C. DES INTERROGATIONS JURIDIQUES LÉGITIMES QUI JUSTIFIENT LA SAISINE POUR AVIS DE LA COUR DE JUSTICE ET IMPLIQUENT LA MISE EN PLACE D'UN NOUVEAU CALENDRIER DE NÉGOCIATION

1. Les réserves exprimées par la France et certains États membres

Lors de son audition par votre rapporteur, M. Gilles Briatta, secrétaire général des affaires européennes, a exposé les réserves juridiques que le Gouvernement a présentées sur le projet d'accord visé par la recommandation de la Commission.

Les interrogations françaises portent à la fois sur la nature de la juridiction, sur le choix de la base juridique et des instruments juridiques utilisés pour mettre en place le futur système juridictionnel unifié, sur le rôle assigné à la Cour de justice et sur les moyens prévus pour garantir la primauté du droit communautaire .

Les deux premières réserves concernent la compatibilité avec les textes communautaires d'un système juridictionnel international mixte et la compétence de la Communauté pour attribuer à la juridiction envisagée le contentieux des brevets communautaires.

Les deux autres interrogations concernent principalement la place réservée à la Cour de justice dans le système unifié de règlement des litiges en matière de brevets. Le Gouvernement a défendu la solution consistant à en faire la juridiction de cassation. Cette option, à laquelle se sont notamment opposés l'Allemagne et le Royaume-Uni, n'a pas été retenue, au profit de la solution du renvoi préjudiciel pour les seules questions d'interprétation de dispositions du droit communautaire.

Or, comme l'ont souligné lors de leur audition M. Gilles Briatta, secrétaire général des affaires européennes et les représentants de la Chancellerie, il n'est pas acquis que la procédure du renvoi préjudiciel suffise à garantir la primauté du droit communautaire et, en particulier, le respect des principes posés par certains textes importants du droit communautaire qui concernent le domaine des brevets, comme la directive du 6 juillet 1998 sur la protection par brevet des inventions biotechnologiques. Ils ont en effet noté, qu'en l'état actuel du projet, le renvoi préjudiciel n'était pas toujours obligatoire et qu'il n'était pas prévu à l'égard de la juridiction unifiée une procédure de manquement similaire à celle qui existe dans l'ordre communautaire pour sanctionner les manquements des États membres aux obligations du droit communautaire. La future juridiction unifiée pourrait donc, volontairement ou non, ne pas saisir la Cour de justice d'un problème d'interprétation du droit communautaire sans qu'aucune procédure ne permette de contester ce manquement.

Il convient de noter que d'autres États membres, comme l'Espagne, l'Italie, la Grèce ou le Luxembourg ont eux aussi fait mention de réserves juridiques, recoupant ou non celles énoncées par la France .

Sans que cela ne préjuge en rien des réponses, qui y seront apportées au fond, de telles interrogations sont apparues suffisamment légitimes pour que soit décidé au Conseil « Compétitivité » du 28 mai dernier, conformément à la position exprimée par la Commission dans sa recommandation, de saisir pour avis la Cour de justice sur la compatibilité de l'accord envisagé avec les traités communautaires.

2. Les conséquences de la saisine pour avis de la Cour de justice sur la suite des négociations

Son principe étant acté, la saisine a fait l'objet de discussions entre les représentants des États membres en vue de la rédaction commune d'un mémorandum qui retrace le contexte dans lequel intervient l'accord envisagé et présente de manière équilibrée les différents arguments juridiques développés pour ou contre la compatibilité du système juridictionnel unifié avec le traité CE. Ce texte a été adopté par le Conseil européen environnement du 25 juin 2009. Il a été convenu que les États membres pourraient eux-mêmes adresser à la Cour de justice des contributions exposant leur propre analyse juridique du problème.

La saisine de la Cour de justice ouvre un nouveau calendrier de négociation. En effet, bien qu'il soit souligné dans la demande d'avis que, compte tenu de l'importance de la matière, il était souhaitable que la réponse de la Cour de justice intervienne le plus rapidement possible, il semble qu'il faille compter sur un délai de 12 à 18 mois .

Dans ce contexte, la saisine pour avis de la Cour de justice doit être entendue comme un élément favorable pour les négociations en cours sur la question du système unifié de règlement des litiges en matière de brevets européen et communautaire .

En effet, en renvoyant à la décision de la Cour de justice l'ensemble des difficultés juridiques mises en avant par certains États membres, elle permet d'écarter de la négociation ces questions et de recentrer les discussions sur le reste des points en débat, pour continuer à faire avancer le projet .

La présidence suédoise a d'ailleurs clairement affirmé sa volonté de travailler en ce sens à la fois sur la question du système juridictionnel unifié et sur celle du brevet communautaire.

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