Rapport n° 83 (2008-2009) de M. Gérard DÉRIOT , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 5 novembre 2008

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N° 83

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009

Annexe au procès-verbal de la séance du 5 novembre 2008

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Gérard DÉRIOT,

Sénateur.

Tome VI :

Accidents du travail et maladies professionnelles

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About , président ; Mme Isabelle Debré, M. Gilbert Barbier, Mme Annie David, M. Gérard Dériot, Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Raymonde Le Texier, Catherine Procaccia, M. Jean-Marie Vanlerenberghe , vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Mme Muguette Dini, M. Jean-Marc Juilhard, Mmes Gisèle Printz, Patricia Schillinger , secrétaires ; Mmes Jacqueline Alquier, Brigitte Bout, M. Jean Boyer, Mme Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mme Jacqueline Chevé, M. Yves Daudigny, Mme Christiane Demontès, M. Jean Desessard, Mmes Sylvie Desmarescaux, Bernadette Dupont, M. Guy Fischer, Mme Samia Ghali, MM. Bruno Gilles, Jacques Gillot, Mme Colette Giudicelli, MM. Jean-Pierre Godefroy, Alain Gournac, Mmes Sylvie Goy-Chavent, Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, M. Claude Jeannerot, Mme Christiane Kammermann, MM. Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Jacky Le Menn, Jean-François Mayet, Alain Milon, Mmes Isabelle Pasquet, Anne-Marie Payet, M. Louis Pinton, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, MM. René Teulade, Alain Vasselle, François Vendasi, René Vestri.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

1157 , 1211 , 1212 et T.A. 202

Sénat : 80 et 84 (2008-2009)

Les observations et recommandations de la commission des affaires sociales pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles en 2009


• Sur la situation financière de la branche

La commission constate que, conformément aux projections établies l'année dernière, la branche devrait dégager, en 2008 , un excédent de l'ordre de 389 millions d'euros, après une année 2007 lourdement déficitaire. Ce redressement s'explique, pour partie, par la suppression de certaines exonérations de cotisations AT-MP mais aussi par la progression dynamique de la masse salariale.

En 2009 , cependant, la branche devrait être juste à l'équilibre, en raison des dépenses supplémentaires que le projet de loi de financement prévoit de mettre à sa charge : augmentation des versements à la branche maladie et au fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata) et meilleure indemnisation des victimes.


• Sur la réforme de la branche

La commission suit avec attention la mise en oeuvre des accords conclus par les partenaires sociaux sur la gouvernance de la branche et sur la prévention, la tarification et la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Cette mise en oeuvre est engagée par deux articles du projet de loi de financement relatifs à la réparation, qui transposent certaines des mesures prévues par les partenaires sociaux. D'autres dispositions seront adoptées dans le cadre d'une loi ordinaire ou seront prises en compte dans le cadre de la future convention d'objectifs et de gestion (Cog) en cours de négociation. Soucieuse du respect du principe de la juste réparation, et suivant la proposition de son rapporteur Gérard Dériot, la commission souhaite que l'indemnisation des salariés victimes d'un accident du travail soit étendue à la période de quinze jours séparant les deux visites médicales requises avant qu'une déclaration d'aptitude soit prononcée.

La prochaine Cog couvrira la période 2009-2012, en retenant quelques axes d'action prioritaires : meilleur ciblage des actions de prévention, lutte contre la désinsertion professionnelle, réforme de la tarification pour la rendre plus incitative à la prévention, modernisation des systèmes d'information...


Sur les fonds de l'amiante

La commission approuve la suppression de la contribution, créée en 2005, à la charge des entreprises ayant exposé leurs salariés à l'amiante. Elle constate, en effet, que cette contribution n'a jamais produit les recettes escomptées et pose de sérieux problèmes de recouvrement. Elle regrette toutefois la mutualisation du financement du Fcaata qui va en résulter et l'absence de tout effort financier de la part de l'Etat. La perte de recettes pour le Fcaata sera en effet intégralement compensée par la branche AT-MP.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 propose de fixer l'objectif de dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) à 13 milliards d'euros, en progression d'environ 10 % par rapport à l'objectif fixé en 2008. Si l'on tient compte des dépenses qui devraient être effectivement réalisées cette année, la progression serait de l'ordre de 6,5 %.

Conformément à la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale du 2 août 2005, le champ de l'objectif intègre l'ensemble des régimes obligatoires. Il prend en compte également le transfert financier qu'effectue la branche AT-MP du régime général au profit de la branche maladie pour compenser les dépenses indues résultant de la sous-déclaration et de la sous-reconnaissance des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Objectif de dépenses et dépenses réalisées depuis 2006

(en milliards d'euros)

2006

2007

2008 (p)

2009 (p)

Objectif de dépenses

11,1

11,4

11,8

13

Dépenses réalisées

11,3

12

12,2

Ecart

0,2

0,2

0,4

(p) : prévision

Les dépenses de la branche AT-MP relèvent à plus de 85 % du régime général. En 2009, le montant prévisionnel des dépenses de la branche AT-MP de la caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) serait de l'ordre de 11,4 milliards d'euros.

Après un exercice lourdement déficitaire en 2007, la branche devrait renouer cette année avec les excédents, ce qui ne s'était plus produit depuis 2001. La suppression, par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, de certaines exonérations de cotisations AT-MP lui a permis de bénéficier de recettes supplémentaires.

Le projet de loi de financement pour 2009 comporte une série de mesures nouvelles qui vont accroître les dépenses de la branche, à tel point qu'elle devrait, l'an prochain, se retrouver juste à l'équilibre, voire redevenir légèrement déficitaire.

Le projet de loi de financement prévoit en effet de supprimer la contribution à la charge des entreprises ayant exposé leurs salariés à l'amiante et d'augmenter, à due proportion, le versement de la branche au fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata). Il accroît aussi fortement le reversement de la branche AT-MP à la branche maladie. Enfin, il transpose deux mesures préconisées par les partenaires sociaux dans leur accord du 12 mars 2007, relatif à la prévention, la tarification et la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles afin d'améliorer l'indemnisation des victimes.

I. LES STATISTIQUES RELATIVES AUX RISQUES PROFESSIONNELS RÉVÈLENT UNE STABILISATION DU NOMBRE DE SINISTRES

Les dépenses et les recettes de la branche AT-MP varient en fonction du nombre de sinistres recensés et de leur gravité.  L'objectif premier des pouvoirs publics est bien sûr de réduire la fréquence et la gravité des accidents du travail et des maladies professionnelles.

En 2007, un peu plus de 1,3 million de sinistres ont été reconnus, pour le seul régime général de sécurité sociale, et les deux tiers d'entre eux ont donné lieu à un arrêt de travail. Si le nombre d'accidents du travail a eu tendance à diminuer depuis le début de la décennie, on observe une certaine stabilisation depuis deux ans. L'évolution du nombre de maladies professionnelles et, en revanche, défavorablement orientée ; toutefois, ceci traduit, au moins pour une part, une amélioration du taux de reconnaissance des maladies professionnelles.

A. UNE STABILISATION DE LA FRÉQUENCE DES ACCIDENTS DU TRAVAIL

Les accidents du travail représentent la très grande majorité des sinistres observés en matière professionnelle (87 % du total). Le solde se partage entre les accidents de trajet (9 %) et les maladies professionnelles (4 %).

1. L'évolution du nombre global d'accidents du travail

Si le nombre d'accidents du travail a nettement régressé au cours des cinq dernières années (12,4 %, soit une diminution moyenne de 2,5 % par an), on observe une stabilisation, voire une légère remontée depuis deux ans. Elle doit cependant être relativisée, dans la mesure où la hausse des effectifs salariés, qui s'est établie à 2,7 % l'an passé, augmente mécaniquement le risque de sinistres. Une évolution similaire est observée en ce qui concerne les accidents de trajet, c'est-à-dire les accidents survenus sur le trajet séparant la résidence habituelle du salarié et son lieu de travail ou le lieu de travail et celui où le salarié prend habituellement ses repas.

Evolution du nombre d'accidents du travail et d'accidents de trajet reconnus depuis 2003

Catégories de sinistres

2003

2004

2005

2006*

2007*

Accidents du travail

1 185 291

1 152 865

1 139 063

1 144 404

1 151 464

Accidents de trajet

113 918

112 366

118 304

117 595

121 010

Total

1 299 209

1 265 231

1 257 367

1 261 999

1 272 474

* données estimées Source : Cnam

2. Le degré de gravité des accidents du travail

Après être passé sous le seuil des 700 000 en 2004 et en 2005, le nombre d'accidents de travail ayant occasionné un arrêt de travail est reparti à la hausse depuis deux ans, pour s'établir à plus de 720 000 en 2007. Cette hausse a cependant été parallèle à l'augmentation des effectifs salariés, de sorte que l' indice de fréquence des accidents avec arrêt est resté inchangé depuis deux ans, à 39,4 pour 1 000 salariés.

Certains accidents graves entraînent une incapacité permanente , dont le taux détermine le montant de la rente perçue ensuite par l'assuré. Après quatre années consécutives de hausse entre 2002 et 2005, le nombre d'incapacités permanentes a diminué nettement en 2006 (- 10,4 % par rapport à 2005) puis s'est stabilisé en 2007 (- 0,4 %). En revanche, le nombre de décès a augmenté au cours des deux dernières années (+ 13,3 % en 2006 et + 15,8 % en 2007).

Evolution du nombre d'accidents de travail avec arrêt et de leur fréquence pour les années 2004 à 2007 (en italique, taux d'évolution annuelle)

2004

2005

2006

2007

Nombre d'accidents avec arrêt

692 004

699 217

700 772

720 150

-4,1 %

1,0 %

0,2 %

2,8 %

Nombre d'accidents avec IP

51 771

51 938

46 596

46 426

6,1 %

0,3 %

-10,3 %

-0,4 %

Nombre de décès

626

474

537

622

-5,3 %

-24,3 %

13,3 %

15,8 %

Indice de fréquence

39,5

39,1

39,4

39,4

Source : Cnam

Les accidents de plain-pied 1 ( * ) , les chutes de hauteur et les accidents survenus au cours d'une manipulation d'objet sont à l'origine de plus de 70 % des accidents du travail avec arrêt en 2006 et en 2007. La manipulation d'objet est la principale source d'accident : elle est à l'origine de plus du tiers des accidents du travail avec arrêt enregistrés en 2007 (34,7 %) et de 31 % des incapacités permanentes.

Les accidents de travail routiers demeurent toujours la principale cause de décès et ont vu leur part relative augmenter en 2007 (23,2 % des décès en 2007 contre 21,6 % en 2006).

Le secteur du BTP est celui qui enregistre le plus grand nombre d'accidents ayant entraîné une incapacité permanente (9 621 en 2007) et d'accidents mortels (184 décès en 2007 contre 158 en 2006). Il est suivi des secteurs du bois-ameublement, papier-carton et des services, commerces et industries de l'alimentation.

3. Les accidents de trajet

Après avoir notablement diminué après 2003, le nombre d'accidents de trajet occasionnant un arrêt de travail a augmenté ces trois dernières années ; il a notamment crû de 2,9 % l'an passé. Les accidents de trajet entraînant une incapacité permanente ont en revanche diminué entre 2004 et 2007. Les accidents mortels ont également baissé entre 2004 et 2006, mais s'inscrivent à la hausse en 2007 avec 407 décès.

Evolution du nombre d'accidents de trajet pour les années 2005 à 2007 (en italique, taux d'évolution annuelle)

2005

2006

2007

Nombre d'accidents avec arrêt

82 965

83 022

85 442

0,1 %

2,9 %

Nombre d'accidents avec IP

9 593

8 856

8 646

-7,7 %

-2,4 %

Nombre de décès

440

384

407

-12,7 %

6,0 %

Source : Cnam

B. VERS UNE STABILISATION DU NOMBRE DE MALADIES PROFESSIONNELLES ?

Les statistiques, encore provisoires, disponibles pour les années 2006 et 2007 suggèrent que le nombre de maladies professionnelles reconnues, qui a fortement augmenté entre 1995 et 2005 (il est passé de 10 000 à plus de 50 000), serait en voie de stabilisation.

1. Une progression à un rythme ralenti

La progression du nombre de maladies professionnelles a été limitée à 2,3 % en 2006 et 3,6 % en 2007. Le nombre de maladies professionnelles avec incapacité permanente a augmenté entre 2004 et 2006 mais s'est stabilisé en 2007. Le nombre de décès a également diminué ces deux dernières années (de 5,3 % en 2006 et de 10,1 % en 2007).

Evolution du nombre de cas de maladies professionnelles depuis 2003

2003

2004

2005

2006*

2007*

Nombre de maladies professionnelles constatées et reconnues

44 653

48 130

52 979

52 100

53 200

Nombre de maladies professionnelles avec arrêt

34 642

36 871

41 347

42 306

43 832

Nombre de maladies professionnelles avec incapacité permanente

15 713

19 155

21 507

22 763

22 625

* Données provisoires Source : Cnam

L'indicateur n° 3 du programme de qualité et d'efficience (PQE) élaboré par le ministère montre que les secteurs d'activité les plus pathogènes sont ceux des industries du bois, ameublement, papier-carton, pour lesquels on a dénombré l'an passé cinq maladies professionnelles supplémentaires reconnues pour mille salariés, devant ceux des industries chimiques et du BTP (trois pour mille).

L'augmentation du nombre de maladies professionnelles résulte, pour partie, de l'élargissement du champ des maladies professionnelles reconnues et d'une meilleure information des médecins et des salariés. Mais elle s'explique aussi par le développement de plusieurs pathologies, qui ne sont pas sans conséquence sur le plan sanitaire.

2. Les principales pathologies d'origine professionnelle

Trois grands types d'affections concentrent l'essentiel des cas de maladies professionnelles reconnues :


• les affections périarticulaires : causées par certains gestes ou postures de travail, elles représentent 70,7 % des maladies professionnelles avec arrêt reconnues en 2007 ;


• les affections dues à l'inhalation de poussières d'amiante (tableau 30 et 30 bis des maladies professionnelles) constituent 12,2 % des maladies professionnelles avec arrêt reconnues en 2007 ;


• les affections chroniques du rachis lombaire , enfin, occupent toujours une part importante, mais décroissante, des maladies professionnelles (6,4 % en 2007).

Les autres pathologies les plus fréquentes sont les allergies, les surdités, les affections respiratoires...

La répartition est un peu différente si l'on considère les maladies professionnelles qui occasionnent une incapacité permanente .

Comme le rappelle l'indicateur n° 7 du PQE, certaines pathologies, en raison de leur gravité, s'accompagnent plus fréquemment que d'autres d'une incapacité permanente. C'est notamment le cas des maladies de l'amiante : l'an passé, 93 % des maladies de l'amiante ayant donné lieu à un arrêt de travail se sont accompagnées de la reconnaissance d'une incapacité permanente, contre 52 %, en moyenne, pour l'ensemble des maladies professionnelles. A contrario , les maladies périarticulaires , moins graves, ne représentent que 53 % du total des maladies professionnelles avec incapacité permanente.

C. DES DONNÉES À INTERPRÉTER AVEC PRECAUTION

Certains accidents et maladies professionnelles ne sont pas comptabilisés dans les statistiques de la Cnam parce qu'ils n'ont pas été déclarés ou reconnus comme tels. Les dépenses qu'ils occasionnent sont alors prises en charge par la branche maladie. Depuis 1997, la branche AT-MP effectue chaque année un reversement à la branche maladie pour compenser ces sommes indûment mises à sa charge . Une commission, présidée actuellement par Noël Diricq, conseiller-maître à la Cour des comptes, se réunit régulièrement pour évaluer les montants financiers en jeu. Elle a remis son dernier rapport en juillet 2008.

1. Le phénomène de sous-déclaration

Les accidents du travail doivent être déclarés par l'employeur à la caisse de sécurité sociale compétente tandis que les maladies professionnelles doivent être déclarées par la victime. Plusieurs facteurs concourent à une sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Selon le rapport Diricq, la réticence de certains employeurs à déclarer les accidents du travail peut s'expliquer par leur souci d'éviter une hausse de leurs cotisations AT-MP. Le taux de cotisations est en effet plus élevé lorsque le nombre de sinistres constatés dans l'entreprise s'accroît. Plus généralement, la volonté de certaines entreprises d'apparaître « exemplaires » aux yeux de leurs salariés ou de leurs clients pourrait, paradoxalement, conduire à la dissimulation d'accidents mineurs.

La sous-déclaration des maladies professionnelles résulte, pour une large part, du manque d'information des victimes, qui ne connaissent pas toujours la nocivité des produits qu'elle manipule ni leurs droits au regard de la sécurité sociale. Un salarié peut également s'abstenir de déclarer une maladie professionnelle par crainte de perdre son emploi. Le caractère forfaitaire de la réparation offerte par la branche AT-MP peut enfin conduire certaines victimes à estimer qu'il est préférable, sur le plan financier, d'emprunter une autre voie d'indemnisation, par exemple en cas d'accident de la route.

Par ailleurs, les médecins de ville comme les praticiens hospitaliers ont rarement le réflexe de s'interroger sur l'éventuelle origine professionnelle d'une pathologie, surtout si celle-ci est multi-factorielle, c'est-à-dire susceptible de résulter à la fois de facteurs professionnels et personnels.

2. La sous-reconnaissance des maladies professionnelles

Une maladie est reconnue d'origine professionnelle si :

- elle figure dans un tableau, fixé par décret en Conseil d'Etat, qui recense les maladies présumées être d'origine professionnelle ;

- ou si le salarié est reconnu atteint d'une maladie professionnelle par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP), dont l'avis s'impose à la caisse de sécurité sociale.

Cette procédure peut ne pas être exempte de défaillances. Des pathologies émergentes ou mal connues peuvent ne pas figurer sur les tableaux de maladies professionnelles.

Un autre problème, de nature scientifique cette fois, tient à la difficulté à déterminer parfois la cause exacte d'une affection. La ligne de partage entre les maladies professionnelles et les autres peut être délicate à déterminer, ce qui explique que les taux de reconnaissance puissent différer de façon significative d'une CPAM à une autre.

3. Evaluation du phénomène

La sous-déclaration des accidents du travail semble relativement limitée, tout au moins pour les accidents ayant occasionné un arrêt de travail. Le rapport Diricq estime le taux de sous-déclaration aux alentours de 5 %, ce qui correspondrait à 38 000 accidents avec arrêt. Cette estimation est opérée en comparant les statistiques de la Cnam aux informations recueillies par la Dares 2 ( * ) grâce à ses enquêtes auprès des salariés et des entreprises.

La sous-déclaration et la sous-reconnaissance des maladies professionnelles seraient de plus grande ampleur. Il convient cependant d'être prudent en la matière puisqu'elles sont appréciées à l'aide d'études épidémiologiques relatives au nombre de sinistres d'origine professionnelle, qui ne sont pas exhaustives et reposent sur des méthodologies et des hypothèses complexes.

Pour évaluer le coût de la sous-déclaration et de la sous-reconnaissance, la commission Diricq a d'abord estimé le nombre de sinistres non pris en compte dans les statistiques de la Cnam et l'a rapporté au coût moyen attaché à ces accidents et maladies. Compte tenu des incertitudes qui viennent d'être indiquées, la commission a abouti à une fourchette assez large, comprise entre 564,7 millions et 1,015 milliard d'euros .

Le précédent exercice d'évaluation, réalisé en 2005, avait abouti à une fourchette comprise entre 356 et 749 millions. L'écart par rapport à l'évaluation réalisée cette année tient à trois causes principales : un effet de champ, la commission Diricq s'étant attachée en 2008 à évaluer les coûts liés à des pathologies non prises en compte antérieurement, comme les dermatoses et les broncho-pneumopathies, l'augmentation du coût du traitement des pathologies et l'augmentation des effectifs salariés.

La commission formule de nombreuses propositions destinées à réduire la sous-déclaration et la sous-reconnaissance. Elle insiste notamment sur l'amélioration de l'information et de la formation des salariés et des élus du personnel, notamment les membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), ainsi que les professionnels de santé. Il faut veiller également à une actualisation régulière des tableaux de maladies professionnelles et à une diminution des disparités observées dans les décisions des différentes CPAM et CRRMP. Chaque caisse devrait également mettre en place une procédure d'aide à la déclaration des maladies et d'accompagnement des victimes.

L'accord national interprofessionnel sur le stress au travail

Les effets du stress au travail sur la santé des salariés sont particulièrement difficiles à prendre en compte. Le rapport Diricq souligne pourtant que « depuis une quinzaine d'années, le stress professionnel apparaît comme l'un des risques majeurs auxquels les salariés ainsi que les entreprises sont confrontés. Il est favorisé par les évolutions récentes du monde du travail (flexibilité, intensification de la charge de travail, flux tendu, optimisation en gestion, etc.) » . Il ajoute que le stress peut avoir un lien avec « l'apparition de problèmes de santé mineurs ou de maladies beaucoup plus graves (dépression, troubles musculo-squelettiques, pathologies cardiaques) » .

Les partenaires sociaux ont conclu le 2 juillet 2008 un accord sur le stress au travail, qui transpose un accord européen du 8 octobre 2004 sur le même sujet. Cet accord, qui contient peu de dispositions précises, dresse la liste des facteurs qui permettent d'identifier un problème de stress au travail, rappelle les responsabilités des employeurs et des salariés et donne des pistes d'action destinées à éliminer ou à réduire le stress au travail (amélioration de l'organisation et des conditions de travail, information et formation des salariés et du personnel d'encadrement notamment.

II. DE NOUVELLES DÉPENSES VONT ÊTRE MISES À LA CHARGE DE LA BRANCHE EN 2009

Après un exercice 2007 lourdement déficitaire, la branche AT-MP devrait dégager d'importants excédents en 2008. Ces excédents vont permettre de financer, l'an prochain, les nouvelles dépenses que le projet de loi de financement pour 2009 prévoit de mettre à sa charge.

A. UNE PROGRESSION DYNAMIQUE DES RECETTES

Les recettes de la Cnam AT-MP se composent, en 2007, de 74 % de cotisations patronales, de 3 % de cotisations prises en charge par l'Etat, de 18 % de recettes fiscales affectées et de 5 % de produits divers (recours contre tiers, produits financiers, produits de gestion courante...). Les cotisations patronales globales, c'est-à-dire les cotisations patronales nettes augmentées des remboursements d'exonérations de cotisations par l'Etat et des recettes du panier fiscal, représentent près de 95 % des recettes de la branche.

1. L'impact de la suppression de certaines exonérations

En 2008, les cotisations patronales globales devraient augmenter à un rythme particulièrement soutenu : 7,3 %, à comparer avec un taux de 5,4 % seulement en 2007.

Ce dynamisme des recettes s'explique d'abord par la suppression, par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, d'une partie des exonérations de cotisations sociales AT-MP. Cette suppression n'a pas affecté l'« allègement général Fillon » mais a porté sur plusieurs dispositifs d'exonérations ciblés, dont certains ne donnaient lieu à aucune compensation à la sécurité sociale. Ceci a eu pour effet d'accroître, mécaniquement, les recettes de la branche, à hauteur de 180 millions d'euros en 2008.

Par ailleurs, la branche n'est que marginalement affectée par l'allègement portant sur les heures supplémentaires, introduit par la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat du 21 août 2007 : en effet, cet allègement porte aux trois quarts sur les cotisations salariales, alors que la branche est exclusivement financée par les cotisations patronales.

2. La croissance de la masse salariale

La progression des recettes s'explique ensuite par le dynamisme de la masse salariale , qui devrait encore croître de 4,5 % en 2008, après une progression de 4,8 % l'an passé, dans un contexte de bonne tenue du marché de l'emploi.

Produits de la branche AT-MP (Cnam)

(en millions d'euros)

2005

2006

%

2007

%

2008

%

2009

%

PRODUITS

8 991,5

9 809,3

9,1

10 341,7

5,4

11 017,8

6,5

11 416,1

3,6

PRODUITS DE GESTION TECHNIQUE

8 982,2

9 795,8

9,1

10 325,4

5,4

11 001,5

6,5

11 399,0

3,6

Cotisations patronales nettes

6 969,1

7 412,0

6,4

7 678,2

3,6

8 469,9

10,3

8 805,4

4,0

Cotisations prises en charge par l'Etat

1 477,5

258,7

- 82,5

287,9

11,3

43,6

- 84,9

48,0

10,2

Impôts et taxes affectés

157,8

1 620,0

++

1 828,6

12,9

1 997,9

9,3

2 025,8

1,4

Transferts entre organismes de sécurité sociale

0,9

54,9

++

57,5

4,6

68,7

19,6

73,1

6,3

Remboursement des dépenses médicosociales par la CNSA

0,0

54,0

-

55,6

3,0

66,9

20,2

71,2

6,5

Autres transferts

0,9

0,9

6,6

1,9

96,6

1,9

0,0

1,9

0,0

Divers produits techniques

376,9

450,1

19,4

473,2

- 5,1

421,3

- 11,0

446,7

6,0

Recours contre tiers

345,0

330,6

- 4,2

380,5

15,1

372,1

- 2,2

372,1

0,0

Produits financiers

11,4

2,3

- 79,8

0,6

- 75,5

0,6

14,0

7,0

++

Autres divers produits techniques

20,5

117,2

++

92,1

- 21,4

48,5

- 47,3

67,5

39,2

PRODUITS DE GESTION COURANTE

9,3

13,6

46,4

16,3

19,9

16,3

0,1

17,1

4,9

Source : Direction de la sécurité sociale

Le taux de cotisation AT-MP, fixé à 2,285 % depuis 2006, devrait rester inchangé l'an prochain. Il s'agit là d'un taux moyen, le taux effectivement appliqué à chaque entreprise variant en fonction du nombre de sinistres qui lui sont imputables au cours des trois dernières années, selon des modalités qui varient avec la taille de l'entreprise.

Les paramètres de l'évolution des recettes de la Cnam AT-MP

2005

2006

2007

2008

2009

Masse salariale du secteur privé

3,4 %

4,3 %

4,8 %

4,5 %

3,5 %

- effectifs du secteur privé

0,6 %

1,2 %

1,6 %

0,9 %

0,2 %

- salaire moyen du secteur privé

2,8 %

3,1 %

3,2 %

3,6 %

3,3 %

Taux net de cotisations employeurs

2,185 %

2,285 %

2,285 %

2,285 %

2,285 %

Source : Direction de la sécurité sociale

En 2009, les cotisations patronales globales augmenteraient de 3,5 % seulement, en ligne avec la progression attendue de la masse salariale du secteur privé. Les recettes de la branche l'an prochain s'établiraient à 11,4 milliards d'euros, en hausse de 3,6 %.

Ces prévisions présentent un caractère particulièrement incertain compte tenu du contexte actuel de ralentissement économique et de ses conséquences annoncées sur les créations d'emploi et les revalorisations salariales. Une récession marquée conduirait à réviser à la baisse la progression anticipée de la masse salariale. Une croissance de la masse salariale inférieure de un point priverait la branche d'environ 100 millions d'euros de recettes.

La détermination du taux de cotisation d'une entreprise


• Les principes de tarification

Le système de tarification est fondé sur un triple principe :

- une prise en charge par le seul employeur ;

- un souci de prévention , le montant de la cotisation étant fixé selon le risque survenu dans chaque entreprise ;

- un principe de mutualisation, intrinsèquement lié à la nature assurantielle du système de sécurité sociale.


• Le calcul du taux de cotisation

En application de ces principes, le taux de cotisation est actualisé chaque année et déterminé pour chaque entreprise selon la nature de son activité et selon ses effectifs.

Le taux net , qui est en fait le taux exigible, est la somme d'un taux brut et de trois majorations spécifiques.

Le taux brut est le rapport, pour les trois dernières années de référence, entre les prestations servies en réparation d'accidents ou de maladies imputables à l'entreprise et les salaires. Selon la taille de l'entreprise, ce taux brut est :

- celui calculé pour l'ensemble de l'activité dont relève l'établissement : c'est le taux collectif pour les entreprises de moins de dix salariés ;

- celui calculé à partir du report des dépenses au compte de l'employeur : c'est le taux réel pour les entreprises de deux cents salariés et plus ;

- pour les entreprises dont les effectifs sont situés entre 10 et 199 salariés, la tarification est dite mixte, le calcul se faisant en partie selon le taux collectif et en partie selon le taux réel, la part de ce dernier augmentant avec les effectifs.

Au taux brut sont ajoutées trois majorations forfaitaires identiques pour toutes les entreprises et activités, pour tenir compte :

- des accidents de trajet (M1) ;

- des charges générales, des dépenses de prévention et de rééducation professionnelle (M2) ;

- de la compensation entre régimes et des dépenses qu'il n'est pas possible d'affecter à un employeur, inscrites au compte spécial « maladies professionnelles » (M3).


• Le rôle de la branche

La commission des AT-MP est chargée de fixer, avant le 31 janvier, les éléments de calcul des cotisations, conformément aux conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale déterminées par les lois de financement. A défaut, ils sont déterminés par arrêté interministériel.

Puis les caisses régionales d'assurance maladie déterminent le taux de cotisation de chaque entreprise, à partir des informations collectées régionalement et des éléments fixés par la commission. Elles disposent en outre d'une possibilité d'appliquer soit des cotisations supplémentaires, soit des ristournes, pour inciter les entreprises à mieux encadrer les risques professionnels.

B. DES DÉPENSES EN FORTE AUGMENTATION EN 2009

Les charges de la branche AT-MP du régime général se composent d'environ 70 % de dépenses de prestations (légales, extralégales et autres, augmentées des dotations nettes aux provisions pour prestations et des pertes sur créances irrécouvrables sur prestations) et de 21 % de charges de transfert vers d'autres régimes et fonds : régime des mines, régime des salariés agricoles, fonds commun des accidents du travail non agricoles (Fcat), branche maladie du régime général, Fiva, Fcaata, etc. Le solde est constitué de charges de gestion courante et de diverses charges techniques.

En 2007, la croissance des charges de la branche a été particulièrement soutenue, puisqu'elles ont progressé de 9,4 % pour atteindre 10,8 milliards d'euros, en raison de deux mesures. En 2008, les charges de la branche devraient, en revanche, diminuer de 1,6 % et s'élever à 10,6 milliards d'euros. L'an prochain, les charges devraient repartir à la hausse (7,5 %) en raison notamment de l'augmentation des dépenses de transfert.

Les charges de la Cnam AT-MP

(en droits constatés et en millions d'euros)

2006

2007

%

2008

%

2009

%

9 868,1

10 540,9

9,4

10 628,5

-1,6

11 424,2

7,5

Source : Direction de la sécurité sociale

1. L'évolution des dépenses de prestations

En 2007 , les dépenses de prestations ont progressé de 7,4 %, en raison tout d'abord d'une majoration des charges hospitalières de la branche AT-MP.

Il apparaît en effet que certains hôpitaux publics ne déclarent aucune prise en charge au titre du risque accident du travail : dans ce cas, la Cnam a décidé de procéder désormais à une correction consistant à porter le taux d'accidents du travail parmi les soins prodigués au niveau de la moyenne nationale constatée sur les autres établissements.

Cette mesure a eu pour effet d'augmenter de 200 millions d'euros les charges de la branche (100 millions au titre de l'exercice 2006 et 100 millions au titre de 2007). Les charges de la branche maladie ont été minorées à due concurrence.

Les prestations exécutées en ville ont, en outre, augmenté de 7 % (contre 2,5 % en 2006), sous l'effet d'une accélération des dépenses en indemnités journalières (7,3 % en 2007 contre 2,1 % en 2006) et, dans une moindre mesure, de la croissance des autres soins de ville (6 % en 2007 contre 3,8 % en 2006). Les prestations d'incapacité permanente ont crû de 2,9 %.

En 2008 , la correction portant sur les dépenses hospitalières ne serait plus que de 100 millions d'euros et la croissance des prestations exécutées en ville ralentirait de presque trois points, du fait d'un infléchissement des indemnités journalières (+ 4,5 % en 2008 contre + 7,3 % en 2007) et d'une modération des dépenses de soins de ville hors indemnités journalières (+ 2,9 % contre + 6 % en 2006). Enfin, les prestations d'incapacité permanente connaîtraient une croissance modérée de 2,5 %.

En 2009 , les prestations d'incapacité temporaire devraient connaître une progression de 4,4 %. Les prestations exécutées en ville augmenteraient de 5,6 %, tandis que les indemnités journalières progresseraient au même rythme qu'en 2008. Deux mesures nouvelles prévues dans le projet de loi de financement pour 2009 devraient accroître les charges d'environ 35 millions d'euros. Les rentes d'incapacité permanentes progresseraient de 3,8 %, en raison d'une revalorisation de leur montant à hauteur de 2,6 %.

2. Une nouvelle augmentation des dépenses de transfert

Une part importante des charges de la branche AT-MP est constituée de dépenses de transfert vers d'autres régimes de sécurité sociale, vers la branche maladie du régime général ou vers différents fonds, notamment ceux dédiés aux victimes de l'amiante. Après avoir augmenté de plus de 13 % en 2007, ces charges devraient un peu diminuer cette année, avant d'augmenter encore fortement l'an prochain (18 %).

Les dépenses de transfert devraient représenter cette année seulement 20 points de cotisations, contre 22,5 en 2007, mais devraient s'établir à 22,9 points l'an prochain.

Les principaux transferts à la charge de la branche AT-MP

(en millions d'euros)

2004

2005

2006

2007

2008

2009

Mines

448,6

483,5

460,3

545,2

391,4

459,9

MSA

111,3

110,2

106,6

113,3

110,0

110,0

Branche maladie

330,0

330,0

330,0

410,0

410,0

710,0

Fcat

58,2

54,5

45,2

44,0

38,5

34,7

Fcaata

500,0

600,0

700,0

800,0

850,0

880,0

Fiva

100,0

200,0

315,0

315,0

315,0

315,0

Total des principaux transferts

1 548,1

1 778,2

1 957,1

2 227,5

2 114,9

2 509,6

Source : Cnam

a) Une forte hausse du transfert à la branche maladie est prévue en 2009

La branche AT-MP du régime général assure des transferts de compensation vers les régimes de sécurité sociale dont les effectifs diminuent, notamment les régimes des mines et des salariés agricoles, afin de les aider à faire face à leurs obligations financières. Si le montant du transfert au régime agricole est assez stable ces dernières années, tel n'est pas le cas de la compensation au régime des mines, qui évolue de manière plus heurtée : après une hausse de 85 millions d'euros en 2007, elle serait en recul de 154 millions d'euros cette année mais progresserait à nouveau de 68 millions l'an prochain.

La branche AT-MP du régime général effectue, de plus, un reversement à la branche maladie du même régime pour compenser la sous-déclaration et la sous-reconnaissance des accidents du travail et des maladies professionnelles. En 2007 et 2008, son montant est resté inchangé, à 410 millions d'euros, ce qui le situait dans le bas de la fourchette préconisée par le rapport d'évaluation réalisé en 2005.

Pour 2009, le Gouvernement propose de le fixer à 710 millions d'euros . Cette augmentation significative est justifiée, dans l'exposé des motifs du projet de loi de financement, par la réévaluation à laquelle a procédé la commission Diricq du coût de la sous-déclaration et la sous-reconnaissance. Il est vrai que le versement de 410 millions d'euros effectué ces deux dernières années se situe à un niveau inférieur au bas de la fourchette proposée par cette commission en 2008. Il n'est cependant pas interdit de penser que la situation lourdement déficitaire de la branche maladie ait pu inciter le Gouvernement à trouver, par ce biais, des recettes supplémentaires.

b) Une nouvelle hausse de la contribution aux « fonds de l'amiante »

L'indemnisation des victimes de l'amiante repose sur deux dispositifs principaux : le Fcaata, institué par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, et le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva), créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.

Le Fcaata verse aux salariés ayant été exposés à l'amiante une allocation de cessation anticipée d'activité et s'assimile donc à un régime de préretraite. Le Fiva complète l'indemnisation offerte par les régimes de sécurité sociale afin que les victimes de l'amiante obtiennent une réparation complète de leur préjudice.

Bien que les sommes versées par ces fonds n'entrent pas dans le champ des prestations du régime général, la branche AT-MP du régime général en est le principal financeur. En 2007, les dotations totales de la branche au Fiva et au Fcaata ont atteint 1,115 milliard d'euros. Elles vont être portées à 1,165 milliard en 2008.

Vers la stabilisation des dépenses du Fcaata?

Même si sa situation financière reste dégradée - son déficit cumulé s'établit encore à 280 millions d'euros -, le Fccata devrait connaître, en 2008, une réduction de son déficit, qui s'établirait à 20 millions d'euros, après 55 millions l'an passé et 118 millions d'euros en 2006.

Evolution des résultats financiers du Fcaata

(en millions d'euros)

2003

2004

2005

2006

2007

2008*

2009*

Résultat net

- 33

- 122

- 92

- 118

- 55

-20

-26

Réserve cumulée

128

6

- 86

- 204

- 260

- 260

-306

* Prévisions Source : rapport annuel du Fcaata, exercice 2007

Cette relative amélioration résulte de la décélération de la croissance des dépenses du fonds. Le nombre de demandes d'entrées dans le dispositif a diminué de 10 % en 2006 et encore de 5 % en 2007, alors que le nombre de sorties du dispositif, essentiellement en raison des départs en retraite des bénéficiaires, a crû, respectivement de 62 % et de 11 %.

Evolution du nombre d'allocataires du Fcaata

2002

2003

2004

2005

2006

2007

Entrées

18 032

26 039

33 361

40 397

46 731

52 722

Sorties

1 351

3 201

6 163

9 029

13 672

18 813

Nombre d'allocataires

16 681

22 838

27 198

31 368

33 059

33 909

Sources : rapports d'activité du Fcaata

Le nombre d'allocataires augmente ainsi à un rythme ralenti par rapport à ce que l'on avait observé dans la phase de montée en charge du dispositif, au début des années 2000, ce qui permet d'envisager une stabilisation des dépenses.

Evolution des dépenses du Fcaata

(en millions d'euros)

2004

2005

%

2006

%

2007

%

2008*

%

2009*

%

Charges

650

787

21,3

872

10,5

918

5,3

931

1,4

932

0,2

* prévisions Source : rapport annuel du Fcaata, exercice 2007

Le financement du fonds est assuré, pour l'essentiel, par la branche AT-MP du régime général, dont la contribution progresse encore de 50 millions d'euros en 2008. S'y ajoutent le versement d'une partie des droits de consommation sur le tabac et, depuis 2005, le produit de la contribution à la charge des entreprises ayant exposé leurs salariés à l'amiante, ces deux recettes rapportant 30 millions chacune.

Ressources du Fcaata

(en millions d'euros)

2003

2004

2005

2006

2007*

2008*

Contributions de la branche AT-MP du régime général

450

500

600

700

800

850

Contribution des entreprises

-

-

68

21

30

28

Droits sur les tabacs

32

28

29

29

29

28

Total

482

528

764

852

885

906

* prévisions Source : rapport annuel du Fcaata, exercice 2007

Conformément à une recommandation de la Cour des comptes, une provision de 150 millions d'euros a été portée au compte de la branche, en 2007, au titre de la reprise des déficits 2006 et 2007 du Fcaata, ce qui a dégradé d'autant le solde de la branche. Cette opération, qui n'est pas regardée, du point de vue comptable, comme une dépense de transfert mais comme une « charge technique », va être renouvelée en 2008, mais portera sur seulement 19 millions d'euros.

En 2009 , les dotations aux fonds vont encore s'accroître de 30 millions, afin de compenser la suppression , prévue dans le projet de loi de financement, de la contribution à la charge des entreprises ayant exposé leurs salariés à l'amiante .

Cette contribution n'a jamais permis de dégager les recettes escomptées. Alors que l'on tablait sur 120 millions de recettes dès 2005, la contribution n'a rapporté au Fcaata qu'une trentaine de millions d'euros. A l'initiative de votre commission, le Parlement avait relevé, dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, le plafond de la contribution, qui avait été porté de deux à quatre millions par entreprise et par année civile. Cette mesure n'a cependant pas eu d'effet notable sur le niveau des recettes.

Les entreprises assujetties à la contribution, c'est-à-dire celles dont un salarié était admis au bénéfice du Fcaata, ont en effet multiplié les contentieux pour échapper au paiement de la contribution. De ce fait, le coût du recouvrement, assuré par les Urssaf, est particulièrement élevé, autour de 1 million d'euros. Il est apparu, en outre, que la perspective d'avoir à s'acquitter de cette contribution a pu faire obstacle à la reprise d'entreprises en difficulté, par exemple dans le secteur de la fonderie, et jouait donc contre l'emploi.

Ces raisons amènent le Gouvernement à proposer la suppression de la contribution . Votre commission observe que cette mesure aura pour inconvénient de mutualiser complètement le financement du Fcaata, alors que la contribution avait justement pour ambition de taxer davantage les entreprises directement responsables de l'exposition de leurs salariés à l'amiante.

Cependant, au vu des difficultés de recouvrement et des retombées économiques défavorables qui ont été soulignées, votre commission comprend les raisons qui conduisent aujourd'hui à la suppression de cette contribution. Elle regrette néanmoins que la branche AT-MP assume seule la totalité de ce surcoût, alors que l'on aurait pu concevoir que l'Etat relève sa participation au financement du fonds.

La réduction des charges du Fiva se confirme

La situation financière du Fiva est plus saine que celle du Fcaata, dans la mesure où les dotations qu'il a obtenues ont excédé ses dépenses jusqu'en 2004, ce qui lui a permis d'accumuler d'importantes réserves qui s'élèveront à environ 400 millions d'euros en 2008.

Evolution des ressources et des dépenses du Fiva

(en millions d'euros)

2004

2005

2006

2007

2008*

CHARGES

462

432

392

356

302

Indemnisations (dont provisions)

457

426

387

350

296

Autres charges

5

6

6

6

6

PRODUITS

102

347

402

399

399

Contributions de la Cnam AT-MP

100

200

315

315

315

Contributions de l'Etat

52

48

50

50

Autres produits (dont reprise sur provisions)

2

95

40

39

34

Résultat net

- 360

- 85

10

45

97

Résultat net cumulé

337

251

261

306

403

* budget prévisionnel

Source : rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2008.

Le rapport d'activité du Fiva pour l'année 2007 montre que le nombre de demandes d'indemnisation qui lui sont adressées continue de progresser fortement (+33,2 %) pour atteindre 25 579 l'an passé. Pourtant les dépenses d'indemnisation du fonds en 2007 ont baissé de 9,6 % par rapport à 2006.

Cette divergence s'explique d'abord par la part croissante des maladies bénignes dans les demandes d'indemnisation : en 2007, 66,6 % des victimes se sont vues reconnaître un taux d'incapacité de 5 % seulement, contre 63,2 % en 2006 et 56 % en 2005. Elle résulte aussi de la proportion croissante d' ayants droit parmi les demandes d'indemnisation, dans la mesure où ceux-ci perçoivent des indemnités d'un montant inférieur, en moyenne, à celui des victimes directes. Enfin, le retard pris par le Fiva pour traiter les demandes contribue aussi à étaler les dépenses dans le temps.

Compte tenu des difficultés rencontrées par le Fiva pour traiter les dossiers dans les délais prescrits (six mois en principe), une mission commune à l'inspection générale des affaires sociales (Igas) et à l'inspection générale des finances (IGF) a été diligentée, en 2008, afin de réaliser un audit. Son rapport provisoire a mis en évidence le nombre trop important de dossiers en instance et préconise la mise en place d'une cellule d'urgence et un renforcement, à terme, des effectifs ainsi qu'une simplification des procédures pour le paiement des offres. Ces mesures pourraient permettre une accélération du traitement des dossiers en attente et conduiraient à une augmentation du montant global d'indemnisation en 2009.

c) Le problème des dépenses à la charge de la CNSA

Votre commission souhaite ouvrir le débat sur l'opportunité de prévoir à l'avenir un versement de la branche AT-MP au profit de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).

Il arrive en effet que des personnes gravement handicapées à la suite d'un accident du travail se tournent vers la CNSA pour obtenir la prise en charge des frais occasionnés par l'emploi d'une tierce personne, pour leur part non prise en charge par la sécurité sociale, ainsi que des dépenses d'aménagement du véhicule ou du logement.

Sous réserve d'expertises complémentaires, il pourrait donc ne pas être illégitime de prévoir que la branche compense à la CNSA les dépenses qui lui incombent au titre des victimes d'AT-MP.

C. APRÈS UN EXERCICE EXCÉDENTAIRE, LA BRANCHE SERAIT JUSTE À L'ÉQUILIBRE EN 2009

Les nouvelles dépenses mises à la charge de la branche vont avoir pour effet d'absorber entièrement l'excédent qu'elle a réussi à dégager en 2008.

1. Le régime général

Le tableau ci-dessous retrace, pour les années 2004 à 2009, le montant des résultats nets de la branche AT-MP de la Cnam, en droits constatés.

Solde net de la branche AT-MP (en droits constatés)

(en millions d'euros)

2004

2005

2006

2007

2008*

2009*

Résultat net

- 184

- 438

- 59

-455

389

-8

* prévisions Source : Direction de la sécurité sociale

Le résultat présenté pour 2009 diffère de celui figurant dans le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2007 (368 millions d'euros), qui n'intègre pas l'effet des mesures prévues dans le projet de loi de financement. Leur adoption devrait accroître les charges de la branche d'environ 370 millions d'euros l'an prochain.

Les projections à plus long terme suggèrent que la branche devrait renouer avec d'importants excédents à partir de 2010 (700 millions, puis 900 millions en 2011 et 1,2 milliard en 2012), à condition bien sûr que de nouvelles dépenses ne soient pas mises à sa charge.

2. Les régimes de base

Compte tenu du poids de la branche AT-MP du régime général dans l'ensemble des régimes de base, son résultat influe fortement sur la situation financière de l'ensemble des branches.

Le résultat net global des régimes de base de la branche autres que le régime général est positif, à hauteur de 104 millions d'euros en 2007. Les prévisions pour 2008 et 2009 tablent respectivement sur un solde excédentaire de 18 et 126 millions d'euros. Ces résultats s'expliquent notamment par les excédents dégagés par le fonds d'allocation temporaire d'invalidité des agents des collectivités locales (Fatiacl).

Le tableau suivant présente les résultats nets des différents fonds et régimes de base de la branche AT-MP :

III. LES NOUVELLES ORIENTATIONS DE L'ACTION DES POUVOIRS PUBLICS

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 met en oeuvre deux mesures proposées par les partenaires sociaux dans leur accord sur la prévention, la tarification et la réparation des risques professionnels. D'autres dispositions de cet accord seront prises en compte dans le cadre de la prochaine convention d'objectifs et de gestion (Cog) entre l'Etat et la Cnam AT-MP, qui va couvrir la période 2009-2012. Enfin, la réflexion se poursuit en vue d'une éventuelle réforme du Fcaata.

A. LA MISE EN oeUVRE DES ACCORDS CONCLUS PAR LES PARTENAIRES SOCIAUX EST ENGAGÉE

Trois organisations patronales (Medef, CGPME, UPA) et trois syndicats de salariés (CFDT, CFTC, FO) ont signé le 28 février 2006 un accord sur la gouvernance de la branche. Les mêmes organisations ont signé le 12 mars 2007 un accord sur la prévention , la tarification et la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Afin d'étudier précisément les conditions de mise en oeuvre de ces accords, le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, Xavier Bertrand, a demandé au directeur de la sécurité sociale, Dominique Libault, de consulter l'ensemble des partenaires sociaux à ce sujet.

Ces consultations ont permis de distinguer les mesures qui peuvent trouver leur place en loi de financement de la sécurité sociale, celles qui devraient figurer dans une loi ordinaire, celles qui sont de nature règlementaire et celles, enfin, qui n'appellent pas de dispositions normatives mais pourraient figurer dans la prochaine Cog.

1. En matière de réparation

Le projet de loi de financement pour 2009 comporte trois premières dispositions qui sont directement inspirées des mesures préconisées par les partenaires sociaux dans leur accord de 2007 :

- il est d'abord proposé de mieux rembourser les dispositifs médicaux (prothèses, optique...), ce qui occasionnerait un surcoût de 17 millions d'euros ;

- il est ensuite prévu, pour faciliter la réinsertion professionnelle des victimes d'AT-MP, de leur permettre, en accord avec la CPAM, d'avoir accès à des actions de formation tout en continuant à percevoir leurs indemnités journalières ;

- il est enfin proposé de maintenir le versement des indemnités journalières pendant la durée séparant la reconnaissance de l'inaptitude du salarié de la décision de l'employeur de le reclasser ou de le licencier, ce qui occasionnerait une dépense supplémentaire de 18 millions d'euros.

Votre commission suggère de prévoir, par voie d'amendement, que les indemnités journalières pourraient être intégralement versées pendant la période de quinze jours qui sépare, habituellement, les deux visites médicales conduisant à une déclaration d'inaptitude.

2. Sur la gouvernance

Les mesures qui touchent à la gouvernance de la branche doivent figurer dans une loi ordinaire, vu qu'elles n'ont pas d'incidence financière directe.

Le ministre s'est déclaré prêt à mettre en oeuvre les mesures demandées par les partenaires sociaux en ce qui concerne la gouvernance de la branche au niveau régional : des commissions régionales AT-MP, strictement paritaires, pourraient ainsi être instituées, dans le but essentiellement d'améliorer la coordination entre la direction des risques professionnels de la Cnam et le réseau des Cram et des CPAM.

Le Gouvernement n'a pas retenu, en revanche, la proposition des partenaires sociaux de confier la nomination du directeur des risques professionnels à la commission AT-MP de la Cnam. Il considère en effet qu'il convient de conserver au directeur une double légitimité, émanant à la fois des partenaires sociaux et de l'Etat. Une solution de compromis pourrait consister à confier à la commission AT-MP le soin de nommer le directeur à partir d'une liste de trois noms présentée par l'Etat.

Le Gouvernement est également réservé au sujet de la proposition de faire figurer dans la loi une disposition attribuant obligatoirement la présidence de la commission AT-MP à un représentant patronal. Une telle mesure, peu consensuelle chez les partenaires sociaux, romprait avec les règles habituelles du paritarisme.

La future Cog, actuellement en cours de négociation, devrait tenir compte également des propositions figurant dans les deux accords.

B. LA NÉGOCIATION DE LA FUTURE CONVENTION D'OBJECTIFS ET DE GESTION

La première Cog passée entre la branche AT-MP du régime général et l'Etat portait sur la période 2004-2006. Elle a été prolongée par voie d'avenant aux exercices 2007 et 2008.

1. Bilan de la première convention d'objectifs et de gestion

Une mission, diligentée par l'Igas, a dressé un bilan de l'application de la première Cog. Elle considère que les objectifs fixés en matière de prévention pourraient être réalisés à plus de 50 % à la fin de période conventionnelle. Ce résultat mitigé s'expliquerait notamment par l'insuffisance des synergies entre la Cnam et l'institut national de recherche et de sécurité (INRS), par l'absence de réforme des comités techniques régionaux (CTR), qui devait compléter celle des comités techniques nationaux (CTN), et par l'absence de réforme des règles de tarification dans une perspective de renforcement de la prévention.

Les comités techniques nationaux et régionaux

Les comités techniques nationaux et régionaux (CTN) sont des organismes consultatifs paritaires chargés d'assister la Cnam et la commission AT-MP. Il existe neuf comités techniques nationaux répartis par branche ou groupe de branches d'activité. Les CTN effectuent des études sur les risques de la profession et les moyens de les prévenir. Ils centralisent et étudient les statistiques concernant leurs branches d'activités respectives et peuvent s'adjoindre l'assistance de spécialistes des questions de prévention.

Pour assister les caisses régionales, le législateur a mis en place des comités techniques régionaux composés de représentants des employeurs et des salariés. Les comités techniques régionaux sont obligatoirement consultés sur les propositions de majoration, de minoration, d'avance ou de subvention accordées aux entreprises par la caisse régionale, sur l'élaboration des conventions d'objectifs et sur l'élaboration des dispositions générales applicables au secteur. Par ailleurs, les comités techniques régionaux procèdent à toutes études statistiques se rapportant aux risques professionnels dans leur branche d'activité.

La Cog prévoyait une réforme des CTR consistant à mettre leur organisation en cohérence avec celle des CTN.

L'Igas estime également que la capacité de la branche à s'adapter à l'évolution de ses missions reste très perfectible, en raison notamment de difficultés de coordination entre la Cnam et l'Etat.

Le directeur des risques professionnels, Stéphane Seillier, a indiqué à votre rapporteur que la première Cog avait sans doute défini des objectifs trop ambitieux, et donc peu réalistes. La deuxième convention devrait s'attacher à mieux cerner les priorités de l'action de la branche.

2. Les orientations de la deuxième convention d'objectifs et de gestion

Le 10 juillet dernier, les partenaires sociaux ont adopté, à l'unanimité, des orientations pour la prochaine Cog.

En matière de prévention, ils souhaitent concentrer l'action des services des Cram et de l'INRS sur des publics prioritaires (salariés des PME et TPE, seniors, intérimaires...) et sur des risques prioritaires (TMS, cancers professionnels, risque routier, risques psychosociaux) et améliorer la coordination entre les différentes instances compétentes ainsi qu'entre les échelons nationaux et régionaux. Une veille renforcée et une meilleure définition des axes de recherche permettraient à la branche de mieux anticiper les évolutions et les risques à venir.

En ce qui concerne la tarification, les partenaires sociaux souhaitent simplifier les règles applicables, renforcer les incitations à la prévention et lutter contre l'insécurité juridique.

Dans le domaine de la réparation, ils souhaitent prévenir la désinsertion professionnelle des victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles, homogénéiser les pratiques entre les caisses et individualiser la prise en charge.

Enfin, ils envisagent d'améliorer leurs systèmes d'information et de statistiques, afin notamment de développer les services en ligne, de faciliter l'échange d'informations à l'intérieur du réseau et de disposer d'outils d'évaluation des risques.

Le rapport sur la traçabilité des risques professionnels

En matière de prévention, les partenaires sociaux pourront s'appuyer sur les conclusions du rapport relatif à la traçabilité des risques professionnels, établi par Daniel Lejeune pour la commission AT-MP de la Cnam, approuvées à l'unanimité le 8 octobre dernier. Ce rapport s'inscrit dans le cadre des orientations arrêtées lors de la conférence sur les conditions de travail du 4 octobre 2007.

Le rapport montre que les cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR) constituent une priorité pour la traçabilité des expositions professionnelles. Il propose de s'appuyer sur les dispositions règlementaires et les outils d'évaluation des risques déjà existants, qu'il importe de mieux utiliser afin :

- de rendre plus efficace le contrôle des substances et préparations dangereuses présentes sur le marché ;

- d'aménager la « déclaration obligatoire des procédés de travail dangereux », en la centrant prioritairement sur les agents CMR ;

- de mieux impliquer les services de santé au travail (SST) dans la prévention et la traçabilité des expositions professionnelles, en améliorant le dossier médical en santé au travail (DMST), l'information des salariés sur leur suivi médical et en améliorant les outils informatiques d'analyse et de suivi des expositions professionnelles.

Le rapport recommande également d'améliorer le suivi post exposition des salariés, d'étudier la faisabilité de bilans d'étape et d'améliorer l'accès des salariés aux données les concernant, dans des conditions garantissant leur confidentialité.

C. LA RÉFLEXION SUR UNE ÉVENTUELLE RÉFORME DU FCAATA SE POURSUIT

Le 24 avril 2008, Jean Le Garrec a remis à Xavier Bertrand le rapport qui lui avait été confié, en décembre 2007, sur la réforme du dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante.

1. Les conclusions du rapport présenté par Jean Le Garrec

Ce rapport constate que le fonctionnement actuel du Fcaata, qui repose sur l'inscription d'établissements sur des listes, est source d'injustices : des salariés qui n'ont pas été directement au contact de l'amiante bénéficient de l'Acaata, parce que l'établissement pour lequel ils travaillent est inscrit sur les listes, alors que des salariés d'entreprises sous-traitantes ou d'intérim, qui ont parfois été davantage exposés, en sont écartés. Dans certains cas, peu nombreux mais bien établis, le Fcaata a de plus été détourné de sa finalité pour devenir un simple dispositif de préretraite.

Il préconise de conserver le système des listes jusqu'en 2010, afin que les dossiers en instance puissent être traités, puis de lui substituer un mécanisme nouveau, permettant à un collectif de travail ou à un salarié pris individuellement de bénéficier du Fcaata. Le champ des salariés bénéficiaires serait déterminé en se fondant sur une liste de métiers, elle-même établie grâce aux données épidémiologiques. Environ 35 000 personnes supplémentaires bénéficieraient du Fcaata si ce nouveau système était mis en place.

Les recommandations de ce rapport sont cohérentes avec celles formulées, en 2005, par la mission d'information sénatoriale sur les conséquences de l'exposition à l'amiante 3 ( * ) . Le Gouvernement a cependant choisi de ne pas engager la réforme du Fcaata dans le cadre du projet de loi de financement pour 2009.

Si l'idée de retenir une approche plus individuelle pour décider de l'accès au Fcaata est assez consensuelle, la mise en oeuvre de ces recommandations se heurte à des difficultés d'évaluation de leur coût : l'estimation du nombre de salariés potentiellement concernés est sujette à caution et le Gouvernement souhaite éviter que la réforme du fonds ne se traduise par une hausse mal maîtrisée de ses dépenses.

2. Les évolutions jurisprudentielles

De récentes décisions de justice constituent un autre motif d'incertitude concernant l'avenir du Fcaata. Dans un arrêt du 18 septembre 2008, la Cour d'appel de Paris, saisie d'un jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Sens en octobre 2006, a condamné une entreprise à verser à ses anciens salariés titulaires de l'Acaata une indemnité correspondant à la différence entre l'allocation et le salaire moyen en vigueur dans l'entreprise, afin de compenser le préjudice économique résultant de la privation d'un déroulement de carrière normal.

La Cour a justifié cette décision en indiquant que les salariés avaient été contraints d'effectuer un « choix par défaut » : ils pouvaient soit continuer de travailler jusqu'à l'âge légal de la retraite, avec le risque de vivre ensuite une retraite écourtée compte tenu de leur probabilité statistique de développer une maladie provoquée par l'amiante, soit partir en préretraite, mais au prix d'une diminution de leur revenu de 35 %.

Ce raisonnement apparaît contestable : le Fcaata a été créé précisément pour compenser le préjudice subi par les salariés exposés à l'amiante du fait de la réduction moyenne de leur espérance de vie. Il est donc singulier de considérer que le fait de bénéficier de l'allocation versée par le Fcaata serait encore constitutif d'un préjudice.

La Cour de cassation a été saisie de cette affaire et devrait rendre son verdict dans quelques mois. Votre commission souhaite attirer l'attention sur les difficultés qui résulteraient de la confirmation d'un tel jugement :

- pour les entreprises concernées, tout d'abord, puisqu'elles devraient s'acquitter d'environ 1 milliard d'euros d'indemnités si tous les titulaires de l'Acaata intentaient un recours, alors que ces entreprises, comme cela a été rappelé, sont souvent dans une situation financière fragile ;

- pour l'équilibre financier du Fcaata, ensuite, dans la mesure où tous les salariés éligibles à l'Acaata seraient incités à demander l'allocation puisqu'ils seraient assurés de ne plus subir aucune perte de revenu ;

- enfin, la confirmation de ce jugement remettrait en cause les réflexions en cours au sujet de la pénibilité : il serait difficile de faire financer par les employeurs des dispositifs de préretraite au profit des salariés ayant exercé des métiers pénibles si cela impliquait de maintenir 100 % du salaire perçu.

Une intervention du législateur serait naturellement toujours possible pour revenir sur une décision jurisprudentielle dont les conséquences auraient été mal évaluées.

*

* *

Sous le bénéfice de ces observations, et sous réserve de l'amendement qu'elle vous propose en matière d'indemnisation des victimes, votre commission vous demande d'adopter les dispositions relatives aux accidents du travail et aux maladies professionnelles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

* 1 L'institut national de recherche et de sécurité (INRS) définit les accidents de plain-pied comme les accidents déclenchés par la perturbation de l'équilibre corporel de la victime à l'occasion d'un travail qui n'est pas exécuté en hauteur. Il s'agit, en d'autres termes, des chutes à hauteur d'homme.

* 2 Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques.

* 3 Cf. « Le drame de l'amiante en France - Comprendre, mieux réparer, en tirer des leçons pour l'avenir », rapport d'information n° 37 (2005-2006) fait par Gérard Dériot et Jean-Pierre Godefroy, rapporteurs, au nom de la mission commune d'information sur le bilan et les conséquences de la contamination par l'amiante.

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