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Rapport n° 369 (2005-2006) de Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 31 mai 2006

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N° 369

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Annexe au procès-verbal de la séance du 31 mai 2006

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant l'approbation de la convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel ,

Par Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Serge Vinçon, président ; MM. Jean François-Poncet, Robert del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, Mme Hélène Luc, M. André Boyer, vice - présidents ; MM. Daniel Goulet, Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, Jacques Peyrat, André Rouvière, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette Brisepierre, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Hue, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Jacques Pelletier, Daniel Percheron, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Yves Rispat, Josselin de Rohan, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 2605 , 2875 et T.A. 566

Sénat : 292 (2005-2006)

Traités et conventions

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L'UNESCO a adopté, le 17 octobre 2003, une convention « relative à la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel », qui complète son dispositif normatif en matière de protection culturelle.

Ce dispositif était antérieurement composé d'un texte principal, adopté en 1972, organisant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel.

C'est sur cette base qu'a été établie la liste des sites ayant une valeur universelle exceptionnelle, qui comprend, en 2006, 812 sites, dont 628 biens culturels, 160 sites naturels, et 24 biens mixtes, répartis dans 137 pays membres de l'UNESCO.

En France, la ville du Havre, reconstruite après 1945 par Auguste Perret, a ainsi été distinguée en 2005.

Cependant, certaines cultures ne s'expriment pas par l'édification de monuments, mais méritent néanmoins d'être également distinguées et protégées dans leurs expressions singulières .

La convention de 2003 complète en conséquence celle de 1972, en prenant en compte le patrimoine culturel immatériel, défini comme « les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire que des communautés et des groupes reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel ».

La France a activement contribué à la rédaction de cette convention qui constitue, avec celle sur la diversité culturelle adoptée en 2005, un ensemble indissociable.

I. LA CONVENTION S'APPUIE SUR UNE CONCEPTION ÉLARGIE DE LA NOTION DE PATRIMOINE CULTUREL AU REGARD DU TEXTE DE 1972

A. UNE CONTRIBUTION À LA PRÉSERVATION DE LA DIVERSITÉ CULTURELLE

C'est le succès même de la liste retraçant le patrimoine mondial, culturel et naturel, qui en a montré le caractère limitatif : sur les 812 biens inscrits, plus du tiers sont concentrés dans 10 Etats, essentiellement occidentaux, alors que 44 Etats, parmi lesquels se trouvent une majorité de pays du « sud » (14 africains, 10 asiatiques et 10 océaniens), n'en ont aucun.

Ces derniers ont donc fait valoir que la mission de l'UNESCO consistait dans la sauvegarde de l'ensemble du patrimoine culturel, qui ne se résume pas au patrimoine bâti et naturel. De nombreuses cultures empruntent, en effet, d'autres formes d'expression, très diverses, qui ont été définies comme « immatérielles ». Ces formes d'expression méritent d'être distinguées au même titre que le patrimoine matériel ; elles sont, de surcroît, particulièrement vulnérables, et plus que jamais menacées par le mouvement général de mondialisation qui touche toutes les activités humaines. Ce mouvement entraîne, en effet, une « normalisation » de fait des phénomènes culturels.

C'est cette exigence de protection des formes et expressions culturelles immatérielles dans toute leur diversité qui a conduit à l'élaboration de la présente convention.

B. L'ABOUTISSEMENT D'UNE RÉFLEXION MENÉE DEPUIS PRÈS DE VINGT ANS

L'action de l'UNESCO en faveur de la préservation du patrimoine oral et immatériel remonte à près de vingt ans. La Bolivie a été la première à formuler une demande en ce sens, en 1973.

C'est ainsi qu'ont été successivement élaborées les actions suivantes :

- recommandation sur la sauvegarde de la culture traditionnelle et populaire ;

- réseau des trésors humains vivants ;

- collection de musiques traditionnelles, et guide pour leur collecte et celle des instruments qu'elles utilisent ;

- atlas des langues en péril dans le monde ;

- conférence intergouvernementale sur les politiques linguistiques en Afrique.

A ces initiatives s'est ajoutée, en 1997, la décision prise par la Conférence générale de créer une distinction internationale prenant la forme d'une « Proclamation par l'UNESCO des chefs d'oeuvre du patrimoine oral et immatériel de l'humanité. » Trois proclamations ont déjà été effectuées en 2001, 2003 et 2005. 1 ( * )

Ces proclamations sont effectuées au terme d'une sélection par un jury qualifié, dont les membres sont nommés par le Directeur général, des dossiers présentés, soit par les gouvernements, soit des organisations intergouvernementales, soit par des organisations non gouvernementales qui entretiennent des relations formelles avec l'UNESCO.

L'inscription à la liste des chefs d'oeuvre entraîne une reconnaissance internationale ; les Etats distingués s'engagent, en contrepartie, à mettre en oeuvre les plans d'action de protection qu'ils ont joint aux dossiers de candidatures.

II. UNE CONVENTION AUX DISPOSITIONS ÉQUILIBRÉES

Si l'importance de la notion de patrimoine immatériel est maintenant reconnue, il importe que sa définition soit strictement établie pour en garantir la légitimité. La France s'est activement impliquée dans la négociation de la présente convention, au nom de la rationalité et de la précision reconnue à sa langue, et grâce aux atouts que lui confère la vitalité de son école ethnographique.

A. UNE NÉGOCIATION RAPIDE

C'est lors de la 31 e session de la Conférence générale de l'UNESCO (octobre/novembre 2001) qu'a été entreprise l'élaboration du présent texte, avec la mission confiée au Directeur général, M. Matsuura, de présenter à la 32 e session, soit à l'automne 2003, un avant-projet.

Pour mener à bien cette tâche, le Directeur général a chargé un groupe d'experts de rédiger un projet, qui a ensuite fait l'objet d'une négociation intergouvernementale, de septembre 2002 à juillet 2003. C'est lors de cette négociation que notre pays s'est efforcé de faire prévaloir quelques lignes directrices visant à renforcer le caractère opérationnel du projet. Ce dernier a été adopté en séance plénière le 17 octobre 2003, par 120 voix pour, aucune contre, et huit abstentions (Australie, Canada, Danemark, Etats-Unis, Grande-Bretagne, Nouvelle -Zélande, Russie, Suisse).

Pour Augusto Arantes, ancien président de l'Institut brésilien du patrimoine national, « la rapidité des processus de ratification a été une véritable surprise. Mais elle prouve que les gouvernements se font l'écho d'une revendication ancienne, tout au moins dans mon pays». La rapidité de l'élaboration de cette convention traduit, en effet, un large accord, basé sur des réflexions menées, non seulement au sein de l'UNESCO, mais également dans les cercles de réflexion de nombreux pays du « Sud », et de certains du « Nord ».

B. UN TEXTE QUI ORGANISE UNE PROTECTION EFFECTIVE DANS DES CONDITIONS PRÉCISÉMENT DÉTERMINÉES

Le patrimoine culturel immatériel est défini comme « les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire -ainsi que les instruments, objets, artefacts et espaces culturels qui leur sont associés- que les communautés, les groupes et les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel ». Cette définition s'applique aux traditions et expressions orales (y compris la langue en tant qu'elle constitue un vecteur du patrimoine culturel immatériel), aux arts du spectacle, aux pratiques sociales, rituels et événements festifs, aux connaissances et pratiques concernant la nature et l'Univers, ainsi qu'aux savoir-faire liés à l'artisanat traditionnel, qui sont autant de formes d'expression culturelle souvent fragiles ou menacées de disparition.

La convention prévoit que les Etats parties élaborent des inventaires nationaux des biens à protéger et, sur une base non contraignante, proposent une palette d'instruments propres à mettre en valeur et à sauvegarder le patrimoine culturel immatériel comme à en assurer la reconnaissance, avec la participation des communautés intéressées.

La France a particulièrement veillé à ce que ce patrimoine intègre des traditions toujours vivantes, écartant ainsi le risque qu'y soit amalgamé des pratiques folkloriques qui seraient réactivées pour l'occasion.

Ainsi, la distinction accordée à la place Jemaa-el-Fna, située à Marrakech, repose sur le caractère continu d'une tradition marchande toujours vivante. De même, les danses du ballet royal du Cambodge ont été reconstituées, après l'éviction des Khmers rouges du pouvoir, à partir des témoignages d'anciennes danseuses qui les avaient pratiquées avant cette terrible période.

La France dispose d'un savoir-faire reconnu en matière d'inventaire patrimonial, et a d'ailleurs conclu, en 1997, une convention bilatérale avec l'UNESCO pour mettre à la disposition de cette institution ses compétences.

La convention institue des contributions, à titre volontaire, des Etats membres. Pour contourner la vive pression exercée par certains pays en faveur de contributions obligatoires, que de nombreux Etats ne considéraient pas comme adapté au champ d'application de ce texte, le texte pose le principe de contributions obligatoires, mais prévoit la possibilité d'y déroger par une déclaration lors du dépôt des instruments de ratification (art. 26).

Les organes de la convention sont mis en place : tout d'abord, l'Assemblée générale des Etats parties, qui se réunit dès l'entrée en vigueur de la convention ; l'Assemblée générale élit un Comité intergouvernemental constitué de représentants de 18 Etats. Ce chiffre est porté à 24 à copter de 50 ratifications (art. 5).

L'application du texte est devenue effective trois mois après le dépôt de la trentième ratification, effectuée par la Roumanie, en janvier 2006, soit le 20 avril suivant.

Le comité a, notamment, la charge d'établir, de tenir à jour et de publier la liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente. L'inscription sur la liste doit être demandée par l'Etat intéressé, et approuvée par l'assemblée générale des Etats-parties.

Le Comité définit alors les mesures de sauvegarde appropriées (art. 17).

Le Comité est également chargé de sélectionner, à partir des propositions formulées par les Etats membres, les propositions, programmes, projets et activités de sauvegarde du patrimoine. Il appuie la mise en oeuvre de ces mesures par une diffusion des meilleures pratiques de sauvegarde (art. 18).

Le comité est donc chargé de l'établissement, à partir des propositions qui lui sont faites, de deux listes : l'une répertoriant les éléments constitutifs du patrimoine immatériel de l'humanité, l'autre recensant les expressions culturelles dont la sauvegarde est particulièrement urgente (art. 12).

Les 90 chefs d'oeuvre déjà répertoriés par les trois proclamations de 2001, 2003 et 2005 pourront, naturellement, être intégrés à ces listes, à condition qu'ils se situent dans des Etats ayant ratifié la convention.

CONCLUSION

La France s'est activement engagée en faveur d'une définition réaliste et opérationnelle de la notion de « patrimoine culturel immatériel », qui y est, de longue date, reconnue, comme en témoignent la qualité et l'ancienneté de son école ethnographique, ou le projet de Musée des Arts Premiers lancé par le Président de la République.

Si cette convention n'est présentée qu'en 2006 à la ratification parlementaire, c'est que notre pays voulait préalablement s'assurer de l'adoption, par l'UNESCO, de la convention sur la diversité culturelle, intervenue en novembre 2005. Une ratification rapide du présent texte permettrait à notre pays de postuler à un siège au Comité directeur instauré par le présent texte, et de participer ainsi à sa mise en oeuvre.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent rapport lors de sa séance du 31 mai 2006.

Mme Garriaud-Maylam, rapporteur, a précisé que la présente convention, adoptée par l'UNESCO en 2003, visait à compléter la notion de patrimoine culturel mondial tel qu'il avait été antérieurement défini par la convention de 1972. Ce dernier texte, en effet, visait essentiellement à protéger des biens culturels bâtis, grâce notamment à leur inscription sur une liste de chefs-d'oeuvre culturels à préserver. Au fil de la pratique, il est apparu que certaines civilisations, s'exprimant par d'autres types de créations que les oeuvres bâties, n'étaient pas représentées dans cette liste. La convention de 2003 vise donc à compléter cette approche en y intégrant le patrimoine culturel immatériel, défini comme « les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire que des communautés reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel ». C'est à la demande d'Etats du Sud, particulièrement africains et asiatiques, mais exprimée pour la première fois par la Bolivie en 1973, que cette notion de patrimoine immatériel, caractérisée par sa vulnérabilité, a été prise en compte par l'UNESCO.

Avant même l'adoption de cette convention, l'UNESCO avait déjà défini successivement en 2001, 2003 et 2005 trois listes de chefs-d'oeuvre immatériels. Le présent texte vise donc à formaliser juridiquement cette évolution, dans un souci de préservation de la diversité culturelle. L'effort de la France a conduit, au cours de la négociation, à une définition précise du patrimoine immatériel, dont les expressions doivent revêtir un caractère de tradition vivante et continue pour les populations qui les pratiquent, pour exclure les dérives folkloriques. Notre pays a également veillé à ce que la convention n'instaure que des contributions volontaires.

La convention est d'ores et déjà entrée en vigueur en avril 2006, trois mois après sa ratification par 30 Etats. Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur, a insisté sur l'importance que revêtait une rapide ratification par la France, qui lui permettrait de siéger au sein du comité directeur créé par le présent texte, et en a donc recommandé l'adoption.

La commission , suivant les recommandations de Mme Garriaud-Maylam, a alors adopté le projet de loi .

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée l'approbation de la convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, signée à Paris le 17 octobre 2003, et dont le texte est annexé à la présente loi 2 ( * ) .

ANNEXE I - ÉTUDE D'IMPACT3 ( * )

Les engagements contraignants pris en vertu de la Convention n'impliquent pas de modification du droit français existant. En outre, les mesures d'incitation prévues par la Convention sont déjà partiellement mises en oeuvre ou susceptibles d'être mises en oeuvre grâce aux dispositions existantes du droit interne.

Le champ d'application de la Convention

La notion de patrimoine culturel immatériel

La Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (ci-après, « Convention ») vise la sauvegarde et le respect du patrimoine culturel immatériel des communautés et groupes et dans certains cas des individus, ainsi que la sensibilisation à l'importance de ce patrimoine.

Le « patrimoine culturel immatériel » visé par la Convention relève de la notion française de « patrimoine ethnologique » au sens du décret n°80-277 du 15 avril 1980 instituant un Conseil du patrimoine ethnologique, en cours de modification . Le projet de décret modificatif, en cours d'adoption, n'apporte pas de modification substantielle aux missions et fonctionnement du Conseil du patrimoine ethnologique mais permet d'en élargir la composition et d'en redéfinir les missions.

La notion conventionnelle de patrimoine culturel immatériel s'inscrira donc en droit interne dans la catégorie plus large du patrimoine ethnologique et inclura la notion de « patrimoine ethnologique immatériel » visée dans le décret modificatif précité. La liste des éléments entrant dans le domaine du patrimoine culturel immatériel et le glossaire seront discutés dans le cadre de l'élaboration du manuel de mise en oeuvre de la Convention après l'adoption de celle-ci. Ce manuel n'aura aucune portée normative.

Les langues, « vecteurs » du patrimoine culturel immatériel

Lors des travaux préparatoires, de longues discussions ont porté sur la question de la protection des langues au sein de la Convention. La Convention dispose que le « patrimoine culturel immatériel » se manifeste notamment dans le domaine des « traditions et expressions orales, y compris la langue comme vecteur de ce patrimoine immatériel » . Ainsi, la langue n'est protégée que dans la mesure où elle est indispensable à la transmission de ce patrimoine, à sa performance ou à sa représentation.

Le décret n°2001-950 du 16 octobre 2001 modifiant le décret no 89-403 du 2 juin 1989 instituant un Conseil supérieur de la langue française et une Délégation générale à la langue française porte que cette dernière « contribue à préserver et valoriser les langues de France, à savoir les langues autres que le français qui sont parlées sur le territoire national et font partie du patrimoine culturel national. Elle participe avec les autres départements ministériels concernés à la définition et à la mise en oeuvre de l'action de l'Etat en ce domaine. Elle coordonne les actions de l'Etat pour la préservation et la valorisation des langues de France dans les domaines qui relèvent de la compétence des ministres chargés de la culture et de la communication. »

Ainsi, la DGLF pourra être associée aux éventuelles mesures de protection des langues comme vecteurs du patrimoine culturel immatériel prises dans le cadre de la Convention. Au demeurant, sa politique linguistique se matérialise déjà par des soutiens financiers aux secteurs de la culture où la langue est un vecteur de création, comme le théâtre, la chanson ou l'audiovisuel.

Les engagements contraignants pris en vertu de la Convention

En vertu de l'article 12 de la Convention, « pour assurer l'identification en vue de la sauvegarde, chaque Etat partie dresse, de façon adaptée à sa situation, un ou plusieurs inventaires du patrimoine culturel immatériel présent sur son territoire. Ces inventaires font l'objet d'une mise à jour régulière » , à charge pour l'Etat partie de présenter périodiquement les informations pertinentes concernant ces inventaires lors de la présentation de son rapport au Comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. La Convention souligne la nécessité d'identifier et de définir les différents éléments du patrimoine culturel immatériel présents sur le territoire d'un Etat partie, via l'élaboration d'un ou plusieurs inventaires.

La mise en oeuvre de cette obligation de recenser les éléments du patrimoine culturel immatériel n'implique pas de modification du droit interne et peut se fonder sur le décret n°80-277 précité.

Les mesures d'incitation prévues par la Convention

Certaines dispositions de la Convention (articles 13, 14 et 15) prévoient de simples mesures d'incitation qui n'ont pas valeur obligatoire, mais sont déjà partiellement mises en oeuvre ou susceptibles de l'être via les dispositions existantes du droit interne.

Article 13 (a) de la Convention

Les mesures définies à l'article 13 (a) sont susceptibles d'être prises dans le cadre des éléments de la politique du patrimoine, ainsi que des plans et programmes d'intervention annuels et pluriannuels du ministère de la Culture et de la Communication visés par le décret n°80-277 précité.

Article 13 (b)

Les mesures visées à l'article 13 (b) en vertu de l'article 10 de l'arrêté du 28 novembre 2001 relatif à l'organisation de la Direction de l'architecture et du patrimoine modifié par l'arrêté du 15 mai 2003, concernent la Mission à l'ethnologie.

Article 13 (c)

L'article 13 (c) concerne à la fois la Mission à l'ethnologie et le Conseil du patrimoine ethnologique.

La Mission à l'ethnologie, aux fins d'étude et de promotion du patrimoine ethnologique, est concernée via l'article 10 de l'arrêté du 28 novembre 2001 modifié précité.

Par ailleurs, en vertu de l'article 5, alinéa 3, du projet de décret modificatif précité, le Conseil du patrimoine ethnologique doit veiller à l'exploitation et à la diffusion des données recueillies, notamment au moyen des nouvelles technologies de l'information.

Article 13 (d)

Plus généralement, les textes relatifs aux missions et fonctionnement de la Mission à l'ethnologie et du Conseil du patrimoine ethnologique permettent également la mise en oeuvre des mesures incitatives figurant à l'article 13 (d).

Article 14

S'agissant des mesures visant l'« éducation, la sensibilisation et le renforcement des capacités » (article 14), il existe déjà un cadre réglementaire et pédagogique mis en place par le ministère de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, en vue de l'enseignement des langues et cultures régionales, qui permet déjà, dans une certaine mesure, la réalisation de certains de ces objectifs.

Article 15

Enfin, l'article 15 sur la participation des communautés, groupes et individus ne pose, lui non plus, aucune difficulté, puisque, dans la pratique, les conseillers sectoriels à l'ethnologie et ethnologues auprès des DRAC travaillent généralement en collaboration avec les communautés, groupes ou individus concernés par leurs missions. Dans le cadre des plans et programmes d'intervention initiés par le conseil du patrimoine ethnologique (décret n°80-277 en cours de modification), il serait possible de mentionner expressément qu'ils sont associés à leur mise en oeuvre.

ANNEXE II - LES TROIS PROCLAMATIONS DES CHEFS D'oeUVRE DU PATRIMOINE ORAL ET IMMATÉRIEL DE L'HUMANITÉ

1. Proclamation 2001


Pour la première fois, le Directeur général de l'UNESCO a proclamé le 18 mai 2001 une liste de chefs-d'oeuvre du patrimoine oral et immatériel de l'humanité. Choisies par un jury de 18 membres, les candidatures ont été retenues pour leur valeur exceptionnelle. Cette première Proclamation mondiale a souligné l'importance de la protection de ce patrimoine oral et immatériel menacé. Elle a aussi permis de mettre l'accent, de façon marquante, sur la nécessité et l'urgence de protéger et sauvegarder le patrimoine culturel immatériel.

En créant une distinction internationale pour le patrimoine culturel immatériel, l'Organisation a attiré l'attention de la communauté internationale sur l'importance de prendre en considération ce patrimoine, élément essentiel de la préservation de l'identité et de la diversité culturelle des peuples. Par leurs valeurs remarquables, que ce soit d'un point de vue artistique, historique ou anthropologique, les 19 espaces culturels et formes d'expression populaires et traditionnels distingués, représentent autant d'exemples privilégiés de la richesse et de la diversité de ce patrimoine de par le monde : 4 en Europe, 7 en Asie, 4 en Amérique latine et aux Caraïbes et 4 en Afrique.

Liste des 19 chefs-d'oeuvre proclamés (2001) :

1. Belize (soutenue par le Honduras et le Nicaragua) - La langue, les danses et la musique des Garifuna

2. Bénin (soutenue par le Nigeria et le Togo) - Le patrimoine oral Gèlèdé

3. Bolivie - Le carnaval d'Oruro

4. Chine - L'opéra Kunqu

5. Côte d'Ivoire - Les trompes Gbofe d'Afounkaha : la musique et l'espace culturel de la communauté Tagbana

6. Espagne - Le mystère d'Elche

7. Fédération de Russie - L'espace culturel et la culture orale de « Semeiskie »

8. Georgie - Le chant polyphonique géorgien

9. Guinée - L'espace culturel du Sosso-Bala

10. Inde - Le théâtre sanscrit Kutiyattam

11. Italie - Le théâtre de marionnettes sicilien Opera dei Pupi

12. Japon - Le théâtre Nôgaku

13. Lituanie (soutenue par la Lettonie) - La création et le symbolisme des croix en Lituanie

14. Maroc - L'espace culturel de la place Jemaa el-Fna

15. Ouzbekistan - L'espace culturel du district Boysun

16. Philippines - Les récits chantés Hudhud des Ifugao

17. République de Corée - Le rituel royal ancestral et la musique rituelle du sanctuaire de Jongmyo

18. République Dominicaine - L'espace culturel de la fraternité du Saint-Esprit des Congos de Villa Mella

Multinationales

19. Equateur et Pérou - Le patrimoine oral et les manifestations culturelles du peuple Zápara


2. Proclamation 2003


Pour la deuxième proclamation, l'UNESCO a distingué vingt-huit nouveaux chefs-d'oeuvre du patrimoine oral et immatériel de l'humanité. Cette deuxième liste vient enrichir la première de dix-neuf formes d'expression et d'espaces culturels déjà proclamés en mai 2001.


Au cours de l'année 2003, la Section du patrimoine immatériel a reçu des dossiers de candidature de plus de 60 Etats membres représentant toutes les régions géographiques du monde. Des ONG spécialisées dans les différents domaines couverts par le patrimoine culturel immatériel ont évalué scientifiquement les dossiers de candidature et ont formulé des recommandations au Jury international de la Proclamation.

Du 3 au 6 novembre 2003, le Jury international de la Proclamation, s'est réuni à Paris afin d'examiner cinquante-six candidatures. Il a recommandé une liste de 28 formes d'expressions et d'espaces culturels qui ont été ensuite proclamés par le Directeur général lors d'une cérémonie spéciale le 7 novembre 2003 au Siège de l'UNESCO.

Ces vingt-huit chefs-d'oeuvre (2 en Afrique, 11 en Asie, 4 en Europe, 3 dans les pays arabes, 6 en Amérique latine et les caraïbes et 2 multinationaux) représentent autant d'exemples extraordinaires de la richesse et de la diversité du patrimoine culturel immatériel.

Fait remarquable, cette deuxième Proclamation a coïncidé avec l'adoption, par la 32ème session de la Conférence générale de l'UNESCO, de la Convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel qui marque l'aboutissement d'un effort et d'une réflexion engagés au sein de l'Organisation depuis plus de vingt ans.

Liste des 28 chefs-d'oeuvre proclamés :

1. Azerbaïdjan
Le Mugham d'Azerbaïdjan

2. Belgique
Le carnaval de Binche

3. Bolivie
La cosmovision andine des Kallawaya

4. Brésil
Les expressions orales et graphiques des Wajapi

5. Cambodge
Le Ballet royal du Cambodge

6. Chine
L'art musical du Guqin

7. Colombie
Le carnaval de Barranquilla

8. Corée (République de)
Les chants épiques Pansori

9. Cuba
La Tumba Francesa de la Caridad de Oriente

10. Égypte
L'épopée Al-Sirah al-Hilaliyya

11. Estonie
L'espace culturel de Kihnu

12. Inde
La tradition de la récitation védique

13. Indonésie
Le théâtre de marionnettes Wayang

14. Iraq
Le Maqam iraquien

15. Jamaïque
Les traditions des Marrons de Moore Town

16. Japon
Le théâtre de marionnettes Ningyo Johruri Bunraku

17. Kirghizstan
L'art des Akyns, conteurs épiques Kirghiz

18. Madagascar
Le savoir-faire du travail du bois des Zafimaniry

19. Mexique
Les fêtes indigènes dédiées aux morts

20. Mongolie
La musique traditionnelle du Morin Khuur

21. République centrafricaine
Les traditions orales des pygmées Aka de Centrafrique

22. Tonga
Lakalaka, danses et discours chantés du Tonga

23. Turquie
L'art des Meddah, conteurs publics

24. Vanuatu
Les dessins de sable du Vanuatu

25. Vietnam
Le Nha nhac, musique de cour vietnamienne

26. Yémen
Les chants de Sanaa

Multinationales

27. Lettonie, Estonie, Lituanie
Les célébrations des chants et des danses baltiques

28. Tadjikistan, Ouzbékistan
La musique Shashmoqom


3. Proclamation 2005

Liste des 43 chefs d'oeuvre

1. L'Isopolyphonie populaire albanaise (Albanie)
2. L'Ahellil du Gourara (Algérie)
3. La musique pour duduk (Arménie)
4. Les chants Baul (Bangladesh)
5. Géants et dragons processionnels de Belgique et France (Belgique-France)
6. La danse des masques des tambours de Drametse (Boutan)
7. La Samba de Roda du Recôncavo de Bahia (Brésil)
8. Les Babi de Bistritsa - polyphonie, danses et pratiques rituelles archaïques de la région de Shopluk (Bulgarie)
9. Le Sbek Thom, théâtre d'ombres khmère (Cambodge)
10. L'Art du Muqam ouïgour du Xinjiang (Chine)
11. L'espace culturel de Palenque de San Basilio (Colombie)
12. Les traditions pastorales et des chars à boeufs au Costa Rica (Costa Rica)
13. Slovácký Verbuòk, la dance des conscrits (République tchèque)
14. La tradition du théâtre dansé cocolo (République dominicaine)
15. Le Rabinal Achí, danse théâtrale (Guatemala)
16. Ramlila : la représentation traditionnelle du Ramayana (Inde)
17. Le Keris indonésien (Indonésie)
18. Le chant a Tenore, expression de la culture pastorale de la Sardaigne (Italie)
19. Kabuki (Japon)
20. L'espace culturel des Bedu de Petra et Wadi Rum (Jordanie)
21. Le Vimbuza, dance de guérisson (Malawi)
22. Le Gule Wamkulu (Malawi-Mozambique-Zambie)
23. Le Théâtre Mak Yong (Malaisie)
24. L'espace culturel du yaaral et du degal (Mali)
25. Urtiin Duu: chants longs traditionnels populaires (Mongolie-Chine)
26. Le Moussem de Tan-Tan (Maroc)
27. Le Chopi Timbila (Mozambique)
28. El Güegüense (Nicaragua)
29. Le Système de divination Ifa au Nigeria (Nigeria)
30. Le Hikaye palestinien (Palestine)
31. Taquile et son art textil (Pérou)
32. L'épopée Darangen du peuple Maranao du lac Lanao (Philippines)
33. Le Festival Gangneung Danoje (République de Corée)
34. La tradition du Cãlu° (Roumanie)
35. Olonkho, l'épopée héroique iakoute (Fédération de Russie)
36. Le Kankurang, ou rite d'initiation en société mandingue (Sénégal-Gambie)
37. Le Fujara et sa musique (Slovaquie)
38. La Patum de Berga (Espagne)
39. La Cérémonie Mevlevi Sema (Turquie)
40. La fabrication des tissus d'écorce en Ouganda (Ouganda)
41. L'espace de la culture des Gongs (Vietnam)
42. La Mascarade des Makishi (Zambie)
43. La Danse Mbende de Jerusarema (Zimbabwe)

ANNEXE III - LISTE DES ÉTATS PARTIES A LA CONVENTION AU 31 MAI 2006

CONVENTION POUR LA SAUVEGARDE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL.
PARIS, LE 17 OCTOBRE 2003.

1 Conformément à son article 34, cette Convention entrera en vigueur le 20 avril 2006 à l'égard des Etats qui ont déposé leurs instruments respectifs de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion au 20 janvier 2006 ou antérieurement. Elle entrera en vigueur pour tout autre Etat trois mois après le dépôt de son instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion.

* 1 On trouvera les textes de ces proclamations en Annexe II

* 2 Voir le texte annexé au document Assemblée nationale n° 2605 (XIIe législature)

* 3 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.

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