( * ) , le texte proposé pour l'article 10 de la loi du 10 juillet 1991 propose d'étendre le bénéfice de l'aide juridictionnelle aux procédures engagées pour obtenir l'exécution d'une décision de justice émanant d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la France . Pour les mêmes raisons que celles évoquées précédemment, une exception serait néanmoins prévue pour exclure le Danemark.

Actuellement, l'article 10 de la loi du 10 juillet 1991 prévoit notamment l'octroi de l'aide juridictionnelle « à l'occasion de l'exécution d'une décision de justice ou de tout autre titre exécutoire ». Même si cela ne figure pas expressément dans le texte, ne sont ici visés que les jugements et les titres exécutoires émanant des autorités compétentes françaises.

Le texte proposé pour l'article 40-1 (nouveau) la loi du 10 juillet 1991 tend à permettre la prise en charge des frais supplémentaires liés au caractère transfrontalier d'une procédure.

Transposant les articles 7 et 8 b) de la directive, le présent article propose d'étendre le champ des dépenses couvertes par l'aide juridictionnelle aux frais qui résultent du caractère transfrontalier d'une procédure qui ne font actuellement l'objet d'aucune réglementation 34 ( * ) .

Deux situations seraient envisagées :

- celle des ressortissants résidant habituellement sur le territoire français qui bénéficieraient de la prise en charge des frais supplémentaires exposés à l'occasion d'une demande d'assistance judiciaire dans un autre Etat membre dans le cadre d'une procédure transfrontalière se déroulant sur ce même territoire. Les frais de traduction de la demande d'aide juridictionnelle adressée à l'autre Etat membre et des documents nécessaires à l'instruction du dossier seraient couverts 35 ( * ) . En cas de rejet de la demande d'aide juridictionnelle, le demandeur pourrait être contraint de rembourser de l'aide qui lui a été versée. Cette disposition, qui transpose utilement une faculté laissée par la directive 36 ( * ) , constitue un moyen de dissuader les demandes dilatoires ;

- celle des ressortissants résidant habituellement dans un autre Etat membre que la France qui bénéficieraient de la prise en charge des frais supplémentaires exposés à l'occasion d'une procédure qui se déroule sur le territoire français, à savoir, les  frais d'interprétation, les frais de traduction des documents nécessaires à l'examen de l'affaire et les frais de déplacement 37 ( * ) . Seuls seraient concernés les plaideurs admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Le texte proposé pour l'article 61 rétabli dans la loi du 10 juillet 1991 38 ( * ) tend à permettre la prise en charge des frais exposés par un ressortissant résidant en France au titre de la consultation d'un avocat en France avant la transmission d'une demande d'aide judiciaire dans un autre Etat membre.

Ce dispositif assure la transposition de l'obligation posée à l'article 3, paragraphe 2 a) de la directive de garantir la prise en charge des frais liés aux conseils « pré-contentieux ».

Les modalités de couverture de ces frais retenues par le présent article seraient particulières. Elles relèveraient des dispositions relatives à l'accès au droit qui porte sur les droits et obligations en dehors des procédures juridictionnelles auxquelles le présent article renvoie, et non de l'aide juridictionnelle proprement dite.

Ainsi, en application du titre II de la loi du 10 juillet 1991 relatif à la mise en oeuvre de l'accès au droit, il reviendrait au conseil départemental de l'accès au droit (CDAD) d'organiser des consultations juridiques à l'intention des justiciables pour les informer sur l'état du droit de l'Etat membre dans lequel il compte engager une procédure. Ces consultations seraient gratuites 39 ( * ) .

Votre rapporteur souscrit à ce dispositif. Il semble en effet logique de placer les frais liés à l'assistance d'un avocat au stade pré-contentieux sous l'empire du régime de l'accès au droit qui comporte un volet relatif à la consultation juridique 40 ( * ) .

Votre commission vous propose d'adopter l'article premier sans modification .

CHAPITRE II
TRANSPOSITION DE LA DÉCISION-CADRE
DU CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE DU 6 DÉCEMBRE 2001
VISANT À RENFORCER PAR DES SANCTIONS PÉNALES ET AUTRES
LA PROTECTION CONTRE LE FAUX MONNAYAGE
EN VUE DE LA MISE EN CIRCULATION DE L'EURO

Article 2
(art. 442-16 nouveau du code pénal)
Prise en compte au titre de la récidive des condamnations
prononcées par les juridictions des autres Etats membres
de l'Union européenne en matière de faux monnayage

Cet article tend à insérer un nouvel article après l'article 442-15 du code pénal afin de prendre en compte, au titre de la récidive , les condamnations prononcées par les juridictions pénales des Etats membres de l'Union européenne contre les auteurs d'infractions aux dispositions relatives à la fausse monnaie .

En droit pénal français, la récidive entraîne l'aggravation de la peine encourue. L'état de récidive légale n'est cependant constitué que si les critères déterminés aux articles 132-8 à 132-15 du code pénal sont réunis. Il faut en particulier que la première infraction commise ait fait l'objet d'une condamnation définitive et que cette condamnation ait été prononcée par une juridiction française .

Cette dernière condition, rappelée par la jurisprudence constante de la Cour de cassation 41 ( * ) , résulte du principe de territorialité de la loi pénale 42 ( * ) .

Ainsi, en l'état du droit, le délinquant, plusieurs fois condamné à l'étranger, qui commettrait une première infraction dans notre pays, n'encourt pas d'aggravation de peine.

Un tel principe doit-il continuer de prévaloir face au développement de la criminalité transfrontalière ? N'est-il pas anachronique à l'heure où s'élaborent progressivement des règles et des politiques communes à l'échelle de l'Union européenne et donc où l'infraction commise dans un des Etats membres peut affecter directement les intérêts de l'un de ses voisins ?

Ces interrogations valent plus particulièrement pour les infractions concernant l'euro.

La protection de l'euro contre le faux monnayage a ainsi conduit l'Union européenne à faire admettre que les condamnations prononcées par un autre Etat membre dans ce domaine soient génératrices de récidive.

Tel est l'objet de la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne du 6 décembre 2001 destinée à compléter la décision-cadre du 29 mai 2000 43 ( * ) « visant à renforcer par des sanctions pénales et autres la protection contre le faux monnayage en vue de la mise en circulation de l'euro ».

Cette mesure répond à une préoccupation exprimée par la France qui se singularise en Europe par la complexité des dispositions relatives à la récidive. Elle ne s'imposait pas pour d'autres pays comme l'Allemagne qui ne prévoit pas de régime légal spécifique en matière de récidive et dont les juridictions répressives tiennent d'ores et déjà compte des condamnations prononcées à l'étranger.

On peut s'étonner dans ces conditions que notre pays ait mis plus de deux ans pour transposer en droit interne une disposition dont la mise en oeuvre aurait dû intervenir selon l'article 2 de la décision-cadre du Conseil, avant le 31 décembre 2002 .

Champ d'application et conséquences de la transposition

Le présent article prévoit que la prise en compte au titre de la récidive des condamnations prononcées par les juridictions pénales d'un Etat membre de l'Union européenne pour l'ensemble des infractions visées par le chapitre II -consacré à la fausse monnaie - du titre IV du livre IV du code pénal.

Le tableau suivant récapitule les infractions concernées et les conséquences qu'emporte l'application des règles relatives à la récidive.

Le code pénal différencie le régime de la récidive selon que le premier terme de l'infraction est puni d'une peine supérieure ou égale à dix ans d'emprisonnement ou qu'il est puni d'une peine inférieure à dix ans.

Droit français en vigueur

Infraction

Sanction encourue

Sanction encourue en cas de récidive

Contrefaçon ou falsification de pièces de monnaie ou de billets de banque (art. 442-1 du code pénal)

30 ans de réclusion criminelle et 450.000 € d'amende

Réclusion criminelle
à perpétuité (si la nouvelle infraction est passible de 20 ou 30 ans de réclusion criminelle)

30 ans de réclusion (si la nouvelle infraction est passible de 15 ans de réclusion)

Doublement de l'emprison-nement et de l'amende encourus si :

- dans un délai de 10 ans
une nouvelle infraction passible de 10 ans d'emprisonnement est commise (art. 132-9, premier alinéa)
- dans un délai de 5 ans
une nouvelle infraction passible d'une peine d'emprisonnement supérieure à un an
et inférieure à dix ans est commise (art. 132-9, 2 e alinéa)

Transport, mise en circulation de fausse monnaie (art. 442-2 du code pénal)

Si elles sont commises en bande organisée :
30 ans de réclusion criminelle et 450.000 € d'amende
Dans les autres cas : 10 ans d'emprisonnement et 150.000 € d'amende

Contrefaçon ou falsification de monnaie n'ayant plus cours légal (art. 442-3
du code pénal)

5 ans d'emprisonnement et 75.000 € d'amende

Doublement de l'emprison-nement et de l'amende encourue si dans un délai
de 5 ans une nouvelle infraction identique
ou assimilée est commise (art. 139-10)

Mise en circulation de tout signe monétaire non autorisé (art. 442-4 du code pénal

5 ans d'emprisonnement et 75.000 € d'amende

Fabrication, emploi ou détention sans autorisation
de tout élément nécessaire à la falsification (art. 442-5
du code pénal)

2 ans d'emprisonnement et 30.000 € d'amende

Fabrication, vente, distribution de tout objet présentant avec les signes monétaires une ressemblance de nature à faciliter leur acceptation (art. 442-6
du code pénal)

1 an d'emprisonnement et 15.000 € d'amende

Remise en circulation de signes monétaires contrefaits (art. 442-7 du code pénal)

7.500 € d'amende

Les infractions mentionnées au chapitre II ont été successivement complétées par la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réforme à caractère économique et financier ainsi que par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité afin de transposer dans notre droit interne les mesures de protection nécessaires à la mise en circulation de l'euro prévues par la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne du 29 mai 2000.

La loi du 9 mars 2004, en particulier, a incriminé la fabrication frauduleuse de monnaies à l'aide d'installations ou de matériels autorisés (art. 442-1 du code pénal) et le transport, la mise en circulation des signes monétaires irrégulièrement fabriqués (art. 442-2 du code pénal).

Le champ des infractions ainsi complété recouvre donc les différentes infractions auxquelles la décision-cadre du Conseil du 6 décembre 2001 prévoit d'appliquer les règles de la récidive. La tentative et la complicité visées par la décision-cadre sont quant à elles prévues au titre du droit pénal général (articles 121-6 et 121-7 du code pénal) ou de l'article 442-8 du code pénal (tentative en matière de faux monnayage).

La prise en compte, pour l'application des règles de la récidive, des condamnations pénales prononcées par les juridictions étrangères en matière de fausse monnaie constitue une première brèche à un principe ancien de notre droit pénal. Elle apparaît comme l'amorce d'une évolution sans doute plus conforme aux réalités des nouvelles formes de criminalité.

Sans doute, les enjeux liés à la protection de la monnaie dépassent-ils traditionnellement les seules considérations d'intérêt national : ainsi, la convention de Genève du 20 avril 1929 interdisait déjà toute discrimination dans la répression en fonction de l'origine de la monnaie 44 ( * ) .

Cependant, deux facteurs essentiels ont déterminé l'initiative communautaire.

En premier lieu, la mise en place de l'euro ne laisse plus aucune justification à un traitement différencié des condamnations pénales prononcées à l'étranger contre des faits de faux monnayage dont la France peut supporter directement les conséquences . En 2004, le nombre de contrefaçons de billets retirés de la circulation dans l'ensemble de la zone euro a dépassé 860.000 billets -soit 45 millions d'euros- (sur un volume de billets en circulation de 9 milliards). Selon les statistiques de l'office de lutte contre le faux monnayage, plus de 340.000 billets contrefaits ont été découverts en France.

Bien que l'année 2004 ait été marquée par un net recul des faits constatés en matière de faux monnayage (- 19,5 %) par rapport à 2003, les bandes organisées venues de l'Europe de l'est et spécialisées dans la fabrication de faux euros ont connu une nette recrudescence (ainsi un atelier clandestin spécialisé dans la fabrication de faux billets de 100 et 50 euros a été découvert en 2004 en Lituanie). En France, 42 ateliers clandestins (+ 31,2 % par rapport à 2003) ont été neutralisés, 1.056 personnes ont été placées en garde à vue dont 225 ont été écrouées (+ 18,4 % par rapport à 2003) et 175.000 faux billets en euro saisis.

Les moyens de lutte contre le faux monnayage

Chaque pays dispose d'un centre national d'analyse des contrefaçons respectivement pour les billets et pour les pièces - situés en France au siège de la Banque de France (billets) et à la direction des monnaies et médailles à Pessac (monnaie). Ces centres travaillent en étroite collaboration avec les centres européens situés à Francfort au siège de la Banque centrale européenne pour les billets et à Pessac pour les pièces - chaque contrefaçon recensée localement est enregistrée dans une base de données européenne. La rapidité d'alimentation de cette base représente un facteur important permettant aux forces de police des interventions rapides et ciblées. L'une des difficultés majeures auxquelles sont confrontées les forces de police réside cependant dans l'amélioration des techniques de reproduction dont bénéficient les contrefacteurs.

Par ailleurs, la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a rangé les crimes de fausse monnaie parmi les infractions auxquelles s'appliquent les règles de procédure spécifiques en matière de criminalité organisée (nouvelles techniques d'enquête -surveillance au niveau national, infiltrations, sonorisations des véhicules et des lieux privés...- et mesures de contrainte particulière -garde à vue prolongée, perquisition de nuit...).

Crimes et délits de fausse monnaie peuvent également relever des juridictions interrégionales spécialisées en matière économique et financière.

Au-delà du souci de mieux lutter contre le faux monnayage, la reconnaissance des condamnations prononcées à l'étranger participe d'un mouvement plus large lié au principe de reconnaissance mutuelle . Parmi les mesures envisagées par le Conseil de l'Union européenne le 29 novembre 2000 pour mettre en oeuvre ce principe figure en particulier l'adoption d'instruments permettant de « tenir compte des décisions pénales définitives rendues dans les autres Etats membres pour apprécier le passé pénal du délinquant, pour retenir la récidive et pour déterminer la nature des peines et les modalités d'exécution susceptibles d'être mises en oeuvre ». Dans cette perspective, le 17 mars 2005, la Commission européenne a d'ailleurs proposé au Conseil une décision-cadre tendant à assimiler , sous certaines conditions, les condamnations prononcées dans un autre Etat membre aux décisions judiciaires nationales tant au regard de la prise en compte de la récidive que du prononcé de certaines mesures (par exemple en matière de détention provisoire et d'exécution des condamnations). Cet instrument, il faut le souligner, ne se limite pas à un domaine de criminalité déterminée et s'inscrit dans une démarche transversale 45 ( * ) .

La reconnaissance des condamnations pénales rendues dans un autre Etat membre implique une meilleure connaissance des condamnations prononcées par un autre Etat membre et, donc, le développement des échanges d'informations entre casiers judiciaires nationaux. Tel est l'objet du projet d'interconnexion des casiers judiciaires nationaux mené par la France, l'Allemagne, l'Espagne et la Belgique. Ce projet vise en effet, d'une part, à permettre la communication par chaque casier judiciaire, à son homologue des trois autres pays, des avis de condamnations concernant leurs ressortissants dès leur enregistrement ; d'autre part, à améliorer l'information des autorités judiciaires sur les antécédents pénaux des nationaux des quatre Etats. La mise en oeuvre opérationnelle de ce réseau interviendrait avant la fin de cette année.

Le 14 avril dernier, le conseil des ministres de la justice des vingt-cinq a retenu ce dispositif de communication bilatérale entre casiers judiciaires comme un modèle susceptible de s'élargir à l'échelle de l'Union européenne. Il a écarté, à ce stade, la mise en place d'un « index des condamnations pénales », embryon d'un casier judiciaire européen, initialement suggéré par la Commission européenne.

Comme votre rapporteur a déjà eu l'occasion de le souligner 46 ( * ) , la reconnaissance des condamnations pénales doit être approuvée à deux titres : d'abord, elle constitue un moyen plus efficace de lutter contre la récidive ; ensuite, elle contribue à la mise en place progressive d'un espace commun judiciaire à l'échelle de l'Union européenne.

Aussi, la présente disposition constitue-t-elle dans un champ, certes limité aux seules infractions de faux monnayage, un premier progrès.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 sans modification .

CHAPITRE III
TRANSPOSITION DE LA DÉCISION-CADRE
DU CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE DU 22 JUILLET 2003 RELATIVE À LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION
DANS LE SECTEUR PRIVÉ

Articles 3, 4 et 4 bis
(art. 445-1 à 445-4 nouveaux du code pénal,
art. L. 152-6 du code du travail, art. L. 1414-4 du code général
des collectivités territoriales, art. 22 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996
de modernisation des activités financières)
Extension de la répression de la corruption dans le secteur privé

Ces trois articles tendent à assurer la transposition de la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne du 22 juillet 2003 relative à la lutte contre la corruption dans le secteur privé. A cette fin, l'article 3 vise à insérer au sein du livre IV du code pénal (« Des atteintes à la confiance mutuelle ») un nouveau chapitre V intitulé « De la corruption des personnes n'exerçant pas une fonction publique ».

1. Le droit en vigueur

La corruption désigne l'agissement par lequel une personne, investie d'une fonction publique ou privée, sollicite ou accepte un don, une offre ou une promesse en vue d'accomplir, retarder ou omettre d'accomplir un acte entrant dans le cadre de ses fonctions. Le doit pénal français distingue deux sortes de corruption :

- la corruption passive est le fait de la personne corrompue , que celle-ci sollicite ou accepte l'avantage illicite.

La formulation ne doit pas tromper : l'intéressé peut être corrompu à son initiative ;

- la corruption active est le fait du corrupteur que celui-ci recherche ou accepte la corruption.

L'état du droit incrimine trois cas principaux de corruption 47 ( * ) :

- la corruption de personnes exerçant une fonction publique . Le code pénal incrimine en premier lieu la corruption passive (art. 432-11) : le fait pour une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public, ou investie d'un mandat électif public de solliciter ou d'agréer des dons ou tout autre avantage. La corruption passive tend à l'accomplissement ou à l'abstention d'actes liés à la fonction ou facilités par la fonction 48 ( * ) .

L'article 433-1 réprime la corruption active -le fait, d'une part, de proposer à la personne dépositaire de l'autorité publique des offres, dons ou tous autres avantages afin d'accomplir (ou s'abstenir d'accomplir) un acte lié à sa fonction ou, d'autre part, de céder aux sollicitations de cette personne ;

- la corruption des personnes exerçant une fonction publique à l'étranger ou dans une organisation internationale .

La France a conclu dans le cadre de l'Union européenne deux conventions, la première signée le 26 juillet 1995 assurant la protection des intérêts financiers des Communautés européennes contre les comportements de fraude et les actes de corruption de fonctionnaires nationaux et internationaux, la seconde signée le 26 mai 1997 tendant à incriminer la corruption. Par ailleurs, elle est également partie à la convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales conclue le 17 décembre 1997 sous l'égide de l'Organisation de coopération et de développement économique.

Ces engagements ont été transcrits dans le code pénal par la loi n° 2000-595 du 30 juin 2000 modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption (art. 435-1 à 435-6). A l'échelle de l'Union européenne, les articles 435-1 et 435-2 du code pénal répriment la corruption active ou passive des membres des organes communautaires (Commission, Parlement, Cour de justice, Cour des comptes), des fonctionnaires communautaires ainsi que des fonctionnaires nationaux d'autres Etats membres. Hors de l'Union européenne est seule réprimée par l'article 435-4 du code pénal la corruption active visant des agents publics étrangers, des magistrats étrangers ou les membres d'organisations internationales publiques ;

- la corruption des salariés qui est actuellement incriminée par l'article L. 152-6 du code du travail. Cette disposition réprime de la même manière la corruption active et la corruption passive. Cependant, la personne corrompue doit nécessairement être subordonnée à l'employeur tandis qu'aucune condition particulière n'est requise pour le corrupteur - l'article L. 152-6 du code du travail visant quiconque cède aux sollicitations du corrompu ou les provoque.

Le tableau suivant récapitule les caractéristiques de ces trois hypothèses de corruption.

Droit français en vigueur

Nature de l'infraction

Auteur de l'infraction

Activité réprimée

Objectif poursuivi

Sanction
encourue

Corruption de personnes exerçant
une fonction publique

Corruption passive

(art. 432-11 du code pénal)

Personne exerçant une fonction publique

Solliciter ou agréer de dons ou tous autres avantages

Accomplissement ou abstention d'actes liés à la fonction de la personne corrompue

Corruption active (art. 433-1 du code pénal)

Tous tiers

Proposer des dons ou tous autres avantages à des personnes exerçant une fonction publique ou céder aux sollicitations de cette personne

Corruption de personnes exerçant une fonction publique
à l'étranger ou dans une organisation internationale

Corruption passive (art. 435-1 du code pénal)

Fonctionnaire communautaire ou d'un autre Etat membre ou membre d'un organe communautaire

Solliciter ou agréer des dons ou tout autre avantage

10 ans d'emprison-nement et 150.000 euros d'amende

Corruption active (art. 435-3 du code pénal)

Tous tiers

Proposer des dons ou tous autres avantages à un fonctionnaire communautaire ou d'un autre Etat membre ou d'un membre d'un organe communautaire ou céder aux sollicitations

Corruption active (art. 435-3 du code pénal)

Tous tiers

Proposer des dons ou tous autres avantages à des personnes exerçant une fonction publique dans un Etat étranger autre que les Etats membres de l'Union européenne ou dans une organisation internationale autre qu'un organe communautaire ou céder aux sollicitations

2 ans d'emprison-nement
et 30.000 € d'amende

Corruption
de salariés

(art. L. 152-6 du code du travail)

Corruption passive

Salarié

Solliciter ou agréer des dons ou de tous autres avantages

Corruption active

Tous tiers

Proposer des dons ou de tous autres avantages à un salarié ou céder aux sollicitations de cette personne

Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, des infractions de corruption active visées aux articles 433-1 et 435-2, 435-3 et 435-4 - cette responsabilité n'excluant pas celle des personnes physiques. Elles encourent une peine d'amende dont le taux maximum est porté au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques ainsi que certaines des peines prévues par l'article 131-39 du code pénal (placement pour une durée maximale de cinq ans sous surveillance judiciaire, exclusion des marchés publics à titre définitif ou pour une durée maximale de cinq ans, etc.). En outre, elles sont soumises à l'affichage ou la diffusion de la décision prononcée (art. 432-25 et 435-6).

2. La décision-cadre du 22 juillet 2003

Du fait même de l'accroissement des échanges transfrontaliers, tout acte de corruption commis dans un Etat tend à prendre une dimension transnationale. Favoritisme susceptible de fausser la concurrence, constitution de monopoles, atteintes à la liberté d'entreprise -autant de risques qui justifient une réponse internationale et, au premier chef, l'initiative de l'Union européenne.

Dans le prolongement des conventions évoquées plus haut, le Conseil de l'Union européenne a adopté le 22 décembre 1998 une action commune 49 ( * ) relative à la corruption dans le secteur privé.

Cependant, cette action commune présentait certaines limites. En particulier, elle prévoyait la possibilité de restreindre l'incrimination de corruption aux seuls actes susceptibles de créer une distorsion de concurrence .

L'adoption de la décision-cadre visait, en particulier, à écarter ces restrictions. A la demande de certains Etats -Allemagne, Italie-, une telle clause limitative a néanmoins été réintroduite (article 2) la France ayant obtenu qu'elle soit limitée à cinq ans et cesse automatiquement de produire ses effets à l'issue de cette période (sauf si le Conseil en décidait autrement).

La décision-cadre comporte trois volets principaux :

- l' incrimination de tous les faits de corruption , active ou passive, commis dans le cadre des activités professionnelles, d'une personne exerçant une fonction de direction ou un travail pour une entité du secteur privé (à but lucratif ou non lucratif) 50 ( * ) ;

- l' harmonisation des sanctions à travers, d'une part, l'obligation pour les Etats membres de prévoir des peines maximales comprises entre un an et trois ans d'emprisonnement, d'autre part, la possibilité de prononcer à l'encontre d'une personne physique, « au moins lorsqu'elle a occupé une position de direction », une mesure de déchéance temporaire d'exercer certaines activités ;

- la définition d'un régime de responsabilité des personnes morales que la corruption ait été commise à leur bénéfice ou qu'elle ait été favorisée par le défaut de surveillance ou de contrôle ; la décision-cadre prévoit à l'encontre des personnes morales des sanctions allant de l'exclusion d'avantages publics à une mesure judiciaire de dissolution.

Au regard de l'état du droit français, la décision-cadre présente un double apport :

- l'incrimination de l' ensemble des faits de corruption commis dans le secteur privé et pas seulement la corruption des salariés 51 ( * ) ; ainsi pourraient désormais être incriminés de corruption le chef d'entreprise ou tout membre d'une profession libérale qui ne peuvent l'être jusqu'à présent qu'au titre de l'abus de biens sociaux (art. L. 242-6 du code de commerce) ou de l'escroquerie (art. 313-1 du code pénal) ;

- la mise en cause de la responsabilité pénale des personnes morales alors que celle-ci ne peut être engagée, que pour la corruption active des personnes exerçant une fonction publique.

A ce double titre, une modification de notre droit s'avérait nécessaire.

3. La nouvelle incrimination de corruption dans le secteur privé

Comme l'indique l'exposé des motifs du projet de loi, en raison de l'élargissement du champ de la corruption privée au-delà de la seule relation employeur-employé, il a paru logique d'inscrire ces nouvelles dispositions au sein du code pénal plutôt que dans le code du travail -dont les dispositions relatives à la corruption seraient, par coordination, abrogées par l'article 4 du présent projet de loi.

Le nouveau chapitre qui serait inséré dans le code pénal comporte deux sections, la première consacrée à la définition de l'infraction de corruption des « personnes n'exerçant pas une fonction publique » et aux peines encourues, la seconde aux peines complémentaires applicables aux personnes physiques et à la responsabilité des personnes morales.

La section I est elle-même formée de deux nouveaux articles 445-1 et 445-2 relatifs respectivement à la corruption active et à la corruption passive.

La rédaction proposée reprend les trois éléments constitutifs communs aux infractions de corruption : qualité de la personne corrompue, moyens générateurs de la corruption, but des manoeuvres corruptrices.

Un quatrième élément constitutif, l'intention coupable, n'est pas mentionné car il découle de la règle générale posée à l'article 121-3 du code pénal selon laquelle « il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ».

La qualité de la personne corrompue

Le projet de loi initial définit la personne corrompue comme celle qui, « sans être dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, exerce, dans le cadre d'une activité professionnelle, une fonction de direction ou un travail pour une personne physique ou morale, ou un organisme quelconque ».

La rédaction proposée permettrait d'articuler les nouvelles dispositions avec celles des articles 432-11 et 433-1 du code pénal, de sorte que, sans redondance , les différentes situations de corruption soient couvertes.

En effet, elle ne vise pas les personnes qui, intervenant dans le secteur privé, exercent une mission de service public et, à ce titre, sont d'ores et déjà couvertes par les incriminations prévues aux articles 432-11 et 433-1 du code pénal 52 ( * ) .

En revanche, elle est susceptible de s'appliquer aux personnes qui,exerçant leur activité professionnelle dans le secteur public, ne sont ni dépositaires de l'autorité publique, ni chargées d'une mission de service public. Il en est ainsi des salariés des entreprises nationalisées intervenant dans le secteur concurrentiel conformément aux règles de droit privé 53 ( * ) .

Par ailleurs, le projet de loi vise les activités exercées pour le compte de toute personne physique ou morale ainsi que pour un organisme quelconque. Il couvre ainsi les « entités à but lucratif ou non lucratif » mentionnées par la décision-cadre. Aussi l'activité de l'intéressé pourrait-elle être « professionnelle », comme le prévoit le projet de loi initial, mais aussi « sociale », ainsi que l'a précisé utilement un amendement adopté par l'Assemblée nationale, à l'initiative de M. Emile Blessig, rapporteur de la commission des lois, avec l'avis favorable du Gouvernement.

Les moyens générateurs de la corruption

Ces derniers sont définis, selon les termes mêmes des articles 432-11 et 433-1, comme le fait soit de proposer directement ou indirectement des offres, des promesses, des dons, des présents, ou de céder à de telles propositions (corruption active), soit de solliciter ou d'agréer des avantages (corruption passive).

Jusqu'en 2000, le code pénal exigeait que les manoeuvres délictueuses fussent antérieures aux actes à accomplir : ainsi, les rémunérations versées a posteriori, à moins de répondre à l'exécution d'une promesse, ne pouvaient être réprimées 54 ( * ) . Cependant, la loi n° 2000-595 du 30 juin 2000 modifiant le code pénal et le code de procédure pénale relative à la lutte contre la corruption, a précisé que l'acte délictueux pouvait intervenir « à tout moment ». Cette disposition introduite aux articles 432-11, 433-2 et 434-9 ne figurait pas toutefois dans le code du travail.

La reprise de cette formule par le projet de loi permet de lever toute ambiguïté à cet égard et de supprimer l'exigence d'antériorité du pacte de corruption qui prévalait dans le secteur privé.

But de l'activité corruptrice

L'acte n'est incriminé, enfin, que s'il a pour but d'obtenir de la personne corrompue qu'elle « accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de son autorité ou de sa fonction ou facilité par son autorité ou sa fonction, en violation de ses obligations légales, contractuelles ou professionnelles ».

L'article L. 152-6 du code du travail se borne actuellement à mentionner l'acte de la fonction du salarié ou facilité par sa fonction.

La jurisprudence a interprété la notion d'acte liée à la fonction comme toutes les obligations pesant sur le salarié en vertu de son contrat de travail, des règlements applicables dans l'entreprise, des usages de la profession et, plus généralement, de la législation propre à son emploi 55 ( * ) .

L'élargissement du champ du secteur couvert, en particulier aux professions libérales, justifie que les dispositions actuelles soient complétées afin de viser également le manquement aux « obligations légales, contractuelles ou professionnelles ». En effet, d'une part, les obligations de certaines professions sont fixées par la loi (avocats, architectes, transporteurs routiers...) en particulier en matière de relations avec les clients, les mandataires ou leurs propres employés, par exemple l'obligation de secret professionnel pénalement sanctionné ; d'autre part, l'activité de certaines personnes privées peut être définie par contrat -il en est ainsi non seulement du salarié d'entreprise embauché sur une base contractuelle mais aussi de certaines professions libérales dont les prestations sont déterminées par un contrat ; enfin, certaines professions sont soumises à d'autres règles écrites (code de déontologie) ou non écrites (usage imposant par exemple le devoir de loyauté, l'obligation d'impartialité).

4. Des sanctions aggravées

Les nouveaux articles 445-1 et 445-2 du code pénal portent à cinq ans d'emprisonnement et à 75.000 euros d'amende les peines applicables aux infractions de corruption passive et active des personnes n'exerçant pas une fonction publique au lieu des 2 ans et 30.000 euros actuellement prévus pour les salariés.

Le relèvement du quantum des peines encourues au regard de celles prévues par l'article L. 152-6 du code du travail s'explique par l'élargissement de l'incrimination de corruption active aux dirigeants d'entreprises ainsi qu'aux professions libérales ou indépendantes. Les enjeux financiers visés par les interventions corruptrices peuvent en effet être élevés -et proches des niveaux atteints en matière de corruption publique (ainsi un dirigeant peut être contacté pour « abandonner » un marché conséquent non soumis aux règles du code des marchés publics). Les peines retenues ont, en conséquence, été alignées sur celles prévues en matière de trafic d'influence (art. 433-2 du code pénal) ou d'infractions financières -parfois utilisées aujourd'hui pour réprimer le délit de corruption (abus de biens sociaux - art. L. 242-6 du code de commerce -ou escroquerie- art. 313-1 du code pénal).

Tandis que l'article L. 152-6 du code du travail ne prévoit, à titre de peine complémentaire , que l'interdiction des droits civiques, civils et de famille, le nouvel article 445-3 de la section 2 ajoute, sur le modèle des articles 432-17, 433-22 et 433-23 du code pénal applicables aux infractions de corruption prévues par ce code :

- l'interdiction pour une durée maximale de cinq ans d'exercer une fonction publique ou l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise ;

- la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit, à l'exception des objets susceptibles de restitution 56 ( * ) ;

- l'affichage ou la diffusion de la décision prononcée.

Par ailleurs, le nouvel article 445-4 de la section 2 fixe un régime de peines spécifiques aux personnes morales , similaire à celui prévu par l'article 433-25 pour la corruption active des personnes exerçant une fonction publique. Il s'agit de :

- l'amende suivant les modalités prévues par l'article 131-38, soit un montant maximum équivalent au quintuple de l'amende encourue par la personne physique ;

- l'interdiction, à titre définitif ou pour une durée maximale de 5 ans, d'exercer directement ou indirectement l'activité professionnelle ou sociale dans laquelle ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise ;

- le placement sous surveillance judiciaire pour une durée maximale de 5 ans ;

- la fermeture définitive ou pour une durée maximale de 5 ans des établissements ou de l'un des établissements de l'entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés ;

- l'exclusion définitive ou pour une durée maximale de 5 ans des marchés publics ;

- l'interdiction définitive ou pour une durée maximale de 5 ans de faire appel public à l'épargne ;

- l'interdiction pour une durée maximale de 5 ans d'émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés ou d'utiliser des cartes de paiement ;

- la confiscation suivant les modalités prévues par l'article 131-21 de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit, à l'exception des objets susceptibles de restitution ;

- l'affichage ou la diffusion de la décision prononcée.

Enfin, l'Assemblée nationale a introduit par amendement un article 4 bis afin de procéder, dans le code général des collectivités territoriales et dans la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières, aux coordinations de référence rendues nécessaires par l'abrogation de l'article L. 152-6 du code du travail et par l'introduction des articles 445-1 et 445-2 du code pénal.

*

* *

Au terme de ces modifications, le code pénal comporterait ainsi deux régimes relatifs à la corruption : le premier, inchangé, concernant la corruption dans le secteur public, le second, unifié, couvrant l'ensemble du secteur privé, lucratif ou non lucratif, se substituant au régime partiel actuel du code du travail. Notre pays disposerait ainsi d'un arsenal plus cohérent pour lutter contre ce phénomène.

Votre commission vous propose en conséquence d'adopter le présent article sans modification .

CHAPITRE IV
TRANSPOSITION DE LA DÉCISION-CADRE 2003/577/JAI
DU CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE DU 22 JUILLET 2003
RELATIVE À L'EXÉCUTION DANS LADITE UNION EUROPÉENNE
DES DÉCISIONS DE GEL DE BIENS OU D'ÉLÉMENTS DE PREUVE

Article 5
(art. 695-9-1 à 695-9-30 nouveaux du code de procédure pénale)
Emission et exécution des décisions de gel de biens
ou d'éléments de preuve

Cet article tend à transposer en droit français la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne du 22 juillet 2003 relative à l'exécution au sein de l'Union des décisions de gel des biens ou d'éléments de preuve. A cette fin, il insère une nouvelle section dans le chapitre II ( Dispositions propres à l'entraide entre la France et les autres Etats membres de l'Union européenne ) du titre X du livre IV du code de procédure pénale. Cette section s'articule autour de trois volets consacrés successivement aux dispositions générales, à l'émission d'une décision de gel par les autorités judiciaires françaises et, enfin, à l'exécution d'une décision de gel par les autorités judiciaires françaises.

Présentée en décembre 2000 par la France, la Suède et la Belgique, la décision cadre innove à plusieurs égards.

En premier lieu, elle couvre à la fois les demandes de gel portant sur des biens et celles concernant des éléments de preuve qui, jusqu'à présent faisaient l'objet d'instruments juridiques internationaux distincts.

La saisie d'éléments de preuve est actuellement autorisée par plusieurs conventions d'entraide judiciaire au premier rang desquelles la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959. La demande prend la forme d'une commission rogatoire internationale . Aux termes de l'article 5 de la Convention de 1959, les Etats signataires peuvent, s'ils le souhaitent, soumettre les commissions rogatoires aux fins de perquisition ou saisies d'objets à une ou plusieurs des trois conditions suivantes :

- l'infraction motivant la commission rogatoire doit être punissable selon la loi de la partie requérante et de la partie requise ;

- l'infraction motivant la commission rogatoire doit être susceptible de donner lieu à extradition dans l'Etat requis ;

- l'exécution de la commission rogatoire doit être compatible avec la loi de la partie requise.

Il est remarquable qu'en tant qu'Etat requis la France, à l'instar de la Grèce, d'Israël, de l'Italie et de la Lettonie et au contraire des trente-sept autres Etats parties à cette Convention n'ait retenu, au moment de la signature de la convention, aucune de ces conditions pour l'application de saisies ou de perquisitions. Ainsi, sous la réserve générale que l'exécution de la demande n'est pas susceptible de porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou à d'autres intérêts essentiels, les autorités judiciaires sont tenues de procéder aux saisies et aux perquisitions concernant des faits qui ne constituent pas nécessairement une infraction au regard de la loi française.

Le gel des biens peut, quant à lui, être demandé par un autre Etat (ou à celui-ci) sous l'empire de trois conventions internationales : la convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes du 20 décembre 1988 57 ( * ) , la convention du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime du 8 novembre 1990 58 ( * ) et, enfin, la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale du 12 décembre 2000. Lorsque la France est Etat requis, il appartient au président du tribunal de grande instance, saisi à cette fin par le procureur de la République, de décider les mesures conservatoires concernant les biens dont le propriétaire ne pouvait ignorer l'origine ou l'utilisation frauduleuse et qui sont susceptibles d'être confisqués dans des circonstances analogues selon la loi française. La décision autorisant l'exécution de mesures provisoires est prise, aux frais avancés du Trésor, selon les procédures civiles d'exécution.

Lorsque la France est Etat requérant, le juge des libertés et de la détention peut ordonner en application de l'article 706-103 du code de procédure pénale des mesures conservatoires sur les biens, meubles ou immeubles, divis ou indivis de la personne mise en examen, qui pourraient être exécutées dans un Etat partie dans le cadre de l'une des conventions internationales précitées.

Le deuxième apport principal de la décision-cadre réside dans la rapidité d'exécution .

Comme l'ont souligné lors de leur audition par votre rapporteur des magistrats praticiens des commissions rogatoires, les délais actuels de mise en oeuvre des commissions rogatoires nuisent à l'efficacité de cette procédure. Cette lenteur trouve son origine dans l'obligation de transmission (sauf en cas d'urgence) des demandes d'entraide par la voie diplomatique (art. 694 du code de procédure pénale). D'une part, la décision-cadre prévoit que les autorités judiciaires prennent « sans délai » les mesures nécessaires à « l'exécution immédiate » de la décision de gel. D'autre part, elle pose le principe d'une transmission directe entre autorités judiciaires. En outre, la décision-cadre, sur le modèle du mandat d'arrêt européen, supprime l'exigence de la double incrimination pour 32 catégories d'infractions (allant de la participation à une organisation criminelle au sabotage) punies dans l'Etat à l'origine de la décision de gel d'une peine de trois ans d'emprisonnement. Si la France en tant qu'Etat d'exécution avait déjà renoncé à cette condition s'agissant de la saisie des éléments de preuve 59 ( * ) tel n'était pas le cas pour le gel des avoirs. En outre, elle bénéficiera en tant qu'Etat d'émission de la simplification -et donc de l'accélération de la procédure- que permet cette disposition.

Enfin, l'intérêt de la décision cadre est d'apporter les garanties nécessaires pour une exécution efficace de la décision de gel.

En effet, comme l'ont indiqué les magistrats entendus par votre rapporteur, les demandes d'entraide souffrent parfois de l'absence de précision. Or la décision cadre prévoit que les décisions de gel devront être accompagnées d'un certificat comportant des mentions à la fois détaillées et homogènes (puisqu'un modèle commun est joint à la décision cadre). La décision transmise doit en outre comporter les éléments nécessaires pour déterminer le régime ultérieur du bien gelé (demande de transfert des éléments de preuve vers l'Etat d'émission ou demande de confiscation).

La décision-cadre du 22 juillet 2003 constitue en fait le premier volet d'un dispositif qui comporte également une décision cadre relative à la confiscation des produits, des instruments et des biens du crime adoptée le 24 février 2005- et dont la transposition devait intervenir avant le 15 mars 2007. Cet instrument vise à harmoniser les peines de confiscation en retenant pour principe que les biens constituant le produit ou l'instrument de toute infraction pénale punie d'une peine de plus d'un an d'emprisonnement doivent pouvoir être confisqués par un tribunal (sous réserve cependant des principes fondamentaux des Etats membres en matière de liberté de la presse).

Paragraphe premier
(art. 695-9-1 à 695-9-6 nouveaux)
Dispositions générales

Le présent paragraphe établit plusieurs définitions et décrit le certificat devant accompagner toute décision de gel.

La décision de gel est définie par le nouvel article 695-9-1 comme « une décision prise par une autorité judiciaire d'un Etat membre de l'Union européenne, appelé Etat d'émission, afin d'empêcher la destruction, la transformation, le déplacement, le transfert ou l'aliénation d'un bien susceptible de faire l'objet d'une confiscation ou de constituer un élément de preuve et se trouvant sur le territoire d'un autre Etat membre, appelé Etat d'exécution ».

La décision de gel peut ainsi poursuivre deux finalités différentes : la confiscation, d'une part, la conservation d'un élément de preuve, d'autre part.

Cette distinction est importante car elle détermine des règles de compétence juridictionnelle et procédurale différenciées selon l'objectif poursuivi même si, par ailleurs, le moyen employé (le « gel » des biens ou des objets considérés) sont identiques.

La rédaction proposée reproduit les termes de l'article 2 de la décision-cadre et reprend, en particulier, trois éléments novateurs introduits par cet instrument :

- le choix des notions d'« Etat d'émission » et d'« Etat d'exécution » préférées à celles d'« Etat requérant » et d'« Etat requis » utilisées en matière d'entraide judiciaire. Depuis l'affirmation du principe de reconnaissance mutuelle lors du sommet de Tampere d'octobre 1999, cette formulation permet d'inscrire les décisions-cadre, par contraste avec les instruments traditionnels de coopération pénale, dans une nouvelle logique fondée sur l'assimilation des décisions judiciaires étrangères aux décisions judiciaires nationales et leur exécution directe ;

- l'expression de « décision de gel » inspirée du droit anglo-saxon destinée à recouvrir à la fois la saisie proprement dite ainsi que toutes les mesures conservatoires prises sur le bien concerné (telles qu'une hypothèque sur un immeuble qui a pour effet de « geler » le bien sans pour autant en déposséder le propriétaire -aucun scellé n'est, en effet, placé sur l'immeuble, l'intéressé peut continuer à l'occuper, les frais d'entretien du bien restant à sa charge).

L'assimilation, prévue au dernier alinéa de l'article 695-9-1 nouveau, du régime juridique de la décision de gel à celui de la saisie , vise, selon les informations données par le ministère de la justice, à inscrire le dispositif sui generis du gel dans un cadre juridique existant afin de régler toutes les modalités de mise en oeuvre qui n'ont pas été expressément prévues par les mesures de transposition.

L'article 695-1 nouveau précise que la décision doit être prise par une autorité judiciaire , conformément au principe prévu par la décision-cadre, ce qui exclut les mesures susceptibles, dans certains pays, d'être décidées par les autorités policières.

Les biens ou éléments de preuve susceptibles de donner lieu à la décision de gel

Selon les termes même de la décision-cadre, l'article 695-9-2 distingue :

- les biens meubles ou immeubles, corporels ou incorporels, « ainsi que tout acte juridique ou document attestant d'un titre ou d'un droit sur ce bien » si l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission estime qu'ils sont le produit d'une infraction ou correspondent en tout ou partie à la valeur de ce produit ou constituent l'instrument ou l'objet d'une infraction ;

- les objets, documents ou données 60 ( * ) pouvant servir de pièces à conviction dans le cadre d'une procédure pénale de l'Etat d'émission.

Le certificat

Le nouvel article 695-9-3 prévoit que toute décision de gel doit être accompagnée d'un certificat établi par l'autorité judiciaire ayant ordonné la mesure.

Aux termes des nouvelles dispositions du code de procédure pénale, ce certificat devrait mentionner :

- l' identification de l'autorité judiciaire ayant pris la mesure ainsi que celle de l'autorité centrale compétente pour la transmission et la réception des décisions de gel si une telle autorité a été désignée : le Royaume-Uni et l'Irlande ont en effet obtenu une dérogation au principe de la transmission directe d'autorité judiciaire à autorité judiciaire afin de permettre que la décision de gel et le certificat soient expédiés par l'intermédiaire d'une autorité centrale 61 ( * ) ;

- la date et l'objet de la décision de gel ainsi que, le cas échéant, les formalités procédurales à respecter pour l'exécution d'une décision de gel concernant des éléments de preuve. En effet, la décision cadre impose à l'Etat d'exécution d'appliquer les procédures de l'Etat d'émission lorsque celui-ci le demande ;

- la description précise des biens ou des éléments de preuve en question, leur localisation et la désignation de leur propriétaire ou de leur gardien ;

- les motifs de la décision de gel ; la nature et la qualification juridique de l'infraction indiquant, le cas échéant, si elle relève de l'une des 32 catégories d'infraction visées à l'article 695-23 du code de procédure pénale pour lesquelles le mandat d'arrêt européen peut être décidé sans contrôle de la double incrimination ; une description complète devrait être fournie pour toutes les autres infractions -l'autorité judiciaire pouvant refuser de mettre en oeuvre la mesure de gel si l'infraction n'est pas reconnue dans l'Etat d'exécution ;

- les conditions dans lesquelles un recours peut être exercé contre la décision de gel non seulement par les personnes concernées mais aussi par les « tiers de bonne foi » ;

- la signature de l'autorité judiciaire d'émission ou celle de son représentant attestant l'exactitude des informations contenues dans le certificat.

Un modèle de certificat est joint en annexe de la décision-cadre. Ce document devrait, d'après les informations communiquées par la Chancellerie, être repris par les juridictions françaises. Il a vocation à faciliter le contrôle matériel effectué par l'autorité judiciaire.

L'article 695-9-5 prévoit que le certificat doit être traduit dans la langue applicable de l'Etat d'exécution ou dans l'une des langues officielles de l'Union européenne reconnue par cet Etat. Les demandes adressées à la France devront ainsi en principe être traduites en français.

Le régime du bien gelé

La décision de gel devrait comporter les éléments nécessaires destinés à porter à la connaissance de l'autorité judiciaire de l'Etat d'exécution le sort qui devrait être réservé au bien « gelé » :

- soit une demande de transfert des preuves vers l'Etat d'émission ;

- soit une demande de confiscation du bien.

Si l'autorité de l'Etat d'émission n'est pas en mesure d'apporter ces indications, elle doit indiquer dans le certificat que le bien ou l'élément de preuve doivent être conservés jusqu'à la réception d'une de ces deux demandes.

Ces demandes seront traitées selon les règles applicables à l'entraide judiciaire en matière pénale -en l'espèce, la convention du Conseil de l'Europe du 20 avril 1959.

Le principe de la transmission directe d'autorité judiciaire à autorité judiciaire

L' article 695-9-6 pose le principe, essentiel, de transmission directe de l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission à l'autorité judiciaire de l'Etat d'exécution 62 ( * ) (sous réserve de la dérogation obtenue par le Royaume-Uni et l'Irlande).

La transmission doit se faire par tout moyen laissant une trace écrite et dans les conditions permettant à l'autorité judiciaire de l'Etat d'exécution de s'assurer de son authenticité.

Paragraphe 2
(art. 695-9-7 à 695-9-9 nouveaux)
Dispositions relatives aux décisions de gel de biens
ou d'éléments de preuve prises par les autorités judiciaires françaises

Les autorités judiciaires françaises compétentes

Quelles seront les autorités françaises chargées de prendre des décisions de gel visant les biens ou les éléments de preuve se trouvant sur le territoire d'un autre Etat ?

L'article 695-9-7 nouveau apporte une réponse cohérente avec l'état présent du droit. Il s'agirait en effet des autorités actuellement compétentes pour ordonner une saisie de biens ou d'éléments de preuve. Un bien susceptible de servir d'éléments de preuve peut être saisi par le procureur de la République durant l'enquête de flagrance ou l'enquête préliminaire ou par le juge d'instruction au cours de l'instruction. En pratique, les opérations de saisie ou de perquisition sont effectuées par les officiers de police judiciaire agissant sous le contrôle du procureur de la République ou sur commission rogatoire du juge d'instruction.

La chambre de l'instruction n'a pas, sauf circonstances particulières -lorsque, par exemple, elle dessaisit le juge d'instruction- vocation à saisir des éléments de preuve. Elle statue néanmoins, en vertu de l'article 173, troisième alinéa, du code de procédure pénale sur toute requête en nullité visant un acte de procédure ayant conduit à une saisie ou à une perquisition.

Par ailleurs, en cas d'information ouverte pour l'une des infractions entrant dans le champ d'application de la criminalité organisée, le juge des libertés et de la détention peut, afin de garantir le paiement des amendes encourues ainsi que, le cas échéant, l'indemnisation des victimes et l'exécution de la confiscation, ordonner en application de l'article 706-103 du code de procédure pénale, des mesures conservatoires sur des biens, meubles ou immeubles, divis ou indivis, de la personne mise en examen. La décision ordonnant une mesure conservatoire est ensuite exécutée selon les modalités prévues par les procédures civiles d'exécution.

Le projet de loi visait initialement dans l'intitulé du paragraphe 2 les « juridictions » françaises. Compte tenu de la référence, parmi les autorités susceptibles d'ordonner une saisie, au procureur de la République, qui n'est pas une juridiction, l'Assemblée nationale, à l'initiative du rapporteur de la commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement a utilement modifié cette rédaction pour viser les « autorités judiciaires ».

Le certificat établi par ces autorités peut préciser que la demande de gel devra être exécutée dans l'Etat d'exécution selon les règles du code de procédure pénale français . Cette extension territoriale de règles procédurales nationales est permise par l'article 5 de la décision-cadre « pour garantir que les éléments de preuve sont valables », à condition qu'elles « ne soient pas contraires aux principes fondamentaux du droit de l'Etat d'exécution ». Au reste, en vertu du principe de réciprocité, les autorités françaises pourraient être saisies de demandes de gel devant être exécutées « selon les règles de procédures expressément indiquées » par l'Etat d'admission (art. 695-9-14 nouveau).

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, il semble que les magistrats français recourent assez peu à cette faculté déjà ouverte par les conventions d'entraide judiciaire en vigueur pour les commissions rogatoires exécutées à l'étranger.

En effet, en tout état de cause, selon une jurisprudence constante de la cour de cassation, les juridictions françaises n'apprécient pas la validité des procédures conduites à l'étranger sous réserve que les principes d'ordre public français aient été respectés.

En revanche, il arrive parfois que certaines commissions rogatoires en France pour le compte d'autorités judiciaires étrangères soient exécutées selon les formes demandées par l'Etat requérant (art. 694-3 du code de procédure pénale).

Les modalités d'exécution

L'article 695-9-8 nouveau prévoit deux modalités différentes de transmission de la décision de gel à l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission :

- le juge d'instruction transmettrait directement la décision de gel et le certificat à l'autorité judiciaire de l'Etat d'exécution ;

- les autres autorités judiciaires devraient passer par l'intermédiaire du procureur de la République -la chambre de l'instruction, du fait de son caractère collégial, 63 ( * ) ou le juge des libertés et de la détention, qui ne dispose pas du pouvoir d'exécuter lui-même ses décisions, ne pourraient en effet intervenir directement.

La mainlevée des décisions de gel (article 695-9-9 nouveau) est transmise « sans délai » selon des procédures comparables à celles prévues par la transmission de la demande de gel.

Paragraphe 3
Dispositions relatives à l'exécution des décisions
du gel de bien ou d'éléments prises par les autorités étrangères
(art. 695-9-10 à 695-9-30 nouveaux)

Ce paragraphe détaille la procédure applicable aux décisions de gel de biens ou d'éléments de preuve prises par les autorités étrangères et adressées à la France. Elle décrit successivement les règles de compétence, la procédure d'exécution, les motifs de refus ou de délai, les voies de recours et, enfin, la décision une fois exécutée, le sort réservé au bien ou aux éléments de preuve.

Les autorités compétentes

Le choix des magistrats compétents pour statuer sur une demande de gel obéit aux critères retenus pour la saisie en droit interne :

- le juge d'instruction est compétent pour statuer sur les demandes de gel d' éléments de preuve ainsi que pour les exécuter ;

- le juge des libertés et de la détention est compétent pour statuer sur les demandes de gel de biens en vue de leur confiscation ultérieure ;

- le procureur de la République est compétent pour ordonner l'exécution des mesures ordonnées par le juge des libertés et de la détention.

Le juge des libertés et de la détention, il convient de le rappeler, ne dispose en effet ni du pouvoir d'exécuter lui-même ses décisions, ni celui de requérir par commission rogatoire un officier du police judiciaire pour procéder à des actes de police judiciaire.

La procédure d'exécution

La demande de gel accompagnée du certificat est directement transmise par l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission dans les conditions prévues par l'article 695-9-6 nouveau. Cette transmission peut passer par l'intermédiaire du procureur de la République.

Le magistrat territorialement compétent serait celui du lieu où se trouve le bien ou l'élément de preuve demandé, et faute d'information sur ce point, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention de Paris.

Comment l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission connaîtra-t-elle l'autorité compétente en France ? La consultation du réseau judiciaire européen, explicitement prévue par la décision cadre, et celle des magistrats de liaison -dont le rôle, très utile, a été souligné par les interlocuteurs de votre rapporteur- devrait faciliter cette identification.

En tout état de cause, le projet de loi (art. 695-9-11, dernier alinéa) prévoit que si l'autorité judiciaire française destinataire de la demande n'est pas compétente, elle doit « sans délai » transmettre celle-ci au magistrat compétent et en informer l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission.

La procédure d'exécution s'articule en trois temps :

- Premier temps : l'information du procureur

Le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention saisis directement d'une demande de gel la communiquent pour avis au procureur de la République (dans le cas où le procureur de la République a reçu directement cette demande 64 ( * ) , il l'adresse, accompagnée de son avis, aux fins d'exécution au magistrat compétent).

- Deuxième temps : la vérification de la régularité de la demande au terme de laquelle le magistrat doit statuer

La décision du magistrat doit intervenir « dans les meilleurs délais et, si possible, dans les vingt-quatre heures, suivant la réception » de la décision de gel. La brièveté de ce délai constitue, il faut le souligner, l'apport principal de la décision cadre.

- Troisième temps : l'exécution de la décision

L'exécution des décisions de gel d' éléments de preuve obéira aux règles prévues par le code de procédure pénale. Ainsi, le juge d'instruction pourra exécuter lui-même la saisie demandée ou déléguer ses pouvoirs, dans le cadre de commissions rogatoires, à un officier de police judiciaire.

Cependant, conformément au principe posé par l'article 5 de la décision-cadre, et si la demande de gel le précise, les décisions de gel d'élément de preuve pourraient être exécutées selon les règles de procédure de l'Etat d'émission.

Le projet de loi initial prévoyait que ces règles ne devaient pas réduire les droits des parties ou les garanties procédurales prévues par notre droit. Par un amendement, l'Assemblée nationale dans un souci de simplification rédactionnelle a renvoyé sur ce point au deuxième alinéa de l'article 694-3 du code de procédure pénale relatif à l'entraide judiciaire dont les dispositions sont identiques.

Le juge des libertés et de la détention, responsable de l'exécution des décisions de gel des biens, devrait quant à lui appliquer les règles prévues par les procédures civiles d'exécution .

Ces règles ont été définies pour l'essentiel, par la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution ainsi que par le décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 instituant de nouvelles règles relatives aux procédures civiles d'exécution 65 ( * ) .

Ce renvoi, traditionnel, aux procédures civiles d'exécution, pour prendre des mesures conservatoires sur des biens aux fins de leur confiscation ultérieure, se retrouve également aux articles 627-3 et 706-103 du code de procédure pénale ainsi qu'à l'article 15 de la loi n° 96-392 du 13 mai 1996 relative à la lutte contre le blanchiment et le trafic de stupéfiants et à la coopération internationale en matière de saisine et confiscation des produits du crime.

Que l'exécution soit confiée au juge d'instruction ou au juge des libertés et de la détention, elle doit intervenir « immédiatement ». Selon les magistrats entendus par votre rapporteur, le recours aux procédures civiles d'exécution n'apparaît pas toutefois toujours compatible avec l'objectif de rapidité poursuivi.

Le magistrat responsable de l'exécution informe « sans délai » l'autorité judicaire de l'Etat d'émission de l'exécution de la décision de gel « par tout moyen laissant une trace écrite ».

Les motifs de refus et de délai d'exécution

Le nouvel article 695-9-16 prévoit que l'exécution de la décision peut être refusée si elle n'est pas accompagnée d'un certificat ou si celui-ci est incomplet ou ne correspond pas à la décision de gel. Toutefois, dans ce cas, un délai peut être accordé à l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission pour apporter les éléments nécessaires.

Quatre motifs obligatoires de refus d'exécution sont par ailleurs prévus (art. 695-9-17) :

- si une immunité fait obstacle à cette exécution ou si l'élément de preuve est insaisissable selon la loi française comme tel serait le cas pour des correspondances échangées entre l'avocat et la personne mise en examen ou encore les documents classés « secret défense ». Parmi les motifs de refus la décision-cadre mentionne « une immunité ou un privilège qui rend impossible l'exécution de la décision de gel ». Le caractère insaisissable conféré par la loi a été assimilé par le Gouvernement à la notion de « privilège » visé par la décision cadre ;

- si la personne en cause a déjà été jugée définitivement en France, ou dans un autre Etat membre de l'Union européenne pour l'infraction justifiant la demande de saisie et que la peine a été exécutée ou est en cours d'exécution ; le motif se fonde sur le principe de « non bis in idem » ;

- si la décision de gel a pour objet de poursuivre ou de condamner une personne en raison de son sexe, de sa race, de sa religion, de son origine ethnique, de sa nationalité, de sa langue, de ses opinions politiques ou de son orientation sexuelle. Ce motif de refus a été déduit non du dispositif même de la décision-cadre mais des considérants inscrits en préambule (considérant 6) ;

- si la décision de gel vise la confiscation ultérieure d'un bien alors que les faits qui le justifient ne constituent pas une infraction permettant en droit français d'ordonner une mesure conservatoire ; cette règle, fondée sur le principe de la double incrimination, ne vaudrait pas cependant pour une infraction entrant dans l'une des catégories visées par l'article 695-23 du code de procédure pénale et qui est punie d'une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à trois ans d'emprisonnement. L'exécution de la décision de gel ne saurait davantage être refusée en matière de taxe, impôt, douane ou change au motif que ces derniers diffèrent de l'Etat d'émission (article 695-9-18).

En outre, le nouvel article 695-9-17 prévoit, par référence à l'article 694-4 du code de procédure pénale, que l'exécution d'une décision de gel pourrait également être refusée si celle-ci était « de nature à porter atteinte à l'ordre public ou aux intérêts essentiels de la Nation ». Ce motif n'est pas explicitement prévu par la décision-cadre. Néanmoins, le droit dérivé communautaire est soumis aux traités constitutifs de l'Union européenne. Or le traité sur l'Union européenne reconnaît explicitement aux Etats membres la possibilité de préserver leur intérêt national (art. 34).

Le texte prévoit également, conformément aux dispositions de la décision cadre, la possibilité de différer l'exécution de la mesure dans quatre hypothèses :

- si la décision de gel risque de nuire à une enquête pénale en cours ;

- si le bien ou l'élément de preuve en cause a déjà fait l'objet d'une décision de gel ou de saisie dans le cadre d'une procédure pénale française ;

- si la décision de gel est prise en vue de la confiscation ultérieure d'un bien qui a fait l'objet d'une décision de gel ou de saisie dans le cadre d'une procédure non pénale en France ;

- si le bien ou l'élément de preuve, objet de la demande, est couvert par le secret au titre de la défense nationale tant que la décision de le déclassifier n'a pas été notifiée par l'autorité administrative au magistrat chargé de l'exécution.

Lorsqu'il n'existe plus de raison de différer la mise en oeuvre de la décision, celle-ci doit être exécutée dans les conditions prévues à l'article 695-9-13.

Dans le cas où le juge refuse l'exécution ou la diffère, il en informe « sans délai » l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission par « tout moyen laissant une trace écrite ». Il est tenu de motiver son choix.

Par ailleurs, il peut être impossible de procéder à l'exécution de la décision lorsque le bien ou les éléments de preuve ont disparu, ont été détruits ou n'ont pu être localisés. Dans ce cas, le juge responsable de l'exécution en informe immédiatement, par écrit, l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission (article 695-9-19).

Les voies de recours

L'article 11 de la décision-cadre avait posé le principe d'un droit de recours pour toute personne concernée, « y compris les tiers de bonne foi », contre l'exécution de toute mesure de gel. Deux recours pourraient être portés parallèlement, l'un dans l'Etat d'émission, l'autre dans l'Etat d'exécution -dans ce dernier cas, cependant, le recours ne saurait porter sur le fond de l'affaire.

Le projet de loi de transposition distingue deux voies de recours.

- La voie de recours ouverte contre la décision de gel d'un élément de preuve

Ce recours est ouvert à toute personne qui détient des éléments de preuve ou « toute autre personne » prétendant avoir un droit sur ceux-ci. Il est ouvert dans les dix jours à compter de l'exécution de la mesure et doit prendre la forme d'une requête remise au greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel territorialement compétente. La procédure devant la chambre de l'instruction obéit aux règles de droit commun fixées à l'article 173 du code de procédure pénale auquel il est renvoyé.

Par ailleurs, la chambre de l'instruction peut autoriser, par une décision insusceptible de recours, l'Etat d'émission à intervenir à l'audience « par l'intermédiaire d'une personne habilitée ». Les députés, à l'initiative du rapporteur de la commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, ont, dans ce cadre, donné à l'Etat d'émission la faculté d'intervenir par visio-conférence dans les conditions prévues par l'article 706-71 du code de procédure pénale.

L'article 694-5 du code de procédure pénale prévoit d'ores et déjà le recours à cette technique pour l'exécution simultanée en France et à l'étranger de demandes d'entraide judiciaire.

Ce recours n'est pas suspensif.

- Les voies de recours ouvertes contre la décision de gel prise en vue de la confiscation d'un bien

Elles sont communes aux voies de recours applicables aux procédures civiles d'exécution (article 695-9-23). Aux termes de l'article 30 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 instituant de nouvelles règles relatives aux procédures civiles d'exécution pour l'application de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, « le délai d'appel et l'appel lui-même n'ont pas d'effet suspensif ».

Dans les deux cas, le recours ne peut porter sur les motifs de fond de la décision de gel.

Par ailleurs, la personne intéressée par la décision de gel peut également s'informer auprès du greffe du juge d'instruction ou du juge des libertés et de la détention des voies du recours ouvertes dans l'Etat d'émission et mentionnées dans le certificat (article 695-9-24).

Enfin, il appartient au procureur général près la cour d'appel de la chambre de l'instruction saisie ou au procureur de la République près le tribunal de grande instance (lorsque s'appliquent les voies de recours applicables aux procédures civiles d'exécution), d'informer l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission de l'éventuel exercice d'un recours et des moyens soulevés afin que cette autorité puisse alors produire les observations -le cas échéant, par moyens de télécommunication comme l'a précisé l'Assemblée nationale par amendement. Il l'avise des résultats de cette action.

Le régime ultérieur de l'élément de preuve ou du bien gelé

- L'élément de preuve

Si l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission a demandé le transfert de l'élément de preuve, celui-ci ne peut être transmis par le juge d'instruction que si la décision d'exécution du gel revêt un caractère définitif et, partant, que les voies de recours sont épuisées. Ce transfert doit alors intervenir « dans les meilleurs délais », dans les conditions prévues par la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959. En vertu de cet accord, les autorités françaises acceptent de transférer des éléments de preuve vers un Etat membre de l'Union européenne partie à la convention sans exiger que les faits à l'origine de la demande d'entraide judiciaire soient également incriminés en droit français.

En revanche, si l'élément de preuve n'a pas fait l'objet d'une demande de transfert, il est conservé sur le territoire national selon les règles du code de procédure pénale 66 ( * ) .

- Le gel des biens

Le bien dont le gel a été demandé en vue d'une confiscation est conservé selon les règles applicables aux procédures civiles d'exécution. Les sûretés ordonnées sur la base des procédures civiles d'exécution deviennent, conformément aux articles 167 et 257 du décret du 31 juillet 1992, caduques au terme d'un délai de deux ou trois ans, à moins qu'elles aient été renouvelées avant l'expiration du délai légal de conservation.

Par ailleurs, la mainlevée totale ou partielle de la mesure de gel peut être demandée par toute personne intéressée. En outre, la mainlevée de la décision de gel prononcée par l'Etat d'émission emporte obligatoirement, aux frais avancés du Trésor, la mainlevée de toutes les mesures d'exécution correspondantes.

Le projet de loi pose pour principe l' information préalable de l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission avant que le magistrat français ne mette un terme à la mesure de gel (non conservation de l'élément de preuve quand le code de procédure pénale le permet, non renouvellement des sûretés ordonnées sur un bien, décision de main-levée à l'initiative du juge ou, à la demande de toute personne intéressée). L'autorité judiciaire étrangère doit toujours être en mesure de faire valoir ses observations.

Par ailleurs, le magistrat compétent informe également l'autorité judiciaire étrangère de toute autre mesure de gel ou de saisie dont le bien ou l'élément de preuve pourrait faire l'objet (art. 695-9-29).

Ces précisions relatives au régime ultérieur du bien ou de l'élément de preuve gelé devraient permettre d'éviter certaines situations de blocage obligeant les autorités françaises à conserver pendant une période indéterminée sur le territoire national des biens dont la saisie a été demandée par une autorité judiciaire étrangère alors même que le coût de cette immobilisation pèse très lourdement sur l'Etat français.

*

* *

Ce dispositif devrait permettre une exécution plus rapide des décisions de gel des avoirs ou des éléments de preuve et renforcer ainsi l'efficacité de la coopération judiciaire en matière pénale.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 5 sans modification.

CHAPITRE V
DISPOSITIONS COMPLÉTANT LE CODE
DE PROCÉDURE PÉNALE

Article 6
(art. 465-1 nouveau du code de procédure pénale)
Exécution provisoire des mesures conservatoires
en matière délictuelle

Cette disposition, supprimée par l'Assemblée nationale , ouvrait au tribunal correctionnel la faculté d'ordonner, sur les biens de la personne condamnée à une peine d'amende ou à une confiscation, des mesures conservatoires immédiatement exécutoires .

Actuellement, seules les peines d'emprisonnement peuvent, sous certaines conditions 67 ( * ) être immédiatement exécutoires. Or, l'absence d'exécution provisoire pour d'autres types de sanctions peut être mise à profit par le prévenu, pour organiser, par exemple, son insolvabilité ou faire disparaître le bien dont la confiscation a été ordonnée. L'article 6 avait précisément pour objet de remédier à ces difficultés. Néanmoins, tout en souscrivant à cette préoccupation, le rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale, M. Emile Blessig, a exprimé trois séries de réserves à cette disposition.

En premier lieu, l'extension de l'exécution provisoire aux mesures d'amende ou aux peines de confiscation doit être envisagée avec prudence au regard de la portée qu'une telle mesure pourrait présenter en particulier pour les tiers (copropriétaire d'un immeuble, usage du bien confisqué...). Ensuite, l'absence de limitation quant au champ des infractions susceptibles de donner lieu au prononcé d'une exécution provisoire pourrait conduire à des mesures disproportionnées au regard de la gravité des faits. Enfin, la chancellerie a engagé une réflexion d'ensemble sur la mise en place d'une procédure pénale spécifique en matière de mesures conservatoires et d'exécution provisoire, destinée à se substituer, dans le domaine pénal, aux procédures civiles d'exécution auxquelles renvoie actuellement le code de procédure pénale. Il paraîtrait donc judicieux d'attendre les conclusions de cette réflexion avant d'introduire de nouvelles dispositions législatives dans ce domaine.

Le Gouvernement s'est rendu à ces arguments en donnant un avis de sagesse à la suppression du présent article.

Votre commission partage la position exprimée par les députés et vous propose d'approuver la suppression de l'article 6 .

CHAPITRE VI
DISPOSITIONS RELATIVES À L'OUTRE-MER

Article 7
Application du dispositif de la présente loi
aux collectivités d'outre-mer

En vertu du principe de spécialité législative qui régit la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, les îles Wallis et Futuna et les terres australes et antarctiques françaises, les lois ne sont pas applicables de plein droit à ces collectivités. Il est donc nécessaire qu'elles comportent une mention expresse d'applicabilité.

Une telle mention n'a toutefois pas été prévue pour tous les articles du présent projet de loi. En effet, les dispositions relatives à l'aide juridictionnelle (article premier) et au code du travail (article 4) font l'objet de dispositions spécifiques dans ces collectivités 68 ( * ) . En outre, les caractéristiques des TAAF rendent inopérantes dans cette collectivité les dispositions de procédure pénale prévues à l'article 5 du projet de loi.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 7 du projet de loi sans modification.

*

* *

Votre commission vous propose d'adopter le projet de loi sans modification.

* 1 Les mesures prises au titre des accords de Schengen ont été ajoutées à l'acquis communautaire, soit sous le titre IV du traité instituant la Communauté européenne, soit sous le titre VI du traité sur l'Union européenne.

* 2 CJCE, Gözütok et Brügge, 11 février 2003.

* 3 Institué par le Conseil « justice et affaires intérieures » (JAI) le 29 juin 1998, ce réseau est constitué de points de contact nationaux entre les autorités judiciaires relayés, dans les Etats les plus vastes, par des points de contact régionaux.

* 4 Voir JO Questions écrites de l'Assemblée nationale du 1 er mars 2005 - Réponse à la question n° 48995 de M. Marc Le Fur, p. 2229.

* 5 A l'exception d'une mesure dont la transposition doit intervenir avant le 30 mai 2006. Voir les articles 3, paragraphe 2 a) et 21 de la directive. Il s'agit de l'extension du bénéfice de l'aide judiciaire aux conseils précontentieux.

* 6 Gilles de Kerchove, l'Europe pénale.

* 7 A cet égard, la Constitution européenne prévoit l'adoption à la majorité qualifiée de mesures dans plusieurs domaines de coopération pénale : mise en oeuvre du principe de reconnaissance mutuelle ; rapprochement du droit pénal matériel pour les actes de criminalité grave présentant une dimension transfrontalière ; rapprochement du droit pénal procédural...

* 8 Définies, au sens de la directive et du présent projet de loi, comme « tout litige dans lequel la partie qui sollicite l'aide a sa résidence habituelle ou son domicile dans un Etat membre autre que celui où siège la juridiction compétente au fond ou que celui dans lequel la décision doit être exécutée. »

* 9 Il s'agit des ressortissants français, des ressortissants communautaires, des ressortissants d'un Etat lié à la France par une convention bilatérale - au nombre de 44 -, voire même, sous de strictes conditions et à titre exceptionnel, des ressortissants étrangers ne relevant pas des catégories précitées (voir l'article 3 de la loi du 10 juillet 1991).

* 10 Ce chiffre ne tient toutefois compte que des demandes enregistrées par le bureau de l'entraide judiciaire civile et commerciale, qui est le service chargé de faciliter la transmission des demandes d'assistance judiciaire et ne comprend pas les demandes d'aide juridictionnelle adressées directement aux bureaux d'aide juridictionnelle par un ressortissant ne résidant pas en France.

* 11 Quelle que soit leur nationalité.

* 12 Loi n °2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005.

* 13 Loi n° 2002-1138.

* 14 La corruption active vise l'activité de la personne corruptrice, la corruption passive vise l'activité de la personne corrompue.

* 15 Livre vert - Commission européenne -[COM (2000) 51 final]- 9 février 2000.

* 16 C'est-à-dire l'Etat dans lequel se situe la juridiction compétente pour examiner le litige.

* 17 Voir l'article 2, paragraphe 1 de la directive 2003/8.

* 18 Ces dispositions - qui relèvent davantage de l'organisation interne de chaque Etat membre - reprennent, en l'améliorant, le régime de transmission des demandes d'assistance judiciaire défini par l'accord européen de Strasbourg du 28 janvier 1977 en l'améliorant (fixation d'un délai de transmission de 15 jours, possibilité de révision ou d'appel contre une décision de rejet de la demande, création d'un formulaire standard pour la transmission des demandes).

* 19 Le volet relatif à la transmission des demandes emporte néanmoins des changements en termes d'organisation pour le ministère de la justice.

* 20 Voir les observations du conseil des barreaux de l'Union européenne (CCBE) - avril 2002 - Site internet du CCBE.

* 21 Qui vise à mieux informer les justiciables sur leurs droits, les aider dans l'accomplissement des formalités pour introduire une procédure, les orienter dans le circuit judiciaire ou encore organiser des consultations juridiques gratuites.

* 22 Voir l'article 2 de la loi du 10 juillet 1991. Les associations d'aide aux victimes sont à l'origine de la plus grande part des admissions entrant dans cette catégorie.

* 23 Uniquement pour l'exercice des actions en recouvrement des créances - voir l'article 2 de la loi du 10 juillet 1991.

* 24 Voir l'article 4 de la loi du 10 juillet 1991. Depuis le 1er janvier 2004, ce plafonds - réévalué chaque année en fonction de l'évolution de la première tranche de barème de l'impôt sur le revenu - s'élève pour une personne seule à 844 euros pour l'aide juridictionnelle totale et 1265 euros pour l'aide partielle, avec une possibilité de majoration de 149 euros pour les deux premières personnes à charge et de 94 euros à partir de la troisième personne à charge

* 25 En ce sens que l'action ne doit pas être manifestement infondée ou irrecevable.

* 26 L'Allemagne, la Grande-Bretagne, la Belgique, l'Espagne, les Pays-Bas - admettent le bénéfice de l'aide judicaire sans condition de nationalité - voir document de travail du Sénat, Etude de législation comparée n° LC 137, juillet 2004, l'aide juridique.

* 27 44 Etats sont liés à la France par une telle convention notamment l'Algérie, l'Allemagne, le Brésil, le Burkina Faso, le Gabon, la Tanzanie, le Tchad ou encore l'Uruguay.

* 28 Voir le 34ème considérant de la directive :

« Le Danemark, conformément aux articles premier et 2 du protocole sur la position du Danemark annexé au traité sur l'Union européenne et au traité instituant la Communauté européenne, ne participe pas à l'adoption de la présente directive et n'est donc pas lié par celle-ci ni soumis à son application.»

* 29 Voir l'article premier, paragraphe 2 de la directive.

* 30 Voir l'article 5 paragraphe 5 de la directive.

* 31 Voir Etude de législation comparée du Sénat précitée - notamment l'Allemagne, les Pays-Bas, la Suède.

* 32 Avis de M. Yves Détraigne n° 79 - Tome IV (Sénat, 2004-2005) sur les crédits affectés aux services généraux de la justice par la loi de finances pour 2005 (loi n° 2004-1184 du 30 décembre 2004).

* 33 Voir son article 9, paragraphe 2, selon lequel un bénéficiaire qui a reçu une aide judiciaire dans l'Etat membre du for reçoit l'aide judiciaire prévue par la législation de l'Etat membre dans lequel la décision doit être reconnue, déclarée exécutoire ou exécutée.

* 34 Ces frais ne sont inclus ni dans les dépens ni à l'article 40 de la loi du10 juillet 1991.

* 35 Transposant ainsi l'article 8 b) de la directive.

* 36 Voir son article 3, paragraphe 5.

* 37 Transposant ainsi l'article 7 de la directive.

* 38 Cet article a été abrogé par la loi n° 98-1168 du 18 décembre 1998 relative à l'accès au droit et à la résolution amiable des conflits.

* 39 Les avocats qui le dispensent sont rétribués selon les modalités prévues par le décret n° 2000-4 du 4 janvier 2000 fixant la rétribution des consultations juridiques en matière d'accès au droit.

* 40 Voir l'article 53 de la loi du 10 juillet 1991.

* 41 Chambre criminelle de la Cour de cassation, 7 novembre 1968.

* 42 Le principe de territorialité de la loi pénale est énoncé à l'article 113-2, alinéa premier, du code pénal : « La loi pénale française est applicable à toutes les infractions commises sur le territoire de la République ».

* 43 Décision 2000/383 JAI.

* 44 Ainsi l'article 5 de cette convention stipule qu'il ne peut être établi, au point de vue des sanctions, de distinction entre les faits prévus à l'article 3 [où figurent la falsification et la contrefaçon] suivant qu'il s'agit d'une monnaie nationale ou d'une monnaie étrangère. Cette disposition ne peut être soumise à aucune condition de réciprocité légale ou conventionnelle.

* 45 Par ailleurs, la Belgique a également déposé un projet de décision-cadre relative à la reconnaissance mutuelle et à l'exécution dans l'Union europeénne des interdictions résultant de condamnations pour infractions sexuelles commises à l'égard d'enfants. Ce projet vise à permettre l'exécution dans l'ensemble de l'Union des décisions judiciaires impliquant une interdiction d'exercer une activité professionnelle en lien avec des mineurs, lorsque ces décisions ont été prononcées pour certaines infractions en matière de pornographie enfantine.

* 46 Rapport au nom de la commission des lois sur la proposition de loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales, n° 171, 2004-2005.

* 47 Plusieurs textes spéciaux prévoient la répression de cas particuliers : il en est ainsi dans le code pénal des dispositions relatives à l'évasion (art. 434-32) ainsi que de celles concernant la subordination de témoin, d'interprète ou d'expert (art. 434-16, 434-19 et 434-21).

* 48 L'article 432-11 du code pénal réprime aussi le trafic d'influence, à savoir le fait pour la personne corrompue d'abuser du crédit réel ou supposé en vue de l'obtention par l'autorité publique de certaines faveurs.

* 49 Action commune 98/742/JAI.

* 50 Sous réserve de la possibilité ouverte à un Etat de limiter le champ de l'incrimination aux seuls actes entraînant une « distorsion de concurrence en relation avec l'achat de biens ou de services commerciaux ».

* 51 Sans doute l'article L. 152-6 du code du travail vise-t-il non seulement le salarié mais aussi le directeur. Cependant, celui-ci doit agir à l'insu de « son » employeur : il doit donc aussi être considéré comme un salarié.

* 52 Ces dispositions visent en effet la « personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public, ou investie d'un mandat électif public ». Est investie d'une mission de service public la personne qui, sans avoir reçu un pouvoir de décision ou de commandement confirmé par la puissance publique, exerce cependant une fonction destinée à satisfaire l'intérêt général. Ces termes recouvrent en particulier les services publics concédés ou les services assurés par voie de gestion déléguée

* 53 Le responsable d'une agence du Crédit Lyonnais en tant que banque nationalisée relevait de l'article L. 152-6 du code de travail - chambre criminelle de la Cour de cassation, 7 avril 1986.

* 54 Chambre criminelle de la Cour de cassation, 14 mai 1986.

* 55 A ce titre, l'article L. 152-6 permet par exemple de réprimer l'espionnage commercial et industriel, c'est-à-dire l'obtention par des concurrents et contre rémunération, des renseignements dont peut disposer le salarié dans le cadre de ses fonctions - chambre criminelle de la Cour de cassation, 7 octobre 1969.

* 56 Cette réserve prend en compte la chose livrée par le corrupteur qui avait été frauduleusement soustraite à son véritable propriétaire.

* 57 Cette convention a fait l'objet d'adaptations dans notre droit par la loi n° 90-1010 du 14 novembre 1990.

* 58 Cette convention a fait l'objet d'adaptations dans notre droit par la loi n° 96-392 du 13 mai 1996.

* 59 La décision-cadre ne prévoit toutefois la suppression de l'exigence de double incrimination que pour une infraction entrant dans l'une des 32 catégories visées -les autres infractions demeurent soumises à cette condition. Elle définit donc un régime distinct de celui prévu par les engagements de la France au titre de la convention du 20 avril 1959 qui a supprimé cette exigence pour toutes les infractions. Il est probable que le dispositif prévu par la décision-cadre, compte tenu de ses avantages en termes de célérité, sera à l'avenir davantage utilisé que la convention de 1959.

* 60 Le terme « données » vise les « données informatiques », formulation retenue jusqu'à présent par le code de procédure pénale.

* 61 En effet, l'organisation du système judiciaire britannique ne comporte pas de parquet susceptible d'assurer la transmission d'une décision de gel de biens ou d'éléments de preuve à destination d'une autorité judiciaire étrangère. En outre, le Royaume-Uni et l'Irlande ont exprimé le souhait d'un point de passage unique pour la réception et l'expédition des demandes d'entraide judiciaire en matière pénale.

* 62 Dans le cadre de la négociation entre les Etats membres de l'Union européenne, la transmission directe à l'autorité d'exécution avait d'abord été envisagée avant d'être rapidement abandonnée dans la mesure où les forces de police saisies d'une telle demande se retourneraient vraisemblablement vers leurs autorités judiciaires nationales avant de l'exécuter.

* 63 Pour des raisons de commodité, il semble alors en effet plus pertinent de confier à une autorité unique le soin d'établir la demande et en particulier de remplir le certificat.

* 64 Il convient de prévoir en effet le cas où, faute d'identification du magistrat effectivement compétent pour assurer l'exécution de la décision, la demande est adressée au procureur de la République. Cette hypothèse est explicitement mentionnée pour les demandes d'entraide judiciaire (art. 694-1 du code de procédure pénale).

* 65 En outre des dispositions conventionnelles ou légales, spécifiques, s'appliquent en matière notamment de confiscation de bateaux, de navires ou d'aéronefs.

* 66 Aux termes de l'article 97, alinéa 2 du code de procédure pénale, tous les objets ou documents placés sous main de justice sont « immédiatement inventoriés et placés sous scellés ». Selon leur importance, ces éléments peuvent rester au dossier de la procédure, être déposés au greffe ou, s'il s'agit d'un immeuble, se voir apposés les scellés et être gardés. Lorsque les pièces saisies n'apparaissent plus utiles à l'information à l'occasion de laquelle leur saisie est ordonnée, elles ne peuvent être conservées sous main de justice.

* 67 Un mandat de dépôt ou d'arrêt peut être décerné à l'audience si la peine d'emprisonnement est supérieure ou égale à un an ou, même lorsque le quantum de la peine est inférieur, si la juridiction est saisie dans le cadre de la comparution immédiate.

* 68 L'aide juridictionnelle est régie pour les collectivités d'outre-mer par deux ordonnances de 1992 (l'une applicable à Mayotte n° 92-1143 du 12 octobre 1992, l'autre applicable aux autres collectivités d'outre-mer n° 92-1147 du même jour) ; les règles relatives au droit de travail relèvent des compétences propres de la Nouvelle Calédonie et de la Polynésie française.

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