N° 3

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 3 octobre 2007

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant la ratification de l'acte portant révision de la convention sur la délivrance de brevets européens ,

Par M. Hubert HAENEL,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Serge Vinçon, président ; MM. Jean François-Poncet, Robert del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, André Boyer, Robert Hue, vice - présidents ; MM. Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, Jacques Peyrat, André Rouvière, André Trillard, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mmes Paulette Brisepierre, Michelle Demessine, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Hubert Haenel, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Daniel Percheron, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Yves Rispat, Josselin de Rohan, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, M. André Vantomme, Mme Dominique Voynet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : 64, 167 et T.A. 33

Sénat : 473 (2006-2007)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi a pour objet d'autoriser la ratification de l'Acte portant révision de la Convention sur la délivrance de brevets européens du 5 octobre 1973.

Les modifications apportées par l'Acte de révision ne concernent pas le régime linguistique du brevet européen.

Elles portent uniquement sur les dispositions institutionnelles et organisationnelles, sur le droit matériel des brevets, ainsi que sur les procédures devant l'Office européen des brevets.

La modification du régime linguistique du brevet européen résulte d'un autre accord, le Protocole de Londres, qui vise à alléger les exigences en matière de traduction, afin de réduire les coûts de traduction du brevet européen, dont le projet de loi autorisant la ratification est parallèlement soumis au Sénat et qui fait l'objet d'un autre rapport de votre Rapporteur 1 ( * ) .

Avant de décrire les modifications apportées au texte initial de la Convention sur le brevet européen par l'Acte de révision, il convient de rappeler les fondements du système de brevet européen et les principaux défis auxquels il est aujourd'hui confronté.

I. LE SYSTEME DU BREVET EUROPEN DOIT AUJOURD'HUI FAIRE FACE A DE NOUVEAUX DEFIS

Créé il y a plus de trente ans, le système du brevet européen est aujourd'hui victime de son succès. Plusieurs pistes de réforme ont donc été lancées pour l'adapter aux évolutions survenues depuis son entrée en vigueur.

A. DEPUIS PLUS DE TRENTE ANS, LE SYSTEME DU BREVET EUROPÉEN A DEMONTRE SON EFFICACITE

1. La convention sur la délivrance de brevets européens

La Convention sur la délivrance de brevets européens (CBE) a été signée à Munich le 5 octobre 1973 et est entrée en vigueur le 7 octobre 1977, après avoir été ratifiée par sept États, dont la France. Cette convention a institué le brevet européen et créé l'Office européen des brevets (OEB).

La Convention sur le brevet européen, également appelée « Convention de Munich », est un traité international classique, dont le champ géographique est plus étendu que celui de l'Union européenne puisqu'il couvre aujourd'hui 32 États, dont l'ensemble des États membres de l'Union européenne.

La Convention de Munich fournit un cadre juridique pour la délivrance des brevets européens, par l'intermédiaire d'une procédure unique et harmonisée devant l'Office européen des brevets.

2. Le brevet européen

Le système du brevet européen se caractérise par une procédure unique de dépôt et de délivrance des brevets par le biais de l'Office européen des brevets. Une demande de brevet unique dans une seule langue peut être déposée qui permet de bénéficier d'une protection dans tout ou partie des pays parties à la convention.

Une fois délivré, le brevet européen éclate en un faisceau de brevets nationaux dans les États que son titulaire a désignés comme ceux dans lesquels il souhaite que son invention soit protégée. De ce fait, le brevet européen n'est pas un titre unitaire mais il demeure régi par les lois nationales, notamment en ce qui concerne le contentieux des brevets.

Le brevet européen ne doit pas être confondu avec le brevet communautaire, qui n'est encore qu'au stade du projet et qui serait un titre unitaire valable pour l'ensemble du territoire de l'Union européenne.

3. L'Office européen des brevets

L'Office européen des brevets (OEB) est l'organe exécutif de l'Organisation européenne des brevets.

Son siège se trouve à Munich. Il possède également un département à La Haye et des bureaux à Berlin, Vienne et Bruxelles.

L'office emploie environ 6 500 agents, dont 1 100 Français.

Les trois langues officielles de l'Organisation européenne des brevets sont l'allemand, l'anglais et le français.

L'OFFICE EUROPÉEN DES BREVETS

L'Office européen des brevets (OEB) a pour mission d'encourager l'innovation, la compétitivité et la croissance économique dans l'intérêt des Européens. Sa tâche consiste à délivrer des brevets d'invention européens sur la base d'une procédure centralisée pour les États parties à la Convention sur le brevet européen (CBE), convention signée à Munich le 5 octobre 1973 et entrée en vigueur le 7 octobre 1977.

L'OEB est l'organe exécutif de l'Organisation européenne des brevets, qui est un organisme international créé conformément à la CBE et dont les membres sont les États parties à la CBE. Les activités de l'Office sont supervisées par le Conseil d'administration de l'Organisation, qui est composé des délégués de ces États. L'OEB a son siège à Munich, un département à La Haye ainsi que des agences à Berlin et à Vienne. Avec environ 6 500 agents, l'OEB est une des plus grandes institutions européennes.

Les États parties à la CBE sont actuellement les vingt-sept États membres de l'Union européenne, l'Islande, le Liechtenstein, Monaco, la Suisse et la Turquie, soit 32 pays.

Les demandes de brevet européen et les brevets européens peuvent également être étendus, sur requête du demandeur, à l'Albanie, à la Bosnie-Herzégovine, à la Croatie, à l'ex-République yougoslave de Macédoine, à la Serbie et au Monténégro. Le brevet européen couvre ainsi une région de plus de 540 millions d'habitants.

L'OEB a été créé en vue de renforcer la coopération entre les pays européens dans le domaine de la protection des inventions. Cet objectif a été réalisé par l'adoption de la CBE, qui permet d'obtenir une protection par brevet dans plusieurs États contractants ou dans la totalité de ceux-ci en déposant une seule demande de brevet dans l'une des trois langues officielles de l'OEB (allemand, anglais et français). La CBE définit également les normes régissant le traitement des brevets délivrés conformément à cette procédure.

Plus de deux décennies ont démontré clairement les avantages de cette approche. Depuis sa création en 1977, l'OEB a enregistré plus de 2,2 millions de demandes de brevet européen et délivré quelque 760 000 brevets européens. Par ailleurs, l'Office s'est imposé comme la première adresse pour les procédures internationales au titre du Traité de coopération en matière de brevets, traité qui permet de demander une protection par brevet dans plus de cent pays sur la base d'une seule demande de brevet.

Source : OEB

B. UN SYSTÈME AUJOURD'HUI CONFRONTÉ A PLUSIEURS DÉFIS

1. L'augmentation du nombre d'États membres et du nombre de brevets européens

Alors qu'elle comptait moins d'une dizaine de pays membres lors de sa création, il y a plus de trente ans, l'Organisation européenne des brevets compte aujourd'hui 32 États parties et devrait réunir dans un avenir proche plus d'une quarantaine de pays.

Par ailleurs, le nombre de dépôt de brevets, qui était de l'ordre de 3000 par an pour la dizaine d'États parties, est passé à plus de 180 000 demandes de brevet chaque année.

2. Les évolutions technologiques et juridiques

La Convention sur la délivrance de brevets européens a été élaborée il y a plus de trente ans, dans un contexte politique, économique et social très différent.

Depuis 1973, les technologies ont considérablement progressé et la jurisprudence sur les brevets s'est enrichie de nombreux cas.

3. Les limites du système européen des brevets

Le système du brevet européen se heurte à une double limite.

a) Un coût financier non négligeable

La première limite est d'ordre financier. Le coût d'accès au brevet européen est sensiblement plus élevé que celui du brevet américain ou japonais. On considère généralement qu'il est au moins 2 à 3 fois plus coûteux de protéger une invention en Europe qu'au Japon ou aux Etats-Unis. Cela tient à la multiplicité des procédures de validation, à l'existence de taxes de maintien en vigueur dans l'ensemble des pays désignés et à l'exigence d'une traduction intégrale du brevet dans les langues des pays désignés.

b) Une sécurité juridique incertaine

La seconde limite a trait à la sécurité juridique en l'absence d'harmonisation des litiges. Chaque brevet européen relève, en matière de contentieux, du juge national. Et rien de garantit qu'une décision d'un juge dans un pays fasse l'objet, pour un litige identique, d'une même décision dans un autre pays.

C. UN SYSTÈME QUI FAIT ACTUELLEMENT L'OBJET D'UNE VASTE REFORME

Le système du brevet européen fait aujourd'hui l'objet de plusieurs pistes de réformes.

a) La modernisation de la Convention de Munich

A l'occasion d'une conférence intergouvernementale réunie à Paris en juin 1999, les États membres de l'Organisation européenne des brevets ont décidé de lancer un processus de modernisation du système du brevet européen avec pour objectif de le simplifier, de le rendre plus facilement accessible aux entreprises et de l'adapter aux évolutions techniques et juridiques intervenues depuis son entrée en vigueur, il y a plus de trente ans.

La conférence diplomatique pour la révision de la Convention sur le brevet européen a eu lieu à Munich, du 20 au 29 novembre 2000.

Les représentants des 20 États membres de l'époque y ont discuté plus d'une centaine d'amendements afin d'assurer l'efficacité du système du brevet européen et son adaptabilité aux évolutions technologiques et juridiques.

A l'issue de la conférence, les représentants des États contractants ont signé l'Acte final de la conférence dans lequel ils déclarent avoir établi et arrêté le texte de l'Acte portant révision de la Convention sur la délivrance de brevets européens, désormais dénommée « CBE 2000 ».

Le présent projet de loi a pour objet d'autoriser la ratification de cette convention.

b) La réforme du régime linguistique

C'est l'objet du Protocole de Londres, qui vise à modifier le régime linguistique du système de brevet européen, en allégeant les exigences de traduction, afin de diminuer les coûts de traduction.

Le projet de loi autorisation la ratification du Protocole de Londres est parallèlement soumis au Sénat et fait l'objet d'un autre rapport de votre Rapporteur.

c) La création d'un système juridictionnel

Cette piste a également été engagée à l'occasion de la conférence intergouvernementale de Paris en 1999. Elle a conduit à la rédaction d'un projet d'accord sur le règlement des litiges en matière de brevet européen -aussi désigné sous le nom d'EPLA (« European Patent Litigation Agreement »)- qui vise à instituer une juridiction centralisée compétente pour traiter des actions relatives à la validité et à la contrefaçon du brevet européen, avec une Cour européenne des brevets, comprenant un tribunal de première instance et une cour d'appel. Il s'agirait d'un système facultatif qui s'appliquerait aux seuls États membres de l'OEB qui décideraient d'y adhérer.

Ce projet n'a cependant toujours pas été signé par les États parties aux discussions et la France n'envisage pas, en l'état actuel du projet, de participer à ce mécanisme.

d) L'articulation future du brevet européen avec le brevet communautaire

Depuis plus de trente ans, les États membres de l'Union européenne discutent de la création d'un brevet communautaire sans toutefois parvenir à un accord.

Ce brevet communautaire n'a pas vocation à remplacer les systèmes de brevets nationaux ou le système du brevet européen, mais à coexister avec eux.

A la différence du brevet européen, le brevet communautaire devrait avoir un caractère unitaire et autonome, c'est-à-dire qu'il produira les mêmes effets dans l'ensemble de l'Union européenne.

La création du brevet communautaire s'accompagnerait de la mise en place d'une juridiction communautaire de propriété intellectuelle centralisée afin de garantir l'unicité de droit et la cohérence de la jurisprudence.

La mise en place du brevet communautaire nécessiterait une révision de la Convention de Munich étant donné que le brevet communautaire serait délivré, à l'image du brevet européen, par l'Office européen des brevets.

II. LA MODERNISATION DE LA CONVENTION SUR LA DÉLIVRANCE DE BREVETS EUROPÉENS

Les modifications apportées à la Convention sur la délivrance de brevets européens par l'Acte de révision concernent à la fois les dispositions institutionnelles, le droit matériel des brevets européens, ainsi que les procédures devant l'Office européen des brevets.

A. LES RÉFORMES INSTITUTIONNELLES

1. L'institutionnalisation de la conférence ministérielle

Afin de donner une plus grande légitimité politique à l'Organisation européenne des brevets, l'Acte de révision prévoit d'institutionnaliser les conférences des ministres compétents en matière de protection de la propriété intellectuelle des États membres.

Dorénavant, les ministres concernés devraient se réunir, au moins tous les cinq ans, pour examiner les questions relatives à l'Organisation européenne des brevets et au système du brevet européen.

Bien que l'absence de dispositions expresses en ce sens n'empêche pas la convocation de telles conférences, comme le prouve la tenue des conférences intergouvernementales de Paris en 1999 et de Londres en 2000, leur institutionnalisation permet d'exprimer clairement la revendication d'un pilotage politique de l'Organisation européenne des brevets.

L'institutionnalisation de la conférence ministérielle ne modifie en rien la compétence des organes de l'Organisation européenne des brevets (l'Office et le Conseil d'administration). Cette dernière n'a donc pas pour tâche de rendre des décisions ayant force obligatoire pour l'Office européen des brevets. Sa mission et sa signification sont de nature politique.

La conférence ministérielle pourra fixer des objectifs précis à l'Office européen des brevets. Elle pourra également mettre en place des coopérations entre les États contractants, le cas échéant dans des domaines qui sortent du domaine d'application de la Convention.

La Conférence intergouvernementale convoquée par la France en juin 1999 constitue un très bon exemple de cette action politique : d'une part, elle a délivré à l'Office européen des brevets un mandat de réforme de la CBE (qui fait l'objet du présent projet de loi) et, d'autre part, elle a été à l'origine de l'élaboration d'accords entre les États contractants relatifs aux exigences en matière de traduction (le Protocole de Londres) et au règlement des litiges (le projet d'accord EPLA).

2. La simplification de la procédure d'adaptation de la Convention de Munich aux textes internationaux et communautaires

Actuellement, la Convention sur la délivrance de brevets européens ne peut être révisée que par une conférence des États contractants. La préparation et l'organisation de telles conférences sont longues et coûteuses et elles n'offrent pas la souplesse nécessaire pour adapter la convention à l'évolution du droit international et communautaire en matière de brevets.

C'est la raison pour laquelle l'Acte de révision prévoit que le Conseil d'administration sera dorénavant compétent pour adapter les prescriptions matérielles et procédurales de la Convention sur la délivrance de brevets européens afin d'assurer leur conformité avec les traités internationaux et la législation communautaire en matière de brevets. Le Conseil d'administration de l'Office européen des brevets pourra faire usage de cette compétence si un traité international, une convention ou un texte communautaire contient une ou plusieurs prescriptions se rapportant au droit des brevets.

Cette simplification du mécanisme d'adaptation de la CBE est cependant soumise à plusieurs conditions :

- la décision du Conseil d'administration requiert l'unanimité ;

- tous les États contractants doivent être représentés lorsque la décision est prise ;

- chaque État contractant dispose d'un délai de douze mois, à compter de la date de la décision, durant lequel il peut déclarer ne pas être lié par cette décision. Ce délai permet aux représentants de l'État contractant au sein du Conseil d'administration de consulter les organes législatifs nationaux pour déterminer si la décision peut être acceptée ;

- le Conseil d'administration ne peut pas prendre de décision avant que le traité international ou l'acte législatif communautaire ne soit entré en vigueur ou, lorsque ce dernier prévoit un délai pour sa mise en oeuvre, avant que ce délai ne soit échu.

Par ailleurs, il convient également de relever que, pour faciliter à l'avenir les modifications des articles de la CBE, de nombreuses dispositions à caractère procédural ou administratif ont été supprimées dans les articles de la CBE et transférés dans le règlement d'exécution de la Convention.

3. L'intégration dans la Convention d'autres accords conclus entre les États parties

De nouvelles dispositions sont prévues pour assurer l'articulation de la Convention sur la délivrance de brevets européens avec des accords que les États parties pourraient conclure à l'avenir sur des questions relatives au brevet européen qui relèveraient du droit national. Cela concerne notamment d'éventuels accords relatifs au régime linguistique -à l'image du Protocole de Londres- ou portant sur les litiges en matière de brevets européens.

B. LES MODIFICATIONS DU DROIT MATÉRIEL DES BREVETS

Dans une large mesure, l'Acte de révision laisse le droit matériel des brevets inchangé. Au-delà de quelques précisions ou confirmations de la jurisprudence, la principale innovation concerne la protection des applications thérapeutiques ultérieures visant à compenser l'exclusion de la brevetabilité des méthodes de traitement thérapeutique.

1. La protection des applications thérapeutiques ultérieures

Les substances ou compositions sont considérées comme nouvelles si elles sont utilisées pour la première fois dans une méthode thérapeutique, au sens de l'article 53(c) CBE 2000. Cette disposition offre une compensation partielle à l'exclusion de la brevetabilité de méthodes thérapeutiques. Le but de cette compensation est d'éviter que les médecins ne soient gênés dans l'exercice de leur profession par les brevets existants.

La Grande Chambre de recours interprète l'article 54(5) CBE 2000 de manière large puisque ce dernier ne compense qu'en partie l'exclusion de méthodes thérapeutiques. Par conséquent cette disposition s'applique à chaque application thérapeutique ultérieure, pour autant que la revendication en question se limite à une forme précise, appelée « forme de revendication suisse». Cette forme de revendication, qui trouve son fondement dans la pratique de l'office des brevets suisse, permet une revendication limitée, dans la mesure où elle représente l'utilisation d'une substance ou d'une composition pour la fabrication d'un médicament en vue d'un nouvel usage thérapeutique précis. Cette pratique a été reprise par la Grande Chambre de recours de l'Office européen des brevets 2 ( * ) , ainsi que par la plupart des tribunaux nationaux et des divisions de recours des offices des brevets des États parties à la CBE. Le tribunal d'arrondissement de La Haye s'est cependant écarté de cette pratique le 16 février 2000. Il a estimé que la forme de revendication suisse décrivait effectivement une méthode thérapeutique et qu'elle n'était de ce fait pas brevetable. Le nouvel article de la Convention, tel qu'il est issu de l'Acte de révision, élimine l'insécurité juridique concernant la brevetabilité d'applications thérapeutiques ultérieures, due notamment à la décision du tribunal de La Haye. Ainsi, toute application thérapeutique ultérieure d'une substance ou d'une composition qui est déjà connue comme médicament bénéficiera à l'avenir d'une protection limitée à l'application de cette substance.

2. L'inclusion des « équivalents » dans le champ de la protection des brevets européens : le protocole sur l'interprétation de l'article 69 de la Convention

Le système de la CBE vise à garantir une protection unifiée du brevet européen dans tous les États contractants. Cela implique une application aussi uniforme que possible du droit matériel des brevets, notamment une définition identique de l'étendue de la protection. Étant donné que se sont les tribunaux nationaux qui appliquent les prescriptions de la CBE aux actions en violation de brevets européens, il est tout à fait possible que l'étendue de la protection d'un brevet européen diffère d'un État contractant à un autre.

La CBE définit à son article 69 et dans le protocole interprétatif de cet article, qui fait partie intégrante de la CBE, comment se détermine l'étendue de la protection des brevets européens. L'expérience a montré que ces prescriptions n'avaient pas permis d'atteindre le but visé, autrement dit une application et une interprétation aussi unifiée que possible. On relève, en particulier, des divergences en relation avec le traitement de ce que l'on appelle les « équivalents » (il s'agit de moyens dont l'utilisation conduit essentiellement au même résultat que ceux nommés dans la revendication) et la signification des indications antérieures sur la validité du brevet que son demandeur, respectivement son titulaire, a faites dans la demande ou dans le fascicule du brevet lors de la procédure de délivrance devant l'Office ou lors d'autres procédures devant des tribunaux.

Au regard de la complexité de cette problématique et du manque de temps dont disposait la Conférence diplomatique pour discuter de tous les aspects de cette proposition présentée à court terme, il a été décidé d'intégrer une règle minimale dans la CBE et de poursuivre les discussions relatives à cette question. Seule la notion d'équivalents figure donc dans le protocole interprétatif de l'article 69, sans toutefois qu'elle n'y soit définie.

C. LES MODIFICATIONS DE LA PROCÉDURE DEVANT L'OFFICE EUROPÉEN DES BREVETS ET DE L'ORGANISATION INTERNE DE L'OFFICE

1. Les modifications de la procédure

Deux modifications importantes sont apportées concernant la procédure devant l'Office européen des brevets.

a) La procédure de limitation ou de révocation

Actuellement, le titulaire d'un brevet européen ne peut pas limiter ou révoquer son brevet au moyen d'une procédure administrative centrale qui déploierait ses effets dans tous les États dans lesquels le brevet européen a été validé. Il doit engager une procédure nationale de limitation de son brevet dans chaque État où son titre de protection a pris effet.

Une nouvelle procédure centralisée de limitation permettra désormais au titulaire du brevet européen de limiter ou de révoquer son brevet dans le cadre d'une procédure administrative devant l'Office européen des brevets produisant des effets pour tous les États désignés.

La révocation ou la limitation du brevet européen, qui s'effectue par une modification des revendications, devra être demandée par le titulaire au moyen d'une requête payante. Le traitement des requêtes de limitation ou de révocation incombe à une division d'examen de l'Office.

Les effets de la décision de limitation ou de révocation d'un brevet européen entreront en force rétroactivement, lors de la publication, pour tous les États contractants désignés. Autrement dit, le brevet est réputé avoir eu dès l'origine les effets résultant d'une limitation ou d'une révocation.

b) La requête en révision

Une nouvelle procédure de révision est introduite dans la Convention sur la délivrance de brevets européens : la requête en révision des décisions d'une des chambres de recours de l'Office. Selon l'Acte de révision, c'est la Grande chambre de recours qui sera compétente pour examiner de telles requêtes.

Jusqu'à présent, la Grande chambre ne prenait que des décisions sur des questions de droit qui lui étaient soumises par les chambres de recours ou par le président de l'Office. Afin d'éviter que la Grande Chambre de recours ne soit surchargée par des requêtes en révision, les requêtes qui seront clairement irrecevables ou non fondées à l'ouverture de la procédure pourront être rejetées. Pour juger de la recevabilité ou non de telles requêtes, des commissions spéciales seront instituées. Elles rejetteront ces requêtes en révision à l'unanimité. La recevabilité fera l'objet d'une procédure écrite et sommaire afin que, dans l'intérêt des tiers, un jugement soit rendu aussi rapidement que possible.

Cette nouvelle procédure de révision d'une décision prise par une chambre de recours de l'Office ne sera possible que pour certains motifs, tels que l'existence d'un vice fondamental de procédure ou d'une infraction pénale ayant pu avoir une incidence sur la décision. La requête en révision a pour objet de remédier à des irrégularités survenues au cours de la procédure mais elle ne doit pas apparaître comme un moyen de réexaminer l'application du droit matériel.

Toute partie à la procédure qui s'estimerait lésée par la décision contestée pourra déposer une requête en révision. Cette requête n'aura pas d'effet suspensif.

Dans le cas d'une annulation, il est prévu une compensation des intérêts entre le titulaire du brevet et les tiers de bonne foi.

2. Les modifications de l'organisation interne de l'Office

Pour des raisons historiques, c'est en Allemagne et aux Pays-Bas qu'ont été installés les départements de l'Office européen des brevets chargés de l'examen et de la délivrance des brevets européens. D'après la Convention sur la délivrance de brevets européens de 1973, la recherche doit se faire à La Haye, alors que l'examen au fond s'effectue à Munich. Étant donné qu'il est aujourd'hui possible d'effectuer des recherches à n'importe quel endroit à l'aide d'outils électroniques, le partage des travaux n'est plus nécessaire. Cette évolution a été à l'origine du projet dit « BEST » (« Bringing Examination and Search Together » ).

L'objectif poursuivi en rassemblant les activités de recherche et d'examen au fond est non seulement une augmentation de la productivité, mais aussi une amélioration de la qualité et une plus grande efficacité, l'examinateur de la recherche étant aussi chargé de l'examen au fond.

Cette évolution nécessitait d'adapter la Convention sur la délivrance de brevets européens. En outre, le Protocole sur la centralisation a été modifié de sorte que l'Office peut, s'il le souhaite, procéder à une répartition géographique des domaines techniques entre La Haye et Munich pour l'examen au fond.

Afin de répondre aux préoccupations des Pays-Bas en ce qui concerne la réduction des emplois résultant de cette procédure, un Protocole sur les effectifs a été introduit dans la Convention. Celui-ci garantit que le nombre d'emplois auprès de l'Office qui est assigné au département de La Haye pour l'année 2000 reste pour l'essentiel inchangé.

* 1 Rapport n° 4 (2007-2008) sur le projet de loi n° 474 (2006-2007) autorisant la ratification de l'accord sur l'application de l'article 65 de la convention sur la délivrance de brevets européens .

* 2 Voir Décision de la Grande Chambre de recours du 5 décembre 1984, G 5/83, JO OEB 1985, 64.

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