PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Vu l'article 88-4 de la Constitution ;

Vu la recommandation de la Commission au Conseil visant à ouvrir des négociations en vue de l'adoption d'un accord créant un système unifié de règlement des litiges en matière de brevets (texte E 4381) ;

Considérant que le système actuel de règlement des litiges en matière de brevets entraîne des contentieux devant des juridictions multiples ; qu'il est ainsi à la fois complexe, coûteux et source d'une très grande insécurité juridique pour les entreprises, tout particulièrement les petites et moyennes entreprises, et pour les inventeurs individuels ; qu'il constitue en conséquence un frein au développement de l'innovation à travers un système de brevet sûr et efficace ;

Considérant que, dans ces conditions, un système unifié de règlement des litiges en matière de brevets apparaît nécessaire ; que la mise en place d'un tel système doit être lié à la création d'un brevet communautaire qui permettra aux entreprises et aux inventeurs individuels de bénéficier d'une protection complète et uniforme de leurs inventions sur l'ensemble de l'espace communautaire ;

Considérant cependant que la compatibilité avec le traité CE de l'accord envisagé par la Commission dans sa recommandation doit être examinée ; qu'à cette fin, le Conseil a sollicité l'avis de la Cour de justice ;

Le Sénat :

Approuve la saisine pour avis de la Cour de justice sur le projet d'accord proposé par la Commission européenne dans sa recommandation ;

Estime cependant que la négociation engagée en vue de l'amélioration du système des brevets en Europe peut se poursuivre sur l'ensemble des points restant en discussion qui ne font pas l'objet de la saisine pour avis de la Cour de justice ;

Demande, en conséquence, au Gouvernement d'agir en ce sens et de veiller à la recherche d'un accord global incluant la mise en place d'un système unifié de règlement des litiges en matière de brevets et la création d'un brevet communautaire.

EXAMEN EN COMMISSION MERCREDI 8 JUILLET 2009

_______

La commission a examiné le rapport de M. Antoine Lefèvre sur la proposition de résolution n° 414 (2008-2009), présentée par M. Richard Yung au nom de la commission des affaires européennes, sur la création d'un système unifié de règlement des litiges en matière de brevets.

M. Antoine Lefèvre , rapporteur, a tout d'abord rappelé que :

- la recommandation de la Commission européenne au Conseil de l'Union européenne transmise au Sénat au titre de l'article 88-4 de la Constitution visait à autoriser cette dernière à ouvrir des négociations en vue de l'adoption d'un accord créant un système unifié de règlement des litiges en matière de brevets ;

- cette recommandation s'appuyait sur le projet d'accord en cours de négociation au sein du groupe de travail du Conseil sur la question des brevets, qui prévoit la création d'une juridiction internationale unifiée, compétente en matière de brevets européens et de brevets communautaires. Elle constitue à ce titre une étape importante pour la suite des négociations, puisqu'elle a fourni au Conseil « Compétitivité » la base juridique nécessaire pour décider, le 28 mai 2009, de solliciter l'avis de la Cour de justice des Communautés européennes sur la compatibilité du projet d'accord envisagé avec le traité CE ;

- la commission des affaires européennes, réunie le 13 mai 2009, avait adoptée une proposition de résolution présentée par M. Richard Yung, qui soutient l'initiative de la Commission européenne et demande au Gouvernement d'agir dans le sens qu'elle indique pour parvenir à un accord global sur la mise en place d'un système unifié de règlement des litiges en matière de brevets et la création d'un titre de brevet communautaire.

Présentant le contexte dans lequel ce texte était intervenu, il a souligné que la protection des brevets en Europe relevait de deux systèmes différents : celui du brevet européen et celui, encore en projet, du brevet communautaire. Le premier, mis en place par la convention de Munich du 5 octobre 1973, qui regroupe aujourd'hui trente-six pays européens dont l'ensemble des Etats membres de l'Union, repose sur une procédure unique de délivrance des brevets par l'Office européen des brevets (OEB). Une fois délivré, le brevet européen recouvre autant de brevets nationaux que d'Etats pour lesquels le dépositaire a revendiqué la protection apportée par le brevet.

M. Antoine Lefèvre, rapporteur, a observé que l'efficacité de ce système, au stade de l'examen de la demande de brevet, était unanimement reconnue, mais, que, en revanche, il générait, au stade du contentieux, des surcoûts et une certaine insécurité juridique, dans la mesure où, en cas de litige, il appartenait au plaignant d'introduire une instance devant les tribunaux de chacun des pays pour lesquels il revendiquait la protection du brevet. Il a indiqué que le projet de réforme de ce système, dit initiative EPLA (European Patent Litigation Agreement), visant à créer une juridiction unifiée afin de répondre au problème posé par la multiplication des instances, n'avait pu aboutir.

Relevant que tel était aussi le cas du système du brevet communautaire, il a expliqué que, récemment, une solution de compromis avait été esquissée par le projet d'accord en faveur d'une Cour des brevets européens et communautaires, élaboré sous les présidences slovène et française, et visé dans la recommandation de la Commission, qui prévoit la création d'une juridiction internationale commune ayant compétence à la fois pour les brevets communautaires et les brevets européens.

M. Antoine Lefèvre, rapporteur, a souligné, d'une part, qu'un tel projet apporterait une réponse adaptée au principal problème que pose le système actuel : celui de la multiplication des instances et, d'autre part, que, couplé avec la mise en place d'un titre de brevet communautaire, il pourrait générer, dès 2013, des économies comprises entre 148 et 249 millions d'euros, selon l'évaluation fournie par la Commission européenne, ce qui expliquait le soutien très large qu'il recueillait auprès des acteurs économiques et des professionnels du brevet.

Il a cependant précisé que le projet d'accord visé par la recommandation n'était qu'un document de travail et n'avait à ce titre rien de définitif, la recommandation elle-même ayant avant tout pour fonction de rendre juridiquement possible la saisine de la Cour de justice, ce qui imposait de la prendre en considération moins pour elle-même que pour le rôle qu'elle était appelée à jouer dans la négociation en cours sur le système unifié de règlement des litiges en matière de brevet.

M. Antoine Lefèvre, rapporteur, a rappelé en effet que le projet d'accord soulevait, aux yeux de plusieurs Etats membres, dont la France, un certain nombre d'interrogations juridiques sur sa compatibilité avec les traités communautaires, ce qui les avait amenés à saisir pour avis, le 28 mai 2009, la Cour de justice. Il a estimé que cette saisine présentait un avantage en ce qu'elle libérait le champ de la négociation des difficultés juridiques.

Présentant la proposition de résolution de M. Richard Yung, il a proposé de souscrire à l'analyse qu'elle défendait sur l'absolue nécessité d'avancer sur le dossier des brevets, la France ne devant pas apparaître comme une force de blocage, mais être motrice sur ce dossier.

Cependant, appelant à modifier le texte de la proposition de résolution, il a préconisé de :

- se référer plutôt à la saisine de la Cour de justice qu'à la démarche de la recommandation, puisque celle-ci porte sur un accord non définitif et est principalement destinée à permettre de saisir la Cour de justice ;

- de reconnaître la légitimité des interrogations juridiques qu'a suscitées le projet présenté ;

- de préciser que, pour autant, elles ne doivent pas servir de prétexte à une suspension des négociations, et d'encourager en conséquence le Gouvernement dans la position qui semble être la sienne et qui consiste à soutenir le projet de la présidence suédoise de continuer la négociation, dans l'attente de la décision de la Cour de justice, sur tous les autres éléments en discussion qui ne concernent pas directement un des aspects visés par la saisine.

Enfin, M. Antoine Lefèvre, rapporteur, a déclaré souscrire totalement au dernier point de la proposition de résolution de M. Richard Yung, qui insiste sur l'absolue nécessité de faire progresser ensemble les négociations sur la mise en place d'un système unifié de règlement des litiges au niveau européen et la création, tant attendue, d'un titre de brevet communautaire.

M. Richard Yung a indiqué que la proposition de résolution qu'il avait présentée était motivée par l'opposition de la France à la saisine de la Cour de justice, opposition finalement levée.

Il a estimé que les interrogations juridiques soulevées rendaient compte d'une certaine hostilité à la création de juridictions internationales spécialisées. Relevant que la volonté de la France de voir reconnaître à la Cour de justice un rôle de juge de cassation de la future juridiction unifiée était contestée par de nombreux Etats membres dont l'Allemagne, au motif que la Cour de justice n'avait pas la compétence technique pour se prononcer sur le contentieux très spécialisé des brevets, il a considéré qu'il était nécessaire d'avancer sur ce dossier.

M. Richard Yung s'est en conséquence réjoui que la saisine de la Cour de justice permette aujourd'hui de poursuivre les négociations sur les points qui restaient en discussion. Il a par ailleurs souligné la nécessité de conduire de front les négociations sur la création de la juridiction unifiée des brevets et celles sur la mise en place du brevet communautaire car il fallait éviter que le succès de la première initiative puisse conduire certains Etats à renoncer à la seconde.

Il a marqué son accord avec les propositions de modifications formulées par M. Antoine Lefèvre, rapporteur, à l'exception de la suppression de la référence à la démarche de la commission qui avait, selon lui, pour conséquence, de rendre insuffisamment clair le souhait exprimé de voir le Gouvernement soutenir le projet d'accord sur le système juridictionnel unifié.

M. François Pillet a salué le projet de création d'une juridiction unifiée en matière de brevet dont il a estimé qu'elle permettrait de réduire significativement les coûts du système actuel et de garantir une meilleure sécurité juridique en ce domaine, ce qui bénéficiera grandement aux petites et moyennes entreprises.

M. Jean-Pierre Sueur , insistant sur la nécessité de créer, en matière de brevets, une juridiction spécifique et unifiée, a exprimé son soutien à la modification proposée par M. Richard Yung.

M. Antoine Lefèvre , rapporteur, a précisé que la France n'avait pas d'opposition de principe à la création d'un système juridictionnel unifié en matière de brevet et que ses réserves tenaient principalement à la question de la procédure de renvoi préjudiciel qui était actuellement prévue dans le projet d'accord.

Défendant la rédaction présentée par M. Antoine Lefèvre, rapporteur, M. Jean-Jacques Hyest , président, a fait valoir qu'elle permettait de marquer clairement le soutien pour le projet de création d'un système unifié de règlement des litiges en matière de brevets.

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, la commission a adopté la proposition de résolution rédigée dans les termes proposés par le rapporteur.

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