TITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES AU PLACEMENT SOUS SURVEILLANCE ÉLECTRONIQUE MOBILE

Articles 7 et 8, article 8 bis AA (nouveau)
(Sous-section 7 nouvelle du code pénal - art. 131-36-9 à 131-36-13 du code pénal - Titre VII ter nouveau du code de procédure pénale - art. 763-3 et art. 763-10 à 763-14 nouveaux du code de procédure pénale)
Régime juridique applicable au placement sous surveillance électronique mobile

L'article 7 ainsi que le suivant qui en fixe les conditions d'application dans le code de procédure pénale reprennent, sous une forme substantiellement modifiée, le dispositif relatif au placement sous surveillance électronique mobile (PSEM) que le Sénat avait supprimé en première lecture.

Tandis que la proposition de loi initiale avait défini un régime juridique entièrement nouveau pour mettre en place la surveillance électronique mobile, les députés, en deuxième lecture, ont inscrit ce système dans un dispositif déjà existant , celui retenu pour le suivi socio-judiciaire tout en prévoyant les mesures d'adaptation nécessaires.

Cette évolution apparaît conforme aux orientations du rapport de M. Georges Fenech comme de celui de M. Jean-François Burgelin qui recommandent la mise en oeuvre de la surveillance électronique mobile dans le cadre du suivi socio-judiciaire. Elle rejoint aussi les constats dressés par votre rapporteur en première lecture : « si l'intérêt du placement sous surveillance électronique, à titre de mesure de sûreté, devait, à terme, être confirmé, il conviendrait alors d'en faire l'une des modalités d'application du suivi socio-judiciaire, et de lui appliquer, sous réserve des adaptations nécessaires, le régime juridique en vigueur pour cette mesure » 21 ( * ) .

Plusieurs des dispositions prévues par l'Assemblée nationale s'inspirent directement de celles retenues par le Sénat pour le recours au PSEM dans le cadre de la libération conditionnelle. Tel est en particulier le cas pour la durée de la mesure (3 ans en matière correctionnelle, 10 ans en matière criminelle) et pour les garanties apportées en matière de traitement automatisé d'informations personnelles.

Le suivi socio-judiciaire : la garantie d'un suivi
post-carcéral de nature judiciaire

Institué par la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs, le suivi socio-judiciaire peut être prononcé par les juridictions répressives à l'encontre des personnes condamnées pour une infraction de nature sexuelle.

Selon la doctrine, il présente un caractère sui generis intermédiaire entre la peine complémentaire et la mesure de sûreté. Dans le silence de la loi, la chambre criminelle de la Cour de cassation a qualifié le suivi socio-judiciaire de « peine complémentaire » et estimé, en vertu du principe de la non rétroactivité de la loi pénale, qu'il ne pouvait s'appliquer pour des faits commis avant l'entrée en vigueur de la loi.


Un champ d'application réservé aux infractions à caractère sexuel

La mesure de suivi socio-judiciaire ne peut être prononcée que dans les cas prévus par la loi. Elle est encourue, d'une part, en cas de meurtre ou assassinat précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie, d'autre part, en cas d'agressions sexuelles (y compris l'exhibition sexuelle), de corruption de mineur, de diffusion de messages violents ou pornographiques ainsi que d'atteintes sexuelles sur mineur.


La durée et la teneur des obligations

Le suivi socio-judiciaire consiste à soumettre le condamné, sous le contrôle du juge de l'application des peines, pendant une durée fixée par la juridiction de jugement, à des mesures d'assistance et de surveillance destinées en principe à prévenir la récidive. Si la mesure de suivi est prononcée en même temps qu'une peine privative de liberté, cette durée ne commencera à courir qu'à compter de la libération du condamné. Elle ne peut excéder dix ans en matière correctionnelle et vingt ans en matière criminelle. La loi du 9 mars 2004 a néanmoins fixé cette durée à trente ans lorsqu'il s'agit d'un crime puni de trente ans de réclusion criminelle.

Elle a également permis à la cour d'assises de ne pas fixer de limite à la durée du suivi socio-judiciaire s'il s'agit d'un crime puni de la réclusion criminelle à perpétuité.

Les obligations du suivi socio-judiciaire qui doivent en principe être initialement fixées par la juridiction de jugement 22 ( * ) renvoient, d'une part, à celles prévues pour le sursis avec mise à l'épreuve et comportent, d'autre part, des dispositions spécifiques (interdiction de paraître dans certains lieux ; interdiction de rencontrer certaines personnes ; interdiction d'exercer une activité en contact avec les mineurs). Le suivi socio-judiciaire comporte également des mesures d'assistance similaires à celles du SME (aide sociale et, le cas échéant, aide matérielle). Le suivi socio-judiciaire peut également comprendre une injonction de soins.


Les sanctions

L'inobservation par le condamné des obligations liées au suivi socio-judiciaire est sanctionnée par un emprisonnement dont la durée maximale doit être initialement fixée par la juridiction de jugement et qui, en tout état de cause, ne peut dépasser trois ans en cas de délit et sept ans en cas de crime. Il appartient au juge de l'application des peines d'ordonner, en tout ou partie, l'exécution de cet emprisonnement.


Un bilan contrasté

Dès lors qu'il est prononcé en même temps qu'une peine privative de liberté, le suivi socio-judiciaire permet d'exercer un contrôle post-carcéral du condamné.

Le nombre de suivis socio-judiciaires prononcés par les juridictions demeure limité : 795 suivis socio-judiciaires ont été prononcés en 2003 (dont 725 comme peine complémentaire).

Ce nombre limité est dû en particulier au manque de médecins coordonnateurs et de médecins traitants.

Le présent article tend à insérer dans le code pénal après l'article 131-36-8 constituant le dernier article de la sous-section relative au suivi socio-judiciaire une nouvelle sous-section intitulée « Du placement sous surveillance électronique mobile à titre de mesure de sûreté » comportant cinq articles (131-36-9 à 131-36-13). Par ailleurs, dans la même logique, l'article 8 vise à créer un nouveau titre dans le code de procédure pénale à la suite du titre VII (suivi socio-judiciaire) du livre V (les procédures d'exécution) qui comporterait cinq articles (763-10 à 763-14).

La nature de la mesure

Le PSEM est qualifié de « mesure de sûreté ». La mesure de sûreté, à la différence de la peine, n'a pas en principe de vocation punitive : elle constitue une « mesure de défense sociale imposée à un individu dangereux afin de prévenir les infractions futures (...), l'aider ou le soumettre à un traitement » 23 ( * ) .

Le dispositif s'appliquerait, pour prévenir la récidive, « à compter du jour où la privation de liberté prend fin » (article 131-36-10[nouveau du code pénal).

Les critères d'application du placement sous surveillance électronique mobile

Le placement sous surveillance électronique mobile serait soumis à trois conditions :

- en premier lieu, il serait subordonné au prononcé du suivi socio-judiciaire (article 131-36-9 nouveau du code pénal). Les infractions concernées devraient donc être celles pour lesquelles la loi a expressément prévu la possibilité pour la juridiction de jugement de décider un suivi socio-judiciaire. Il s'agit du meurtre ou assassinat précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie (article 221-9-1 du code pénal), du viol et autres agressions sexuelles (article 222-48-1 du code pénal), des atteintes sexuelles commises sans violence sur des mineurs et des délits de corruption de mineurs, de diffusion d'images de mineurs présentant un caractère pornographique ou de diffusion de messages pornographiques susceptibles d'être vus par un mineur (article 227-31 du code pénal). Par ailleurs, la présente proposition de loi, à l'initiative du Sénat (article 13 A voté dans les mêmes termes en deuxième lecture par l'Assemblée nationale) élargit le champ d'application du suivi socio-judiciaire aux crimes de torture et de barbarie. Dans le prolongement de cette initiative, les députés ont adopté, en deuxième lecture, un amendement du Gouvernement tendant à inclure les meurtres ou assassinats dans cette liste d'infractions (voir article 14) ;

- en second lieu, la peine prononcée doit être égale ou supérieure à cinq ans (seuil identique à celui retenu par la proposition de loi dans sa version originelle - article 131-36-10 nouveau du code pénal).

- enfin, le PSEM n'est applicable qu'aux personnes dont une expertise médicale a constaté la dangerosité .

Ce dispositif se rapproche de celui proposé par le Sénat, en première lecture, pour la mise en oeuvre du PSEM dans le cadre de la libération conditionnelle. En effet, comme dans la rédaction adoptée par notre assemblée, le PSEM est subordonné au prononcé d'un suivi socio-judiciaire et vise un champ d'infractions identique. Cependant, le Sénat avait prévu que le PSEM ne s'appliquerait qu'aux auteurs d'un crime ou d'un délit passible d'une peine de dix ans d'emprisonnement. En outre, il avait introduit deux conditions supplémentaires : la peine prononcée devrait être égale ou supérieure à sept ans et concerner un majeur.

La procédure applicable

La procédure applicable serait celle en vigueur pour le suivi socio-judiciaire assortie de garanties particulières tenant compte des contraintes que représente le bracelet électronique mobile.

- Les rôles respectifs de la juridiction de jugement et du juge de l'application des peines.

La décision du placement sous surveillance électronique mobile relèverait de la juridiction de jugement et serait soumise à des obligations procédurales spécifiques. Si elle relève du tribunal correctionnel ou du tribunal pour enfant, le placement sous surveillance électronique mobile devrait faire l'objet d'une décision spécialement motivée ; si elle est ordonnée par la cour d'assises, elle serait décidée dans les conditions de majorité prévues par l'article 362 du code de procédure pénale pour le prononcé du maximum de la peine, à savoir la majorité de huit voix -sur douze- en première instance et la majorité de dix voix -sur quinze- en appel (article 131-36-11).

Les modalités d'exécution de la mesure incomberaient au juge de l'application des peines . Il lui reviendrait d'abord de mettre en oeuvre l'évaluation de la dangerosité de l'intéressé un an au moins avant la libération de l'intéressé. Ensuite, il déterminerait, au vu de cette évaluation, la durée du placement. Cette décision serait prise dans les conditions de droit commun fixées à l'article 712-6 du code de procédure pénale, après avis de l'administration pénitentiaire, à l'issue d'un débat contradictoire, tenu en chambre du conseil, au cours duquel le juge de l'application des peines entend les réquisitions du ministère public, les observations du condamné ainsi que, le cas échéant, celles de son avocat (article 763-10 nouveau du code de procédure pénale, troisième alinéa).

Ces dispositions seraient également applicables lorsque le juge de l'application des peines se prononce sur le renouvellement du placement sous surveillance électronique mobile (article 763-10 nouveau du code de procédure pénale, quatrième alinéa). Il serait alors tenu de se prononcer dans les six mois précédant l'expiration du premier délai.

Le juge de l'application des peines peut, soit de son propre chef, soit sur réquisition du procureur de la République, soit à la demande du condamné (présentée, le cas échéant, par son avocat) modifier, compléter, voire supprimer les obligations liées au PSEM.

Par ailleurs, l'article 8 bis AA (nouveau) prévoit que même si la juridiction jugement n'a pas prononcé le placement sous surveillance électronique mobile dans le cadre du suivi socio-judiciaire, le juge de l'application des peines pourrait néanmoins l'ordonner au cours du suivi socio-judiciaire après l'examen prévu par l'article 763-10 (nouveau) pour évaluer la dangerosité. Une telle possibilité est d'ores et déjà prévue pour l'injonction de soins.

- L'évaluation de la dangerosité

L'évaluation de la dangerosité de la personne interviendrait à deux stades :

- avant la décision de placement sous surveillance électronique mobile par la juridiction de jugement sous la forme d'une « expertise médicale » (article 131-36-10 nouveau du code pénal) ;

- avant la décision du juge de l'application des peines sous la forme d'un examen destiné à évaluer la dangerosité de l'intéressé et « mesurer le risque de commission d'une nouvelle infraction ». Cet examen serait mis en oeuvre après avis d'une commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté dont la composition est par ailleurs renvoyée à un décret (article  763-10 nouveau du code pénal).

Les effets

- L'obligation

Le nouveau dispositif se traduirait par l' obligation pour le condamné de porter un émetteur permettant « à tout moment » de déterminer à distance sa localisation sur l'ensemble du territoire national (article 131-36-12 nouveau du code pénal).

Il serait installé sur le condamné « au plus tard » une semaine avant sa libération (article 763-12 nouveau du code de procédure pénale).

Le procédé serait homologué par le ministère de la justice et sa mise en oeuvre devrait garantir le respect de la dignité, de l'intégrité et de la vie privée de la personne et « favoriser sa réinsertion sociale ».

- Les sanctions

Le PSEM se verrait appliquer le régime en vigueur en cas d'inobservation des obligations du suivi socio-judiciaire : tout manquement pourrait ainsi être sanctionné par un emprisonnement dont la durée serait fixée par la décision initiale de condamnation (et ne pourrait excéder trois ans en cas de délit et sept ans en cas de crime). Il appartiendrait au juge de l'application des peines d'ordonner, en tout ou partie, l'exécution de l'emprisonnement (article 131-36-1 du code pénal).

- La durée

Le PSEM pourrait être fixé pour une durée de trois ans en matière délictuelle et de cinq ans en matière criminelle renouvelable une fois . Les députés ont ainsi sensiblement réduit les durées maximales par rapport au texte initial de leur proposition de loi qui les avait fixées respectivement à vingt et trente ans pour se rallier aux délais fixés par le Sénat pour l'application du PSEM dans le cadre de la libération conditionnelle (article 763-10 nouveau du code de procédure pénale).

- Les garanties

Le traitement automatisé des données à caractère personnel liées au placement sous surveillance électronique mobile devrait respecter les garanties prévues par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Dans le même esprit, le décret auquel seraient renvoyées les conditions d'application du PSEM devrait préciser en particulier la durée de conservation des informations enregistrées.

Ces dispositions reproduisent celles prévues par le Sénat pour la mise en oeuvre du PSEM dans le cadre de la libération conditionnelle. Il convient de rappeler que l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978 prévoit que les traitements des données personnelles « qui ont pour objet la prévention, la recherche, la constatation ou la poursuite des infractions pénales ou l'exécution des condamnations pénales ou des mesures de sûreté » doivent être soumises à l'avis (« motivé et public ») de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

Comme l'avait prévu le Sénat, les députés ont souhaité permettre aux officiers de police judiciaire -sous réserve d'une habilitation spéciale- de consulter, dans le cadre d'enquêtes, les informations figurant dans le traitement informatisé. En effet, le PSEM pourrait contribuer, le cas échéant, à déceler la présence de la personne sous surveillance électronique mobile à proximité du lieu d'une infraction (article 763-13 du code de procédure pénale) ou a contrario permettre de l'écarter de la liste des suspects.

*

* *

Votre commission estime que le dispositif proposé par les députés marque un progrès réel par rapport au régime juridique initialement présenté en première lecture et se rapproche des positions adoptées par notre assemblée.

Néanmoins, la contrainte liée à l'obligation de porter un bracelet électronique mobile, particulièrement mise en évidence par le rapport de M. Georges Fenech, conduit votre commission à vous soumettre plusieurs amendements tendant à encadrer davantage le recours à cet instrument :

- le placement sous surveillance électronique mobile ne serait pas autorisé pour les mineurs ;

- il serait réservé aux personnes condamnées à une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à dix ans (sur le modèle du dispositif retenu sur ce point pour la surveillance judiciaire) et non cinq ans comme le prévoit l'Assemblée nationale ;

- il supposerait le consentement de l'intéressé mais, comme tel est le cas pour l'injonction de soins, le refus de cette mesure -ou le manquement aux obligations qu'elle comporte- pourraient être sanctionnés par une peine d'emprisonnement (dont la durée est fixée lors du prononcé du suivi socio-judiciaire par la juridiction de jugement) ; le président de la juridiction lors de la condamnation initiale puis le juge de l'application des peines lors de la mise en oeuvre de la mesure devraient avertir l'intéressé de la nécessité de son consentement et des conséquences auxquelles il pourrait s'exposer en cas de refus ;

- la durée du dispositif serait limitée à deux ans et renouvelable une fois ;

- dans l'hypothèse où le placement sous surveillance électronique mobile n'aurait pas été décidé par la juridiction de jugement, la faculté de le prononcer serait réservée au tribunal de l'application des peines et non, contrairement à ce que prévoit l'article 8 bis AA, au juge de l'application des peines.

Enfin, la qualification du bracelet électronique mobile comme mesure de sûreté peut prêter à équivoque dans la mesure où, pour votre commission, le recours à cette mesure, dans le cadre du suivi socio-judiciaire , s'apparente à une peine . Aussi, votre commission vous soumet-elle un amendement tendant à supprimer cette mention.

Votre commission vous propose d'adopter les articles 7, 8 et 8 bis ainsi modifiés.

Article 8 bis A
(art. 731-1 du code de procédure pénale)
Application du suivi socio-judiciaire et du placement sous surveillance électronique mobile dans le cadre de la libération conditionnelle

Le présent article maintient le principe, introduit par le Sénat en première lecture, de l'application du suivi socio-judiciaire et du PSEM dans le cadre de la libération conditionnelle et renvoie, pour le reste, les modalités de mise en oeuvre aux deux articles 7 et 8.

Le régime juridique du placement sous surveillance électronique mobile étant désormais défini par les articles 131-36-9 à 131-36-13 (nouveaux) du code pénal et par les articles 763-10 à 763-14 (nouveaux) du code de procédure pénale, les dispositions prévues à cet article par le Sénat pour en fixer l'économie ne seraient plus nécessaires. L'Assemblée nationale en propose la suppression.

Sous réserve de l'adoption des amendements présentés aux articles 7 et 8 précédents, votre commission vous propose d'adopter l'article 8 bis A sans modification.

* 21 Rapport de votre commission des Lois relatif à la présente proposition de loi, première lecture, n° 171 (2004-2005), p. 56.

* 22 Pendant la durée du suivi socio-judiciaire, le juge de l'application des peines peut modifier ou compléter ces mesures.

* 23 Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, 2003.

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