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Rapport n° 428 (2005-2006) de M. Jackie PIERRE , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 28 juin 2006

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N° 428

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Annexe au procès-verbal de la séance du 28 juin 2006

RAPPORT

FAIT

au nom de commission des Affaires économiques (1) sur la proposition de loi, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relative à la fixation des rendements des vins à appellation d' origine contrôlée pour la campagne 2006-2007,

Par M. Jackie PIERRE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Paul Emorine, président ; MM. Jean-Marc Pastor, Gérard César, Bernard Piras, Gérard Cornu, Marcel Deneux, Pierre Herisson, vice-présidents ; MM. Gérard Le Cam, François Fortassin, Dominique Braye, Bernard Dussaut, Christian Gaudin, Jean Pépin, Bruno Sido, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Gérard Bailly, René Beaumont, Michel Bécot, Jean-Pierre Bel, Joël Billard, Michel Billout, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Jean-Pierre Caffet, Yves Coquelle, Roland Courteau, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Mme Michelle Demessine, M.  Jean Desessard, Mme Evelyne Didier, MM. Philippe Dominati, Michel Doublet, Daniel Dubois, André Ferrand, Alain Fouché, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Adrien Giraud, Mme Adeline Gousseau, MM. Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Odette Herviaux, MM. Michel Houel, Benoît Huré, Mmes Sandrine Hurel, Bariza Khiari, M. Yves Krattinger, Mme Elisabeth Lamure, MM. Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Claude Lise, Daniel Marsin, Jean-Claude Merceron, Dominique Mortemousque, Jackie Pierre, Rémy Pointereau, Ladislas Poniatowski, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Thierry Repentin, Bruno Retailleau, Charles Revet, Henri Revol, Roland Ries, Claude Saunier, Daniel Soulage, Michel Teston, Yannick Texier, Pierre-Yvon Trémel, Jean-Pierre Vial.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 3172 , 3181 et T.A. 593

Sénat : 427 (2005-2006)

Agriculture.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le secteur viticole traverse actuellement une grave crise, à l'échelle tant nationale qu'européenne. L'importance de la production et des stocks, dont les effets sont accentués par la croissance des importations de vins du « nouveau monde » et une atonie de la demande, provoque une baisse des cours et pèse sur le revenu des producteurs.

Afin d'y remédier dans un délai rapide, la Commission européenne, qui, par ailleurs, vient de proposer une réforme de l'organisation commune de marché (OCM) vitivinicole 1 ( * ) , s'est résolue à autoriser une distillation de crise pour les vins de table et les vins de qualité.

L'estimant insuffisante, le gouvernement français a décidé d'apporter une aide de trésorerie aux viticulteurs s'engageant dans la distillation, afin que leur production soit rémunérée à un niveau minimal.

Cependant, la participation à la distillation étant facultative, il est probable qu'une partie des producteurs, ne la jugeant pas intéressante à titre individuel, s'abstiendront d'y recourir, réduisant d'autant la portée de la mesure.

C'est afin de prévenir de tels comportements et de donner aux pouvoirs publics les moyens d'obtenir la coopération de l'ensemble de la filière que cette proposition de loi a été déposée par le député Antoine Herth 2 ( * ) .

I. UN SECTEUR VITICOLE TRAVERSANT UNE CRISE PROFONDE

A. UNE SURPRODUCTION CHRONIQUE PAR RAPPORT À LA DEMANDE

La crise qui affecte le secteur viticole se caractérise par une surabondance de l'offre par rapport aux capacités d'absorption du marché.

Au niveau européen , et selon les chiffres avancés par la Commission européenne dans son projet de réforme de l'organisation commune de marché (OCM), les excédents structurels s'élèvent à quelques 15 millions d'hectolitres, soit près de 8,4 % de la production vitivinicole de l'Union européenne. La consommation de vin, quant à elle, diminue de quelque 750.000 hectolitres par an.

En ce qui concerne la France , les évolutions sont similaires. Les stocks , en premier lieu, ont atteint des niveaux record :

- pour les vins de table, ils étaient de 11,5 millions d'hectolitres au 31 juillet 2005, en hausse de 70 % par rapport à ceux de la campagne précédente ;

- pour les vins de qualité 3 ( * ) , ils étaient de 28,6 millions d'hectolitres à la même date, soit 14 % de plus que la moyenne sur cinq ans.

L'augmentation de la production des pays dits du « nouveau monde » accentue cette situation de surabondance de l'offre : les exportations de pays de l'hémisphère sud ont crû de 100 % entre 2000 et 2005, leurs parts de marché dans le commerce mondial étant passées de moins de 2 % dans les années 90 à 21,4 % aujourd'hui.

La baisse de la demande intérieure de vin rouge, enregistrée depuis quelques années, s'explique quant à elle par une modification des comportements alimentaires, notamment auprès des populations les plus jeunes, qui ont tendance à délaisser le vin au profit d'autres alcools, souvent plus forts.

B. DES EFFETS NÉGATIFS SUR LE NIVEAU DES PRIX ET DES REVENUS

La conjonction entre des niveaux élevés de production et de stocks, et une atonie de la demande, provoque un effet de ciseau aboutissant à une baisse des cours et des revenus.

Ainsi, le cours des vins de table a atteint un plancher au début de la campagne 2005-2006, se situant à 2,70 euros par degré/hectolitre, soit une baisse de 37 %. S'il est ensuite remonté pour se stabiliser entre 3,10 et 3,30 euros par degré/hectolitre au mois de mars 2006, il est à nouveau redescendu depuis et se trouvait à la mi-juin à 2,65 euros par degré/hectolitre.

Le cours des vins de qualité , par nature plus élevé que celui des vins de table, est toutefois lui aussi nettement tiré à la baisse. Ainsi, au mois de janvier de cette année, le prix à l'hectolitre était, pour le groupe le plus représentatif -Bordeaux- de 90 euros, contre 102 euros en mars 2005 et 120 euros en moyenne durant les campagnes 2001/2002 et 2003/2004.

Cette baisse des cours, non compensée par une croissance des volumes commercialisés, a conduit à un appauvrissement global des producteurs. Selon les chiffres révisés publiés par le ministère de l'agriculture et de la pêche le 26 juin 2006, la baisse du revenu moyen dans le secteur agricole en 2005 « a été particulièrement marquée pour la viticulture », où le recul est de 56 %.

II. DES MESURES CONJONCTURELLES PRISES AU NIVEAU COMMUNAUTAIRE ET NATIONAL

A. DES MESURES DE DISTILLATION COMMUNAUTAIRES OPPORTUNES MAIS INSUFFISANTES

Au-delà des mesures structurelles visant à rééquilibrer offre et demande 4 ( * ) , l'intensité de la crise a rendu nécessaire la prise de mesures d'urgence pour réguler le marché.

Aussi la Commission européenne a-t-elle utilisé la possibilité ouverte par l'article 30 du règlement (CE) n° 1493/1999 du Conseil du 17 mai 1999 portant organisation commune du marché vitivinicole 5 ( * ) pour autoriser, suite à la demande en ce sens de la France en décembre 2005, une distillation de crise 6 ( * ) .

Après avis du comité de gestion, la Commission a ainsi accepté, le 7 juin 2006, d'autoriser la distillation pour notre pays 7 ( * ) :

- sur 1,5 million d'hectolitres pour les vins de table, au prix de 1,914 euro par degré/hectolitre ;

- sur 1,5 million d'hectolitres pour les vins de qualité, au prix de 3 euros par degré/hectolitre.

Les contrats de distillation doivent être souscrits entre les producteurs et les distillateurs agréés, et présentés auprès de Viniflhor entre le 29 juin et le 28 juillet de cette année. Ils seront agréés au 22 août de cette même année, après application d'une éventuelle réfaction en cas de dépassement des quantités maximales. Les vins devront être livrés en distillerie et après agrément des contrats au plus tard le 28 février 2007.

B. DES MESURES DE SOUTIEN COMPLÉMENTAIRES DÉCIDÉES PAR LE GOUVERNEMENT

L'offre de la Commission était inférieure à la demande du Gouvernement français, tant sur les volumes (3 millions d'hectolitres accordés au total, par rapport aux 4 millions demandés) que sur les prix (1,914 euro par degré/hectolitre pour les vins de table, par rapport aux 3 demandés, et 3 euros par degré/hectolitre pour les vins de qualité, par rapport aux 5 demandés).

Afin de conforter la situation des viticulteurs, le Gouvernement a donc décidé d'apporter une aide de trésorerie à ceux s'engageant dans la distillation. Cette mesure, annoncée le 8 juin dernier, doit permettre aux viticulteurs d'obtenir une somme équivalant à 2,90 euros par degré/hectolitre en vin de table et 3,35 euros par degré/hectolitre en vins de pays.

Il est prévu que la subvention soit limitée à 5.000 euros par viticulteur, quelle que soit la catégorie de vin concernée. L'enveloppe totale mobilisée par le Gouvernement devrait dès lors atteindre 15 à 20 millions d'euros.

III. UNE NÉCESSAIRE SÉCURISATION DU DISPOSITIF FRANÇAIS POUR ASSURER SON EFFICACITÉ

A. UN DISPOSITIF DONT LES EFFETS DIFFÈRENT SELON LES TYPES DE PRODUCTIONS

L'ensemble des mesures (communautaires et nationales) constitue une incitation appréciable à la distillation de l'excédent de production, mais pouvant se révéler insuffisante. Tout dépend en réalité de la catégorie de vin considérée.

Le mécanisme est intéressant, indéniablement, pour les producteurs de vins de table, dont les prix de marché sont inférieurs à celui qu'il leur garantira, soit 2,90 euros par degré/hectolitre. En revanche, il ne l'est pas forcément pour les producteurs de vins de qualité, dont les prix de marché se situent au-dessus des 3,35 euros par degré/hectolitre garantis par le mécanisme.

Par conséquent, le risque est grand de voir certains de ces derniers, comme cela avait été le cas l'année passée 8 ( * ) , ne pas recourir à la distillation. Celle-ci restant en effet facultative aux termes de l'article 30 du règlement (CE) 1493/1999 du Conseil précité, la tentation est grande en effet de compter sur les efforts de retrait du marché accomplis par d'autres opérateurs pour obtenir une remontée du niveau des cours.

Or, cette absence de coopération aurait in fine pour conséquence d'amoindrir considérablement les effets du dispositif, en laissant perdurer un surplus d'offre qui continuerait de peser à la baisse sur les cours, et donc sur le revenu global des producteurs.

B. LA NÉCESSITÉ DE DISPOSER DE MOYENS GARANTISSANT L'ENGAGEMENT DES PRODUCTEURS

Au vu de ce contexte général, il paraît donc nécessaire de donner aux pouvoirs publics des moyens pour, le cas échéant, contraindre les producteurs non coopérateurs. La fixation des rendements autorisés pour la prochaine campagne viticole constitue à cet égard un instrument opportun.

Ceux-ci correspondent à la quantité maximale de raisins, ou à l'équivalent en volume de vin récolté par hectare de vigne pour lequel est revendiquée une AOC. Ils sont fixés, pour chaque campagne, à un niveau permettant d'assurer un niveau de qualité satisfaisant à la production.

En l'occurrence, le fait de les fixer à un niveau réduit permettrait d'inciter les producteurs récalcitrants à livrer leur surplus à la distillation, ou tout du moins de contenir l'offre dans le cas où ces derniers ne s'y seraient pas résignés.

Le texte de la proposition de loi initiale comportait deux articles : le premier constituant le dispositif normatif, le second prévoyant une compensation des pertes de recettes qui en résulteraient pour l'Etat. Dans sa réunion du 22 juin dernier, la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale a apporté deux modifications rédactionnelles à l'article 1 er , et a supprimé l'article 2 prévoyant le gage.

LE DISPOSITIF DE LA PROPOSITION DE LOI

Le texte de la proposition de loi comporte, après examen par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, un unique article.

Article unique - Possibilité pour le Gouvernement de fixer les rendements autorisés pour les vins AOC pour la campagne 2006/2007

Cet article tend à permettre aux ministres chargés de l'agriculture, de l'économie et de la consommation de fixer directement, pour la campagne 2006-2007, les rendements autorisés, y compris à des taux inférieurs à ceux prévus dans le décret de l'appellation contrôlée.

Selon les prévisions de l'article L. 641-3 du code rural, un décret définit chaque AOC, sur proposition de l'Institut national des appellations d'origine (INAO). Il détermine à cette fin les conditions de production de chaque produit, parmi lesquelles les rendements de base de chaque appellation.

En vertu de l'article R. 641-56 du même code, c'est par arrêté conjoint des ministres chargés respectivement de l'agriculture, de l'économie et de la consommation qu'est fixé chaque année le rendement plafond de chaque AOC.

Cet arrêté ne fait en réalité qu'entériner les décisions prises en la matière par le comité national des vins et eaux-de-vie de l'INAO, lequel se prononce après avis du syndicat de défense de l'AOC concernée.

Or, la fixation des rendements autorisés peut constituer un moyen efficace de contraindre les producteurs à réguler leur production ; en l'espèce, elle permettrait de compenser un engagement éventuellement insuffisant dans la campagne de distillation.

Par dérogation aux prescriptions de l'article L. 641-3 précité, l'article 1 er de la proposition de loi vise donc à conférer cette prérogative directement aux ministres compétents, en les exonérant à titre exceptionnel de l'obligation de suivre les propositions du comité national concerné.

Comme le fait très justement remarquer dans son rapport 9 ( * ) M. Antoine Herth, rapporteur de la proposition de loi à l'Assemblée nationale, « cette disposition ne constitue toutefois qu'une anticipation du dispositif envisagé dans le cadre de la future ordonnance relative à l'INAO prévue à l'article 73 de la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d'orientation agricole ».

Sur cet article unique, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de M. Hugues Martin, sous-amendé par le rapporteur. Il prévoit que la décision du Gouvernement concernant les rendements est prise après consultation pour avis de l'INAO.

Votre rapporteur souscrit à cette modification : elle maintient la possibilité pour les professionnels concernés, représentés au comité des vins de l'INAO, de donner clairement leur position et de prendre leurs responsabilités, tout en ne liant pas le Gouvernement dans sa décision finale.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une réunion tenue le mercredi 28 juin 2006 sous la présidence de M. Bernard Piras, vice-président, la commission a examiné, sur le rapport de M. Jacky Pierre, la proposition de loi n° 3172 (XII ème législature) de M. Antoine Herth relative à la fixation des rendements des vins à appellation d'origine contrôlée pour la campagne 2006-2007.

Lors de sa réunion du mercredi 28 juin 2006, votre commission a adopté à l'unanimité le texte de la proposition de loi, dans sa rédaction issue de l'Assemblée nationale.

* 1 Intitulée « Vers un secteur vitivinicole européen durable », sa proposition de réforme, rendue publique le 22 juin, prévoit, à partir de la campagne 2008/2009, des mesures d'arrachage afin de modérer l'offre, une déréglementation en matière d'étiquetage et de pratiques oenologiques pour concurrencer les vins du « nouveau monde », ainsi que la restriction de la distillation de crise aux cas exceptionnels en vue de réaliser des économies.

* 2 Une proposition de loi identique [n° 412 (2005-2006)] a été déposée au Sénat par notre collègue Gérard Bailly le 21 juin dernier.

* 3 Ou vins à appellation d'origine contrôlée (AOC).

* 4 Réduction des contingents d'autorisation de plantation, arrachage, mise en réserve, aide à la promotion ...

* 5 « Une mesure de distillation de crise peut être prise en cas de perturbation exceptionnelle du marché due à d'importants excédents et/ou à des problèmes de qualité. »

* 6 La distillation correspond à une transformation du vin en alcool pour une utilisation alimentaire ou, dans le cas de la distillation de crise, industrielle.

* 7 L'Espagne, l'Italie et la Grèce ont également formulé une demande de distillation de crise.

* 8 Sur les 1,5 million d'hectolitres de distillation ouverts, seuls 1,083 million avait été utilisé, certaines régions, dont la vallée du Rhône (350.000 hectolitres), participant fortement, d'autres, comme le bordelais (178.000), que faiblement au regard de leur production.

* 9 Rapport n° 3181 fait au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire sur la proposition de loi, relative à la fixation des rendements de vins à appellation d'origine contrôlée pour la campagne 2006-2007 (n° 3172).

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