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Rapport n° 114 (2006-2007) de Mme Maryse BERGÉ-LAVIGNE , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 13 décembre 2006

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N° 114

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2006-2007

Annexe au procès-verbal de la séance du 13 décembre 2006

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1), sur le projet de loi autorisant l'approbation de l' accord entre l' Agence spatiale européenne et certains de ses États membres concernant le lancement de fusées-sondes et de ballons ,

Par Mme Maryse BERGÉ-LAVIGNE,

Sénatrice.

(1) Cette commission est composée de : M. Serge Vinçon, président ; MM. Jean François-Poncet, Robert del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, Mme Hélène Luc, M. André Boyer, vice - présidents ; MM. Daniel Goulet, Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, Jacques Peyrat, André Rouvière, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette Brisepierre, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Hue, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Jacques Pelletier, Daniel Percheron, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Yves Rispat, Josselin de Rohan, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet.

Voir le numéro :

Sénat : 468 (2005-2006)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La France et quatre autres Etats membres de l'Agence spatiale européenne (Allemagne, Norvège, Suède et Suisse) ont signé, le 17 juin 2004 à Paris, avec celle-ci, un accord fixant les conditions d'exploitation et de maintenance :

- des installations de l'Esrange (European Spaceresearch RANGE) situées à Kiruna, en Suède ;

- du champ de tir d'Andoya en Norvège.

Il s'agit de consolider et d'intégrer dans un texte clair et unique les dispositions d'un accord du 20 décembre 1971 et de ses amendements ultérieurs.

Cela permettra de garantir la disponibilité de moyens de lancement pour les fusées-sondes et les ballons stratosphériques et d'améliorer leur utilisation en renforçant la coopération entre les organisations ou Etats participant à ces lancements.

I. LES DISPOSITIONS DE L'ACCORD

Cet accord prévoit que les installations de l'Esrange et du champ de tir d'Andoya seront prioritairement, mais non exclusivement, mises à la disposition des Etats signataires. Il prévoit une participation des Etats membres aux coûts de maintenance de base des installations pour un montant total de 4.089.009 € pour l'Esrange et 3.058.186 € pour le champ de tir d'Andoya, ainsi qu'aux frais de fonctionnement du secrétariat consultatif des programmes (PAC) assuré par l'Agence spatiale européenne. La contribution annuelle de la France est fixée à 1.271.385 euros.

Outre leur contribution aux coûts de maintenance, les Etats s'engagent à acquitter des frais opérationnels calculés au prorata des jours d'utilisation des installations, chaque Etat membre ayant droit à un nombre spécifié de jours pour effectuer ses opérations.

La liste des questions faisant l'objet d'un examen par le PAC comprend notamment l'étude des programmes de lancements annuels, les plans d'amélioration des champs de tir.

L'accord définit les règles relatives à la responsabilité internationale des Etats membres. Tout Etat participant indemnise respectivement la Suède et la Norvège eu égard à toute action susceptible d'être engagée à leur encontre conformément au droit international au titre des responsabilités qui leur incombent, du fait de l'exécution de sa campagne de fusées sondes ou de ballons stratosphériques.

Cet accord entre en vigueur dès que quatre Etats participants et l'Agence spatiale européenne ont notifié leur consentement. Aujourd'hui, tous les pays signataires, hormis la France, l'ont fait. La durée d'application s'étend de janvier 2006 à décembre 2010. Une reconduction tacite tous les cinq ans est prévue.

II. FONCTIONNEMENT ET UTILISATION DES FUSÉES SONDES ET DES BALLONS STRATOSPHÉRIQUES

A. LES FUSÉES SONDES

Une fusée sonde est une fusée décrivant une trajectoire sub-orbitale 1 ( * ) permettant d'effectuer des mesures et des expériences. Le terme correspondant en anglais est « sounding rocket ».

Lancée verticalement , une fusée-sonde peut emporter des centaines de kilogrammes d'instruments ou d' expériences scientifiques à une altitude comprise entre une centaine et un millier de kilomètres selon les modèles. Sa charge utile , abritée dans la pointe de l'engin, est récupérée avec un parachute . Cette possibilité a donné lieu à deux catégories d'applications :

1. Exploration de la haute atmosphère

La première application est l' exploration (ou sondage ) de la haute atmosphère , que n'atteignent ni les ballons (qui plafonnent vers 40 km ), ni les satellites (qui orbitent au-delà de 200 km ).

Les premières connaissances sur l' environnement terrestre ( ionosphère , magnétosphère , etc.) ont été acquises de cette façon par les ' États-Unis et l' Union soviétique vers le milieu du XXe siècle , en utilisant entre autre des versions modifiées du missile balistique V2 allemand .

Depuis cette époque, des milliers de fusées-sondes ont été lancées de par le monde à des fins scientifiques ( géophysique externe, aéronomie , météorologie , astronomie , physique solaire et même biologie au moyen de cobayes : chats , singes , rats , etc.).

Le programme français

Pour sa part, la France a mené pendant une quinzaine d'années ( 1960 et 1975 ) un important programme de recherches scientifiques et technologiques avec des centaines de fusées-sonde ( Centaure , Dragon , Eridan , Véronique ) lancées en France ( île du Levant , Kourou ), en Algérie ( Hammaguir , Colomb-Béchar , Reganne ) et au cours de campagnes à l'étranger ( Brésil , Norvège , Islande , Îles Kerguelen , Terre Adélie , etc.).

2. Recherche en microgravité

Le second type d'applications concerne les recherches en microgravité . Dans ce cas, on met à profit la très faible pesanteur résiduelle observée dans la partie supérieure de la trajectoire de la pointe lorsque la propulsion a cessé et que le frottement aérodynamique est encore réduit .

C'est une application plus récente que la précédente, qui permet aux scientifiques de préparer des expériences appelées à voler sur un véhicule spatial du type navette spatiale ou satellite . Les applications concernent surtout la science des matériaux ( expériences de fusion et de solidification ) et intéressent notamment les États-Unis, le Japon et l' Europe , qui a initié, en 1982 , un programme de ce type avec les fusées-sonde Texus et, depuis 1991 , Maxus depuis la base d' Esrange .

B. LES BALLONS STRATOSPHÉRIQUES ET LA PROTECTION ENVIRONNEMENTALE

La stratosphère est inaccessible aux satellites et traversée trop rapidement par les fusées-sondes. Les ballons, ou aérostats selon la terminologie scientifique, peuvent évoluer durablement dans cette couche dite « moyenne » de l'atmosphère, s'étendant entre 12 et 45 km d'altitude.

Dès lors, le ballon occupe une place unique parmi les outils de la recherche scientifique, ce qui explique l'intérêt que le CNES a toujours porté à l'activité ballons.

Historiquement, les ballons ont été utilisés pour l'étude de l'atmosphère et l'astronomie. Le développement des activités spatiales a permis d'en élargir le champ d'application. En effet, de nombreux vols de ballons ont aujourd'hui une finalité technologique. Ils testent par exemple des instruments destinés à être embarqués à bord de satellites.

Depuis 40 ans, le CNES développe l'activité « ballons » la plus importante du monde, après celle des Etats-Unis.

Le CNES mène des expériences très intéressantes dans le domaine de la surveillance et de la protection environnementales , avec des ballons lancés à partir des installations de l'Esrange à Kiruna en Suède, et qui mesurent les variations de la couche d'ozone .

Celle-ci s'amenuise gravement sous l'effet de produits chimiques dus à l'activité humaine.

C'est en 1985 que l'alerte a été donnée avec la découverte d'une diminution importante de la concentration d'ozone au cours des mois de septembre et d'octobre au-dessus du continent antarctique. Une réduction de près de 50 % du contenu total d'ozone était observée, se produisant au cours du printemps austral et couvrant toute la surface de l'Antarctique.

Depuis la fin des années 1970, l'épaisseur de l'ozone est passée, en certains endroits, de 3 mm à 2 et même 1,5 mm aujourd'hui, en moyenne pour le mois d'octobre.

C'est cette diminution relative de l'épaisseur de la couche d'ozone stratosphérique (par rapport à son épaisseur standard ou initiale de 300 Dobsons), que l'on nomme « trou d'ozone » ou « trou dans la couche d'ozone ».

En 2000, 2001 et 2003, le trou de la couche d'ozone a atteint une superficie jamais observée avant 2000 , alors que celui de 2002 était le plus petit qui ait été observé depuis 1998. En effet, à la fin de l'été 2003, le trou a de nouveau atteint un record de superficie... pour diminuer rapidement durant le mois d'octobre. En 2006, un nouveau record a été enregistré au dessus de l'Antarctique.

En 2006, l'ONU et les experts alertent sur le fait que la couche d'ozone se reconstitue moins vite que prévu, en raison probablement de l'utilisation persistante de gaz interdits, de type CFC, mais peut-être aussi à cause de l'effet de serre et des traînées de condensation laissées par les avions. Ces dernières, avec d'autres émetteurs de gaz à effet de serre, contribuent en réchauffant les basses couches de l'atmosphère à priver les hautes couches d'une partie des calories provenant du rayonnement du sol. Ces hautes couches se refroidissent, ce qui exacerbe les réactions chimiques de destruction de l'ozone. Il vient d'ailleurs d'être reconnu que le trou dans la couche d'ozone a atteint une superficie record fin septembre et une épaisseur minimale record début octobre, aux alentours de 0,8 Dobsons.

L'ozone est aujourd'hui observée par un réseau de stations au sol et au moyen de satellites.

Les variations de l'ozone stratosphériques sont étudiées par le satellite européen Envisat. Pour compléter les données fournies par le satellite, le CNES a lancé un ballon stratosphérique le 7 mai 2005. Ce vol permettra de valider dans l'atmosphère les mesures prises depuis l'espace par Envisat, en utilisant un sondeur atmosphérique.

CONCLUSION

Depuis 40 ans, à raison de 30 à 40 lancements par an, le CNES met à la disposition des scientifiques ces ballons qui constituent un moyen efficace et peu coûteux de mener des expérimentations spatiales, d'étudier l'atmosphère et de valider les mesures effectuées par les satellites.

Il est donc essentiel de préserver et d'améliorer, grâce à la coopération avec l'Agence spatiale européenne, les capacités d'utilisation des fusées-sondes et des ballons stratosphériques, en particulier à Kiruna (Suède) et Andoya (Norvège).

C'est pourquoi la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a adopté le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent rapport lors de sa séance du 13 décembre 2006.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi et proposé qu'il fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée l'approbation de l'accord révisé relatif au projet spécial Esrange et Andoya entre certains Etats membres de l'Agence spatiale européenne et l'Agence spatiale européenne concernant le lancement de fusées-sondes et de ballons, signé à Paris le 17 juin 2004 et dont le texte est annexé à la présente loi. 2 ( * )

ANNEXE - FICHE D'ÉVALUATION JURIDIQUE3 ( * )

I. - Etat du droit actuel (droit communautaire, droit national)

L'Utilisation de l'Esrange et du champ de tir Andoya est soumise à un ensemble de normes nationales et internationales.

Parmi les normes internationales, outre les dispositions du Traité sur les principes régissant les activités des Etats en matière d'exploration et d'utilisation de l'espace extra-atmosphérique du 27 janvier 1967 applicables aux activités d'exploitation des fusées sonde, sont également applicables à cet Accord les dispositions de la Convention relative à l'aviation civile internationale du 7 décembre 1944 dite Convention de Chicago et plus particulièrement l'Appendice 4de l'Annexe 2 de la Convention en ce qui concerne les activités d'exploitation de ballons stratosphériques, considérés comme des ballons libres non habités.

Par ailleurs, s'agissant d'activités spatiales européennes, s'appliquent également les dispositions de la Convention de l'Agence Spatiale Européenne du 30 mai 1975, qui détermine en particulier les règles applicables en matière de financement des activités au travers de Résolutions prises par le Conseil de l'Agence, ces dernières constituant elles-mêmes des normes internationales.

Ainsi, le présent Accord est couvert par la Résolution relative au niveau de financement pour la période 2001-2005 adoptée à l'unanimité par les gouvernements des Etats membres participants le 7 juin 2000 et acceptée à l'unanimité par le Conseil de l'Agence des 19 et 20 octobre 2000 (ESA/PAC/LVII/Rés/ 1 (Final) modifiée par la Résolution additionnelle adoptée à l'unanimité des Etats membres participants le 30 juin 2003 et acceptée par le Conseil le 20 septembre 2003 (ESA/PAC/LXIV/Rés.1 (Final)).

Cet Accord comporte certaines obligations assujetties aux règles nationales des Etats membres participants, telles que par exemple la souscription d'une assurance obligatoire garantissant la responsabilité civile de chaque Etat membre participant en ce qui concerne la survenance de tout dommage corporel ou matériel résultant du lancement de fusées-sondes ou de ballons stratosphériques ou du transport ou du stockage effectué pour les lancements.

Les installations et moyens faisant l'objet du présent Accord sont détenus et exploités par des entités indépendantes à savoir Swedish Space Corporation pour l'Esrange et Andoya Rocket Range AS pour le champ de tir d'Andoya, ces entités étant soumises à leurs propres règles nationales de droit commun.

II. - Absence de conséquences directes sur la législation interne

L'approbation de cet Accord viendra renforcer le dispositif juridique encadrant les activités sur le site de l'Esrange et du champ de tir d'Andoya en fixant les droits et obligations de chaque Etat partie à l'Accord pour garantir la disponibilité future des moyens de lancement pour les fusées sondes et les ballons stratosphériques et parvenir à une utilisation plus efficace de ces moyens.

Toutefois, une fois introduit en droit interne, cet Accord ne nécessitera pas d'instruments juridiques complémentaires.

* 1 Un vol suborbital est la trajectoire d'un engin spatial se déplaçant à une vitesse sous-orbitale, c'est-à-dire inférieure à la vitesse requise pour qu'il se maintienne en orbite.

* 2 Voir le texte annexé au document Sénat n° 468 (2005-2006).

* 3 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.

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