Rapport n° 124 (2007-2008) de M. Jacques BLANC , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 12 décembre 2007

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N° 124

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 12 décembre 2007

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l' approbation de l' accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Turquie sur l' encouragement et la protection réciproques des investissements ,

Par M. Jacques BLANC,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Serge Vinçon, président ; MM. Jean François-Poncet, Robert del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, André Boyer, Robert Hue, vice - présidents ; MM. Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, Jacques Peyrat, André Rouvière, André Trillard, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mmes Paulette Brisepierre, Michelle Demessine, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Hubert Haenel, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Daniel Percheron, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Yves Rispat, Josselin de Rohan, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, M. André Vantomme, Mme Dominique Voynet.

Voir le numéro :

Sénat : 78 (2007-2008)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord avec la Turquie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, signé à Ankara le 15 juin 2006.

La France a conclu de nombreux accords de ce type avec des Etats tiers, plus de quatre-vingt dix à ce jour, mais aucun ne la liait encore avec la Turquie, avec qui notre pays a conclu, le 18 février 1987, une convention fiscale.

Or les flux d'investissements entre les deux pays ont fortement progressé, accompagnant la forte croissance que connaît la Turquie depuis 2002.

Le présent accord vise par conséquent à apporter aux investisseurs un ensemble de garanties que le droit interne turc tend progressivement à leur accorder sous l'effet, notamment, de l'examen de sa législation dans le cadre des négociations d'adhésion à l'Union européenne.

I. LE DYNAMISME DE L'ÉCONOMIE TURQUE FAVORISE LE DEVELOPPEMENT DES ÉCHANGES

A. UNE ÉCONOMIE EN CROISSANCE

Pour les investisseurs, la Turquie représente un marché de 73 millions d'habitants avec une population jeune, la moitié a moins de 25 ans, et dynamique : l'économie a cru en moyenne de 7,2 % sur la période 2002-2005.

En union douanière avec l'Union européenne depuis 1996, le pays est de plus en plus ouvert. La Turquie est signataire de douze accords de libre échange et le commerce extérieur représente plus de la moitié de son PIB : le volume de ses échanges commerciaux a atteint 222 milliards de dollars en 2006.

Accompagnant cette croissance soutenue, les investissements directs étrangers ont fortement progressé pour atteindre 20 milliards de dollars en 2006.

B. LE DÉVELOPPEMENT DES ÉCHANGES COMMERCIAUX BILATÉRAUX

La Turquie constitue pour la France un partenaire économique majeur. Les relations économiques bilatérales ont profité du dynamisme de l'économie turque, de son ouverture commerciale depuis la mise en place de l'accord d'union douanière avec l'Union Européenne en 1996 et de sa modernisation sous l'effet des réformes structurelles.

Les échanges commerciaux ont été multipliés par 5 en 10 ans et approchent aujourd'hui 10 milliards d'euros par an. En 2006, la France était le cinquième fournisseur de la Turquie avec 5,2 milliards d'euros d'exportations (et un excédent commercial bilatéral, bien qu'en diminution, de près d'un milliard d'euros) et une part de marché de près de 5 %. La Turquie est le douzième client de la France et le cinquième hors de l'Union européenne.

Les importations françaises de produits turcs ont progressé selon un rythme encore plus soutenu pour atteindre 4,2 milliards d'euros en 2006. Elles placent la Turquie au cinquième rang des fournisseurs du marché français.

Les investissements français en Turquie ont connu une progression très rapide au cours des quinze dernières années. Le nombre d'implantations est passé de 15 en 1985 à un chiffre voisin de 250. Celles-ci emploient environ 45 000 personnes. A ce jour, les investissements directs étrangers mobilisés par la France en Turquie totalisent plus de 3 milliards de dollars en stocks. Sur la période 2002 à 2006, la France se situait au 4ème rang des investisseurs étrangers en Turquie.

II. UN ACCORD NÉCESSAIRE À L'ACCOMPAGNEMENT D'INVESTISSEMENTS CROISSANTS

A. UN ACCORD PROCHE DE L'ACCORD TYPE

L'accord est globalement très proche de l'accord-type de protection des investissements qui vise à garantir aux investisseurs une protection contre le risque politique. Dans son préambule, il rappelle le souhait des deux parties de renforcer la coopération économique et de créer les conditions favorables pour les investissements français en Turquie et turcs en France.

L'Accord comporte dix articles et un protocole.

Il précise, dans l'article 1 er , la définition des principaux termes. L'accord retient une définition assez large des investissements ; il s'applique aux investissements existants, ainsi qu'à ceux réalisés après son entrée en vigueur.

Chaque partie accorde à l'autre le traitement de la Nation la plus favorisée, c'est-à-dire le traitement le plus favorable accordé aux investissements étrangers. Des exceptions sont prévues pour les avantages résultant d'accords économiques régionaux, comme l'Union européenne, ainsi que pour les questions fiscales.

En cas d'expropriation, limitée aux seuls cas d'utilité publique, une indemnisation prompte et adéquate est prévue. En cas de sinistre lié à des événements politiques, chaque partie applique aux investisseurs de l'autre partie le même traitement qu'à ses propres investisseurs ou à ceux de la nation la plus favorisée.

L'accord fixe le principe du libre transfert des revenus des investissements sous la réserve de déséquilibres exceptionnels de la balance des capitaux pour une durée maximale de six mois.

La dénonciation de l'Accord nécessite un préavis d'un an et les investissements réalisés bénéficient d'une garantie de quinze ans.

B. UN MODE SPÉCIFIQUE DE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS

Le seul écart significatif avec l'accord-type porte sur l'adjonction d'un protocole, dont l'objet est de prévenir les investisseurs sur le champ de compétence du Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux Investisseurs (C.I.R.D.I.).

En effet, la République Turque n'a pas donné compétence au C.I.R.D.I pour régler les différends relatifs au droit de propriété et au droit réel sur les biens immobiliers. Les tribunaux turcs détiendront donc la compétence pour régler ces différends.

III. UNE ÉVOLUTION FAVORABLE DU RÉGIME DES INVESTISSEMENTS ÉTRANGERS EN TURQUIE

A. LA LIBÉRALISATION DU RÉGIME DES INVESTISSEMENTS

La Turquie a procédé à une libéralisation significative du régime des investissements étrangers par une loi du 5 juin 2003, dont l'objectif est d'encourager les investissements directs étrangers, de protéger les droits des investisseurs étrangers et d'harmoniser ses définitions des investissements avec les règles internationales. Ce texte prévoit que les investissements directs étrangers ne peuvent être ni expropriés, ni nationalisés et que les profits et dividendes peuvent être librement transférés.

Il offre, par conséquent, en droit interne des garanties similaires à celles offertes par l'accord de protection des investissements.

B. LES RELATIONS AVEC L'UNION EUROPÉENNE

L'accord d'association, qui lie la Turquie à l'Union européenne depuis 1964, prévoit la levée progressive des restrictions à la libre circulation des capitaux ; la libre circulation des capitaux est réalisée depuis 1989, à l'exception de certaines restrictions maintenues par la Turquie en matière d'immobilier et d'investissements dans un certain nombre de secteurs.

Dans un rapport d'évaluation de 2004, la commission européenne notait que le « programme de réforme pour l'amélioration des conditions d'investissement en Turquie », ainsi que les autres mesures adoptées n'avaient abouti qu'à des résultats très limités. L'acquis en matière de systèmes de paiement et de lutte contre le blanchiment de capitaux devait encore être transposé et mis en oeuvre.

Le processus de négociations en vue de l'adhésion à l'Union européenne, ouvert en octobre 2005, représente par ailleurs un aiguillon très fort pour les réformes.

Dans le cadre des négociations, deux chapitres sont plus particulièrement liés à l'investissement : le chapitre 3, relatif au droit d'établissement et à la libre fourniture de services, et le chapitre 4, relatif à la libre circulation des capitaux.

Pour le chapitre 4 « libre circulation de capitaux », des critères d'ouverture ont été définis : la Turquie doit présenter un plan d'action pour s'aligner sur l'acquis communautaire, ce qui implique des évolutions du cadre législatif et un renforcement des capacités administratives turques en la matière. L'un des points bloquant est notamment relatif à la levée des restrictions qui pèsent actuellement sur les investissements directs étrangers provenant de l'Union européenne.

Le chapitre 3 « droit d'établissement / libre prestations de services » fait partie d'une liste de huit chapitres gelés par une décision du Conseil du 15 décembre 2006, du fait notamment du non-respect par la Turquie de ses obligations au titre du protocole d'Ankara sur l'extension de l'Union douanière à Chypre. Deux critères d'ouverture ont donc été définis pour ce chapitre, un relatif à ce respect des obligations, l'autre concernant la mise en place d'une stratégie d'action détaillée d'alignement sur l'acquis, notamment relativement à la liberté d'exercice de professions encadrées (avocats, architectes...).

La Commission relève, dans son rapport de novembre 2007, qu'il existe des restrictions aux investissements étrangers dans le domaine de la radio, de la télévision, du tourisme, des transports maritimes, aériens et routiers. Certaines restrictions sont imposées pour l'achat de biens immobiliers par les étrangers.

Les progrès de la Turquie dans le cadre de ces négociations se poursuivent. Parallèlement à ce processus, l'amélioration du cadre juridique de l'investissement au travers d'un accord bilatéral de promotion et de protection des investissements représente donc une avancée pour les investisseurs français.

CONCLUSION

L'accord entre la France et la Turquie sur l'encouragement et la protection réciproques vise à apporter des garanties aux investisseurs contre les risques politiques.

Les échanges franco-turcs et les investissements français en Turquie ont fortement crû sur la période récente accompagnant l'importante croissance économique que connaît ce pays depuis 2002.

L'évolution économique de la Turquie est telle que ces échanges devraient se poursuivre et se renforcer. Il importe, pour développer encore une relation déjà très forte, de conforter le climat de confiance nécessaire à l'action des investisseurs et de marquer une volonté d'accroître encore les échanges.

C'est pourquoi votre Commission vous demande de bien vouloir adopter le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent rapport lors de sa séance du mercredi 12 décembre 2007.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a alors adopté le projet de loi et proposé que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Turquie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole additionnel), signé à Ankara le 15 juin 2006, et dont le texte est annexé à la présente loi 1 ( * ) .

ANNEXE - ÉTUDE D'IMPACT2 ( * )

PROJET DE LOI

autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française

et le Gouvernement de la République de Turquie

sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements

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FICHE D'EVALUATION JURIDIQUE

I - État de droit existant

Les entreprises qui investissent dans un pays étranger, outre les risques économiques encourus pour toute opération d'investissement (évolution du marché, évolution des changes, fluctuations des coûts de production...), s'exposent à des risques de nature spécifiquement politique : nationalisation, traitement discriminatoire, par exemple pour l'accès à des infrastructures ou à des matières premières, limitation à la possibilité de rapatrier en France les revenus retirés de l'investissement réalisé.

En l'absence d'un cadre multilatéral de protection des investissements internationaux, la protection juridique des investisseurs français à l'étranger repose généralement sur des accords bilatéraux de ce type, les législations des États d'accueil n'étant pas toujours suffisamment protectrices, et s'avérant, en tout état de cause, susceptibles de modifications à tout moment. L'introduction de cet instrument juridique dans notre ordre interne facilitera le règlement d'éventuels contentieux par la voie d'arbitrage.

L'accord signé avec la Turquie permettra à l'État, conformément à l'article 26 de la loi de finances rectificative n° 71-1025 du 24 décembre 1971, d'accorder, par l'intermédiaire de la COFACE, des garanties aux investisseurs français pour leurs opérations dans ce pays.

II - Modifications à apporter au droit existant

Néant./.

* 1 Voir le texte annexé au document Sénat n° 78 (2007-2008)

* 2 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires

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