MISSIONS « SANTÉ » ET « SOLIDARITÉ ET INTÉGRATION » MM. Jean-Jacques Jégou et Auguste Cazalet, rapporteurs spéciaux

I. APERÇU GÉNÉRAL DE L'EXÉCUTION 2005

Dans le cadre de l'exécution de la loi de finances pour 2005, qui a précédé la mise en oeuvre complète de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) , la section « Santé, famille, personnes handicapées et cohésion sociale » recouvre des crédits aujourd'hui répartis au sein des missions « Santé » et « Solidarité et intégration », ainsi qu'au sein du programme « Veille et sécurité sanitaires » de la mission « Sécurité sanitaire ».

Afin de préparer le passage à la mise en oeuvre complète de la LOLF, certains crédits ont toutefois fait l'objet d'une expérimentation de la gestion en « mode LOLF » , dans le cadre de chapitres spécifiques. Ce fut notamment le cas des crédits correspondants aux programmes « Santé publique et prévention », « Veille et sécurité sanitaire », « Politiques en faveur de l'inclusion sociale ». Deux expérimentations régionales ou sectorielles ont également été conduites au cours de cet exercice : une expérimentation du programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » à l'échelle de la région Haute-Normandie et une expérimentation de la gestion des crédits en autorisations d'engagement et crédits de paiement (AE/CP) dans le cadre d'un chapitre spécifique consacré aux « Statistiques, études, recherche et évaluation ».

Le tableau qui suit retrace les conditions générales d'exécution des crédits 2005 :

A. L'EXERCICE 2005 A ÉTÉ MARQUÉ PAR LA CONTRAINTE DE LA RÉGULATION BUDGÉTAIRE

L'exécution des crédits a été perturbée au cours de l'exercice 2005 par différentes mesures de régulation budgétaire.

Ainsi, en adéquation avec l'objectif général de ramener le déficit public en dessous des 3 % du PIB, deux dispositifs spécifiques ont été mis en place :

- la mise en réserve des crédits reportés sur 2005, à l'exception des reports anticipés de fonds concours tardifs ;

- la mise en place d'une réserve de précaution touchant les crédits inscrits en loi de finance initiale (LFI), à hauteur de 105,7 millions d'euros en février 2005 puis de 45 millions d'euros en juillet 2005.

En dépit de dégels partiels, notamment destinés à réduire les ouvertures de crédits en loi de finances rectificative, le niveau de mise en réserve est resté élevé tout au long de l'exercice.

Ceci a permis l'annulation de crédits à hauteur de 88,6 millions d'euros au total au cours de l'exercice 2005.

B. LES REPORTS DE 2005 VERS 2006 ENREGISTRENT UNE FORTE AUGMENTATION PAR RAPPORT À L'ANNÉE PRÉCÉDENTE

Les crédits reportés de 2005 sur 2006 sont très importants, puisqu'ils s'élèvent au total, à destination des missions « Santé », « Solidarité et intégration » et du programme « Veille et sécurité sanitaire » de la mission « Sécurité sanitaire », à près de 735 millions d'euros , soit 5,7 % des crédits disponibles en 2005. Les reports enregistrent donc une forte progression par rapport à l'année antérieure, puisque « seuls » 472 millions d'euros avaient alors été reportés sur 2005.

Plusieurs éléments doivent toutefois être pris en considération :

- en raison des mesures de régulation de budgétaire, les crédits disponibles à la fin de l'exercice ont atteint des niveaux élevés. Le montant des reports vers 2006 a toutefois été limité, en application des dispositions de l'article 15 de la LOLF 78 ( * ) ;

- deux exceptions à cette règle de limitation des reports ont été réalisées : les reports profitant à la mission « Sécurité sanitaire » n'ont pas subi cette limitation, en raison du caractère tardif du décret du 1 er décembre 2005 ouvrant 150 millions d'euros destinés à financer le plan de lutte contre la grippe aviaire , pas plus que les crédits provenant de fonds de concours .

C. LES DETTES À L'ÉGARD DE LA SÉCURITÉ SOCIALE S'ACCROISSENT DE MANIÈRE SIGNIFICATIVE

L'exercice 2005 a été marqué par une croissance importante de la dette du ministère de la santé et des solidarités à l'égard de la sécurité sociale.

De manière globale, les dettes de l'Etat atteignent, au 31 décembre 2005, 3,6 milliards d'euros à l'égard du régime général et plus de 5,1 milliards d'euros à l'égard de l'ensemble des régimes obligatoires de sécurité sociale .

Sur ce total, les dettes au titre du champ « santé-solidarité » sont évaluées par la commission des comptes de la sécurité sociale à 1,17 milliard d'euros , dont près de la moitié imputables à la dérive des dépenses liées à l'aide médicale de l'Etat (654 millions d'euros de dettes au 31 décembre 2005).

Les autres dettes significatives sont celles liées à l'allocation de parent isolé (231,51 millions d'euros), l'allocation adulte handicapé (95,97 millions d'euros) et l'allocation spéciale d'invalidité (117,61 millions d'euros).

Ces dettes ne dégradent pas les comptes de la sécurité sociale mais pèsent sur sa trésorerie , en générant plusieurs millions d'euros de frais financiers.

D. LA GESTION DES EMPLOIS BUDGÉTAIRES, QUI ONT CONNU UNE NOUVELLE DIMINUTION, S'EST AMÉLIORÉE

L'exécution 2005 a été marquée par une réduction des effectifs budgétaires du ministère, puisque 122 emplois ont été supprimés, après 94 emplois en 2004.

Une réduction du taux de vacances des emplois a également été enregistrée au cours de cet exercice, ce qui témoigne d'une amélioration de la gestion des ressources humaines.

Le tableau qui suit retrace l'évolution des principales données relatives aux effectifs :

S'agissant de la gestion des moyens de fonctionnement des services déconcentrés, un audit de modernisation a récemment été réalisé, dont les conclusions ont été rendues publiques en janvier 2006.

Le rapport d'audit recommande notamment de renforcer l'échelon régional afin d'accroître la mutualisation des moyens, en particulier pour les achats, dont il faudrait sécuriser les procédures. La mission demande également de développer les outils de pilotage et de suivi des services déconcentrés et de les doter d'outils informatiques performants.

Au total, elle estime que ces réformes devraient permettre d'effectuer des gains de productivité et réaliser 4,5 millions d'euros d'économies sur les achats.

II. REMARQUES SPÉCIFIQUES RELATIVES À CERTAINES DÉPENSES

A. CERTAINES DÉPENSES D'INTERVENTION FONT L'OBJET D'UNE SOUS-ÉVALUATION RÉCURRENTE EN LOI DE FINANCES INITIALE

L'évolution des dettes du ministère et des ouvertures en cours d'exercice par décret d'avances témoignent de la sous-estimation récurrente, en loi de finances initiale, de certaines dépenses.

Il en va ainsi des dépenses liées à l'hébergement d'urgence, à l'allocation de parent isolé (API), à l'allocation adulte handicapé (AAH), ou encore à l'aide médicale de l'Etat (AME).

S'agissant de l'AME, la situation est particulièrement préoccupante puisque les dettes à ce titre représentent près de trois fois les crédits inscrits en loi de finance initiale pour 2006 (233,48 millions d'euros), qui sont manifestement sous-évalués.

Votre rapporteur spécial de la mission « Solidarité et intégration » appelle donc l'attention du gouvernement sur ce point et attend qu'il précise les mesures qu'il entend prendre pour maîtriser cette dépense.

B. LA PRÉSENTATION BUDGÉTAIRE DES PROGRAMMES DE SANTÉ PUBLIQUE DOIT ÊTRE AMÉLIORÉE ET SOULÈVE DES INTERROGATIONS QUANT À L'APPRÉCIATION DE LEUR PERFORMANCE

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006 79 ( * ) , votre rapporteur spécial de la mission « Santé » a pu constater l'imprécision entourant la présentation budgétaire des programmes de santé publique, qui comprend deux plans majeurs en termes de crédits : le plan de lutte contre le cancer et celui de lutte contre le VIH/SIDA.

A l'occasion d'un contrôle en cours, effectué en application de l'article 57 de la LOLF, relatif aux crédits destinés à la lutte contre le cancer, votre rapporteur spécial a observé, d'après les informations recueillies auprès du ministère de la santé et des solidarités, que les crédits de lutte contre le cancer n'ont pas été intégralement consommés en 2005 , comme le montre le tableau suivant :

Les crédits non consommés à ce titre auraient fait l'objet de reports.

Par ailleurs, votre rapporteur spécial note que la mise en oeuvre des plans de santé publique passe par l'attribution de nombreuses subventions à diverses associations. Il a pu observer, à la suite d'un amendement adopté dans le cadre de l'examen de la loi de finances pour 2006 qui a transféré plus de 18 millions d'euros du programme « Santé publique et prévention » vers le programme « Drogue et toxicomanie », que la doctrine d'attribution des subventions variait suivant les directions ou organismes considérés , et ce au sein de la même mission « Santé ». Il s'interroge donc sur la cohérence de l'action du ministère en la matière et sur l'appréciation de la performance de l'utilisation de ces crédits.

C. LA « PRIME DE NOËL » VERSÉE AUX BÉNÉFICIAIRES DU REVENU MINIMUM D'INSERTION DEVRAIT ÊTRE INSCRITE EN LOI DE FINANCES INITIALE

Dans son rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'Etat au cours de l'exercice 2005, la Cour de comptes relève que la « prime de Noël » versée aux bénéficiaires du revenu minimum d'insertion (RMI) n'a toujours pas été inscrite en loi de finances initiale et a fait l'objet d'une ouverture en loi de finances rectificative, à hauteur de 283 millions d'euros.

Elle recommande d'inscrire à l'avenir ces crédits en loi de finances initiale, s'ils devaient continuer à être portés par le budget de l'Etat, le financement du RMI ayant été décentralisé et sa gestion confiée aux conseils généraux.

Votre rapporteur spécial de la mission « Solidarité et intégration » ne peut qu'appuyer cette demande de la Cour des comptes, qui contribuerait à la sincérité budgétaire.

* 78 Cet article dispose que les crédits inscrits sur le titre des dépenses de personnel du programme bénéficiant du report peuvent être majorés dans la limite de 3 % des crédits initiaux inscrits sur le même titre du programme à partir duquel les crédits sont reportés. En outre, les crédits inscrits sur les autres titres du programme bénéficiant du report peuvent être majorés dans la limite globale de 3 % de l'ensemble des crédits initiaux inscrits sur les mêmes titres du programme à partir duquel les crédits sont reportés. Ce plafond peut toutefois être majoré par une disposition de loi de finances.

* 79 M. Jean-Jacques Jégou, annexe n° 25 au rapport général n° 99 (2005-2006), sur les crédits 2006 de la mission « Santé ».

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