MISSION « ENSEIGNEMENT SCOLAIRE » M. Gérard LONGUET, rapporteur spécial

A titre liminaire, votre rapporteur spécial tient à souligner qu'il a apprécié les efforts du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche pour lui transmettre dans le délai imparti un certain nombre d'indicateurs de performance au titre de l'année 2005.

Ces informations ont permis de tirer un certain nombre d'enseignements. Mais, sans doute du fait de la nouveauté de l'exercice, ils demeurent très parcellaires.

Il serait souhaitable, au vu de ce que doit devenir la discussion du projet de loi de règlement du budget en mode LOLF, qu'à l'avenir le Parlement puisse disposer d'un panorama plus complet de la performance de la mission « Enseignement scolaire ».

I. A-T-ON VRAIMENT COMMENCÉ À MIEUX RÉPARTIR LES MOYENS EN 2005 ?

A. DES ENGAGEMENTS ONT ÉTÉ PRIS POUR L'ANNÉE 2005

Dans son rapport 50 ( * ) consacré aux crédits de l'enseignement scolaire pour l'année 2005, votre rapporteur spécial avait particulièrement insisté sur la nécessité de mieux répartir les moyens humains selon les niveaux d'enseignement et les académies.

En effet, votre rapporteur spécial constatait que la densité et la répartition de la population sur le territoire avaient évolué durant les années 90, entraînant des modifications des populations scolaires. A titre d'illustration, il évoquait les départements du Massif central, du Nord-est et du Nord de la France, qui avaient connu une baisse d'effectifs supérieure à 12 % dans le premier degré, tandis que le Midi méditerranéen, la Haute-Garonne et la Haute-Savoie avaient vu leur population scolaire augmenter. De même, il soulignait que le premier degré connaissait une augmentation de ses effectifs d'élèves (+ 23.800 en 2003, + 61.000 prévus en 2004, + 58.400 prévus en 2005) alors que le second degré faisait face à une baisse de ses effectifs d'élèves (- 36.600 prévus en 2004, - 44.700 prévus en 2005).

En conséquence, il concluait que des redéploiements de moyens s'imposaient, et ce, d'autant plus que leur répartition était très inégale .

Votre rapporteur spécial se félicitait donc des mesures de redéploiement entre les niveaux prévues par le projet de budget de l'enseignement scolaire, avec la création de postes supplémentaires dans le premier degré pour faire face à l'augmentation du nombre d'élèves, et la suppression de postes dans le second degré compte tenu de la baisse importante dans les effectifs.

Il constatait par ailleurs avec satisfaction que l'amélioration de la répartition géographique des moyens entre académies figurait parmi les objectifs assignés aux programmes de l'enseignement scolaire dans l'avant-projet de rapport annuel de performances, et que le ministère avait engagé des politiques de redéploiement des moyens entre académies d'une ampleur sans précédent, car jouant non plus seulement sur la répartition des nouveaux emplois (les « flux »), mais aussi sur leur « stock ».

B. DES RÉSULTATS CONTRASTÉS

Au moment de juger la traduction concrète de cette ambition politique, les résultats semblent contrastés .

D'une part, le nombre d'académies bénéficiant d'une dotation globale dite « équilibrée », c'est-à-dire à plus ou moins 2 % près du niveau de son besoin calculé d'encadrement, augmente légèrement. Ainsi, pour ce qui concerne aujourd'hui les contours du programme « Enseignement scolaire public du premier degré », 17 académies ont reçu une dotation équilibrée en 2005, contre 15 en 2004. Pour ce qui est devenu le programme « Enseignement scolaire public du second degré », ce chiffre s'élève à 24 académies, soit un peu plus qu'en 2004 (22 académies), mais un peu moins que les prévisions affichées (26 académies). A ce sujet, il serait aussi intéressant de savoir combien d'académies reçoivent des dotations globales très éloignées (dans un sens ou dans l'autre) de la dotation théorique, car c'est là que se creusent les principales inégalités .

D'autre part, votre rapporteur spécial constate que le pourcentage d'établissements du second degré à faibles effectifs a encore augmenté en 2005, aussi bien pour les collèges (6,7 % contre 6,6 % en 2004) que pour les lycées professionnels (8,4 % contre 8,1 % en 2004 et 7,8 % en 2003).

Les limites d'amélioration de la répartition des crédits du ministère se rencontrent également dans l'univers de l'éducation prioritaire.

II. QUELS SONT LES RÉSULTATS DES ZONES D'ÉDUCATION PRIORITAIRES (ZEP) ET DES RÉSEAUX D'ÉDUCATION PRIORITAIRE (REP) ?

A. LA TENTATION DU SAUPOUDRAGE DES AIDES À L'ÉDUCATION PRIORITAIRE

L'exploitation des données concernant les ZEP et les REP nécessite d'avoir à l'esprit les quelques rappels chiffrés qui suivent :

- les élèves étudiant en ZEP et en REP représentaient, en 2004 (votre rapporteur spécial n'a pas pu obtenir dans les délais de données plus récentes), 21,4 % de la population scolaire du second degré ; il convient de rappeler que les données concernant les établissements du premier degré ne sont plus disponibles depuis la rentrée 1999, en l'absence de constat de rentrée ;

- le ministère estime qu'un élève de l'éducation prioritaire coûte en moyenne entre 10 % et 15 % de plus qu'un élève scolarisé hors éducation prioritaire. La principale traduction de la priorité accordée aux ZEP et aux REP est le nombre un peu plus faible des effectifs par classe ; ainsi, en moyenne, les classes des écoles et des collèges des ZEP et des REP comptent 2 élèves de moins que les autres . Ainsi, par exemple, un enseignant en collège de ZEP ou de REP a en charge, en moyenne, 21,1 élèves alors qu'un enseignant dans les collèges publics ne relevant pas de l'éducation prioritaire en a, en moyenne, 23,4.

Ces quelques chiffres invitent à se demander si le concept même d'éducation prioritaire n'a pas été dévoyé au fil du temps. A partir du moment où un trop large public est concerné par l'éducation prioritaire, en pratique plus personne n'est prioritaire. Il existe en tout cas un vrai risque de « donner trop peu à trop de monde » pour reprendre une expression employée par le ministre lui-même 51 ( * ) . La définition de 249 nouveaux réseaux « vraiment prioritaires », les réseaux « ambition réussite » , dans le plan de relance de l'éducation prioritaire présenté le 8 février 2006 par M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, semblent donc aller dans le bon sens . Il se pourrait donc qu'à l'avenir, ce soit la progression des sous-indicateurs liés à ces réseaux qui fournissent les résultats les plus intéressants quant à l'efficacité réelle des moyens supplémentaires investis au titre de la politique de l'éducation prioritaire.

B. L'ÉCART ENTRE LES RÉSULTATS DES ÉTABLISSEMENTS RELEVANT DE L'ÉDUCATION PRIORITAIRE ET LES AUTRES NE DIMINUE PAS DANS L'ENSEIGNEMENT DU PREMIER DEGRÉ

En 2005, tout comme en 2004 et en 2003, un élève a une probabilité 1,8 fois plus élevée d'entrer en 6 ème avec au moins un an de retard quand son école se situe en ZEP-REP que si elle est en-dehors de l'éducation prioritaire .

Le handicap ne semble donc pas s'atténuer (ni s'accroître, il est vrai) au fil des années. Il est même quelque peu encourageant de constater qu'en 2005, cette stabilité du ratio traduit une baisse de la proportion des élèves entrant en retard en 6 ème , aussi bien en ZEP-REP (de 30 % à 28,8 %) qu'hors ZEP-REP (de 16,9  % à 15,8  %).

Cependant, l'hétérogénéité de l'univers de l'éducation prioritaire ressort bien quand on constate que le taux de retard des élèves au moment de l'entrée en 6 ème atteint 35,7 % dans les écoles des réseaux « ambition réussite », contre 17 % en dehors de ces réseaux. Il est donc notable que l'intégration dans les statistiques des élèves ZEP-REP hors réseaux « ambition réussite » impacte à peine la performance des élèves hors ZEP-REP, les résultats des nouveaux réseaux « ambition réussite » étant nettement plus dégradés. C'est donc bien sur ces établissements qu'il convient de cibler l'effort en matière d'enseignement .

C. CET ÉCART DIMINUE TOUTEFOIS LÉGÈREMENT DANS L'ENSEIGNEMENT DU SECOND DEGRÉ

L'écart entre les pourcentages de réussite au brevet des élèves en ZEP-REP et des élèves hors ZEP-REP a légèrement décrû en 2005 : alors que les élèves non issus de l'éducation prioritaire connaissaient en 2005 le même taux de succès qu'en 2004 (79,2 %), les élèves d'établissements situés en ZEP ou en REP ont progressé , passant de 67,6 % en 2004 à 68,4 % de réussite en 2005. L'écart s'est donc réduit de 11,6 points à 10,8 points en 2005.

Mais, là encore, il reste à démontrer que cette progression a bien concerné les élèves les plus prioritaires, à savoir les élèves scolarisés dans des collèges « ambition réussite ». Le taux de succès au brevet de ces derniers ne s'est élevé qu'à 60,9 % en 2005 ; votre rapporteur spécial se montrera vigilant quant à l'évolution de ce sous-indicateur dans les années à venir.

III. COMMENT ÉVOLUENT LES REMPLACEMENTS DES ENSEIGNANTS ABSENTS ?

La question du remplacement des professeurs intéresse à double titre votre rapporteur spécial :

- d'une part, s'agissant de ce qui est devenu une mission pour laquelle les crédits de personnel représentent 93 % de total des crédits, l'utilisation efficiente des ressources humaines est un souci majeur de votre commission ;

- d'autre part, le non remplacement de professeurs absents participe des déséquilibres territoriaux stigmatisés par votre rapporteur spécial.

A. DES TITULAIRES REMPLAÇANTS QUI RESTENT RELATIVEMENT SOUS-UTILISÉS

Il n'a été possible d'obtenir des données que pour le périmètre de l'actuel programme « Enseignement public du premier degré ». Le chiffre n'est guère satisfaisant, puisque le « taux de rendement du remplacement », c'est à dire le taux d'utilisation effectif des titulaires chargés du remplacement pour maladie et congé maternité pendant l'année scolaire, demeure relativement stable , à 78,8 %.

Le ministère, qui avait prévu de passer de 78,6 % en 2004 à 80 % en 2005, maintient une cible de 90 % en 2010. Il indique toutefois que, pour améliorer de façon sensible le remplacement, qui fait l'objet d'une forte pression sociale, les responsables déconcentrés au niveau des départements sont parfois amenés à mobiliser des moyens tels que l'indicateur du « taux de rendement du remplacement » se trouve affaibli.

Votre rapporteur spécial est conscient que le calibrage des moyens à mettre en oeuvre est un exercice difficile, mais ne peut que rappeler la nécessité d'utiliser de façon efficiente les personnels enseignants , ce que souligne d'ailleurs l'objectif que s'est fixé, dans le cadre de la LOLF, le ministère lui-même.

Votre rapporteur spécial a relevé que, lors de son audition par votre commission des finances dans le cadre du présent projet de loi de règlement, M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, a évoqué deux pistes pour se rapprocher de cet objectif, à savoir :

- la réduction des « surnombre disciplinaires », c'est-à-dire des effectifs dans une discipline donnée excédant le nécessaire volant de 6 % pour pouvoir aux absences, au moyen de la baisse des postes offerts aux concours ;

- l'encouragement de la bivalence, M. Gilles de Robien ayant indiqué qu'en 2005, 15 % des candidats aux concours externes de l'éducation nationale ont passé une « mention complémentaire ».

B. LES EFFETS DU NOUVEAU SYSTÈME DE REMPLACEMENTS DE COURTE DURÉE NE SONT PAS ENCORE VISIBLES

La loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école a inscrit dans le code de l'éducation le principe selon lequel les professeurs des collèges et des lycées « contribuent à la continuité de l'enseignement sous l'autorité du chef d'établissement en assurant des enseignements complémentaires ». Ils peuvent ainsi assurer le remplacement de leurs collègues absents pour des durées inférieures ou égales à deux semaines.

Les modalités d'application de ce dispositif ont été définies par le décret n° 2005-1035 du 26 août 2005, applicable à compter de la rentrée 2005. Il s'est donc appliqué pendant les quatre derniers mois de 2005. Dès lors, il pouvait être intéressant de voir s'il s'était traduit par une évolution du nombre d'heures de cours non assurées.

Or, si le pourcentage d'heures d'enseignement non assurées a bien baissé de façon significative , passant de 7,6 % en 2004 à 6,7 % en 2005, les sous-indicateurs montrent que cette baisse est essentiellement due à l'évolution favorable des heures perdues pour cause d'indisponibilité des locaux ou des enseignants (formation, examens...), qui passent de 4,4 % en 2004 à 3,7 % en 2005. En revanche, la baisse des heures perdues pour non remplacement des professeurs absents, passées de 3,2 % en 2004 à 3 % en 2005, semble encore modeste et demande à être confirmée.

* 50 Rapport général n° 74 (2004-2005) - tome III - annexe 24 de M. Gérard Longuet, Enseignement scolaire « Pour une offre scolaire pertinente ».

* 51 Propos de M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, tenus à l'occasion de la conférence de presse consacrée aux grands axes de la relance de l'éducation prioritaire, le 13 décembre 2005.

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