B. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : SOUTENIR UN PROJET DE LOI AUX OBJECTIFS LÉGITIMES

1. Approuver l'esprit du projet de loi

Les pouvoirs publics ne peuvent plus tolérer la corruption et tout particulièrement lorsqu'elle concerne leurs agents. A cet égard, le président de la section française de l'O.N.G. Transparency International , M. Daniel Lebègue, au cours de son audition, a salué la démarche emblématique du gouvernement tendant à faire figurer un projet de loi sur la corruption parmi les premiers textes inscrits à l'ordre du jour prioritaire de la présente session . Il a interprété cette démarche comme le signe d'un « engagement fort ».

A l'heure où le gouvernement souhaite restaurer la confiance des citoyens dans la justice de leur pays , il paraît en outre essentiel de soutenir le présent projet de loi qui renforce ses moyens d'action .

Enfin, votre commission se félicite de ce que cette réforme assure une transposition fidèle des textes qui l'inspirent .

Le principe d'assimilation entre le régime des infractions impliquant des agents publics nationaux et le régime des incriminations de même nature impliquant des agents publics étrangers ou internationaux apparaît de bonne méthode législative . Il témoigne en effet d'une volonté d'appréhender la corruption dans toutes ses dimensions, nationales comme internationales.

Votre commission se réjouit en particulier de ce que le point de vue du gouvernement ait évolué dans un sens favorable à la répression des actes de délinquance financière internationale.

En effet, en 2005, lors de l'adoption de la loi de ratification de la convention pénale sur la corruption du 27 janvier 1999 44 ( * ) , le gouvernement avait annoncé son intention de formuler une réserve à la convention pénale à propos de l'incrimination de corruption passive d'agents publics étrangers et de membres d'assemblées publiques étrangères 45 ( * ) .

A l'époque, il avait fait valoir les difficultés d'application susceptibles de résulter de ce dispositif notamment s'agissant de la mise en évidence de faits accomplis à l'étranger. Il avait également marqué le souci de prévenir toute critique d'ingérence dans les affaires intérieures d'un Etat étranger.

Comme l'a indiqué le ministère de la justice à votre rapporteur, « cette préoccupation a, par la suite, cédé le pas devant l'exigence de réciprocité », compte tenu du très faible nombre d'Etats ayant formulé une telle réserve 46 ( * ) . Ainsi le gouvernement a t-il fait sien l'objectif poursuivi par la convention de « montrer la solidarité de la communauté des Etats face à la corruption, partout où celle-ci se produit » (rapport explicatif).

Il est en revanche permis de regretter que le texte n'ait pas étendu le trafic d'influence aux actes impliquant des agents publics étrangers alors même que la France a contribué à faire entrer cette infraction dans le champ de la convention pénale du Conseil de l'Europe.

Les magistrats entendus par votre rapporteur ont à cet égard souligné l'intérêt pratique de cette incrimination , plus souple à utiliser que la corruption.

Le président de la section française de Transparency International , M. Daniel Lebègue, a porté un jugement sévère sur cette lacune du texte, jugeant choquant que la France s'aligne sur les législations pénales les moins exigeantes en matière de lutte contre la corruption.

Le choix du gouvernement est néanmoins explicable, à défaut d'être compréhensible, compte tenu des enjeux économiques qui s'y attachent.

2. D'indispensables réformes complémentaires

Un renforcement des moyens alloués aux juridictions économiques et financières spécialisées apparaît nécessaire .

Dans le cadre d'une conférence organisée en juin 2007 par l'organisation Transparency International , Mme Isabelle Prévost-Desprez 47 ( * ) , magistrate ayant exercé les fonctions de juge d'instruction à la section financière du tribunal de grande instance de Paris, a dressé un bilan positif de la spécialisation des juridictions, les magistrats disposant de ce fait de solides compétences techniques .

Elle a cependant relevé la nécessité de renforcer la formation internationale des magistrats financiers français .

La pénurie des personnels auxiliaires et notamment des greffes , préoccupe également les magistrats spécialisés, comme l'a signalé Mme Xavière Siméoni au cours de son audition.

Sensible à ces inquiétudes, le garde des sceaux, Mme Rachida Dati, au cours des débats à l'Assemblée nationale, le 10 octobre dernier, s'est engagée à inscrire dans le projet de loi de finances pour 2008 les moyens humains et matériels nécessaires au bon fonctionnement du pôle économique et financier de Paris.

Cette évolution va dans le bon sens.

Il serait néanmoins souhaitable que les autres juridictions spécialisées en matière économique et financière et chargées de traiter les affaires de corruption disposent de moyens à la hauteur de la difficulté de leurs missions. La technicité des infractions concernées l'exige en effet.

Par ailleurs, la lutte contre la corruption ne peut faire l'économie d'une règlementation draconienne, en matière de déontologie, à l'égard des autorités administratives indépendantes (A.A.I.) qui interviennent dans les domaines exposés à ce phénomène. Certaines A.A.I. comme le Conseil de la Concurrence, l'Autorité des Marchés Financiers ou l'Autorité de Régulation des Communications électroniques et des Postes sont composées de magistrats mais aussi de représentants du monde de l'entreprise et des établissements financiers. Pour ces derniers, il serait utile de prévoir des règles de contrôle de patrimoine et d'incompatibilité plus rigoureuses que celles actuellement en vigueur.

*

* *

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission vous propose d'adopter sans modification le présent projet de loi .

* 44 Voir rapport n° 102 de M. André Rouvière (Sénat, session 2004-2005) au nom de la commission des affaires étrangères, page 3.

* 45 Comme l'y autorise l'article 37 de cette convention.

* 46 Portugal, Monaco et Azerbaïdjan.

* 47 Actuellement vice-présidente à la 15 ème chambre du tribunal de grande instance de Nanterre (délits économiques et financiers).

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page