II. L'ÉTAT DU DROIT : UNE RÉGLEMENTATION LIMITÉE ET LACUNAIRE

Les dispositions réglementaires applicables aux arbitres ne permettent pas, aujourd'hui, de dégager un véritable « statut de l'arbitre ». Le monde sportif, principalement les fédérations, ont donc dû pallier ces lacunes législatives et réglementaires par un traitement casuistique de la question de l'arbitrage.

A. UNE RÉGLEMENTATION LIMITÉE...

1. Des textes réglementaires et administratifs lacunaires

a) La loi du 16 juillet 1984 et ses décrets d'application

Si le législateur s'est très tôt intéressé au monde du sport en général, ce n'est qu'à partir de la loi du 13 juillet 1992 modifiant la loi de 1984 relative à l'organisation et la promotion des activités physiques et sportives que celui-ci s'est véritablement penché sur la question de l'arbitrage.


• La loi du 16 juillet 1984 modifiée

Introduit par amendement parlementaire lors de l'examen du projet de loi à l'Assemblée nationale, l'article 25 de la loi du 16 juillet 1984 modifié par la loi n° 2000-627 du 6 juillet 2000, entièrement consacré à l'arbitrage, comprend quatre dispositions.

Il charge en premier lieu les fédérations agréées d'assurer, dans des conditions définies par leurs statuts respectifs, la formation et le perfectionnement des arbitres et juges de leurs disciplines.

Il prévoit également que les arbitres et juges bénéficient, dans l'exercice de leur activité, de la couverture offerte par les garanties d'assurance de responsabilité civile obligatoirement souscrites par les groupements sportifs.

Il renvoie au décret le soin de préciser les droits et obligations des arbitres et juges de haut niveau figurant sur les listes établies dans les conditions fixées à l'article 26.

Il consent enfin des aménagements de leur activité principale pour les arbitres de haut niveau ayant une activité d'agent de l'Etat ou d'une collectivité territoriale à côté de leur activité arbitrale. Ceux-ci peuvent ainsi bénéficier, afin de poursuivre leur entraînement et de participer à des compétitions sportives, de conditions d'emploi selon des modalités fixées par décret.

En sus des dispositions de l'article 25 de la loi du 16 juillet 1984 modifiée fixant des règles applicables à l'ensemble des représentants du corps arbitral, trois autres articles de cette même loi contiennent des dispositions applicables exclusivement aux arbitres de haut niveau.

L'article 31 prévoit ainsi qu'un juge ou un arbitre de haut niveau, recruté en qualité d'agent non titulaire, peut bénéficier dans les deux années suivant sa radiation de la liste des sportifs de haut niveau, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat, de conditions particulières d'emploi visant à faciliter sa formation et la préparation de concours d'accès à la fonction publique, sans que celles-ci aient d'effet sur la durée du contrat.

L'article 17 mentionne quant à lui au titre des prérogatives découlant du monopole attribué dans chaque discipline sportive à la fédération titulaire de la délégation ministérielle, le pouvoir de « proposer l'inscription sur les listes [...] d'arbitres et de juges de haut niveau. »

L'article 26 charge enfin le ministre des sports d'arrêter la liste des arbitres et juges sportifs de haut niveau, au vu des propositions des fédérations et après avis de la Commission nationale du sport de haut niveau dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat.


• Les décrets d'application de la loi de 1984 modifiée

Comme trop souvent dans notre système juridique, force est de constater qu'aucun des nombreux décrets relatifs à l'arbitrage mentionnés ci-dessus n'a malheureusement à ce jour été pris par les ministres chargés des sports successifs. Ces dispositions essentielles pour l'organisation de l'arbitrage demeurent par conséquent de simples pétitions de principe.

D'autres décrets pris en application de la loi de 1984 fixent néanmoins quelques règles mineures relatives à l'activité arbitrale et à sa représentation dans les principales instances du mouvement sportif français.

Ainsi, l'article 10 du décret n° 2002-707 du 29 avril 2002, pris pour l'application de l'article 26 de la loi de 1984 pose comme condition d'inscription sur la liste des arbitres et des juges de haut niveau le fait d'exercer dans une discipline reconnue de haut niveau par la Commission nationale du sport de haut niveau.

L'article 26 de ce décret prévoit qu'une délibération de la formation permanente de la Commission nationale du sport de haut niveau fixe, pour chaque discipline, les critères permettant de définir la qualité d'arbitre ou de juge sportif de haut niveau.

Enfin, l'article 14 du même décret prévoit les cas de retrait ou de suspension de la qualité d'arbitre ou de juge sportif de haut niveau.

L'article 2 du titre 1 er de l'annexe 1 du décret n° 2004-22 du 7 janvier 2004, pris pour l'application de l'article 16 de la loi de 1984 et relatif à l'agrément des fédérations sportives aux dispositions obligatoires des statuts des fédérations sportives agréées et à leur règlement disciplinaire type, prévoit que les fédérations instituent « une commission des juges et arbitres qui a pour mission de proposer les conditions dans lesquelles sont assurés la formation et le perfectionnement des arbitres et juges des disciplines pratiquées par la fédération. »

L'article 4 du décret n° 2002-762 du 2 mai 2002 pris pour l'application du II de l'article 17 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 et relatif aux ligues professionnelles constituées par les fédérations sportives et dotées de la personnalité morale 8 ( * ) , prévoit que « la ligue professionnelle est administrée par une instance dirigeante compétente qui comprend :

- des représentants des associations et des sociétés sportives, élus par l'assemblée générale ;

- un ou plusieurs représentants de la fédération, désignés par l'organe compétent de celle-ci ;

- des représentants des joueurs et des entraîneurs, désignés par leurs organisations représentatives ;

- des personnalités qualifiées, élues par l'assemblée générale, dont une partie sur proposition de l'organe compétent de la fédération.

Les statuts de la ligue professionnelle peuvent également prévoir la participation de représentants des arbitres, des médecins et des personnels administratifs de la ligue et de ses membres ainsi que les représentants des employeurs, désignés par leurs organisations représentatives ».

b) La circulaire administrative et l'arrêté interministériel de 1994

Si les dispositions les plus importantes de la loi de 1984 relatives à l'arbitrage sont restées lettre morte faute de mesure d'application, circulaires et arrêtés réglementant la situation des sportifs ont en revanche trouvé un très fort écho au sein du monde de l'arbitrage.


• La circulaire du 28 juillet 1994

La circulaire interministérielle du 28 juillet 1994 relative à la situation des sportifs au regard de la sécurité sociale et du droit du travail 9 ( * ) précise les conditions d'assujettissement des sportifs au régime général de la sécurité sociale et à l'assiette des cotisations de sécurité sociale.

Cette circulaire prévoit des mesures dérogatoires pour les sportifs et les personnes participant à l'activité du monde sportif et assumant à titre gratuit ou non des fonctions indispensables à l'encadrement et à l'organisation de ces manifestations sportives pour le compte des clubs ou des organisateurs.

Ce texte instaure notamment un système de franchise applicable aux arbitres et posant un principe d'exonération de charges sociales dans les limites de cinq manifestations arbitrées par mois et de 81 euros par manifestation.


• L'arrêté du 27 juillet 1994

L'arrêté interministériel 10 ( * ) du 27 juillet 1994 fixant l'assiette des cotisations de sécurité sociale dues pour les personnes exerçant une activité dans le cadre d'une personne morale à objet sportif, d'une association de jeunesse ou d'éducation populaire prévoit un mécanisme de forfait de l'assiette prise en compte pour le calcul de cotisations sociales dues au titre du régime général de la sécurité sociale.

Ce mécanisme fait l'objet d'une décision exécutoire prise par le ministre en application des dispositions du code de la sécurité sociale 11 ( * ) .

2. Les réglementations sportives

Si le droit commun se caractérise par le faible nombre de dispositions consacrées à l'encadrement de l'activité arbitrale, les fédérations sportives ont comblé cette lacune en élaborant une réglementation ad hoc .

a) Les règlements fédéraux

Les règlements fédéraux contiennent de nombreuses dispositions relatives aux arbitres. Ces dispositions sont regroupées sous des chapitres revêtant des appellations différentes selon les sports : manuel d'arbitrage et de jugement, charge de l'arbitre/de l'arbitrage, statut de l'arbitrage...

Le rapport réalisé par Mmes Huet et Leclerc précise que les « dispositions des règlements fédéraux relatifs aux arbitres concernent :

- les modalités d'accès aux fonctions arbitrales ;

- l'autorité de la fédération ou de ses organes déconcentrés sur les arbitres ;

- la formation des arbitres ;

- les classifications ;

- les règles de cessation de l'activité arbitrale ;

- le pouvoir disciplinaire sur les arbitres ;

- les barèmes d'indemnisation de l'activité arbitrale. »

Lorsque la fédération a constitué des organismes déconcentrés 12 ( * ) , ces derniers reçoivent en principe délégation de la fédération pour organiser l'arbitrage à leur niveau territorial. Dans ce cas, ces organismes ont pour mission, à leurs niveaux territoriaux de compétence :

- d'élaborer une politique de recrutement, de formation,

- d'assurer les désignations et les contrôles ;

- de statuer sur les réclamations relatives à l'activité arbitrale.

Pour l'accomplissement de cette mission, ils sont soumis aux règlements en matière d'arbitrage édictés par leur fédération de tutelle mais ils édictent parfois également des règlements venant compléter ou préciser les règlements fédéraux.

b) Les « circulaires » fédérales

Au sein des fédérations, ce sont les commissions d'arbitrage ou, pour le football, la direction technique nationale de l'arbitrage, qui organisent l'activité arbitrale.

Dans de nombreuses disciplines sportives, les organismes régionaux se sont également dotés de commissions régionales d'arbitrage chargées de l'organisation de l'activité arbitrale au niveau régional.

Au cours de leurs travaux et dans le cadre de leur fonctionnement quotidien, les commissions d'arbitrage nationales et régionales émettent parfois des « circulaires » ou lettres d'information qui viennent expliciter ou compléter les dispositions réglementaires fédérales.

* 8 Modifié par le décret n° 2004-5049 du 14 juin 2004 article 1.

* 9 Cette circulaire DSS/AAF/A1/94/60 du 28 juillet 1994 relative à la situation des sportifs au regard de la sécurité sociale et du droit du travail a été complétée par les circulaires ACOSS n° 94/61 du 18 août 1994 et n° 95-8 du 23 janvier 1995 (non publiée).

* 10 Pris conjointement par les ministères des affaires sociales, de la santé et de la ville.

* 11 Cf. art. L. 242-1 « ... Des cotisations forfaitaires peuvent être fixées par arrêté ministériel pour certaines catégories de travailleurs salariés ou assimilés... ». L'article D. 241-1 précise que ces arrêtés doivent émaner du ministre chargé de la sécurité sociale.

* 12 Ces organismes déconcentrés peuvent aller du niveau régional (district, comité régional, ligue) au niveau départemental (comité départemental).

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