B. DES CONTRAINTES CONSTITUTIONNELLES CERTAINES MAIS QUI NE DOIVENT PAS PARALYSER NOTRE CAPACITÉ D'INITIATIVE EUROPÉENNE

1. Un risque d'inconstitutionnalité qui semble s'éloigner

Craignant que les modifications proposées de la CAAS ne soient contraires à la Constitution, la proposition de résolution suggère de saisir le Conseil d'Etat.

Votre rapporteur est conscient des risques d'inconstitutionnalité soulevés.

D'après les informations recueillies par votre rapporteur au cours de ses auditions, le Conseil d'Etat a été saisi pour avis par le Gouvernement en 2003 et 2004 de questions proches. Ces avis n'ont pas été rendu publics, mais il semblerait qu'ils aient conclu que seraient contraires à la Constitution des dispositions qui conduiraient à étendre le droit de poursuite à un nombre trop grand d'infractions ou à admettre un droit d'interpellation. Les craintes de la délégation sont donc parfaitement fondées.

Toutefois, la saisine du Conseil d'Etat n'apparaît plus aussi utile.

L'état des dernières discussions au sein des groupes de travail du Conseil indique que les négociations se rapprochent de la position défendue par la France. Le risque d'inconstitutionnalité s'éloignerait donc.

Dans ces conditions, il y aurait plus d'inconvénients à saisir le Conseil d'Etat pour avis qu'à ne pas le solliciter. Une saisine du Conseil d'Etat peut en effet être particulièrement longue. La saisine pourrait apparaître aux yeux de nos partenaires comme une manoeuvre pour retarder l'adoption de ce texte.

Il serait paradoxal de paraître freiner le développement de la coopération policière alors que la France en est peut-être le meilleur promoteur.

2. Des contraintes constitutionnelles qu'il faudra dépasser

La Constitution interdirait d'étendre de façon trop importante le droit d'observation ou de poursuite.

Pourtant, les policiers entendus par votre rapporteur ont indiqué l'intérêt opérationnel quotidien du droit d'observation ou du droit de poursuite. Le développement de la coopération policière devrait encore en renforcer l'usage, notamment dans le cadre des patrouilles mixtes.

A cet égard, il convient de souligner la signature de la convention dite « Schengen III » le 27 mai 2005. Sept Etats membres 14 ( * ) ont en effet signé à Prüm un traité relatif à l'approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale. Cet accord, qui a vocation à être intégré dans le cadre juridique de l'Union européenne après son évaluation, prévoit notamment la constitution de patrouilles communes en vue de maintenir l'ordre et la sécurité publics (article 24 de ce traité). Il dispose que « chaque partie contractante, en tant qu'Etat d'accueil, peut, conformément à son droit national et avec l'accord de l'Etat d'envoi, confier à des fonctionnaires d'autres parties contractantes, dans le cadre de formes d'interventions communes, des compétences de puissance publique, ou admettre, pour autant que le droit de l'Etat d'accueil le permette, que des fonctionnaires d'autres parties contractantes exercent leurs compétences de puissance publique selon le droit de l'Etat d'envoi ».

Il serait sans doute utile d'engager une réflexion sur le droit d'observation et le droit de poursuite et sur l'opportunité de réviser la Constitution afin d'avancer en matière de coopération policière.

A plus long terme, votre rapporteur estime que l'objectif de la création d'un parquet européen s'appuyant sur une police européenne ne doit pas être oublié ou abandonné. Europol et Eurojust n'en sont que les embryons. C'est d'ailleurs dans un tel système cohérent et intégré que pourrait s'exercer sans risque de conflits entre les normes nationales le droit d'observation ou le droit de poursuite.

Cet idéal, votre commission ne le perd pas de vue. C'est dans cet esprit qu'elle avait déjà adopté le 3 mars 2004 une proposition de résolution européenne sur la proposition de règlement portant création d'une Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures 15 ( * ) . Cette résolution demandait notamment que « soit examinée, pour les frontières extérieures de l'Union européenne élargie, la mise en place, éventuellement dans le cadre d'une coopération renforcée, d'une police européenne des frontières, composée de contingents nationaux, qui pourrait venir en appui des polices locales et les soutenir le cas échéant ».

Votre rapporteur tient également à signaler les récentes déclarations du Premier ministre M. Dominique de Villepin en faveur de la création d'une police européenne. Dans un discours sur l'Europe prononcé devant les étudiants de l'Université Humboldt à Berlin le mercredi 18 janvier 2005, le Premier ministre a souhaité remettre le couple franco-allemand au coeur de la construction européenne en proposant notamment la création d'une police franco-allemande des frontières.

Aussi, votre commission vous propose de compléter la proposition de résolution en rappelant qu'un des objectifs de la coopération policière et judiciaire devrait être la création d'une police et d'un parquet européens, gages d'efficacité dans la lutte contre la délinquance transfrontalière et de sécurité juridique. Il conviendrait en conséquence d'en étudier dès maintenant la faisabilité.

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* *

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission a adopté une proposition de résolution, dont le texte est reproduit ci-après.

* 14 La Belgique, l'Allemagne, l'Espagne, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas et l'Autriche.

* 15 Résolution n° 68 adoptée par le Sénat le 16 mars 2004. Voir le rapport n° 228 (2003-2004) de notre collègue Alex Türk fait au nom de la commission des lois.

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