ANNEXE 2

ORDONNANCES DU CONSEIL D'ÉTAT N° 279833 ET N° 279834
DU JUGE DES RÉFÉRÉS DU 11 MAI 2005,
SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE

N° 279833

Vu, enregistrée le 21 avril 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la requête présentée pour le SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE, agissant poursuites et diligences de son président ; le SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la circulaire du 19 avril 2005 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a fixé les suites à réserver à l'avis du 18 avril 2005 de la Cour de cassation relatif à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il expose qu'en son article 137 la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 a inséré dans le code de procédure pénale des articles 495-7 à 495-16 qui instituent une procédure dénommée " comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité " ; qu'une première circulaire du 2 septembre 2004 du garde des sceaux, ministre de la justice qui commente cette procédure contient plusieurs dispositions impératives qui fixent illégalement des règles nouvelles ; que cette circulaire a fait l'objet de la part de l'exposant d'un recours en annulation enregistré sous le n° 273757 ; que sous le n° 279834 est demandée, par ailleurs, la suspension de cette circulaire ; que par la présente le syndicat exposant entend solliciter également la suspension d'une autre circulaire prise à la date du 19 avril 2005 qui persiste dans les pratiques illégales instaurées par la circulaire du 2 septembre 2004, nonobstant l'avis rendu le 18 avril 2005 par la Cour de cassation ; que la circulaire du 19 avril 2005 émane d'une autorité incompétente ; d'une part, en ce que son signataire, le directeur des Affaires criminelles et des grâces, ne disposait pas d'une délégation régulière ; d'autre part, et en tout état de cause, en ce que le ministre de la justice ne dispose pas, en l'absence d'habilitation législative et faute pour lui de se borner à prendre les mesures nécessaires à l'organisation des services placés sous son autorité, du pouvoir réglementaire ; que, sur le fond, la circulaire méconnaît les dispositions législatives qu'elle se propose d'interpréter ; que contrairement à ce que soutient la circulaire, l'article 495-9 du code de procédure pénale tel qu'il a été interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 2 mars 2004 implique que le magistrat du parquet assiste à l'audience d'homologation faisant suite à la proposition du procureur et à son acceptation par la personne concernée ; que l'absence du ministère public est également contraire à l'article 32 du code de procédure pénale aux termes duquel le ministère public " est représenté auprès de chaque juridiction répressive. Il assiste aux débats des juridictions de jugement. Toutes les décisions sont prononcées en sa présence " ; qu'en effet, ainsi que l'a relevé l'avis de la Cour de cassation du 18 avril 2005, l'audience d'homologation est une " audience de jugement " ; que c'est en vain que la circulaire opère une distinction entre la décision prise par le président du tribunal ou le juge délégué, qui présente un caractère juridictionnel, et la présentation de la personne devant ce magistrat ; qu'en toute hypothèse, la décision d'homologation, qui a un caractère juridictionnel, ne peut être prise et prononcée qu'en présence du ministère public ; que c'est en méconnaissance de l'article 495-9 du code de procédure pénale que la circulaire retient que la décision d'homologation peut être prise en l'absence du ministère public et lue ultérieurement en sa présence ; que les dispositions de la circulaire formant un ensemble indivisible, la suspension ordonnée doit porter sur la totalité de la circulaire ; qu'il y a urgence à suspendre dans la mesure où la circulaire est d'application immédiate et que de nombreuses décisions rendues sur son fondement sont susceptibles d'annulation pour vice de procédure et violation des droits de la défense ;

Vu la circulaire dont la suspension est demandée ;

Vu, enregistré le 3 mai 2005, le mémoire en intervention présenté pour l'Ordre des avocats de Paris, dont le siège est place Dauphine, 75053 Paris cedex 1 ; l'Ordre des avocats de Paris conclut à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la requête par les motifs que l'atteinte grave et immédiate portée aux droits de la défense par la circulaire contestée caractérise amplement la situation d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative ; que la circulaire est illégale, en ce qu'elle émane d'une autorité incompétente, le ministre de la justice ne disposant d'aucun pouvoir réglementaire pour édicter des dispositions impératives d'application de la loi du 9 mars 2004 ; qu'en outre, la circulaire n'est pas conforme aux dispositions législatives auxquelles elle se rapporte ; qu'en effet, ainsi que cela ressort tant de la décision du Conseil constitutionnel du 2 mars 2004 que de l'avis de la Cour de cassation du 18 avril 2005, elle est contraire aux dispositions des articles 32 et 495-9 du code de procédure pénale ;

Vu, enregistré le 6 mai 2005, le mémoire en intervention présenté pour le Conseil national des Barreaux dont le siège est 23 rue de la Paix, 75002 Paris ; le Conseil national des Barreaux conclut à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la requête en reprenant l'ensemble des moyens invoqués par l'Ordre des avocats de Paris dans son mémoire en intervention ;

Vu, enregistré le 9 mai 2005, le mémoire en intervention présenté pour la Conférence des bâtonniers de France et d'Outre-mer dont le siège est 12, place Dauphine, 75001 Paris ; la Conférence des bâtonniers de France et d'Outre-mer conclut à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la requête en reprenant l'ensemble des moyens invoqués par l'Ordre des avocats de Paris dans son mémoire en intervention ;

Vu, enregistré le 9 mai 2005, le mémoire en défense présenté par le garde des sceaux, ministre de la justice qui conclut au rejet de la requête au motif, à titre principal, qu'elle ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative dès lors que la circulaire contestée se rapporte directement et exclusivement au déroulement de procédures judiciaires ; qu'elle a en effet pour fondement l'article 30 du code de procédure pénale aux termes duquel le ministre de la justice " adresse aux magistrats du ministère public des instructions générales d'action publique " ; qu'à titre subsidiaire, il y a lieu de relever que la condition d'urgence exigée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'est pas remplie ; qu'à cet égard, le syndicat requérant ne saurait se fonder sur la perspective de la multiplication des contestations contentieuses qui seraient suscitées par l'illégalité de la décision contestée ; qu'il n'indique pas en quoi les instructions ministérielles porteraient atteinte aux droits de la défense ; qu'en outre, à l'exception d'un avis de la Cour de cassation du 18 avril 2005, aucun élément nouveau susceptible de caractériser la survenance d'une situation d'urgence n'est intervenu entre le 1 er octobre 2004, date de la mise en oeuvre de la procédure et le 21 avril 2005, date à laquelle a été présentée la demande de suspension ; qu'à titre très subsidiaire, il n'y a pas de doute sérieux sur la légalité de la circulaire ; que, contrairement à ce qui est soutenu, le signataire de la circulaire avait reçu délégation à cet effet ; que le ministre exposant tire sa compétence pour prendre la circulaire des dispositions de l'article 30 du code de procédure pénale ; que les moyens de légalité interne ne sont pas davantage pertinents ; que la présence du parquet n'est pas exigée par les dispositions du deuxième alinéa de l'article 495-9 du code de procédure pénale lorsque la personne et son avocat sont entendus par le juge du siège et lorsque celui-ci prend sa décision sur l'homologation ; que sa présence n'est pas davantage requise par l'article 32 du code de procédure pénale, nonobstant l'avis émis le 18 avril 2005 par la Cour de cassation ; qu'en effet, la question de la publicité des audiences n'est pas liée à la présence ou non du parquet ; qu'en matière de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, il n'y a pas de débat contradictoire entre l'accusation et la défense ; que la décision rendue par le juge du siège n'est pas un jugement ; que le Conseil constitutionnel dans sa décision du 2 mars 2004 a distingué la phase d'homologation de l'audience correctionnelle ordinaire ; que ces questions sont distinctes de celle de la présence du parquet lors de la lecture de l'ordonnance du magistrat du siège en audience publique sur laquelle précisément la circulaire du 19 avril 2005 a apporté des précisions complémentaires par rapport à la circulaire générale du 2 septembre 2004 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 62 ;

Vu la loi n° 73-1227 du 31 décembre 1973, autorisant la ratification de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ensemble le décret n° 74-360 du 3 mars 1974 portant publication de cette convention ;

Vu la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, ensemble la décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 du Conseil constitutionnel ;

Vu le code de procédure pénale, notamment son article préliminaire, ses articles 30, 32, 495-7 à 495-16 et 706-64 à 706-70 ;

Vu le code de l'organisation judiciaire, notamment ses articles L. 151-1 et L. 151-2 ;

Vu le code de justice administrative, notamment ses articles L. 511-2, L. 521-1 et L. 761-1 ;

Après avoir convoqué à une audience publique :

- le SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE,
- l'Ordre des avocats de Paris,
- le Conseil national des Barreaux,
- la Conférence des Bâtonniers de France et d'Outre-mer,
- le garde des sceaux, ministre de la justice ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 9 mai 2005 à 17 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Masse-Dessen, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation,

avocat du SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE ;

- Me Molinié, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'Ordre des avocats de Paris, du Conseil national des Barreaux et de la Conférence des Bâtonniers de France et d'Outre-mer ;

- les représentants du garde des sceaux, ministre de la justice ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

Considérant qu'en se fondant sur ces dispositions, le SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE, demande au juge des référés du Conseil d'Etat d'ordonner la suspension de la circulaire du 19 avril 2005 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a fixé les suites à réserver à l'avis du 18 avril 2005 de la Cour de cassation relatif à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ;

Sur l'exception d'incompétence invoquée par le garde des sceaux, ministre de la justice :

Considérant que le juge administratif ne peut être saisi d'un pourvoi tendant à la mise en oeuvre de l'une des procédures régies par le livre V du code de justice administrative que pour autant que le litige principal auquel il se rattache ou est susceptible de se rattacher la mesure d'urgence qu'il lui est demandé de prescrire n'échappe pas manifestement à la compétence de la juridiction administrative ;

Considérant que la juridiction administrative est compétente pour connaître des recours pour excès de pouvoir dirigés contre les instructions ou circulaires par lesquelles l'autorité ministérielle fait connaître, au moyen de dispositions impératives à caractère général, l'interprétation qu'elle entend donner des lois et règlements ; qu'il appartient au juge de la légalité des actes administratifs de s'assurer que l'interprétation retenue ne méconnaît pas le sens ou la portée des dispositions législatives ou réglementaires que le ministre se propose d'expliciter ou ne contrevient pas aux exigences inhérentes à la hiérarchie des normes ;

Considérant toutefois, que l'indépendance de l'autorité judiciaire fait obstacle à ce que la juridiction administrative puisse s'immiscer dans le déroulement d'une procédure judiciaire ;

Considérant que la circulaire dont la suspension est demandée, adressée pour attribution aux magistrats du parquet, a pour objet de faire connaître l'interprétation que le ministre de la justice entend donner des articles 32 et 495-9 du code de procédure pénale ; que le contrôle de légalité exercé sur ce point est par lui-même sans effet sur la régularité des procédures judiciaires ; qu'il ne saurait dès lors être soutenu que la requête du SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE excède manifestement la compétence du juge des référés administratifs ;

Sur les interventions de l'Ordre des avocats de Paris, du Conseil national des Barreaux et de la Conférence des bâtonniers de France et d'Outre-mer :

Considérant que l'Ordre des avocats de Paris, le Conseil national des Barreaux et la Conférence des bâtonniers de France et d'Outre-mer ont intérêt à ce que soit ordonnée la suspension de la circulaire litigieuse relative à la portée des textes régissant la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ;

Sur les conclusions aux fins de suspension :

Considérant que le I de l'article 137 de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a inséré dans le code de procédure pénale, sous des articles 495-7 à 495-16, une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ; que le champ d'application de cette procédure est défini par les articles 495-7 et 495-16 ; que l'article 495-8 détermine les conditions dans lesquelles le procureur de la République peut proposer à la personne concernée l'exécution d'une ou plusieurs des peines encourues, leur nature et leur quantum ainsi que les modalités de l'acceptation par l'intéressé de la ou des peines proposées ; que l'article 495-9 énonce dans un premier alinéa que : " lorsque en présence de son avocat, la personne accepte la ou les peines proposées, elle est aussitôt présentée devant le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui, saisi par le procureur de la République d'une requête en homologation " ; qu'aux termes du second alinéa du même article : " le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui entend la personne et son avocat. Après avoir vérifié la réalité des faits et leur qualification juridique, il peut décider d'homologuer les peines proposées par le procureur de la République. Il statue le jour même par ordonnance motivée. En cas d'homologation, cette ordonnance est lue en audience publique " ; que selon le deuxième alinéa de l'article 495-11 du code précité, l'ordonnance d'homologation " a les effets d'un jugement de condamnation " ; qu'elle peut, comme le prévoit le troisième alinéa du même article faire l'objet d'un appel de la part du condamné ; que d'après l'article 495-13, lorsque la victime de l'infraction est connue, elle est informée sans délai par tout moyen de la procédure et est invitée à comparaître en même temps que l'auteur des faits ;

Considérant qu'appelé à se prononcer sur la conformité à la Constitution de la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, le Conseil constitutionnel, par une décision du 2 mars 2004 à laquelle s'attache l'autorité définie par l'article 62 de la Constitution, a censuré une disposition insérée dans le texte de l'article 495-9 du code de procédure pénale tel qu'il avait été adopté par le Parlement qui conférait un caractère non public à l'audience au cours de laquelle le président du tribunal de grande instance se prononce sur la proposition du parquet, même lorsqu'aucune circonstance particulière ne nécessite le huis clos ; que la même décision n'a admis la conformité à la Constitution de la nouvelle procédure que sous réserve que le président du tribunal de grande instance ne procède à l'homologation de la proposition du parquet acceptée par l'intéressé, qu'après avoir vérifié la qualification juridique des faits et s'être interrogé sur la justification de la peine au regard des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ; qu'en outre, le président du tribunal de grande instance peut refuser d'homologuer la peine proposée si les déclarations de la victime apportent un éclairage nouveau sur les conditions dans lesquelles l'infraction a été commise ;

Considérant que si la loi du 9 mars 2004 a, par ses articles 63, 64 et 65, qui modifient respectivement les articles 30, 35 et 36 du code de procédure pénale, précisé les attributions du ministre de la justice et du procureur général en matière de procédure pénale, elle a laissé inchangé le texte de l'article 32 de ce code aux termes duquel le ministère public " assiste aux débats des juridictions de jugement ; toutes les décisions sont prononcées en sa présence " ;

Considérant que par sa circulaire en date du 19 avril 2005, le ministre de la justice a fait savoir aux magistrats du parquet que leur présence n'était juridiquement exigée par la loi qu'au cours de la lecture publique de l'ordonnance d'homologation prévue à l'article 495-9 du code de procédure pénale ;

Considérant d'une part, que le moyen tiré de ce que la circulaire méconnaît les dispositions combinées des articles 495-9 et 32 du code de procédure pénale est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la circulaire ;

Considérant d'autre part, qu'en vertu de l'article 495-14 du code de procédure pénale, à peine de nullité de la procédure, il est dressé procès-verbal des formalités accomplies en application des articles 495-8 à 495-13 ; qu'eu égard notamment aux conséquences ainsi attachées par la loi aux formalités qu'exige ou implique l'article 495-9 la condition relative à l'urgence posée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prononcer la suspension de l'application de la circulaire du garde des sceaux, ministre de la justice du 19 avril 2005 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit à ces conclusions et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros réclamée par le SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;


O R D O N N E :
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Article 1er : Les interventions de l'Ordre des avocats de Paris, du Conseil national des Barreaux et de la Conférence des bâtonniers de France et d'Outre-mer sont admises.

Article 2 : Est ordonnée la suspension de la circulaire du garde des sceaux, ministre de la justice du 19 avril 2005.

Article 3 : L'Etat versera au SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée au SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE, à l'Ordre des avocats de Paris, au Conseil national des Barreaux, à la Conférence des bâtonniers de France et d'Outre-mer et au garde des sceaux, ministre de la justice.

N° 279834

Vu, enregistrée le 21 avril 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la requête présentée pour le SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE, agissant poursuites et diligences de son président ; le SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la circulaire du 2 septembre 2004 du garde des sceaux, ministre de la justice portant présentation des dispositions relatives à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il expose qu'en son article 137 la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 a inséré dans le code de procédure pénale des articles 495-7 à 495-16 qui instituent une procédure dénommée " comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité " ; que la circulaire du 2 septembre 2004 du garde des sceaux, ministre de la justice qui commente cette procédure contient plusieurs dispositions impératives qui fixent illégalement des règles nouvelles ; que cette circulaire a fait l'objet de la part de l'exposant d'un recours en annulation enregistré sous le n° 273757 ; qu'il vient par la présente requête solliciter la suspension de cette circulaire ; que celle-ci émane d'une autorité incompétente ; d'une part, en ce que son signataire, le directeur des Affaires criminelles et des grâces ne disposait pas d'une délégation régulière ; d'autre part, et en tout état de cause, en ce que le ministre de la justice ne dispose pas, en l'absence d'habilitation législative et faute pour lui de se borner à prendre les mesures nécessaires à l'organisation des services placés sous son autorité, du pouvoir réglementaire ; qu'au fond, la circulaire méconnaît le sens et la portée des dispositions législatives qu'elle entend expliciter et fixe illégalement, dans le silence de celles-ci, des règles nouvelles ; que tel est le cas, en premier lieu, de la reconnaissance par l'auteur des faits de sa culpabilité dès l'enquête préliminaire alors que l'article 495-7 du code de procédure pénale réserve la mise en oeuvre de cette procédure au seul procureur de la République et que l'article 495-8, tel qu'il a été interprété par le Conseil constitutionnel, implique que tant la reconnaissance de culpabilité que la proposition de la peine doivent avoir lieu en présence de l'avocat de l'intéressé, ce qui n'est pas le cas lors de l'enquête préliminaire ; qu'il en va de même, en deuxième lieu, de l'exclusion du champ de la nouvelle procédure, dans des conditions qui restreignent illégalement la portée de la loi, de deux séries d'éventualités ; d'une part, si une expertise psychiatrique est nécessaire ; d'autre part, lorsqu'il y a une victime et que l'affaire est complexe en raison de la nécessité d'évaluer le préjudice ; que sont, en troisième lieu, contraires à la loi les dispositions prévoyant la convocation de la personne par un officier de police judiciaire ou par un agent de police judiciaire ainsi que celles relatives au rôle conféré au délégué du procureur de la République dans le choix de la nouvelle procédure plutôt que celle de la composition pénale, au motif qu'elles ajoutent à la loi ; qu'en effet, celle-ci fait relever la procédure de comparution du procureur de la République et implique que toute reconnaissance de culpabilité ne puisse intervenir qu'en présence de l'avocat de l'intéressé ; que, pour les mêmes motifs, sont, en quatrième lieu, illégales les modalités retenues pour la proposition de la peine ; qu'enfin, en conférant un caractère facultatif à la présence du ministère public lors de l'audience d'homologation, la circulaire est contraire tant à l'article 495-9 du code de procédure pénale tel qu'il a été interprété par le Conseil constitutionnel qu'à l'article 32 du code, ainsi que l'a relevé la Cour de cassation dans son avis du 18 avril 2005 ; qu'il y a urgence à suspendre la circulaire afin que ne perdure pas une situation à la fois illégale, dangereuse et attentatoire aux droits de la défense ;


Vu la circulaire dont la suspension est demandée ;

Vu, enregistré le 3 mai 2005, le mémoire en intervention présenté pour l'Ordre des avocats de Paris, dont le siège est Place Dauphine, 75053 Paris cedex 1 ; l'Ordre des avocats de Paris conclut à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la requête par les motifs que l'atteinte grave et immédiate portée aux droits de la défense par la circulaire contestée caractérise amplement la situation d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative ; que la circulaire est illégale en ce qu'elle émane d'une autorité incompétente, le ministre de la justice ne disposant d'aucun pouvoir réglementaire pour édicter des dispositions impératives d'application de la loi du 9 mars 2004 ; qu'en outre, la circulaire n'est pas conforme aux dispositions législatives auxquelles elle se rapporte ; qu'elle énonce en effet que la présence du procureur de la République aux débats de l'audience prévue pour l'homologation ou le refus d'homologation de la peine n'est pas requise ce qui est contraire tant à l'article 495-9 du code de procédure pénale, tel qu'il a été interprété par le Conseil constitutionnel, qu'à l'article 32 dudit code ; que la Cour de cassation a pris position dans le même sens dans son avis du 18 avril 2005 ; qu'en outre, la circulaire méconnaît les garanties procédurales prévues par la loi concernant les prérogatives dévolues au ministère public et l'assistance de l'avocat tout au long de la procédure ; qu'en effet, elle enjoint aux auteurs de l'enquête de vérifier l'état d'esprit de l'intéressé quant à une reconnaissance de culpabilité à un stade où l'initiative de recourir à cette procédure n'a pas été officiellement prise et où l'avocat n'est pas présent ; qu'elle autorise le délégué du procureur à engager la procédure alors que la loi ne lui reconnaît pas cette compétence ; qu'elle prévoit la possibilité pour les enquêteurs d'informer l'intéressé des propositions de peine envisagée, sans qu'aucune garantie ne soit donnée quant à la présence de l'avocat à ce stade de la procédure ;

Vu, enregistré le 6 mai 2005, le mémoire en intervention présenté pour le Conseil national des Barreaux dont le siège est 23 rue de la Paix, 75002 Paris ; le Conseil national des Barreaux conclut à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la requête en reprenant l'ensemble des moyens invoqués par l'Ordre des avocats de Paris dans son mémoire en intervention ;

Vu, enregistré le 9 mai 2005, le mémoire en intervention présenté pour la Conférence des bâtonniers de France et d'Outre-mer dont le siège est 12, place Dauphine, 75001 Paris ; la Conférence des bâtonniers de France et d'Outre-mer conclut à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la requête en reprenant l'ensemble des moyens invoqués par l'Ordre des avocats de Paris dans son mémoire en intervention ;

Vu, enregistré le 9 mai 2005, le mémoire en défense présenté par le garde des sceaux, ministre de la justice qui conclut au rejet de la requête au motif, à titre principal, qu'elle ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative dès lors que la circulaire contestée se rapporte directement et exclusivement au déroulement de procédures judiciaires ; qu'elle a en effet pour fondement l'article 30 du code de procédure pénale aux termes duquel, le ministre de la justice " adresse aux magistrats du ministère public des instructions générales d'action publique " ; qu'à titre subsidiaire, il y a lieu de relever que la condition d'urgence exigée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'est pas remplie ; qu'à cet égard, le syndicat requérant ne saurait se fonder sur la perspective de la multiplication des contestations contentieuses qui seraient suscitées par l'illégalité de la décision contestée ; qu'il n'indique pas en quoi les instructions ministérielles porteraient atteinte aux droits de la défense ; qu'en outre, à l'exception d'un avis de la Cour de cassation du 18 avril 2005, aucun élément nouveau, susceptible de caractériser la survenance d'une situation d'urgence n'est intervenu entre la circulaire du 2 septembre 2004 sur les conditions de mise en oeuvre d'une procédure appliquée depuis le 1er octobre 2004 et le 21 avril 2005, date à laquelle a été présentée la demande de suspension ; qu'à titre très subsidiaire, il n'y a pas de doute sérieux sur la légalité de la circulaire ; que, contrairement à ce que soutient la requête, le signataire de la circulaire avait reçu délégation à cet effet ; que le ministre exposant tire sa compétence pour prendre la circulaire des dispositions de l'article 30 du code de procédure pénale ; que les moyens de légalité interne ne sont pas davantage pertinents ; que le paragraphe 1.2.2.1. de la circulaire ne fait qu'inciter le parquet à demander aux enquêteurs de procéder à des vérifications complémentaires, afin de faciliter la décision du magistrat de recourir ou non, conformément à la loi à la procédure nouvelle ; que ces instructions s'inscrivent dans le pouvoir de direction de la police judiciaire reconnu au procureur de la République par le code de procédure pénale ; qu'il en va de même des indications figurant au paragraphe 2.2.1.1. qui permettent aux enquêteurs de demander si la personne est a priori favorable à faire l'objet de la nouvelle procédure, sans que les garanties légales relatives à sa mise en oeuvre en soient affectées ; que le paragraphe 1.2.2.2., qui invite les parquets à ne pas recourir à la nouvelle procédure lorsqu'une expertise psychiatrique est nécessaire, notamment pour les délits sexuels, ne fait que préciser la doctrine d'emploi de la procédure en cause, qui impose qu'elle soit réservée aux affaires simples ; que, dans la même logique, il est préconisé de ne recourir qu'avec certaines précautions à la nouvelle procédure lorsqu'il s'agit de délits causant des dommages corporels et pouvant donner lieu à l'intervention des caisses de sécurité sociale ; que les paragraphes 2.1.1.2., 2.1.1.2.1. et 2.1.1.2.3, qui ne font que préciser les modalités pratiques selon lesquelles une personne peut être convoquée devant le procureur afin de faire l'objet de la nouvelle procédure, ne mettent en cause ni les prérogatives incombant au parquet, ni les droits de la défense ; que la présence du parquet n'est pas exigée par les dispositions du deuxième alinéa de l'article 495-9 du code de procédure pénale lorsque la personne et son avocat sont entendus par le juge du siège et lorsque celui-ci prend sa décision sur l'homologation ; que sa présence n'est pas davantage requise par l'article 32 du code de procédure pénale, nonobstant l'avis émis le 18 avril 2005 par la Cour de cassation ; qu'en effet, la question de la publicité des audiences n'est pas liée à la présence ou non du parquet ; qu'en matière de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, il n'y a pas de débat contradictoire entre l'accusation et la défense ; que la décision rendue par le juge du siège n'est pas un jugement ; que le Conseil constitutionnel dans sa décision du 2 mars 2004, a distingué la phase d'homologation de l'audience correctionnelle ordinaire ; que ces questions sont distinctes de celle de la présence du parquet lors de la lecture de l'ordonnance du magistrat du siège en audience publique, sur laquelle la circulaire du 19 avril 2005 a apporté des précisions complémentaires ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 62 ;

Vu la loi n° 73-1227 du 31 décembre 1973 autorisant la ratification de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ensemble le décret n° 74-360 du 3 mai 1974 portant publication de cette convention ;

Vu la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, ensemble la décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 du Conseil constitutionnel ;

Vu le code de procédure pénale, notamment son article préliminaire, ses articles 30,32, 495-7 à 495-16 et 706-64 à 706-70 ;

Vu le code de l'organisation judiciaire, notamment ses articles L. 151-1 et L. 151-2 ;

Vu le code de justice administrative, notamment ses articles L. 511-2, L. 521-1 et L. 761-1 ;

Après avoir convoqué à une audience publique :

- le SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE,

- l'Ordre des avocats de Paris,

- le Conseil national des Barreaux,

- la Conférence des bâtonniers de France et d'Outre-mer

- le garde des sceaux, ministre de la justice ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 9 mai 2005 à 17 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Masse-Dessen, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE ;

- Me Molinié, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'Ordre des avocats de Paris, du Conseil national des Barreaux et de la Conférence des bâtonniers de France et d'Outre-mer ;

- les représentants du garde des sceaux, ministre de la justice ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

Considérant qu'en se fondant sur ces dispositions, le SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE, demande au juge des référés du Conseil d'Etat d'ordonner la suspension de la circulaire du 2 septembre 2004 du garde des sceaux, ministre de la justice portant présentation des dispositions législatives relatives à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ;

Sur l'exception d'incompétence invoquée par le garde des sceaux, ministre de la justice :

Considérant que le juge administratif ne peut être saisi d'un pourvoi tendant à la mise en oeuvre de l'une des procédures régies par le livre V du code de justice administrative que pour autant que le litige principal auquel il se rattache ou est susceptible de se rattacher la mesure d'urgence qu'il lui est demandé de prescrire n'échappe pas manifestement à la compétence de la juridiction administrative ;

Considérant que la juridiction administrative est compétente pour connaître des recours pour excès de pouvoir dirigés contre les instructions ou circulaires par lesquelles l'autorité ministérielle fait connaître, au moyen de dispositions impératives à caractère général, l'interprétation qu'elle entend donner des lois et règlements ; qu'il appartient au juge de la légalité des actes administratifs de s'assurer que l'interprétation retenue ne méconnaît pas le sens ou la portée des dispositions législatives ou réglementaires que le ministre se propose d'expliciter ou ne contrevient pas aux exigences inhérentes à la hiérarchie des normes ;

Considérant toutefois, que l'indépendance de l'autorité judiciaire fait obstacle à ce que la juridiction administrative puisse s'immiscer dans le déroulement d'une procédure judiciaire ;

Considérant que la circulaire dont la suspension est demandée, adressée pour attribution aux magistrats du parquet, a pour objet essentiel de faire connaître l'interprétation que le ministre de la justice entend donner des dispositions des articles 495-7 à 495-16 du code de procédure pénale, introduites dans ce code par le I de l'article 137 de la loi du 9 mars 2004 susvisée et qui sont relatives à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ; que le contrôle de légalité sur ce point est par lui-même sans effet sur la régularité des procédures judiciaires ; qu'il ne saurait dès lors être soutenu que la requête du SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE excède manifestement la compétence du juge des référés administratifs ;

Sur les interventions de l'Ordre des avocats de Paris, du Conseil national des Barreaux et de la Conférence des bâtonniers de France et d'Outre-mer :

Considérant que l'Ordre des avocats de Paris, le Conseil national des Barreaux et la Conférence des bâtonniers de France et d'Outre-mer ont intérêt à ce que soit ordonnée la suspension de la circulaire litigieuse ;

Sur les conclusions aux fins de suspension :

En ce qui concerne l'étendue de la contestation pouvant être en l'état utilement soumise au juge des référés :

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative que la condition d'urgence à laquelle est subordonnée le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ;

Considérant que pour rechercher si la condition d'urgence est remplie, il appartient au juge des référés de rapprocher, d'une part, les motifs invoqués par le requérant pour soutenir qu'il est satisfait à cette condition et, d'autre part, la diligence avec laquelle il a, par ailleurs, introduit des conclusions d'annulation ; qu'en l'absence de circonstances particulières tenant notamment à l'évolution de la situation de droit ou de fait postérieurement à l'introduction des conclusions d'annulation, ce rapprochement peut conduire à estimer que la demande de suspension ne satisfait pas à la condition d'urgence, faute pour l'exécution de la décision de répondre à l'exigence d'immédiateté du préjudice allégué ;

Considérant que la circulaire du 2 septembre 2004 est relative à une procédure qui est entrée en vigueur le 1er octobre 2004 ; que le syndicat requérant a formé une requête sommaire tendant à son annulation, le 2 novembre 2004 ; qu'il n'a cependant saisi le juge des référés du Conseil d'Etat de conclusions tendant à ce que soit ordonnée la suspension de cette circulaire qu'à la date du 21 avril 2005 ; qu'en l'espèce, aucun des arguments invoqués à l'appui de la demande de suspension pour établir l'urgence de celle-ci ne correspond à des données que le syndicat requérant n'aurait pas été à même de connaître ou d'apprécier lors de la présentation de ses conclusions principales ; qu'il n'en va autrement qu'en ce qui concerne la présence du ministère public à l'audience au cours de laquelle le juge du siège décide, s'il y a lieu, d'homologuer une proposition de peine du parquet, pour laquelle il est justifié d'un élément nouveau découlant de l'avis rendu par la Cour de cassation le 18 avril 2005 sur le fondement de la procédure issue des articles 706-64 à 706-70 du code de procédure pénale ;

En ce qui concerne le bien fondé de la contestation :

Quant à l'existence d'un moyen sérieux :

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus la loi du 9 mars 2004 a inséré dans le code de procédure pénale, sous des articles 495-7 à 495-16, une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ; que le champ d'application de cette procédure est défini par les articles 495-7 et 495-16 ; que l'article 495-8 détermine les conditions dans lesquelles le procureur de la République peut proposer à la personne concernée l'exécution d'une ou plusieurs des peines encourues, leur nature et leur quantum ainsi que les modalités de l'acceptation par l'intéressé de la ou des peines proposées ; que l'article 495-9 énonce dans un premier alinéa que : " lorsque, en présence de son avocat, la personne accepte la ou les peines proposées, elle est aussitôt présentée devant le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui, saisi par le procureur d'une requête en homologation " ; qu'aux termes du second alinéa du même article : " le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui entend la personne et son avocat. Après avoir vérifié la réalité des faits et leur qualification juridique, il peut décider d'homologuer les peines proposées par le procureur de la République. Il statue le jour même par ordonnance motivée. En cas d'homologation, cette ordonnance est lue en audience publique " ; que selon le deuxième alinéa de l'article 495-11 du code précité, l'ordonnance d'homologation " a les effets d'un jugement de condamnation " ; qu'elle peut, comme le prévoit le troisième alinéa du même article faire l'objet d'un appel de la part du condamné ; que d'après l'article 495-13, lorsque la victime de l'infraction est connue, elle est informée sans délai par tout moyen de la procédure et est invitée à comparaître en même temps que l'auteur des faits ;

Considérant qu'appelé à se prononcer sur la conformité à la Constitution de la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, le Conseil constitutionnel, par une décision du 2 mars 2004 à laquelle s'attache l'autorité définie par l'article 62 de la Constitution, a censuré une disposition insérée dans le texte de l'article 495-9 du code de procédure pénale tel qu'il avait été adopté par le Parlement qui conférait un caractère non public à l'audience au cours de laquelle le président du tribunal de grande instance se prononce sur la proposition du parquet, même lorsqu'aucune circonstance particulière ne nécessite le huis clos ; que la même décision n'a admis la conformité à la Constitution de la nouvelle procédure que sous réserve que le président du tribunal de grande instance ne procède à l'homologation de la proposition du parquet acceptée par l'intéressé, qu'après avoir vérifié la qualification juridique des faits et s'être interrogé sur la justification de la peine au regard des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ; qu'en outre, le président du tribunal de grande instance peut refuser d'homologuer la peine proposée si les déclarations de la victime apportent un éclairage nouveau sur les conditions dans lesquelles l'infraction a été commise ;

Considérant que si la loi du 9 mars 2004 a, par ses articles 63, 64 et 65, qui modifient respectivement les articles 30, 35 et 36 du code de procédure pénale, précisé les attributions du ministre de la justice et du procureur général en matière de procédure pénale, elle a laissé inchangé le texte de l'article 32 de ce code aux termes duquel le ministère public " assiste aux débats des juridictions de jugement ; toutes les décisions sont prononcées en sa présence ;

Considérant que la circulaire du 2 septembre 2004 se borne à rendre facultative la présence du ministère public au cours de l'audience d'homologation de la proposition de peine ainsi que lors du prononcé du jugement d'homologation si celle-ci est décidée ;

Considérant d'une part, que le moyen tiré de ce que la circulaire méconnaît ainsi les dispositions combinées des articles 32 et 495-9 du code de procédure pénale est propre à créer en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la circulaire ;

Considérant d'autre part, qu'en vertu de l'article 495-14 du code de procédure pénale, à peine de nullité de la procédure, il est dressé procès-verbal des formalités accomplies en application des articles 495-8 à 495-13 ; qu'eu égard notamment aux conséquences ainsi attachées par la loi aux formalités qu'exige ou implique l'article 495-9 la condition relative à l'urgence posée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prononcer la suspension de l'application des dispositions susmentionnées de la circulaire du 2 septembre 2004 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit à ces conclusions et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros réclamée par le SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

Article 1er : Les interventions de l'Ordre des avocats de Paris, du Conseil national des Barreaux et de la Conférence des bâtonniers de France et d'Outre-mer sont admises.

Article 2 : Est ordonnée la suspension de la circulaire du garde des sceaux, ministre de la justice du 2 septembre 2004 en tant qu'elle rend facultative la présence du ministère public au cours de l'audience d'homologation de la proposition de peine ainsi que lors du prononcé du jugement d'homologation, si celle-ci est décidée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera au SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée au SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE, à l'Ordre des avocats de Paris, au Conseil national des Barreaux, à la Conférence des bâtonniers de France et d'Outre-mer et au garde des sceaux, ministre de la justice.

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