CHAPITRE III - DISPOSITIONS, PRISES EN VERTU DE L'ARTICLE 44 DE LA CONSTITUTION, RELATIVES AU DROIT D'AMENDEMENT

Ce chapitre comporte huit articles relatifs au droit d'amendement.

Votre commission vous soumet un amendement rédactionnel sur l'intitulé de cette division.

Article 11-Conditions de présentation et délais de recevabilité des amendements - Présence du Gouvernement au sein des commissions

Cet article détermine, d'une part, les modalités de présentation ainsi que les délais de recevabilité des amendements et, d'autre part, le principe de la présence du Gouvernement aux réunions de commission.

1) Modalités de présentation des amendements

Les conditions de présentation des amendements sont actuellement définies par les règlements des assemblées. Ainsi au Sénat (article 48, deuxième alinéa) l'amendement doit être rédigé par écrit, signé par l'un des auteurs, déposé sur le bureau du Sénat et sommairement motivé. Il en est de même à l'Assemblée nationale. Le projet de loi organique retient deux de ces principes de base : la formulation écrite et la motivation sommaire.

2) Délais de recevabilité

Au-delà du principe posé par le deuxième alinéa de l'article 44 de la Constitution selon lequel « après l'ouverture du débat, le Gouvernement peut s'opposer à l'examen du tout amendement qui n'a pas été antérieurement soumis à la commission », les règles concernant les délais de recevabilité des amendements relèvent actuellement des règlements de chaque assemblée.

Le Sénat retient un dispositif très souple puisqu'il appartient à la Conférence des présidents, à la demande de la commission intéressée, de fixer un délai limite pour le dépôt des amendements (article 50 du Règlement du Sénat)- si tel est le cas, ce délai est fixé à 17 heures la veille du jour où doit commencer la discussion du texte (sauf si la Conférence des présidents prend une décision différente). Toutefois, si le rapport de la commission relatif au texte concerné n'a pas été distribué à midi la veille de l'ouverture de la discussion, le délai limite est reporté à l'ouverture de la discussion générale. Le délai limite n'est opposable ni aux amendements du Gouvernement ou de la commission saisie au fond ni aux amendements rectifiés et aux sous-amendements (Instruction générale du Bureau, chapitre V, paragraphe II).

A l'Assemblée nationale, les amendements doivent « être présentés au plus tard la veille de la discussion [du texte concerné] à 17 heures » (article 99 du Règlement de l'Assemblée nationale).

Ce principe est assorti de plusieurs exceptions :

- à défaut de la mise à disposition du rapport par voie électronique 48 heures avant le début de la discussion du texte, les amendements des députés sont recevables jusqu'au début de la discussion générale ;

- les amendements déposés par le Gouvernement, par la commission saisie au fond ou au nom d'une commission saisie pour avis peuvent être déposés après l'expiration du délai ;

- les sous-amendements ne sont pas soumis à délai ;

- le dépôt hors délai d'amendements par le Gouvernement ou par la commission saisie au fond ouvre un nouveau droit pour chaque parlementaire de déposer soit des amendements sur les articles concernés -soit des amendements susceptibles d'être mis en discussion commune.

Dans le texte présenté par le Gouvernement, le projet de loi organique propose que les amendements des membres du Parlement cessent d'être recevables après le début de l'examen du texte en séance. Il ouvre cependant aux règlements des assemblées la faculté de déterminer les conditions dans lesquelles est fixée une date antérieure à compter de laquelle ces amendements ne sont plus recevables. En outre, après l'expiration de ces délais, seraient seuls recevables les amendements déposés par le Gouvernement ou par la commission. Les sous-amendements demeureraient régis par les règles actuelles des règlements des assemblées.

Ce dispositif s'accorde avec la pratique actuelle observée dans notre assemblée. Il apparaît néanmoins plus restrictif que les dispositions actuelles du Règlement de l'Assemblée nationale. Aussi, les députés tout en l'approuvant -sous réserve de deux amendements rédactionnels- ont-ils souhaité l'assouplir en le complétant par une disposition inspirée de leur Règlement : lorsqu'un amendement est déposé par le Gouvernement ou par la commission au-delà du délai fixé pour le dépôt des amendements des parlementaires, ces derniers disposeraient d'un nouveau délai maximum de 24 heures pour déposer des amendements portant sur l'article qu'il est proposé d'amender ou venant en concurrence avec l'amendement déposé.

La précision selon laquelle ce délai est d'une durée maximale de 24 heures ne figure pas actuellement dans le Règlement, son application pourrait conduire à suspendre ou réserver l'examen d'un article au risque de retarder l'examen d'un texte. Elle peut, il est vrai, de ce fait, dissuader le Gouvernement de déposer des amendements au-delà du délai applicable aux parlementaires.

En tout état de cause, votre commission estime que s'il peut être justifié, dans certaines circonstances, d'ouvrir de nouveau un délai pour le dépôt des amendements des parlementaires, cette possibilité doit être prévue par le règlement de chaque assemblée et non par la loi organique. Elle vous propose un amendement en ce sens.

Par ailleurs, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, les députés ont introduit un amendement donnant aux règlements des assemblées la faculté de déterminer les conditions dans lesquelles est fixée une date à compter de laquelle les amendements des parlementaires sur le texte déposé par le Gouvernement ou transmis par l'autre assemblée ne sont plus recevables en commission .

La détermination d'un délai particulier pour le dépôt des amendements devant la commission doit être appréciée au regard de l'organisation du travail en commission telle qu'elle résultera à compter du 1 er mars 2009, de l'article 42 de la Constitution dans la rédaction issue de la révision constitutionnelle.

Dans le cadre de la procédure de droit commun, l'examen des amendements par la commission devrait s'articuler au moins en deux temps successifs : la première étape est destinée à élaborer le projet de texte qui sera soumis à la discussion en séance publique sur la base des amendements présentés par le rapporteur de la commission ainsi que par ses collègues sur le texte déposé par le Gouvernement ou transmis par l'autre assemblée ; la seconde, avant l'examen du texte en séance, est consacrée à l'examen des amendements sur le texte qu'elle a proposé et dont elle a connaissance avant la séance publique si la Conférence des présidents a fixé, selon les procédures actuelles des règlements des assemblées, consacrées par le second alinéa du présent article, un délai limite.

Un délai spécifique peut aussi être nécessaire, avant la première réunion de commission, pour permettre aux membres de la commission au fond de prendre connaissance et de discuter utilement des modifications proposées au projet ou à la proposition de loi en vue d'élaborer le texte soumis à l'examen en séance publique. Le projet de loi organique prévoit que ce délai pourrait être prévu pour le dépôt des amendements devant toutes les commissions y compris les commissions pour avis.

Cette disposition qui consacre une pratique suivie à l'Assemblée nationale ne revêt pas, selon votre commission, de caractère organique. Il appartient aux règlements de prévoir éventuellement ces délais. De tels délais ne devraient pas interdire à la commission, lors de sa première réunion, de procéder à la synthèse de différents amendements ou de prendre en compte des modifications qu'à la lumière du déroulement des débats et de l'avancée de la réflexion, les membres de la commission peuvent être conduits à proposer au cours de la réunion.

3) La présence du Gouvernement en commission

Actuellement, les règlements des assemblées prévoient la possibilité pour le Gouvernement de participer aux réunions de commissions :

- au Sénat, « les ministres ont accès dans les commissions. Ils doivent être entendus quand ils le demandent. Ils se retirent au moment du vote » (article 18, 1 er alinéa du Règlement du Sénat) ;

- à l'Assemblée nationale, « la participation du Gouvernement est de droit » aux « débats de la commission ». Cette formulation peut laisser entendre, comme tel est le cas au Sénat, que les ministres ne sont pas présents lors du vote (article 86, 5 e alinéa du Règlement de l'assemblée nationale).

En pratique, le Gouvernement est entendu par les commissions, le plus souvent à leur demande. Il n'impose jamais sa présence.

Le projet de loi organique prévoit que le Gouvernement, à sa demande ou en réponse à l'invitation d'une commission, peut être présent lors de l'examen et du vote des amendements en commission . Cette rédaction issue d'un amendement présenté par M. Jean-Luc Warsmann ne modifie pas sur le fond la disposition proposée par le Gouvernement (« les amendements sont examinés et votés en commission en présence du Gouvernement, à sa demande ou répondant à l'invitation du bureau de la commission »).

Si cette disposition est formellement placée par le projet de loi organique dans le chapitre consacré à l'application de l'article 44 de la Constitution, le Gouvernement, comme l'a indiqué M. Roger Karoutchi lors de son audition par votre commission le 3 mars dernier, la lie, sur le fond, à une autre disposition constitutionnelle, l'article 42 de la Constitution qui, dans la rédaction issue de la révision constitutionnelle prévoit que la discussion, en séance publique, porte sur le texte élaboré par la commission. Les députés ont d'ailleurs adopté un amendement écartant la disposition relative à la présence du Gouvernement pour les projets de révision constitutionnelle, les projets de loi de finances et les projets de loi organique qui, aux termes du deuxième alinéa de l'article 42 de la Constitution, sont discutés en première lecture en séance sur le texte présenté par le Gouvernement et pour les autres lectures, sur le texte transmis par l'autre assemblée.

Selon le Gouvernement, sa participation aux réunions des commissions lui permettrait en effet de connaître « en temps réel » les propositions de la commission et de faire valoir, en direct, le plus en amont possible, ses positions.

Le quatrième alinéa du présent article introduit ainsi deux changements par rapport aux principes actuels :

- sur la forme d'abord, les règles concernant la présence du Gouvernement au sein des commissions seraient inscrites dans la loi organique et non, comme aujourd'hui, dans le règlement de chaque assemblée ;

- sur le fond, ensuite, cette présence serait de droit pendant les délibérations et le vote des membres de la commission sur les amendements alors que les règlements des assemblées, de manière totalement explicite pour le Sénat et, sur un mode plus implicite pour l'Assemblée nationale, l'excluent pour le vote.

Aujourd'hui, le Gouvernement ne prend jamais part aux délibérations des commissions et la disposition proposée introduirait, si elle était adoptée dans sa rédaction actuelle, une modification profonde des principes et de la pratique observés non seulement sous la V ème République mais aussi sous les républiques précédentes.

Ni sous la III ème République, ni sous la IV ème République -régimes constitutionnels où le texte débattu en séance publique était déjà celui de la commission- le Gouvernement ne participait aux délibérations de la commission.

Cette pratique constante est d'ailleurs confirmée par Eugène Pierre dans son traité de droit politique, électoral et parlementaire : « En France, les ministres ont le droit d'entrer dans les chambres d'une façon générale, c'est-à-dire qu'ils sont admis aux commissions et même aux comités secrets comme aux séances. Toutefois, il est d'usage constant qu'ils ne se rendent pas aux commissions avant d'y avoir été appelés ; il est également de principe qu'ils se retirent des commissions après y avoir été entendus et lorsque la délibération va s'ouvrir » 48 ( * ) .

Le système actuel garantit une très bonne articulation entre les commissions et le Gouvernement. Celui-ci peut être entendu en commission à sa demande ou à l'initiative des commissions, en audition close, ouverte, élargie ou non. En outre, plus en amont, le rapporteur a engagé les contacts préalables avec les ministères concernés (réunions avec les services, le cabinet, le ministre). Autant d'occasions pour le Gouvernement de faire connaître son point de vue au coeur de la procédure parlementaire. En outre, l'audition du ministre concerné par la commission compétente a toujours constitué, pour les textes les plus importants, la première étape du parcours législatif.

L'information du Gouvernement restera parfaitement assurée selon les pratiques actuelles. Il pourra être entendu avant le rapport mais aussi entre la présentation du rapport et la séance publique.

En revanche, la présence continue du Gouvernement en commission, telle qu'elle pourrait résulter de la rédaction proposée par le projet de loi organique, appelle de sérieuses objections.

Elle conduirait à amoindrir, voire à supprimer la spécificité de la séance publique marquée aujourd'hui par la rencontre avec le Gouvernement sur les amendements. La séance publique ne ferait en quelque sorte que dupliquer la réunion de commission.

Alors même que les réflexions en cours au sein de chaque assemblée convergent sur la nécessité de redonner à la séance publique son intérêt, la rédaction proposée risquerait de l'affaiblir davantage. En effet, elle conduirait probablement à une publicité accrue des travaux des commissions alors que ces derniers n'ont pour vocation que d'éclairer l'ensemble des sénateurs, seuls compétents pour voter la loi à l'issue des débats en séance publique, en présence du Gouvernement et dans le respect des règles de publicité indispensables à l'information des citoyens.

La faculté ainsi donnée au Gouvernement réduirait la portée de la novation constitutionnelle relative à la discussion en séance publique du texte de la commission qui a principalement pour objet de concentrer la séance publique sur les points les plus importants d'un texte.

Enfin, la composition et l'organisation actuelles des commissions leur permettent d'élaborer, dans un climat souvent dépassionné, des formules de compromis qui peuvent s'accorder avec les objectifs poursuivis par le Gouvernement -qu'il soit permis de rappeler ici le rôle joué par votre commission des lois dans la rédaction de l'amendement permettant de surmonter la crise provoquée par l'introduction dans la loi du 20 novembre 2007 relative à l'immigration d'une disposition autorisant des recours aux tests génétiques pour prouver la filiation à l'égard de la mère dans le cadre d'un regroupement familial. Le Gouvernement a, par ailleurs, toujours la faculté de convaincre sa majorité, en séance, de revenir sur les positions proposées par la commission.

Lors de l'examen du projet de révision constitutionnelle en juillet dernier M. Roger Karoutchi, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, avait d'ailleurs relevé que : « L'examen en séance plénière du texte amendé par la commission (...) inverse en quelque sorte la charge des amendements. C'est en effet au Gouvernement qu'il incombera, s'il souhaite revenir au texte initial, de défendre sa position et d'amender le texte. » 49 ( * )

La présence du Gouvernement en commission, à ce stade, ne serait justifiée que si les commissions disposaient d'un pouvoir de législation déléguée et que la séance publique n'avait pour seul objet que d'avaliser la proposition de la commission. Tel ne sera évidemment pas le cas au 1 er mars dans le cadre de la procédure de droit commun -le texte proposé par la commission n'étant qu'une proposition qui sera amendée par les assemblées à l'initiative de leurs membres et du Gouvernement dans les mêmes conditions qu'aujourd'hui.

En revanche, si les règlements des assemblées mettent en place des procédures d'examen simplifié, comme le permettent la Constitution et l'article 12 du projet de loi organique, tendant à déplacer l'essentiel des débats de la séance publique vers la commission, la présence du Gouvernement en commission serait alors, et dans ce cas seulement, nécessaire.

Votre commission estime que s'il est justifié de garantir dans le texte organique la possibilité pour le Gouvernement de s'exprimer en commission, il importe cependant d'apporter trois modifications à la disposition proposée par le projet de loi organique.

En premier lieu, conformément au souhait du constituant -manifesté en particulier dans la rédaction de l'article 44 de la Constitution-, les modalités d'application de l'expression du Gouvernement devraient être définies comme tel est le cas aujourd'hui par les règlements des assemblées .

Ensuite, le droit ainsi conforté par la loi organique, serait réservé aux seuls ministres qui ne pourraient pas se faire représenter par des collaborateurs.

Enfin, il est souhaitable de préciser que les ministres, à leur demande sont « entendus » à l'occasion de l'examen d'un texte en commission. Cette rédaction est conforme à l'article 31 de la Constitution aux termes duquel « les membres du Gouvernement ont accès aux deux assemblées. Ils sont entendus quand ils le demandent » -formulation reprise textuellement par l'article 18 du Règlement du Sénat.

Ainsi, le Gouvernement interviendrait en commission pour exprimer une position sur un texte. En revanche, il ne participerait pas aux délibérations de la commission. Il convient de distinguer ainsi deux séquences qui, d'ailleurs, pourraient se répéter -d'une part, un temps d'échange entre le ministre et les membres de la commission au cours duquel les premiers ont tout loisir de communiquer et d'expliquer leur point de vue, d'autre part, un temps de délibération propre à la commission.

La rédaction proposée par votre commission sous la forme d'un amendement garantit au Gouvernement son droit d'expression en commission tout en ménageant une certaine souplesse. Compte tenu du dispositif proposé, il n'apparaît pas nécessaire d'écarter le droit pour les ministres d'intervenir en commission, comme l'avait prévu l'Assemblée nationale, pour les projets de révision constitutionnelle, les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 11 ainsi modifié .

Article 11 bis - Evaluation préalable des amendements du Gouvernement

Cet article additionnel adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, à l'initiative de M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois, permet aux règlements des assemblées de soumettre les amendements du Gouvernement à une étude d'impact.

Ce dispositif se fonde sur l'article 44 de la Constitution, aux termes duquel le droit d'amendement « s'exerce en séance ou en commission selon les conditions fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique » et non sur l'article 39, relatif aux conditions de présentation des projets de loi. Il prend donc place au sein du chapitre III du présent projet de loi organique, rassemblant les dispositions relatives au droit d'amendement.

Ainsi, les règlements des assemblées pourraient prévoir que les amendements du Gouvernement doivent faire l'objet d'une étude d'impact. Cette étude devrait alors être communiquée à l'assemblée avant la discussion des amendements en séance.

Il appartiendrait aux règlements des assemblées d'organiser les nouvelles conditions de présentation des amendements du Gouvernement. Le contrôle du respect de ces conditions de présentation relèverait de la seule assemblée ayant édicté ces règles.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement, a estimé, lors de l'examen de ce dispositif à l'Assemblée nationale, que « s'agissant des amendements, la Constitution ne prévoyant aucune procédure spécifique, le Conseil constitutionnel sera amené, le cas échéant, à censurer en aval les dispositions pour vice de procédure, dans le cadre du contrôle classique des lois. Cela pourrait ouvrir la voie à des contestations purement formelles de la loi après son adoption devant le Conseil constitutionnel, ce que le constituant a précisément voulu éviter en organisant un mécanisme préalable de purge » 50 ( * ) .

Considérant cependant que l'amendement de la commission des lois de l'Assemblée nationale pouvait « répondre à l'exigence d'informer précisément les parlementaires sur ce qu'ils votent », le Gouvernement lui a donné un avis de sagesse.

Toutefois, l'évaluation préalable des amendements du Gouvernement étant laissée à l'appréciation des règlements des assemblées, elle ne constituerait pas un motif de contrôle pour le Conseil constitutionnel qui a jugé, dans sa décision du 22 juillet 1980, que « les dispositions des règlements des assemblées parlementaires n'ont pas valeur constitutionnelle » 51 ( * ) .

La méconnaissance de l'obligation d'évaluation préalable instituée par le règlement d'une assemblée pourrait en revanche constituer un motif de rejet de l'amendement par cette assemblée.

Votre rapporteur souligne que le dispositif retenu par les députés n'institue pas une évaluation préalable systématique des amendements du Gouvernement, mais donne à chaque assemblée la possibilité de soumettre la discussion de ces amendements à la communication préalable d'une étude d'impact. Il s'agit ainsi d'assurer l'information complète du Parlement, en particulier lorsque le Gouvernement dépose, sur ses propres projets de loi, parfois très peu de temps avant leur discussion, des amendements tendant à insérer des articles additionnels dont la portée justifie un examen très approfondi.

Le dispositif d'étude d'impact organisé en application de l'article 39 de la Constitution vise en effet à améliorer la préparation des projets de loi, l'information du Parlement et la qualité de la législation. Dès lors, il serait regrettable que le Gouvernement se dispense de l'obligation d'étude d'impact des projets de loi en déposant des amendements dont la substance appellerait pourtant une évaluation.

Il reviendrait au règlement de chaque assemblée de définir les conditions dans lesquelles les amendements du Gouvernement sont soumis à cette évaluation. L'amendement initial de M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, évoquait un mécanisme prévoyant qu'un amendement du Gouvernement doit faire l'objet d'une évaluation préalable, si le président de l'assemblée, le président de la commission saisie au fond du projet de loi ou le président d'un groupe en fait la demande 52 ( * ) . Il est préférable que chaque assemblée définisse elle-même cette procédure, qui relève du règlement.

Votre commission estime que le texte adopté par l'Assemblée nationale doit être précisé. Elle vous soumet par conséquent un amendement tendant à rapprocher la rédaction de l'article 11 bis de celle de l'article 11 ter , afin d'harmoniser le régime d'évaluation applicable aux amendements. Ainsi, les règlements des assemblées pourraient déterminer les modalités selon lesquelles les amendements du Gouvernement font l'objet d'une étude d'impact. Il s'agirait alors d'une étude d'impact spécifique, définie par le règlement, et non de l'étude d'impact prévue par l'article 7 du projet de loi organique.

Le règlement de chaque assemblée déterminerait la portée du dispositif. En effet, si certains amendements gouvernementaux sont susceptibles de modifier profondément un texte, d'autres n'apportent que des précisions rédactionnelles ou techniques, qui ne justifient pas une évaluation préalable.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 11 bis ainsi modifié .

Article 11 ter- Evaluation préalable des amendements des membres du Parlement

Cet article additionnel adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, à l'initiative de M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois, avec un avis de sagesse du Gouvernement, permet aux règlements des assemblées d'organiser l'évaluation préalable des amendements déposés par leurs membres ou par la commission saisie au fond.

Comme pour l'évaluation préalable des amendements du Gouvernement, il appartiendrait à chaque assemblée de définir ou non cette procédure au sein de son règlement. Ce régime s'inscrirait parmi les règles relatives aux conditions d'exercice du droit d'amendement (article 44, premier alinéa de la Constitution) et non dans le cadre des conditions de présentation des projets de loi (article 39, troisième alinéa).

Toutefois, cette évaluation ne s'appliquerait pas à tous les amendements des membres du Parlement et des commissions mais seulement à certains d'entre eux, alors que le dispositif prévu initialement par l'article 11 bis visait tous les amendements présentés par le Gouvernement.

En effet, l'article additionnel adopté par l'Assemblée nationale propose une évaluation préalable facultative des amendements des députés ou des sénateurs et de la commission saisie au fond. Il n'y serait procédé, pour les amendements déposés par des membres de l'assemblée, que si leur auteur ou leur premier signataire en faisait la demande. L'évaluation préalable ne pourrait donc, procédant d'une démarche de l'auteur de l'amendement, être détournée afin d'affaiblir le droit d'amendement des députés et des sénateurs.

Il appartiendrait en revanche au règlement de chaque assemblée de définir, s'agissant des amendements de la commission saisie au fond, les autorités susceptibles de demander une évaluation préalable à leur discussion en séance.

Comme pour les amendements du Gouvernement, l'évaluation préalable devrait être communiquée à l'assemblée avant la discussion en séance publique de l'amendement auquel elle se rapporte. Aussi faudrait-il alors que le règlement définisse un délai de présentation des demandes d'évaluation suffisant pour que celles-ci puissent être réalisées et produites à temps, au risque de rendre l'amendement irrecevable.

Enfin, chaque assemblée, si elle décidait d'inscrire dans son règlement cette procédure facultative d'évaluation préalable des amendements d'origine parlementaire, devrait déterminer les conditions de réalisation de l'évaluation.

Le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale évoque dans son rapport le développement « en interne » d'un « organe ad hoc », ou le recours à des personnes extérieures 53 ( * ) . En tout état de cause, les principes d'autonomie des assemblées parlementaires et de séparation des pouvoirs paraissent imposer qu'une telle évaluation soit effectuée au sein des assemblées elles-mêmes.

Votre commission vous soumet un amendement tendant à supprimer la référence au premier signataire. Il suffit en effet, au sein de la loi organique, d'indiquer que l'évaluation préalable d'un amendement peut être demandée par son auteur. La définition de l'auteur de l'amendement peut ensuite être précisée par le règlement, selon l'appréciation de chaque assemblée.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 11 ter ainsi modifié .

Article 12 - Procédure d'examen simplifié

Cet article donne aux règlements des assemblées, s'ils instituent une procédure d'examen simplifiée des textes, la faculté de prévoir que le texte adopté par la commission saisie au fond est seul mis en discussion en séance sans qu'il puisse être amendé.

Les députés ont encadré ce dispositif à l'initiative de leur commission des lois avec l'avis favorable du Gouvernement :

- d'une part, en permettant au Gouvernement, au président de la commission saisie au fond et au président d'un groupe de s'y opposer. Cette garantie a conduit l'Assemblée nationale à supprimer le critère très imprécis retenu par la version initiale du texte qui réservait la procédure simplifiée aux « textes qui s'y prêtent » ;

- d'autre part, en supprimant la faculté, autorisée par la version initiale du projet de loi, pour le Gouvernement ou la commission, de présenter des amendements sur le texte adopté par la commission. En effet, il apparaissait contestable de laisser au Gouvernement et à la commission le droit exclusif d'amender le texte issu de la commission alors que cette faculté aurait été interdite pour les parlementaires.

1) Les procédures abrégées actuellement prévues par les règlements des assemblées

Le dispositif relatif aux procédures abrégées prévu au chapitre VII bis du Règlement du Sénat a été introduit par la résolution du 4 octobre 1990 dont plusieurs dispositions avaient été censurées par le Conseil constitutionnel 54 ( * ) .

En retrait par rapport aux ambitions initiales de la proposition de résolution, il est triplement encadré.

- En premier lieu , il ne peut pas porter sur les textes dont l'importance justifie l'examen complet en séance plénière (article 47 nonies ) : textes constitutionnels, organiques ou portant amnistie, projets de lois de finances, projets d'habilitation à légiférer par voie d'ordonnance et de ratification des ordonnances (article 38 de la Constitution), projets de loi autorisant la prorogation de l'état de siège, projets ou propositions de loi relatifs au régime électoral des assemblées parlementaires et locales, concernant les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources, concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques et, enfin, lois soumises à une nouvelle délibération à la demande du Président de la République (article 10, 2 ème alinéa, de la Constitution).

- Ensuite, les procédures abrégées ne peuvent être mises en oeuvre qu'avec l'accord de tous les présidents des groupes politiques (article 47 ter , 2 ème alinéa). Elles sont décidées par la Conférence des présidents, à la demande du Président du Sénat, du président de la commission saisie au fond, d'un président de groupe ou du Gouvernement.

- En troisième lieu, dans le cadre du vote sans débat , le transfert de la séance publique vers la commission compétente de l'essentiel de l'examen du texte est entouré de garanties destinées à assurer, en commission, l'organisation la plus ouverte et transparente possible des débats (article 47 quater ) : la commission ne peut se réunir pour examiner le texte et les amendements qui s'y rapportent avant un délai de 72 heures suivant l'expiration du délai limite pour le dépôt des amendements. En outre, chaque sénateur et le Gouvernement sont immédiatement informés de la date, du lieu et de l'objet de la réunion.

Par ailleurs, le Gouvernement participe de droit à la réunion (et, contrairement à la règle fixée au premier alinéa de l'article 18, peut assister aux votes) tandis que l'auteur de chaque amendement peut défendre son amendement devant la commission.

Les exceptions d'irrecevabilité prévues aux articles 40 (irrecevabilité financière) et 41 (domaine réglementaire) de la Constitution peuvent être soulevées lors du débat en commission et sont appréciées respectivement par la commission des finances et par le Président du Sénat dans les mêmes conditions qu'elles l'auraient été en séance publique. En outre, les exceptions, questions ou motions définies à l'article 44 du Règlement sont également examinées en commission sauf dans le cas où elles émanent de celle-ci ou du Gouvernement et font alors l'objet d'un examen en séance publique. Enfin, la publicité des débats en commission est assurée par la publication du compte rendu intégral au Journal officiel (article 16, 9 ème alinéa, du Règlement), le rapport de la commission reproduisant en annexe le texte des amendements rejetés par la commission.

En séance publique, dans le cadre du vote sans débat, les amendements rejetés par la commission peuvent avant la clôture de la discussion générale être repris par leurs auteurs qui disposent de cinq minutes pour les présenter (article 47 quinquies ).

Ces amendements, le cas échéant, ceux de la commission ainsi que l'article auquel ils se rapportent sont mis aux voix .

Avant le vote sur l'ensemble du texte, la parole peut être accordée, pour cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

Le vote sans débat est converti de plein droit en vote après débat restreint lorsque le Gouvernement le demande (au plus tard quatre jours avant la date prévue pour le vote du texte en séance publique) ou quand celui-ci a déposé un ou plusieurs amendements après la réunion de commission.

La faculté donnée au signataire de l'amendement de le défendre de nouveau en séance publique dans le cas où il n'aurait pas été repris par la commission -faculté qui fait suite à la censure du Conseil constitutionnel- a retiré, comme le soulignait le rapport du groupe de réflexion sur l'institution sénatoriale, une grande partie de son intérêt pratique au vote sans débat. Il n'a du reste jamais été mis en oeuvre.

Le vote après débat restreint autorise quant à lui une discussion sur les articles au cours de laquelle peuvent seuls intervenir le Gouvernement, le président et rapporteur de la commission saisie au fond, les auteurs d'amendements et sur chaque amendement, un orateur d'opinion contraire ; les interventions autres que celles du Gouvernement sont fixées à cinq minutes au plus (article 47 sexies ).

Depuis 1991, le vote après débat restreint n'a été utilisé qu'à deux reprises :

- le 10 juin 1991, sur la proposition de loi relative aux sanctions contre les avocats au Conseil d'Etat (durée du débat : douze minutes dont sept minutes pour le rapporteur et le ministre) ;

- le 15 mai 1992, sur le projet de loi relatif au code de la propriété intellectuelle (durée du débat : trente cinq minutes).

Par ailleurs, le groupe communiste s'était opposé au vote après débat restreint d'un projet de loi instituant la saisine pour avis de la Cour de cassation le 18 avril 1991.

2) La procédure d'examen simplifiée à l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a également mis en place une procédure d'examen simplifiée dont les modalités sont définies aux articles 103 à 107 de son Règlement.

L'initiative des recours à la procédure d'examen simplifiée appartient concurremment au Président de l'Assemblée nationale, au Gouvernement, au président de la commission saisie au fond et au président d'un groupe. La demande n'est recevable que si elle concerne un texte qui n'a pas encore été examiné en commission ou si elle est présentée par le président de la commission saisie au fond après que celle-ci a été consultée.

La décision de mise en oeuvre de la procédure est prise par la Conférence des présidents à la condition qu'aucune opposition ne se soit manifestée en son sein.

En outre, jusqu'à la veille de la discussion (à 17 heures), le Gouvernement, le président de la commission saisie au fond ou le président d'un groupe peuvent s'opposer à la procédure ; le texte est alors examiné selon la procédure de droit commun ; en outre, si le Gouvernement dépose un amendement au delà du délai d'opposition, le texte est retiré de l'ordre du jour .

Le texte auquel est appliquée la procédure d'examen simplifiée ne peut faire l'objet d'une exception d'irrecevabilité, d'une question préalable, d'une motion tendant au renvoi en commission ou d'une motion d'ajournement.

L'examen simplifié en séance publique repose sur un débat abrégé . En effet, il s'organise de la manière suivante :

La discussion générale

- intervention du rapporteur de la commission au fond (dix minutes) ;

- intervention du rapporteur de la ou des commissions saisies pour avis (cinq minutes chacune) ;

- discussion globale au cours de laquelle chaque groupe peut s'exprimer pendant cinq minutes ;

L'examen des articles

- si aucun amendement n'est déposé, l'ensemble du texte est mis aux voix ;

- si des amendements sont déposés, seuls les articles auxquels ils se rapportent sont appelés. Sur chaque amendement, outre le Gouvernement, peuvent seuls intervenir l'un des auteurs, le représentant de la commission saisie au fond et un orateur contre ;

Seuls sont mis aux voix les amendements, les articles auxquels ils se rapportent, puis l'ensemble du texte.

Les projets de loi autorisant la ratification ou l'approbation d'un accord international pour lesquels l'application de la procédure d'examen simplifiée a été décidée font quant à eux l'objet d'un régime particulier d'examen en séance publique défini à l'article 107 du Règlement de l'Assemblée nationale : en effet, ils sont directement mis aux voix sauf décision contraire de la Conférence des présidents.

Au Sénat, la Conférence des présidents a institué en 2006 une procédure simplifiée d'examen des conventions internationales permettant au président de séance de mettre directement aux voix les projets de loi autorisant la ratification de ces accords sans qu'intervienne aucune prise de parole. La décision de recourir à cette procédure doit être prise à l'unanimité des groupes.

Les procédures simplifiées n'ont pas connu le développement escompté. Plusieurs pistes avaient été envisagées, en particulier au Sénat dans le cadre du groupe de réflexion présidé par M. Daniel Hoeffel ou de la proposition de résolution n° 2013 (2003-2004) présentée par MM. Christian Poncelet, Josselin de Rohan, Michel Mercier, Jacques Pelletier, Henri de Raincourt et Xavier de Villepin, tendant à actualiser le Règlement du Sénat. Elles reposaient principalement sur un raccourcissement des temps de parole -qui n'ont pas de support constitutionnel à la différence des conditions d'exercice du droit d'amendement 55 ( * ) .

Les dispositions proposées par l'article 12 apparaissent équilibrées :

- elles respectent l' autonomie de chaque assemblée en leur donnant toute latitude d'apprécier l'opportunité de prévoir dans leur règlement une procédure d'examen simplifié ;

- elles renforcent l'efficacité d'une telle procédure en permettant, comme la rédaction de l'article 44 semble désormais l'autoriser, que seul le texte adopté par la commission saisie au fond soit mis en discussion en séance sans que puisse être discuté des amendements ;

- enfin, elles garantissent que la mise en oeuvre de ce dispositif devra recueillir l' assentiment de tous les groupes politiques .

Selon votre commission, cette procédure pourrait ainsi être appliquée au-delà des seuls textes internationaux auxquels elle se trouve aujourd'hui cantonnée. Elle a pour avantage de permettre que des textes à caractère plus technique et politique puissent être examinés de manière rapide en séance publique - l'intérêt relatif de ce dispositif par rapport à la procédure de droit commun étant cependant désormais limité puisque les amendements de la commission qui constituent généralement la proportion la plus importante des amendements déposés sur ce type de texte, sont, à compter du 1 er mars, en vertu de l'article 42 de la Constitution, intégrés au texte débattu en séance.

Sans doute la procédure d'examen simplifiée pourrait-elle être adaptée pour certains projets de loi autorisant la ratification d'ordonnance dans les extensions et adaptation du droit aux départements et aux collectivités d'outre-mer. A cet égard, les limitations actuelles fixées au champ d'application des procédures abrégées par le Règlement du Sénat pourraient être revues.

Par ailleurs, l'examen simplifié de textes implique un consensus entre tous les groupes. Le droit de veto reconnu à un président de groupe implique aussi la faculté, si la procédure a été engagée, de revenir à la procédure normale au cas où apparaîtraient des difficultés d'abord inaperçues.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 12 sans modification .

Article 13, 13 bis et 13 ter - Détermination de délais pour l'examen d'un texte en séance publique

Ces trois articles déterminent, dans le cas où les règlements des assemblées institueraient une procédure fixant des délais pour l'examen d'un texte en séance, les effets que pourrait produire un tel dispositif ainsi que les conditions auxquelles ils devraient répondre.

1) La situation actuelle : seule la discussion générale peut être limitée dans sa durée

Dans le cadre de la procédure législative, seule la discussion générale peut être organisée. Encore ne s'agit-il que d'une faculté laissée à l'initiative de la Conférence des présidents -il est vrai très généralement utilisée.

Au Sénat, la Conférence des présidents peut décider l'organisation de la discussion générale qui fixe alors, dans le cadre des séances prévues à l'ordre du jour, la durée globale du temps dont disposeront les orateurs des différents groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe. Ce temps est ensuite réparti par le Président du Sénat de manière à garantir à chaque groupe un temps minimum identique - le temps demeurant disponible étant ensuite réparti entre les groupes et les sénateurs non inscrits en proportion de leur importance numérique (article 29 bis , 1 er et 2 ème alinéas).

Les inscriptions de parole sont faites, au plus tard la veille du jour de l'ouverture du débat, par les présidents de groupes qui indiquent au Président du Sénat l'ordre dans lequel ils souhaitent que les orateurs qu'ils inscrivent soient appelés ainsi que la durée de leur intervention (article 29 bis , 3 ème alinéa).

L'ordre des interventions est déterminé par tirage au sort entre les groupes au début de chaque session : il est appliqué lors de la première discussion générale organisée puis décalé d'un rang pour les discussions générales suivantes afin que chacun des groupes bénéficie à tour de rôle du premier rang (article 29 bis , 4 ème et 5 ème alinéas).

A l'Assemblée nationale, la Conférence des présidents peut décider d'organiser la discussion générale (article 49 du Règlement de l'Assemblée nationale) et, dans ce cas, elle dispose de deux options :

- soit l'organisation « prédéterminée » du débat prévue par l'article 132 du Règlement de l'Assemblée nationale pour les déclarations du Gouvernement (une fois la répartition faite par le président de l'Assemblée nationale du temps global entre les groupes en fonction de leur importance numérique, chaque groupe dispose, en principe, pour l'orateur qu'il désigne, d'un temps de parole de 30 minutes ; le temps supplémentaire, s'il y a lieu, étant réparti par le groupe entre deux orateurs au plus disposant chacun d'un temps de 5 minutes au moins) ;

- soit une organisation adaptée selon l'importance de chaque texte selon les mêmes principes qu'au Sénat (à l'exception du tirage au sort pour la détermination de l'ordre des interventions)

En dehors de la discussion générale, les motions de procédure et la discussion des articles sont réglées par des dispositions propres fixant le temps de parole de chaque orateur (par exemple au Sénat, sur un amendement : cinq minutes pour l'auteur et un orateur contre ; sur un article : cinq minutes pour chaque sénateur ; explication de vote sur un amendement, sur un article ou sur l'ensemble d'un texte : cinq minutes pour chaque sénateur ; à l'Assemblée nationale, les explications de vote de cinq minutes chacune peuvent être autorisées par le président de l'Assemblée à raison d'un orateur par groupe).

Cependant, les règlements des deux assemblées, selon des dispositions comparables, permettent la clôture d'une discussion à toutes les phases de l'examen en séance publique : discussion générale, discussion d'un article, explication de vote portant sur un amendement, un article ou l'ensemble du texte en discussion 56 ( * ) .

Au Sénat (article 38 du Règlement du Sénat), elle ne peut être proposée par le président de séance ou par tout membre du Sénat qu'après que deux orateurs d'avis contraire sont intervenus.

Si la demande de clôture concerne la discussion d'un article ou les explications de vote autres que celles portant sur l'ensemble du texte, elle n'ouvre droit à aucun débat. Lorsqu'elle concerne la discussion générale ou les explications de vote sur l'ensemble d'un texte, elle ouvre droit à un débat auquel peuvent participer l'auteur de la demande, un orateur d'opinion contraire, chacun pour une durée n'excédant pas cinq minutes, le président et le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement -à l'Assemblée nationale, le débat n'est possible que sur la clôture de la discussion générale.

Le président consulte le Sénat. Si elle est votée, la clôture a un effet immédiat . Cependant, lorsqu'elle concerne les explications de vote sur l'ensemble du projet ou de la proposition de loi en discussion, le président peut autoriser un orateur de chacun des groupes qui ne se sont pas encore exprimés à expliquer son vote sur le texte pour une durée n'excédant pas cinq minutes.

Le recours à la clôture est rare. Elle a été utilisée pour la dernière fois, au Sénat, en février et mars 2006, sur le projet de loi relatif à l'égalité des chances (13 demandes de clôture des explications de vote sur des amendements). A l'Assemblée nationale, la clôture a été décidée sur la discussion de l'article 13 du présent projet de loi organique, le 20 janvier 2009.

2) La durée programmée de l'examen d'un texte : un dispositif déjà expérimenté par les députés

L'organisation de l'ensemble de la discussion d'un texte a déjà, par le passé, été mise en oeuvre par les députés. Ainsi, sous la III ème République, une résolution votée par la chambre le 22 janvier 1935 instaura une procédure d'organisation des débats 57 ( * ) . La Conférence des présidents pouvait proposer à la chambre de fixer la durée des débats sur un projet ou une proposition ainsi que la date d'ouverture du scrutin. Ce dispositif prévoyait la date limite du vote sur le passage à la discussion des articles ainsi que sur les diverses sections du projet, le temps de parole étant réparti entre les orateurs partisans du projet, le Gouvernement et la commission, d'une part, et les adversaires du projet, d'autre part 58 ( * ) .

Sous la IV ème République, l'article 39 du Règlement permettait l'organisation de tout débat sur décision de l'Assemblée, à l'initiative du président de l'Assemblée, de la commission intéressée, de la Conférence des présidents ou de tout député.

La Conférence des présidents 59 ( * ) , par délégation de pouvoir de l'Assemblée, décidait alors souverainement de l'organisation du débat et fixait l'heure limite à laquelle les votes auraient lieu. Cette organisation concernait toutes les interventions dans la discussion générale mais aussi sur les motions, les articles, les amendements, les explications de vote et même les interruptions de séance et les pointages des scrutins dus à l'initiative d'un membre d'un groupe, seules les suspensions éventuelles n'étant pas comprises.

En cas de dépassement du temps de parole, le président avait le droit, après avertissement, de décider que les paroles de l'orateur ne figureraient pas au journal officiel. Une fois épuisé le temps accordé à chaque groupe, les amendements qui n'avaient pas été défendus étaient lus par le Président et mis aux voix sans débat. Ce principe, comme le soulignait le doyen Marcel Prelot dans son cours de droit parlementaire français à l'Institut d'études politiques de Paris, était difficile à appliquer : « En fait, il est à peu près impossible d'empêcher le membre d'un groupe qui a déposé un amendement de le justifier. D'ordinaire, il y a comme un gentlemen's agreement entre le président et celui auquel il donne ainsi la parole, hors du temps réservé, pour que celui-ci n'en abuse pas » 60 ( * ) . Par ailleurs, la commission pouvait faire savoir qu'elle remettait une partie du temps qui lui restait à la disposition des groupes qui avaient épuisé le leur. Il était également possible, pour un groupe, de transférer son temps de parole à un autre groupe. Enfin, s'il devenait manifeste, au cours des débats, que les temps de parole étaient devenus insuffisants, l'Assemblée, sur proposition d'un de ses membres, pouvait décider sans débat d'augmenter le temps de parole de chaque groupe.

Ce dispositif avait été pour l'essentiel reproduit au début de la V ème République à l'article 49 du Règlement de l'Assemblée nationale.

Toutefois, la résolution du 23 octobre 1969 modifiant le Règlement de l'Assemblée nationale a restreint cette procédure à la seule discussion générale sur un texte. Elle a supprimé par ailleurs la faculté pour la conférence des présidents de fixer l'heure limite des votes.

Deux propositions de résolution présentées en 2006 par M. Jean-Louis Debré, alors président de l'Assemblée nationale, avaient eu pour objet, d'une part, de globaliser la phase de la discussion des articles 61 ( * ) -la présentation des motions étant intégrées dans la discussion générale-, d'autre part, de fixer une durée programmée de la discussion des articles sous la forme d'un « crédit-temps » accordé à chaque groupe.

La commission des lois avait unifié cette double formule dans une procédure unique, la « procédure d'examen renforcé » en la réservant aux textes dont la durée pourrait excéder 20 heures.

Le temps de parole entre les groupes était réparti de sorte que l'opposition dispose d'un temps de parole au moins égal à celui de la majorité et que les groupes n'appartenant ni à la majorité ni à l'opposition et les députés non inscrits bénéficient d'un temps de parole proportionnel à leurs effectifs. Par ailleurs, un temps personnel non délégable, de 10 minutes aurait été reconnu à tout député. Enfin, les temps de parole auraient pu être augmentés sur décision de l'Assemblée dans le cas où ils seraient « manifestement » devenus insuffisants. Cependant, faute d'accord politique sur cette proposition, les dispositions avaient été retirées avant leur examen en séance publique (7 juin 2006) 62 ( * ) .

3) Le dispositif proposé par le projet de loi organique

Lors des débats sur la révision constitutionnelle, au Sénat, M. Roger Karoutchi, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, avait estimé que des durées programmées -qui devaient être « généreuses et consensuelles »- allaient « dans le sens d'une meilleure organisation des travaux des assemblées » et qu'il n'était d'ailleurs « pas nécessaire d'adapter notre Constitution pour ce faire » 63 ( * ) .

Le projet de loi organique se borne à prévoir les effets qu'une organisation de la durée des discussions en séance publique pourrait emporter ainsi que les garanties dont un tel dispositif devrait être assorti.

Il n'impose nullement aux assemblées de mettre en oeuvre une organisation des débats législatifs.

Cette faculté est laissée à l'entière initiative de chaque assemblée.

L'article 13 du présent texte les autorise seulement, dans le cas où une telle procédure aurait été instituée, à prévoir les conditions dans lesquelles les amendements déposés par les parlementaires pourraient être mis aux voix sans discussion. Il s'agit ici encore d'une simple possibilité à laquelle les règlements des assemblées doivent, au surplus, fixer des « conditions ».

Par ailleurs, la mention des délais au pluriel, laisse aux assemblées la possibilité de fixer un délai global pour l'ensemble de l'examen du texte en séance ou des délais distincts pour les différentes phases de la discussion.

Cette globalisation ne concernerait que les amendements des membres du Parlement mais non les amendements de la commission ( a priori en nombre limité puisque les modifications que celle-ci propose seront intégrées dans le texte soumis à la discussion) et ceux du Gouvernement.

Le projet de loi organique n'est contraignant que dans les deux limites assignées aux règlements des assemblées s'ils devaient mettre en oeuvre cette procédure :

- la première introduite par l'Assemblée nationale à l'initiative de sa commission des lois avec l'avis favorable du Gouvernement prévoit que les règlements doivent prévoir d'accorder un temps supplémentaire de discussion, à la demande d'un président de groupe, aux membres du Parlement lorsqu'un amendement a été déposé par le Gouvernement ou par la commission après la forclusion du délai de dépôt des amendements des parlementaires ;

- la seconde, adoptée sous la forme d'un article additionnel 13 bis à l'initiative de MM. François Sauvadet, Jean-Christophe Lagarde et les membres du Nouveau centre, en accord avec le Gouvernement impose aux règlements des assemblées de garantir le droit d'expression de tous les groupes parlementaires, en particulier celui des groupes d'opposition et des groupes minoritaires.

En tout état de cause, une fois écoulé le temps de parole, les amendements qui n'ont pu être présentés en séance seraient obligatoirement mis aux voix.

Enfin, à l'initiative de M. Thierry Mariani contre l'avis de la commission mais avec l'avis de sagesse du Gouvernement, les députés ont également souhaité, sous la forme d'un article additionnel 13 ter , donner la possibilité aux règlements des assemblées, dans le cas où ils impartissent des délais pour l'examen d'un texte, de déterminer les conditions dans lesquelles la parole peut être donnée, à l'issue du vote du dernier article du texte, pour une durée limitée et en dehors de ces délais, à tout parlementaire qui en fait la demande pour une explication de vote personnelle.

Les professeurs de droit constitutionnel entendus par votre commission se sont montrés plutôt favorables au dispositif proposé par l'article 13 du projet de loi organique. Ainsi, le professeur Guy Carcassonne a souligné le caractère dissuasif du seul énoncé de la règle prévue par cet article. Il a considéré que l'obstruction, si elle était souvent provoquée par l'attitude du Gouvernement, ne grandit pas l'opposition et affaiblit le Parlement dans son ensemble ; pour lui, elle n'a jamais empêché l'adoption d'un texte et, contrairement à certaines affirmations, n'a jamais précédé mais toujours suivi une forte mobilisation sociale.

Selon le professeur Pierre Avril, l'accroissement de la production législative depuis plusieurs années implique une organisation plus systématique des débats parlementaires.

L'article 13 n'emporte aucune obligation pour les assemblées. Le Sénat ne connaît pas, dans la même mesure, les situations d'obstruction auxquelles l'Assemblée nationale peut être confrontée. Il n'est donc nul besoin pour lui de mettre en oeuvre des dispositions qu'il n'a d'ailleurs à aucun moment retenu dans son Règlement, contrairement à l'Assemblée nationale.

Ainsi, votre commission estime que les dispositions prévues par les articles 13, 13 bis et 13 ter ne devraient pas trouver d'application pour notre assemblée. Soucieuse du respect de l'autonomie de chaque assemblée, elle considère cependant qu'il n'appartient pas au Sénat de priver l'Assemblée nationale, si elle le souhaite, de la possibilité de recourir éventuellement aux dispositions autorisées par ces articles dans le cadre des garanties fixées par la loi organique.

Elle vous propose en conséquence d'adopter les articles 13, 13 bis et 13 ter sans modification .

* 48 Eugène Pierre, op. cit. n° 639.

* 49 Sénat, Séance du 23 juin 2008, compte-rendu intégral, p. 3246.

* 50 Voir le Journal officiel des débats, Assemblée nationale, troisième séance du mardi 20 janvier 2009, p. 728.

* 51 Décision n° 80-117 DC du 22 juillet 1980, Loi sur la protection et le contrôle des matières nucléaires, considérant 3.

* 52 Rapport cité p. 139.

* 53 Rapport cité p. 141.

* 54 Voir exposé général.

* 55 A titre d'exemple, la proposition de résolution n° 2013 suggérait que seuls les articles sur lesquels des amendements ont été déposés soient appelés (sur chaque amendement, outre le Gouvernement, pourraient seuls intervenir un des auteurs et un orateur d'opinion contraire pour un temps limité à 5 minutes chacun et le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond).

* 56 A l'Assemblée nationale, la clôture ne peut pas s'appliquer aux explications de vote sur l'ensemble d'un texte.

* 57 Article 43 bis du Règlement.

* 58 Le dernier tour étant toujours laissé « à un adversaire du projet ou à un orateur de la minorité ».

* 59 Dans ce cas, elle se réunissait ensuite dans une formation particulière élargie aux rapporteurs des commissions saisies au fond ou pour avis, aux orateurs inscrits et à un membre du Gouvernement, à l'exclusion des présidents des autres commissions permanentes.

* 60 Pour Marcel Prelot, le débat organisé constituait un progrès : « sans doute les délais sont souvent transgressés, mais qu'en serait-il s'il n'y avait pas de délais ? Par conséquent, même avec certains accrocs faits à l'horaire, le débat organisé est préférable en soi au régime du débat ordinaire. Pour mon compte, j'opinerai volontiers en faveur de la généralisation du débat organisé, tout débat l'étant en principe. Le débat organisé deviendrait donc la procédure de droit commun au lieu du débat illimité comme aujourd'hui. » (cours de droit parlementaire français, Institut d'études politiques, 1957-1958, p. 90).

* 61 M. Jean-Louis Debré, propositions de résolution n° s 2795 et 2796, Assemblée nationale, XII ème législature, 17 janvier 2006.

* 62 La proposition de loi constitutionnelle, déposée au Sénat le 12 juillet 2007, par M. Jean-Pierre Bel prévoyait (2 ème alinéa de l'article 26) que le « Gouvernement peut, après avis de la Conférence des présidents de l'assemblée saisie, fixer un délai pour l'examen d'un projet de loi. A l'expiration de ce délai, qui ne peut être inférieur à une semaine, l'assemblée se prononce par un seul vote sur les dispositions du texte qu'elle n'a pas encore examinées, en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement ». Cette disposition était présentée comme la contrepartie de la suppression du 3 ème alinéa de l'article 49 au sein d'un nouvel équilibre institutionnel différent de celui résultant de la révision de juillet 2008.

* 63 Sénat, compte rendu intégral des débats, séance du lundi 23 juin 2008, JO, p. 3258.

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