Rapport n° 165 (2006-2007) de M. Robert del PICCHIA , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 17 janvier 2007

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N° 165

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2006-2007

Annexe au procès-verbal de la séance du 17 janvier 2007

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant la ratification de l' accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la Communauté andine et ses pays membres (Bolivie, Colombie, Équateur, Pérou et Venezuela), d'autre part,

Par M. Robert del PICCHIA,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Serge Vinçon, président ; MM. Jean François-Poncet, Robert del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, Mme Hélène Luc, M. André Boyer, vice - présidents ; MM. Daniel Goulet, Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, Jacques Peyrat, André Rouvière, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette Brisepierre, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Hue, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Jacques Pelletier, Daniel Percheron, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Yves Rispat, Josselin de Rohan, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet.

Voir le numéro :

Sénat : 72 (2006-2007)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames,

Messieurs,

Le Sénat est saisi d'un projet de loi autorisant la ratification de l'accord de dialogue politique et de coopération entre l'Union européenne et la Communauté andine dont la signature a eu lieu à Rome le 15 décembre 2003, en même temps que l'accord de même type avec les Etats d'Amérique centrale.

Les stipulations de ces deux accords sont rigoureusement identiques. Ils représentent tous deux une étape intermédiaire avant la négociation d'un accord d'association, forme plus étroite de coopération avec l'Union, qui comprend une zone de libre-échange.

Lors de son entrée en vigueur, l'accord de dialogue politique et de coopération devrait se substituer à l'accord-cadre de coopération signé le 23 avril 1993 et entré en vigueur le 1 er mai 1998 et qui, relevant du champ de compétence exclusive de la Communauté européenne, n'a pas été soumis à l'approbation du Parlement.

Lors du sommet Union européenne-Amérique latine de Vienne, le 12 mai 2006, le lancement des négociations d'un accord d'association a été décidé. La Commission a soumis, en décembre 2006 un projet de directives de négociation d'un accord d'association avec la Communauté andine. Les négociations, tant avec les pays de la Communauté andine qu'avec ceux d'Amérique centrale, devraient pouvoir s'engager en 2007.

I. L'ACCORD DE DIALOGUE POLITIQUE ET DE COOPÉRATION

A. UN ACCORD INTERMÉDIAIRE AVANT LA SIGNATURE D'UN ACCORD D'ASSOCIATION

Sur l'échelle des accords de coopération signés par l'Union européenne, l'Accord de dialogue politique entre l'Union et les Etats d'Amérique centrale se situe à l'un des degrés les moins élevés.

Il ne s'agit pas d'un accord d'association ouvrant la voie à une zone de libre-échange à l'exemple des accords conclus avec le Mexique en 1997 ou le Chili en 2002 ou de celui en cours de négociations avec le Mercosur (Argentine, Brésil, Uruguay, Paraguay). Le texte réaffirme cependant, dans son article 2, la volonté commune des Parties de « travailler en vue de créer les conditions qui pourraient permettre de négocier (...) un accord d'association réaliste et mutuellement bénéfique, y compris une zone de libre-échange ».

B. UN CHAMP D'APPLICATION TRÈS VASTE

L'Accord est organisé en quatre titres : le premier définit les objectifs, le second est relatif au dialogue politique, le troisième détaille les secteurs dans lesquels la coopération doit s'effectuer et le dernier comprend les dispositions générales d'usage.

Le champ du dialogue politique est très vaste puisqu'il doit couvrir « tous les aspects d'intérêts mutuels et toute autre question d'ordre international ». Il est mené au niveau des chefs d'Etats, au niveau ministériel, au niveau des hauts fonctionnaires et des services. L'Accord vise donc à lui conférer une certaine régularité.

La coopération , qui fait l'objet du titre III, se voit assigner quatre objectifs principaux : la stabilité politique et sociale, l'intégration régionale, la réduction de la pauvreté et le développement socio-économique. Ils sont déclinés en quarante-trois articles qui listent les différents domaines dans lesquels elle s'effectue.

Ils visent, pour certains, à diffuser le modèle juridique de l'Union dans ses secteurs de compétence (concurrence, agriculture, pêche...). D'autres relèvent de la coopération au sens plus traditionnel du terme (santé, éducation, environnement...) ou sont liés à des problématiques spécifiques des relations entre l'Union européenne et les Etats de la région comme la vulnérabilité aux catastrophes naturelles, la lutte anti-drogue ou la gestion des flux migratoires. Enfin, certaines dispositions, comme celles relatives à la lutte contre le terrorisme, sont devenues systématiques dans les accords avec les Etats tiers.

L'Accord comporte, dans son article 57, une clause évolutive qui prévoit que les « parties peuvent s'entendre pour étendre le présent accord en vue de le compléter et d'en élargir le champ d'application (...) par la conclusion d'accords portant sur des secteurs ou activités spécifiques ». Il précise qu'aucune possibilité de coopération ne doit être exclue d'avance.

Les moyens financiers mis en oeuvre pour l'accompagnement de l'accord ne sont pas précisés. Le texte se borne à énoncer que « les parties s'engagent à fournir les moyens adéquats » et qu'un programme pluriannuel sera établi. Les activités de la Banque européenne d'investissement seront également favorisées.

C. LES CHAMPS D'ACTION PRIORITAIRES

Le préambule de l'Accord met l'accent sur cinq points : l'attachement aux droits de l'homme et aux principes démocratiques, la lutte contre les drogues, la protection de l'environnement, la promotion de l'intégration régionale et la coopération sur la question des migrations à laquelle l'Accord réserve une place particulière.

En matière d'immigration, les stipulations de l'Accord sont plus précises. Les parties affirment leur volonté d'une gestion conjointe des flux migratoires et d'un dialogue sur l'immigration clandestine, le trafic d'êtres humains et les flux de réfugiés. Les questions de migrations doivent être intégrées aux stratégies nationales de développement des pays d'origine, de transit et de destination. La coopération se concentre sur la protection des réfugiés, la garantie des droits des non-ressortissants en situation légale, la prévention de l'immigration clandestine, les visas et les contrôles aux frontières.

L'article 49, relatif à la coopération en matière d'immigration, comprend également une clause de réadmission prévoyant que les Etats de la communauté andine acceptent de réadmettre leurs ressortissants présents illégalement sur le territoire d'un Etat membre de l'Union et réciproquement, à la demande de ce dernier et sans autres formalités. L'accord prévoit la conclusion, à la demande d'une des parties et dans les meilleurs délais, d'un accord régissant les obligations spécifiques des parties en matière de réadmission et comportant, sujet éminemment difficile, une obligation de réadmission des ressortissants d'autres pays et des apatrides.

Cet article fait l'objet d'une déclaration unilatérale de l'Union européenne annexée à l'Accord selon laquelle « l'article 49 ne modifie en rien la répartition interne des compétences entre la Communauté européenne et ses Etats membres en ce qui concerne la conclusion d'accords de réadmission ». Cette répartition des compétences est fixée par le Traité d'Amsterdam qui permet à la Communauté de conclure des accords de réadmission, les Etats membres devant prendre les dispositions relevant de leur compétence pour l'application de tels accords. Les Etats membres, quant à eux, peuvent continuer à conclure des accords de réadmission avec des Etats tiers sous réserve que la Commission n'ait pas conclu ces accords ou n'ait reçu de mandat de négociation.

Comme en matière d'immigration, l'accord de dialogue politique et de coopération renvoie à la conclusion d'accords plus spécifiques dans un certain nombre de domaines, notamment en matière douanière ou en matière de pêche.

II. LA COMMUNAUTÉ ANDINE

Fondée en 1997, la communauté andine est héritière du Pacte andin, fondé en 1969 à Carthagène par la Bolivie, la Colombie, l'Equateur et le Pérou. L'acte fondateur du pacte andin prévoyait la création d'une union douanière en l'espace de dix ans.

La zone géographique de la Communauté andine regroupe 97 millions d'habitants, sur un territoire de 3,7 millions de km 2 , pour un PIB agrégé de 170 milliards d'euros.

Elle est le second bloc économique du continent après le Mercosur mais peine à traduire concrètement ses ambitions.

A. UN SYSTÈME INSTITUTIONNEL ÉLABORÉ ET DES OBJECTIFS AMBITIEUX

La communauté andine comprend plusieurs organes supra-nationaux dont les décisions s'appliquent directement dans les Etats membres. Ces institutions sont le Conseil présidentiel andin, le Parlement andin, élu au suffrage universel, le secrétariat général et la Cour de justice.

Elle est dotée de la personnalité juridique et, à ce titre, est la première organisation régionale à avoir signé, en tant que telle, un accord de coopération avec l'Union européenne.

Elle s'est fixé des objectifs politiques ambitieux : mise en place d'une politique extérieure commune, renforcement des principes démocratiques, coopération policière et judiciaire, alors que la seule création d'un marché intérieur andin reste un enjeu majeur. Les Etats membres doivent encore adopter un tarif extérieur commun, mettre en place une politique agricole commune et harmoniser leurs législations.

B. DES OBSTACLES NOMBREUX À L'INTÉGRATION RÉGIONALE

L'intégration économique andine rencontre des difficultés liées à la géographie, aux inégalités de développement, à la faible intégration des échanges, davantage orientés vers les E tats-Unis ou le Mercosur. Enfin, et peut-être surtout, elle est handicapée par la montée des clivages politiques entre les Etats membres.

Les obstacles à l'intégration sont tout d'abord géographiques. Les connexions routières entre les pays andins restent peu nombreuses. Il n'existe qu'un seul point de passage entre chacun des pays.

Ils tiennent également à la présence, sur le continent d'autres pôles d'attraction comme les Etats unis avec qui le Pérou et la Colombie ont signé un accord de libre commerce ou le Mercosur que le Venezuela et la Bolivie ont annoncé leur intention de rejoindre.

De plus en plus, les options politiques et économiques de pays comme la Colombie du président Alvaro Uribe ou le Pérou, où l'ancien président social-démocrate Alan Garcia a été élu en juin 2006, apparaissent difficiles à concilier avec les choix de la Bolivie du président Evo Morales élu en décembre 2005 ou de l'Equateur dont le président, Rafael Correa, investi il y a quelques jours, le 15 janvier 2007, est également plus proche du président vénézuélien Hugo Chavez.

C'est ainsi que le Venezuela, membre de l'organisation depuis 1973, a annoncé son retrait le 22 avril 2006 après la signature par la Colombie, le 27 février, puis par le Pérou le 12 avril, de traités de libre-échange avec les Etats-Unis. En vertu des traités, le Venezuela, poids lourd économique de la zone, doit cependant maintenir ses obligations de libre-échange pendant cinq ans. Le 29 avril 2006, le Venezuela a signé avec la Bolivie et Cuba un « Traité commercial des peuples » dans le cadre de l'ALBA (« l'alternative bolivarienne pour les Amériques »), alternative à la proposition des Etats-Unis d'une ZLEA (Zone de libre-échange des Amériques).

La Bolivie, qui a pris la présidence de la Communauté andine après le départ du Venezuela, a toutefois réaffirmé l'objectif de l'établissement d'une zone de libre échange avec l'Union européenne.

Il reste que l'Union européenne doit répondre à la diversité des choix de ses partenaires, ce qui la conduit à envisager un champ très large de coopérations, sans dégager de réelles lignes de force.

Une autre difficulté dans les négociations réside dans la faiblesse institutionnelle de la Communauté andine dont le secrétariat général est peu étoffé et dont les moyens financiers ont souffert du départ du Venezuela. La France, pour sa part, a signé un protocole de coopération avec la communauté andine en 1999. Pour 2006, la coopération française s'élève à 500.000 euros et porte sur le renforcement de l'Etat de droit, l'appui aux politiques andines d'intégration régionale et au système andin de recherche et développement.

L'intégration de la communauté andine reste limitée. La zone de libre échange au sein de la Communauté andine est effective depuis 1993 entre la Colombie, le Venezuela, l'Equateur et la Bolivie et s'est étendue au Pérou le 1 er janvier 2006. La part du commerce intra-zone n'a pas progressé depuis dix ans et stagne à environ 10 % du total des échanges. Les procédures douanières restent à harmoniser et le tarif extérieur commun nécessaire à la mise en place de l'union douanière n'est pas entré en vigueur et n'harmonise qu'une proportion limitée des lignes tarifaires.

C. LA COMMUNAUTÉ SUD AMÉRICAINE DES NATIONS, UN PROJET À L'ÉCHELLE DU CONTINENT

En matière d'intégration régionale, même si des progrès notables ont été réalisés, l'Amérique latine apparaît encore davantage marquée par la multiplication des organisations que par l'intensité des échanges.

Le Venezuela est entré dans le Mercosur en juillet 2006 alors que le Chili et le Mexique faisaient connaître, pour leur part leur intention de devenir membre associé de la Communauté andine.

La Déclaration de Cuzco, adoptée le 8 décembre 2004, a l'ambition d'une intégration régionale à l'échelle du continent et prévoit l'intégration progressive de la Communauté andine dans une Communauté sud-américaine des nations (CSAN) qui verrait la fusion du Mercosur avec la Communauté andine et l'intégration du Chili, du Guyana et du Suriname. Au vu des clivages politiques qui traversent actuellement le continent, cette ambition reste à concrétiser.

CONCLUSION

L'action de l'Union européenne en faveur de la Communauté andine, dont l'intégration progresse mais reste traversée par des clivages très forts, est fortement souhaitable.

Elle gagnerait certainement à mieux afficher ses priorités mais devrait, pour cela, pouvoir les identifier avec ses partenaires.

La Communauté andine a adopté l'Accord le 11 juillet 2004 et parmi ses Etats membres, seuls la Bolivie et l'Équateur, l'ont ratifié. Pour ce qui concerne l'Union européenne, les procédures de ratification sont achevées dans tous les Etats membres à l'exception de la Belgique, de l'Allemagne, de la Grèce et de la France.

Votre Commission vous recommande l'adoption du présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent rapport lors de sa séance du 17 janvier 2007.

A la suite de l'exposé du rapporteur et suivant son avis, la commission a adopté le projet de loi et proposé qu'il fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique .

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée la ratification de l'accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la Communauté andine et ses pays membres (Bolivie, Colombie, Équateur, Pérou et Venezuela), d'autre part, (ensemble une annexe), fait à Rome le 15 décembre 2003, et dont le texte est annexé à la présente loi 1 ( * ) .

* 1 Voir le texte annexé au document Sénat n° 72 (2006-2007)

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