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Rapport n° 291 (2006-2007) de M. Jean BOYER , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 17 avril 2007

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N° 291

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2006-2007

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 22 février 2007

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 avril 2007

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques (1) sur la proposition de résolution présentée en application de l'article 73 bis du Règlement sur la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1784/2003 portant organisation commune des marchés dans le secteur des céréales ,

Par M. Jean BOYER,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Paul Emorine, président ; MM. Jean-Marc Pastor, Gérard César, Bernard Piras, Gérard Cornu, Marcel Deneux, Pierre Herisson, vice-présidents ; MM. Gérard Le Cam, François Fortassin, Dominique Braye, Bernard Dussaut, Christian Gaudin, Jean Pépin, Bruno Sido, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Gérard Bailly, René Beaumont, Michel Bécot, Jean-Pierre Bel, Joël Billard, Michel Billout, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Jean-Pierre Caffet, Roland Courteau, Jean-Claude Danglot, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Mme Michelle Demessine, M.  Jean Desessard, Mme Evelyne Didier, MM. Philippe Dominati, Michel Doublet, Daniel Dubois, André Ferrand, Alain Fouché, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Adrien Giraud, Mme Adeline Gousseau, MM. Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Odette Herviaux, MM. Michel Houel, Benoît Huré, Mme Sandrine Hurel, M. Charles Josselin, Mme Bariza Khiari, M. Yves Krattinger, Mme Elisabeth Lamure, MM. Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Claude Lise, Daniel Marsin, Jean-Claude Merceron, Dominique Mortemousque, Jackie Pierre, Rémy Pointereau, Ladislas Poniatowski, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Bruno Retailleau, Charles Revet, Henri Revol, Roland Ries, Claude Saunier, Daniel Soulage, Michel Teston, Yannick Texier, André Vézinhet, Jean-Pierre Vial.

Voir le numéro :

Sénat : 287 (2006-2007)

Union européenne.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La filière céréalière a occupé traditionnellement une place importante dans la politique agricole commune (PAC), qui devrait être appelée à se développer à l'avenir, du fait notamment de la croissance prévisible des productions non alimentaires valorisant l'amidon (biocarburants, naturellement, mais également biomatériaux ou biocosmétiques).

Le maïs constitue la céréale la plus cultivée sur le territoire communautaire, après le blé. S'il se trouve en concurrence croissante avec de grands pays producteurs, le maïs européen est l'objet d'importants enjeux économiques, sociaux, énergétiques ou territoriaux. Or, la versatilité des échanges internationaux, dont les cours sont fixés sur les marchés financiers par la libre confrontation de l'offre et de la demande, affecte potentiellement la stabilité du marché européen et de ses acteurs : producteurs, cherchant à pérenniser leurs revenus ; transformateurs, désireux de s'assurer de la régularité de leur approvisionnement ; et consommateurs, soumis à des contraintes économiques les incitant à privilégier le critère de compétitivité des produits.

C'est afin de pallier cette instabilité chronique, néfaste à l'intérêt communautaire, que l'Union européenne a rapidement mis en place une organisation commune de marché (OCM) permettant, grâce à deux instruments principaux (les restitutions à l'exportation et l'intervention par le biais de prix garantis), de réguler l'offre et de garantir un niveau de prix stable, apte à constituer un « filet de sécurité « pour les agriculteurs sans grever pour autant les utilisateurs intermédiaires ou finaux.

La France, rarement affectée par une surproduction et en mesure d'écouler par elle-même ses stocks, n'a utilisé qu'une seule fois le mécanisme d'intervention sur le maïs depuis qu'il existe. En revanche, certains des nouveaux pays adhérents, au premier rang desquels la Hongrie, important pays producteur, ont utilisé ce système comme un débouché pour leurs productions excédentaires, et non comme un dispositif exceptionnel destiné à surmonter un problème d'offre.

Les coûts induits par ce type d'intervention, dont l'objectif semblait aller au-delà de la simple gestion d'une surproduction ponctuelle, mais également la difficulté de conservation du maïs stocké, ont conduit la Commission européenne à déposer devant le Conseil, le 15 décembre 2006, un projet de suppression de l'intervention maïs.

Ce projet, visant en apparence à sanctionner un abus de droit mais remettant en réalité en cause l'OCM du secteur céréalier, a été vivement critiqué par nombre d'États membres, dont la France, qui ont constitué une minorité de blocage.

Il a été, en tant que tel, examiné par les délégations pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale et du Sénat qui, respectivement dans une communication du 21 février 2007 et dans une procédure écrite du 16 mars 2007, l'ont toutes deux rejeté. Les propositions de compromis mises en avant par la présidence allemande, suite à ce refus, ont également été rejetées, quoiqu'ayant fait l'objet d'un accueil moins hostile.

Le 12 avril, la commission de l'agriculture du Parlement européen s'est à son tour opposée au projet de suppression de l'intervention. Elle a estimé en effet que la proposition de la Commission n'était pas suffisamment évaluée et que ses fondements ne correspondaient pas aux perspectives du secteur.

Votre rapporteur a souhaité déposer la proposition de résolution n° 287, objet du présent rapport, afin de donner au Sénat l'occasion de soutenir le Gouvernement dans les négociations européennes à venir, et de faire en sorte que soit préservé un système d'intervention qui, s'il doit sans doute aujourd'hui être révisé dans ses modalités, ne saurait être remis en cause dans son principe.

Se ralliant à cette heureuse initiative, votre commission se propose de vous présenter en premier lieu les mécanismes de l'intervention sur le maïs et les problèmes posés par leur récente évolution, avant de rappeler la chronologie des discussions au sein des instances européennes sur les projets successifs de révision, et enfin de vous soumettre ses préconisations en vue du maintien d'un dispositif adapté aux nouvelles exigences et à l'efficacité renforcée.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. UN MÉCANISME D'INTERVENTION FONDAMENTAL, MAIS RÉCEMMENT DÉTOURNÉ DE SES OBJECTIFS INITIAUX

A. UN SYSTÈME DE PRIX GARANTI INDISPENSABLE À LA RÉGULATION DE LA FILIÈRE MAÏS

Si elle ne figure pas parmi les plus gros producteurs mondiaux de maïs, l'Union européenne occupe toutefois une place non négligeable en se classant quatrième dans un marché dominé par les États-Unis, devant la Chine et le Brésil. La France, où le maïs grain, surtout utilisé pour l'alimentation animale, représente environ un cinquième de la sole céréalière, reste le premier producteur européen.

L'importance relative de la production de maïs à l'échelle européenne et les conséquences néfastes que les variations erratiques de ses cours risquaient d'engendrer, tant sur les producteurs que sur les transformateurs et les consommateurs, ont légitimé la mise en place d'une OCM « céréales « 1 ( * ) dans le cadre de la PAC. Aux termes de celle-ci, les agriculteurs bénéficient d'un système d'intervention leur assurant un prix plancher, à la tonne, de 101,31 euros pour le maïs. Ce prix garanti leur est payé, en cas de crise, par les pouvoirs publics après qu'ils ont stocké les céréales excédentaires dans l'attente de leur écoulement ultérieur sur le marché. En France, c'est l'Office national interprofessionnel des grandes cultures (ONIGC) qui intervient en ce sens.

B. UN ÉLARGISSEMENT À L'EST AYANT MODIFIÉ LES CARACTÈRES DE L'INTERVENTION

L'élargissement de l'Union européenne à dix nouveaux États membres d'Europe centrale et orientale a en partie bouleversé la structuration de l'OCM céréales.

Au niveau de la production, tout d'abord : avec l'entrée dans l'Union de gros pays producteurs comme la Hongrie ou, dans une moindre mesure, la Roumanie et la Bulgarie, la part de la production communautaire dans le monde est passée de 5 à 8 %.

En ce qui concerne l'utilisation des mécanismes d'intervention, ensuite : alors que les prix à l'intervention sont le plus généralement inférieurs au cours du marché, afin de ne constituer qu'un « filet de sécurité «, les nouveaux États membres producteurs, du fait de coûts de production peu élevés, ont été confrontés à des prix garantis pour le maïs très supérieurs à ceux qu'ils avaient l'habitude de pratiquer. Dès lors, il devenait plus rentable pour eux d'écouler leur production par la voie de l'intervention que sur les marchés. C'est ainsi que la Hongrie a offert de très fortes quantités de maïs aux achats publics d'intervention. Au 1er juillet 2006, elle détenait 5 millions de tonnes de maïs en stock d'intervention (soit plus de 90 % du maïs d'intervention dans l'Union européenne) pour une récolte annuelle de l'ordre de 8 millions de tonnes. A l'issue de la campagne 2005-2006, les stocks de maïs pour l'Union européenne ont atteint 5,6 millions de tonnes, soit 40 % du volume total des stocks de céréales de l'Union européenne. Si rien n'était fait, ils pourraient atteindre, selon la Commission, 15,6 millions de tonnes d'ici 2013.

II. LES PROPOSITIONS DE RÉVISION DE L'OCM AVANCÉES PAR LES INSTITUTIONS COMMUNAUTAIRES

A. LA PROPOSITION INITIALE DE SUPPRESSION DE L'INTERVENTION FORMULÉE PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE

En octobre 2006, le comité de gestion « céréales « a adopté, sur proposition de la Commission européenne, des mesures techniques durcissant la prise en charge à l'intervention, en fixant des critères de qualité plus rigoureux pour la conservation à long terme du maïs livré à l'intervention. Applicable depuis le 1er novembre 2006 mais non encore évaluée dans ses résultats, cette mesure devrait avoir pour effet de restreindre de façon notable les volumes de maïs éligibles à l'intervention.

Prenant modèle sur ce qu'elle avait déjà fait pour le seigle allemand, la Commission a décidé d'aller plus loin en déposant devant le Conseil, le 15 décembre 2006, une proposition de règlement modifiant le règlement (CE) n° 1784/2003 portant OCM dans le secteur des céréales (E 3371). Deux arguments ont été avancés à l'appui de ce texte. Tout d'abord, la volonté de fluidifier le marché, en incitant les producteurs à adapter leur activité à son évolution, et non aux anticipations d'achats des pouvoirs publics. La récente adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie, perçue comme risquant d'aggraver les déviations des mécanismes d'intervention, n'a fait qu'accroître cette volonté. Ensuite, la nécessité de réduire les coûts de l'intervention pour les céréales : selon les estimations de la Commission, plus de 600 millions d'euros pourraient ainsi être économisés au cours de la période 2008-2014.

Discuté lors du Conseil « agriculture et pêche « du 29 janvier 2006, ce projet a été vivement critiqué par nombre d'États membres -dont la France-, qui ont ainsi constitué une minorité de blocage. Ces États, tout en partageant la volonté de la Commission de résoudre le problème provenant des surproductions hongroises de ces dernières années, ont estimé que le système de l'intervention pouvait être largement amélioré sans pour autant être supprimé. Divers dispositifs alternatifs, permettant de remettre le mécanisme d'intervention en phase avec ses objectifs initiaux, ont été avancés, tels que la baisse du prix d'intervention ou la fixation de plafonds quantitatifs.

B. LES PROPOSITIONS ALTERNATIVES DU CONSEIL

Devant l'hostilité manifestée à l'égard de la proposition de la Commission, la présidence allemande de l'Union européenne, désireuse de mettre un élément à son actif en matière agricole, a repris la main en avançant un projet de compromis lors du « comité spécial agriculture « (CSA) du 5 mars 2007. Selon ce dernier, une période transitoire serait d'abord mise en place pour les deux prochaines campagnes, caractérisée par un plafonnement des quantités mises à l'intervention (700.000 tonnes pour la campagne 2007-2008 et 500.000 tonnes pour celle de 2008-2009), réparties par État membre, la France se voyant octroyer un plafond de 10.000 tonnes pour chaque campagne. Ce projet prévoyait également de mettre définitivement fin à l'intervention pour la campagne 2009-2010, après qu'ait été réalisée une analyse d'impact lors du bilan de santé de la PAC en 2008-2009.

Cette proposition de compromis, qui ne revenait en fait qu'à différer la suppression de l'intervention, a fait l'objet d'un débat qui n'a pas abouti à la formation d'une majorité en sa faveur, même si elle a été globalement mieux accueillie que le projet initial de la Commission. Pour la France, elle semblait particulièrement difficile à admettre dans la mesure où notre pays se serait vu proposer 1,7 % du total du plafond alors que notre part dans la production communautaire est de 22 %, tandis que ces chiffres auraient été respectivement de 80 et 41 % pour les nouveaux États membres. Cela revenait à créer une distorsion, contraire aux principes mêmes de la PAC, entre deux catégories d'États membres : ceux qui ont réellement accès aux instruments de l'OCM et ceux en étant en grande partie privés.

S'en est suivi, de la part du Conseil, un nouveau projet de compromis non formalisé, présenté lors du CSA du 26 mars dernier, consistant à relever les plafonnements prévus pour les campagnes 2007-2008 et 2008-2009 à respectivement 1,2 millions de tonnes et 600.000 tonnes, puis à les réduire à une quantité nulle à partir de 2009, tout en conservant le principe d'une intervention et de sa possible activation par la Commission, en cas de « circonstances exceptionnelles «. L'Italie, les Pays-Bas, la Roumanie, la Suède, l'Espagne, le Portugal, la Finlande et Chypre se sont montrés favorables à cette proposition. En revanche, la France, la Hongrie, la Bulgarie, l'Autriche, la République tchèque, la Grèce et l'Irlande s'y sont opposées. La Suède, le Royaume-Uni et l'Allemagne ont fait valoir qu'un tel compromis constituait une limite à ce qu'ils étaient en mesure d'accepter.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

A. LE REJET DE TOUT PROJET DE SUPPRESSION DE L'INTERVENTION SUR LE MAÏS

Une absence d'urgence

Le marché mondial du maïs de la présente campagne, caractérisé par des niveaux de prix élevés, rend peu probable des mises à l'intervention massives. En effet, la Commission européenne peut envisager de déstocker des volumes importants de maïs détenu à l'intervention, les exportations de maïs hongrois ou roumain étant désormais viables sur l'ensemble du pourtour méditerranéen.

Les problèmes d'accessibilité aux marchés extérieurs, qui pesaient jusqu'alors sur la Hongrie, du fait de son enclavement -une seule voie d'exportation fluviale, le Danube, inégalement exploitable selon les saisons- sont en passe d'être résolus. Les acheminements terrestres par camions et trains sur les pays proches (Italie) et plus lointains (pays du Nord de l'Union européenne) lui permettent en effet de doubler quasiment ses capacités d'exportation.

Par ailleurs, de nouveaux débouchés se font jour. La Hongrie envisage notamment de développer des projets d'élevage, dont l'affouragement nécessite la culture de céréales telles que le maïs. En outre, au titre des valorisations non alimentaires, le maïs peut être transformé en l'un des deux principaux types de biocarburants : l'éthanol. De nombreux investisseurs, européens comme internationaux, sont aujourd'hui convaincus de la capacité de la Hongrie à produire et exporter des quantités importantes et durables d'éthanol. Son potentiel en ce domaine serait ainsi évalué à 800.000 tonnes au moins, soit l'équivalent de 2,7 millions de tonnes de maïs, résolvant ainsi les problèmes d'excès d'offre pour ce pays d'ici 2013.

L'horizon du bilan de santé de 2008-2009

La Commission européenne a fixé à 2008-2009 un grand rendez-vous pour faire le point sur l'organisation et le fonctionnement de la PAC. Ce sera l'occasion de dresser un « bilan de santé « des différentes OCM et de procéder à d'éventuels ajustements, en attendant la prochaine grande réforme de la PAC, prévue pour 2013. Il n'y a donc pas lieu de décider prématurément de modifier l'une d'entre elles, qui plus est pour des raisons semblant largement de nature conjoncturelle. Si le principe même de l'intervention dans le secteur maïs n'y devra pas être remis en cause, ses modalités pourront en revanche être à nouveau discutées, dans le cadre d'une concertation commune à l'ensemble des OCM, comme cela a été décidé entre chefs d'État et de gouvernements lors de la discussion sur les perspectives financières 2007-2013.

Cette remise en cause de l'OCM céréales, au surplus, fragiliserait grandement l'Union européenne vis-à-vis du marché mondial. En effet, les droits de douane permettant de réguler les importations en provenance des pays tiers sont assis sur les prix d'intervention, dont ils représentent 155 % de la valeur. Supprimer ces derniers aurait pour conséquence de démanteler ces protections communautaires, et donc de déstabiliser gravement le marché européen, alors que de gros pays producteurs comme les États-Unis n'ont aucune intention de se dessaisir des leurs. D'autre part, une telle suppression de l'intervention, en tant qu'elle modifierait le niveau de protection tarifaire du maïs, rendrait nécessaire sa discussion au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ; or, il ne semblerait pas souhaitable que l'Union européenne, qui a déjà consenti à beaucoup de concessions lors de la dernière réforme de la PAC, en accepte d'autres sans réelle contrepartie.

B. L'OPPORTUNITÉ D'UNE DISCUSSION SUR LA MISE EN PLACE D'UN PLAFONNEMENT DES INTERVENTIONS

Les fluctuations fortes des marchés agricoles, que l'on peut imaginer croissantes au cours des prochaines années, justifient pleinement le maintien d'outils de régulation tels que la mise à l'intervention, comme l'ont souligné les responsables de l'Association générale des producteurs de maïs (AGPM) lors de leur audition par votre rapporteur. Il est indéniable cependant que cet instrument fait l'objet aujourd'hui d'utilisations non conformes à ses objectifs originels, servant davantage de débouché à une production non maîtrisée que de filet de sécurité exceptionnel.

Il paraît donc opportun de discuter, non du principe même de l'intervention, mais de ses modalités. Dans cette perspective, votre commission estime que la mise en place d'un plafond à l'intervention, d'ailleurs suggéré par la présidence allemande, peut constituer une réponse adaptée, permettant de responsabiliser les États producteurs et d'éviter qu'ils n'utilisent cet instrument comme un moyen privilégié d'écouler leur production.

Deux conditions doivent cependant être remplies, à cet égard. Tout d'abord, ce plafond ne doit pas être nul, quand bien même le mécanisme de l'intervention resterait « réactivable ». Par ailleurs, il ne doit pas être dégressif, car s'appliquant à des productions vouées, sur le long terme et en raison des gains de productivité attendus dans les nouveaux États membres, à progresser.

C. LA POSSIBILITÉ D'UNE RESTRICTION DES PÉRIODES D'INTERVENTION

En plus du plafonnement des mises à l'intervention, l'encadrement de cet instrument de régulation pourrait se faire par la définition de périodes précises d'ouverture durant l'année, de manière à éviter toute spéculation et de permettre aux marchés de retrouver leur équilibre naturel.

Cette proposition a notamment été avancée par la France et soutenue par le COPA-COGECA 2 ( * ) , lequel propose que cette période d'ouverture de la mise à l'intervention soit écourtée et circonscrite à trois mois, du 1 er mars au 31 mai de chaque année. Votre commission estime qu'il s'agit là d'une piste digne d'intérêt, propre à mieux recadrer le fonctionnement de l'intervention tout en maintenant son utilité dans les cas appropriés.

*

* *

Lors de sa réunion du mardi 17 avril 2007, votre commission des affaires économiques a examiné le texte présenté par son rapporteur. Après avoir adopté un amendement de précision rédactionnel présenté par M. Marcel Deneux, elle a adopté la proposition de résolution dont le texte suit, MM. Dominique Braye et Roland Ries votant contre.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA COMMISSION

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu le texte E 3371 portant proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1784/2003 portant organisation commune des marchés (OCM) dans le secteur des céréales,

Réaffirmant l'utilité et la légitimité du maintien de mécanismes de régulation des marchés agricoles à l'échelle européenne en vue d'assurer une juste et pérenne rémunération des producteurs primaires, mais également une sécurité d'approvisionnement, tant du secteur de la transformation que des consommateurs, à des prix convenables,

Prenant acte des conséquences des récents élargissements de l'Union européenne dans le secteur céréalier, et notamment dans la filière maïs, où la production très importante de certains États membres a conduit à un excès d'offre,

Reconnaissant que le dispositif d'intervention actuel, instauré dans le cadre de l'OCM céréales, tend parfois à faire l'objet d'une utilisation différente de celle pour laquelle il a originairement été créé,

Rappelant que le « bilan de santé « de la politique agricole commune (PAC) en 2008-2009 sera l'occasion d'examiner, le cas échéant, les modalités de tels mécanismes d'intervention,

Soulignant que la remise en question du système d'intervention pour le maïs remettrait en cause les protections à l'importation prévues pour cette céréale, du fait que les droits de douane à l'import sont assis et calculés sur les prix d'intervention,

Invite le Gouvernement à veiller à ce que soit conservé le principe même d'une intervention dans la filière maïs,

Ne s'oppose pas à ce que cette intervention, afin d'éviter qu'elle ne soit utilisée comme un débouché récurrent à la production, fasse l'objet d'un plafonnement en volume,

Demande à ce que cet éventuel plafonnement ne soit pas affecté d'un caractère dégressif au cours des prochaines années, mais maintenu à un niveau constant,

Recommande à la Commission européenne d'étudier la possibilité d'une réduction de la période d'intervention au cours de l'année.

ANNEXE - LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

- M. Christophe Terrain , président de l'Association générale des producteurs de maïs (AGPM)

- M. Eric Giry , sous-directeur des cultures et produits végétaux au ministère de l'agriculture et de la pêche, et M. François Champanhet , chef du bureau des grandes cultures.

* 1 Couvrant également le blé panifiable, le blé dur, l'orge et le sorgho.

* 2 Comité des organisations professionnelles agricoles de l'Union européenne - Confédération générale des coopératives agricoles de l'Union européenne.

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