N° 38

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 17 octobre 2007

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques (1) sur le projet de loi relatif au parc naturel régional de Camargue ,

Par M. Jean BOYER,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Paul Emorine, président ; MM. Jean-Marc Pastor, Gérard César, Bernard Piras, Gérard Cornu, Marcel Deneux, Pierre Herisson, vice-présidents ; MM. Gérard Le Cam, François Fortassin, Dominique Braye, Bernard Dussaut, Jean Pépin, Bruno Sido, Daniel Soulage, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Gérard Bailly, René Beaumont, Michel Bécot, Jean-Pierre Bel, Joël Billard, Michel Billout, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Jean-Pierre Caffet, Raymond Couderc, Roland Courteau, Jean-Claude Danglot, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Jean Desessard, Mme Evelyne Didier, MM. Philippe Dominati, Michel Doublet, Daniel Dubois, Alain Fouché, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Adrien Giraud, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Odette Herviaux, MM. Michel Houel, Benoît Huré, Charles Josselin, Mme Bariza Khiari, M. Yves Krattinger, Mme Elisabeth Lamure, MM. Gérard Larcher, Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Claude Lise, Daniel Marsin, Jean-Claude Merceron, Dominique Mortemousque, Jacques Muller, Mme Jacqueline Panis, MM. Jackie Pierre, Rémy Pointereau, Ladislas Poniatowski, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Thierry Repentin, Bruno Retailleau, Charles Revet, Henri Revol, Roland Ries, Claude Saunier, Mme Odette Terrade, MM. Michel Teston, Yannick Texier.

Voir le numéro :

Sénat : 10 (2007-2008)

introduction

« Pour protéger, il faut d'abord convaincre.

c'est la méthode la plus longue, la plus dure,

mais aussi la plus solide,

la plus démocratique et la plus digne »

Henri Beaugé

Lurs en provence

Septembre 1966

Le projet de loi qui nous est soumis est un peu particulier car il entend régler un cas d'espèce : le statut juridique de l'organisme gestionnaire du parc naturel de Camargue.

Il est justifié par le contexte juridique excessivement complexe qui fait planer, à très court terme, une menace réelle sur la survie institutionnelle de ce parc, alors même que son territoire concerne des espaces naturels d'une très grande diversité biologique, façonnés par la main de l'homme et dépendants des activités qui y sont pratiquées.

L'ensemble des personnes concernées par le parc, tant les collectivités territoriales que les acteurs locaux -propriétaires fonciers, exploitants agricoles, éleveurs, chasseurs, pêcheurs et usagers- est soucieux de préserver le label « parc naturel régional » pour ce territoire d'exception, qui illustre l'équilibre subtil à maintenir entre préservation des espaces naturels et développement des activités économiques.

L'examen de ce projet et son adoption dans les plus brefs délais concrétisent un intense travail de concertation mené avec l'ensemble des parties prenantes, qu'il convient de saluer. Il permet de relancer la dynamique du parc naturel régional de Camargue, acteur incontournable pour assurer la cohérence des politiques conduites sur ce territoire emblématique.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. UN CONTEXTE JURIDIQUE PLUS QU'INCERTAIN QUI CONSTITUE UNE MENACE POUR UN TERRITOIRE D'EXCEPTION

A. LA CAMARGUE : UN TERRITOIRE D'EXCEPTION, MODELÉ PAR L'ACTIVITÉ HUMAINE

1. Des espaces naturels riches à plus d'un titre,

La Camargue s'inscrit dans le delta du Rhône, unique en France par son ampleur -150.000 hectares- et elle se caractérise par la richesse biologique de ses écosystèmes. Située dans l'axe de migration des oiseaux du nord de l'Europe qui empruntent le couloir rhodanien vers l'Afrique, la Camargue est à la fois une zone d'hivernage, une zone de nidification et une zone de halte migratoire.

Le parc naturel régional (PNR) de Camargue s'inscrit dans le delta du Rhône -entre le petit Rhône et le grand Rhône- sur une superficie terrestre de 85.690 ha et 34.300 ha d'espaces marins, sur le territoire de deux communes seulement : Arles et les Saintes-Maries de la Mer. Il compte 7.394 habitants, répartis entre les deux communes et des hameaux.

La présence d'une avifaune nombreuse et diversifiée constitue la caractéristique essentielle de la Camargue : on dénombre 398 espèces, soit plus de la moitié des espèces présentes en France, dont 132 espèces nicheuses.

On y recense 115 espèces d'oiseaux considérées comme patrimoniales et qui se répartissent dans les familles suivantes : ardéidés (hérons) : 10 espèces, anatidés (canards, oies) : 27 espèces, limicoles (chevaliers, bécasseaux) : 31 espèces, laridés (mouettes, goélands, sternes) : 15 espèces, autres oiseaux d'eau : 28 espèces.

De très nombreuses espèces sont protégées au niveau national et international. Sur les 20 espèces d'oiseaux inscrites « en danger » sur la liste rouge nationale, 5 sont présentes en Camargue . Il s'agit du blongios nain, de la nette rousse, de la sarcelle d'été, de la glaréole à collier et de la marouette ponctuée.

Pour les flamants roses , les effectifs sont en augmentation depuis 50 ans, notamment grâce à l'aménagement d'un îlot de reproduction sur le domaine des salins de Giraud. Aujourd'hui, les effectifs nicheurs (12.000 couples environ) et hivernaux semblent stables. La Camargue est le seul site de nidification de France et le plus important de l'ouest méditerranéen .

Par ailleurs, 10 espèces d'amphibiens, soit 31 % de ceux répertoriés en France et 15 espèces de reptiles (38 % des reptiles de France) sont présents en Camargue. La Camargue est ainsi un site d'importance nationale pour la cistude d'Europe, tortue sauvage carnivore aquatique qui fréquente les marais et les canaux d'eau douce.

Enfin, 44 espèces de mammifères sont recensées, sur 109 répertoriées en France, dont 15 possèdent une valeur patrimoniale forte, comme le castor, la genette, la musaraigne aquatique et le campagnol amphibie.

Le total des espaces naturels représente 54,5 % du territoire camarguais.

Les deux facteurs qui influencent les écosystèmes végétaux présents en Camargue sont la salinité et le degré de submersion marine des sols. La charte du PNR de Camargue identifie six types d'écosystèmes 1 ( * ) .

La ripisylve des bords du Rhône et les bois . Ils sont composés d'arbres remarquables (peupliers blancs, frênes...) où nichent les hérons arboricoles (aigrette garzette, hérons bihoreaux, crabiers et garde-boeufs) et des rapaces (faucon, milan noir, épervier d'Europe). Ces milieux constituent par ailleurs l'un des habitats de prédilection des castors).

Les dunes fluviatiles reliques et les prairies pérennes . Milieux doux et secs, occupant les terres les plus hautes, les pelouses à graminées et certaines formations reliques ont fortement régressé au profit de l'agriculture. La richesse des espèces dans les montilles est ainsi menacée.

Les enganes et les sansouires . Milieux saumâtres et salés, ils abritent les associations végétales les plus originales, composées en grande partie de plantes halophiles (salicornes). Quelques espèces d'oiseaux y nichent. Ces milieux pâturés par taureaux et chevaux ont régressé et n'occupent plus que 16,5 % (sansouires) du territoire.

Les marais partiellement ou totalement submergés . Ces milieux sont en partie recouverts de roselières qui constituent un lieu de nidification pour les hérons pourprés, les rousserolles... Ils ont diminué et n'occupent plus que 9.800 ha (11,5 %). Les petits marais ouverts servent de lieu de remise pour de nombreux anatidés migrateurs d'hiver alors que l'été, les limicoles y trouvent leur nourriture (chevaliers, échasses, barges...).

Les lagunes salées (salins et étangs inférieurs) . Elles constituent des milieux saumâtres à hypersalés et sont parfois asséchées en été, mettant, dans ce cas, en danger, la population piscicole qu'elles abritent. Dans les étangs saumâtres et salés nichent quelques espèces caractéristiques, notamment les sternes, les avocettes, l'huitrier-pie et les flamants roses.

Les dunes côtières et les plages . Elles représentent des milieux fragiles et soumis à de fortes pressions. Les dunes, remparts de protection naturels contre la mer sont couvertes d'une végétation composée essentiellement d'oyats. Une partie des dunes de la Petite Camargue sablonneuse est encore coiffée de bois de pins. Les dunes hébergent une faune entomologique assez riche qui attire certains oiseaux ; toutefois, les espèces nicheuses sont rares. Les dunes font l'objet de soins attentifs pour leur sauvegarde ou leur reconstitution. La plage subit par endroits une forte régression en raison de la remontée du niveau des mers et de la diminution des apports alluviaux du Rhône. Sa largeur varie de quelques mètres à plusieurs centaines de mètres lorsque la mer est calme.

Source : Charte du parc naturel régional de Camargue.

* 1 Ecosystèmes végétaux décrits en 1970 (Molinier et Talon) et 1994 (Réserve nationale de Camargue).

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