Rapport n° 306 (2007-2008) de M. Pierre BERNARD-REYMOND , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 30 avril 2008

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N° 306

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 29 avril 2008

Enregistré à la Présidence du Sénat le 30 avril 2008

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE, portant modernisation du marché du travail ,

Par M. Pierre BERNARD-REYMOND,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mme Claire-Lise Campion, MM. Bernard Seillier, Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Annie David, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Jean-Paul Amoudry, Gilbert Barbier, Pierre Bernard-Reymond, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontès, Sylvie Desmarescaux, Muguette Dini, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Etienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Francis Giraud, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, Annie Jarraud-Vergnolle, Christiane Kammermann, MM. Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Mme Raymonde Le Texier, MM. Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Louis Pinton, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, Patricia Schillinger, Esther Sittler, MM. Alain Vasselle, François Vendasi.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : 743 , 789 et T.A. 133

Sénat : 302 (2007-2008)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Les partenaires sociaux ont conduit à l'automne dernier une négociation qui a abouti à la conclusion, le 11 janvier 2008, d'un accord national interprofessionnel (ANI) sur la modernisation du marché du travail.

Cet accord s'inscrit dans une démarche, désormais classique au niveau européen, de flexisécurité, qui consiste à combiner flexibilité et sécurité pour les salariés et pour les entreprises. Largement pratiquée dans les pays voisins, la flexisécurité est facteur de compétitivité économique et de création d'emplois. Son objectif est de permettre aux entreprises d'adapter rapidement leurs effectifs aux variations de leur production, sans que les travailleurs soient pour autant soumis à la précarité. Elle suppose d'inventer de nouveaux dispositifs qui protègent les salariés dans les phases de transition entre deux emplois. De ce point de vue, la notion de « portabilité des droits », qui figure dans l'accord, constitue une grande avancée.

La conclusion de cet accord révèle un changement d'état d'esprit de la part des organisations patronales et syndicales, et une plus grande maturité de la démocratie sociale qui sont, en eux-mêmes, sources de satisfaction. Votre commission est en effet persuadée que l'élaboration des normes de droit du travail par la voie de la négociation collective est un gage d'efficacité : elle permet de définir des règles proches des réalités du terrain et les règles ainsi définies sont ensuite mieux acceptées par les différents acteurs.

Le projet de loi que le Sénat est amené à examiner reprend seulement les dispositions de nature législative qui figurent dans l'accord. Son économie générale doit donc être appréciée à la lumière de l'ensemble des stipulations de l'ANI. Une partie des mesures tendant à « sécuriser » le parcours professionnel des salariés seront définies lors de la négociation de la future convention d'assurance chômage ou à l'occasion de la réforme de la formation professionnelle.

Ce nouveau partage des rôles entre les partenaires sociaux - qui définissent des règles - et le législateur - auquel il est demandé de les transposer - amène votre commission à s'interroger sur l'espace qui reste dévolu au Parlement en matière de législation du travail. Il lui incombe, certes, de ne pas dénaturer l'accord conclu, sans quoi les partenaires sociaux ne seraient guère incités à s'engager, à l'avenir, dans d'autres négociations difficiles puisqu'ils n'auraient aucune assurance que leur compromis sera respecté. En même temps, les parlementaires ne sauraient renoncer à tout pouvoir d'appréciation. Il convient donc de trouver la voie étroite qui concilie le respect de l'accord des partenaires sociaux et celui des responsabilités du législateur.

Ces interrogations ne modifient cependant pas le regard positif que porte votre commission sur ce texte, qui devrait aider à dépasser la logique du conflit, encore trop présente dans notre pays, au profit d'une culture, plus féconde, de la négociation, du compromis et de la responsabilité.

I. L'ACCORD DU 11 JANVIER 2008, UN PAS VERS LA FLEXISÉCURITÉ

L'intérêt de l'accord conclu par les partenaires sociaux réside autant dans la méthode suivie que dans les stipulations qu'il contient.

A. UN SUCCÈS DU DIALOGUE SOCIAL

L'accord conclu par les partenaires sociaux constitue une première application réussie de la procédure instituée par la loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007, qui prévoit que toute réforme du droit du travail est précédée d'une concertation avec les organisations patronales et syndicales.

En application de cette procédure, le Gouvernement a adressé aux partenaires sociaux, le 18 juin 2007, un « document d'orientation sur la modernisation du marché du travail et la sécurisation des parcours professionnels ». Partant du constat que les trajectoires professionnelles sont de plus en plus heurtées, ce document propose aux partenaires sociaux de rechercher « un nouvel équilibre susceptible de concilier à la fois le développement des entreprises, la mobilité de l'emploi, inhérente aux mutations économiques, et la sécurité des salariés ».

Les partenaires sociaux ont été invités à négocier plus précisément dans trois domaines :

- la réforme du contrat de travail : la multiplicité des contrats de travail conduisant à une segmentation du marché du travail, le Gouvernement a demandé que soit examinée dans le détail l'idée de créer un contrat de travail unique ; il a suggéré que les négociations abordent, notamment, la question du régime et de la durée de la période d'essai, des modalités de rupture du contrat, du régime des indemnités de licenciement et du développement de procédures alternatives à la saisine du juge ;

- la sécurisation des parcours professionnels : la transférabilité des droits acquis par le salarié, l'accompagnement individualisé du demandeur d'emploi, l'anticipation des restructurations, la formation tout au long de la vie sont autant d'instruments qui doivent être mobilisés pour aider les salariés à mieux gérer les changements d'emploi ;

- le régime d'assurance chômage : il s'agit ici de rendre son fonctionnement plus lisible, d'inciter plus fortement à la reprise d'emploi et d'améliorer l'efficacité du service public de l'emploi (SPE).

Les organisations patronales et syndicales ont fait connaître dès le 19 juin leur intention d'engager une négociation sur ces différents sujets. Après une première réunion exploratoire le 4 juillet, les discussions ont véritablement débuté à la rentrée de septembre 2007.

Comme l'a souligné un des représentants syndicaux auditionnés par la commission 1 ( * ) , la négociation s'est déroulée à un rythme soutenu, puisque seize réunions ont été tenues en seulement quatre mois. Le Gouvernement avait en effet demandé que les négociations soient achevées à la fin de l'année 2007, sans quoi il aurait repris l'initiative et déposé rapidement un projet de loi.

Les partenaires sociaux ont finalement bénéficié d'un court délai supplémentaire, qui leur a permis de mettre au point leur accord le 11 janvier 2008. L'accord national interprofessionnel (ANI) sur la modernisation du marché du travail a été signé par les trois organisations d'employeurs - le mouvement des entreprises de France (Medef), la confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) et l'union patronale de l'artisanat (UPA) - et par quatre syndicats représentatifs sur cinq - la confédération française démocratique du travail (CFDT), force ouvrière (FO), la confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) et la confédération française de l'encadrement-confédération générale des cadres (CFE-CGC). Seule la confédération générale du travail (CGT) a refusé de parapher l'accord.

B. UN ACCORD ÉQUILIBRÉ

L'ANI, qui est publié en annexe de ce rapport, concilie des éléments de flexibilité pour les entreprises et des protections nouvelles pour les salariés. Il compte dix-neuf articles répartis en quatre parties.

-Pour « faciliter l'entrée dans l'entreprise et le parcours en emploi » (première partie de l'accord), les partenaires sociaux ont décidé une série de mesures, parmi lesquelles on trouve notamment :

- la réaffirmation du principe selon lequel le contrat à durée indéterminée (CDI) est la forme normale et générale de la relation de travail (article 1 er ) ;

- le développement de l'orientation professionnelle, par exemple en facilitant l'intervention de professionnels dans les établissements d'enseignement (article 2) ;

- l'encadrement de la durée de la période d'essai, qui est réduite lorsque le salarié a déjà effectué un stage dans l'entreprise (articles 3 et 4) ;

- un accompagnement spécifique des jeunes demandeurs d'emploi (article 3) ;

- la diminution de l'ancienneté requise dans l'entreprise pour bénéficier de certaines prestations (article 5) ;

- le développement des compétences et des qualifications des salariés, passant notamment par un bilan d'étape professionnel (article 6) ;

- le renforcement de la formation professionnelle, par un meilleur accès à la validation des acquis de l'expérience (VAE) et la diffusion du « passeport formation » (article 7) ;

- l'aide à la mobilité professionnelle et géographique (article 8) ;

- une nouvelle impulsion donnée à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) (article 9).

-Pour « sécuriser les contrats et améliorer le retour à l'emploi » (deuxième partie de l'ANI), les organisations patronales et syndicales ont jugé utile :

- de clarifier le régime juridique de clauses spécifiques du contrat de travail : clauses de mobilité, de non-concurrence, délégation de pouvoir (article 10) ;

- de « sécuriser » la rupture du contrat de travail (articles 11 et 12), en réaffirmant notamment le principe selon lequel tout licenciement doit être motivé, en organisant une nouvelle procédure de rupture conventionnelle du contrat de travail et en créant un nouveau contrat à durée déterminée (CDD) et à objet défini, dont le terme correspond à la réalisation de l'objet pour lequel il a été conclu ;

- de mutualiser le financement des dépenses d'indemnisation dues en cas de licenciement d'un salarié pour une inaptitude causée par une maladie ou par un accident d'origine non professionnelle (article 13) ;

- d'autoriser la portabilité de certains droits (article 14) : il s'agit de permettre au salarié de continuer à bénéficier, après qu'il a perdu son emploi, de certains droits normalement liés à son contrat de travail. L'accord prévoit ainsi que le salarié dont le contrat de travail a été rompu conserve sa couverture complémentaire santé et prévoyance, pendant une durée au moins égale à trois mois et ne pouvant excéder un tiers de sa durée d'indemnisation par l'assurance chômage. Le salarié pourra également utiliser ses droits acquis au titre du droit individuel à la formation (Dif) pendant une période de chômage ou chez son nouvel employeur ;

- de rénover la prise en charge des demandeurs d'emploi (articles 15 à 18), en améliorant leur accès à la formation, en pérennisant leur revenu de remplacement, en renforçant leur accompagnement et en assumant une logique de droits et de devoirs qui suppose un contrôle de la recherche d'emploi et une définition de l'offre valable d'emploi ;

- de sécuriser le portage salarial, qui est une nouvelle forme d'organisation de l'emploi tendant à faire bénéficier du statut de salarié des personnes dont l'activité professionnelle est proche de celle d'un travailleur indépendant (article 19).

Les deux dernières parties sont consacrées aux modalités de mise en oeuvre de l'accord. Le projet de loi portant modernisation du marché du travail a précisément pour objet de transcrire dans la loi une partie de ses stipulations.

II. LE PROJET DE LOI TRANSPOSE LES DISPOSITIONS DE NATURE LÉGISLATIVE CONTENUES DANS L'ACCORD NATIONAL INTERPROFESSIONNEL

A. LES DIFFÉRENTES MODALITÉS DE MISE EN oeUVRE DE L'ACCORD

Certaines stipulations de l'ANI seront mises en oeuvre par les partenaires sociaux eux-mêmes, mais d'autres nécessitent l'intervention des pouvoirs publics.

1. L'organisation de nouvelles négociations

Les partenaires sociaux sont eux-mêmes convenus d'ouvrir de nouvelles négociations pour rendre applicables certaines des stipulations de l'ANI. Ils ont notamment prévu de se réunir, au cours du premier semestre 2008, pour négocier la nouvelle convention d'assurance chômage. Des discussions ultérieures viseront à décliner les principes posés dans l'ANI en matière de GPEC, de bilan d'étape professionnel ou de clauses spécifiques du contrat de travail.

Trois groupes de travail doivent par ailleurs élaborer de nouvelles propositions pour prolonger certaines pistes ouvertes par l'ANI. Le premier réfléchira au renforcement de l'efficacité du « 1 % logement » 2 ( * ) , en vue de favoriser la mobilité et l'insertion professionnelle des jeunes. Le deuxième examinera les prochaines avancées qu'il est possible de réaliser en matière de portabilité des droits. Le troisième est chargé de réfléchir à la manière dont il serait possible de dissocier, quand un licenciement est insuffisamment motivé, la sanction des irrégularités de procédure de celle des irrégularités de fond.

Les partenaires sociaux ont également décidé de procéder, en temps utile, à l'évaluation de deux dispositifs : le CDD à objet défini et le portage salarial.

2. L'adoption de mesures législatives et règlementaires

La validité de certaines stipulations de l'ANI est subordonnée à l'adoption de dispositions législatives et réglementaires adaptant les textes en vigueur.

Dans l'exposé des motifs du projet de loi, le Gouvernement indique que plusieurs décrets et arrêtés sont en préparation. Les décrets porteront sur le montant de l'indemnité de licenciement, la phase de conciliation prud'homale, la durée du délai de carence en cas d'indemnisation de la maladie et la période de consultation du comité d'entreprise sur le plan de formation. Ils seront complétés par un arrêté édictant le formulaire type permettant de faciliter la procédure de rupture conventionnelle du contrat de travail ; ce formulaire est élaboré avec les partenaires sociaux dans le cadre d'un groupe de travail tripartite.

Le Gouvernement prépare en outre l'arrêté d'extension qui donnera force obligatoire à l'ANI pour toutes les entreprises et tous les salariés compris dans son champ d'application.

Le projet de loi transpose pour sa part une dizaine de mesures de nature législative.

B. LES PRINCIPALES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI

Le projet de loi est organisé autour de trois dispositifs essentiels, auxquels s'ajoutent deux dispositions qui présentent un caractère plus transitoire mais dont l'importance est non négligeable.

1. Trois dispositions essentielles

Le projet de loi introduit une nouvelle procédure de rupture conventionnelle du contrat de travail, crée le CDD à objet défini et détermine le régime de la période d'essai.


• La rupture conventionnelle du contrat de travail

L'objectif de cette mesure est de favoriser la rupture du contrat de travail par une négociation à l'amiable, plutôt que d'avoir recours à la procédure de licenciement qui se révèle souvent conflictuelle.

La rupture conventionnelle est rigoureusement encadrée, de manière à garantir la liberté de consentement des parties. Elle est décidée lors d'un ou plusieurs entretiens, au cours desquels le salarié et l'employeur peuvent se faire assister, et donne lieu à la signature d'une convention de rupture, soumise ensuite, pour homologation, à la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP).


• Le CDD à objet défini

Ce nouveau type de contrat est conclu pour la réalisation d'un objet précis et arrive à échéance lorsque cet objet est réalisé. D'une durée comprise entre dix-huit et trente-six mois, il ne peut être signé que par des cadres et ingénieurs et à condition qu'un accord de branche ou d'entreprise l'autorise. Ce dispositif est créé, à titre expérimental, pour une période de cinq ans.


• Le nouveau régime de la période d'essai

Le projet de loi fixe une durée maximale à la période d'essai, variable selon la catégorie d'emploi à laquelle appartient le salarié. Il introduit un délai de prévenance, c'est-à-dire un délai minimum que chacune des parties doit respecter entre le moment où elle annonce son intention de rompre le contrat en cours de période d'essai et le moment où cette rupture devient effective. Enfin, le projet de loi réduit la durée de la période d'essai qui peut être imposée au salarié si celui-ci a déjà effectué un stage dans l'entreprise.

2. Deux dispositifs transitoires d'une portée non négligeable


• La suppression du contrat « nouvelles embauches » (CNE)

Créé par voie d'ordonnance en 2005, le CNE présente la particularité de pouvoir être rompu pendant les deux premières années sans que l'employeur ait à énoncer le motif de la rupture. En contrepartie, le salarié bénéficie d'une indemnisation plus élevée et l'employeur verse une somme à l'assurance chômage pour que celle-ci puisse financer des actions d'accompagnement du salarié.

Le CNE a cependant été jugé non conforme à une convention de l'organisation internationale du travail, à laquelle la France est partie, et qui pose comme règle de principe la motivation du licenciement.

Le projet de loi en tire les conséquences en abrogeant le CNE et en requalifiant en CDI de droit commun les CNE en cours au moment de l'application de la loi.


• La légalisation du portage salarial

Le portage, qui organise une relation triangulaire entre une entreprise de portage, une personne portée et une entreprise cliente, se révèle intéressant pour organiser des transitions entre le statut de salarié et celui de travailleur indépendant ou pour répondre aux besoins de seniors en fin de carrière, mais sa légalité est souvent contestée. Le projet de loi propose de le légaliser en le définissant dans le code du travail et en renvoyant à une négociation de branche le soin de l'organiser.

*

* *

Les autres dispositions du projet de loi apportent des changements parfois significatifs mais plus ponctuels, tels que le rétablissement du caractère libératoire du reçu pour solde de tout compte, qui implique que le salarié renonce à toute réclamation passé un certain délai, ou la diminution de deux à un an de l'ancienneté requise pour percevoir une indemnité de licenciement.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Votre commission porte un jugement positif sur l'ANI et sur le projet de loi qui en découle. Désireuse d'encourager le dialogue social, elle souhaite que les grands équilibres du texte soient préservés et ne proposera donc d'y apporter que quelques aménagements.

A. UN COMPROMIS POSITIF

L'accord des partenaires sociaux frappe par la richesse des thèmes qu'il aborde et par la variété des propositions qu'il formule, même s'il est vrai que certaines d'entre elles restent exprimées en termes très généraux et devront encore être précisées.

La mesure qui est susceptible d'avoir le plus grand impact sur le fonctionnement du marché du travail est certainement la rupture conventionnelle du contrat de travail. L'accord trouvé par les partenaires sociaux sur ce point révèle une volonté partagée de privilégier désormais les solutions négociées plutôt que les postures conflictuelles.

Il est également remarquable que les partenaires sociaux aient trouvé un accord sur le CDD à objet défini, en encadrant soigneusement ce nouveau dispositif, alors que la proposition, assez voisine, de contrat de mission avancée par le rapport de Virville en 2004 avait été écartée avant même qu'une discussion ait pu s'engager.

On notera toutefois que l'idée de créer un contrat de travail unique ou, à tout le moins, de rationaliser les multiples contrats de travail existants 3 ( * ) , n'a pas été sérieusement examinée. Les partenaires sociaux ont au contraire préconisé la création d'un type de contrat de travail supplémentaire, sous la forme du CDD à objet défini. La question de la simplification du droit des contrats de travail reste donc posée.

L'ANI du 11 janvier 2008 est, comme tout accord, un texte de compromis, ce qui explique que certaines de ses stipulations puissent paraître, à première vue, manquer de cohérence. Ainsi, si les syndicats ont obtenu la réaffirmation du principe selon lequel le CDI est le contrat de droit commun, ils ont dû aussi accepter la création d'un nouveau CDD et la légalisation du portage salarial.

De même, le Medef a surpris les autres délégations en proposant que la rupture conventionnelle soit homologuée par la direction départementale du travail, alors qu'il avait si longtemps combattu l'autorisation administrative de licenciement. Mais il convient de tenir compte du fait que cette proposition était une solution de compromis, destinée à éviter l'intervention du bureau de conciliation prud'homale suggérée par les syndicats.

Le législateur ne peut enfin manquer d'observer que les partenaires sociaux, bien qu'ils demandent souvent que la loi laisse un plus grand espace à la négociation collective, ont cette fois jugé utile que la loi encadre beaucoup plus précisément deux domaines jusqu'ici faiblement réglementés, à savoir la période d'essai et la rupture conventionnelle.

B. DES AJUSTEMENTS RESPECTUEUX DE L'ÉQUILIBRE DE L'ACCORD

Quelles que soient les réserves que peut inspirer tel ou tel point de l'accord, votre commission estime essentiel d'encourager le dialogue social et la recherche de compromis constructifs par les partenaires sociaux. C'est pourquoi elle souhaite que le Parlement respecte l'équilibre qui a été trouvé. Remettre en cause les points fondamentaux de l'ANI ruinerait les efforts entrepris pour bâtir une démocratie sociale plus responsable et favoriserait le retour à des vieux réflexes de confrontation et de contestation.

L'Assemblée nationale a fait preuve de retenue lors de l'examen du texte. Elle a apporté des précisions bienvenues, par exemple pour définir l'objet de la période d'essai ou pour inscrire dans la loi le droit à l'assurance chômage des salariés dont le contrat a été rompu par la voie conventionnelle.

Votre commission vous propose également de n'apporter que peu de modifications à ce projet de loi.


• Concernant la période d'essai , elle suggère de réduire la durée du délai de prévenance quand le salarié n'a été présent dans l'entreprise que pour une très courte durée et d'étendre le bénéfice de ce délai de prévenance aux salariés en CDD.


• En ce qui concerne la rupture conventionnelle , elle souhaite autoriser le chef d'entreprise à se faire assister par un autre employeur du même secteur d'activité ou par un membre de son organisation patronale, afin que le droit reconnu à l'employeur de se faire assister ne reste pas purement théorique dans les très petites entreprises.

Afin de sécuriser encore davantage, sur le plan juridique, la rupture conventionnelle, votre commission serait également favorable à ce que le conseil de prud'hommes statue en premier et dernier ressort.


• Au sujet du CDD à objet défini , votre commission estime utile d'autoriser la rupture du contrat au dix-huitième mois, afin d'introduire un élément de souplesse supplémentaire.


• Concernant enfin le portage salarial , votre commission propose d'autoriser les entreprises d'intérim à exercer cette activité, qui devrait être organisée en concertation avec les fédérations représentatives des entreprises de portage.

*

* *

Sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle vous soumet, votre commission vous demande d'adopter le projet de loi portant modernisation du marché du travail.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er (art. L. 1221-2, L. 2313-5, L. 2323-47 et L. 2323-51 du code du travail) - Information des élus du personnel sur le recours
aux contrats à durée déterminée et aux contrats d'intérim

Objet : Cet article réaffirme que le contrat de travail à durée indéterminée est le contrat de droit commun et prévoit d'améliorer l'information des élus du personnel sur le recours aux contrats précaires.

I - Le dispositif proposé

L'article 1 er du projet de loi s'inspire des dispositions, de nature législative, contenues dans l'article 1 er de l'accord national interprofessionnel (ANI) sur la modernisation du marché du travail du 11 janvier 2008.

-L'article 1 er de l'accord indique que « le contrat à durée indéterminée est la forme normale et générale du contrat de travail ». Puis il prévoit que le chef d'entreprise informe le comité d'entreprise (CE) - ou, à défaut, les délégués du personnel (DP) - des raisons qui l'ont amené à recourir aux contrats à durée déterminée (CDD) et aux contrats de travail temporaire pour accroissement temporaire d'activité ; il informe également le CE ou les DP des raisons qui pourraient le conduire, à l'avenir, à avoir recours à ces mêmes contrats.

-L'article 1 er du projet de loi est proche des termes de l'accord, sans toutefois les reprendre littéralement.

Son paragraphe I propose une nouvelle rédaction du premier alinéa de l'article L. 1221-2 du code du travail 4 ( * ) .

Dans sa rédaction actuelle, le premier alinéa de cet article dispose que « le contrat de travail est conclu pour une durée indéterminée ». Une fois ce principe posé, la suite de l'article indique que, par exception, le contrat de travail peut être conclu pour une durée déterminée, dans les conditions prévues par le code.

Dans la rédaction proposée, le premier alinéa indiquerait que « le contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale de la relation de travail ». La suite de l'article resterait inchangée, sous réserve d'une adaptation rédactionnelle.

Sur le fond, la rédaction proposée n'est pas très différente de celle en vigueur : il s'agit toujours d'affirmer que le contrat de travail est, par principe, un CDI et que le CDD a vocation à n'être que l'exception. Sur la forme, elle présente l'avantage d'être plus proche de la formulation retenue par les partenaires sociaux. Le projet de loi ne retient cependant pas l'idée selon laquelle le CDI serait la forme normale « et générale » du contrat de travail.

Le paragraphe II est relatif à l'information du comité d'entreprise ou des délégués du personnel.

Le vise l'information des délégués du personnel , qui sont élus dans les entreprises comptant au moins onze salariés.

Il propose de compléter l'article L. 2313-5 du code du travail pour prévoir que l'employeur informe, une fois par an, les délégués du personnel des éléments qui l'ont conduit à faire appel, au titre de l'année écoulée, ou qui pourraient le conduire à faire appel, pour l'année à venir, à des CDD ou à des contrats d'intérim.

Précisons que, en l'état actuel du droit, les DP ont déjà accès au registre du personnel, sur lequel sont répertoriés les salariés en CDD ou en mission d'intérim et qu'ils peuvent avoir accès aux contrats de mise à disposition de personnel conclus avec les entreprises d'intérim.

Le porte sur l'information du comité d'entreprise , qui est élu dans les entreprises comptant au moins cinquante salariés. Cet alinéa ne s'applique qu'aux entreprises de moins de trois cents salariés. Le code du travail distingue en effet entre les entreprises employant plus ou moins de trois cents salariés, ces dernières étant soumises à des obligations moins strictes en matière d'information du comité d'entreprise.

L'employeur communique au comité d'entreprise les mêmes informations que celles qui doivent être fournies aux délégués du personnel, c'est-à-dire les éléments qui l'ont conduit à faire appel, au titre de l'année écoulée, ou qui pourraient le conduire à faire appel, pour l'année à venir, à des CDD ou à des contrats d'intérim.

Le impose ensuite les mêmes obligations d'information du CE aux entreprises de plus de trois cents salariés.

La loi impose déjà à l'employeur de communiquer au CE le nombre de CDD et de contrats d'intérim dans l'entreprise ainsi que les motifs qui l'ont conduit à recourir à ces contrats. La nouveauté réside donc seulement dans l'obligation qui lui est faite désormais de donner aussi des indications sur l'année à venir.

Il est à noter que le projet de loi se distingue de l'accord sur un point : l'information fournie par le chef d'entreprise porte sur tous les CDD et contrats d'intérim, alors que l'accord vise seulement ceux conclus en raison d'un « accroissement temporaire d'activité ».

Rappelons en effet que les CDD et les contrats d'intérim ne peuvent être conclus que dans trois cas de figure, énumérés à l'article L. 1242-2 du code du travail :

- le remplacement d'un salarié (ou du chef d'entreprise) absent ;

- l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ;

- les emplois à caractère saisonnier.

Le projet de loi retient donc une obligation d'information plus large que ce que l'accord prévoit.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Sur proposition du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche (SRC), l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable du Gouvernement et de la commission, un amendement pour indiquer que le CDI est la forme normale « et générale » de la relation de travail. Le projet de loi reprend ainsi exactement la formulation retenue par les partenaires sociaux dans l'ANI. Trois amendements rédactionnels ont par ailleurs été adoptés.

III - La position de votre commission

La première partie de cet article a une portée essentiellement politique : il s'agit de réaffirmer que le CDI, facteur de stabilité dans l'emploi, demeure la norme sociale de référence et que les contrats à durée déterminée restent l'exception.

La deuxième partie de l'article a une portée normative plus affirmée, mais ne modifie que légèrement le droit en vigueur. En améliorant l'information des représentants du personnel sur le recours aux contrats précaires, elle devrait toutefois favoriser un dialogue constructif avec le chef d'entreprise susceptible, éventuellement, de limiter le recours à ces contrats.

Votre commission approuve par ailleurs la décision, prise par le Gouvernement après concertation, de prévoir une information sur le recours aux CDD et à l'intérim sans distinguer selon les cas de recours à ces contrats, considérant qu'elle répond à un juste souci de simplicité et de complète information.

Elle vous suggère un amendement pour prévoir que l'information des représentants du personnel devra aussi porter sur les contrats conclus avec une entreprise de portage salarial. Cette extension lui paraît légitime dans la mesure où le portage, qui est décrit plus en détail à l'article 8, fonctionne selon des modalités qui rappellent celles de l'intérim, les personnes portées accomplissant des missions généralement assez courtes.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 2 (art. L. 1221-19 à L. 1221-25 nouveaux du code du travail)- Durée de la période d'essai

Objet : Cet article fixe la durée maximale de la période d'essai et impose le respect d'un délai de prévenance en cas de rupture du contrat de travail au cours de son déroulement.

I - Le dispositif proposé

-Le droit en vigueur

La période d'essai, qui s'effectue au commencement de l'exécution du contrat de travail, a pour objet de permettre aux parties de vérifier que le contrat de travail qu'elles viennent de signer leur convient : pour l'employeur, il s'agit d'évaluer l'aptitude professionnelle du salarié ; pour le salarié, il s'agit d'apprécier si la tâche qui lui est confiée et les conditions de travail dont il bénéficie le satisfont. L'essai ne se présume pas et doit donc être expressément prévu, soit par le contrat de travail lui-même, soit par la convention collective.

La loi ne limite pas la durée de la période d'essai que peut accomplir un salarié en CDI : celle-ci est fixée par le contrat ou par la convention collective. En l'absence de disposition conventionnelle, le juge apprécie si la durée prévue par le contrat est justifiée par la finalité de l'essai et par les fonctions confiées au salarié.

Pour les CDD, le code du travail limite la durée de la période d'essai : elle ne peut excéder une durée calculée à raison d'un jour par semaine, dans la limite de deux semaines, lorsque la durée prévue du contrat est inférieure à six mois, et d'un mois dans les autres cas.

Pendant la période d'essai, chacune des parties a la faculté de rompre à tout moment le contrat de travail, sans formalisme. Le droit du licenciement ne s'applique pas et l'employeur n'a donc pas à fournir de motif s'il prend l'initiative de la rupture. Le respect d'un délai de préavis ne peut non plus être exigé. Le juge contrôle seulement que la rupture du préavis n'est ni discriminatoire ni abusive.

- Les stipulations de l'accord des partenaires sociaux

Les partenaires sociaux ont souhaité harmoniser les pratiques en la matière en fixant, au niveau interprofessionnel , une durée maximale de la période d'essai. Tel est l'objet de l'article 4 de l'ANI.

Cette durée est modulée en fonction de la catégorie professionnelle du salarié. Les partenaires sociaux l'ont fixée, sous réserve qu'un accord de branche n'ait pas prévu de durée plus longue, entre :

- un et deux mois maximum pour les ouvriers et les employés ;

- deux et trois mois maximum pour les agents de maîtrise et les techniciens ;

- trois et quatre mois maximum pour les cadres.

Ils ont également prévu que la période d'essai puisse être renouvelée une fois si un accord de branche étendu le prévoit.

Ils ont ensuite souhaité que l'employeur respecte un délai de prévenance dans le cas où il décide de mettre fin à la période d'essai. Ce délai, qui ne peut avoir pour effet de porter la durée de la période d'essai au-delà des maxima prévus, est fixé à :

- quarante-huit heures au cours du premier mois de présence dans l'entreprise ;

- deux semaines après un mois de présence ;

- un mois après trois mois de présence.

Le salarié qui décide de mettre fin à l'essai est tenu, pour sa part, de respecter un délai de prévenance de quarante-huit heures.

- Les dispositions du projet de loi

Le paragraphe I de cet article propose d'introduire dans le chapitre du code du travail consacré à la « formation et à l'exécution du contrat de travail » une nouvelle section relative à la période d'essai, comportant sept articles.

L'article L. 1221-19 fixe la durée maximale de la période d'essai par catégorie en reprenant les dispositions de l'ANI, soit :

- deux mois pour les ouvriers et employés ;

- trois mois pour les agents de maîtrise et les techniciens ;

- quatre mois pour les cadres.

Le projet de loi se distingue de l'ANI en ce qu'il ne fixe pas de durée minimale à la période d'essai. Il sera donc possible de prévoir une durée plus courte par la voie conventionnelle ou contractuelle.

L'article L. 1221-20 indique ensuite que la période d'essai ne peut être renouvelée qu'une fois si un accord de branche étendu le prévoit. Cet accord fixe aussi les conditions et la durée de ce renouvellement.

Renouvellement compris, la durée de la période d'essai ne peut excéder le double de celle initialement prévue, soit quatre mois pour les ouvriers et employés, six mois pour les agents de maîtrise et les techniciens et huit mois pour les cadres.

L'article L. 1221-21 précise les conditions dans lesquelles ces nouveaux maxima légaux s'articulent avec les durées fixées par la voie conventionnelle.

Il pose d'abord un principe : ces durées sont impératives, ce qui signifie qu'un accord collectif ne peut prévoir de durée plus longue. Des exceptions à ce principe sont cependant mentionnées :

- en premier lieu, une durée plus longue prévue par un accord de branche conclu antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi pourra toujours continuer à s'appliquer. L'intention des partenaires sociaux étant d'autoriser des périodes d'essai plus longues, il convient d'éviter que l'entrée en vigueur de la loi ne produise l'effet inverse dans certaines branches ;

- en second lieu, il est indiqué qu'un accord conclu après l'entrée en vigueur de la loi peut prévoir une durée plus courte . Il en est de même de la lettre d'engagement du salarié ou de son contrat de travail. Ces dispositions peuvent être jugées superfétatoires, dans la mesure où le fait de prévoir une durée maximale dans la loi n'interdit évidemment pas de retenir une durée plus courte dans une convention collective ou dans la loi.

L'article L. 1221-22 , reprenant en cela la jurisprudence en vigueur, souligne que la période d'essai ne se présume pas. Il ajoute qu'elle doit être expressément stipulée dans la lettre d'engagement du salarié ou dans son contrat de travail. En conséquence, il ne suffirait plus qu'une période d'essai soit prévue dans la convention collective applicable à l'entreprise pour que le salarié puisse se la voir valablement imposer.

L'article L. 1221-23 envisage le cas où un jeune stagiaire en entreprise est embauché à l'issue de son stage. Cette hypothèse est envisagée au premier alinéa du a) de l'article 3 de l'ANI.

Il s'applique aux seuls stages intégrés à un cursus pédagogique et réalisés lors de la dernière année d'étude. Il prévoit que la durée du stage est alors déduite de la période d'essai, sans que cela ait pour effet de réduire celle-ci de plus de la moitié, sauf si un accord collectif prévoit des stipulations plus favorables.

L'article L. 1221-24 détermine la durée du délai de prévenance applicable en cas de rupture du contrat en cours ou au terme de la période d'essai à l'initiative de l'employeur.

Il reprend strictement les durées prévues par l'ANI. Il précise que la période d'essai ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance.

Enfin, l'article L. 1221-25 indique que le salarié doit respecter un délai de prévenance de quarante-huit heures s'il prend l'initiative de mettre un terme à la période d'essai.

Le paragraphe II est relatif aux accords de branche conclus avant l'entrée en vigueur de la loi et prévoyant des durées plus courtes pour la période d'essai que celles prévues dans le projet de loi.

Les stipulations de ces accords relatives à la durée de la période d'essai continueront à s'appliquer jusqu'au 30 juin 2009 . Ce délai permettra aux partenaires sociaux, au niveau des branches, de renégocier ces dispositions et d'allonger éventuellement la durée des périodes d'essai autorisées.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a d'abord adopté un amendement définissant l'objet de la période d'essai : elle « permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent ».

Elle a ensuite souhaité corriger une malfaçon rédactionnelle ; comme on l'a vu, le projet de loi indique que la période d'essai ne peut être renouvelée qu'une fois si un accord de branche étendu le prévoit. Littéralement, cette phrase peut signifier que, à défaut d'accord, la période d'essai est renouvelable sans limitation. Telle n'est évidemment pas l'intention des auteurs du texte qui ont simplement voulu signifier que la période d'essai peut être renouvelée une fois, à condition qu'un accord étendu le prévoie. A défaut d'accord, le renouvellement est impossible.

L'Assemblée a enfin adopté un amendement rédactionnel de la commission.

III - La position de votre commission

L'adoption de cet article devrait avoir pour effet d'augmenter, en moyenne, la durée de la période d'essai effectuée par les salariés. Sa portée sera toutefois différenciée selon les branches, dans la mesure où celles-ci prévoient aujourd'hui des durées variables pour la période d'essai.

L'allongement de la période d'essai a été accepté par les syndicats signataires de l'accord qui estiment, contrairement à ce qu'une analyse trop rapide pourrait laisser penser, qu'il ne sera pas facteur de précarité supplémentaire pour les salariés.

En effet, ces syndicats soulignent que l'allongement de la période d'essai devrait dissuader les employeurs d'utiliser le CDD ou l'intérim comme des outils de pré-recrutement, comme cela arrive souvent actuellement, et favoriser, en conséquence, une augmentation de la part des embauches effectuées en CDI.

Votre commission observe en outre que l'allongement de la période d'essai est atténué par l'instauration d'un délai de prévenance. L'obligation de respecter ce délai de prévenance interdira à l'employeur de rompre le contrat à la toute fin de la période d'essai.

Outre deux amendements rédactionnels, votre commission vous suggère d'étendre, par voie d'amendement, le bénéfice de ce délai de prévenance aux salariés en CDD. Il ne paraît pas justifié, en effet, d'introduire une différence de traitement, sur ce point, entre les salariés en CDD et ceux titulaires d'un CDI, alors que le code du travail accorde, en principe, les mêmes droits et garanties à ces deux catégories de salariés.

Elle vous propose également de réduire le délai de prévenance à vingt-quatre heures lorsque la durée de présence dans l'entreprise est inférieure à huit jours. Dans certains secteurs, l'agriculture notamment, et pour certains postes de travail, l'employeur est capable d'apprécier en très peu de temps si le salarié embauché lui convient. Dans ce cas, un délai de prévenance limité à vingt-quatre heures semble suffisant.

Enfin, elle propose de préciser dans le texte que la possibilité de renouveler la période d'essai doit être stipulée dans le contrat de travail ou dans la lettre d'engagement du salarié, comme le prévoit déjà la jurisprudence.

Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 3(art. L. 1226-1 du code du travail) - Ancienneté requise pour bénéficier de l'indemnisation conventionnelle de la maladie

Objet : Cet article abaisse le seuil d'ancienneté requise pour bénéficier de l'indemnisation conventionnelle de la maladie.

I - Le dispositif proposé

L'article L. 1226-1 du code du travail dispose que tout salarié ayant trois ans d'ancienneté dans l'entreprise bénéficie, en cas d'absence au travail justifiée par l'incapacité résultant de maladie ou d'accident, d'une indemnité complémentaire à l'allocation journalière versée par l'assurance maladie pour cause de maladie.

Plusieurs conditions sont cependant prévues :

- l'incapacité doit être attestée par un certificat médical suivi éventuellement d'une contre-visite ;

- le salarié doit avoir justifié de cette incapacité dans un délai de quarante-huit heures ;

- il doit être pris en charge par la sécurité sociale ;

- il doit être soigné sur le territoire national ou dans un Etat membre de la Communauté économique européenne ou de l'Espace économique européen.

Cette indemnité complémentaire permet au salarié de percevoir, pendant les trente premiers jours, 90 % de la rémunération brute qu'il aurait perçue s'il avait continué à travailler, puis les deux tiers pendant les trente jours suivants.

Pour étendre le bénéfice de cette indemnisation complémentaire, il est proposé d'abaisser de trois ans à un an l'ancienneté requise. Cette mesure est prévue à l'article 5 de l'ANI, qui vise à favoriser l'accès à certains droits sociaux, au profit notamment des salariés qui connaissent de fréquents changements d'emploi. Le seuil de trois ans avait été fixé par l'ANI sur la mensualisation du 10 décembre 1977.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

II - La position de votre commission

Votre commission approuve cette disposition qui contribuera à améliorer la couverture santé de nombreux salariés.

Elle vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 4 (art. L. 1232-1, L. 1233-2, L. 1234-9 et L. 1234-20 du code du travail) - Adaptations du droit du licenciement

Objet : Cet article indique que tout licenciement doit être motivé par une cause réelle et sérieuse, diminue l'ancienneté requise pour bénéficier d'indemnités de licenciement et précise les effets juridiques attachés au reçu pour solde de tout compte.

I - Le dispositif proposé

Cet article propose de modifier le titre III du livre II de la première partie du code du travail, consacré à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée.

Son 1° et son 2° portent sur la motivation du licenciement, pour motif personnel et pour motif économique.

Le propose une nouvelle rédaction de l'article L. 1232-1 du code du travail qui dispose actuellement que « tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ».

La nouvelle rédaction conserve cette disposition et précise simplement que le licenciement « est motivé dans les conditions définies par les dispositions du présent chapitre ». Ledit chapitre détermine la procédure applicable au licenciement : obligation d'un entretien préalable, possibilité de se faire assister par un conseiller du salarié, notification.

Le introduit une modification analogue à l'article L. 1233-2, relatif au licenciement pour motif économique. Il est d'abord indiqué que le licenciement est motivé « dans les conditions définies par les dispositions du présent chapitre » : consultation des représentants du personnel, entretien avec le salarié, notification du licenciement, le cas échéant plan de sauvegarde de l'emploi, etc. Puis il est rappelé que le licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Conformes au souhait des partenaires sociaux de réaffirmer l'obligation de motiver les licenciements (point 1 de l'article 11 de l'ANI), ces modifications ne modifient pas véritablement le droit en vigueur. Elles mettent seulement en relief la distinction entre règles de procédure (le licenciement est motivé) et règles de fond (le licenciement est justifié).

Le tend à réduire l'ancienneté requise pour bénéficier d'une indemnité de licenciement. L'article L. 1234-9 du code du travail prévoit actuellement qu'un salarié doit compter deux ans d'ancienneté, au service du même employeur, pour avoir droit à cette indemnité. Il est proposé de ramener cette durée à un an .

Il est également proposé de supprimer le deuxième alinéa du même article L. 1234-9, qui dispose que le taux de l'indemnité de licenciement est différent selon que le motif du licenciement est économique ou personnel.

Aujourd'hui, l'article R. 1234-2 du code du travail prévoit que, dans le cas d'un licenciement pour motif personnel, l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un dixième de mois de salaire par année d'ancienneté. A partir de dix ans d'ancienneté, l'indemnité est augmentée d'un quinzième de mois par année d'ancienneté au-delà de dix ans.

En cas de licenciement pour motif économique, en revanche, l'indemnité ne peut être inférieure à deux dixièmes de mois de salaire par année d'ancienneté, augmentée de deux quinzièmes de mois pour chaque année d'ancienneté au-delà de dix ans.

Dans un souci de simplification et d'équité, les partenaires sociaux ont souhaité qu'une indemnité de rupture unique soit instaurée, alignée sur le montant aujourd'hui le plus favorable (soit un cinquième de mois par année de présence conformément au point 3 de l'article 11 de l'ANI). Le Gouvernement prévoit de prendre par décret les mesures règlementaires nécessaires.

Le définit le solde de tout compte et précise la valeur juridique du reçu pour solde de tout compte , transposant ainsi dans la loi le quatrième point de l'article 11 de l'ANI.

Etabli par l'employeur, le solde de tout compte fait l'inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail. Il est remis au salarié qui en donne reçu à l'employeur.

Jusqu'à la promulgation de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, le reçu pour solde de tout compte avait un effet libératoire , passé un délai de deux mois au cours duquel il pouvait être dénoncé, c'est-à-dire que le salarié reconnaissait qu'il était rempli de ses droits et renonçait à toute réclamation ultérieure. Depuis 2002, le reçu n'a plus que la valeur de preuve des sommes qui y figurent.

Il est proposé de rétablir le caractère libératoire du reçu pour solde de tout compte, à l'expiration d'un délai de six mois, à compter de sa signature, au cours duquel il pourra être dénoncé.

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Outre un amendement rédactionnel, l'Assemblée a adopté un amendement des députés Jean-Pierre Decool, Bernard Gérard, Françoise Hostalier, Marc-Philippe Daubresse, Jacques Remiller, Alain Suguenot et Philippe Martin (Marne) qui précise que le reçu pour solde de tout compte doit être dénoncé par écrit et en étant motivé. Cet amendement a été adopté malgré l'avis défavorable de la commission et du Gouvernement, qui ont fait valoir que l'article D. 1234-8 du code du travail dispose déjà que le reçu pour solde de tout compte ne peut être dénoncé que par lettre recommandée.

III - La position de votre commission

Après les expériences du CNE et du CPE, les organisations syndicales ont insisté pour que le principe de la motivation obligatoire du licenciement soit nettement réaffirmé. Le projet de loi leur donne satisfaction sur ce point. La réaffirmation de ce principe a pour corollaire la disparition du CNE proposée à l'article 9.

Sur le plan pratique, la principale innovation apportée par cet article réside dans le rétablissement du caractère libératoire du reçu pour solde de tout compte. Cette disposition doit être analysée en lien avec la création d'une nouvelle procédure de rupture conventionnelle du contrat de travail, prévue à l'article suivant : ces deux mesures visent à limiter le recours aux tribunaux et à favoriser plutôt la recherche de solutions négociées entre employeur et salarié.

De ce point de vue, l'existence d'un délai de dénonciation relativement long - six mois - constitue une garantie importante pour le salarié. Pendant cette période, le salarié pourra rechercher des conseils et dénoncer le reçu pour solde de tout compte s'il constate que les sommes qui lui ont été versées sont insuffisantes, au regard des dispositions légales et conventionnelles applicables.

Votre commission est peu convaincue par l'ajout de l'Assemblée nationale. D'abord, parce que le code du travail impose déjà que la dénonciation se fasse par écrit, ce qui rend redondante la première précision apportée. Ensuite, parce que l'obligation faite au salarié de motiver la dénonciation du reçu pour solde de tout compte risque de susciter un important contentieux qui aurait pour objet de déterminer si la motivation est suffisante ou non. Comme cet article vise à réduire le nombre d'actions contentieuses, il paraît préférable de reconnaître au salarié le droit de dénoncer le reçu, sans avoir à fournir de justification particulière.

Votre commission vous propose donc d'amender le texte en ce sens et vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 5 (art. L. 1237-11 à L. 1237-16 nouveaux du code du travail,
art. 80 duodecies du code général des impôts, art. L. 242-1 du code de la sécurité sociale et L. 741-10 du code rural) - Rupture conventionnelle du contrat de travail

Objet : Cet article détermine la procédure applicable en cas de rupture conventionnelle du contrat de travail.

I - Le dispositif proposé

Les partenaires sociaux ont souhaité développer la rupture conventionnelle du contrat de travail, qui est abordée à l'article 12 de l'ANI. A cette fin, ils ont proposé que celle-ci soit encadrée par une procédure de nature à garantir la liberté de consentement des parties.

-Actuellement, la rupture du contrat de travail par accord mutuel est tout à fait possible sur le fondement de l'article 1134 du code civil, qui dispose que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». Le contrat, résultant de la volonté des parties, peut être défait par ceux qui l'ont conclu. Pour être valide, ce type de rupture amiable doit être exempt de tout vice du consentement (erreur, violence, dol), conformément au droit général des contrats. Mode distinct de rupture du contrat, la rupture amiable dispense l'employeur d'appliquer le droit du licenciement. Elle n'obéit à aucune règle de procédure définie par la loi. Une fois signé, l'acte constatant la rupture amiable acquiert un caractère irrévocable.

La rupture amiable est cependant peu utilisée, d'abord parce que l'absence de tout formalisme n'est pas de nature à rassurer les parties, ensuite parce que la loi et la jurisprudence ont progressivement restreint son champ d'application. Depuis 1992, la procédure applicable en cas de licenciement économique doit aussi être respectée pour toute rupture du contrat résultant d'un motif économique. La Cour de cassation considère de plus que la rupture négociée n'est valable que si elle est indépendante de tout litige et qu'elle ne peut être utilisée pour mettre un terme au contrat d'un salarié protégé.

-Le projet de loi propose d'insérer dans le code du travail une nouvelle section qui encadre la rupture d'un commun accord du point de vue procédural.

Le paragraphe I complète l'article L. 1231-1 du code du travail qui dispose que « le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié » pour préciser qu'il peut être rompu « d'un commun accord ».

Le paragraphe II insère une nouvelle section dans le chapitre VII du titre III de la livre II de la première partie du code du travail. Ce chapitre, qui intervient après ceux consacrés au licenciement et à la rupture du CNE, est relatif aux « autres modes de rupture », à savoir la démission et le départ en retraite. Cette nouvelle section, intitulée « rupture conventionnelle » compte six articles.

L'article L. 1237-11 définit la rupture conventionnelle en insistant, de manière appuyée, sur la nécessité d'un accord librement consenti entre les parties.

Il est d'abord indiqué que l'employeur et le salarié peuvent convenir « en commun » des conditions de rupture du contrat qui les lie. Puis, que la rupture conventionnelle « ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties ». Ensuite, qu'elle résulte « d'une convention signée par les parties au contrat ». Enfin, qu'elle obéit à une procédure destinée à « garantir la liberté du consentement des parties ». Ces redondances visent sans doute à dissuader l'employeur de faire pression sur le salarié pour l'amener à accepter ce mode de rupture.

L'article L. 1237-12 détermine la première étape de la procédure de rupture conventionnelle : l'employeur et le salarié conviennent de ce mode de rupture lors d'un ou plusieurs entretiens au cours desquels ils peuvent se faire assister.

Le salarié peut se faire assister :

- par un salarié de l'entreprise, qui peut être un représentant du personnel ou un délégué syndical ;

- en l'absence de représentant du personnel dans l'entreprise, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative.

Ces dispositions sont analogues à celles applicables à l'assistance du salarié pendant l'entretien préalable à un licenciement.

L'employeur peut se faire assister si le salarié choisit de faire lui-même usage de cette faculté. Le texte ne précise pas par qui peut être assisté l'employeur ; le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, Xavier Bertrand, a indiqué lors des débats à l'Assemblée nationale que « suivant la jurisprudence de la Cour de cassation en matière d'entretien préalable au licenciement, l'employeur pourra se faire assister uniquement par une personne appartenant au personnel de l'entreprise ». Cette possibilité de se faire assister par un salarié découle du pouvoir de direction qui lui est reconnu dans l'entreprise.

L'article L. 1237-13 précise le contenu de la convention de rupture .

Elle détermine les conditions de la rupture, notamment le montant de l'indemnité versée au salarié (dénommée « indemnité spécifique de rupture conventionnelle »). Cette indemnité, négociée entre l'employeur et le salarié, ne peut être inférieure à celle versée en cas de licenciement.

Elle fixe ensuite la date de la rupture du contrat de travail. Elle intervient au plus tôt le lendemain du jour de l'homologation de la convention par l'autorité administrative. Cette procédure d'homologation est définie à l'article L. 1237-14 présenté ci-après.

A compter de la signature de la convention, les parties disposent d'un délai de rétractation de quinze jours calendaires 5 ( * ) . La rétractation s'effectue par l'envoi à l'autre partie d'une lettre dont il est possible d'attester la date de réception (lettre recommandée avec accusé de réception par exemple).

L'article L. 1237-14 traite de la procédure d'homologation , qui fait intervenir l'administration.

Une fois le délai de rétractation écoulé, la partie la plus diligente adresse une demande d'homologation à l'autorité administrative, en l'occurrence la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP), accompagnée d'un exemplaire de la convention. Un modèle-type de demande d'homologation sera fixé par arrêté ministériel. L'homologation est une condition de validité de la convention.

A compter de la réception de la demande, l'administration dispose d'un délai d'instruction de quinze jours calendaires. Elle s'assure du respect des dispositions prévues par le code du travail et de la liberté de consentement des parties. Si elle n'a pas notifié sa réponse dans ce délai, elle est réputée avoir homologué l'accord et se trouve dessaisie.

Le quatrième alinéa de l'article aborde l'aspect contentieux. Il indique d'abord que l'homologation ne peut faire l'objet d'un litige distinct de celui de la convention. Il unifie ensuite la compétence contentieuse en attribuant tous les litiges relatifs à la convention ou à son homologation au conseil de prud'hommes. Sans cette précision, le contentieux de l'homologation, qui est accordée ou refusée par l'administration, serait revenu à la juridiction administrative. Tout recours administratif est également exclu, c'est-à-dire qu'il sera impossible de former un recours hiérarchique auprès du ministre du travail. Ces restrictions visent à éviter que la conclusion de la convention de rupture ne soit suivie de longues procédures devant les tribunaux.

L'article L. 1237-15 envisage le cas des salariés protégés, visés aux articles L. 2411-1 et L. 2411-2 du code du travail.

Le code du travail recense dix-sept catégories de salariés protégés, parmi lesquels on trouve notamment les élus du personnel (délégués du personnel, membres du comité d'entreprise ou du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail) et les délégués syndicaux.

Ces salariés bénéficient d'un régime protecteur contre le licenciement, destiné à éviter qu'ils ne soient victimes de procédures abusives de la part de leur employeur. Leur licenciement doit ainsi être autorisé par l'inspecteur du travail et le comité d'entreprise doit être consulté. Si l'autorisation donnée par l'inspecteur du travail est ensuite annulée, le salarié protégé a le droit d'être réintégré dans son emploi. Cette procédure présente un caractère impératif : en application de la jurisprudence Perrier , l'employeur ne peut négocier une rupture à l'amiable du contrat de travail de ces salariés 6 ( * ) .

Le projet de loi propose, d'une part, d'autoriser la rupture conventionnelle du contrat de travail de ces salariés, d'autre part, de les faire bénéficier, dans cette hypothèse, d'une protection identique à celle applicable en cas de licenciement. La rupture conventionnelle ne pourra prendre effet, au plus tôt, que le lendemain du jour où l'autorisation aura été accordée par l'inspecteur du travail.

Soulignons que l'autorisation devra être expresse : le silence de l'inspection du travail pendant deux mois vaudra décision implicite de rejet de la demande.

L'article L. 1237-16 prévoit ensuite que le contrat de travail ne peut être rompu par la voie conventionnelle dans les deux cas de figure suivants :

- si la rupture résulte d'un accord collectif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) ;

- si elle résulte d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE).

Introduite dans le code du travail par la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005, la GPEC a pour finalité d'aider les entreprises à anticiper et à traiter en amont, par le dialogue social, les évolutions de l'emploi. Les entreprises et les groupes de plus de trois cents salariés ont l'obligation de négocier tous les trois ans sur la mise en place d'un dispositif de GPEC (article L. 2242-15 du code du travail).

Les accords de GPEC peuvent prévoir le départ négocié de salariés. Dans la mesure où l'accord définit déjà dans quelles conditions la rupture du contrat est opérée, il apparaît peu opportun d'imposer dans ce cas de figure le respect de la procédure instituée par le présent article.

Le PSE, anciennement dénommé plan social, a pour objet d'éviter les licenciements ou d'en diminuer le nombre (article L. 1233-61 du code du travail). Il est mis en place dans les entreprises comptant au moins cinquante salariés qui ont un projet de licenciement concernant au moins dix salariés dans une période de trente jours. Il comporte des mesures variées, telles que des actions de reclassement interne ou externe des salariés, de soutien à la création d'activités nouvelles ou encore d'aménagement du temps de travail. Là encore, les départs négociés dans le cadre du PSE ne sont pas soumis à la procédure définie par le présent article, étant entendu qu'ils sont déjà encadrés par les dispositions du PSE.

Le paragraphe III détermine le régime fiscal applicable à l'indemnité de rupture conventionnelle.

Elle se voit appliquer le régime prévu au 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts : les sommes perçues par le salarié ne sont pas imposables au titre de l'impôt sur le revenu, dans la limite d'un plafond.

L'exonération s'applique à la fraction des indemnités qui n'excède pas le plus favorable des deux plafonds suivants :

- soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, ou 50 % du montant de l'indemnité si ce seuil est supérieur, dans la limite de six fois le plafond fixé à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale 7 ( * ) en vigueur à la date de versement des indemnités ;

- soit le montant de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective de branche, l'accord professionnel ou interprofessionnel, ou, à défaut, par la loi.

Il convient de souligner que ce régime fiscal très favorable s'applique seulement si le salarié n'est pas en droit de bénéficier d'une pension versée par un régime obligatoire de retraite. Cette restriction vise naturellement les assurés sociaux liquidant leur pension à partir de soixante ans, mais également ceux bénéficiant des dispositifs légaux prévoyant la possibilité d'un départ avant cet âge, notamment au titre des carrières longues. Il s'agit d'éviter que les salariés ne soient incités à interrompre prématurément leur activité professionnelle, ce qui serait contraire à l'objectif d'augmentation du taux d'emploi des seniors. Il convient de préciser en effet que le régime fiscal de l'indemnité de départ en retraite est néanmoins moins avantageux que celui qui vient d'être décrit 8 ( * ) .

Le paragraphe IV fixe le régime social applicable à l'indemnité de rupture.

Il propose à cette fin de modifier les articles L. 242-1 du code de la sécurité sociale et L. 741-10 du code rural pour indiquer que cette indemnité est exonérée de cotisations sociales, dans la limite de la fraction assujettie à l'impôt sur le revenu en application de l'article 80 duodecies susvisé du code général des impôts.

Le régime fiscal et social ainsi défini est plus rigoureux que celui proposé par les partenaires sociaux. Dans l'ANI, en effet, l'indemnité n'était assujettie ni aux prélèvements fiscaux ni aux prélèvements sociaux, ce qui aurait conduit au passage à rétablir de facto le dispositif de cessation anticipée d'activité baptisé « départ négocié en commun avec l'accord de l'employeur », supprimé par l'article 16 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Outre un amendement rédactionnel, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de précision de la commission, qui indique que la procédure de licenciement économique s'applique seulement dans le cas où la rupture du contrat de travail est décidée à l'initiative de l'employeur. Elle ne s'applique donc pas dans l'hypothèse de la rupture conventionnelle qui est, par construction, décidée d'un commun accord.

Après avis favorable de la commission et avis de sagesse du Gouvernement, elle a également adopté, à l'unanimité, un amendement du groupe socialiste, tendant à préciser que les salariés dont le contrat de travail a été rompu par la voie conventionnelle bénéficient des allocations de l'assurance chômage dans les conditions de droit commun.

Le Gouvernement n'avait pas jugé utile de faire figurer cette disposition, stipulée à l'article 12 a) de l'ANI, dans le projet de loi, considérant qu'il appartiendrait aux partenaires sociaux de prendre les mesures adéquates lors de la renégociation de la convention d'assurance chômage, qui va intervenir dans les prochains mois. Mais l'Assemblée nationale a souhaité que la loi soit plus précise sur ce point.

Elle a également adopté un amendement des députés Dominique Tian et Lionel Tardy, sous-amendé par Jean-Frédéric Poisson, qui dispose que le salarié, s'il décide de se faire assister pendant l'entretien, doit en informer préalablement l'employeur ; si l'employeur décide alors d'être assisté, il en informe à son tour le salarié.

III - La position de votre commission

La rupture conventionnelle du contrat de travail est la pierre angulaire de la modernisation du marché du travail. Ce nouveau mode de rupture, pour peu que les acteurs du monde de l'entreprise en fassent usage, devrait introduire plus de fluidité dans le marché du travail et favoriser des relations sociales plus apaisées, en rendant notamment moins fréquent le recours au juge.

Le licenciement donne lieu assez fréquemment à des recours en justice : un quart des licenciements pour motif personnel sont contestés devant les prud'hommes ; 90 % des litiges du travail portent sur la contestation de la rupture du contrat de travail et 64 %, plus spécifiquement, sur la contestation du motif de licenciement 9 ( * ) . Cette abondance du contentieux reflète un climat de défiance dans les entreprises qu'il convient d'essayer de dépasser. La crainte de se retrouver devant le juge, et d'être éventuellement condamné, paralyse souvent les décisions d'embauche des chefs d'entreprise. Pour favoriser l'emploi, il est donc souhaitable de « sécuriser » la fin de la relation de travail, ce que permet la rupture conventionnelle.

Les organisations syndicales ont veillé à ce que les droits des salariés soient préservés : la possibilité pour le salarié de se faire assister, l'existence d'un délai de rétractation, le contrôle opéré par l'administration, l'obligation de verser une indemnité au moins égale à l'indemnité de licenciement constituent autant de garanties. La « sécurisation » juridique de la rupture devrait donc bénéficier aussi au salarié, dont il n'est pas sûr qu'il ait toujours intérêt à s'engager dans des procédures judiciaires longues, coûteuses et au résultat aléatoire.

Il conviendra toutefois de veiller à ce que cet assouplissement juridique ne donne pas lieu en pratique, comme cela a été souvent le cas par le passé 10 ( * ) , à un détournement de la volonté du législateur sous la forme d'un accroissement des départs anticipés avant l'âge légal de la retraite.

L'idée d'attribuer le contentieux de l'homologation au conseil de prud'hommes, et non au tribunal administratif, participe de cette même logique qui vise à réduire l'incertitude découlant de procédures contentieuses prolongées. Afin de « sécuriser » encore davantage la rupture conventionnelle, votre commission vous propose de prévoir que le conseil de prud'hommes statue en premier et dernier ressort ; sa décision ne pourrait être donc contestée en appel, mais seulement devant la Cour de cassation.

Votre commission vous propose également de compléter le texte pour prévoir que l'employeur, dans les petites entreprises comptant moins de cinquante salariés, pourra se faire assister, lors du ou des entretiens avec le salarié, par un autre employeur relevant du même secteur professionnel ou par une personne appartenant à la même organisation patronale. Cette précision rend la procédure  plus équitable, en permettant à l'employeur d'être assisté par une personne extérieure à l'entreprise dans des conditions analogues à celles prévues pour le salarié.

Votre commission vous propose enfin de corriger une erreur d'imputation qui rend peu compréhensible un des amendements adoptés par l'Assemblée nationale et d'adopter un amendement rédactionnel tendant à faire figurer la disposition relative au droit des salariés aux allocations chômage dans la partie du code consacrée à l'assurance chômage.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 6- Contrat à durée déterminée à objet défini

Objet : Cet article instaure un nouveau contrat à durée déterminée à objet défini.

I - Le dispositif proposé

Cet article, qui met en oeuvre le b) de l'article 12 de l'ANI, propose la création d'un nouveau type de contrat à durée déterminée (CDD) dont la caractéristique principale est d'arriver à échéance une fois que l'objet pour lequel il a été conclu est réalisé.

Le recours à ce nouveau contrat est soigneusement encadré :

- sa durée ne peut être inférieure à dix-huit mois ni supérieure à trente-six mois ;

- il est réservé aux cadres et ingénieurs , au sens des conventions collectives ;

- un accord de branche étendu ou, à défaut, un accord d'entreprise doit prévoir la possibilité de signer ce contrat.

Cet accord de branche ou d'entreprise définit :

- les nécessités économiques auxquelles ces contrats sont susceptibles d'apporter une réponse adaptée ; ils pourraient par exemple être utilisés pour des projets tournés vers l'exportation ou pour mener des travaux de recherche ;

- les conditions dans lesquelles les salariés en CDD à objet défini bénéficient de garanties relatives à l'aide au reclassement, à la validation des acquis de l'expérience, à la priorité de réembauchage et à l'accès à la formation professionnelle continue et peuvent, au cours du délai de prévenance, mobiliser les moyens disponibles pour organiser la suite de leur parcours professionnel. Toutes ces dispositions s'inscrivent dans une perspective de sécurisation des parcours professionnels de ces salariés ;

- les conditions dans lesquelles ces salariés ont priorité d'accès aux emplois en contrat à durée indéterminée dans l'entreprise.

Ce nouveau contrat est soumis aux dispositions applicables au CDD de droit commun, figurant au titre IV du livre II de la première partie du code du travail (articles L. 1241-1 à L. 1248-11), sous réserve des dispositions spécifiques prévues par le présent article.

Le CDD à objet défini présente les spécificités suivantes :

- le salarié bénéficie d'un délai de prévenance d'au moins deux mois avant la fin de son contrat de travail ;

- il peut être rompu à la date anniversaire de sa conclusion, par l'employeur ou le salarié, pour un motif réel et sérieux.

Un CDD classique ne peut être rompu à l'initiative d'une des parties, avant l'échéance de son terme, qu'en cas de faute grave ou de force majeure. La notion de motif réel et sérieux rappelle la cause réelle et sérieuse qui doit être invoquée pour justifier tout licenciement. La jurisprudence considère qu'une cause réelle et sérieuse repose sur des faits objectifs bien établis, suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail ;

- il ne peut être renouvelé ; un CDD classique est renouvelable une fois, sans que la durée du contrat, renouvellement compris, ne puisse excéder dix-huit mois ;

- si le salarié n'est pas embauché en CDI à l'issue de son CDD à objet défini, il a droit à une indemnité d'un montant égal à 10 % de sa rémunération totale brute ; le montant de cette indemnité est identique à celui de l'indemnité de précarité versée à un salarié dont le CDD arrive à son terme.

L'indemnité de 10 % est également due en cas de rupture du contrat à la date anniversaire de sa conclusion.

Etabli par écrit, le CDD à objet défini comporte obligatoirement :

- la désignation du contrat comme « contrat à durée déterminée à objet défini » ;

- l'intitulé et les références de l'accord collectif qui institue ce contrat ;

- une clause descriptive du projet pour lequel le salarié est embauché et mentionnant sa durée prévisible ;

- la définition des tâches pour lesquelles le contrat est conclu ;

- l'événement ou le résultat objectif déterminant la fin de la relation contractuelle ;

- le délai de prévenance de l'arrivée au terme du contrat et, le cas échéant, de la proposition de poursuite de la relation de travail en contrat à durée indéterminée ;

- une clause mentionnant la possibilité de rupture à la date anniversaire de la conclusion du contrat par l'une ou l'autre partie pour un motif réel et sérieux et le droit, dans ce cas, à une indemnité de rupture égale à 10 % de la rémunération totale brute du salarié.

Le dispositif proposé présente un caractère expérimental : le CDD à objet défini est institué pour une durée de cinq ans à compter de la publication de la loi. A l'expiration de ce délai, le Gouvernement présentera un rapport au Parlement, après concertation avec les partenaires sociaux et consultation de la commission nationale de la négociation collective (CNNC) 11 ( * ) , sur les conditions d'application de ce contrat et son éventuelle pérennisation.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Outre quatre amendements rédactionnels ou de précision, l'Assemblée a adopté un amendement pour préciser que seul l'employeur est tenu d'indemniser le salarié, dans tous les cas, lors de rupture du contrat à la date anniversaire de sa conclusion ; aucune obligation équivalente ne pèse sur le salarié, qui n'indemnisera l'employeur que si les tribunaux estiment que celui-ci a subi un préjudice.

III - La position de votre commission

L'idée de créer un CDD dont le terme serait l'achèvement du projet pour lequel il a été signé n'est pas nouvelle. Au début de l'année 2004, le rapport de Michel de Virville, remis à François Fillon alors ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, préconisait déjà « la création d'un contrat ouvert à des cadres ou à des personnels qualifiés pour participer à la mise en oeuvre d'un projet ».

Le contrat à objet défini apporte un élément de souplesse bienvenu et répond bien à l'évolution de l'organisation des entreprises, qui repose de plus en plus souvent sur une démarche de projets dont il n'est pas toujours aisé de connaître à l'avance le délai de réalisation.

Les types de contrats existants ne permettent pas de répondre de manière satisfaisante aux besoins exprimés par les entreprises : elles hésitent à embaucher en CDI, parce qu'elles souhaitent s'attacher les services d'un salarié de manière temporaire ; et elles hésitent à avoir recours au CDD ou à l'intérim parce que ces contrats sont trop courts et parce qu'ils ne peuvent être conclus que dans des cas bien définis. Elles font alors souvent appel à une main-d'oeuvre extérieure composée de travailleurs indépendants qui subissent une grande précarité et agissent parfois à la lisière du droit.

Les nombreuses garanties qui entourent le recours à ce nouveau CDD devraient permettre d'éviter qu'il ne soit utilisé dans des conditions préjudiciables au salarié. Créé à titre expérimental, il fera en outre l'objet d'un bilan qui permettra d'apporter, le cas échéant, les correctifs nécessaires.

Votre commission vous propose toutefois un amendement à cet article pour préciser à quels moments le contrat peut être rompu. Le projet de loi contient en effet deux dispositions apparemment contradictoires : la première indique que le contrat peut être rompu à sa date anniversaire, soit au douzième et au vingt-quatrième mois, la seconde que le contrat a une durée minimale de dix-huit mois, ce qui n'autorise alors plus qu'une rupture au vingt-quatrième mois. Dans un souci de conciliation, elle vous propose d'autoriser la rupture au dix-huitième puis au vingt-quatrième mois.

Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 7 (art. L. 1226-4-1 nouveau du code du travail) - Création d'un fonds de mutualisation

Objet : Cet article propose la création d'un fonds de mutualisation des dépenses d'indemnisation des salariés licenciés pour cause d'inaptitude consécutive à un accident ou une maladie d'origine non professionnelle.

I - Le dispositif proposé

Cet article, qui transcrit dans la loi l'article 13 de l'ANI, tend à compléter par un nouvel article L. 1226-4-1 la sous-section du code du travail consacrée à l'inaptitude consécutive à une maladie ou un accident non professionnel (sous-section 1 de la section 2 du chapitre VI du titre II du livre II de la première partie du code du travail).

Lorsqu'un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre le poste qu'il occupait précédemment, en raison d'un accident ou d'une maladie d'origine non professionnelle, l'employeur doit s'efforcer de le reclasser dans l'entreprise, au besoin en aménageant un poste de travail. Si le reclassement s'avère impossible, l'employeur peut alors licencier le salarié, en suivant la procédure de droit commun, ce qui implique le versement des indemnités dues en cas de rupture, notamment les indemnités légale et conventionnelle de licenciement.

Il est ici proposé de créer un fonds de mutualisation, abondé par des contributions des employeurs, ayant pour vocation de verser ces indemnités pour le compte des employeurs qui auront souscrit auprès de lui cette garantie. Les employeurs qui n'auront pas contribué à ce fonds continueront à prendre en charge directement ces indemnités.

Il est prévu de confier la gestion de ce fonds à l'association mentionnée à l'article L. 3253-14 du code du travail, c'est-à-dire à l'association pour la garantie des salaires (AGS).


L'association pour la garantie des salaires

Trois organisations patronales ont instituée en 1974 l'association pour la gestion du régime d'assurance des créances des salariés, plus couramment désignée sous le vocable d'association pour la garantie des salaires (AGS).

L'AGS garantit les créances résultant des rémunérations de toute nature dues aux salariés (et aux apprentis) ainsi que de certaines indemnités dues au titre de la rupture ou de l'arrivée à échéance du contrat (indemnités de licenciement, de préavis, de congés payés, de fin de contrat à durée déterminée ou de précarité d'emploi des travailleurs intérimaires). Elle règle les créances qui ne peuvent être couvertes, en tout ou partie, par les fonds disponibles dans l'entreprise.

L'AGS gère ce régime d'assurance par l'intermédiaire de ses quatorze centres de gestion et d'études (CGEA). Les cotisations dues par les employeurs sont recouvrées par les Assedic.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel.

III - La position de votre commission

Cet article répond à une préoccupation exprimée par les plus petites entreprises qui font face à une charge financière non négligeable au moment de licencier un salarié déclaré inapte dont elles dont dû par ailleurs gérer l'absence. La mutualisation des dépenses d'indemnisation répond à cette difficulté.

Pour ces motifs, votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 8 (art. L. 1251-60 nouveau et L. 8241-1 du code du travail) - Portage salarial

Objet : Cet article propose une définition du portage salarial et confie à la branche de l'intérim le soin d'organiser cette activité.

I - Le dispositif proposé

- Qu'est-ce que le portage salarial ?

Le portage salarial est une nouvelle forme d'emploi, apparue en France il y a une vingtaine d'années, qui tente de concilier les avantages du travail indépendant avec ceux du salariat.

Le schéma est généralement le suivant : un professionnel autonome trouve une mission auprès d'une entreprise cliente ; puis il s'adresse à une société de portage avec laquelle il signe un contrat de travail ; une fois la mission effectuée, la société de portage encaisse les honoraires versés par le client puis reverse au professionnel une rémunération sous forme de salaire, après retenue des frais de gestion et de la totalité des cotisations sociales (parts patronale et salariale).

Ce dispositif présente deux avantages pour le professionnel :

- il lui permet de se concentrer sur son coeur de métier, en délégant à la société de portage le soin de s'occuper des formalités administratives et des questions comptables et juridiques, qui peuvent être perçues comme complexes et rébarbatives ;

- il le fait accéder au régime de protection sociale des salariés, plus avantageux que celui des travailleurs indépendants : il est affilié au régime général de sécurité sociale et, surtout, à l'assurance chômage, ce qui le fait bénéficier d'une indemnisation s'il est licencié pendant une période de creux entre deux missions.

Le portage s'est développé d'abord au sein d'une population d'anciens cadres, licenciés après cinquante ans, qui accomplissaient des missions de conseil, d'audit, d'étude ou de formation auprès d'entreprises clientes. Dans la période récente, le portage s'est répandu chez des actifs plus jeunes et souvent moins qualifiés, intervenant notamment dans le secteur des services à la personne. Les entreprises de portage revendiquaient environ 20 000 salariés en 2007 12 ( * ) .

La pratique du portage salarial pose cependant de sérieux problèmes juridiques, dans la mesure où le droit des activités professionnelles repose largement sur une distinction nette entre travail salarié et travail indépendant. Sa légalité est souvent contestée devant les tribunaux, généralement pour l'un des motifs suivants 13 ( * ) :

- le recours abusif à la qualification de contrat de travail : le lien de subordination entre employeur et salarié, qui est le critère essentiel du contrat de travail, fait souvent défaut entre l'entreprise de portage et le porté, le prétendu employeur ne fournissant de surcroît aucun travail 14 ( * ) ;

- si la qualification de contrat de travail est reconnue malgré tout, l'entreprise de portage risque de tomber sous le coup d'une condamnation pour prêt de main-d'oeuvre illicite, conformément à l'article L. 8241-1 du code du travail ;

- le non-respect des principes fondamentaux du droit de la sécurité sociale, puisque la charge des cotisations de sécurité sociale pèse intégralement sur le salarié, en violation des dispositions d'ordre public de l'article L. 241-8 du code de la sécurité sociale ;

- la fraude à l'assurance chômage, les prestations servies par ce régime étant subordonnées à la rupture involontaire d'un contrat de travail.

Récusant l'idée selon laquelle le portage serait une simple technique de fraude, ses promoteurs estiment, au contraire, qu'il constitue une forme innovante d'organisation du travail, favorisant le retour des chômeurs vers l'emploi, notamment pour les plus âgés 15 ( * ) , et facilitant les transitions entre le salariat et le statut d'entrepreneur.

- Les stipulations de l'ANI

Conscients que l'activité de portage est souvent considérée « comme entachée d'illégalité », mais estimant qu'elle répond à un « besoin social », les partenaires sociaux ont souhaité, à l'article 19 de l'ANI, « sécuriser la situation des portés ainsi que la relation de prestation de service ». Ils décrivent le portage salarial comme « une relation triangulaire entre une société de portage, une personne, le porté, et une entreprise cliente ».

Pour ce faire, ils ont prévu de confier à la branche du travail temporaire le soin d'organiser, par accord collectif étendu, le portage salarial, en garantissant au porté le régime du salariat et la rémunération de sa prestation chez le client ainsi que de son apport de clientèle. La durée du contrat de portage ne devra pas excéder trois ans.

- Les dispositions du projet de loi

L'article 8 du projet de loi reprend, avec quelques adaptations, les dispositions principales de l'article 19 de l'ANI.

Son paragraphe I tend à introduire une section 6, consacrée au portage salarial, dans le chapitre 1 er du titre V du livre II de la première partie du code du travail. Ce chapitre regroupe les dispositions relatives au « contrat de travail conclu avec une entreprise de travail temporaire ».

Cette section 6 comporte un article unique qui définit d'abord le portage salarial comme un ensemble de relations contractuelles organisées entre une entreprise de portage, une personne portée et des entreprises clientes.

Le projet de loi est moins précis que l'ANI sur la définition du type de relations contractuelles qui se noue entre la société de portage, le porté et les clients. Le projet de loi mentionne, sans plus de précision, un « ensemble de relations contractuelles », alors que l'ANI indique clairement que le contrat entre la société de portage et le client est un contrat de prestation de services et le contrat entre la société de portage et le porté un contrat de travail.

Il est précisé ensuite que la personne portée bénéficie du régime du salariat et est rémunérée par l'entreprise de portage pour la prestation effectuée chez le client. Cette référence au régime du salariat permet d'envisager deux hypothèses : soit le régime du salariat découle de la conclusion d'un contrat de travail entre la société de portage et le porté, soit le contrat entre le porté et la société de portage est d'une autre nature et le régime du salariat résulte alors d'un mécanisme d'assimilation, analogue à celui dont ont déjà bénéficié de nombreux indépendants 16 ( * ) .

Le texte garantit en outre les droits de la personne portée sur son apport de clientèle . Même si le sens de cette formule reste à préciser, elle laisse entendre que la société de portage ne pourrait, par exemple, dessaisir une personne portée d'une mission qu'elle aurait négociée avec un client pour la confier à une autre personne portée. L'entreprise cliente serait liée à une personne portée en particulier, celle qui a négocié le contrat, non à l'entreprise de portage en tant que telle.

Cette disposition ne reprend pas exactement les termes de l'ANI, qui garantit au porté une rémunération pour son apport de clientèle, laissant ainsi la porte ouverte à une possible mutualisation des missions au sein de l'entreprise de portage en échange d'une rémunération.

Le paragraphe II tend à modifier le 1° de l'article 8241-1 du code du travail, qui prohibe le prêt de main-d'oeuvre illicite : toute opération à but lucratif ayant pour but exclusif le prêt de main-d'oeuvre est en effet interdite.

Cette interdiction connaît cependant des dérogations, afin d'autoriser le fonctionnement des entreprises de travail temporaire, des entreprises à temps partagé et des agences de mannequins. Les entreprises et associations sportives bénéficient également de dispositions dérogatoires.

Il est proposé de compléter cette liste de dérogations pour indiquer que l'interdiction du prêt de main-d'oeuvre ne s'applique pas non plus au portage salarial.

Le paragraphe III prévoit enfin qu'un accord national interprofessionnel étendu peut confier à la branche dont l'activité est considérée comme la plus proche du portage salarial la mission d'organiser le portage salarial par la voie d'un accord de branche étendu.

Cette disposition permet de mettre en oeuvre une des stipulations de l'article 19 de l'ANI, par laquelle les partenaires sociaux ont souhaité confier à la branche de l'intérim le soin d'organiser le portage salarial.

Cette stipulation déroge à l'article L. 2261-19 du code du travail, qui dispose qu'un accord ne peut être étendu que s'il a été négocié par les organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives dans le champ d'application considéré. Comme il n'est pas prévu de confier la négociation de l'accord aux organisations patronales et syndicales du secteur du portage salarial, mais à celles de l'intérim, il est nécessaire de prévoir dans la loi une exception à cette règle.

La branche de l'intérim disposera de deux ans au plus pour mener à bien la négociation.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

II - La position de votre commission

La décision des partenaires sociaux d'aborder la question du portage salarial dans l'ANI traduit leur volonté que soit enfin sérieusement abordée cette question, qui soulève, on l'aura compris, des questions juridiques complexes.

Le sujet est d'autant plus compliqué que la dénomination de « portage salarial » recouvre aujourd'hui des réalités variées. Si certaines entreprises de portage ont un fonctionnement proche de celui d'une entreprise classique, d'autres se bornent à facturer les prestations du porté puis à le rétribuer.

Les indications données par le syndicat des entreprises de travail temporaire, Prisme 17 ( * ) , à votre rapporteur suggèrent que le portage devrait finalement être organisé selon des modalités relativement proches de celles de l'intérim, sous réserve bien sûr que la négociation de branche qui doit intervenir confirme cette orientation.

Ainsi, la société de portage signerait avec l'entreprise cliente un contrat de mise à disposition et un contrat de mission avec la personne portée. La personne portée entretiendrait un lien de subordination, non avec l'entreprise de portage, mais avec l'entreprise cliente. La société de portage serait tenue, vis-à-vis de l'entreprise cliente, d'une obligation de moyens et non d'une obligation de résultats.

Le portage se distinguerait de l'intérim sur deux points essentiels :

- les personnes portées devraient trouver elles-mêmes leurs missions, alors que les agences d'intérim jouent un rôle d'intermédiaire entre offres et demandes d'emploi ;

- la personne portée négocierait avec l'entreprise cliente sa rémunération, alors que, dans le cas de l'intérim, l'entreprise cliente propose une mission avec la rémunération afférente.

La négociation annoncée va revêtir une importance cruciale tant les questions qui restent à trancher sont délicates : quels seront précisément les droits et les obligations respectifs du porté, de la société de portage et du client ? Faut-il prévoir une liste limitative de cas de recours, comme pour l'intérim ? Comment éviter que se développe la fraude aux Assedic, la distinction entre une personne qui n'a pas réussi à trouver de mission et une personne qui a décidé de se reposer aux frais de l'assurance chômage pouvant être malaisée à effectuer ?

La décision de confier l'organisation du portage à la branche de l'intérim suscite les critiques des trois organisations qui regroupent des entreprises de portage : le syndicat national des entreprises de portage salarial (Sneps), la fédération nationale du portage salarial (FENPS) et l'union nationale du portage salarial (UNPS). Ces trois organisations n'ont pas exactement la même conception de leur activité : si la première considère que le portage intéresse des personnes susceptibles de produire des services à haute valeur ajoutée (conseil, audit, formation, communication...), les deux autres estiment que le portage peut aussi être utile à des personnes moins qualifiées (services à la personne, travaux d'entretien...).

Le Sneps a conclu un accord avec plusieurs organisations syndicales pour organiser une partie du secteur du portage. Il redoute que cet accord soit remis en cause lors de la négociation menée par la branche de l'intérim. Il est vrai que la conception du portage salarial envisagée par Prisme est assez éloignée de celle qu'il s'est efforcé de promouvoir ; les entreprises adhérentes du Sneps fonctionnent en effet selon des modalités assez proches de celles d'une entreprise de conseil classique.

Pour votre commission, le choix de confier l'organisation du portage au secteur de l'intérim, outre qu'il correspond à la volonté des partenaires sociaux, se justifie par la nécessité de mobiliser, dans cette négociation, des moyens d'expertise importants, dont ne disposent peut-être pas encore les organisations des entreprises de portage. Mais il est indispensable d'associer le Sneps, la FENPS et l'UNPS aux discussions. Le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, Xavier Bertrand, a lu, lors des débats à l'Assemblée nationale, un courrier que lui a adressé Pierre Fonlupt, président de Prisme, dans lequel celui-ci s'engage à proposer aux trois fédérations qui regroupent les entreprises de portage, ainsi qu'à différents chefs d'entreprise de ce secteur, d'être associés à leurs travaux 18 ( * ) .

Afin d'apporter une garantie supplémentaire aux fédérations du portage, votre commission vous propose de préciser par voie d' amendement que l'accord de branche organisant le portage devra être négocié en concertation avec ces fédérations.

Il est vraisemblable que l'accord de branche une fois conclu sera suivi de l'adoption de nouvelles dispositions législatives et réglementaires. Il est difficile d'imaginer, en effet, que le code du travail puisse se borner à poser une définition, au demeurant assez imprécise, du portage salarial sans en détailler le régime.

Pendant la période qui va s'écouler entre la promulgation de la loi et l'extension de l'accord de branche, le portage salarial va bénéficier d'une reconnaissance légale, mais sans que son régime juridique soit encore défini. Il s'agit là d'une méthode singulière sur le plan législatif, qui n'est pas vraiment facteur de clarté ni de sécurité juridique, et qu'il conviendrait d'éviter à l'avenir. Il semble que la nouvelle définition légale du portage ne pourra produire ses effets qu'une fois qu'un régime juridique complet aura été défini.

Dans l'attente, votre commission vous propose de compléter le projet de loi pour autoriser les entreprises de travail temporaire à exercer l'activité de placement . Il paraît logique, en effet, que ces sociétés aient la possibilité de se diversifier dans cette activité, compte tenu des points communs entre le portage et l'intérim.

Enfin, elle vous propose une modification formelle tendant à ce que la section 6 consacrée au portage salarial devienne une section 7, ceci afin de tenir compte de l'insertion dans le code du travail des dispositions prévues par le projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique.

Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 9 (art. L. 1223-1 à L. 1223-4, L. 1236-1 à L. 1236-6, L. 5423-15 à L. 5423-17 et L. 6322-26 et L. 6323-4 du code du travail) - Abrogation du CNE

Objet : Cet article abroge le contrat « nouvelles embauches » (CNE) et requalifie les CNE en cours en contrats à durée indéterminée.

I - Le dispositif proposé

Le paragraphe I de cet article abroge les articles du code du travail relatifs au CNE, soit les articles L. 1223-1 à L. 1223-4, L. 1236-1 à L. 1236-6, L. 5423-15 à L. 5423-17 et L. 6322-26 et L. 6323-4 du code du travail.


Le CNE

Institué par l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005, le CNE est un contrat à durée indéterminée qui peut être signé par les entreprises employant au plus vingt salariés. Il présente la particularité de pouvoir être rompu, pendant les deux premières années, sans que l'employeur ait à motiver la rupture. L'employeur doit seulement respecter un préavis, dont la durée varie avec l'ancienneté du salarié dans le contrat.

En contrepartie, le salarié a droit à une indemnité de rupture égale à 8 % du montant total de la rémunération brute perçue depuis le début du contrat. L'employeur doit également verser à l'assurance chômage une somme égale à 2 % du même montant, afin de contribuer au financement des actions d'accompagnement renforcé destinées à favoriser le retour à l'emploi du salarié.

De plus, si le salarié n'a pas encore acquis de droits à l'indemnisation du chômage au moment où son contrat est rompu, il bénéficie, si son contrat a duré au moins quatre mois, d'une allocation forfaitaire qui lui est versée pendant un mois.

Passé le délai de deux ans, ce sont les règles de droit commun du CDI qui s'appliquent.

La proposition de supprimer le CNE intervient à la suite de plusieurs décisions de justice qui ont mis en doute sa conformité avec la convention n° 158 de l'organisation internationale du travail (OIT).

Cette convention dispose qu'un salarié ne peut être licencié sans qu'il existe un motif valable de licenciement, lié à l'aptitude ou à la conduite du salarié ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise (article 4). Elle prévoit également qu'un salarié ne peut être licencié pour un motif lié à sa conduite ou à son travail s'il n'a pas eu la possibilité de se défendre contre les allégations formulées (article 7).

Saisi d'un recours déposé par un syndicat contre l'ordonnance, le Conseil d'Etat a jugé, dans une décision rendue le 19 octobre 2005, que le CNE était conforme à ces exigences car l'article 2 de la convention permet aux Etats membres d'exclure de son champ d'application les salariés qui effectuent une période d'essai ou qui n'ont pas l'ancienneté requise, à condition que la durée fixée soit raisonnable. Le Conseil d'Etat a estimé qu'en l'espèce, la durée de deux ans était raisonnable, eu égard à l'objectif poursuivi par le CNE de réduction rapide du chômage.

D'autres recours ont ensuite été portés devant les juridictions de l'ordre judiciaire. Les conseils de prud'hommes ont rendu des décisions contradictoires. Considérant qu'une période d'essai de deux ans était déraisonnable, celui de Longjumeau a par exemple jugé, le 28 avril 2006, que le CNE n'était pas conforme à la convention n° 158. Celui de Roubaix a en revanche estimé, le 22 juin 2007, que le CNE était conforme à la convention en s'appuyant sur le point 5 de son article 2, qui stipule que les Etats parties peuvent exclure du champ d'application de la convention des catégories limitées de travailleurs lorsque se posent des problèmes particuliers, tenant par exemple à la taille de l'entreprise. Or, le CNE ne peut être conclu que par des entreprises comptant au plus vingt salariés.

Dans une troisième phase, ce sont les cours d'appel qui ont été amenées à s'exprimer sur les recours déposés contre les jugements des prud'hommes. Le 18 juin 2007, la cour d'appel de Bordeaux a jugé que le CNE était contraire à la convention de l'OIT, considérant que le délai de deux ans « n'apparaît pas raisonnable au sens de la convention tant il s'avère intolérable pour un salarié ayant travaillé deux années dans une entreprise de se voir licencier sans aucun motif ». Le 6 juillet, la cour de Paris a rendu un jugement allant dans le même sens : elle a considéré le CNE non conforme aux dispositions des articles 4 et 7 de la convention, ainsi qu'à celles de l'article 9 sur l'office du juge, et jugé que l'exception prévue à l'article 2 ne pouvait être invoquée en raison du caractère déraisonnable du délai de deux ans. Pour la cour de Paris, en effet, le CNE constitue une « régression qui va à l'encontre des principes fondamentaux du droit du travail » et qui « prive les salariés des garanties d'exercice de leur droit au travail ». Elle ajoute qu'il est « pour le moins paradoxal d'encourager les embauches en facilitant les licenciements » 19 ( * ) .

Enfin, c'est le Bureau international du travail (BIT), l'organe qui assure le secrétariat de l'OIT, qui a rendu son avis le 14 novembre 2007. Dans le rapport qu'il a adopté, le BIT considère que la période de consolidation de deux ans est d'une durée déraisonnable par rapport aux objectifs qu'elle poursuit et recommande que le CNE ne puisse être rompu en l'absence d'un motif valable.

Même si la position du BIT n'a que la valeur d'une recommandation, le maintien du CNE, dans ce contexte, devenait politiquement et juridiquement délicat. Les partenaires sociaux en ont pris acte et demandé aux pouvoirs publics, à l'article 11 de l'ANI, d'arrêter les mesures nécessaires pour que l'obligation de motiver le licenciement s'applique à tous les contrats, y compris donc au CNE.

Sur ce point, le projet de loi va plus loin que l'ANI, puisqu'il propose la suppression du CNE, pour l'avenir mais aussi pour les contrats en cours .

Le paragraphe II dispose en effet que les CNE en cours d'exécution à la date de publication de la loi seront requalifiés en contrat à durée indéterminée.

Employeurs et salariés devront donc respecter les règles de droit commun qui régissent le CDI, même si la période de deux ans n'est pas encore achevée.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement pour supprimer les intitulés des sections du code du travail relatives au CNE devenus inutiles. L'adoption du projet de loi dans sa rédaction initiale aurait eu pour effet de faire disparaître les articles du code relatifs au CNE en laissant subsister les sections et sous-sections dans lesquelles ils s'insèrent actuellement.

Elle a également adopté un amendement de Francis Vercamer, sous-amendé par Dominique Tian, Lionel Tardy et Jean-Frédéric Poisson, qui précise que la durée de la période d'essai des CNE requalifiés en CDI est fixée par la voie conventionnelle ou, à défaut, conformément aux dispositions de l'article L. 1221-19 du code du travail (cet article est inséré dans le code par l'article 2 du projet de loi).

III - La position de votre commission

Compte tenu des développements qui précèdent, votre commission se prononce aujourd'hui clairement en faveur de la suppression du CNE. Cette décision est motivée, pour une part, par des considérations de droit : le CNE est frappé d'une très grande insécurité juridique qui rend hasardeuse la signature de nouveaux contrats. Mais elle est motivée également par des considérations plus politiques.

Après la crise du CPE au printemps 2006, la décision de supprimer le CNE marque l'échec, sans doute durable, d'une tentative de réforme du droit du licenciement qui visait à le transformer en un mécanisme purement indemnitaire, assorti d'une taxe. Cette tentative n'a manifestement pas été comprise par l'opinion publique et a été vigoureusement combattue par les syndicats. En particulier, la remise en cause de l'obligation de motivation du licenciement, introduite dans le droit en 1973, a été perçue comme une régression portant atteinte à un droit essentiel du salarié, celui d'être informé des raisons qui conduisent l'employeur à envisager son licenciement et de pouvoir ensuite en discuter avec lui.

Les analyses économiques qui ont inspiré le CNE et le CPE, et qui mettaient l'accent sur les dysfonctionnements du marché du travail, n'ont pas pour autant perdu toute pertinence 20 ( * ) . Les partenaires sociaux ont d'ailleurs élaboré, lors de leur négociation, de nouvelles dispositions qui devraient remédier au manque de fluidité du marché du travail, notamment la rupture conventionnelle du contrat de travail et le CDD à objet défini. L'abandon du CNE n'est donc pas synonyme d'abandon de toute perspective de réforme. Simplement, des dispositifs négociés vont être substitués à des mesures qui avaient sans doute été imposées sans concertation suffisante.

Sans s'opposer à la suppression du CNE pour l'avenir, la CGPME conteste la requalification en CDI des CNE en cours 21 ( * ) . Il s'agit là, pour elle, d'une question de principe. La CGPME considère en effet que cette mesure risque d'affaiblir la confiance que les employeurs et des salariés peuvent avoir dans le système légal : comment pourraient-ils s'engager pour l'avenir si leurs conventions légalement constituées sont remises en cause par une loi postérieure ? La CGPME propose donc que les CNE déjà signés aillent jusqu'à leur terme, en précisant seulement que leur rupture, dans les deux première années, devra être motivée afin de se conformer aux décisions de justice.

Bien que sensible à cette préoccupation, votre commission estime que le maintien des CNE en cours serait difficile à justifier. Le CNE reposait sur un équilibre, l'absence de motivation du licenciement étant compensée par une indemnisation supérieure du salarié en cas de rupture. Dès lors qu'un point essentiel du CNE est remis en cause, l'équilibre est rompu et il est préférable d'en tirer les conséquences en supprimant ce contrat pour le présent et pour l'avenir.

Pour ces motifs, votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 10 - Application à Mayotte

Objet : Cet article habilite le Gouvernement à prendre, par ordonnance, les mesures nécessaires pour appliquer, sous réserve d'adaptations, cette loi à Mayotte.

I - Le dispositif proposé

Collectivité territoriale d'outre-mer, l'île de Mayotte est régie par un principe de spécialité législative : les lois nationales ne s'y appliquent que si elles le prévoient expressément. Les relations du travail y sont réglementées par un code du travail local.

L'application de la loi portant modernisation du marché du travail à Mayotte appelle des adaptations pour tenir compte des spécificités de ce territoire. Sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement demande à être habilité à prendre, par voie d'ordonnance, les mesures législatives nécessaires.

La durée de l'habilitation est fixée à un an. L'ordonnance devra en effet être prise le dernier jour du douzième mois suivant la publication de la loi.

Le projet de loi de ratification de l'ordonnance sera déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant la publication de la présente loi.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

II - La position de votre commission

La situation économique et sociale de Mayotte incite à procéder à des adaptations des dispositions nationales pour que celles-ci puissent être applicables dans ce territoire. Compte tenu des particularismes du droit local, le recours aux ordonnances ne pose pas de difficulté de principe et est surtout gage d'efficacité.

Votre commission vous demande donc d'adopter cet article sans modification.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

AUDITION DU MINISTRE

Réunie le mardi 29 avril 2008 , sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'audition de M. Xavier Bertrand , ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité sur le projet de loi n° 302 (2007-2008) portant modernisation du marché du travail.

M. Xavier Bertrand , ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité a rappelé que l'accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail a été conclu en appliquant la procédure de concertation définie par la loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007. Il est de la responsabilité du pouvoir politique de ne pas dénaturer cet accord, qui a été signé par quatre syndicats représentatifs sur cinq, sans quoi les partenaires sociaux refuseront à l'avenir d'engager de nouvelles négociations. Le Parlement garde cependant un rôle, qui est de porter un regard politique sur les dispositions négociées.

L'écriture du projet de loi portant modernisation du marché du travail, qui transpose les dispositions de nature législative contenues dans l'accord, a été effectuée en concertation étroite avec les organisations signataires. Cet exercice s'est révélé délicat, même quand l'ANI était précis. La concertation se poursuit pour la rédaction des projets de décrets, qui seront transmis aux parlementaires pour information.

Le texte façonne un nouvel équilibre entre flexibilité et sécurité selon les modalités suivantes :

- l'article premier rappelle que le contrat à durée indéterminée (CDI) est la forme normale et générale du contrat de travail ;

- l'article 2 détermine les nouvelles règles relatives à la période d'essai ;

- l'article 4 réaffirme l'obligation de motiver tous les licenciements, ce qui a pour corollaire l'abrogation du contrat « nouvelles embauches » (CNE), qui est déjà abrogé dans les faits puisque les cours d'appel de Bordeaux et Paris puis le Bureau international du travail (BIT) ont condamné l'absence de motivation de la rupture pendant les deux premières années ; rappelant qu'il s'agit de la première condamnation de la France par le BIT, le ministre a estimé que cette affaire confirme la nécessité de toujours demander le point de vue des partenaires sociaux avant de prendre une décision ; il a indiqué sur ce point la position de la CGPME, qui a encouragé ses adhérents à signer des CNE et qui a le sentiment que la parole de l'Etat a été trahie ;

- l'article 5 organise la rupture conventionnelle du contrat de travail, qui existe aujourd'hui mais ne bénéficie en pratique qu'à des cadres supérieurs ; cette procédure sera désormais accessible à tous les salariés, ce qui favorisera la pratique de la négociation plutôt que les approches conflictuelles qui se concluent par un recours aux prud'hommes ;

- l'article 6 institue un nouveau contrat à durée déterminée (CDD) à objet défini ;

- l'article 7 prévoit la possibilité de faire prendre en charge par l'association pour la garantie des salaires (AGS) le versement des indemnités de rupture dues en cas de licenciement d'un salarié déclaré inapte en raison d'un accident ou d'une maladie d'origine non professionnelle ;

- l'article 8 vise à organiser la pratique du portage salarial en apportant les garanties nécessaires ; la branche de l'intérim, qui s'est vu confier le soin d'organiser le portage, souhaite le développement de cette activité ;

- l'article 9, enfin, abroge formellement le CNE.

En conclusion, M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, a rappelé que de futures négociations vont permettre de compléter prochainement les dispositions de ce projet de loi.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur, a d'abord souhaité connaître le jugement du ministre sur l'ANI : s'agit-il d'un accord de routine, d'un accord substantiel dans la lignée de précédents accords de même type ou d'une véritable rupture, marquant une avancée significative en matière de flexisécurité ? Après avoir indiqué qu'il juge le développement de la négociation collective positif pour le pays, il a fait observer que le Parlement, qui transpose déjà les directives communautaires, est maintenant invité à transposer les accords conclus par les partenaires sociaux, ce qui conduit à s'interroger sur le rôle qui restera dévolu aux parlementaires.

Puis il a demandé au ministre s'il regrette que certains points abordés dans le document d'orientation que le Premier ministre avait adressé aux partenaires sociaux pour lancer les négociations ne figurent pas dans l'ANI. Doit-on, en particulier, déplorer que l'hypothèse d'un contrat de travail unique n'ait pas été véritablement explorée, les partenaires sociaux ayant au contraire décidé de créer un nouveau type de CDD ? Ou faut-il considérer qu'une multiplicité de formes de contrats de travail va dans le sens d'une plus grande flexibilité et fluidité du marché du travail ?

Il a ensuite souhaité savoir si la nouvelle procédure d'homologation de la rupture conventionnelle entraînera une surcharge de travail importante pour les directions départementales du travail, si elles auront les moyens d'y faire face et comment il serait possible d'associer les fédérations qui regroupent les entreprises de portage salarial à la négociation de l'accord confié à la branche de l'intérim.

Enfin, il a demandé des précisions sur le calendrier et sur les perspectives ouvertes par les négociations prévues dans l'ANI ou lancées à l'initiative du Gouvernement.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, a estimé qu'une page s'est tournée au moment de la dernière élection présidentielle, et qu'il en serait d'ailleurs probablement de même si un autre candidat avait été élu. Il convient à présent d'écrire une nouvelle page dans l'histoire de nos relations sociales, comme le souhaite le Président de la République. Les accords qui ont été conclus récemment montrent que les partenaires sociaux sont prêts à prendre leurs responsabilités pour peu qu'on leur fasse confiance. Sur la représentativité syndicale, qui n'était pas un sujet facile à aborder, une position commune a ainsi été approuvée par deux organisations syndicales et deux organisations d'employeurs. Pour faire de la politique de manière moderne, il ne faut plus chercher à intervenir dans tous les dossiers mais être capable de rendre possibles des évolutions qui sont négociées par d'autres. Le Gouvernement et le Parlement doivent travailler en amont avec les partenaires sociaux s'ils ne veulent pas se sentir dessaisis de certains dossiers. L'existence de désaccords, par exemple sur la question des retraites, qui vient de donner lieu à une série de consultations avec les organisations syndicales, n'empêche pas de poursuivre le dialogue.

Le ministre a ensuite déclaré que le sujet du contrat de travail unique ne lui inspire aucun regret, dans la mesure où les partenaires sociaux ont défini un cadre unifié avec des règles pour la période d'essai applicables au niveau interprofessionnel. L'idée de contrat de travail unique n'a d'ailleurs jamais impliqué la disparition des contrats saisonniers ou de l'intérim. L'ANI répond, pour le reste, aux objectifs essentiels fixés dans le document d'orientation, sous réserve des compléments qui figureront dans la prochaine convention d'assurance chômage.

En ce qui concerne les moyens des directions départementales du travail, M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, a rappelé que le plan de modernisation de l'inspection du travail, engagé par le précédent ministre Gérard Larcher, s'accompagne d'un renforcement des moyens de l'inspection du travail, sept cents créations de postes étant prévues en quatre ans. Il a souligné, non sans ironie, que la décision des partenaires sociaux de confier l'homologation à la direction départementale du travail témoigne de leur part d'une confiance retrouvée dans l'administration.

Au sujet du portage salarial, il a rappelé avoir fait état à l'Assemblée nationale d'un échange de courriers avec Prisme, qui est le syndicat des entreprises du travail temporaire. Prisme s'est engagé à négocier un cadre conventionnel qui permette aux sociétés de portage actuelles de poursuivre leur activité.

En réponse à la dernière question du rapporteur, il a souligné que la plupart des négociations celles consacrées, par exemple, à l'assurance chômage ou à la formation professionnelle sont menées sous l'impulsion de Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Sur la question de la représentativité syndicale, il a précisé qu'il souhaite transposer rapidement dans la loi la position commune, mais qu'il faudra au préalable résoudre la question laissée en suspens de la prise en compte des salariés des petites entreprises dépourvues d'élus du personnel.

M. Bernard Seillier a lui aussi estimé que les changements en cours en matière de dialogue social sont de toute première importance. Puis il s'est fait l'écho d'un regret exprimé par le barreau de Paris, qui aurait souhaité qu'un avocat puisse être présent lors de l'entretien au cours duquel la rupture conventionnelle est négociée. Cette suggestion ne présenterait-elle pas cependant l'inconvénient de « judiciariser » cette négociation ?

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, a dit partager cette crainte et a rappelé qu'un avocat pourra intervenir avant l'entretien ou à sa suite, mais non pendant l'entretien lui-même, conformément à la solution dégagée par la jurisprudence en matière d'entretien préalable au licenciement.

Après avoir indiqué que ce projet de loi pose, en toile de fond, la question de la place du Parlement par rapport à la démocratie sociale, Mme Christiane Demontès a souligné que le groupe socialiste veillera à ce que l'accord des partenaires sociaux ne soit pas dénaturé. Elle a regretté que le projet de loi, qui ne reprend pas toutes les dispositions de l'ANI, contienne davantage de mesures de flexibilité que de garanties nouvelles pour les salariés, les changements annoncés par le ministère de l'économie en matière de formation ou d'assurance chômage se faisant pour l'instant attendre. Elle a estimé que les syndicats ont négocié sous la pression et qu'ils ont donné leur accord sur certains points par crainte que des mesures plus défavorables soient adoptées en l'absence d'accord. Sur la rupture conventionnelle, elle a considéré que salariés et employeurs ne sont pas sur un pied d'égalité et s'est interrogée sur le rôle que pourraient jouer les délégués du personnel dans cette procédure.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, a répondu que les délégués du personnel pourront tout à fait assister les salariés lors de l'entretien préalable à la rupture conventionnelle et souligné que la procédure définie par l'ANI vise précisément à rétablir une certaine égalité entre employeur et salarié.

Il est exact que toutes les stipulations de l'ANI ne figurent pas nécessairement dans la loi puisque certaines d'entre elles sont d'application directe tandis que d'autres seront mises en oeuvre par des négociations ultérieures ou par décret. Une fois que ces négociations auront abouti et que les décrets seront publiés, il sera possible de porter un jugement d'ensemble sur les progrès accomplis en matière de flexisécurité.

Enfin, le ministre s'est réjoui que le groupe socialiste se déclare prêt à veiller à ce que l'accord ne soit pas dénaturé.

Mme Annie David a jugé la transposition de l'ANI dans le projet de loi incomplète et déséquilibrée puis s'est étonnée que la négociation de cet accord ait été si rapide, alors que la négociation relative à la pénibilité se poursuit depuis trois ans sans que le Gouvernement ait menacé d'intervenir. Revenant sur la question de l'assistance du salarié par un avocat pendant l'entretien, elle s'y est déclarée favorable afin que le salarié puisse bénéficier des mêmes conseils que l'employeur. Elle a ensuite fait part de son inquiétude au sujet du décret que le Gouvernement prévoit de prendre pour réviser le montant des indemnités de licenciement, dans la mesure où il existe, selon elle, un risque qu'il pénalise les licenciés pour motif économique, ayant plus de dix ans d'ancienneté dans l'entreprise. Enfin, elle a estimé contradictoire de réaffirmer dans le texte le principe selon lequel tout licenciement doit être motivé et de créer, dans le même temps, une procédure de rupture conventionnelle qui ne prévoit aucune obligation de motivation.

Sur la question du montant des indemnités de licenciement, M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, a expliqué que cette question a été soulevée lors des débats à l'Assemblée nationale, à l'initiative de la députée Martine Billard, et qu'il s'est alors engagé à ce que la nouvelle rédaction du décret ne lèse en aucun cas les intérêts des salariés ayant plus de dix ans d'ancienneté.

Il a ensuite insisté sur sa détermination à faire aboutir un certain nombre de négociations en cours, citant notamment celles sur l'égalité salariale entre les femmes et les hommes et sur la pénibilité au travail. Concernant l'égalité salariale, il a rappelé avoir convoqué une conférence sur ce sujet et a indiqué que des sanctions financières seront appliquées après 2009 si le principe d'égalité n'est pas respecté. La pénibilité au travail est également un problème auquel il est très attentif puisqu'il est à l'origine, en tant que rapporteur du projet de loi sur la réforme des retraites de 2003, de l'amendement qui a conduit les partenaires sociaux à ouvrir une négociation sur cette question. La négociation a pris du retard, en partie parce que les partenaires sociaux ont souhaité d'abord traiter la question de l'emploi des seniors, mais aussi en raison de la complexité intrinsèque du sujet : comment définir les métiers pénibles ? Faut-il laisser les salariés qui occupent des emplois pénibles partir plus tôt en retraite ou faut-il faire porter l'effort sur l'amélioration des conditions de travail ? Il est vrai, cependant, que le dossier s'est enlisé dans la période récente et qu'il convient d'y remédier : si la prochaine réunion entre patronat et syndicats, prévue le mois prochain, n'aboutit pas à un accord, l'Etat prendra alors ses responsabilités.

M. Nicolas About, président, a demandé au ministre de préciser sa position sur l'assistance du salarié par un avocat.

Mme Annie David a estimé que le projet de loi, en ne précisant pas qui peut assister l'employeur, autorise de facto celui-ci à faire appel à la personne de son choix, donc éventuellement à un avocat, ce qui n'est pas le cas pour le salarié.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, a estimé que la disposition relative à la possibilité pour l'employeur de se faire assister doit être interprétée à la lumière de celle relative à l'assistance du salarié : dès lors que le salarié ne peut faire appel à un avocat, l'employeur n'a pas non plus cette faculté.

Mme Marie-Thérèse Hermange est revenue sur la question du rôle du Parlement dans ce contexte de renouveau de la démocratie sociale, pour estimer qu'il lui appartient désormais de développer sa fonction de contrôle, comme la commission l'a fait récemment sur la question de la mise en oeuvre de la convention Aeras (s'assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé).

AUDITIONS DU MERCREDI 9 AVRIL 2008

Réunie le mercredi 9 avril 2008 , sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à plusieurs auditions sur le projet de loi n° 743 portant modernisation du marché du travail dont M. Pierre Bernard-Reymond est le rapporteur.

La commission a procédé à l'audition de M. Serge Legagnoa, secrétaire général de la fédération employés et cadres de la Confédération générale du travail-Force ouvrière (CGT-FO).

M. Serge Legagnoa, secrétaire général de la fédération employés et cadres de la Confédération générale du travail-Force ouvrière (CGT-FO) a d'abord souligné combien FO est respectueuse du rôle du Parlement. Si les partenaires sociaux sont les acteurs de la démocratie sociale, ils n'ont pas vocation à être des colégislateurs.

La négociation qui a abouti à l'accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail a été difficile, même si le compromis finalement trouvé est équilibré. La crise qui a affecté l'union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) n'a pas favorisé un déroulement serein des discussions.

Le projet de loi reflète de manière satisfaisante, à son sens, l'état d'esprit de la négociation et il a souhaité que son équilibre global ne soit pas remis en cause. L'ANI prévoit l'ouverture de nouvelles négociations qui s'annoncent difficiles en raison de leur impact financier, en matière de formation professionnelle et d'assurance chômage notamment. Il a enfin estimé que le projet de loi amorce la sécurisation des parcours professionnels.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur , a souhaité que le Parlement respecte l'esprit de la négociation et s'est félicité de la conclusion de cet accord, qui témoigne du renforcement du dialogue social. Il a ensuite demandé quel sera l'impact de la fixation d'une durée maximale de la période d'essai, compte tenu de la grande diversité des pratiques selon les branches, et si les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle auront les moyens d'instruire les demandes d'homologation de la rupture conventionnelle dans le délai de deux semaines qui leur serait imparti. Il a également souhaité savoir si la décision de signer l'accord avait donné lieu à de longs débats au sein de FO et s'il est possible de connaître les points essentiels qui ont dissuadé un des cinq syndicats représentatifs de l'approuver.

M. Serge Legagnoa a confirmé que la durée de la période d'essai est très variable selon les branches, mais aussi selon les métiers. Si elle est limitée à quinze jours dans quelques métiers de la métallurgie, elle peut atteindre six mois renouvelables pour certains cadres. Dans ce contexte, FO souhaite que les branches assument leurs responsabilités et négocient la durée de la période d'essai dans le respect des plafonds légaux.

Abordant l'homologation de la rupture conventionnelle du contrat de travail, il y a vu le retour à une forme d'autorisation administrative du licenciement et a indiqué que FO aurait préféré que les différends entre employeur et salarié soient réglés devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes. Le patronat semble avoir hésité avant de proposer une homologation par la direction du travail, cette solution ayant sans doute été retenue au motif que l'administration aura du mal à effectuer les contrôles qui lui incombent dans le délai imparti. Cette procédure risque cependant de favoriser le développement d'un important contentieux.

La décision prise par FO de signer l'accord a donné lieu à des débats au sein de l'organisation, comme d'ailleurs au sein des autres syndicats. Au total, le texte est apparu équilibré et les nouveaux éléments de flexibilité qu'il introduit suffisamment encadrés.

En ce qui concerne le choix d'un syndicat - la CGT - de ne pas signer l'ANI, il a indiqué avoir eu le sentiment, dès le début de la négociation, que cette organisation ne s'inscrivait pas dans la perspective d'approuver l'accord, ce qui ne l'a pas empêchée de prendre une part active aux discussions et de se montrer aujourd'hui mesurée dans ses critiques.

Après avoir souligné que la conclusion de l'ANI n'empêche nullement les parlementaires d'avoir une opinion sur le projet de loi, Mme Annie David a souhaité connaître la position de FO sur le contrat à durée déterminée (CDD) à objet défini et sur le portage salarial.

Mme Catherine Procaccia a rappelé que, lors de l'examen du projet de loi de modernisation du dialogue social, au début de l'année 2007, les syndicats avaient insisté sur leur volonté de développer le dialogue social, mais aussi sur leur respect des prérogatives des parlementaires.

M. Serge Legagnoa a estimé que ce texte est cependant différent des précédents, dans la mesure où il ouvre une nouvelle phase dans l'histoire du dialogue social. Sur le CDD à objet défini, FO n'était pas à l'initiative de cette mesure et l'accord a été trouvé sur ce point dans les toutes dernières minutes de la discussion. Il a redouté qu'il n'entraîne un surcroît de précarité, dans les secteurs du conseil ou de l'informatique notamment. Il a toutefois insisté sur le caractère expérimental de ce dispositif, qui donnera lieu à un bilan dans quelques années. Sur le portage salarial, le projet de loi marque une première étape ; il a déclaré n'être pas opposé à ce que cette nouvelle forme de la relation de travail soit expérimentée, à condition que les risques dont elle est porteuse soient maîtrisés.

Mme Catherine Procaccia a rappelé que le portage salarial est distinct de l'intérim et qu'il s'adresse surtout à des seniors en recherche d'emploi, qui trouvent eux-mêmes des missions auprès d'entreprises clientes avant d'être embauchés comme salariés par une entreprise de portage. Elle s'est étonnée que l'ANI prévoie de confier à la branche de l'intérim le soin de négocier la convention collective du portage salarial, alors qu'un accord a déjà été signé par des organisations représentatives du secteur.

M. Serge Legagnoa a répondu que la conclusion de l'ANI ne remet pas en cause l'accord qui a déjà été signé.

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Alain Lecanu, secrétaire national, et Mme Marie-Françoise Leflon, déléguée nationale, de la Confédération française de l'encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC).

M. Alain Lecanu, secrétaire national de la Confédération française de l'encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC) a rappelé que l'accord du 11 janvier 2008 constitue la première application de la loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007. Le rythme de la négociation a été soutenu : seize réunions organisées en seulement quatre mois, ce qui a permis de progresser rapidement. Les partenaires sociaux ont souhaité lier trois sujets au cours de leurs discussions : la réforme du contrat de travail, la sécurisation des parcours professionnels et l'assurance chômage. Jugeant l'accord équilibré, il a souligné que le projet de loi ne reprend que les stipulations de l'accord qui nécessitent une transposition législative.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur , a indiqué que le projet de loi doit, pour cette raison, être apprécié à la lumière de l'accord conclu par les partenaires sociaux. Puis il a demandé s'il est possible d'évaluer l'impact de la mesure consistant à fixer une durée maximale à la période d'essai, compte tenu de la grande diversité des pratiques selon les branches et les entreprises. Il a également souhaité savoir si les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle auront les moyens d'instruire les demandes d'homologation de la rupture conventionnelle dans le bref délai qui leur est imparti. Il s'est ensuite interrogé sur les besoins des entreprises auxquels permettra de répondre le CDD à objet défini et sur les effets de ce nouveau contrat sur l'emploi des cadres. Il a enfin souhaité connaître la position de la CGC sur le portage salarial.

M. Alain Lecanu a indiqué que les partenaires sociaux ont voulu harmoniser les pratiques en matière de période d'essai, qui varient beaucoup selon les branches. Il a estimé que la durée retenue pour les cadres est proche de celles pratiquées actuellement et a rappelé que les branches pourront toujours négocier dans le respect des dispositions légales.

Sur la rupture conventionnelle du contrat de travail, il lui est difficile d'apprécier si les directions départementales du travail auront les moyens d'effectuer le contrôle qui leur est imparti. Pour sa part, la CGC était favorable à une homologation par le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes. Un recours devant les prud'hommes sera d'ailleurs toujours possible une fois que l'homologation aura été accordée ou refusée par l'administration. Il sera utile de procéder à un bilan pour s'assurer que l'homologation n'est pas trop souvent acquise en raison du défaut de réponse de l'administration dans le délai prescrit.

Au sujet du CDD à objet défini, ce contrat pourrait être utile pour mener à bien, par exemple, des projets à l'export ou des travaux de recherche. Sa mise en oeuvre est soigneusement encadrée : créé à titre expérimental pendant cinq ans, il est signé pour une durée comprise entre dix-huit et trente-six mois et ne peut être conclu que si un accord de branche l'autorise. Il pourrait constituer un outil efficace pour relever le taux d'emploi des seniors.

Abordant la question du portage salarial, M. Alain Lecanu a insisté sur la diversité des situations qu'il lui est donné d'observer en tant que membre du bureau de l'Unedic : les écarts de rémunérations sont importants d'une entreprise à une autre, certains salariés sont couverts par l'assurance chômage, tandis que d'autres en sont exclus. Il a jugé peu souhaitable qu'un salarié reste indéfiniment employé par une entreprise de portage et a proposé qu'une durée maximale de trois ans soit envisagée, sous réserve d'aménagements destinés à tenir compte de la situation particulière des salariés en fin de carrière.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur , a demandé si le projet de loi apporte les clarifications nécessaires pour mieux organiser le secteur du portage salarial.

Mme Annie David s'est déclarée sceptique quant à la possibilité de créer un nouveau type de CDD sans augmenter la précarité des travailleurs concernés, d'autant que l'on ne peut écarter le risque que ce contrat soit peu à peu étendu à d'autres catégories de salariés.

Sur la question du portage salarial, M. Alain Lecanu a précisé que le projet de loi se contente de reprendre les termes de l'accord des partenaires sociaux, qui confie à la branche de l'intérim le soin d'organiser ce secteur. Concernant le CDD à objet défini, il a indiqué que la CGC avait proposé qu'il soit également ouvert aux techniciens qualifiés, qui travaillent sur les mêmes projets que les cadres et les ingénieurs, et a considéré qu'un éventuel élargissement du public visé pourrait être examiné au terme de l'expérimentation. Il s'est dit persuadé que ce nouveau contrat réduirait en réalité la précarité des salariés concernés, dans la mesure où il n'est pas rare aujourd'hui que des salariés soient embauchés pour un projet précis et soient licenciés au bout d'un an ou deux. Il a souligné que le salarié pourrait être embauché en CDI à l'issue de son contrat et qu'il percevrait, à défaut, une indemnité équivalant à celle prévue en fin de CDD.

La commission a enfin procédé à l'audition de M. Eric Aubin, membre de la commission exécutive confédérale, et Mme Isabelle Depuydt, conseillère confédérale, de la Confédération générale du travail (CGT).

Revenant sur les conditions de négociation de l'ANI sur la modernisation du marché du travail, M. Eric Aubin, membre de la commission exécutive confédérale de la CGT, a regretté que le pouvoir politique ait été omniprésent tout au long des discussions : le Gouvernement a imposé un calendrier très contraignant aux partenaires sociaux, puis leur a adressé une lettre d'orientation déterminant des axes précis de négociation. Cette façon de procéder a incité certaines organisations syndicales à accepter l'accord qui leur a été proposé, de crainte que le pouvoir politique n'élabore, en cas d'échec de la négociation, un projet de loi encore plus néfaste pour les salariés. La CGT ne conteste cependant pas la validité de l'accord qui a été approuvé par quatre organisations syndicales représentatives.

Ceci étant, elle considère que le projet de loi pourrait être amélioré sur les points suivants :

- à l'article premier, la formule suivant laquelle le CDI est la « forme normale » de la relation de travail est peu rigoureuse juridiquement ; il vaudrait mieux maintenir la rédaction actuelle du code du travail, qui dispose que le contrat de travail est conclu à durée indéterminée, en précisant simplement qu'il est également conclu à temps plein ;

- au sujet de la rupture conventionnelle du contrat de travail, il faudrait introduire une distinction selon que l'employeur est ou non à l'origine de la rupture, en prévoyant, dans le premier cas, une obligation de motivation de la cessation de la relation de travail ;

- en ce qui concerne le CDD à objet défini, il faut rappeler qu'il existe déjà trente-sept types de contrats de travail, ce qui conduit à douter de l'utilité de créer un nouveau type de contrat précaire. De plus, il est étonnant que le projet de loi prévoie, d'une part, que ce contrat est conclu pour une durée minimale de dix-huit mois, tout en autorisant, d'autre part, une rupture à la date anniversaire de sa conclusion, soit au bout de douze mois. M. Eric Aubin a émis le souhait que les salariés dont le contrat serait ainsi rompu bénéficient de l'assurance chômage et a regretté qu'aucune garantie ne soit apportée sur ce point. On peut d'ailleurs s'inquiéter des conditions dans lesquelles va se dérouler la négociation pour le renouvellement de la convention d'assurance chômage, qui n'a toujours pas débuté, alors qu'elle était censée aboutir à la fin du mois de juin ;

- l'allongement de la durée de la période d'essai est contestable, même si la loi ne fixe en la matière que des plafonds, ainsi que l'a rappelé le Conseil d'Etat. Il conviendrait de supprimer le dernier alinéa de l'article 2, qui contraint les branches à renégocier leur convention collective si elle prévoit des durées inférieures aux plafonds légaux, d'introduire dans la loi une définition de la période d'essai et de prendre en compte l'expérience antérieure du salarié pour en fixer la durée. Enfin, le renouvellement de la période d'essai ne devrait être possible que si la lettre d'engagement du salarié ou son contrat de travail le prévoit explicitement ;

- le champ d'intervention du fonds de mutualisation, dont la création est prévue à l'article 7, devrait être élargi afin qu'il puisse venir en aide aux salariés qui ne perçoivent temporairement aucune rémunération du fait d'une inaptitude causée par une maladie ou un accident d'origine non professionnelle.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur , a souhaité mieux comprendre les raisons qui ont conduit la CGT à ne pas signer l'ANI : conteste-t-elle l'accord dans ses principes mêmes ? Y voit-elle un facteur de régression ? Ou considère-t-elle qu'il ne va pas assez loin dans la réforme ? Puis il a demandé si la CGT compte participer aux négociations qui sont prévues par l'ANI.

M. Eric Aubin a de nouveau regretté que les pressions politiques aient créé un climat pesant, peu propice à une négociation sereine, et s'est étonné que le Gouvernement se montre moins pressant sur d'autres sujets de négociation, par exemple la pénibilité au travail qui fait l'objet de discussions depuis trois ans sans qu'un accord ne semble en voie d'être conclu.

La CGT juge l'ANI déséquilibré, dans la mesure où le patronat a obtenu satisfaction sur ses trois principales revendications - le CDD à objet défini, la période d'essai et la rupture conventionnelle - alors que les éléments de sécurisation au profit des salariés sont renvoyés à des négociations ultérieures. Ceci étant, la CGT prendra toute sa place dans les futures négociations qui porteront notamment sur la formation professionnelle et sur l'assurance chômage.

M. Nicolas About, président , a fait remarquer que la CGT négocie beaucoup, mais signe peu d'accords nationaux.

M. Eric Aubin a contesté ce point, faisant valoir que la CGT approuve 82 % des accords négociés au niveau de l'entreprise.

Mme Catherine Procaccia a estimé que l'adoption des amendements proposés par la CGT remettrait profondément en cause l'accord des partenaires sociaux et qu'il serait alors logique d'ouvrir une nouvelle négociation, dont on peut douter qu'elle aboutisse à un compromis très différent de celui conclu au mois de janvier.

Mme Annie David a rappelé que la CGT avait signé, en 2004, l'accord relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et a déploré que le Sénat eut ensuite adopté un amendement qui avait en partie dénaturé le compromis trouvé par les partenaires sociaux, ce qui ne les avait d'ailleurs pas conduits à ouvrir de nouvelles négociations. Puis elle a souhaité obtenir des précisions sur la proposition de la CGT relative à la durée de la période d'essai négociée dans les branches.

M. Eric Aubin a rappelé que le dernier alinéa de l'article 2 impose aux branches de négocier, d'ici à la fin du mois de juin 2009, sur la durée de la période d'essai lorsque leur convention collective prévoit des durées inférieures aux plafonds prescrits par le projet de loi. Cette solution apparaît peu logique, puisqu'elle oblige à renégocier des dispositions qui sont déjà en conformité avec la loi.

Mme Isabelle Depuydt, conseillère confédérale de la CGT , a ajouté que le projet de loi précise que les accords prévoyant des durées supérieures aux nouveaux plafonds continueront en revanche à s'appliquer, ce qui revient à consacrer un véritable principe de défaveur préjudiciable aux salariés.

M. Eric Aubin a souligné que la CGT respecte le droit d'amendement des parlementaires et qu'elle s'est efforcée de proposer des améliorations qui ne remettent pas en cause les fondements de l'accord.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur , a alors demandé si la CGT aurait signé l'accord si les cinq propositions qui ont été présentées y avaient figuré.

M. Eric Aubin a indiqué que cela n'est pas certain, dans la mesure où l'accord introduit beaucoup d'éléments de flexibilité et de sécurisation au bénéfice des entreprises, mais apporte en revanche bien peu d'avantages aux salariés.

AUDITION DU MARDI 15 AVRIL 2008

Réunie le mardi 15 avril 2008 , sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'audition de M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) sur le projet de loi n° 302 (2007-2008) relatif à la modernisation du marché du travail ( M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur ).

M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales de la CGPME , a tout d'abord souligné que l'accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail, dont la CGPME est signataire, est, par nature, le résultat d'un compromis. Les avancées significatives qu'il comporte, notamment la définition d'une période d'essai interprofessionnelle, la rupture conventionnelle du contrat de travail et la création d'un contrat à durée déterminée (CDD) à objet défini ont conduit la CGPME à porter une appréciation plutôt positive sur cet accord.

Toutefois, la CGPME éprouve de fortes réticences sur l'article 9 du projet de loi, qui abroge le contrat « nouvelles embauches » (CNE) et qui prévoit la requalification en contrat à durée indéterminée (CDI) des CNE en cours d'exécution. Le projet de loi s'écarte, sur ce point, de la lettre de l'ANI, qui stipulait seulement que la rupture du CNE devrait désormais être motivée. Les employeurs et les salariés qui ont conclu des CNE ont le sentiment que l'Etat revient sur la parole donnée en remettant en cause rétroactivement le régime juridique de leur contrat.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur, a rappelé que le CNE a été jugé incompatible avec la convention n° 158 de l'organisation internationale du travail (OIT), tant par le bureau international du travail (BIT) que par les tribunaux français. Dans ces conditions, la disparition du CNE n'était-elle pas inéluctable, sous peine de faire courir un risque juridique élevé aux entreprises comme aux salariés ?

M. Georges Tissié a insisté sur le fait que la décision du BIT condamne seulement l'absence de motivation de la rupture du CNE pendant deux ans, sans remettre en cause les autres aspects de ce contrat. Dans la mesure où les partenaires sociaux sont d'accord pour motiver désormais les ruptures de CNE, il n'était pas nécessaire de prévoir une requalification de ces contrats en CDI. Comme il ne sera plus possible de signer de nouveaux CNE après la publication de la loi, cette forme de contrat aurait fini par disparaître d'elle-même au fil du temps.

Mme Annie David a demandé en quoi la requalification en CDI peut gêner les employeurs, sauf à imaginer qu'ils ont conclu des CNE avec l'intention de licencier leurs salariés au bout de deux ans, puisque le CNE est de toute façon assimilé à un CDI passé cette période de deux ans.

M. Georges Tissié a répété que les partenaires sociaux ont prévu dans l'ANI que la rupture du CNE devrait toujours être motivée, sans proposer pour autant de faire disparaître les CNE en cours. Il a suggéré une modification du paragraphe II de l'article 9 du projet de loi, afin de substituer à la requalification une simple obligation de motiver la rupture.

M. Nicolas About, président , a souhaité savoir plus précisément ce qui distingue un CNE d'un CDI, hormis la dispense de motivation de la rupture pendant les deux premières années.

M. Georges Tissié a répondu que la CGPME défend une position de principe : les CNE en cours doivent aller jusqu'à leur terme, sous réserve de l'obligation de motivation.

M. Nicolas About, président, a demandé si la CGPME considère que le Gouvernement va au-delà de ce qui est strictement nécessaire en proposant la requalification des CNE en CDI. Il a de nouveau souhaité savoir précisément quelles sont les différences entre CNE et CDI, en mettant à part le problème de la motivation de la rupture, sur lequel la commission est désormais bien informée.

M. Georges Tissié a indiqué que la requalification a des conséquences financières, mais a refusé d'entrer plus avant dans ce débat.

Après avoir fait part de son étonnement, M. Nicolas About, président, a rappelé que l'audition a pour objectif d'éclairer la commission et il a donc insisté pour obtenir des précisions.

M. Georges Tissié a finalement indiqué que le CNE comporte d'autres spécificités. Ainsi, la requalification aura pour effet de priver les salariés en CNE de l'indemnité spécifique à laquelle ils ont droit en cas de rupture de leur contrat. Cette indemnité étant d'un montant plus élevé que celle que perçoit un salarié en CDI en cas de licenciement, la mesure leur sera donc en définitive défavorable.

M. Nicolas About, président, a fait observer que, dans l'économie générale du CNE, l'absence de motivation de la rupture était compensée par des indemnités plus élevées pour le salarié. Ne convient-il pas, dès lors que l'on revient sur l'absence de motivation, de revenir aussi sur l'indemnisation de la rupture, afin de rétablir l'équilibre ?

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur, a demandé si cette question a donné lieu à d'importants débats au cours de la négociation de l'ANI.

M. Georges Tissié a indiqué que certains syndicats avaient proposé que les CNE en cours soient déclarés caducs ; la CGPME s'est opposée à cette proposition et a obtenu que l'accord se prononce sur la seule question de la motivation.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur, a ensuite demandé si la création de la nouvelle période d'essai interprofessionnelle prévue par le projet de loi n'atténue pas quelque peu les effets de la suppression du CNE.

Confirmant que la création de cette période d'essai interprofessionnelle est, à ses yeux, un point positif, M. Georges Tissié a cependant regretté que le projet de loi fixe seulement un plafond à la durée de la période d'essai, mais pas de durée plancher, contrairement à l'ANI. Cette période d'essai interprofessionnelle devrait permettre d'éviter de recourir au CDD au moment de la première embauche d'un salarié.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur, a ensuite abordé le sujet de la rupture conventionnelle du contrat de travail : la décision de faire homologuer la rupture par la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP) n'est-elle pas contradictoire avec la suppression, il y a une vingtaine d'années, de l'autorisation administrative de licenciement ?

M. Georges Tissié a répondu que la CGPME était défavorable à cette solution, qui a d'ailleurs donné lieu à de réels débats au sein de la délégation patronale ; elle avait plutôt défendu l'idée d'un contrôle par le bureau de jugement du conseil de prud'hommes. In fine, un accord a été trouvé sur l'intervention de la DDTEFP. Toutefois, les litiges relatifs à la rupture conventionnelle seront bien portés devant le conseil de prud'hommes, ce qui donne en partie satisfaction à la CGPME.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur, a demandé si la CGPME accepterait que le dossier d'homologation déposé à la DDTEFP précise si l'initiative de la rupture incombe à l'employeur ou au salarié.

M. Georges Tissié a indiqué que la CGPME est attachée au principe d'une rupture décidée d'un commun accord et qu'elle est donc réservée sur toute proposition qui suggérerait que la rupture est décidée à l'initiative de l'une ou l'autre des parties.

Puis M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur, a souhaité connaître la position de la CGPME sur le portage salarial. En particulier, considère-t-elle que la personne portée doit se voir reconnaître le statut de salarié ?

M. Georges Tissié a souligné que le portage salarial donne lieu à des débats sans fin, notamment parce qu'il recouvre des pratiques très diverses : certains portés sont couverts par l'assurance chômage, d'autres non ; certains sont dans une relation de subordination vis-à-vis de la société de portage, tandis que d'autres sont très indépendants. Soulignant que le projet de loi n'apporte pas de réponses à toutes les questions, il a rappelé que l'ANI prévoit que la branche de l'intérim sera chargée d'organiser le portage par voie d'accord. Il a souhaité que les accords conclus dans certaines branches, l'informatique par exemple, qui couvrent déjà une partie des portés, soient également pris en compte.

En réponse à M. Paul Blanc, qui demandait si les écarts observés entre le projet de loi et l'ANI signé en janvier étaient de nature à modifier l'appréciation de la CGPME, M. Georges Tissié a indiqué qu'ils ne remettent pas en cause le jugement globalement positif porté par la CGPME, tant sur l'accord que sur le projet de loi.

Mme Raymonde Le Texier a souhaité savoir pourquoi la CGPME était favorable à une intervention du bureau de jugement du conseil de prud'hommes plutôt qu'à une intervention de la DDTEFP dans la procédure de rupture conventionnelle. Elle a fait observer ensuite que la rupture conventionnelle serait vraisemblablement demandée, le plus souvent, par l'employeur, et souligné que l'allongement de la période d'essai permettra à l'entreprise de réaliser des économies, en évitant le recours au CDD, dont la rupture est plus coûteuse. Au total, ne peut-on avoir le sentiment que l'accord penche tout de même en faveur des employeurs ?

M. Georges Tissié a considéré que l'allongement de la période d'essai est un élément de souplesse, certes utile aux entreprises, mais bénéfique aussi pour les salariés, puisqu'il leur permettra d'être recrutés plus souvent en CDI. Il a confirmé qu'il y a un certain paradoxe à proposer une intervention de la DDTEFP dans la procédure de rupture conventionnelle, après avoir combattu pendant des années l'autorisation administrative de licenciement, mais il a estimé qu'il s'agit là du résultat d'un compromis. Il a enfin contesté l'idée selon laquelle l'accord serait déséquilibré en faveur des employeurs, en faisant valoir notamment que la rupture conventionnelle sera financièrement très avantageuse pour le salarié, qui percevra des allocations chômage.

Mme Annie David a cependant estimé que l'employeur aura toujours la faculté de refuser l'offre de rupture conventionnelle formulée par le salarié, alors que ce dernier pourra difficilement refuser l'offre de rupture proposée par l'employeur.

M. Georges Tissié a réaffirmé que la rupture conventionnelle serait financièrement intéressante pour le salarié, à tel point que certains négociateurs se sont d'ailleurs inquiétés des conséquences de cette mesure sur les comptes de l'assurance chômage. Il a souhaité, en conclusion, que le Parlement modifie le moins possible le projet de loi portant modernisation du marché du travail.

AUDITIONS DU MERCREDI 16 AVRIL 2008

Réunie le mercredi 16 avril 2008 , sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'audition de M. Marcel Grignard, secrétaire national, Mmes Laurence Laigo, secrétaire nationale, et Anne Florence Quintin, secrétaire confédérale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT).

M. Marcel Grignard, secrétaire national de la CFDT, s'est d'abord félicité de ce que la mise en oeuvre de la loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007 ait favorisé la conclusion de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail. Sans remettre en cause les prérogatives du législateur, il a souhaité que l'esprit et l'équilibre général de l'accord soient respectés au cours de la discussion parlementaire.

Le projet de loi portant modernisation du marché du travail est le résultat d'une longue concertation entre les organisations signataires de l'ANI et les services du ministère du travail. Le projet de loi reprend fidèlement les stipulations de l'accord, tout en apportant des précisions utiles. Il s'agit d'un texte novateur, qui encadre les mesures à tonalité libérale qu'il comporte. Ainsi, le contrat à durée déterminée (CDD) à objet défini, qu'il est proposé d'instituer à titre expérimental, ne pourra être mis en oeuvre que si un accord collectif l'autorise. De même, la rupture conventionnelle du contrat du travail obéira à une procédure rigoureuse, de nature à rassurer tant les employeurs que les salariés.

L'ANI apporte en outre des droits nouveaux aux salariés, notamment aux jeunes travailleurs qui ne bénéficient pas encore d'une grande stabilité de l'emploi, en améliorant leur couverture santé et en réduisant l'ancienneté exigée pour bénéficier d'indemnités de licenciement. S'il ne constitue pas une révolution, l'accord marque donc une avancée importante.

Puis Mme Laurence Laigo, secrétaire nationale de la CFDT, a évoqué les négociations qui vont être ouvertes prochainement, en application des stipulations de l'ANI : elles porteront sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) et sur le bilan d'étape professionnel des salariés, sur la formation professionnelle et sur l'assurance chômage. Elles permettront de concrétiser les orientations définies dans l'ANI.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur, s'est enquis du jugement global de la CFDT sur l'accord : s'agit-il d'un accord banal, d'un accord qui apporte des progrès substantiels, voire d'un accord historique, comme l'ont affirmé certains députés lors des débats à l'Assemblée nationale ? Il a rappelé qu'il existe déjà une trentaine de types de contrats de travail et demandé si les négociateurs avaient envisagé de rationaliser ces dispositifs avant de proposer la création d'une nouvelle catégorie de CDD. Puis il a souhaité savoir si la CFDT approuve la stipulation qui incite les partenaires sociaux à renégocier, d'ici au 30 juin 2009, les accords collectifs prévoyant une durée de la période d'essai inférieure aux nouveaux plafonds légaux. Il a également voulu connaître le sentiment de la CFDT sur la proposition, formulée par plusieurs syndicats, consistant à prévoir une intervention du bureau de conciliation du conseil de prud'hommes dans la procédure de rupture conventionnelle. Enfin, il s'est interrogé sur la manière dont le pouvoir de direction de l'employeur peut être concilié, dans les entreprises de portage salarial, avec la garantie des droits reconnus à la personne portée sur son apport de clientèle.

Après avoir qualifié de novateur l'ANI conclu le 11 janvier dernier, M. Marcel Grignard a souligné que cet accord ne sera utile que s'il modifie les rapports entre employeurs et salariés dans les centaines de milliers d'entreprises françaises.

Certes, il existe un nombre excessif de contrats de travail, ce qui peut apparaître contradictoire avec la décision d'en créer un nouveau. Cependant, la CFDT a recherché des réponses concrètes aux problèmes qui se posent, ce qui l'a conduite à écarter provisoirement sa position de principe en faveur d'une rationalisation des contrats de travail. Cette question devra cependant être réexaminée dans les années qui viennent, en vue notamment de simplifier l'architecture des contrats aidés.

La CFDT est favorable à la renégociation des accords qui prévoient une période d'essai plus courte que les nouveaux plafonds légaux. En effet, certains accords de branche anciens méritent d'être réactualisés, en y intégrant les innovations contenues dans le projet de loi, notamment l'obligation de respecter un délai de prévenance en cas de rupture de la période d'essai et la prise en compte de la durée des stages effectués dans l'entreprise.

En ce qui concerne la rupture conventionnelle du contrat de travail, le projet de loi vise à garantir la liberté de consentement des parties. L'intervention d'un acteur extérieur à l'entreprise peut, de ce point de vue, s'avérer bénéfique. Si la CFDT a soutenu la proposition de faire intervenir le bureau de conciliation prud'homal, qui avait été suggérée au départ par d'autres syndicats, elle a fini par se rallier au compromis trouvé, qui prévoit une homologation de la rupture par la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP).

Sur la question du portage salarial, il faut rappeler que des milliers de salariés travaillent actuellement pour des sociétés de portage, souvent dans la plus grande illégalité. Il s'agit souvent de seniors très qualifiés, arrivés en fin de carrière, mais aussi parfois de salariés beaucoup plus jeunes. La décision de confier à la branche de l'intérim le soin d'organiser ce secteur marque une première étape, qui devra être suivie par d'autres interventions législatives.

Après avoir estimé que la France a besoin de changements structurels, Mme Laurence Laigo a affirmé que l'ANI présente justement un caractère structurant, dans la mesure où il fixe les grandes orientations des politiques à mener pour réduire encore le taux de chômage et adapter notre système de protection sociale, hérité des Trente Glorieuses, à une situation de plus grande précarité de l'emploi.

Mme Annie David a demandé si les projets du Gouvernement en matière de contrôle des chômeurs inquiètent la CFDT, dans la perspective de la négociation de la future convention d'assurance chômage.

Mme Laurence Laigo a constaté que la question du contrôle des chômeurs est en effet de nouveau présente dans l'actualité ; elle a souhaité que le Gouvernement laisse aux partenaires sociaux la possibilité de définir les règles applicables par la voie du dialogue social.

Jugeant l'accord déséquilibré, M. Guy Fischer a estimé que le patronat a obtenu satisfaction sur ses trois principales revendications : le CDD à objet défini, la rupture conventionnelle et la période d'essai interprofessionnelle. Comment, dans ces conditions, la CFDT pourra-t-elle peser pour que les salariés trouvent des motifs de satisfaction dans ce projet de loi ?

M. Marcel Grignard s'est déclaré en désaccord avec cette interprétation : sur les trois sujets qui ont été mentionnés, la CFDT estime que l'ANI va améliorer la situation réelle des salariés. Concernant la période d'essai par exemple, il ne faut pas oublier que beaucoup d'employeurs embauchent d'abord leurs salariés en CDD, qui joue ainsi le rôle d'une période d'essai prolongée, avant de les recruter définitivement. De même, le CDD à objet défini marque un progrès par rapport à la situation actuelle, dans laquelle les salariés soit enchaînent les CDD, soit sont cantonnés à des statuts précaires en marge de l'entreprise, soit sont embauchés en CDI, puis licenciés, sans bénéficier des avantages auxquels on peut prétendre lors de l'arrivée à échéance d'un CDD.

La CFDT a veillé tout au long de la négociation à donner aux salariés des leviers pour agir. Le recours au CDD à objet défini est ainsi subordonné à la conclusion d'un accord collectif. En encadrant la rupture conventionnelle, on apporte également aux salariés des garanties supplémentaires par rapport aux ruptures de gré à gré qui peuvent exister aujourd'hui.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur, a demandé si la CFDT regrette qu'une importante centrale syndicale ne participe pas au mouvement de réforme en cours et si elle a l'espoir que cette organisation finisse par s'y rallier.

M. Marcel Grignard a répondu que la CFDT a pris la décision de signer l'accord en pleine autonomie et qu'elle respecte l'autonomie des autres organisations syndicales. Les relations entre les différentes centrales ont été très constructives, y compris avec la CGT, qui signe par ailleurs presque autant d'accords d'entreprises que la CFDT. Les syndicats ont collectivement la responsabilité de rénover la démocratie sociale et toutes les organisations ont des progrès à accomplir en ce sens.

Puis la commission a procédé à l'audition de Mme Gabrielle Simon, secrétaire générale adjointe de la confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC).

Mme Gabrielle Simon, secrétaire générale adjointe de la CFTC, a d'abord estimé que l'accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail marque une étape importante sur la voie de la sécurisation du parcours de vie professionnelle. Considérant qu'un échec de la négociation aurait sans doute conduit à imposer plus de flexibilité aux salariés, les syndicats ont accepté des demandes de la partie patronale, en exigeant qu'elles soient encadrées.

Les organisations syndicales ont ainsi obtenu que le contrat à durée indéterminée (CDI) soit consacré comme la forme normale d'emploi, ce qui a eu pour corollaire de supprimer le contrat « nouvelles embauches » (CNE). Le développement de l'économie suppose, en effet, de renforcer la confiance des salariés dans l'avenir et donc de réduire la précarité de l'emploi.

La CFTC a défendu la transférabilité du droit individuel à la formation (Dif), de manière à ce que les droits sociaux soient désormais attachés à la personne, et non plus au contrat de travail. Des avancées ont également été enregistrées en matière de complémentaire santé : la CFTC avait demandé que le salarié puisse en conserver le bénéfice pendant toute la durée de sa période d'indemnisation par l'assurance chômage ; un accord a finalement été trouvé sur un maintien des droits pendant trois mois.

L'allongement de la période d'essai ne constitue pas un recul, car le CDD et l'intérim sont aujourd'hui souvent détournés de leurs finalités par les employeurs et utilisés pour mettre à l'essai un salarié avant de l'engager en CDI. Les syndicats ont modéré les demandes des employeurs sur ce point : les organisations patronales avaient d'abord proposé que la durée de la période d'essai soit fixée, pour les cadres, à six mois, renouvelables trois fois, avec une possibilité de nouvelle prorogation si un accord collectif l'autorisait ! Un tel dispositif aurait conduit à la création de véritables « intermittents de l'emploi », alors que les entreprises ont besoin, au contraire, de salariés de mieux en mieux formés pour faire face à la mondialisation.

L'obligation d'informer les institutions représentatives du personnel sur le recours à l'intérim et au CDD dans l'entreprise constitue une autre innovation de l'accord. La CFTC demande, traditionnellement, que les cotisations à l'assurance chômage soient modulées en fonction de la durée des contrats de travail dans l'entreprise. Il est indispensable, pour ce faire, d'obtenir une cartographie des pratiques des entreprises.

Mme Gabrielle Simon a ensuite insisté sur les difficultés d'accès à l'emploi des jeunes. Le fait que la durée des stages soit prise en compte pour déterminer celle de la période d'essai marque une avancée, de même que la mise en oeuvre, par le service public de l'emploi (SPE), d'un plan personnalisé d'aide au retour à l'emploi. Chaque stage sera mentionné dans le passeport formation, ce qui facilitera ensuite la validation des acquis de l'expérience (VAE).

Les syndicats ont également obtenu, malgré les réticences des organisations patronales, que l'ancienneté requise pour bénéficier de l'indemnité conventionnelle de maladie soit réduite, ainsi que la durée du délai de carence qui doit s'écouler avant le début de son versement. Il a également été décidé de doubler le montant de l'indemnité de licenciement. L'accompagnement personnalisé des demandeurs d'emploi revêt cependant une importance essentielle : au Danemark, la politique de flexisécurité a produit ses effets grâce à une politique d'activation de l'emploi reposant sur l'accompagnement des chômeurs.

M. Nicolas About, président, a demandé si la fusion de l'ANPE et des Assedic ne vise pas, précisément, à améliorer l'accompagnement des demandeurs d'emploi.

Mme Gabrielle Simon a répondu qu'il convient maintenant de passer des intentions aux actes, ce qui suppose de dégager des moyens.

Abordant ensuite la rupture conventionnelle du contrat de travail, elle a indiqué que cette solution avait été préférée à la « séparabilité » préconisée par le Medef, qui apparaissait peu sécurisée. Si la CFTC a obtenu que le salarié dispose d'un droit de rétractation, sa proposition que le salarié donne son accord après avoir organisé son projet professionnel, en lien avec le SPE, n'a en revanche pas été retenue, cette procédure ayant été jugée excessivement complexe par les autres négociateurs. Il appartiendra à la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP) de veiller à la liberté de consentement des parties.

Au sujet du CDD à objet défini, la CFTC tenait à ce qu'il s'agisse d'un CDD, et non d'un CDI, afin que le salarié bénéficie de garanties renforcées.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur, a souhaité connaître la position de la CFTC sur la disposition du projet de loi qui conduit à renégocier les accords collectifs lorsque la durée de la période d'essai est inférieure aux nouveaux plafonds légaux. Puis il a demandé si la CFTC est favorable à l'intervention de la DDTEFP dans la procédure de rupture conventionnelle du contrat de travail et s'il serait judicieux d'indiquer à l'administration qui, de l'employeur ou du salarié, est à l'origine de la rupture. Il a ensuite voulu savoir si la décision de créer le CDD à objet défini a été précédée d'une évaluation des contrats existants et si certains contrats peu utilisés pourraient être supprimés. Enfin, il s'est interrogé sur l'incidence que pourrait avoir le développement du portage salarial sur les comptes de l'assurance chômage.

Mme Catherine Procaccia a fait observer que si le projet de loi prévoit de réduire la durée la période d'essai des salariés qui ont déjà effectué un stage dans l'entreprise, il est surprenant qu'aucune disposition analogue n'existe pour les salariés précédemment en apprentissage ou ayant effectué une formation en alternance dans l'entreprise.

Sur la période d'essai, Mme Gabrielle Simon a rappelé que l'ANI avait prévu des durées minimales et maximales, alors que le projet de loi n'a retenu qu'un plafond ; elle a cependant estimé que cette différence est sans incidence pratique, dans la mesure où les entreprises se seraient efforcées, en tout état de cause, de négocier les durées les plus longues possibles.

Concernant la rupture conventionnelle, la CFTC aurait souhaité une intervention du bureau de conciliation prud'homal, mais le Medef était hostile à une intervention des prud'hommes. Leur proposition de prévoir une homologation par la DDTEFP a stupéfié les représentants syndicaux, en raison de sa proximité avec l'autorisation administrative de licenciement, qui avait été tant combattue par les organisations patronales. La CFTC était initialement réservée sur l'idée de créer ce nouveau mode de rupture du contrat de travail, considérant que la rupture décidée à l'initiative de l'employeur devait rester un licenciement et celle décidée par le salarié une démission. La rupture conventionnelle sera toujours négociée, dans les faits, à l'initiative de l'une ou l'autre des parties.

Mme Raymonde Le Texier a suggéré que l'employeur sera vraisemblablement à l'origine de la plupart des ruptures conventionnelles.

Mme Gabrielle Simon a contesté ce point de vue, faisant valoir que les salariés sont parfois poussés à la démission par diverses formes de harcèlement moral, et qu'ils ne perçoivent, dans ce cas, aucune des indemnités qui seront désormais accordées en cas de rupture conventionnelle.

Mme Annie David a répliqué qu'il serait singulier que l'employeur accepte de négocier une rupture conventionnelle, alors qu'il fait justement pression sur le salarié pour le pousser à la démission...

Mme Gabrielle Simon a insisté sur le rôle des syndicats qui peuvent soutenir les salariés dans ce type de situation.

Evoquant la multiplicité des contrats de travail, elle a estimé qu'il est sans doute possible d'apporter quelques simplifications, mais a jugé irréaliste la perspective d'un contrat de travail unique. La CFTC n'a pas été à l'origine du CDD à objet défini, qui répond à une demande patronale, mais elle a insisté, durant la négociation, pour que la durée de ce contrat soit au moins de dix-huit mois alors que les organisations patronales souhaitaient qu'il puisse être rompu à la date anniversaire de sa conclusion.

Répondant à Mme Catherine Procaccia, elle a indiqué que l'apprentissage et les formations en alternance ne sont pas pris en compte parce que les syndicats n'ont pas obtenu gain de cause sur ce point.

Après que M. Nicolas About, président, eut suggéré qu'un amendement parlementaire pourrait peut-être y remédier, Mme Gabrielle Simon a précisé que son organisation manquerait de cohérence si elle demandait que des amendements soient votés par le Parlement alors qu'elle est signataire de l'accord.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur, a fait observer que le projet de loi prévoit à la fois que le CDD à objet défini a une durée minimale de dix-huit mois et qu'il peut être rompu à sa date anniversaire. Cela signifie-t-il qu'il peut être rompu au bout de douze mois ou seulement après vingt-quatre mois ?

Mme Gabrielle Simon a répondu que les syndicats se sont fermement opposés à toute possibilité de rupture au bout de douze mois. La durée de dix-huit mois qui a été retenue correspond à la durée maximale d'un CDD aujourd'hui. La rupture n'est donc possible qu'à la date du deuxième anniversaire de la conclusion du contrat.

AUDITIONS DU MARDI 29 AVRIL 2008

Réunie le mardi 29 avril 2008 , sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'audition de MM. Dominique Tellier, directeur des relations sociales, et Guillaume Ressot , directeur adjoint chargé des affaires publiques du Mouvement des entreprises de France (Medef).

Après avoir estimé que le projet de loi respecte l'équilibre voulu par les partenaires sociaux dans leur accord, M. Dominique Tellier, directeur des relations sociales, a souligné le caractère innovant de l'accord national interprofessionnel (ANI) et du texte qui en découle. Conclu en application de la loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007, et cosigné par la quasi-totalité des partenaires sociaux, cet accord apporte plus de flexibilité aux entreprises et davantage de sécurité aux salariés. L'organisation des discussions a elle aussi été innovante puisqu'elle s'est déroulée de manière apaisée après une phase de « délibération sociale » ayant permis d'établir un état des lieux sur le fonctionnement du marché du travail. L'objectif de l'accord est de lever les obstacles structurels à l'amélioration de la situation de l'emploi en France.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur , a souhaité savoir si cette pratique d'échanges préalables entre partenaires sociaux sera généralisée à l'ensemble des négociations. Il a demandé pourquoi les partenaires sociaux ont choisi de réglementer la période d'essai alors qu'ils jouissent déjà d'une grande liberté de négociation sur ce sujet. Il s'est enquis des raisons du rejet, par le Medef, de l'intervention du bureau de conciliation prud'homale en cas de rupture conventionnelle du contrat de travail.

Rappelant qu'il existe aujourd'hui trente-huit types de contrats de travail, il a demandé si les partenaires sociaux ont évalué les contrats existants avant de proposer la création d'un nouveau CDD à objet défini et s'il faut voir dans cette multiplicité de contrats un atout ou une source de confusion. Enfin, il a souhaité connaître l'incidence, sur l'assurance chômage, de la généralisation du portage salarial et les raisons pour lesquelles l'organisation de ce portage a été confiée par les partenaires sociaux à la branche de l'intérim.

M. Dominique Tellier a souligné que le fait d'établir un état des lieux lors des négociations entre partenaires sociaux, conformément à une idée de Laurence Parisot, permet de dépassionner le débat. Cette pratique ne s'est d'ailleurs pas imposée sans peine, la tendance naturelle des organisations patronales et syndicales étant de présenter d'abord leurs revendications. Néanmoins, elle a prouvé son utilité et sera utilisée aussi souvent que possible, la possibilité d'établir un état des lieux commun constituant un signe de maturité des partenaires sociaux.

Les conventions collectives de certaines branches contiennent, sur la période d'essai, des stipulations élaborées dans les années 1950, qu'il n'a pas été possible de faire évoluer malgré leur inadaptation aux réalités contemporaines. Le passage par un accord interprofessionnel, puis par la loi, était donc souhaité par les partenaires sociaux pour débloquer cette situation. Par ailleurs, la disparition du contrat « nouvelle embauche » (CNE) a conduit naturellement à envisager une négociation sur la période d'essai.

En matière de rupture conventionnelle, le Medef est attaché au caractère non conflictuel de cette procédure ; il aurait été, en conséquence, peu cohérent d'accepter un passage devant le conseil de prud'hommes, cette instance étant normalement chargée d'examiner des litiges. De plus, la procédure en aurait été ralentie, du fait de l'encombrement des prud'hommes. Enfin, le caractère paritaire des instances prud'homales aurait peut-être permis à des organisations non signataires de l'accord de s'opposer à des ruptures conventionnelles. Les prud'hommes peuvent néanmoins être saisis, en cas de litige, après l'homologation de la convention de rupture.

En ce qui concerne le CNE, le Medef avait accepté, avant même la condamnation de la France par le bureau international du travail (BIT), l'abandon de ce contrat et la motivation obligatoire de tous les licenciements. Sur ce point, le Medef ne partage pas l'analyse de la confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) : il estime qu'il n'y a pas de problème de rétroactivité, la jurisprudence ayant clairement affirmé l'obligation de motivation des licenciements dans le cadre des CNE.

Abordant la question du contrat unique, M. Dominique Tellier a estimé qu'il aurait constitué une réponse intéressante au problème des licenciements économiques collectifs mais tel n'était pas l'objet de la négociation. Il n'existe en réalité que deux grandes catégories de contrats, le contrat à durée indéterminée et le contrat à durée déterminée, certains CDD ouvrant droit au bénéfice de certaines aides dans le cadre de la politique de l'emploi. La mise en place d'un CDD à objet défini correspond au mode de fonctionnement de nombreuses entreprises qui sont déjà organisées en équipes de projet. Le Medef avait proposé la création d'un contrat à durée indéterminée de « projet » mais les syndicats ont préféré le recours au CDD, jugé plus protecteur. Le CDD à objet défini présente certes les mêmes rigidités qu'un CDD de droit commun mais pourra être signé pour une durée plus longue. Il est autorisé à titre expérimental et il faudra procéder à une évaluation pour empêcher toute dérive. De nombreuses applications sont possibles, par exemple pour concevoir un nouveau modèle automobile ou pour une mission à l'étranger.

Enfin, le portage salarial répond à un besoin social profond. A l'heure actuelle, ce mode d'organisation du travail se heurte à l'interdiction du prêt de main-d'oeuvre et ne permet pas l'accès à l'assurance chômage. L'élaboration d'un cadre légal est nécessaire pour moraliser les pratiques douteuses de certaines entreprises, qui prélèvent parfois 20 % à 25 % de la rémunération de leurs salariés sans réelle contrepartie. Les partenaires sociaux ont confié à la branche de l'intérim le soin d'organiser le portage au motif que la relation triangulaire qui unit l'entreprise cliente, le salarié porté et l'entreprise de portage est proche de celle qui existe dans le travail temporaire.

Mme Annie David s'est interrogée sur l'utilité du CDD à objet défini, dans la mesure où la majorité des ingénieurs et des cadres dans une entreprise se voit déjà confier des projets successifs. Le contrat à durée indéterminée leur offre la possibilité de faire une pause entre deux projets et le recours à un CDD paraît singulièrement amoindrir leurs perspectives de carrière.

Mme Raymonde Le Texier a jugé l'accord déséquilibré au détriment du salarié au moins sur trois points. D'abord, la durée de la période d'essai va augmenter dans tous les cas de figure, puisque les accords de branche prévoyant des durées inférieures aux nouveaux plafonds légaux devront être renégociés avant juin 2009, tandis que ceux prévoyant des durées plus longues pourront être conservés. Or, si la période d'essai doit permettre une évaluation du salarié, elle est parfois détournée de sa finalité et utilisée en lieu et place d'un CDD. Ensuite, le CDD à objet défini offre aujourd'hui aux cadres, et peut-être demain à tous les salariés, des perspectives d'emplois jalonnées par la succession de contrats de dix-huit ou trente-six mois, ce qui est regrettable. Enfin, la rupture conventionnelle, qui présente une analogie avec le divorce par consentement mutuel, évitera certes la « judiciarisation » de la procédure, notamment dans les petites et moyennes entreprises (PME), mais sera plus facile à imposer par celui qui souhaite la rupture. Elle a donc demandé à M. Dominique Tellier de la convaincre du caractère équilibré de ces mesures.

M. Dominique Tellier a rappelé que le projet de loi ne reprend qu'une partie des dispositions de l'ANI, celles nécessitant une retranscription législative. C'est la raison pour laquelle la portabilité, prévue par l'accord, de certains droits, et l'ouverture de négociations sur la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences, mesures favorables aux salariés, n'apparaissent pas dans le projet de loi. L'accord doit être analysé dans sa totalité pour que son équilibre soit perceptible.

Sur la période d'essai, le choix d'une durée plus courte reste possible, tant au niveau de la branche que dans le contrat individuel de travail. Il est en outre singulier d'expliquer que la période d'essai pourrait être utilisée comme une forme de CDD détourné, alors que les syndicats n'ont eu de cesse de dénoncer les abus dans l'usage du CDD et de l'intérim, qui seraient trop souvent utilisés comme des outils de prérecrutement. Par ailleurs, le projet de loi précise que la période d'essai a aussi pour vocation de permettre à l'employé d'apprécier si le poste qui lui a été confié lui convient.

Ensuite, la signature de plusieurs CDD à objet défini successifs n'est pas autorisée et tous les cadres et ingénieurs ne sont pas chargés de mener à bien des projets, certains étant affectés par exemple à une chaîne de production ce qui ne correspondrait pas à la notion de « projet ». La conclusion de CDD à objet défini est subordonnée à un accord collectif qui définira les besoins des entreprises auquel il répond. Ce contrat est conforme aux aspirations de beaucoup de jeunes salariés qui souhaitent accomplir des missions à l'étranger.

Enfin, concernant la rupture conventionnelle, elle limite le risque de « judiciarisation » et lèvera les réticences à l'embauche, notamment dans les PME.

M. Nicolas About, président , a souligné que la rupture conventionnelle suppose que le salarié soit d'accord avec les conditions proposées par l'employeur. Elle devrait éviter qu'un salarié qui souhaite quitter l'entreprise et percevoir des allocations chômage demande à être licencié plutôt que de présenter sa démission.

M. Dominique Tellier a rappelé que cette procédure ne se substitue ni à la démission ni au licenciement et constitue un mode autonome de rupture.

EXAMEN DU RAPPORT

Réunie le mercredi 30 avril 2008 , sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Pierre Bernard Reymond sur le projet de loi n° 302 (2007-2008) portant modernisation du marché du travail .

M. Pierre Bernard Reymond, rapporteur, a rappelé que le projet de loi vise à transposer les dispositions de nature législative contenues dans l'accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier dernier, qui met en oeuvre une véritable flexisécurité à la française. Cet accord a été approuvé par les trois organisations patronales (Medef, CGPME et UPA) et par quatre des cinq organisations syndicales représentatives (CFDT, FO, CFTC et CGC), seule la CGT ayant refusé de signer. Certaines stipulations de l'ANI sont d'application directe ou seront déclinées lors de négociations ultérieures, notamment dans la convention d'assurance chômage. Le Gouvernement prépare également quatre décrets qui complèteront la transposition.

Le projet de loi comporte une dizaine d'articles qui abordent des sujets variés, mais est bâti autour de trois mesures essentielles : la rupture conventionnelle du contrat de travail, la période d'essai et le contrat à durée déterminée (CDD) à objet défini. Deux autres mesures méritent une attention particulière : la suppression du contrat « nouvelles embauches » (CNE) et la légalisation du portage salarial.

La rupture conventionnelle est la pierre angulaire du texte, puisqu'elle traduit la volonté des partenaires sociaux de privilégier désormais la recherche de solutions négociées, plutôt que de s'inscrire dans une logique de conflit conduisant trop fréquemment à des actions en justice. Le dispositif proposé prévoit une procédure en trois temps : la convention de rupture est d'abord négociée lors d'un ou plusieurs entretiens au cours desquels l'employeur et le salarié peuvent se faire assister ; les parties disposent ensuite d'un délai de rétractation de quinze jours ; enfin, la convention est adressée, pour homologation, à la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP). L'homologation n'interdit pas une éventuelle action en justice, tous les litiges étant portés devant le conseil de prud'hommes. Comme le stipule l'ANI, le salarié a droit à une indemnisation par l'assurance chômage.

Les partenaires sociaux ont ensuite souhaité qu'en matière de période d'essai, tous les salariés soient désormais couverts par des règles communes, définies au niveau interprofessionnel. Ils ont fixé, dans ce but, une durée maximale de la période d'essai, variable selon les catégories professionnelles, et un délai de prévenance, c'est-à-dire un délai minimum entre le moment où une des parties décide de rompre la période d'essai et le moment où cette rupture devient effective. Les accords collectifs existants qui prévoient une période d'essai plus longue que les nouveaux plafonds légaux continueront à s'appliquer, tandis que ceux qui prévoient des durées plus courtes cesseront de s'appliquer après le 30 juin 2009. L'intention des partenaires sociaux est clairement d'accroître la durée moyenne de la période d'essai, afin de dissuader certains employeurs d'utiliser le CDD ou l'intérim comme des outils de pré-recrutement et de favoriser l'embauche directe en CDI.

La troisième disposition significative porte sur la création du CDD à objet défini. Il s'agit d'un nouveau type de CDD, qui a pour caractéristique d'arriver à échéance lorsque l'objet pour lequel il a été conclu est réalisé. Subordonné à la conclusion d'un accord de branche ou d'entreprise et signé pour une durée comprise entre dix-huit et trente-six mois, il est réservé aux cadres et ingénieurs. Il peut être rompu à la date anniversaire de sa conclusion, par l'une ou l'autre des parties, pour un motif réel et sérieux. Ce nouveau contrat fera l'objet d'une évaluation au bout de cinq ans.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur, a ensuite présenté les deux autres mesures marquantes du projet de loi.

La première est la suppression du contrat « nouvelles embauches » (CNE) et la requalification en CDI de droit commun des CNE en cours au moment de la promulgation de la loi. Le CNE a pour caractéristique principale de pouvoir être rompu, pendant les deux premières années, sans que l'employeur ait à fournir de motif. Les cours d'appel de Bordeaux et de Paris puis le Bureau international du travail ont cependant conclu à la non-conformité du CNE à la convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail. Il paraît difficile dans ces conditions de satisfaire à la demande de la CGPME qui souhaite que les CNE en cours soient maintenus.

La deuxième mesure est la légalisation du portage salarial, qui est une forme d'organisation du travail tentant de concilier les avantages du travail indépendant avec ceux du salariat. Grâce au portage salarial, un professionnel autonome qui a trouvé une mission auprès d'une entreprise cliente peut bénéficier du statut de salarié en signant un contrat de travail avec une société de portage qui se charge des formalités administratives, du paiement des cotisations sociales et lui permet de s'affilier à l'assurance chômage.

La pratique actuelle du portage salarial pose cependant de sérieux problèmes juridiques : la qualité de salarié est parfois refusée à la personne portée et l'affiliation à l'assurance chômage est alors frauduleuse ; si la qualité de salarié lui est reconnue, la société de portage risque alors d'être sanctionnée pour prêt de main-d'oeuvre illicite.

Le projet de loi « sécurise » sur le plan juridique le portage salarial, notamment en introduisant une dérogation à l'interdiction du prêt de main-d'oeuvre illicite au profit de ces entreprises. Il propose également de confier l'organisation du portage à la branche de l'intérim, ce qui suscite les critiques compréhensibles des trois fédérations qui regroupent actuellement des entreprises de portage, en particulier celles du syndicat national des entreprises de portage salarial (Sneps) qui a déjà conclu un accord avec plusieurs syndicats représentatifs. Le syndicat des entreprises de travail temporaire, Prisme, s'est cependant engagé à associer ces trois fédérations à la négociation qu'il va conduire avec les syndicats de salariés.

Pour conclure, M. Pierre Bernard Reymond, rapporteur , a souhaité que la discussion parlementaire ne remette pas en cause les grands équilibres du texte, au risque de décourager les efforts entrepris par les organisations syndicales et patronales pour dégager des compromis.

M. Louis Souvet a regretté que les entreprises de portage salarial ne soient pas davantage associées à la négociation visant à encadrer le portage, qui les concerne pourtant en premier lieu, et que l'ANI ignore l'accord conclu par le Sneps en novembre 2007. Il s'est également demandé si la stipulation de l'ANI qui confie au secteur de l'intérim le soin d'organiser le portage ne va pas favoriser indûment les entreprises de travail temporaire.

Après avoir souligné que la négociation s'est déroulée très rapidement, ce qui n'a pas permis aux organisations syndicales de recueillir l'avis de leurs adhérents avant de signer l'accord, Mme Annie David a estimé que le projet de loi apporte beaucoup de flexibilité aux entreprises, mais peu de contrepartie aux salariés en termes de sécurité professionnelle. Elle s'est ensuite interrogée sur l'utilité du CDD à objet défini, rappelant que la grande majorité des cadres et ingénieurs travaillent déjà dans une logique de projet tout en bénéficiant d'un CDI. Puis elle a souhaité savoir si le nombre de ruptures conventionnelles est actuellement en augmentation : en effet, le rapporteur a indiqué que la rupture conventionnelle est rarement utilisée alors que le ministre a expliqué, lors de son audition devant la commission, qu'elle tend à se diffuser. Enfin, elle a demandé s'il sera possible d'obtenir, avant le débat en séance publique, le décret relatif au montant de l'indemnité de licenciement actuellement en cours de préparation, afin de s'assurer qu'il ne pénalise pas les salariés licenciés pour motif économique qui ont plus de dix ans d'ancienneté. Quoi qu'il en soit, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre le projet de loi.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur, a répondu que ce décret donne lieu actuellement à une concertation avec les partenaires sociaux, ce qui constitue une garantie que les droits des salariés ne seront pas lésés.

MM. André Lardeux et Michel Esneu ont rappelé que la CGPME considère que la requalification des CNE en cours en CDI introduit une insécurité juridique préjudiciable aux entreprises et ont souhaité connaître la position du rapporteur sur ce point.

Mme Raymonde Le Texier a dénoncé les effets pervers potentiels du CDD à objet défini qui précarise fortement les salariés en les contraignant à retrouver un nouveau projet tous les deux ou trois ans pour ne pas être au chômage. Elle a demandé des précisions concernant la possibilité de rompre le contrat à la date anniversaire de sa conclusion. Au sujet du CNE, elle a souligné que ce contrat a été jugé non conforme à la convention n° 158 de l'OIT selon laquelle toute rupture à l'initiative de l'employeur doit être motivée ; il existe peut-être d'ailleurs un risque que la rupture conventionnelle soit elle aussi jugée non conforme à cette convention, lorsque l'employeur prendra l'initiative de la rupture. Enfin, elle a jugé le dispositif de portage salarial complexe et a demandé si une entreprise ne pourrait pas avoir recours à ce dispositif, plutôt que de recruter un cinquantième salarié par exemple, pour échapper au déclenchement de certains seuils sociaux.

Mme Bernadette Dupont s'est interrogée sur l'utilité de prévoir un recours devant le conseil des prud'hommes après l'homologation de la rupture conventionnelle, dans la mesure où la direction départementale aura déjà effectué un contrôle préalable de la convention de rupture.

M. Louis Souvet a indiqué avoir communiqué au rapporteur trois amendements relatifs aux groupements d'employeurs sur lesquels il souhaite avoir son sentiment.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur, a répondu qu'il paraît peu opportun d'introduire ces amendements dans le projet de loi portant modernisation du marché du travail car cela risquerait de compromettre l'équilibre voulu par les partenaires sociaux. Il serait plus adapté de les présenter lors de l'examen du projet de loi de modernisation de l'économie. Il a confirmé à M. Louis Souvet que ce second projet de loi n'est pas lui-même le fruit d'un accord des partenaires sociaux.

Mme Patricia Schillinger a regretté que le projet de loi crée un nouveau type de contrat de travail, estimant que les contrats existants sont déjà si nombreux et complexes qu'ils deviennent difficiles à maîtriser par les gestionnaires locaux.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur, a rappelé que le portage salarial existe depuis une vingtaine d'années en France et qu'il bénéficie chaque année à 20 000 personnes en dehors de tout cadre légal. C'est pourquoi les partenaires sociaux ont souhaité lui donner un support juridique et confié à la branche de l'intérim le soin de mener les négociations nécessaires. Ceci étant, les entreprises de portage salarial ne doivent pas être écartées de ces discussions, ce qui l'amène à proposer un amendement prévoyant une concertation obligatoire avec les fédérations du portage salarial. Le Gouvernement préférerait toutefois que la loi ne fasse référence qu'à une simple consultation de ces fédérations.

M. Nicolas About, président, a précisé que le Gouvernement souhaite, d'après les informations dont il dispose, que le projet de loi reste en l'état sur ce point et qu'une obligation de consultation ne serait acceptée qu'à titre de compromis.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur, a ensuite souligné que l'équilibre entre la flexibilité apportée aux entreprises et la sécurité juridique bénéficiant aux salariés doit s'apprécier au regard de la totalité de l'accord et non pas simplement au vu du projet de loi qui n'en transpose qu'une partie. Cet accord n'aurait pas été approuvé par quatre syndicats représentatifs s'il ne comportait pas des avancées significatives pour les salariés. Il convient, plus généralement, de se féliciter des progrès récemment observés en matière de dialogue social et de relations du travail.

En ce qui concerne la rupture conventionnelle, il a précisé qu'elle est surtout utilisée aujourd'hui par des cadres de haut niveau. En lui donnant une base juridique plus solide, le projet de loi va rendre accessible cette modalité de rupture du contrat de travail à tous les salariés.

Abordant la question du CDD à objet défini, il a admis que l'on ne peut écarter tout risque de dérive. Toutefois, ce contrat lui semble répondre aux besoins d'un nombre croissant d'entreprises qui doivent recourir temporairement à des personnes très qualifiées afin de mener à bien des projets qui ont une durée de vie limitée dans le temps. Il a fait part de son intention de proposer à la commission un amendement précisant à quels moments il peut être rompu.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur, a ensuite rappelé que la CGPME est signataire de l'ANI et qu'à ce titre, elle a approuvé l'obligation de motiver la rupture du CNE. Dans la mesure où le CNE est non conforme à la convention n° 158 de l'OIT, il ne serait pas raisonnable de maintenir les contrats en cours qui sont affectés d'une grande insécurité juridique.

Il a enfin indiqué que la question de la rationalisation des nombreuses formes de contrats de travail reste posée et qu'il serait utile qu'elle donne lieu prochainement à une réflexion.

La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements présentés par le rapporteur.

A l'article 1 er (information des élus du personnel sur le recours aux contrats à durée déterminée et aux contrats d'intérim), la commission a adopté un amendement qui prévoit l'information des délégués du personnel ou du comité d'entreprise sur les contrats conclus avec les sociétés de portage salarial.

A l'article 2 (durée de la période d'essai), outre deux amendements rédactionnels, elle a adopté trois amendements, pour préciser que la possibilité de renouveler la période d'essai doit être stipulée dans le contrat de travail ou la lettre d'engagement du salarié, pour faire bénéficier les salariés en CDD du délai de prévenance créé au profit des salariés en CDI et pour réduire la durée de ce délai de prévenance quand le salarié a été présent moins de huit jours dans l'entreprise.

La commission a adopté l'article 3 (ancienneté requise pour bénéficier de l'indemnisation conventionnelle de la maladie) sans modification.

A l'article 4 (adaptations du droit du licenciement), elle a adopté un amendement supprimant la disposition selon laquelle le salarié ne peut dénoncer le reçu pour solde de tout compte que par écrit et de façon motivée.

A l'article 5 (rupture conventionnelle du contrat de travail), la commission a adopté un amendement corrigeant une erreur d'imputation, un amendement rédactionnel et deux amendements de fond : le premier précise que l'employeur peut être assisté, pendant l'entretien préalable à la rupture conventionnelle, par un salarié de l'entreprise, ou, si l'entreprise compte moins de cinquante salariés, par un membre de son organisation patronale ou par un autre employeur de la même branche ; le second indique que le conseil de prud'hommes, saisi de la convention de rupture, statue en premier et dernier ressort.

A l'article 6 (contrat à durée déterminée à objet défini), elle a adopté un amendement précisant que le contrat peut être rompu au bout de dix-huit mois puis à la date anniversaire de sa conclusion.

La commission a adopté l'article 7 (création d'un fonds de mutualisation) sans modification.

A l'article 8 (portage salarial), elle a adopté trois amendements : le premier modifie la numérotation de la section consacrée au portage salarial pour tenir compte de l'insertion dans ce code d'une autre section par un projet de loi en cours d'examen ; le deuxième autorise les entreprises d'intérim à exercer l'activité de portage salarial ; le dernier prévoit que la branche de l'intérim organisera le portage par voie d'accord négocié en concertation avec les organisations représentatives du portage salarial.

La commission a adopté sans modification les articles 9 (abrogation du CNE) et 10 (application à Mayotte).

La commission a enfin adopté le texte ainsi amendé.

ANNEXE - ACCORD DU 11 JANVIER 2008 SUR LA MODERNISATION DU MARCHÉ DU TRAVAIL

I - FACILITER L'ENTREE DANS L'ENTREPRISE ET AMELIORER

LE PARCOURS EN EMPLOI

Article 1 : Les contrats de travail

Le contrat à durée indéterminée est la forme normale et générale du contrat de travail.

Le contrat de travail à durée déterminée et le contrat de travail temporaire constituent des moyens de faire face à des besoins momentanés de main d'oeuvre. Leur utilité économique dans un environnement en perpétuelles fluctuations et dans un contexte de concurrence mondiale est avérée.

Le recours à ces contrats de travail doit se faire de manière responsable dans le respect de leur objet et ne peut se justifier que pour faire face à des besoins momentanés de renfort, de transition et de remplacement objectivement identifiables, par le comité d'entreprise ou à défaut par les délégués du personnel 22 ( * ) dans le cadre de leurs attributions respectives concernant l'évolution de la situation de l'emploi dans l'entreprise.

A l'occasion des réunions prévues aux articles L.432-4-1 et L.432-4-2 du Code du Travail, le chef d'entreprise informe le comité d'entreprise 1 des éléments à sa disposition qui pourraient conduire l'entreprise à faire appel, pour la période à venir, aux contrats à durée déterminée et aux contrats de travail temporaire pour accroissement temporaire d'activité. De même, il porte à la connaissance du comité d'entreprise les éléments qui l'ont conduit à recourir à ces mêmes contrats.

Dans les entreprises dépourvues de comité d'entreprise le chef d'entreprise communique, une fois par an, ces mêmes informations aux délégués du personnel 1 .

Il appartient aux branches professionnelles, à l'occasion de la négociation annuelle obligatoire, de jouer pleinement leur rôle et de s'assurer, à partir du rapport prévu à l'article L. 132-12 du code du travail, qu'il est fait appel à ces types de contrats (CDD, intérim, temps partiel) de façon responsable et dans le respect de leur objet.

En outre, s'agissant des contrats aidés, les parties signataires demanderont aux Pouvoirs Publics de procéder à une simplification et rationalisation des dispositifs existants.

Article 2 : L'orientation professionnelle

L'orientation professionnelle est un élément primordial pour toute personne qui est amenée à faire un choix, soit au cours de son cursus scolaire ou universitaire, en faveur d'un métier, soit au cours de sa vie professionnelle, pour améliorer sa situation ou se reconvertir.

Elle doit être fondée sur une information concrète et facilement accessible, sur les secteurs d'activités, la diversité des métiers, les entreprises et les organisations, ainsi que sur la formation tout au long de la vie. Elle doit également prendre en compte les débouchés professionnels offerts par les différentes filières scolaires et universitaires.

Cette information doit plus largement prendre en compte la situation du marché du travail et s'accompagner d'interventions plus systématiques de professionnels en activité, notamment de jeunes professionnels, dans les établissements d'enseignement, en liaison avec les chefs d'établissement, dans le cadre d'une amélioration des relations entre le monde de l'éducation et le monde de l'entreprise.

Pour favoriser ce type d'action, les branches professionnelles examineront les modalités susceptibles d'êtres mise en oeuvre pour faciliter l'intervention de professionnels dans les établissements d'enseignement.

La qualité des informations disponibles participe à une meilleure information de tous les acteurs et par conséquent doit permettre de diminuer de façon significative le taux d'échec et les sorties sans diplôme ni qualification du système éducatif.

Pour atteindre ces objectifs, les partenaires sociaux diffuseront et valoriseront les informations disponibles, provenant notamment des observatoires prospectifs des métiers et des qualifications, concernant les différents secteurs d'activité et les métiers y afférents et leurs évolutions prévisibles, au besoin par la création d'un portail internet interprofessionnel qui s'appuiera sur les sites existants.

Au-delà de ces dispositions, les parties signataires précisent en annexe les demandes qu'ils entendent présenter aux Pouvoirs Publics dans ce domaine.

Article 3 : L'entrée des jeunes dans la vie professionnelle

Afin de faciliter aux jeunes l'accès à la vie professionnelle, notamment en CDI, et afin de leur permettre une insertion durable, il convient de mettre en oeuvre les dispositions ci-après :

a/  La durée du stage intégré à un cursus pédagogique réalisé lors de la dernière année d'études est prise en compte dans la durée de la période d'essai, sans que cela puisse la réduire de plus de moitié, sauf accord de branche ou d'entreprise prévoyant des dispositions plus favorables, en cas d'embauche dans l'entreprise à l'issue de la formation.

Tout stage en entreprise fait l'objet d'une mention particulière sur le passeport formation. Il en est de même des contrats d'apprentissage et des contrats de professionnalisation qui, comme les stages, font partie de la construction du parcours professionnel des jeunes.

b/ Les branches professionnelles rechercheront, en privilégiant la négociation collective, tous les moyens permettant de favoriser l'embauche, prioritairement en CDI, des jeunes ayant accompli un stage, ou exécuté un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation dans une entreprise de leur ressort.

c/ A l'issue d'un contrat de travail tout jeune de moins de 25 ans qui le souhaite bénéficie d'une prestation spécifique du nouveau service public de l'emploi sous forme d'un examen personnalisé de sa situation et un accompagnement spécifique (voir ci-après article 17).

d/ Il est institué pour les jeunes de moins de 25 ans, involontairement privés d'emploi et ne remplissant pas les conditions de durées d'activité antérieure ouvrant l'accès aux allocations du régime d'assurance chômage, une prime forfaitaire servie par celui-ci. Les conditions d'accès, le montant de cette prime ainsi que les conditions dans lesquelles elle sera susceptible de s'imputer sur le montant des premiers droits aux allocations chômage ouverts à ses bénéficiaires après son versement, seront définies dans le cadre de la fixation des nouvelles règles d'attribution du revenu de remplacement servi par l'assurance chômage. (voir ci-après article 16).

e/ Accès au logement, aux transports et à la restauration

Pour faciliter aux jeunes l'accès à la vie professionnelle, les partenaires sociaux, conscients des difficultés que rencontrent de plus en plus de jeunes en matière de logement, de transports et de restauration, demandent l'ouverture d'une concertation avec les Pouvoirs Publics pour rechercher les solutions adaptées à la nature des difficultés rencontrées et à la spécificité des bassins d'emploi concernés.

Article 4 : La période d'essai

a/ Afin de faciliter l'accès direct au CDI en permettant à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent, il est institué une période d'essai interprofessionnelle dont la durée, sauf accord de branche conclu avant l'entrée en application du présent accord et prévoyant des durées supérieures, est comprise pour :

• les ouvriers et les employés entre 1 et 2 mois maximum,

• les agents de maîtrise et les techniciens entre 2 et 3 mois maximum,

• les cadres entre 3 et 4 mois maximum.

La période d'essai ci-dessus peut être renouvelée une fois par un accord de branche étendu qui fixe les conditions et les durées de renouvellement, sans que ces durées, renouvellement compris, ne puissent respectivement dépasser 4, 6 et 8 mois.

b/ La période d'essai ne se présume pas. Pour exister, elle doit être expressément stipulée dans la lettre d'engagement ou le contrat de travail.

c/ Lorsqu'il est mis fin par l'employeur à la période d'essai prévue par le présent article, la durée du délai de prévenance pendant la période d'essai est fixée comme suit :

• 48 heures au cours du premier mois de présence,

• 2 semaines après 1 mois de présence,

• 1 mois après 3 mois de présence.

Ce délai de prévenance ne peut avoir pour effet de prolonger la période d'essai au-delà des maxima prévus ci-dessus.

Lorsqu'il est mis fin à cette période d'essai par le salarié, celui-ci doit respecter un délai de prévenance de 48 heures.

d/ Les dispositions qui précèdent ne font pas échec à la fixation de périodes d'essai plus courtes dans la lettre d'engagement ou le contrat de travail.

Article 5 : L'accès aux droits

Afin de faciliter l'accès à certains droits qui, en raison de leur nature et de l'impact de leur exercice sur le fonctionnement de l'entreprise, sont subordonnés à une condition d'ancienneté :

• toutes les périodes de travail accomplies dans la même entreprise dans le cadre d'un contrat de travail, sont prises en compte pour l'appréciation de l'ancienneté requise pour bénéficier des indemnités conventionnelles de maladie prévues par les accords de mensualisation ;

• dans la même perspective, la condition d'ancienneté de 3 ans, pour bénéficier de l'indemnisation conventionnelle de la maladie, prévue à l'article 7 de l'accord national interprofessionnel sur la mensualisation de 10 décembre 1977 est ramenée à 1 an.

A cette occasion, le délai de carence de 11 jours prévu par ce même article 7 est réduit à 7 jours.

• enfin, les branches professionnelles et les entreprises rechercheront les autres assouplissements susceptibles d'être apportés aux modalités de décompte de l'ancienneté, en fonction de la nature des droits qui en dépendent.

Dans ce cadre, les branches professionnelles examineront si, pour tout ou partie de certains droits, il est possible d'apprécier l'ancienneté des salariés dans la branche, en veillant à ne pas, de ce fait, générer des freins à la mobilité ou à l'embauche.

Article 6 : Le développement des compétences et des qualifications des salariés

Le développement des compétences des salariés constitue un élément déterminant pour leur évolution de carrière. Il contribue à l'atteinte de l'objectif visant à permettre à chaque salarié de progresser d'au moins un niveau de qualification au cours de sa vie professionnelle.

Le développement des compétences des salariés concourt également au maintien et à l'amélioration de la compétitivité des entreprises et de la situation de l'emploi. Les modes d'organisation du travail ont un rôle déterminant dans ces domaines.

Pour permettre aux salariés d'être acteurs de leur déroulement de carrière et favoriser leur engagement dans le développement de leurs compétences et de leur qualification, il convient qu'ils puissent disposer d'outils susceptibles de les aider dans la construction de leur parcours professionnel.

Une nouvelle prestation simple, dénommée bilan d'étape professionnel, destinée à inventorier de manière prospective et à périodicité régulière leurs compétences, doit être accessible aux salariés. Elle ne se cumule pas avec les différents dispositifs d'orientation et de bilan mis en place par l'accord national interprofessionnel du 5 décembre 2003 sur la formation tout au long de la vie professionnelle et par l'accord national interprofessionnel du 13 octobre 2005 relatif à l'emploi des seniors.

Ce bilan d'étape professionnel doit aussi permettre aux intéressés d'évaluer leurs besoins de compétence et, s'ils le souhaitent, de les faire connaître lors des entretiens professionnels ainsi que, lorsqu'ils sont demandeurs d'emploi, à l'occasion de la mise en oeuvre des dispositions de l'article 12 ci-après.

Les partenaires sociaux détermineront, par avenant au présent accord, avant fin 2008, les conditions de mise en oeuvre des dispositions ci-dessus, dont la périodicité du bilan d'étape professionnel. A cette occasion, ils veilleront à la cohérence des différents dispositifs d'orientation et de bilan.

Article 7 : La formation professionnelle pour les salariés

La formation tout au long de la vie professionnelle constitue un élément déterminant de la sécurisation des parcours professionnels.

Articulée avec la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, elle doit permettre à chaque salarié d'être en mesure de développer, de compléter ou de renouveler sa qualification, ses connaissances, ses compétences et ses aptitudes, en participant à des actions de formation réalisées dans les conditions définies par l'accord national interprofessionnel du 5 décembre 2003.

Les partenaires sociaux, dans le cadre du bilan en cours de l'accord interprofessionnel précité, s'assureront que les dispositions dudit accord permettent de progresser dans la réalisation de ces objectifs, en particulier pour ce qui est du développement des compétences transférables, du maintien et de l'amélioration de l'employabilité des salariés, et, au besoin, adapteront ces dispositions en conséquence.

En ce qui concerne plus particulièrement la validation des acquis de l'expérience et le passeport formation, la formalisation des acquis en matière de compétences et de qualification doit contribuer, sous réserve de ne pas s'en tenir au simple constat de l'expérience passée, à favoriser l'évolution professionnelle des salariés.

Les partenaires sociaux, dans le cadre du bilan en cours de l'accord interprofessionnel relatif à la formation tout au long de la vie professionnelle, rechercheront les moyens d'en faciliter le développement, notamment par une simplification du dispositif et un meilleur accompagnement du candidat à la VAE, en particulier en matière d'information, de conseil et d'appui.

De même, doivent être recherchés les moyens d'inciter les salariés à faire un plus large usage du passeport formation,

a/ Afin de favoriser l'accès au marché de l'emploi des salariés les moins qualifiés ou dont la qualification est inadaptée ou qui accèdent le moins souvent à une formation qualifiante, le déploiement des dispositifs prévus par l'accord national interprofessionnel du 5 décembre 2003 doit être accéléré et amplifié (entretien professionnel, bilan de compétences, passeport formation, VAE, professionnalisation). Les partenaires sociaux adopteront les dispositions propres à permettre l'atteinte de cet objectif, dans le cadre du bilan en cours de l'accord interprofessionnel relatif à la formation tout au long de la vie professionnelle.

b/ Pour faciliter l'accès à l'emploi durable des titulaires de CDD qui le souhaitent, les partenaires sociaux mettront en oeuvre, sans attendre, les dispositions du 1 er alinéa du § 4/ de l'article 5 de l'accord national interprofessionnel du 22 décembre 2005 relatif à l'aide au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage, dans les conditions prévues par son avenant n° 1 du 16 février 2007.

c/ Pour permettre aux salariés à temps partiel de développer leurs compétences, les branches professionnelles non couvertes par un accord portant sur le même objet, ouvriront, dans les 12 mois de l'entrée en application du présent accord, des négociations sur les modalités d'accès à la formation professionnelle de ces salariés.

d/ Afin de renforcer la cohérence entre les éléments d'anticipation mis en lumière dans le cadre de la GPEC et la mise en oeuvre du plan de formation de l'entreprise, les deux réunions de consultation du comité d'entreprise sur l'exécution du plan de formation de l'année précédente et sur le projet de plan de l'année à venir doivent respectivement intervenir avant le 1 er octobre et le 31 décembre de l'année en cours.

Article 8 : La mobilité professionnelle et géographique

La mobilité professionnelle et géographique doit offrir des possibilités d'évolution de carrière et de promotion sociale des salariés. Elle doit constituer également pour eux une protection contre la perte d'emploi. Elle est d'autant mieux acceptée qu'elle est anticipée, expliquée et accompagnée.

Les dispositifs prévus par l'accord national interprofessionnel relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie professionnelle contribuent à cette mobilité.

Il convient de distinguer la mobilité professionnelle de la mobilité géographique bien qu'elles soient souvent liées. De même, la distinction doit être faite entre la mobilité à l'initiative du salarié et la mobilité à l'initiative de l'employeur.

Afin de faciliter la mobilité, quelle que soit sa forme, celle-ci est mise en oeuvre dans l'entreprise suivant un processus organisé et concerté, destiné à permettre au salarié concerné de mieux maîtriser sa carrière. L'articulation de ce processus avec la GPEC et le plan de formation de l'entreprise est nécessaire à la réalisation de cet objectif.

a/ Mobilité professionnelle à l'initiative du salarié

Afin de donner la possibilité aux salariés en activité de progresser dans leur carrière, ces salariés pourront avoir accès au service du SPE tout en restant dans leur entreprise.

Ainsi, dans le cadre de leur parcours professionnel, ils pourront acquérir de nouvelles qualifications ou encore s'engager dans la création ou la reprise d'une entreprise.

Le service public de l'emploi informera le salarié des conditions d'accès aux dispositifs, notamment la VAE, le bilan de compétence, le CIF, la formation et l'aidera à articuler entre eux les dispositifs de financement afin que le salarié soit conseillé et aidé dans la concrétisation de ses projets professionnels.

b/ Mobilité à l'initiative de l'employeur et accompagnement des mobilités géographiques.

S'agissant de la mobilité géographique souhaitée par les entreprises au regard de leurs besoins en ressources humaines, celles-ci doivent rechercher les mesures d'accompagnement susceptibles d'être mises en place, dans le cadre d'une anticipation du changement ou d'une restructuration, au bénéfice des salariés et de leur famille, telles que par exemple :

- visite du futur lieu de travail,

- aide au déménagement,

- aide à la recherche de logement,

- aide à l'accès au logement,

- aide à l'achat ou à la location d'un véhicule,

- aide à l'obtention du permis de conduire,

- aide à la recherche d'établissement scolaire,

- aide à la recherche d'emploi pour le conjoint,

- politique d'essaimage...

Les différents dispositifs du 1 % logement (notamment loca-pass et mobili-pass) et du pass-GRL doivent aussi être mobilisés à cet effet par les entreprises. Celles-ci peuvent également faire appel au réseau des organisations professionnelles et interprofessionnelles territoriales ou conclure des conventions avec des organismes spécialisés dans la gestion de dispositifs d'appui à la mobilité.

Les branches professionnelles et les organisations territoriales doivent faire connaître aux entreprises et aux salariés, les différents dispositifs existants qui sont destinés à faciliter la mobilité géographique et professionnelle des salariés, tels que les crédits d'impôt, les résultats des travaux des observatoires des métiers et des qualifications, etc.

Dans la même perspective, elles évalueront les expériences de mobilité interentreprises mises en oeuvre au niveau de bassin d'emplois (pôle de mobilité par exemple) et diffuseront les bonnes pratiques ainsi repérées et apporteront leur concours aux demandes émanant, en la matière, des pôles de compétitivité.

Afin de sécuriser les mobilités, les entreprises de plus de 300 salariés examineront les conditions et les modalités dans lesquelles une "période expérimentation mobilité" pourrait être mise en place. Elle permettrait au salarié de découvrir son nouvel emploi et prévoirait les conditions dans lesquelles l'intéressé pourrait revenir dans l'entreprise si le nouvel emploi ne lui convenait pas.

Lorsque la mobilité géographique fait partie du parcours professionnel du salarié, son entreprise s'emploiera à ce que les modalités de mise en oeuvre de cette mobilité soient compatibles avec les impératifs de la vie familiale. Elle veillera notamment à ce que, dans toute la mesure du possible, les dates de mise en oeuvre de la mobilité soient compatibles avec le calendrier scolaire.

Il conviendrait enfin, dans le même objectif, de rechercher avec les pouvoirs publics les moyens administratifs afin que le passage d'un régime à un autre maintienne une cohérence au parcours professionnel et tende à assurer une continuité des droits (salarié du public/salarié du privé/travailleur indépendant/employeur).

Article 9 : La Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences

La GPEC revêt une grande importance pour la sécurisation des parcours professionnels. Les signataires du présent accord, décident de rappeler les principes directeurs de cette démarche et de lui donner une nouvelle dynamique.

a/ La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) a pour objet de faciliter tant pour les salariés que pour les entreprises, l'anticipation des besoins d'évolution et de développement des compétences en fonction de la stratégie de l'entreprise ainsi que des évolutions économiques, démographiques et technologiques prévisibles.

La GPEC doit constituer ainsi pour les salariés un outil majeur pour faciliter les évolutions de carrière internes ou externes, choisies ou acceptées en leur permettant de disposer de points de repère dans la gestion de leur parcours professionnel. Elle est un facteur essentiel de sécurisation des parcours professionnels des salariés. Elle constitue conjointement pour les entreprises un élément de dynamisme économique.

Pour produire sa pleine efficacité, la GPEC doit s'inscrire dans le cadre d'un dialogue social dynamique avec les représentants du personnel 23 ( * ) , en prenant appui sur la stratégie économique définie par l'entreprise.

En outre, elle doit permettre, lorsqu'ils existent, d'articuler et de mettre en cohérence les accords de développement des compétences, les accords sur la formation professionnelle et les accords relatifs à la mobilité. En tant que démarche globale d'anticipation, la GPEC doit être entièrement dissociée de la gestion des procédures de licenciements collectifs et des PSE.

b/ Ainsi conçue et mise en perspective avec les éléments prospectifs fournis par les branches et les territoires, la GPEC fournit des éléments simples, pratiques, adaptés aux caractéristiques et à la taille des entreprises, transparents et pédagogiques, destinés à offrir aux salariés un cadre de réflexion leur permettant d'être acteurs de leur vie professionnelle.

A cette fin, l'entreprise doit s'employer à procéder à une analyse croisée des perspectives qui lui sont propres avec les données mises à sa disposition par les CPNE et les COPIRE

Elle doit porter une attention particulière à la situation des salariés les plus exposés aux conséquences des évolutions économiques ou technologiques.

L'anticipation concerne également les formes d'emploi. La place occupée dans l'entreprise par les contrats à durée limitée doit faire l'objet, dans ce cadre, d'une analyse régulière et doit être marquée de la volonté d'égalité de droits et de perspectives d'évolutions professionnelles.

Elle doit aussi prendre en compte la mise en oeuvre de la mixité professionnelle et de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ainsi que la gestion des âges, par l'organisation du travail et l'actualisation des compétences professionnelles qui sont les conditions d'un maintien en activité réussi des salariés en fin de carrière.

La GPEC doit assurer la cohérence des informations à destination des salariés en leur donnant une visibilité sur leur déroulement de carrière et leur permettre de faire des choix pertinents en matière de formation, d'acquisition de compétences, de qualification et de mobilité professionnelle.

c/ Si la gestion des emplois et des compétences relève directement des entreprises, l'importance qui s'attache à celle-ci doit conduire les partenaires sociaux des différentes branches professionnelles à rechercher les moyens d'en développer l'accès dans les entreprises non assujetties à l'obligation triennale de négocier sur la mise en place d'un tel dispositif. Dans tous les cas où cela sera possible et utile, les branches s'emploieront à travailler en synergie.

Dans cette optique, les partenaires sociaux des branches professionnelles devront s'attacher :

• à la construction d'outils simples, pratiques, adaptés aux caractéristiques et à la taille des entreprises ;

• à faire connaître aux PME et aux TPE les outils et dispositifs existants susceptibles d'être mobilisés pour faciliter la mise en place d'un plan de gestion prévisionnelle des compétences adapté à leur taille ;

• à faire connaître et à rendre accessibles aux salariés et aux entreprises les résultats des travaux des observatoires prospectifs des métiers et des qualifications mis en place par les branches professionnelles ;

• et à mettre en place des commissions paritaires de suivi de la GPEC.

Le niveau de la branche et des organisations territoriales doit en outre permettre de mettre en place, en liaison entre eux, une logique d'étude sur l'évolution qualitative des métiers qui éclaire les différents acteurs. Elles sont, en effet, les mieux à même de mutualiser les informations existantes sur les évolutions prévisibles en matière d'environnement économique, d'activité des entreprises, et en matière de métiers et de compétences. Dans ce cadre, il appartiendra aux COPIRE et aux CPTE, lorsqu'elles existent, de faire tous les ans une analyse de ces évolutions, dans le ressort de leur champ territorial.

Les branches et les organisations territoriales inciteront les entreprises ayant développé des pratiques réussies de GPEC, à mettre en commun leurs expériences pour faciliter des développements de carrière et des mises en relation des offres et besoins de compétences.

d/ Une négociation interprofessionnelle déclinera, dans les 6 mois de l'entrée en application du présent accord, l'ensemble des principes énoncés ci-dessus à la lumière des enseignements et des bonnes pratiques tirés des accords de GPEC déjà conclus. Elle précisera notamment les conditions dans lesquelles les signataires du présent accord s'appuieront sur les travaux des COPIRE et des CPNE en la matière.

II - SÉCURISER LES CONTRATS ET AMELIORER

LE RETOUR À L'EMPLOI

Article 10 : Clarifier les clauses spécifiques du contrat de travail

S'agissant, en particulier, du personnel d'encadrement, les contrats de travail devront préciser les conditions de mise en oeuvre :

- des clauses de non-concurrence (limites dans l'espace et dans le temps, contrepartie financière, modalités du droit de renonciation de l'employeur)

- des clauses de mobilité

- ainsi que, lorsqu'elles existent, des délégations de pouvoir (étendue de la délégation...).

Une négociation interprofessionnelle précisera dans les 6 mois de l'entrée en vigueur du présent accord, les modalités d'intégration et de mise en oeuvre des principes ci-dessus dans l'accord national interprofessionnel du 25 avril 1983 relatif au personnel d'encadrement.

Article 11 : Encadrer et sécuriser les ruptures de contrat de travail

Plusieurs évolutions doivent contribuer à la réalisation de cet objectif :

• L'obligation de motiver les licenciements :

Tout licenciement doit être fondé sur un motif réel et sérieux qui doit être porté à la connaissance du salarié concerné.

En conséquence et compte tenu du présent accord, les parties signataires demandent aux Pouvoirs Publics de prendre les dispositions pour que ce principe s'applique à tous les contrats de travail.

• L'amélioration de la lisibilité des droits contractuels :

Les salariés et les entreprises ont besoin, dans le cours de leurs relations contractuelles, de lisibilité et de sécurité en particulier lorsque le parcours professionnel du salarié est amené à évoluer.

Le contrat de travail, lorsqu'il est écrit, ou un document informatif annexé à la lettre d'engagement, doit informer le salarié lors de son embauche des conditions d'accès à la connaissance des droits directement applicables à son contrat de travail en application d'un accord d'entreprise ou de branche.

Par ailleurs, le contrat de travail doit déterminer ceux de ses éléments qui ne pourront être modifiés sans l'accord du salarié.

Afin d'atteindre l'objectif de pouvoir déterminer, a priori et de manière limitative les éléments qui doivent toujours être considérés comme contractuels, les parties signataires conviennent de l'ouverture d'une réflexion dans les plus brefs délais.

Cette réflexion portera également sur l'application du principe selon lequel la modification des clauses contractuelles à l'initiative de l'employeur et les modalités de réponse du salarié sont encadrées dans une procédure, de manière à assurer la sécurité juridique des parties.

• Les indemnités de rupture :

Afin de rationaliser le calcul des indemnités de rupture du CDI dans les cas où l'ouverture au droit à une telle indemnité est prévue, il est institué une indemnité de rupture interprofessionnelle unique dont le montant ne peut être inférieur, sauf dispositions conventionnelles plus favorables à partir d'un an d'ancienneté dans l'entreprise, à 1/5e de mois par année de présence.

• Le reçu pour solde de tout compte :

Le reçu pour solde de tout compte fait l'inventaire des sommes reçues par le salarié lors de la rupture du contrat de travail. La signature du salarié atteste du fait que l'employeur a rempli les obligations formalisées dans le reçu pour solde de tout compte. Cette signature peut être dénoncée par le salarié dans un délai de 6 mois. Au delà de celui-ci, il est libératoire.

• La conciliation prud'homale :

Il est indispensable de réhabiliter la conciliation prud'homale en lui restituant son caractère d'origine de règlement amiable, global et préalable à l'ouverture de la phase contentieuse proprement dite devant le bureau de jugement.

A cet effet, le demandeur adresse au défendeur l'objet de sa réclamation préalablement à la saisine du conseil de prud'hommes.

Par ailleurs, si, malgré l'obligation légale de comparution personnelle des parties, l'une d'entre elles ne pouvait être présente à l'audience devant le bureau de conciliation, elle devrait être tenue de fournir à son mandataire, qu'il soit ou non avocat24 ( * ), un écrit formalisant :

- son autorisation à se concilier en son nom et pour son compte,

- sa connaissance de ce que, en son absence, le bureau de conciliation pourra, s'il est demandeur, déclarer sa demande caduque et s'il est défendeur, ordonner à son encontre un certain nombre de mesures exécutoires par provision.

Enfin, seule la constatation de l'impossibilité de parvenir à une conciliation par les juges, ouvre le droit de saisir le bureau de jugement. Ainsi la conciliation partielle ouvre le droit de saisir le bureau de jugement.

• La réparation judiciaire du licenciement

Sans préjudice des dispositions de l'article L. 122-14-5 du code du travail, et en respectant la distinction opérée par l'article L. 122-14-4 du même code, les parties signataires conviennent de travailler avec les Pouvoirs Publics à la possibilité de fixer un plafond et un plancher au montant des dommages et intérêts susceptibles d'être alloués en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En l'état actuel de la jurisprudence, une insuffisance dans l'énonciation des motifs du licenciement est assimilée à une absence de cause réelle et sérieuse.

Il convient donc que soient examinés les moyens conduisant le juge à rechercher dans ce cas la cause du licenciement et à statuer sur son caractère réel et sérieux.

Article 12 : Privilégier les solutions négociées à l'occasion des ruptures du contrat de travail

La recherche de solutions négociées vise, pour les entreprises, à favoriser le recrutement et développer l'emploi tout en améliorant et garantissant les droits des salariés. Elle ne doit pas se traduire par une quelconque restriction de la capacité des salariés à faire valoir leurs droits en justice mais au contraire se concrétiser dans des dispositifs conçus pour minimiser les sources de contentieux.

a/ La rupture conventionnelle

Sans remettre en cause les modalités de rupture existantes du CDI, ni porter atteinte aux procédures de licenciements collectifs pour cause économique engagées par l'entreprise, il convient, par la mise en place d'un cadre collectif, de sécuriser les conditions dans lesquelles l'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.

Ce mode de rupture, exclusif de la démission et du licenciement, qui ne peut être imposé de façon unilatérale par l'une ou l'autre des parties, s'inscrit dans le cadre collectif ci-après :

• la liberté de consentement des parties est garantie :

- par la possibilité, lors des discussions préalables à cette rupture, pour le salarié de se faire assister par une personne de son choix - membre du CE, DP, DS ou tout autre salarié de l'entreprise - ou par un conseiller du salarié dans les entreprises dépourvues de représentant du personnel. Cette possibilité d'assistance est également ouverte à l'employeur quand le salarié en fait lui-même usage,

- par l'information du salarié de la possibilité qui lui est ouverte de prendre les contacts nécessaires, notamment auprès du service public de l'emploi, pour être en mesure d'envisager la suite de son parcours professionnel avant tout consentement,

- par la création d'un droit de rétractation pendant un délai de 15 jours suivant la signature de la convention actant l'accord des parties,

- par l'homologation, à l'issue du délai de rétractation, de l'accord définitif des parties par le directeur départemental du travail.

• Le processus ci-dessus fait l'objet d'un formulaire-type reprenant les trois étapes : première discussion entre les parties, signature de la convention, homologation de l'accord par le directeur départemental du travail. Un exemplaire du formulaire est conservé par l'employeur, un exemplaire est conservé par le salarié, un exemplaire est adressé au directeur départemental du travail.

• L'accès aux indemnités de rupture et aux allocations du régime d'assurance chômage est assuré :

- par le versement d'une indemnité spécifique non assujettie aux prélèvements sociaux et fiscaux et dont le montant ne peut être inférieur à celui de l'indemnité de rupture prévue à l'article 11 ci-dessus.

- par le versement des allocations de l'assurance chômage dans les conditions de droit commun dès lors que la rupture conventionnelle a été homologuée par le directeur départemental du travail.

• La sécurité juridique du dispositif pour les deux parties résulte de leur accord écrit qui les lie dès que la réunion de l'ensemble des conditions ci-dessus, garante de leur liberté de consentement, a été constatée et homologuée par le directeur départemental du travail précité au titre de ses attributions propres.

Celui-ci dispose à cet effet d'un délai préfix de 15 jours calendaires à l'issue duquel son silence vaut homologation 25 ( * ) .

b/ La rupture pour réalisation de l'objet défini au contrat

Afin de permettre la réalisation par des ingénieurs et cadres de certains projets dont la durée est incertaine, il est institué, à titre expérimental, un contrat à durée déterminée à terme incertain et d'une durée minimum de 18 mois et maximum de 36 mois, conclu pour la réalisation d'un objet défini. Ce contrat ne peut pas être renouvelé.

Les modalités collectives de mise en oeuvre et d'encadrement de ce contrat, définies ci-après, ont pour objet d'apporter aux salariés concernés les garanties nécessaires à la sécurisation de leur parcours professionnel lorsqu'ils exercent leur activité dans ce cadre 26 ( * ) .

• Le recours à ce contrat particulier est subordonné à la conclusion d'un accord de branche étendu ou, à défaut, d'un accord d'entreprise, précisant les nécessités économiques auxquelles il est susceptible d'apporter une réponse adaptée. Cet accord est l'occasion d'un examen d'ensemble des conditions dans lesquelles il est fait appel aux contrats à durée limitée afin de rationaliser leur utilisation et de réduire la précarité.

• Le recours à ce contrat n'est possible que lorsque la durée envisagée pour la réalisation du projet pour lequel il est conclu est comprise entre 18 et 36 mois. Il ne peut être utilisé pour faire face à un accroissement temporaire d'activité. La durée approximative envisagée du projet doit être mentionnée dans le contrat.

• Lors de sa conclusion, ce contrat :

- précise expressément le projet pour lequel il est conclu et dont la réalisation constitue le terme du contrat,

- indique la possibilité de sa rupture, à la date anniversaire de sa conclusion, par l'une ou l'autre des parties pour un motif réel et sérieux, et que cette rupture ouvre droit à une indemnité de rupture d'un montant égal à 10% de la rémunération totale brute du salarié et non assujettie aux prélèvements sociaux et fiscaux.

• Il doit également préciser les conditions et le délai dans lesquels le salarié doit être informé de l'arrivée du terme de son contrat en raison de la réalisation du projet pour lequel il a été conclu, ou de la proposition de poursuivre la relation contractuelle, sous forme d'un CDI, au-delà du terme du contrat, si l'intéressé l'accepte. Ce délai de prévenance ne peut être inférieur à deux mois.

• En l'absence de proposition par l'entreprise de poursuivre la relation contractuelle en CDI, au-delà de la réalisation du projet pour lequel le contrat a été conclu, à des conditions au moins équivalentes à celles du contrat initial ou, en cas de refus par le salarié d'une proposition de poursuite d'activité en CDI, dans des conditions qui ne seraient pas au moins équivalentes à celles du contrat initial, dans ces deux cas, l'intéressé bénéficie :

- d'une indemnité spécifique de rupture d'un montant égal à 10 % de la rémunération totale brute du salarié et non assujettie aux prélèvements sociaux et fiscaux,

- des allocations du nouveau dispositif d'assurance chômage dans les conditions de droit commun,

- des mesures d'accompagnement offertes aux demandeurs d'emploi.

• En outre, afin que ce type de contrat constitue pour leurs titulaires une véritable étape de carrière, l'accord précité doit prévoir un dispositif spécifique destiné à leur donner les moyens de changer d'activité, en étant préparé à le faire notamment par une formation appropriée au maintien de leur employabilité. Il doit également, dans la même perspective, rechercher comment mieux utiliser la VAE et le passeport formation.

Il doit, par ailleurs, préciser :

- les conditions dans lesquelles le salarié bénéficie d'une priorité d'accès à un emploi en CDI dans l'entreprise à la suite de la réalisation du projet pour lequel le contrat a été conclu,

- les conditions dans lesquelles le salarié pourra, au cours du délai de prévenance prévu ci-dessus, mobiliser les moyens disponibles pour organiser la suite de son parcours professionnel.

Compte tenu du caractère expérimental du dispositif, un comité de suivi composé de représentants des signataires du présent accord sera mis en place au niveau national interprofessionnel dès l'entrée en vigueur du présent accord. Il se réunira tous les 6 mois pour examiner et évaluer l'évolution de ce contrat à partir du contenu des accords de branche et d'entreprise (dont il devra être rendu destinataires à cet effet) conclus en la matière et de leur mise en oeuvre (nombre de contrats signés...).

Au vu de cette évaluation, les aménagements nécessaires à ce dispositif seront apportés par les partenaires sociaux. Sans attendre une telle évaluation globale, les parties signataires du présent accord pourront, au vu du contenu d'un accord d'entreprise, proposer aux partenaires sociaux d'aménager voire d'abroger le présent article.

Article 13 : Les ruptures pour inaptitude d'origine non professionnelle

En cas de rupture du contrat de travail due à la survenance d'une inaptitude d'origine non professionnelle et en cas d'impossibilité de reclassement dans l'entreprise, les indemnités de rupture dues aux salariés peuvent être prises en charge soit par l'entreprise soit par un fonds de mutualisation à la charge des employeurs.

Article 14 : Ouvrir l'accès à la portabilité de certains droits

Pour garantir le maintien de l'accès à certains droits liés au contrat travail, en cas de rupture de celui-ci 27 ( * ) ouvrant droit à prise en charge par le régime d'assurance chômage, un mécanisme de portabilité est, dès à présent, mis en place pour éviter une rupture de tout ou partie de leur bénéfice entre le moment où il est mis fin au contrat de travail du salarié et celui où il reprend un autre emploi et acquiert de nouveaux droits.

A cet effet, il est convenu :

• que les intéressés garderont le bénéfice des garanties des couvertures complémentaires santé et prévoyance appliquées dans leur ancienne entreprise pendant leur période de chômage et pour un durée maximum égale à 1/3 de la durée de leur droit à indemnisation, sans pouvoir être inférieur à 3 mois. Le financement du maintien de ces garanties est assuré conjointement par l'ancien employeur et l'ancien salarié dans les mêmes proportions qu'antérieurement28 ( * ) ou par un système de mutualisation défini par accord collectif.

• que, sans préjudice des dispositions de l'accord national interprofessionnel du 5 décembre 2003 relatives à l'accès au DIF en cas de rupture du contrat de travail, ils pourront mobiliser le solde du nombre d'heures acquises au titre du DIF, multiplié par le montant forfaitaire horaire prévu à l'article D.981-5 du Code du Travail (soit 9,15 euros) 29 ( * ) . La mise en oeuvre de cette disposition se fait à l'initiative du bénéficiaire :

- en priorité pendant leur prise en charge par le régime d'assurance chômage, en accord avec le référent chargé de leur accompagnement, au cours de la première moitié de leur période d'indemnisation du chômage, afin d'abonder le financement d'actions de formation, de bilan de compétence ou de VAE, ou de mesures d'accompagnement prescrites par ledit référent,

- et, en accord avec leur nouvel employeur, pendant les deux années suivant leur embauche, afin d'abonder le financement d'actions de formation, de bilan de compétence ou de VAE dans le cadre de la formation continue du salarié.

Les Organismes Paritaires Collecteurs Agréés financeront cet abondement selon les modalités définies ci-après :

- L'OPCA dont relève l'entreprise dans laquelle le salarié a acquis ses droits abondera  le financement des actions mises en oeuvre pendant la durée de la  prise en charge par le régime d'assurance chômage,

- L'OPCA dont relève l'entreprise dans laquelle le salarié est embauché abondera le financement des actions mises en oeuvre dans la nouvelle entreprise dans les conditions ci-dessus.

Le Fonds  Unique de Péréquation pourra, en cas de besoin, abonder les ressources des OPCA pour la mise en oeuvre des dispositions ci-dessus, à hauteur de montants fixés par le Comité Paritaire National pour la Formation Professionnelle.

Il appartiendra aux branches professionnelles de rechercher :

• les aménagements susceptibles d'être éventuellement apportés aux dispositions ci-dessus,

• et les possibilités de mise en place de mécanismes de portabilité ou de transférabilité pour d'autres droits tels que les comptes épargne-retraite par exemple

Elles ouvriront à cet effet des négociations dans les 12 mois de l'entrée en vigueur du présent accord.

Pour encourager les mobilités et sécuriser les transitions professionnelles au-delà du présent accord qui constitue une première étape, il sera nécessaire de mettre en place d'autres dispositifs. A cette fin, les parties signataires conviennent de réunir un groupe de travail spécifique.

Article 15 : Assurer l'accès à la formation de certains salariés et demandeurs d'emploi

Des moyens spécifiques seront mis en place pour assurer la qualification ou la requalification des salariés et des demandeurs d'emploi notamment ceux les plus éloignés de l'emploi (indemnisés ou non) dont le déficit de formation fragilise leur entrée, leur maintien, leur évolution ou leur retour dans un emploi.

Adaptés aux besoins des bénéficiaires et liés à leurs projets professionnels (y compris, le cas échéant, en prenant appui sur le bilan d'étape professionnel visé à l'article 6 ci-dessus) ainsi qu'aux besoins des entreprises, ils peuvent prendre des formes diverses et viser notamment :

- l'acquisition de savoirs de base,

- l'acquisition de compétences professionnelles et qualifications.

Ils peuvent se mettre en oeuvre dans le cadre de l'amélioration de l'accompagnement des demandeurs d'emploi visé à l'article 17 ci-après.

Pour assurer la mise en oeuvre de ces objectifs, les partenaires sociaux prendront les dispositions nécessaires lors de la négociation interprofessionnelle sur la formation professionnelle à venir, pour en assurer durablement le financement.

A cette occasion, ils préciseront les modalités de conventionnement avec l'ensemble des autres partenaires concernés.

Ils veilleront, par ailleurs, à ce que la négociation relative à la convention d'assurance chômage tienne compte et soit mise en cohérence avec les résultats de la négociation sur la formation professionnelle concernant ce point.

Article 16 : Assurer un revenu de remplacement aux chômeurs

L'attribution d'un revenu de remplacement aux chômeurs par le régime d'assurance chômage constitue un élément important de la sécurisation des parcours professionnels. Les modalités de sa mise en oeuvre seront fixées par la prochaine convention d'assurance chômage dont la négociation s'ouvrira au cours du 1 er semestre 2008. Cette convention devra respecter les objectifs et les principes ci-après :

a/ clarifier et articuler la place respective des dispositifs pris en charge par la solidarité nationale et du dispositif assurantiel afin :

• de permettre la prise en charge de nouveaux publics,

• et de garantir l'indépendance des partenaires sociaux dans la fixation des paramètres du régime d'assurance chômage.

b/ fixer des règles d'attribution d'un revenu de remplacement aux personnes involontairement privées d'emploi ou considérées comme telles dans les conditions suivantes :

• Les bénéficiaires doivent être involontairement privés d'emploi ou être inscrits comme demandeur d'emploi à la suite d'une rupture conventionnelle. La convention précisera les modalités d'application de ce principe aux salariés démissionnaires et à ceux dont il a été mis fin au contrat de travail en cas de non reprise du travail après une mise en demeure de l'employeur.

• Les conditions et modalités d'acquisition des droits et d'indemnisation doivent être plus simples et plus lisibles. Ils doivent aussi répondre au quadruple objectif :

- de s'adapter aux nouvelles caractéristiques du marché du travail, notamment pour les jeunes rencontrant des difficultés d'insertion durable (voir article 3 d) ci-dessus),

- de mieux indemniser les allocataires, pour des durées plus courtes, dans le cadre d'un dispositif conjuguant des mesures personnalisées d'accompagnement vers l'emploi mises en place par le nouvel opérateur de placement et des incitations à la reprise d'emploi,

- de prendre en compte la nécessité d'allonger la durée d'activité des seniors,

- mieux prendre en compte le parcours professionnel des intéressés.

• Le montant de l'allocation doit correspondre, dans la limite d'un plancher et d'un plafond, à un pourcentage de l'ancien salaire.

• Le caractère de revenu de remplacement des allocations ne doit pas être remis en cause. La convention précisera les conditions dans lesquelles ce principe pourra être aménagé en évitant tout glissement vers l'institution d'un revenu de complément (activités réduites).

c/ articuler les principes et orientations ci-dessus en vue d'optimiser la prise en charge des demandeurs d'emploi.

Article 17 : Améliorer l'accompagnement des demandeurs d'emploi

Dans le cadre des réformes en cours, l'amélioration de l'accompagnement des demandeurs d'emploi constitue, pour les signataires du présent accord, une priorité. Pour être pleinement efficace, cet accompagnement doit répondre simultanément à deux objectifs :

- contribuer à l'accélération du retour à l'emploi dans un emploi de qualité,

- mieux répondre à la satisfaction des besoins des entreprises.

Cet accompagnement, tenant compte de la situation de chacun et adapté en conséquence à leurs besoins, doit pouvoir être accessible à l'ensemble des demandeurs d'emploi.

Pour atteindre ces objectifs, il convient, à partir d'une évaluation des dispositifs déjà mis en place, de mobiliser tout à la fois :

- des moyens humains renforcés faisant appel aux ressources des différents intervenants sur le marché de l'emploi : ANPE, Assedic (dans le cadre de la fusion des réseaux opérationnels), AFPA, APEC, opérateurs privés, branches professionnelles, ...,

- des dispositifs rénovés, permettant au demandeur d'emploi, après une évaluation de sa situation et de ses compétences, de perfectionner ses démarches, avec l'appui d'un référent qui aurait pour mission de l'accompagner dans la mise en oeuvre du plan personnalisé d'aide au retour à l'emploi qu'ils auraient élaboré en commun, en tenant compte de la situation du marché du travail sur le bassin d'emploi, la région, ou l'ensemble du territoire.

Article 18 : S'inscrire dans un cadre de droits et devoirs réciproques

L'efficacité d'un dispositif cohérent et dynamique de prise en charge financière et d'accompagnement personnalisé des demandeurs d'emploi, requiert de ces derniers une démarche active de recherche d'emploi qui s'inscrit dans une logique de respect des droits et devoirs réciproques et conduit nécessairement à ce que soient clairement définies, dans le respect de la personne, les modalités de contrôle de l'effectivité de la recherche et la notion d'offre valable d'emploi.

Article 19 : Sécuriser le portage salarial

Le portage salarial se caractérise par:

- une relation triangulaire entre une société de portage, une personne, le porté, et une entreprise cliente,

- la prospection des clients et la négociation de la prestation et de son prix par le porté,

- la fourniture des prestations par le porté à l'entreprise cliente,

- la conclusion d'un contrat de prestation de service entre le client et la société de portage,

- et la perception du prix de la prestation par la société de portage qui en reverse une partie au porté dans le cadre d'un contrat qualifié de contrat de travail.

Considérée comme entachée d'illégalité, cette forme d'activité répond cependant à un besoin social dans la mesure où elle permet le retour à l'emploi de certaines catégories de demandeurs d'emploi, notamment des seniors. Il est souhaitable de l'organiser afin de sécuriser la situation des portés ainsi que la relation de prestation de service.

A cet effet, la branche du travail temporaire organisera, par accord collectif étendu, la relation triangulaire en garantissant au porté, le régime du salariat, la rémunération de sa prestation chez le client ainsi que de son apport de clientèle. La durée du contrat de portage ne devra pas excéder trois ans.

Les signataires du présent accord évalueront les effets du dispositif, dont la mise en place est prévue ci-dessus par voie d'accord.

III - PLACE DE LA NÉGOCIATION COLLECTIVE

Par le présent accord, ses signataires ont entendu souligner la place que joue la négociation collective, aux différents niveaux, pour parvenir à la meilleure adéquation entre les enjeux économiques, les politiques de l'emploi, la sécurisation des parcours professionnel et l'accroissement des compétences des salariés.

A / Dans cet esprit, ils sont convenus d'organiser, de façon cohérente, le calendrier des négociations interprofessionnelles décidées pour la mise en oeuvre de certaines dispositions du présent accord :

- au cours du 1 er semestre 2008 : convention d'assurance chômage (art. 16)

- dans les 6 mois de l'entrée en application du présent accord : déclinaison des principes énoncés et des objectifs fixés en matière de GPEC (art. 9)

- dans les 12 mois de l'entrée en application du présent accord : conditions de mise en oeuvre du bilan d'étape professionnel (art. 6)

- dans les 3ans de l'entrée en application du présent accord : bilan des accords de branche relatifs au CDD pour la réalisation d'un objet défini (art 12-b)

- les modalités d'intégration des principes de l'article 10 dans l'accord du 25 avril 1983 sur le personnel d'encadrement

- évaluation du portage salarial

- groupe de travail paritaire sur le renforcement de l'efficacité du 1 % logement en faveur de la mobilité et de l'insertion professionnelle des jeunes

- groupe de réflexion sur les étapes ultérieures de la portabilité

Ils conviennent de mettre en place une commission de suivi et d'évaluation de l'accord qui s'assurera notamment du bon fonctionnement des différents dispositifs mis en place par le présent accord.

B/ S'agissant du rôle qui incombe aux branches professionnelles en matière de sécurisation des parcours professionnels, les signataires du présent accord ont entendu renvoyer, à leur niveau de négociation, l'examen, dans leur champ de compétence, d'un certain nombre de points abordés dans le présent accord :

- utilisation responsable des contrats (article 1)

- embauche des jeunes (article 3 b)

- renouvellement de la période d'essai (article 4)

- accès aux droit (article 5)

- formation des salariés à temps partiel (article 7 c)

- outils de GPEC (article 9 c)

- CDD pour la réalisation d'un objet défini (article 12 b)

- portabilité (article 14)

Afin que ces négociations s'ouvrent dans des conditions permettant de parvenir à des solutions cohérentes et équilibrées, il est souhaitable que, comme dans le présent accord, les thèmes ci-dessus soient abordés dans le cadre d'une négociation globale.

C/ Les objectifs assignés à la négociation de branche peuvent se décliner dans la négociation d'entreprise, soit dans la mise en oeuvre d'un accord de branche, soit par la création de dispositifs propres.

Il est en particulier souhaitable que soient recherchés les moyens de mettre en place ou de consolider, par accord collectif, des dispositifs permettant un véritable parcours professionnel (état des lieux des compétences, entretien professionnel, VAE, parcours de formation, évolution de carrière,...) ainsi que les moyens permettant d'en mesurer l'efficacité et de contribuer au recul de la précarité.

IV - ENTREE EN APPLICATION

a) Les dispositions du présent accord correspondent à un équilibre d'ensemble.

Sa validité est subordonnée à l'adoption des dispositions législatives et réglementaires indispensables à son application.

Il entrera en vigueur à la date de publication au journal officiel des dispositions législatives et réglementaires précitées.

b) Compte tenu de la nature et des objectifs du présent accord qui vise à moderniser le marché du travail, à développer l'emploi et à sécuriser les parcours professionnels, les parties signataires conviennent qu'il ne peut être dérogé à ses dispositions par accord de branche ou d'entreprise.

ANNEXE À L'ACCORD NATIONAL INTERPROFESSIONNEL SUR LA MODERNISATION DU MARCHÉ DU TRAVAIL

RELATIONS AVEC LES POUVOIRS PUBLICS

Certains des points abordés ci-dessus nécessiteront pour entrer en application une disposition législative, d'autres devront être arrêtés en concertation avec les pouvoirs publics et enfin d'autres encore relèvent de la seule compétence de l'Etat auquel les partenaires sociaux se réservent de faire des suggestions comme en matière d'orientation et de formation initiale, de fiscalité pour faciliter la mobilité géographique ou encore de passage d'une situation à une autre. Ces derniers points feront l'objet d'une lettre paritaire

__________________

* 1 Cf. Audition d'Alain Lecanu, secrétaire national de la CFE-CGC, p. 61.

* 2 Le « 1 % logement » est la dénomination usuelle des organismes qui gèrent les fonds destinés à la construction de logements sociaux et à l'accession à la propriété.

* 3 Le nombre exact de contrats de travail semble difficile à établir. Si le représentant de la CGT a indiqué qu'il en existait trente-sept, un document remis par le ministère à votre rapporteur n'en recense en revanche qu'une vingtaine.

* 4 Ce projet de loi est le premier à viser le code du travail uniquement dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007, relative au code du travail (partie législative). Cette nouvelle version du code entre en vigueur le 1 er mai 2008.

* 5 Cela signifie que l'on ne distingue pas entre les jours ouvrés et les jours de repos. Une semaine comprend ainsi sept jours calendaires.

* 6 Cf. arrêt Perrier du 21 juin 1974, Cass. ch.mixte : « les dispositions législatives soumettant (...) à la décision conforme de l'inspecteur du travail le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives ont institué, au profit de tels salariés et dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, une protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun qui interdit par suite à l'employeur de poursuivre par d'autres moyens la résiliation du contrat de travail ».

* 7 Son montant est de 33 276 euros par an en 2008. La limite est ainsi fixée à 199 656 euros (33 276 fois 6).

* 8 L'indemnité de départ en retraite est soumise à l'impôt sur le revenu avec un abattement de 3 050 euros.

* 9 Ces données, qui portent sur l'année 2003, sont tirées du rapport « Le droit du travail en perspective contentieuse, 1993-2004 » par Brigitte Munoz-Perez et Evelyne Serverin, novembre 2005.

* 10 Voir le rapport n° 72 (2007-2008) d'Alain Vasselle sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008. Tome VI - Examen des articles - pages 57 à 62.

* 11 Créée par la loi du 13 novembre 1982, la CNNC comprend : le ministre chargé du travail ou son représentant, qui en assure la présidence ; le ministre chargé de l'agriculture ou son représentant ; le ministre chargé de l'économie ou son représentant ; le président de la section sociale du Conseil d'Etat ; en nombre égal, des représentants des organisations syndicales de salariés les plus représentatives sur le plan national, d'une part, et des représentants des organisations d'employeurs les plus représentatives sur le plan national, dont les représentants des agriculteurs et des artisans, et des entreprises publiques, d'autre part. La CNNC est notamment chargée d'émettre un avis sur les projets de lois et de décrets relatifs aux relations individuelles et collectives de travail et sur l'extension des accords collectifs.

* 12 Cf. Semaine sociale Lamy, supplément n° 1332, 10 décembre 2007, p. 4.

* 13 Le développement qui suit s'appuie sur l'article intitulé « Pour un encadrement des pratiques de portage salarial » par Lise Casaux-Labrunée, professeur à l'université de Toulouse I, paru dans le même supplément de la Semaine sociale Lamy, p. 99.

* 14 Rappelons que le droit est régi par un principe d'indisponibilité des qualifications : il ne suffit pas qu'un contrat soit qualifié par ses signataires de « contrat de travail » pour qu'il soit automatiquement reconnu comme tel par les tribunaux ; la qualification de contrat de travail repose sur de critères objectifs, notamment l'existence d'un lien de subordination.

* 15 Il est cependant quelque peu paradoxal d'affirmer que le portage est un outil de réinsertion professionnelle, alors qu'il repose sur le principe suivant lequel les salariés doivent trouver eux-mêmes leurs missions.

* 16 Certains travailleurs sont assimilés à des salariés, ce qui permet une application totale ou partielle du code du travail, sans qu'ils soient titulaires d'un contrat de travail ni soumis à un lien de subordination ; c'est le cas des gérants, des assistants maternels ou des conjoints de chef d'entreprise.

* 17 Professionnels de l'intérim, services et métiers de l'emploi.

* 18 Cf. J.O. Compte rendu intégral des débats, Assemblée nationale, deuxième séance du mercredi 16 avril 2008.

* 19 On ne voit pas très bien, à vrai dire, où est le paradoxe : si le licenciement est difficile, la décision de recrutement sera d'autant plus lourde de conséquences et l'employeur y réfléchira à deux fois avant de la prendre.

* 20 Cf. le rapport de Pierre Cahuc et Francis Kramarz, « De la précarité à la mobilité : vers une sécurité sociale professionnelle », décembre 2004.

* 21 Cf. l'audition de Georges Tissié, directeur des affaires sociales de la CGPME p. 66.

* 22 dans les entreprises qui en sont dotés.

* 23 dans les entreprises qui en sont dotées.

* 24 Etant entendu que l'avocat dispose d'un mandat de représentation dont cette mention n'est qu'un rappel.

* 25 Les parties signataires conviennent de saisir en commun les pouvoirs publics des modalités de mise en oeuvre du présent dispositif.

* 26 Les dispositions du présent article s'appliquent sans préjudice de celles de l'article L.321-12 du code du travail

* 27 non consécutive à une faute lourde

* 28 Pour des raisons techniques de mise en oeuvre, cette disposition n'entrera en application que 6 mois après l'entrée en vigueur du présent accord.

* 29 tel que prévu en l'absence de forfait horaire fixé dans les conditions définies à l'article L.983-1 du Code du Travail

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