B. LIMITER LES EXCÈS

1. Adapter l'interdiction aux besoins

a) L'absence de contentieux

Nous avons vu que les atteintes à la santé des mineurs et des salariés étaient déjà incriminées. Concernant l'anorexie, votre rapporteure a été étonnée d'apprendre qu'à ce jour, aucune instruction n'a été donnée au parquet de poursuivre les sites pro-anorexie. L'analyse selon laquelle le juge ne dispose pas des moyens de lutter contre eux repose donc sur une analyse a priori . Les parquets n'auraient d'ailleurs pas besoin d'engager d'eux-mêmes des poursuites si des plaintes étaient déposées contre les sites pro-anorexie. Or il n'existe aucune jurisprudence en la matière, ce qui signifie que jamais personne n'a éprouvé le besoin de saisir le procureur de cette question.

Se pose ainsi une véritable question pour le législateur. Pourquoi pénaliser une forme d'expression qui, tout en suscitant une réprobation légitime, n'est pas perçue par les anorexiques et leurs familles comme cause de leur maladie ?

b) Traduire des malades en justice

La conviction de votre rapporteure est que les auteurs des sites pro-anorexie sont des jeunes filles ou garçons, adolescents ou jeunes adultes souffrant d'une forme plus ou moins sévère d'anorexie et que c'est la maladie qui s'exprime au travers de leur vision fantasmatique et inquiétante de la réalité. Si l'anorexie n'abolit pas le discernement et que les auteurs des sites sont pénalement responsables de leur contenu, votre rapporteure doute fortement que le fait de traduire un jeune anorexique en justice pour lui imposer une amende ou une peine de prison fasse beaucoup pour réduire la prévalence de la maladie. Le seul effet prévisible est de risquer d'obérer les chances de guérison du mis en examen et de créer par là un martyre pour une cause qui n'attend que cette opportunité pour renforcer son délire d'élection et de persécution.

2. Limiter la publicité

a) L'autojustification des sites pro-anorexie

Un soutien ambigu aux malades

Protestant de leur droit à tenir des sites sur Internet, les auteurs pro-ana affirment offrir d'abord un lieu d'échange et de soutien pour des personnes qui souffrent. L'argument est que le mouvement pro-ana ne cherche pas à susciter les adhésions en diffusant l'anorexie, mais simplement à permettre à celles et ceux qui en sont atteints de se retrouver pour échanger leurs expériences et offrir une compréhension qu'entourage et médecins ne peuvent prodiguer. Les auteurs de certains de ces sites vont jusqu'à soutenir que ces derniers ont donc une vertu thérapeutique, puisqu'en rompant l'isolement de l'anorexique, ils lui permettraient de lutter contre la maladie et peut-être de guérir. De fait, le soutien constitue un thème important des sites et les échanges qu'on y trouve sont principalement des commisérations et des encouragements. Mais l'argument de l'innocuité voire de l'intérêt des sites n'est pas recevable.

En effet, le soutien offert est au mieux ambigu, et sa finalité n'est que trop claire. Certes, il est possible d'entendre le terme pro-anorexie comme une forme de soutien aux anorexiques qui ne cherche pas à les stigmatiser ou à les culpabiliser mais à les mener individuellement et par l'échange vers le mieux-être. Sans doute certains auteurs ont-ils réellement cette vision du mouvement auquel ils adhèrent. Les anorexiques souffrent constamment de leur maladie, que ce soit du fait de la faim, des crises de boulimie et des vomissements provoqués qui leur succèdent, de leur affaiblissement physique ou fondamentalement du fait de se sentir habité par un mal contre lequel ils ne peuvent rien. Savoir que d'autres traversent les mêmes épreuves peut les aider à donner un sens à ce qui leur arrive et peut-être à lutter. Mais votre rapporteure est consciente de l'habileté dialectique des anorexiques. Elle estime impossible de cautionner un mouvement qui prétend dans sa majorité que l'anorexie est un mode de vie choisi et non une maladie à guérir, et qui de ce fait soutien les anorexiques non dans la voie de la guérison mais dans la négation, voire l'aggravation de leur état. Si elle ne croit pas que les sites pro-anorexie puissent causer la maladie, ce n'est pas une raison suffisante pour leur offrir la possibilité de l'aggraver.

Un bouc émissaire ?

Un autre argument des auteurs de sites pro-anorexie est leur relative innocuité face à des phénomènes plus dangereux. Ainsi le fait de les interdire, comme c'est déjà le cas pour les sites néo-nazis ou pédopornographiques, créerait une assimilation aussi infamante qu'inutile. Il est sur ce point évident que les interdictions prononcées par le législateur sont fonction d'un danger précis et n'ont pas pour but de renvoyer les comportements proscrits dans une entité agglomérée et indéfinie qui serait le Mal. Plus important aux yeux de votre rapporteure est l'argument selon lequel d'autres comportements de même nature ne seraient pas réprimés par la proposition de loi, par exemple le mouvement pro-mia, pendant pour la boulimie de ce qu'est le mouvement pro-ana pour l'anorexie et d'ailleurs se recoupant partiellement avec ce dernier. D'autres mouvements d'incitation aux comportements à risque ne sont pas non plus réprimés à l'heure actuelle. Ainsi, en matière alimentaire, les « feeders » qui associent le plaisir au fait de prendre ou, plus grave, de faire prendre du poids. En dehors des troubles du comportement alimentaire, David Le Breton souligne aussi les similitudes entre le mouvement pro-anorexie et celui des scarificateurs qui s'exprime également sur Internet. Eux non plus ne sont pas explicitement interdits par la loi. Votre commission s'interroge sur la possibilité pour le législateur d'interdire par une même loi ces différents sites qui incitent à des comportements extrêmes et dangereux, ce qui supposerait une étude détaillée des mécanismes qu'ils utilisent et de leurs effets.

Faut-il donc penser que les sites pro-anorexie sont des boucs émissaires, victimes expiatoires, comme le suggère le docteur Apfeldorfer, d'une société qui se sent collectivement coupable du mal-être d'une partie de ses membres mais ne peut y remédier ? La dénonciation médiatique des sites pro-anorexie par un mannequin tirant paradoxalement sa notoriété de sa maladie pourrait le laisser penser. Cette attitude qui permet une mise en accusation facile comme solution à un problème de santé a été dénoncée tant par les associations que par les médecins. Mais il ne faut encore une fois pas se méprendre sur le danger que représentent les sites pro-anorexie. Faire d'eux la cause de la maladie est à la fois intellectuellement simpliste et scientifiquement faux. Leur danger réside ailleurs.

b) Prévenir le danger qu'ils peuvent représenter

Un risque d'aggravation de la maladie

Les sites pro-anorexie ne sont pas sans danger. Il est vraisemblable que, par les conseils qu'ils donnent, par les défis qu'ils lancent, par le soutien qu'ils offrent à ceux qui souhaitent persévérer dans la maladie, ils favorisent une aggravation des symptômes. Ainsi 96 % des jeunes filles ayant consulté les sites dits pro-ana dans le cadre de l'étude menée par l'université de Stanford 22 ( * ) y ont découvert de nouveaux moyens de continuer à perdre du poids et de le cacher à leur entourage et aux médecins. Ceci ne peut que contribuer à aggraver leur état de santé en donnant plus d'efficacité à leur action d'autodestruction et en retardant le début des soins.

Les effets limités d'une interdiction

Cependant, plusieurs limites existent aux bienfaits liés à l'interdiction légale de tels sites.

Ces limites sont d'abord techniques : ces sites, qui se sont développés depuis 1999 et ont éveillé l'attention des associations et pouvoirs publics en 2001, ont eu à faire face à de multiples vagues d'interdiction et de fermeture sans pour autant disparaître. La police de l'Internet étant nécessairement imparfaite, la simple suppression de mots-clefs incriminants susceptibles de faire apparaître le site parmi les résultats d'un moteur de recherche limite leur visibilité sans pour autant empêcher celles et ceux qui les recherchent véritablement de les trouver. Par ailleurs, de nombreux groupes pro-ana ont profité de l'essor des sites dits de socialisation comme Facebook pour remplacer les sites laissant des adresses identifiables sur les ordinateurs et susceptibles d'être trouvés par les parents inquiets par des forums de discussion d'apparence neutre. De plus, le simple échange d'adresses électroniques et la discussion immédiate à l'aide de programmes tels MSN font disparaître tout « lieu » de diffusion du message, rendant impossible les poursuites. Enfin, les sites de vidéo en ligne regorgent d'images le plus souvent truquées et montrant la maigreur squelettique. En l'absence de tout texte explicite accompagnant les images, il est impossible de prouver qu'il s'agit d'une apologie. Tenter d'interdire la diffusion de ces images en établissant des critères semble illusoire et dangereux pour les libertés. On ne peut donc espérer éradiquer les propagandes en faveur de l'anorexie sur Internet.

Par ailleurs, les malades souhaitant trouver des conseils pour persévérer dans leur maladie les trouvent sur de nombreux sites qui ne tombent pas sous le coût de la proposition de loi : ils utilisent les sites qui dénoncent les sites pro-ana, mais contiennent des descriptions, des pratiques et des témoignages. La même étude de Stanford indique que 46,4 % des anorexiques interrogées ont affirmé avoir découvert de nouveaux moyens de perdre du poids et de masquer leur maladie sur les sites dédiés aux moyens de guérison. Ce sont les anorexiques ou les personnes à la limite de l'anorexie qui cherchent sur Internet les moyens de répondre à leur compulsion. La lecture sélective des textes leur permettant d'en extraire moyens et méthodes pour persévérer dans leur maladie ne peut être réellement prévenue par le législateur qu'au prix exorbitant d'une interdiction pure et simple de parler de l'anorexie. Le seul effet de la loi serait alors de laisser les anorexiques mourir en silence.

Réaction sur le forum LOI ANTI PRO ANA-DANGER !
(site Dunedesable)

XXXX le 18/04/2008 à 23:08:04
Bonjours à toutes!

Suite a cette foutu lois absurde, qui a d'ailleurs était accepter le 15 avril, certaine Pro ana ont supprimer leur blog a contre coeur, par peur des représailles.
C'est vrai que personne ne tient a payer a la société 30 000 euro d'amande, pour exposer son mal être, et appeler au secours.

Seulement voila, il vaut mieux se rendre a l'évidence toute suite, bientôt les blog P.A se feront de plus en plus rare, et bien que nous continuerons a être ce que nous sommes, mais nous aurons moins de soutient, les Lettres et Commandement d'Ana se feront de plus en rare, toutes nos Aides et Astuce, et bien on aurons plus tout sa.
Mais il reste encore un moyen de ne pas tomber dans l'oublie entre nous, msn.

Echanger vous vos msn le plus possible, pour les bloggeur, laisser vos msn en page d'accueil, pour les visiteuses ayant besoin de soutien, déposez également vos msn, dans les commentaire et prenez toutes les adresse que vous pourrez.
Grace a sa, vous pourrais crée des groupes de Pro Ana, pour des défis et des aides tout simplement.

Pensez y car cela est très important. En général les P.A, prennent les adresse msn d'autre P.A.
Faites le et si vous avez besoin, prenez les lettres, Commandement, Aide et astuces, d'Ana, enregistrer tout dans des dossier et ensuite, imprimez tout sa, pour toujours les avoirs avec vous.

J'avais également un blog, j'ai préférer le supprimer, surtout pour mon père, je voulais pas lui causer de problème, mais cette lois me fait vraiment mal, je la trouve horrible, il faut arrêter de dire qu'on est des Tueuse, ou des Hors la Lois.

Ils veulent nous supprimez, mais c'est débile, parce que c'est pas comme sa que les TCA diminuerons et vous savez quoi, cette lois de merde, me donne encore plus envie de maigrir...

Si vous êtes d'accord avec ce message, Copier le et Coller, le dans tout les blog P.A que vous trouverez.

Voici mon msn XXX@XXX.fr

Ne vous laissez pas faire, courage, Bisou <3

Texte original

* 22 Jenny L. Wilson, Rebecka Peebles, Kristina K. Hardy and Iris F. Litt, Surfing for Thinness : a Pilot Study of Pro-Eating Disorders Web Site Usage in Adolescents With Eating Disorders, Pediatrics 2006 ; 118 ; p. 1635 à 1643.

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