TRAVAUX DE LA COMMISSION

Audition de M. Frédéric VAN ROEKEGHEM, directeur général de l'union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam), et de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam) et M. Hubert ALLEMAND, médecin conseil national de la Cnam

Réunie le mercredi 29 octobre 2008 , sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission, dans le cadre de la préparation de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 , a procédé à l' audition de M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de l'union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam) et de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam).

M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, a souhaité disposer d'éléments plus précis sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie pour les quatre années à venir, ainsi que sur le montant des économies à réaliser pour respecter les prévisions de dépenses figurant dans le scénario élaboré par le Gouvernement pour rétablir les comptes de l'assurance maladie.

M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de l'Uncam et de la Cnam, a estimé que le retour à l'équilibre des comptes de l'assurance maladie est prioritairement lié à l'évolution des recettes sur la période considérée, et donc à l'ampleur du ralentissement qui touche l'économie française.

Depuis 2005, l'évolution annuelle des dépenses a été contenue à un niveau compris entre 3 % et 4 %, qui est cohérent avec les hypothèses macroéconomiques retenues par le Gouvernement dans sa projection pluriannuelle présentée dans l'annexe B du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Le respect de ce taux d'évolution des dépenses suppose de dégager annuellement de nouvelles économies pour un montant d'environ 2 milliards d'euros. Le projet de loi de financement pour 2009 prévoit de procéder à des économies de gestion en régulant le montant des dotations accordées à certains établissements, notamment le fonds d'intervention pour la qualité de soins de ville (Ficqs), le fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP) ou l'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus). Le taux de progression de l'Ondam est fixé à 3,3 % ce qui correspond à une prévision réaliste. Des négociations sont en cours afin de procéder à un redéploiement des rémunérations des professionnels de santé libéraux. En effet, pour la troisième année consécutive, les tarifs des actes de biologie médicale vont être révisés à la baisse, pour un montant global de 100 millions d'euros, de même que les tarifs des actes de radiologie à hauteur de 150 millions. Cette révision tarifaire vise à prendre en compte les gains de productivité dégagés dans ces secteurs, qui permettent des économies d'échelle sur les actes réalisés en série.

M. Frédéric Van Roekeghem a indiqué que les revalorisations tarifaires auxquelles il a été procédé au cours des quatre dernières années ont représenté un montant annuel de 390 millions d'euros, alors que la somme des honoraires versés s'élève à 20 milliards. Au cours des quinze dernières années, les dépenses de santé ont progressé de 1,3 % plus vite que le Pib et l'inversion de cette tendance suppose une intervention énergique de l'assurance maladie. Les actions qu'elle a entreprises au cours des trois dernières années ont d'ailleurs déjà permis de contenir l'évolution des dépenses de santé, par exemple en matière d'indemnités journalières versées au titre des arrêts de travail pour lesquelles un relâchement des contrôles se traduit par une hausse des dépenses.

Il ne faut pas oublier que le déficit de l'assurance maladie est passé de 2 à 1  milliards entre 2001 et 2003, les dépenses incluses dans le champ de l'Ondam ayant augmenté respectivement de 5 % et de 7,1 % au cours de ces deux années. Aujourd'hui, la progression est moins rapide mais une baisse des recettes, provoquée notamment par le ralentissement de l'évolution de la masse salariale, est de nature à remettre en cause la projection pluriannuelle du Gouvernement.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, s'est interrogé sur l'état d'avancement des négociations conventionnelles visant à créer un secteur optionnel et à revaloriser les honoraires des médecins généralistes. Il a également fait état des risques potentiels que les contrats individuels pourraient faire peser sur la qualité des soins en raison des objectifs de réduction des prescriptions qu'ils fixeront aux médecins.

M. Frédéric Van Roekeghem a indiqué que des négociations conventionnelles sont en cours avec deux professions de santé : les chirurgiens-dentistes et les médecins. Pour les chirurgiens-dentistes, la négociation a pour objet de rétablir un texte conventionnel après l'annulation, par le Conseil d'Etat, de la convention signée en 2006. La discussion porte à la fois sur les honoraires et sur l'instauration de mesures désincitatives visant à limiter les nouvelles installations dans les zones sur-dotées. Le mécanisme retenu s'inspire de celui figurant dans la convention conclue entre l'assurance maladie et les infirmiers.

Pour les médecins, en application des conclusions des Etats généraux de l'offre de soins (Egos), les partenaires conventionnels doivent s'entendre sur la détermination de mesures intergénérationnelles, ce qui signifie que les dispositions relatives à la meilleure répartition des médecins sur le territoire ne doivent pas s'appliquer uniquement aux nouvelles générations. Quatre syndicats de médecins sur cinq se sont déclarés hostiles à l'instauration de mesures coercitives. La question de l'accession de la médecine générale au rang de spécialité médicale, et notamment la revalorisation tarifaire qui doit accompagner cette évolution, figure à l'ordre du jour de ces rencontres.

Les négociateurs étudient également l'opportunité de créer un nouveau secteur tarifaire : le secteur optionnel. Ce dispositif tarifaire doit permettre de limiter le recours aux dépassements d'honoraires en proposant aux praticiens exerçant en secteur 2 (honoraires libres) de pratiquer les tarifs opposables pour une partie de leur activité professionnelle en échange de contreparties financières versées à l'assurance maladie. L'union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire est associée à cette partie de la négociation, puisqu'il est envisagé que tout ou partie des dépassements d'honoraires pratiqués dans le cadre du secteur optionnel fasse l'objet d'une prise en charge par les organismes complémentaires. Ce nouveau dispositif doit permettre de limiter la part des dépenses restant à la charge des assurés et réduire les difficultés d'accès aux soins, notamment des médecins spécialistes.

M. Hubert Allemand, médecin conseil national de la Cnam, a indiqué que les contrats d'amélioration de la qualité proposés aux médecins comprennent trois volets : la prévention, le suivi des pathologies et l'efficience de la prescription. Ils ont pour objet de rétribuer l'action des médecins auprès d'une population donnée, sans remettre en cause le principe de l'obligation de moyens. Par exemple, il s'agira d'actions en faveur du dépistage du cancer du sein pour lequel la pratique est très différente d'un médecin à l'autre, alors que la loi de santé publique du 9 août 2004 fixe à 80 % l'objectif de dépistage pour les femmes âgées de cinquante à soixante-quatorze ans ; de même, on constate que certains patients souffrant d'une affection de longue durée, par exemple les diabétiques, sont pris en charge en deçà du minimum des connaissances médicales. Le contrat d'amélioration de la qualité est donc conçu comme un moyen de diffusion de l'innovation afin d'optimiser la qualité des soins dispensés aux malades et de maîtriser les complications pouvant survenir chez les patients à risque.

M. Frédéric Van Roekeghem a souligné que certains médecins traitants ne proposent pas de dépistage du cancer du sein à leur patientèle féminine. Le contrat permettra un meilleur suivi des pratiques et une comparaison des comportements dans chaque bassin de santé. Le suivi des patients chroniques sera également amélioré. Cette rémunération complémentaire sera financée par une meilleure utilisation de la pharmacopée.

M. Hubert Allemand a indiqué que le chapitre de l'efficience des prescriptions est celui qui soulève les plus grandes interrogations. L'exemple des hypertenseurs permet de rassurer les patients sur le risque de rationnement des soins. Pour traiter cette pathologie, deux classes de médicaments ayant les mêmes effets thérapeutiques sont disponibles : les inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC) et les antagonistes des récepteurs de l'angiotensine ou Sartans. Les IEC sont moins onéreux mais provoquent une réaction indésirable sous la forme d'une toux sèche dans une proportion trois fois supérieure aux Sartans. Les victimes de cet effet indésirable pourraient donc voir leur prescription d'IEC converti en Sartans. Or, le taux de prescription des Sartans atteint 58 % des prescriptions établies pour les patients souffrant d'hypertension, contre 27 % en Allemagne ou en Grande-Bretagne. L'objectif du contrat est de ramener ce taux de prescription à 40 % dans les quatre années à venir. Ceci étant, cet objectif ne peut en aucun cas être assimilé à une limitation de la liberté de prescription du médecin. Les indicateurs destinés à figurer dans ces contrats ont d'ailleurs fait l'objet d'une concertation avec les médecins et ont été approuvés par la direction générale de la santé, la Haute Autorité de santé, l'académie de médecine et le conseil national de l'ordre des médecins.

M. Nicolas About, président, s'est interrogé sur l'opportunité d'informer les patients de la conclusion d'un tel contrat par leur médecin.

M. Frédéric Van Roekeghem s'est déclaré favorable à une information des patients par l'intermédiaire du dispositif Infosoins géré par les caisses d'assurance maladie. L'information systématique des patients par courrier pourrait en revanche être interprétée comme une mise en garde à l'encontre de ces contrats, alors qu'ils constituent une mutation réelle, de nature à améliorer la prise en charge des patients et à modifier les conditions de rémunération des médecins. Une incertitude demeure néanmoins sur le nombre de praticiens qui feront le choix de souscrire un tel contrat.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, a voulu connaître la date à partir de laquelle les prescriptions établies par les praticiens hospitaliers feront l'objet d'une identification individualisée, obligation insérée dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 à l'initiative de la commission des affaires sociales.

M. Frédéric Van Roekeghem a estimé que, derrière son apparente simplicité, la question de l'identification des prescriptions hospitalières est une réforme complexe en matière d'organisation administrative et de mise à niveau des systèmes d'information. Elle comporte deux aspects : la transmission d'une facturation directe et individualisée des actes réalisés dans les établissements de santé publics vers les caisses primaires d'assurance maladie, d'une part, l'indentification des praticiens hospitaliers par l'intermédiaire du répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS), d'autre part.

Sur le premier point, une montée en charge progressive pourrait avoir lieu à compter du deuxième trimestre 2009, l'idéal étant de procéder à une expérimentation limitée à une dizaine d'établissements dans le courant du premier trimestre de cette année.

Pour l'identification des praticiens hospitaliers au sein du RPPS, répertoire géré par l'Etat, deux problèmes doivent encore être réglés. Le premier est celui du peuplement du répertoire, car certains établissements de santé ont constaté qu'une partie de leurs équipes médicales n'y est pas encore inscrite. Le second concerne la modification du logiciel de facturation des officines, actuellement bloquée par des difficultés techniques rencontrées dans la modification des caractères du codage des médicaments qui est effectué simultanément. Néanmoins l'identification pourra être opérationnelle en 2009.

M. Guy Fisher a estimé irréalistes le projet de loi de financement pour 2009 et la projection pluriannuelle prévoyant un retour à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale, en raison de la dégradation de la conjoncture économique.

Il a estimé que la création du secteur optionnel et le recours de plus en plus fréquent aux dépassements d'honoraires sont le résultat du laissez-faire de l'assurance maladie en matière tarifaire.

Il a voulu connaître le montant des cotisation sociales prises en charge par l'assurance maladie pour le compte des médecins libéraux ainsi que le nombre d'emplois qu'elle s'est engagée à supprimer dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion 2006-2009.

Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur pour le secteur médico-social, s'est interrogée sur les conditions dans lesquelles est organisée la convergence tarifaire au sein du secteur médico-social, puis a voulu connaître l'opinion du directeur général de l'Uncam sur la proposition du Gouvernement visant à réintégrer les médicaments dans la dotation soins des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et sur le rôle des médecins coordonnateurs.

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour l'assurance vieillesse, a demandé des informations complémentaires sur le montant des dépassements d'honoraires perçus dans le cadre de l'activité libérale des praticiens hospitaliers, ainsi que sur le nombre d'actes chirurgicaux faisant l'objet d'une prise en charge à 100 % par l'assurance maladie obligatoire par rapport à ceux pour lesquels une participation de l'assurance maladie complémentaire est possible.

Après avoir regretté que l'assurance maladie n'ait pas revalorisée régulièrement le tarif des actes chirurgicaux, il s'est étonné des difficultés techniques rencontrées pour parvenir à une identification, à son sens indispensable, des praticiens hospitaliers et a dénoncé les incompatibilités techniques existant entre les divers systèmes d'information utilisés par les caisses d'assurance maladie.

M. Nicolas About, président, a souhaité obtenir des précisions sur les produits injectables, prescrits pour certains actes d'imagerie mais inutilisés dans la majorité des cas.

M. Gilbert Barbier a demandé des informations supplémentaires sur la lutte contre les abus et les fraudes dans le domaine des transports sanitaires, sur le respect de l'ordonnancier bizone ainsi que sur le remboursement de certains actes de chirurgie esthétique présentés comme de la chirurgie réparatrice. Il s'est également interrogé sur l'avancement des négociations relatives à la fixation des tarifs de certains dispositifs médicaux, notamment les prothèses et les pacemakers.

Mme Patricia Schillinger a souligné que la suppression de la consultation prénuptiale et la baisse du nombre de postes ouverts aux étudiants en médecine dans la spécialité de gynécologie médicale constituent autant de reculs en matière de prévention, tout comme l'absence de médecins dans les écoles. Il est illusoire de penser que les médecins généralistes peuvent assumer seuls la charge d'une politique de prévention globale.

M. Marc Laménie a fait part de l'inquiétude que lui inspire une possible modification de la prise en charge des malades diabétiques.

M. François Autain a contesté les dispositions du projet de loi de financement visant à modifier les conditions de prise en charge des médicaments administrés à l'hôpital et facturés en sus des tarifs des groupes homogènes de séjour (GHS) pour contenir un taux d'évolution des dépenses jugées trop élevées, soit 15 % par an. La solution retenue par le Gouvernement ignore les modalités de processus de dépôt de prix de ces produits qui est laissé à l'appréciation des entreprises pharmaceutiques. Il a estimé que des économies sont possibles dans le domaine des produits de santé, en réduisant les tarifs des médicaments qui ne font preuve d'aucune amélioration du servie médical rendu. Dans le même ordre d'idée, des pratiques contestables existent dans le dépistage du cancer du sein, notamment le fait de procéder, sans justification médicale, à une échographie en complément de la mammographie. Enfin, il a estimé que les contrats individuels constituent une reconnaissance a posteriori de l'intérêt du dispositif du médecin référent supprimé en 2004.

M. Frédéric Van Roekeghem a rappelé que la généralisation du contrat de médecin référent à l'ensemble de la population médicale aurait coûté près de 2 milliards d'euros. Les nouveaux contrats individuels se distinguent de ce dispositif, notamment sur le point de la rémunération forfaitaire qui n'intervient qu'après analyse des objectifs contractuels. Il a estimé que la question du coût des médicaments facturés en sus des GHS doit être analysée avec la plus grande attention, mais sans se désintéresser de l'utilisation qui est faite de ces produits et de la possibilité d'une gestion médicalisée de cette liste.

M. Hubert Allemand a indiqué que l'assurance maladie a été déboutée par le conseil de l'ordre des médecins lorsqu'elle a voulu poursuivre les radiologues procédant à une mammographie suivie d'une échographie dans le cadre de la campagne de dépistage du cancer du sein. Dorénavant, la participation des radiologues à ce programme sera soumise au respect d'un cahier des charges.

M. Frédéric Van Roekeghem a précisé que l'exécution conjointe de ces deux examens fera l'objet d'une baisse tarifaire de manière à dissuader les radiologues d'y procéder.

Il a ensuite indiqué que les diabétiques ne subiront pas de modification des modalités de prise en charge de leurs remboursements, mais que des actions de prévention et une meilleure organisation du recours au système de soins seront organisées.

Il a souligné que, dans le cadre de la restructuration du réseau des caisses locales, la direction de l'assurance maladie s'est engagée à ne remplacer que six départs à la retraite sur dix, ce qui correspond à 4 500 suppressions d'emploi sur quatre ans. D'ici deux ans, cinquante organismes locaux seront engagés dans des procédures de restructuration, ce qui n'est pas incompatible avec l'amélioration du service rendu aux usagers. Toutefois, cette politique de réduction des emplois ne saurait reposer uniquement sur la fusion des petits organismes et un rééquilibrage d'ensemble est nécessaire. Le non-remplacement des départs à la retraite s'appliquera donc de manière différenciée suivant la situation des caisses locales : en Ile-de-France, compte tenu de l'ampleur des effectifs, seules quinze embauches pour cent départs seront réalisées.

Il a observé que le service médical rendu par les cures thermales est sans doute modéré mais que, pour des raisons économiques, leur déremboursement n'est pas envisagé.

Enfin, il a indiqué qu'à l'assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP), certains praticiens de renommée internationale perçoivent plus de 500 000 euros de revenus complémentaires au titre des dépassements d'honoraires facturés dans le cadre de leur activité libérale au sein de cet établissement public.

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