Rapport n° 437 (2008-2009) de M. Jean ARTHUIS , fait au nom de la commission des finances, déposé le 27 mai 2009

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N° 437

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009

Annexe au procès-verbal de la séance du 27 mai 2009

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur la proposition de loi présentée par MM. François REBSAMEN, Jean-Pierre BEL, Mme Michèle ANDRÉ, MM. Alain ANZIANI, David ASSOULINE, Bertrand AUBAN, Jean BESSON, Mme Maryvonne BLONDIN, M. Yannick BODIN, Mme Nicole BONNEFOY, M. Didier BOULAUD, Mmes Bernadette BOURZAI, Claire-Lise CAMPION, Monique CERISIER ben GUIGA, MM. Yves DAUDIGNY, Jean Pierre DEMERLIAT, Mmes Christiane DEMONTÈS, Josette DURRIEU, MM. Bernard FRIMAT, Charles GAUTIER, Didier GUILLAUME, Mme Annie JARRAUD-VERGNOLLE, M. Claude JEANNEROT, Mme Bariza KHIARI, MM. Yves KRATTINGER, Serge LAGAUCHE, Jacky LE MENN, Mme Claudine LEPAGE, MM. François MARC, Marc MASSION, Louis MERMAZ, Jean-Pierre MICHEL, Gérard MIQUEL, Robert NAVARRO, François PATRIAT, Bernard PIRAS, Mme Gisèle PRINTZ, MM. Marcel RAINAUD, Daniel RAOUL, Daniel REINER, Roland RIES, René-Pierre SIGNÉ, Jean-Pierre SUEUR, Mme Catherine TASCA, MM. Michel TESTON, René TEULADE, Jean-Marc TODESCHINI, Mme Dominique VOYNET et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, visant à créer une contribution exceptionnelle de solidarité des entreprises ayant réalisé des bénéfices records ,

Par M. Jean ARTHUIS,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Alain Lambert , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, André Ferrand, Jean-Pierre Fourcade, Christian Gaudin, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Gérard Longuet, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, Henri de Raincourt, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera.

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

363 (2008-2009)

EXPOSÉ GÉNÉRAL

La proposition de loi visant à créer une contribution exceptionnelle de solidarité des entreprises ayant réalisé des bénéfices records sera discutée en séance publique le 4 juin 2009, à l'occasion de la séance mensuelle réservées aux initiatives des groupes politiques d'opposition et des groupes minoritaires des assemblées, selon les nouvelles dispositions de l'article 48, alinéa 5 de la Constitution.

A l'instar des deux autres propositions de loi renvoyées à votre commission dans ce cadre 1 ( * ) , ce texte se présente comme une réaction face à la crise financière et économique actuelle. L'objectif principal est, dans un souci de justice sociale et d'équité, de mettre davantage à contribution les entreprises, qui dans la conjoncture actuelle, parviennent à être bénéficiaires, afin de faire face à la dégradation des finances publiques et la nécessité de financer des mesures de relance.

Par cette proposition de loi, notre collègue François Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, mettent l'accent sur une question aussi importante que délicate. Toutefois, les solutions préconisées apparaissent , à votre rapporteur, inadaptées : jeter l'anathème sur certaines entreprises en temps de crise est inopportun car il est primordial d'une part, de ne pas fragiliser davantage l'activité économique et d'autre part, de préserver toutes les marges de compétitivité qui seront indispensables à notre économie à la fin de la crise.

En outre, votre rapporteur souhaite souligner que votre commission, ainsi que le Sénat dans votre ensemble, se sont déjà prononcés sur les mesures présentées par cette proposition, celle-ci ne faisant que regrouper des initiatives antérieures :

- les articles 1er et 2 , relatifs une modification des taux de l'impôt sur les sociétés (IS), reprennent des amendements discutés lors de l'examen des dernières lois de finances ;

- l' article 3 , dont l'objectif est de créer une contribution exceptionnelle des grandes entreprises pétrolières, a été en partie discuté par le Sénat le 7 mai dernier à l'occasion d'une question orale avec débat sur la contribution exceptionnelle de solidarité des grandes entreprises du secteur de l'énergie ;

- l' article 4 , qui prévoit notamment, à titre de « gage », l'abrogation du « bouclier fiscal », a été débattu cette année lors de la discussion en séance publique de la proposition de loi tendant à abroger le bouclier fiscal et à moraliser les pratiques de rémunération des dirigeants.

I. LA PROPOSITION DE LOI A POUR EFFET D'ALOURDIR LA FISCALITÉ DES ENTREPRISES EN FONCTION DES BÉNÉFICES RÉALISÉS ET DISTRIBUÉS

A. FISCALITÉ DES ENTREPRISES : LA FRANCE DÉJÀ MAL PLACÉE

Votre rapporteur rappelle que votre commission a déjà souligné à de nombreuses reprises la dégradation de la position française face à l'intensification de la concurrence fiscale en matière d'impôt sur les bénéfices , notamment au sein de l'Union européenne. La quasi-totalité des membres ont engagé des politiques de renforcement de la compétitivité de leurs territoires, en améliorant leur attractivité fiscale par une baisse du taux nominal d'impôt sur les sociétés.

Selon une étude du cabinet KPMG publiée en septembre 2008 2 ( * ) , la moyenne internationale des taux d'impôt sur les bénéfices des entreprises est, en 2008, de 25,9 %, l'Union Européenne ayant un taux moyen de 22,3 % . Pour la première fois, aucun des pays étudiés n'a, en 2008, procédé à une augmentation de l'imposition des bénéfices, les moyennes mondiales et régionales étant toutes en diminution.

La France est en 2008, avec la Belgique, le pays qui taxe le plus le bénéfice des entreprises parmi les 27 pays de l'Union européenne. En 2004, cinq pays détenaient un taux nominal d'imposition plus élevé que le taux d'impôt sur les sociétés français. En quatre ans, le taux d'imposition moyen au sein de l'Union européenne à quinze a diminué de 4,1 points, alors que le taux français ne baissait que d'un point.

Le tableau ci-dessous présente une comparaison du taux français avec ceux des autres Etats membres de l'Union Européenne.

Taux d'imposition des bénéfices des entreprises - 2008

Pays

Taux d'imposition sur les bénéfices 2008

Taux d'imposition sur les bénéfices 2004

Pays

Taux d'imposition sur les bénéfices 2008

Taux d'imposition sur les bénéfices 2004 (ou 2005 *)

France

33,33 %

34,33 %

Bulgarie

10 %

15 %*

Autriche

25 %

34 %

Croatie

20 %

20 %

Allemagne

29,51 %

38,29 %

Chypre

10 %

15 %

Belgique

33,99 %

33,99 %

Rep. Tchèque

21 %

28 %

Danemark

25 %

30 %

Estonie

21 %

24 %*

Espagne

30 %

35 %

Hongrie

16 %

16 %

Finlande

26 %

29 %

Lettonie

15 %

15 %*

Grèce

25 %

35 %

Lituanie

15 %

15 %*

Irelande

12,5 %

12,5 %

Pologne

19 %

19 %

Italie

31,4 %

37,25 %

Roumanie

16 %

25 %

Luxembourg

29,63 %

30,38 %

Slovaquie

19 %

19 %

Portugal

25 %

27,5 %

Slovénie

22 %

25 %

Pays Bas

25,5 %

34,5 %

UE 27

22,3 %

Royaume-Uni

28 %

30 %

Suède

28 %

28 %

UE 15

27,2 %

31,3 %

Source : sur la base de KPMG's Corporate and indirect tax rate survey

B. L'IMPACT DES MESURES DU TEXTE SUR LE TAUX DE L'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS

La présente proposition de loi comporte quatre articles dont trois ont pour conséquence de modifier expressément le taux de l'impôt sur les sociétés (IS)

La contribution exceptionnelle de solidarité pour certaines entreprises bénéficiaires représenterait une augmentation du taux d'IS de 1,66 point ( article 1 ).

La modulation du taux de l'IS en fonction de la politique de distribution de dividendes ( article 2 ) pourrait représenter une majoration ou une minoration de 3,33 points pour les sociétés imposées au taux de droit commun, soit 33,33 %.

La surtaxe applicable au secteur pétrolier ( article 3 ) représenterait quant à elle une augmentation de l'imposition de 13,33 points .

Ainsi, une grande entreprise pétrolière ayant dégagé en 2008 des bénéfices en hausse de plus de 10 % et dont le taux de distribution de dividendes est supérieur à 60 % de son résultat imposable, verrait son taux d'IS passer de 34,43 % à 52,75 %.

Bilan des mesures de la proposition de loi

Entreprises PME (1)

CA < 50 millions d'euros

Entreprises

CA > 50 M€

Entreprises

0 <CA< 7,63M€

Entreprises

7,63<CA > 50M€

Impôt sur les sociétés (IS)

15 %

(dans la limite de 38.120 euros de bénéfice imposable)

33,33 %

33,33 %

Contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés de 3,3 %

1,1 %

(si IS > 763.000€)

1,1 %

(si IS > 763.000€)

Taux actuel d'imposition sur les sociétés

15 %

33,33 %

ou

34,43 %

33,33 %

ou

34,43 %

Contribution exceptionnelle de solidarité (article 1)

1,66 %

Modulation IS (article 2)

+/- 1,5 %

+/- 3,33 %

+/- 3,33 %

Tauxproposé d'imposition des sociétés

13,5 %

à

16,5 %

31,1 %

à

37,76 %

32,76 %

à

39,42 %

Surtaxe secteur énergie (article 3)

13,33 %

13,33 %

13,33 %

Taux proposé d'imposition des sociétés « pétrolières »

26,83 %

à

29,83 %

44,43 %

à

51,09 %

46,09 %

à

52,75 %

(1) au sens communautaire, c'est-à-dire dont le chiffre d'affaires est inférieur à 50 millions d'euros et qui emploient moins de 250 salariés.

Source : Commission des finances

II. UNE PÉNALISATION INOPPORTUNE ET PRÉJUDICIABLE AU DYNAMISME DE L'ECONOMIE FRANÇAISE

A. UNE DÉGRADATION DE LA COMPÉTITIVITÉ FRANÇAISE, UN ACCROISSEMENT DES RISQUES DE DÉLOCALISATION

L'alourdissement de la fiscalité envoie un signal négatif aux acteurs économiques et aux investisseurs, ce qui en temps de crise n'est pas opportun. L'augmentation de la fiscalité, en particulier sur les entreprises qui affichent des bénéfices, apparaît à votre rapporteur doublement préjudiciable aujourd'hui.

D'une part, sur le court terme , elle fragilise la situation des entités qui résistent le mieux à la crise et jette l'opprobre sur des entreprises qui, faut-il le rappeler, soutiennent l'économie.

Sur ce point, votre commission des finances et votre rapporteur se sont félicités lors des dernières lois de finances rectificatives que le gouvernement n'ait pas procédé à des ajustements afin de compenser les moins-values fiscales attendues 3 ( * ). De même, votre commission a appelé à un moratoire fiscal en 2009 et 2010 afin de prendre en compte la fragilisation des équilibres économiques et sociaux par la crise actuelle.

D'autre part, sur le moyen et long termes, l'augmentation de la fiscalité risquerait de réduire les marges de compétitivité de notre économie alors même que la sortie de crise et notre capacité de « résilience » sont en partie tributaires de cette compétitivité.

Votre commission a, à maintes reprises, souligné qu'il était certes nécessaire d'adopter des mesures conjoncturelles face à la crise mais qu'il convenait également de « penser à l'après crise » et au dynamisme à long terme de l'économie française. A cet égard le plan de relance français, axé sur l'investissement, présente un double avantage, puisque tout en permettant de soutenir le carnet de commandes des entreprises et donc de soutenir l'activité à court terme, il n'est pas sans conséquence sur le renforcement structurel de notre économie via l'amélioration des infrastructures de notre pays.

Il est ainsi primordial de préserver toutes les marges de compétitivité existantes, ce qui inclut de maintenir sur notre territoire des entreprises dynamiques et de prévenir les délocalisations. Or si la fiscalité n'explique pas toutes les raisons qui conduisent les entreprises sur tel ou tel territoire, elle constitue un facteur décisif. Dans cette perspective, l'idée, au demeurant récurrente, de surtaxer les profits des entreprises pétrolières est particulièrement inopportune, compte tenu du caractère fortement concurrentiel et internationalisé de ce secteur d'une part et du montant des investissements de ces entreprises d'autre part.

B. UNE COMPLEXIFICATION SUPPLÉMENTAIRE DU SYSTÈME FISCAL

L'application des mesures proposées ajouteraient en outre de la complexité à un système d'ores et déjà peu lisible.

Ainsi devrait-on non seulement distinguer les entreprises dont le chiffre d'affaires est de moins de 7,63 millions d'euros, dont l'IS est supérieur à 763.000 euros, mais aussi les entreprises qui ne sont pas des PME au sens communautaire mais qui réalisent des bénéfices dont la croissance annuelle est supérieure à 10 %, les entreprises qui réinvestissent leurs profits, celles qui distribuent leurs profits, celles qui appartiennent au secteur pétrolier....

Ces micro-régimes, qui se superposeraient à l'ensemble des « niches fiscales », sont contraires à la position de votre commission qui milite depuis plusieurs années pour un abaissement général du taux nominal de l'impôt sur les sociétés combiné à un élargissement de l'assiette de l'impôt par la suppression desdites niches fiscales.

C. UNE EFFICACITÉ INCERTAINE

La proposition de loi a notamment pour objectif d'accroître l'effort de contribution fiscale de certaines entreprises afin de répondre à des besoins de financements devenus très importants compte tenu de la crise actuelle. Elle cherche également à inciter les entreprises à renforcer leurs fonds propres

Toutefois, le rendement et l'efficacité de certaines mesures proposées sont incertains.

1. Le champ restreint, voire inexistant en 2010, des redevables de la contribution exceptionnelle de solidarité

La contribution exceptionnelle de solidarité concerne des entreprises qui réalisent des bénéfices en hausse de plus de 10 % par rapport à l'exercice précédent.

Or au vu des résultats publiés pour le premier trimestre 2009 par certaines grandes entreprises françaises, on peut s'interroger sur le nombre d'entreprises qui seront en mesure d'afficher des bénéfices à deux chiffres pour l'année 2009. Si tel était le cas, la mesure aurait non seulement le tort de présenter les inconvénients ci-dessus présentés mais aussi celui de ne pas apporter de recettes supplémentaires à l'Etat.

2. L'action sur le taux de distribution des entreprises : un levier et des modalités inadéquats

La proposition de modulation de l'IS en fonction de la politique de distribution des bénéfices des entreprises, aussi intéressante soit-elle, ne permettrait ni un renforcement significatif des fonds propres des entreprises (objectif premier), ni une augmentation de recettes fiscales (objectif de second rang).

La mesure proposée par l'article 2 repose sur la distinction entre profits distribués et profits réinvestis , c'est-à-dire soit mis en réserve soit incorporés en capital. Le taux de l'impôt sur les sociétés serait majoré de 10 % dès lors que l'entreprise distribue plus de 60 % de ses bénéfices imposables , et minoré de 10 % lorsque, a contrario , elle réinvestit 60 % et plus de ces derniers.

Modulation du taux de l'IS en fonction du taux de distribution* des dividendes
(article 2 la proposition de loi)

Taux de distribution < 40 %

40 % < taux de distribution< 60 %

Taux de distribution > 60 %

Taux IS : - 10 %

Taux IS : inchangé

Taux d'IS : + 10 %

* selon l'article 2 de la proposition de loi : montant des dividendes /bénéfice imposable

Le système proposé par la proposition de loi peut apparaître séduisant, et ce d'autant plus que le rapport remis au Président de la République le 13 mai 2009 par M. Jean-Philppe Cotis 4 ( * ) souligne que la part des dividendes dans la valeur ajoutée a sensiblement augmenté au cours de ces dernières années

Toutefois, cette proposition est inopérante et non incitative .

D'une part, ce dispositif serait particulièrement opportun si la distinction profits distribués / profits réinvestis avait un sens pour le plus grand nombre des entreprises établies sur notre territoire, mais ce n'est pas le cas. Comme le souligne le rapport précité, le nombre d'entreprises qui distribuent des dividendes est in fine restreint : en 2006, 16,4 % des PME ont distribué des dividendes, cette proportion étant de 30,6 % pour les entreprises de taille intermédiaire et de 41 % pour les grandes entreprises.

Par conséquent, moduler le taux de l'IS en fonction de la politique de distribution des dividendes ne permettrait pas de renforcer significativement les fonds propres des entreprises, et notamment celles qui en ont le plus besoin, à savoir les petites et moyennes entreprises.

D'autre part, ce dispositif serait intéressant si ses modalités d'application revêtaient un réel caractère incitatif pour les entreprises potentiellement concernées. Or, la référence au bénéfice imposable , et non au résultat net, dans le calcul du taux de distribution conduit à un dispositif peu opérationnel , puisque très rares seraient les sociétés à dépasser un taux de distribution supérieur à 60 % dans la mesure où cela signifierait qu'elles distribuent la quasi-totalité de leur résultat net.

En outre, l'examen des taux de distribution des grandes entreprises françaises montre que la mesure proposée aurait peu d'impact puisque la moyenne du taux de distribution (montant des dividendes nets /bénéfice net) en 2007 des entreprises privées du CAC 40, était de 40,56 %.

Ce taux, calculé sur la base du bénéfice net, serait moindre si la référence retenue était le bénéfice imposable . Ainsi, il apparaît que l'application de l'article 2 n'aurait pas d'effet sur la politique de distribution des dividendes des entreprises, puisque celles-ci ont d'ores et déjà des taux qui leur permettraient de bénéficier d'un taux minoré d'IS (effet d'aubaine), ou d'un maintien de ce taux.

Taux de distribution des grandes entreprises privées

En millions d'Euros

CA 2007

Pay-Out Ratio (1) 2006

Pay-Out Ratio(1) 2007

Etat Non Actionnaire

Accor

8 025

131,94%

81,99%

Air France-KLM

Air Liquide

11 801

49,59%

49,07%

Alcatel-Lucent

17 800

Alstom

ArcelorMittal en EUR*

72 407

41,08%

20,19%

ArcelorMittal en USD

105 500

Axa

93 633

43,62%

43,63%

BNP Paribas

31 037

39,56%

38,79%

Bouygue

29 613

32,10%

37,06%

Capgemini

8 703

34,47%

32,95%

Carrefour

82 148

31,83%

33,10%

Crédit Agricole

16 768

38,21%

49,55%

Danone

12 776

35,48%

13,50%

Dexia

6 896

34,25%

41,96%

EADS

39 100

97,98%

-21,90%

EDF

59 600

37,70%

41,65%

Essilor

2 908

34,42%

34,88%

France Télécom

52 959

75,31%

53,84%

Gaz de France

27 427

47,08%

50,16%

Lafarge

17 614

37,97%

41,07%

Lagardère

8 582

56,01%

32,62%

L'Oréal

17 063

34,50%

31,74%

LVMH

16 481

35,18%

38,42%

Michelin

16 867

36,36%

29,72%

Pernod-Ricard

PPR

19 761

56,20%

47,94%

PSA Peugeot Citroën

60 613

Renault

40 682

30,08%

39,49%

Saint-Gobain

43 421

37,94%

50,98%

Sanofi-Aventis

28 052

59,01%

39,77%

Schneider Electric

17 308

51,17%

51,11%

Société Générale

21 923

44,49%

44,35%

STMicroelectronics EUR*

6 864

Suez

47 475

41,98%

44,28%

Total

158 752

38,32%

37,58%

Unibail

771

Vallourec

6 140

57,25%

59,13%

Veolia Environnement

32 628

55,36%

59,48%

Vinci

30 428

52,35%

33,74%

Vivendi

21 657

34,39%

57,68%

Moyenne

45,54%

40,56 %

*Converti au cours moyen mensuel BDF de décembre 2007

(1) Montant des dividendes nets/ bénéfice net

Source : RICOL, LASSEYRIE & Associés, avril 2008

En conclusion, la modulation de l'IS en fonction de la politique de distribution n'apparaît pas comme le mécanisme idoine pour renforcer les fonds propres des entreprises, notamment les petites et moyennes entreprises. A ce sujet, votre rapporteur estime que la consolidation du capital des PME passe davantage par une modification du dispositif de réduction d'impôt de solidarité sur la fortune 5 ( * ) .

*

* *

Compte tenu de ces observations, la commission n'a pas établi de texte. En conséquence, en application de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique portera sur le texte de la proposition de loi .

EXAMEN DES ARTICLES

ARTICLE 1er (Art. 235 ter ZB [nouveau] du code général des impôts) - Création d'une contribution exceptionnelle de solidarité sur les entreprises bénéficiaires

Commentaire : le présent article vise à créer, entre 2009 et 2011, une contribution exceptionnelle de solidarité pour les entreprises qui dégagent des bénéfices au moins supérieurs de 10 % à ceux de l'année précédente.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE CONTRIBUTION TEMPORAIRE DE SOLIDARITÉ SUR LES ENTREPRISES BÉNÉFICIAIRES

Afin de créer la contribution exceptionnelle de solidarité, le présent article propose de modifier le code général des impôts (CGI) en insérant un article 235 ter ZB au sein du chapitre III du titre 1 er du code général des impôts relatif aux taxes diverses.

A. LE CHAMP DES REDEVABLES DE LA CONTRIBUTION

1. Les personnes morales assujetties à l'impôt sur les sociétés et qui réalisent des bénéfices

Les personnes redevables de cette nouvelle contribution sont les personnes morales assujetties à l'impôt sur les sociétés, qui réalisent des bénéfices supérieurs d'au moins 10 % à ceux de l'exercice précédent.

Le premier alinéa du présent article dispose ainsi que « les personnes morales sont assujetties, dans les conditions prévues aux II à V de l'article 235 ter ZA, à une contribution exceptionnelle de solidarité égale à une fraction de l'impôt sur les sociétés calculé sur leurs résultats imposables quand ceux-ci font apparaître des bénéfices supérieurs à 10 % à ceux de l'exercice précédent (...). »

L'article 235 ter ZA relatif à la contribution sur l'impôt sur les sociétés, dont les dispositions sont au demeurant abrogées depuis 2006, précisait :

- dans son II, que, pour les sociétés placées sous le régime de l'intégration fiscale (article 223 A du CGI), la contribution était due par la société mère ;

- dans son III, que, pour les sociétés agréées au régime au régime du bénéfice mondial consolidé (article 209 quinquies du CGI), la contribution était calculée d'après le montant de l'IS qui aurait été dû en l'absence d'application de ce régime ;

- dans son III bis , que les sociétés d'investissement immobiliers cotées n'étaient pas assujetties à la contribution sur les plus-values ;

- dans son IV, que les crédits d'impôt et n'étaient pas imputables sur la contribution ;

- dans son V, que la contribution était établie et contrôlée comme l'IS.

2. L'exclusion des PME

Le troisième alinéa du présent article dispose que cette contribution exceptionnelle n'est pas due par les petites et moyennes entreprises , c'est-à-dire les personnes morales ayant réalisé un chiffre d'affaires de moins de 50 millions d'euros, qui occupent moins de 250 salariés et dont le capital doit être détenu de manière continu, pour 75 % au moins, par des personnes physiques ou par une société répondant aux mêmes conditions. A cet égard, le présent article reprend la définition communautaire de la PME.

B. ASSIETTE, MONTANT ET DURÉE DE LA CONTRIBUTION

La contribution est assise sur la totalité de la cotisation brute d'impôt sur les sociétés, à savoir l'impôt dû avant imputation des éventuels crédits d'impôts et l'impôt résultant des éventuelles plus-values à long terme réalisées au cours de la période d'imposition.

Cette contribution serait temporaire , et serait due entre le 1 er janvier 2009 et le 31 décembre 2011.

Son montant serait égal à :

- 5 % du montant de l'IS dû pour les exercices clos ou la période d'imposition arrêtée entre le 1 er janvier 2009 et le 31 décembre 2010 ;

- 2,5 % du montant de l'IS dû pour les exercices clos ou la période d'imposition arrêtée entre le 1 er janvier 2011 et le 31 décembre 2011 inclus .

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur est défavorable à l'instauration d'une fiscalité d'exception sur les entreprises qui parviennent à être bénéficiaires alors même que le contexte économique et financier est particulièrement défavorable.

Appliquer le présent article revient à envoyer aux acteurs économiques et aux investisseurs un message négatif et ce d'autant plus que le caractère temporaire de la mesure n'est pas, au vu des expériences passées, un argument de nature à rassurer les futurs redevables.

La mise en oeuvre de cet article élèverait le taux marginal de l'impôt sur les sociétés de 1,66 point pour les entreprises qui ne sont pas des PME 6 ( * ) et qui réaliseront entre 2009 et 2011 des bénéfices en hausse de plus de 10 % par rapport à l'année précédente. Cette augmentation de la fiscalité dans le contexte actuel est inopportune : à court terme, elle est préjudiciable au soutien de l'activité économique. A long terme, elle fragilise la compétitivité de notre économie qui supporte déjà des taux de prélèvements obligatoires élevés comparé à nos voisins européens.

En outre, ce dispositif conduirait à des effets de seuils inopportuns entre les entreprises en fonction du taux de croissance annuel de leurs bénéfices . Il convient également de noter que la présente mesure ne tient pas compte de la valeur absolue des bénéfices réalisés, les entreprises ayant une croissance à deux chiffres de leur résultat n'étant pas nécessairement celles qui réalisent les bénéfices plus importants.

Au demeurant, on peut s'interroger sur le rendement de ce dispositif. Au regard des publications des résultats des entreprises au premier trimestre 2009, il est fort probable que le dispositif ne puisse dans les faits s'appliquer l'année prochaine. Cette situation est doublement critiquable puisque l'absence de recettes fiscales supplémentaires se doublerait d'une dégradation de « l'image fiscale » de la France .

En conséquence, et compte tenu des observations figurant dans l'exposé général, votre commission n'a pas adopté l'article premier de la proposition de loi.

ARTICLE 2 (Art. 219 du code général des impôts) - Modulation du taux de l'impôt sur les sociétés en fonction de l'affectation des bénéfices réalisés par les entreprises

Commentaire : le présent article a pour objet de moduler le taux de l'impôt sur les sociétés afin de privilégier les entreprises qui affectent plus de 60 % de leurs bénéfices réalisés au renforcement de leurs fonds propres.

I. UN DISPOSITIF QUI N'A PAS FAIT SES PREUVES ENTRE 1997 ET 2001

A. LA RÉDUCTION DU TAUX DE L'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS POUR LES PME RENFORÇANT LEURS FONDS PROPRES PRÉVUE PAR LA LOI DE FINANCES POUR 1997

L'article 10 de la loi n° 96-1181 du 30 décembre 1996 de finances pour 1997 a créé un dispositif de taxation à taux réduit des bénéfices incorporés aux fonds propres des petites et moyennes entreprises afin d'encourager celles-ci à s'engager dans un effort régulier d'augmentation de leurs fonds propres.

Codifié au f du I de l'article 219 du code général des impôts, cet avantage était réservé aux PME réalisant un chiffre d'affaires inférieur à 7,63 millions d'euros et prenait la forme d'une réduction du taux de l'impôt sur les sociétés (IS), de 33,33 % à 19 %, sur les bénéfices incorporés au capital de l'entreprise dans la limite de 30.000 euros ou de 25 % du bénéfice comptable ou du résultat fiscal. L'option de taxation réduite était ouverte pour trois exercices bénéficiaires.

B. L'ECHEC D'UN DISPOSITIF QUI A ÉTÉ SUPPRIMÉ EN 2001

Ce dispositif a été supprimé par la loi de finances pour 2001 suite au constat de « son succès très relatif » 7 ( * ) . Ceci s'explique notamment par la complexité de l'application de cette mesure aussi bien pour les entreprises (contraintes lourdes d'incorporation au capital) que pour l'administration fiscale (surveillance sur plusieurs années et par conséquent possibilité de remettre en cause l'avantage ainsi consenti).

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose de modifier l'article 219 du code général des impôts en ajoutant un alinéa qui précise que :

- « les taux » d'imposition fixés par l'article 219 du code général des impôts seraient modulés en fonction de l'affectation du bénéfice imposable : la rédaction du présent article laisse à penser que la variation porterait non seulement sur le taux d'imposition du bénéfice imposable, mais également sur le taux d'imposition des plus values à long terme ;

- les taux sont diminués d'un dixième lorsqu'au moins 60 % du bénéfice imposable est mis en réserve ou incorporé au capital ;

- ils sont en revanche majorés d'un dixième lorsque moins de 40 % du bénéfice imposable est affecté au renforcement des fonds propres de l'entreprise ;

- les sommes ou valeurs attribués aux actionnaires au titre de rachat de leurs actions , seraient, de manière dérogatoire à l'article 112 du code général des impôts, considérées comme des revenus distribués .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur est défavorable à cet article dans la mesure où il estime que l'arbitrage entre ce qui doit être mis en réserve afin d'alimenter l'autofinancement, et ce qui doit être distribué sous forme de dividendes afin d'assurer une juste rémunération des associés en fonction du risque pris, relève de l'entière responsabilité des organes sociaux de l'entreprise.

La neutralité de la fiscalité sur ce point est souhaitable , et ce d'autant plus que la distribution de dividendes est pour une large part une manifestation de la bonne gestion de l'entreprise . En période de croissance, il est ainsi normal que les sociétés rétribuent substantiellement les actionnaires pour leur prise de risque, comme cela a été le cas de 2004 à 2008.

En revanche, la crise actuelle devrait conduire, comme le souligne le rapport de M. Jean-Philippe Cotis relatif au partage de la valeur ajoutée 8 ( * ) , nombre de sociétés à réduire leurs dividendes, ou à les supprimer pour celles qui auront moins su anticiper les difficultés. Ainsi peut-on prendre l'exemple de Vallourec dont le taux de distribution a diminué de 25,93 points entre 2007 et 2008 compte tenu de la crise financière et économique actuelle.

Au demeurant, même si certaines sociétés maintiennent une distribution de dividendes élevée alors même que leurs résultats reflètent les difficultés actuelles, on peut se demander dans quelle mesure il n'est pas légitime qu'une entreprise « rassure » ses actionnaires et les remercie de leur maintien au capital en temps de crise.

Pour ces raisons, votre rapporteur estime que la neutralité de la politique fiscale sur la politique de distribution est opportune.

En outre, au vu du nombre de sociétés françaises qui distribuent des dividendes et du taux de distribution constaté ces deux dernières années, les conditions d'application de cet article ne favoriseraient pas nécessairement le renforcement des fonds propres des entreprises d'une part, et pourraient même conduire, par un effet d'aubaine, à une diminution des recettes fiscales compte tenu de l'augmentation probable du nombre de sociétés ayant un taux de distribution inférieur à 40 % ( cf. infra ).

Enfin , il convient de noter que, mis à part le cas de l'Estonie, aucun pays de l'OCDE ne pratique, en matière d'imposition des bénéfices des entreprises, une distinction entre les profits distribués et les profits réinvestis . Plus particulièrement, l'Allemagne a, lors de la dernière réforme sur l'impôt sur les sociétés, abandonné cette double référence, et choisi un taux nominal unique et faible, auquel s'ajoutent une contribution de solidarité et des taxes locales.

En conséquence, et compte tenu des observations figurant dans l'exposé général, votre commission n'a pas adopté l'article 2 de la proposition de loi.

ARTICLE 3 (Art. 235 ter ZB bis [nouveau] du code général des impôts) - Création d'une contribution exceptionnelle de solidarité pour les entreprises du secteur pétrolier

Commentaire : le présent article vise à créer une surtaxe pour les entreprises pétrolières.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE SURTAXE DE 40 % POUR LES ENTREPRISES PÉTROLIÈRES

Afin de créer la contribution exceptionnelle de solidarité pour les entreprises pétrolières, le présent article propose de modifier le code général des impôts (CGI) en insérant un article 235 ter ZB bis au sein du chapitre III du titre 1 er du code général des impôts relatif aux taxes diverses.

A. LES REDEVABLES DE LA CONTRIBUTION

A compter du 1 er janvier 2009 , « les sociétés dont l'objet principal est d'effectuer la transformation du pétrole brut ou de distribuer les carburants issus de cette transformation » seraient soumises à une contribution supplémentaire sur leur IS.

La définition du champ de redevables reprend les termes de l'article 67 de la loi n°2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007 instituant une « prime à la cuve » financée par une taxe exceptionnelle sur la provision pour hausse des prix des sociétés pétrolières.

B. LES MODALITÉS DE LA CONTRIBUTION

Cette nouvelle contribution imposée aux entreprises pétrolières serait égale à 40 % de l'impôt sur les sociétés , soit une majoration de l'IS de 13,33 points pour les entreprises imposées au taux de droit commun.

Cette contribution due à compter du 1 er janvier 2009 serait, compte tenu de la rédaction de l'article, permanente.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur est défavorable à l'instauration d'un dispositif consistant à surtaxer les entreprises pétrolières de manière permanente , Il convient de noter que celles ci font régulièrement l'objet d'amendements tendant à alourdir leur fiscalité.

Toutefois, il n'est pas opportun de mettre en place un système d'imposition particulier du secteur pétrolier, qui, dans les conditions proposées par le présent article, représenterait un alourdissement très significatif de leur fiscalité, Ceci est d'autant plus vrai que contrairement au dispositif de l'article 1 er de la présente proposition de loi, cette surtaxe n'est ni temporaire, ni corrélée avec la croissance des bénéfices.

Comme cela a été développé ci-dessus, la fiscalité des entreprises en France est d'ores et déjà élevée, comparée à nos voisins européens, Or, les entreprises pétrolières participent pleinement au dynamisme de notre économie ; il serait donc particulièrement inopportun d'accroître les risques de délocalisation s'agissant de sociétés déjà fortement internationalisées.

En outre, il convient d'examiner les profits de ce secteur avec prudence . D'une part, ces entreprises réalisent majoritairement leurs profits hors de notre territoire , ce qui complexifie la lecture de leur imposition. D'autre part, les entreprises pétrolières font face à des besoins d'investissements considérables compte tenu de l'épuisement des réserves et de la nécessité de développer des énergies alternatives alors même que la demande globale d'énergie reste forte. Ainsi, lors de son audition le 25 avril 2007 par la mission d'information sur les centres de décision économique, M. de Margerie, directeur général du groupe Total, a particulièrement souligné l'importance croissante des budgets d'investissement des compagnies pétrolières au regard des résultats de ces entreprises. S'agissant du groupe Total, l'effort d'investissement en 2009 s'élèverait à environ 14 milliards d'euros, soit à peu près le montant de son résultat net pour 2008, qui s'est établi à 13,9 milliards d'euros 9 ( * ) ,

Enfin, votre rapporteur souhaite souligner que le champ du présent article est particulièrement restreint par rapport à la question orale avec débat, déposée également par notre collègue François Rebsamen et discutée en séance publique au Sénat le 7 mai dernier : cette dernière concernait une contribution exceptionnelle mise à la charge de l'ensemble des grandes entreprises du secteur de l'énergie. En effet, les entreprises pétrolières appartiennent au secteur plus large de l'énergie et en tout état de cause, il ne serait pas justifié de réserver un traitement propre, voire arbitraire, au secteur pétrolier.

En conséquence, et compte tenu des observations figurant dans l'exposé général, votre commission n'a pas adopté l'article 3 de la proposition de loi.

ARTICLE 4 - Compensation financière

Commentaire : afin de compenser une perte éventuelle de recettes fiscales pour l'Etat, le présent article prévoit quatre gages dont l'abrogation de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.

L'article 40 de la Constitution du 4 octobre 1958 dispose que « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique. »

Contrairement à la création ou l'aggravation d'une charge publique nouvelle, la diminution de ressources publiques peut être compensée par un gage 10 ( * ) .

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Afin de gager les éventuelles pertes de recettes fiscales qui pourraient résulter de la mise en oeuvre de l'article 2 de la présente proposition de loi, l'article 4 propose quatre types de gage :

- une augmentation des droits sur les tabacs (4° de l'article), dispositif habituel ;

- les recettes dégagées par l'application des articles 1 er et 3 de la proposition et qui alourdissent la fiscalité d'entreprise (3° de l'article) ;

- l'abrogation de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi « TEPA » (2° de l'article) ;

- la suppression de l'indexation automatique de l'impôt sur la fortune (ISF) (1° de l'article).

Il convient de noter que l'application de l'article 2 de la présente proposition de loi pourrait déboucher sur une diminution des recettes fiscales dans l'hypothèse où un grand nombre d'entreprises affecteraient plus de 60 % de leurs bénéfices au renforcement de leurs fonds propres, et bénéficieraient ainsi d'une diminution de leur taux d'impôt sur les sociétés.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur étant défavorable aux articles précédents, il est également défavorable aux présentes dispositions et ce d'autant plus qu'elles ne sont pas simplement formelles :

- ainsi, la suppression de l'indexation automatique de l'ISF est particulièrement inopportune puisque cela aurait pour conséquence à long terme de soumettre une part croissante de la population à l'ISF alors qu'elle n'a pas vocation à y être ;

- de même la suppression de la loi dite « TEPA » aurait pour conséquence une remise en cause de la politique économique actuelle, Or votre rapporteur et votre commission partagent les objectifs de cette dernière.

Il convient de rappeler que la loi dite « TEPA » a notamment instauré la défiscalisation des heures supplémentaires, encouragé l'accession à la propriété, allégé les droits de succession et de donation, amélioré le financement des PME et des organismes d'intérêt général, et mis en place le bouclier fiscal.

Sur ce dernier point, votre rapporteur rappelle toutefois qu'il est favorable à la suppression du « bouclier fiscal » sous réserve toutefois qu'elle s'inscrive dans le cadre d'une réforme plus ambitieuse de notre fiscalité, qui allierait simplicité et justice sociale. Les termes d'un tel débat ont été esquissés lors de la discussion de la loi de finances rectificatives pour 2008 à l'occasion de l'examen de deux amendements de votre rapporteur 11 ( * ) : il s'agissait alors d'associer la suppression du « bouclier fiscal » à l'abrogation de l'ISF, le manque à gagner pour l'Etat devant être compensé par la création d'une tranche supplémentaire d'impôt sur le revenu.

En conséquence, votre commission n'a pas adopté l'article 4 de la proposition de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 27 mai 2009 sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M, Jean Arthuis, rapporteur, sur la proposition de loi n° 363 (2008-2009) visant à créer une contribution exceptionnelle de solidarité des entreprises ayant réalisé des bénéfices records, présentée par MM. François Rebsamen, Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés .

La commission a ensuite procédé à l' examen du rapport de M. Jean Arthuis, rapporteur , sur la proposition de loi n° 363 (2008-2009) visant à créer une contribution exceptionnelle de solidarité des entreprises ayant réalisé des bénéfices records , présentée par MM. François Rebsamen, Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Jean Arthuis , rapporteur, a tout d'abord souligné que la proposition de loi témoignait d'une préoccupation légitime, à savoir l'enraiement de la dégradation des finances publiques résultant à la fois d'une baisse des recettes fiscales et d'une augmentation des besoins de financement. Il a indiqué que le texte comporte quatre articles dont les conséquences sont de majorer, sous certaines conditions, l'impôt sur les sociétés.

Il a rappelé que la France connaît, d'ores et déjà, un des taux nominaux d'impôt sur les sociétés les plus élevés d'Europe, et que, à ce titre, la commission des finances souligne régulièrement la nécessité d'envisager une réforme de cet impôt fondée sur une diminution du taux et un élargissement de l'assiette, par abrogation notamment des multiples « niches » fiscales.

Sur la base de ce constat, il a estimé que l'alourdissement de fiscalité envisagé par la proposition de loi sur certaines entreprises serait contre-productif.

En effet, d'une part, il tend à dégrader la compétitivité de la France et accroît les risques de délocalisation, ce qui, dans la période actuelle, est particulièrement inopportun. En se focalisant sur les entreprises bénéficiaires, la proposition de loi fragilise, à court terme, une activité économique déjà affaiblie. Sur ce point, la commission des finances, qui a appelé à un moratoire fiscal en 2009, s'est félicitée, lors de la dernière loi de finances rectificative, que le Gouvernement ne procède à aucun ajustement pour compenser les moins-values fiscales attendues, soutenant ainsi indirectement l'activité par le jeu des stabilisateurs automatiques. En outre, cette augmentation de fiscalité porte atteinte à long terme à une compétitivité qui nécessite d'être maintenue afin de « réussir l'après crise ». Il s'agit ainsi de conserver sur le territoire français les entreprises dynamiques. Or, la fiscalité est un facteur décisif dans la localisation des activités.

D'autre part, la proposition de loi ajoute de la complexité à un système fiscal déjà peu lisible. Il conviendrait de distinguer non seulement les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 7,63 millions d'euros, dont l'impôt sur les sociétés est supérieur à 763 000 euros, mais aussi les entreprises qui ne sont pas des PME au sens communautaire mais qui réalisent des bénéfices supérieurs de 10 % à ceux de l'exercice précédent, les entreprises qui réinvestissent leurs profits, celles qui les distribuent, celles qui appartiennent au secteur pétrolier, etc. Ces micro-régimes, qui se superposeraient à l'ensemble des « niches fiscales », sont contraires à la position de la commission des finances qui milite depuis plusieurs années pour un dispositif simple, fondé sur un taux nominal de l'impôt sur les sociétés abaissé et une assiette de l'impôt élargie.

Enfin, l'efficacité des mesures proposées est incertaine. Le texte a pour objectif d'accroître l'effort de contribution fiscale de certaines entreprises afin de répondre à des besoins de financements en hausse compte tenu de la crise actuelle. Il cherche également à inciter les entreprises à renforcer leurs fonds propres. Toutefois, les modalités des dispositifs proposés sont inadéquates :

- le nombre de redevables de la contribution exceptionnelle de solidarité en 2010 devrait ainsi être faible. Cette contribution concerne des entreprises qui réalisent des bénéfices excédant de plus de 10 % ceux de l'exercice précédent. Or, au vu des résultats publiés pour le premier trimestre 2009 par certaines grandes entreprises françaises, le nombre d'entreprises qui seront en mesure d'afficher des bénéfices à deux chiffres pour l'année 2009 risque d'être très réduit. Si tel était le cas, la mesure aurait non seulement le tort de présenter les inconvénients énoncés plus haut mais aussi celui de ne pas apporter de recettes supplémentaires à l'Etat ;

- de même, la proposition de modulation de l'impôt sur les sociétés en fonction de la politique de distribution des bénéfices des entreprises, aussi intéressante soit-elle, ne paraît permettre ni un renforcement significatif des fonds propres des entreprises, ni une augmentation de recettes fiscales.

La mesure proposée par l'article 2 repose sur la distinction entre profits distribués et profits réinvestis, c'est-à-dire soit mis en réserve soit incorporés en capital. Le taux de l'impôt sur les sociétés serait majoré de 10 % dès lors que l'entreprise distribue plus de 60 % de ses bénéfices imposables, et minoré de 10 % lorsque, a contrario, elle réinvestit 60 % et plus de ces derniers.

M. Jean Arthuis, rapporteur, a estimé que ce dispositif est inopérant et peu incitatif. D'une part, la distinction profits distribués /profits réinvestis n'est pas applicable à l'ensemble des entreprises : seules 16,4 % des PME ont distribué des dividendes en 2006, cette proportion étant de 30,6 % pour les entreprises de taille intermédiaire et de 41 % pour les grandes entreprises. D'autre part, le dispositif n'est pas incitatif pour les entreprises potentiellement concernées. La référence au bénéfice imposable, et non au résultat net, dans le calcul du taux de distribution conduit à un dispositif non opérationnel, puisque très rares seraient les sociétés à dépasser un taux de distribution supérieur à 60 % dans la mesure où cela signifierait qu'elles distribuent la quasi-totalité de leur résultat net. Ainsi, au vu de la proposition de loi, les entreprises bénéficieraient de facto d'une minoration, ou au moins du maintien, de leur taux d'impôt sur les sociétés (IS) sans avoir pour autant à changer leur politique de distribution.

M. Jean Arthuis, rapporteur, a également observé que l'actionnaire peut avoir un intérêt à ne pas percevoir de dividendes, la mise en réserve de l'intégralité du bénéfice ayant pour conséquence d'augmenter la valeur des titres.

Il a ainsi conclu que la modulation de l'IS en fonction de la politique de distribution n'apparaît pas comme le mécanisme idoine pour renforcer les fonds propres des entreprises, notamment les petites et moyennes entreprises. Il a estimé que la consolidation du capital des PME serait mieux servie par une modification du dispositif de réduction d'impôt de solidarité sur la fortune.

M. Jean Arthuis, rapporteur, a présenté ensuite les articles :

- l' article 1 er crée une contribution exceptionnelle de solidarité de 5 % sur l'IS (soit 1,66 point) sur les entreprises qui dégagent des bénéfices excédant d'au moins 10 % ceux de l'année précédente. Outre le fait que cet article s'appuie sur des dispositions abrogées du code général des impôts, cette mesure est inopportune dans la conjoncture actuelle ;

- l' article 2 module le taux de l'impôt sur les sociétés (de plus ou moins 3,33 points) en fonction de l'affectation des bénéfices réalisés par les entreprises afin d'inciter ces dernières à renforcer leurs fonds propres. La neutralité fiscale est sur ce point souhaitable car l'arbitrage entre ce qui doit être mis en réserve afin d'alimenter l'autofinancement et ce qui doit être distribué sous forme de dividendes relève de l'entière responsabilité des organes sociaux des entreprises ;

- l' article 3 instaure une contribution exceptionnelle de solidarité pour les entreprises du secteur pétrolier. Il s'agit d'une idée récurrente. Toutefois l'application de cette mesure selon les modalités proposées constituerait un alourdissement significatif - et de surcroît permanent - de la fiscalité de ce secteur qui contribue à la compétitivité et à l'activité économique nationales. En outre, dans l'appréciation des profits dits « superprofits » de certaines sociétés, il convient de prendre en compte l'importance des budgets d'investissement de ces entités et le caractère fortement internationalisé de leur activité. Enfin, le caractère quelque peu arbitraire du périmètre de la disposition au regard de l'ensemble des entreprises relevant du secteur énergétique peut être posé ;

- l' article 4 prévoit, afin de compenser une éventuelle perte de recettes fiscales, quatre gages dont l'abrogation de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat dite loi « Tepa » et la suppression de l'indexation automatique de l'impôt de solidarité sur la fortune. Les modalités de cette compensation financière, qui ne sont pas formelles, vont à l'encontre des objectifs et des réflexions poursuivis par la commission des finances.

Pour conclure, M. Jean Arthuis, rapporteur , a proposé à la commission de ne pas établir de texte, et de rejeter un à un les articles de la proposition de loi originelle qui viendront en discussion lors de la séance publique, le 4 juin prochain, ce qui équivaudra à son rejet global.

Cet exposé a été suivi d'un débat.

M. François Rebsamen , auteur de la proposition de loi, a souligné la nécessité de prendre des mesures pour faire face à la dégradation actuelle des finances publiques qui pourrait conduire la France à la « faillite ». Réagissant à l'exposé du rapporteur, il a souligné les points suivants :

- le taux de l'IS est élevé en France. Toutefois, il convient de constater que la suppression des niches fiscales, tout comme la simplification du système d'imposition, objectifs maintes fois annoncés, n'ont reçu à ce jour aucune application ;

- l'argument de la compétitivité relève d'un discours classique ; or, en temps de crise et face à des situations exceptionnelles, il convient de prendre des mesures particulières à caractère temporaire, comme le propose l'article 1 er ;

- la modulation de l'impôt sur les sociétés en fonction de la politique de distribution des entreprises est avant tout un dispositif symbolique dont le but est d'ouvrir le débat sur la partition des bénéfices ;

- la surtaxation du secteur pétrolier est certes une idée récurrente mais elle se justifie en particulier dans la conjoncture actuelle ;

- l'abrogation de la loi dite « Tepa » s'inscrit dans la continuité des positions défendues par le groupe socialiste qui conteste l'efficacité de ses mesures et leur coût.

M. Jean Arthuis , rapporteur, a souligné le caractère légitime des préoccupations exprimées par la proposition de loi, en particulier s'agissant de la dégradation des finances publiques. Il s'est réjoui qu'un certain consensus existe sur la nécessité de réformer en profondeur l'impôt sur les sociétés, tout en soulignant le caractère délocalisable des assiettes de cet impôt et donc l'importance de ne pas porter davantage préjudice à l'attractivité fiscale nationale.

Favorable aux conclusions du rapporteur, M. Philippe Adnot a souhaité souligner que la rédaction proposée pour la contribution exceptionnelle de solidarité conduit à créer des effets de seuil inopportuns entre les entreprises en fonction du taux de croissance de leurs bénéfices. Par ailleurs, les entreprises ayant une croissance à deux chiffres de leur résultat net ne sont pas nécessairement celles qui détiennent les bénéfices les plus importants en valeur absolue.

Mme Nicole Bricq a estimé que l'argument de la compétitivité n'est pas recevable pour certaines entreprises. Elle s'est interrogée ensuite sur les statuts des propositions de loi présentées par l'opposition, regrettant que celles-ci soient considérées comme de simples pétitions. Elle a exprimé le souhait que ces propositions puissent constituer une base de travail pour la commission et faire l'objet, le cas échéant, d'amendements.

M. Jean Arthuis , rapporteur, a souligné le risque que l'intervention de la commission puisse être interprétée, par les auteurs des propositions, comme un détournement de procédure, le texte adopté par la commission et donc discuté en séance publique pouvant différer de la rédaction et des intentions initiales.

M. François Marc a insisté sur la nécessité de faire passer dans la conjoncture actuelle des messages politiques, en particulier sur le rééquilibrage de la répartition des profits. Cette dernière question constitue aujourd'hui un enjeu majeur comme l'ont démontré les débats, d'une part, sur la loi pour le développement économique de l'outre-mer et, d'autre part, sur la chaîne de valeur de l'industrie laitière.

La commission ayant rejeté l'ensemble des articles, elle n'a pas établi de texte. En conséquence, en application de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique portera sur le texte de la proposition de loi.

* 1 Proposition de loi n° 29 (2008-2009) tendant à abroger le bouclier fiscal et à moraliser la rémunération des dirigeants, proposition de loi n° 239 (2008-2009) relative à l'évaluation et au contrôle de l'utilisation des aides publiques aux entreprises, aux banques et aux établissements financiers.

* 2 KPMG's Corporate and indirect Tax Rate Survey 2008.

* 3 Lire en particulier le rapport n° 306 (2008-2009) de M. Philippe Marini sur le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2009.

* 4 Partage de la valeur ajoutée, partage des profits et écarts de rémunération en France, rapport au Président de la République, 13 mai 2009.

* 5 Cf. la proposition de loi n° 398 (2008-2009) visant à renforcer l'efficacité de la réduction d'impôt de solidarité sur la fortune au profit de la consolidation du capital des petites et moyennes entreprises qu'il a déposé sur le Bureau du Sénat.

* 6 Au sens communautaire, c'est-à-dire qui affichent un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros et qui emploient plus de 250 salariés.

* 7 Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget, séance publique du 27 novembre 2000, Sénat.

* 8 Partage de la valeur ajoutée, partage des profits et écarts de rémunération en France, rapport au Président de la République, 13 mai 2009.

* 9 Communiqué de presse du 15 mai 2009.

* 10 Cf. décision n° 76-64 DC du 2 juin 1976 du Conseil constitutionnel .

* 11 Compte-rendu des débats du Sénat du 8 décembre 2008.

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