N° 12

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Annexe au procès-verbal de la séance du 12 octobre 2005

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relatif à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs ,

Par M. Alain DUFAUT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Valade, président ; MM. Ambroise Dupont, Jacques Legendre, Serge Lagauche, Jean-Léonce Dupont, Ivan Renar, Michel Thiollière, vice-présidents ; MM. Alain Dufaut, Philippe Nachbar, Pierre Martin, David Assouline, Jean-Marc Todeschini, secrétaires ; M. Jean Besson, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Jean-Marie Bockel, Yannick Bodin, Pierre Bordier, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Gérard Collomb, Yves Dauge, Mme Annie David, MM. Christian Demuynck, Denis Detcheverry, Mme Muguette Dini, MM. Louis Duvernois, Jean-Paul Émin, Mme Françoise Férat, MM. François Fillon, Bernard Fournier, Hubert Haenel, Jean-François Humbert, Mme Christiane Hummel, MM. Soibahaddine Ibrahim, Alain Journet, André Labarrère, Philippe Labeyrie, Pierre Laffitte, Simon Loueckhote, Mme Lucienne Malovry, MM. Jean Louis Masson, Jean-Luc Mélenchon, Mme Colette Mélot, M. Jean-Luc Miraux, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Bernard Murat, Mme Monique Papon, MM. Jean-François Picheral, Jack Ralite, Philippe Richert, René-Pierre Signé, André Vallet, Marcel Vidal, Jean-François Voguet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 2100 , 2181 , et T.A. 412

Sénat : 284 (2004-2005)

Sports.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Près de sept ans après l' « affaire Festina », qui avait ébranlé le Tour de France en 1998, et six ans après l'entrée en vigueur de la loi du 23 mars 1999 qui a profondément modifié l'architecture institutionnelle de la lutte contre le dopage en France, on a pu parler d'un « nouvel ordre moral » 1 ( * ) dans la lutte antidopage.

D'une part, les instances tant nationales qu'internationales, -les Etats, les fédérations, l'ensemble du mouvement sportif et les agences indépendantes- en charge du bon déroulement des compétitions, ont déclaré une guerre totale contre le dopage : la multiplication des contrôles inopinés et l'utilisation effective de l'arsenal disciplinaire qui permet, notamment, d'éliminer un sportif contrôlé positif des compétitions ont reflété une politique volontariste soutenue par des moyens budgétaires en hausse (16,8 millions d'euros ont été consacrés au dopage en 2002, 19 millions en 2005, en augmentation de 7 % par rapport à 2004).

C'est ainsi, par exemple, que tous les sportifs français participant aux derniers Jeux olympiques d'Athènes ont été contrôlés au moins une fois avant leur départ.

D'autre part, les techniques de dépistage se sont significativement améliorées : à titre d'exemple, depuis 1999, le Laboratoire national de dépistage du dopage (LNDD) de Châtenay-Malabry a mis au point une nouvelle technique de repérage de l'érythropoïétine (EPO) auparavant indétectable.

Par conséquent, de moins en moins de substances échappent à la vigilance des autorités en charge du dopage : en 2005, la découverte de la téthrahydrogestrinone (THG), grâce à l'intervention d'un entraîneur américain, a marqué une nouvelle avancée dans la lutte contre le dopage

La médiatisation de certaines « affaires » donne le sentiment que les cas de dopage se multiplient : citons l'exemple du septuple vainqueur du Tour de France, Lance Amstrong, accusé de dopage lors du Tour 1999 par le Journal « l'Equipe » en août 2005, l'avalanche de sportifs contrôlés positifs aux derniers JO d'Athènes 2 ( * ) , la révélation de terribles pratiques dopantes dans l'équipe cycliste espagnole Kelme 3 ( * ) en mars 2003, la mise à jour d'un vaste trafic de « pot belge » dans le cyclisme français en janvier dernier, enfin tout récemment, le contrôle positif du joueur de tennis argentin Mariano Ruita, 27 ans, finaliste de Roland-Garros en 2005.

Les résultats des contrôles réalisés en France montrent pourtant une diminution sensible des cas de dopage : en 2004, sur 8 915 échantillons analysés par le Laboratoire national de dépistage du dopage, 425, soit 4,8 %, contenaient des substances ou des procédés interdits. Il s'agit du plus faible résultat depuis 2001 (378) et du plus faible taux depuis 2000 (4 %).

Ces avancées ont été rendues possibles par la coordination des efforts des Etats au niveau international, aboutissant, en 1999, à la mise en place de l'Agence mondiale antidopage (AMA) et à l'élaboration d'un corps de règles uniques, aujourd'hui réunies dans le code mondial antidopage, adopté en mars 2003 par le Conseil de fondation de l'AMA et progressivement reconnu par les fédérations sportives.

Le contexte dans lequel est examiné le présent projet de loi est donc radicalement différent de celui de mars 1999, date de l'adoption de la loi du 23 mars 1999 de lutte contre le dopage 4 ( * ) : le rapporteur du projet de loi pour le Sénat, M. François Lesein, évoquait alors la relance de la lutte contre le dopage, après un « bilan mitigé de l'application de la loi de 1989 » 5 ( * ) .

Le présent projet de loi, adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 6 avril dernier, a pour objectif de tirer les conséquences des évolutions des sept dernières années, pour consolider et pérenniser les efforts accomplis :

- d'une part, en alignant la législation française sur certaines dispositions du code mondial antidopage ;

- d'autre part, en adaptant le dispositif de la loi du 23 mars 1999, à la lumière de son application effective depuis six ans.

I. LE CONTEXTE DE L'EXAMEN DU PROJET DE LOI

A. UN DISPOSITIF ISSU D'UNE LARGE CONCERTATION

Souhaitant tirer les enseignements de l'application de la loi sur le terrain, M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative a conduit une vingtaine d'entretiens avec des personnalités impliquées, à différents titres, dans la lutte contre le dopage : scientifiques, médecins et juristes dont les informations ont largement été reprises lors de la rédaction du dispositif examiné.

Ces entretiens poursuivaient un double objectif :

préparer les évolutions du droit français, rendues nécessaires par l'adhésion du Gouvernement français à la déclaration de Copenhague du 6 mars 2003 6 ( * ) , et par la reconnaissance du code mondial antidopage par le mouvement sportif ;

dans la perspective de l'entrée en vigueur du code mondial anti-dopage, disposer des éléments nécessaires à un bilan de l'application de la loi n° 99-223 du 23 mars 1999 relative à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage.

Quatre thèmes principaux ont été abordés : les contrôles anti-dopage, les sanctions disciplinaires, la protection et la recherche, sur lesquels le dispositif français doit évoluer.

1. Des orientations issues de la concertation

Trois grandes orientations ont résulté de ces entretiens :

Ø il faut redistribuer les attributions des acteurs de la lutte contre le dopage par la création d'une agence délégataire de l'AMA au niveau national chargée des contrôles et d'une compétence disciplinaire résiduelle ;

Ø il faut améliorer la qualité des contrôles anti-dopage plutôt que d'en augmenter le nombre ;

Ø il faut axer la prévention et la recherche, dont la responsabilité doit incomber à l'Etat, prioritairement sur la santé des sportifs.

Chacune de ces recommandations a été prise en compte dans le dispositif :

• pour la première, l'article 2 crée une autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale : l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD).

• pour la deuxième, un monopole a été confié aux fédérations internationales pour déclencher les contrôles dans le cadre des compétitions internationales permettant à la nouvelle Agence de centrer son action sur les contrôles nationaux.

• pour la troisième, l'article premier recentre l'action de l'Etat sur des impératifs de santé publique, en lui confiant un rôle pilote dans la coordination de la prévention et de la recherche.

2. Les grandes étapes de la législation anti-dopage

Rappelons brièvement les grandes étapes de la législation de lutte contre le dopage.

La première législation sur le dopage est apparue le 1 er juin 1965 avec la loi dite « Loi Mazeaud ». Cette législation très sévère pénalisait les infractions à la prise de produits ou de substances considérés comme dopants dans le sport (amendes et peines d'emprisonnement) sans pour autant substituer totalement l'action pénale à l'action fédérale : on peut rappeler que, deux ans plus tard, en 1967, on apprenait la mort consécutive à la prise de produits dopants du cycliste Tom Simpson, dans l'ascension du Mont Ventoux lors du Tour de France.

La loi du 28 juin 1989 7 ( * ) assouplit cette réglementation pour ne conserver les infractions pénales qu'en cas de trafic de produits dopants. La prise de tels produits par les sportifs ne fait plus l'objet que de sanctions sportives (avertissement, suspension de compétitions, retrait de licence). Elle introduit en outre la notion de prévention conformément aux recommandations de la Charte européenne et met en place la Commission nationale de lutte contre le dopage (CNLD) chargée de conseiller, d'informer voire de réprimer.

Le dispositif de cette loi vise par conséquent essentiellement à « dédramatiser » la lutte contre le dopage, en remplaçant la répression pénale par des sanctions administratives et en orientant l'action des différents acteurs sur la prévention et l'information des populations « à risque ».

La loi du 24 mars 1999 a ensuite mis en place de nouveaux dispositifs de prévention : les outils destinés à sensibiliser les sportifs, amateurs et professionnels à la problématique du dopage ont été développés sous forme de supports pédagogiques (édition, jeux de société, CDRoms, sites Internet et kits pédagogiques), d'actions didactiques (théâtre, forum, intervention dans les classes), de formations (de cadres, brevets d'Etat), d'enquêtes et d'évaluations (questionnaires) ou de réseaux et lieux d'accueil.

Ce sont l'ensemble de ces dispositifs qui ont fait l'objet d'une évaluation : du 15 mars au 30 avril 2004, une enquête a été diligentée par le ministère des sports, en collaboration avec le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage (CPLD), le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), afin de dresser un bilan des outils de prévention du dopage utilisés sur le territoire français.

Sur les 186 outils existants, 71 ont fait l'objet d'une évaluation.

Il en est ressorti que, nombreux et souvent de bonne qualité, ces instruments avaient pour la plupart manqué leur cible, faute d'une diffusion appropriée et d'un manque de coordination.

C'est précisément pour répondre à cette critique que l'article premier du projet de loi confie au ministère des sports la mission de coordonner la stratégie de prévention du dopage.

* 1 C'est le titre du Figaro du vendredi 13 août 2004 (sous titré, « Dopage : cinq années qui ont changé la donne »).

* 2 Le boxeur kenyan David Munyasia, le cycliste suisse Oscar Camenzing, le coureur de fond irlandais Cathal Lombard et le sprinter américain Jérome Young ont notamment été déclarés positifs.

* 3 En mars 2003, le coureur espagnol Jesus Manzano révélait, dans le quotidien sportif AS, la réalité du dopage dans le peloton : transfusions sanguines qui tournent mal, cures d'érythropoïétine et d'hormones de croissance prescrites par le médecin de l'équipe.

* 4 La loi n° 99-223 du 23 mars 1999 relative à la protection de la santé de sportifs et à la lutte contre le dopage.

* 5 Source : le rapport n° 442 (97-98), déposé par M. François Lesein au nom de la commission des affaires culturelles du Sénat.

* 6 Sans force juridique contraignante, elle témoigne de la volonté des 163 Etats signataires de se conformer au Code Mondial antidopage.

* 7 Loi n° 89-432 relative à la prévention et à la répression de l'usage de produits dopants à l'occasion des compétitions et manifestations sportives.

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