C. UN NOMBRE INSUFFISANT D'ADOPTIONS NATIONALES

1. Les réticences des parents adoptants

En 2001, seuls 1.150 des 2.882 pupilles de l'État 3 ( * ) ont fait l'objet d'un placement en vue d'adoption. Cela signifie que près de 1.700 enfants n'ont pas trouvé de parents en raison de leur état de santé, de leur appartenance à une fratrie ou de leur âge (1.142 pupilles ont plus de douze ans).

Ce chiffre est particulièrement faible lorsqu'on le compare aux 1.500 adoptions nationales en Italie et surtout aux 5.000 réalisées chaque année au Royaume-Uni, soit le nombre annuel total d'adoptions en France.

Un fichier recensant les pupilles de l'État et les parents prêts à adopter des enfants « à particularité », le système d'information pour l'adoption des pupilles de l'État (SIAPE), a toutefois été ouvert récemment pour faciliter les rapprochements, à l'instar du fichier national britannique très efficace. Il peine encore malheureusement à devenir opérationnel.

En réalité, la majorité des parents candidats se tournent vers l'adoption internationale, qui leur garantit souvent de se voir confier un enfant plus jeune.

2. L'adoption nationale comme dernier recours pour les services sociaux

Le premier obstacle auquel se heurte l'adoption nationale tient au faible nombre de pupilles adoptables . Le problème est régulièrement soulevé par les associations de parents adoptifs : des enfants délaissés par leurs parents biologiques et placés sous la protection de l'aide sociale à l'enfance ne peuvent être adoptés parce qu'ils n'ont pas été légalement abandonnés, notamment par la procédure prévue à l'article 350 code civil.

Les services sociaux privilégient en effet, parfois jusqu'à l'absurde, les statuts qui maintiennent un lien entre le mineur et ses parents biologiques.

Les différents statuts juridiques des mineurs

Les mineurs peuvent être soumis à des régimes juridiques divers :

- la tutelle (articles 390 et suivants du code civil) : elle concerne le mineur dont le père et la mère sont décédés ou sont privés de l'autorité parentale et l'enfant naturel dont aucune filiation n'est établie. La tutelle comprend au moins un tuteur, pris dans la famille de l'enfant ou, à défaut, un tiers, un conseil de famille et le juge des tutelles ;

- la tutelle départementale : si la tutelle est vacante (impossibilité de désigner un tuteur et un conseil de famille), elle est confiée au département dans les conditions prévues par l'article 433 du code civil. Elle ne comporte alors pas de conseil de famille ;

- les délégations d'autorité parentale (articles 377 et suivants du code civil) : à la demande soit des parents, soit de l'aide sociale à l'enfance (ASE), du particulier ou de l'établissement ayant recueilli un mineur, le juge aux affaires familiales peut déléguer tout ou partie de l'autorité parentale à un délégataire ;

- le retrait partiel ou total de l'autorité parentale (articles 378 et suivants du code civil) : il est prononcé par le tribunal et sanctionne les parents condamnés pour un crime ou un délit commis sur leur enfant ou ceux qui mettent manifestement en danger sa santé, sa sécurité ou sa moralité. Le retrait total entraîne soit la désignation d'un tiers à qui l'enfant est provisoirement confié et qui est chargé de requérir l'organisation d'une tutelle, soit la remise du mineur à l'ASE ;

- l'enfant déclaré judiciairement abandonné (article 350 du code civil) : l'autorité parentale est déléguée à l'ASE, à l'établissement ou au particulier qui a recueilli l'enfant ou à qui il a été confié. L'enfant est admissible comme pupille de l'État. La déclaration judiciaire d'abandon ne rompt pas les liens juridiques de l'enfant avec sa famille et n'empêche pas l'établissement d'une filiation ; elle n'entraîne pas davantage l'obligation de placer l'enfant en vue de son adoption ;

- l'enfant placé en vue de l'adoption (article 351 et suivants du code civil) : quand l'enfant est juridiquement adoptable (et que son adoption est envisagée), il est remis au futur adoptant. Le placement fait obstacle au retour de l'enfant dans sa famille d'origine et fait échec à tout établissement d'une nouvelle filiation autre qu'adoptive ;

- les pupilles de l'État (articles L. 224-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles) : le mineur est placé sous le régime de la tutelle ; il a un tuteur (le préfet) et un conseil de famille comprenant des représentants du conseil général, des membres d'associations concernées par la situation et des personnalités qualifiées ;

- l'enfant faisant l'objet d'une mesure d'assistance éducative (articles 375 et suivants du code civil) : cette mesure concerne le mineur dont la santé, la sécurité ou la moralité sont en danger ou dont les conditions d'éducation sont gravement compromises. Le mineur peut être retiré de son milieu habituel et confié à un autre parent, à un tiers digne de confiance, à un service ou un établissement sanitaire ou d'éducation ou à un service départemental de l'ASE. Toutefois, les père et mère de l'enfant ainsi confié conservent l'exercice des attributs de l'autorité parentale ;

- l'enfance délinquante (ordonnance modifiée du 2 février 1945) : le juge peut prendre des mesures de rééducation du mineur (liberté surveillée, placement hors de son milieu habituel, etc.) ;

- l'enfant provisoirement pris en charge par le service de l'ASE du département (article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles) : cette prise en charge n'entraîne par elle-même aucun effet sur le statut juridique de l'enfant.

On observe par conséquent un nombre croissant d'enfants placés sous tutelle : 2.730 en 1999, 3.995 en 2003. Or, lorsque ces enfants sont confrontés à des situations d'abandon manifeste de la part de leurs parents, il serait légitime de prononcer une décision judiciaire d'abandon afin de permettre au mineur d'accéder, le plus tôt possible, au statut plus protecteur de pupille de l'État et de lui donner la chance d'intégrer une autre famille.

* 3 Le nombre de pupilles de l'État s'établissait, après la Seconde guerre mondiale, à 65.000.

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