Article 5 (Chapitre III du titre Ier du livre Ier du code de l'urbanisme) - Simplification des directives territoriales d'aménagement

Commentaire : cet article réforme les directives territoriales d'aménagement pour simplifier et accélérer leur élaboration, notamment en supprimant leur opposabilité.

I. Le droit en vigueur

1- Les DTA : un outil de planification stratégique pour l'Etat

La loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire a institué les directives territoriales d'aménagement (DTA) afin de doter l'Etat d'un outil prospectif d'aménagement du territoire adapté à la prise en compte des enjeux « supra locaux » que, par nature, les documents communaux ou intercommunaux ne prennent pas spontanément en compte.

Le premier alinéa de l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme dispose ainsi que les DAT :

- peuvent fixer, sur certaines parties du territoire, les orientations fondamentales de l'Etat en matière d'aménagement et d'équilibre entre les perspectives de développement, de protection et de mise en valeur des territoires ;

- fixent les principaux objectifs de l'Etat en matière de localisation des grandes infrastructures de transport et des grands équipements, ainsi qu'en matière de préservation des espaces naturels, des sites et des paysages ;

- peuvent également préciser pour les territoires concernés les modalités d'application des dispositions particulières aux zones de montagne et au littoral figurant aux chapitres V et VI du titre IV du livre I er du code de l'urbanisme.

Soumises au respect des principes énoncés à l'article L. 110 du code de l'urbanisme, selon lequel chaque collectivité publique est, dans le cadre de ses compétences, le gestionnaire et le garant du patrimoine commun de la nation que constitue le territoire national, les DTA doivent concilier le respect des compétences détenues par les collectivités territoriales en matière d'urbanisme avec la recherche de l'effectivité de la démarche planificatrice de l'Etat.

2- Un document élaboré par l'Etat en liaison avec les collectivités

La conciliation du niveau local et supra local de planification est recherchée en premier lieu par une procédure d'élaboration qui associe l'Etat et les collectivités.

Le rôle principal est tenu par l'Etat. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme, « les directives territoriales d'aménagement sont élaborées sous la responsabilité de l'Etat, à son initiative ou, le cas échéant, sur la demande d'une région, après consultation du conseil économique et social régional ». Concrètement, le Comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire (CIADT) lance la procédure d'élaboration, définit le périmètre territorial concerné et fixe les objectifs. À un niveau déconcentré, sous la supervision du CIADT, un comité de pilotage comprenant les services déconcentrés de l'État et placé sous l'autorité du Préfet élabore le document. Celui-ci est ensuite validé par un comité interministériel avant d'être approuvé par décret en Conseil d'Etat.

Toutefois, les collectivités territoriales sont impliquées dans le processus. Le troisième alinéa de l'article L. 111-1-1 précise en effet que : « Les projets de directives sont élaborés en association avec les régions, les départements, les communes chefs-lieux d'arrondissement ainsi que les communes de plus de 20 000 habitants et les groupements de communes compétents en matière d'aménagement de l'espace ou d'urbanisme intéressés et les comités de massifs. Leur avis est réputé favorable s'il n'est pas intervenu dans un délai de trois mois à compter de leur saisine ». Enfin, en aval de la procédure d'élaboration, une enquête publique permet aux collectivités concernées de faire connaître leur position sur le projet avant approbation de la DTA par décret en Conseil d'Etat.

3- Un document prospectif doté de certains effets juridiques

Dans le souci d'harmoniser les différents niveaux de la planification territoriale, le législateur a également souhaité que les DTA soient opposables aux documents locaux d'urbanisme de niveau immédiatement inférieur, à savoir les schémas de cohérence territoriale (SCOT) ou, en l'absence de ces derniers, les plans locaux d'urbanisme (PLU) et les cartes communales (alinéa 4 de l'article L. 111-1-1). La hiérarchie des normes a cependant été conçue sur le principe de la compatibilité, et non de la conformité, ce qui signifie que les documents locaux doivent simplement ne pas contenir d'orientations en contradiction avec les orientations fondamentales des DTA. Cela est cohérent avec le fait que les DTA ont vocation à encadrer ces documents, et non pas à se substituer à eux, et qu'elles en restent donc à un degré de détail, notamment sur le plan de la délimitation cartographique des espaces, moins poussé que les documents d'urbanisme locaux (excepté lorsqu'elles comportent un volet destiné à préciser les modalités d'application des lois montagnes et littoral).

4- Une procédure trop longue et trop complexe

On peut reprocher aux DTA la lenteur excessive de leur élaboration. Huit ans après la création du dispositif, une seule DTA avait vu le jour (celle des Alpes maritimes, approuvée par décret en décembre 2003). À la fin de l'année 2007, six autres avaient été approuvées et une huitième était en attente de l'être. En moyenne, on constate ainsi qu'il faut une dizaine d'années pour élaborer une DTA, avec pour conséquence que, lorsqu'elle entre en vigueur, ses dispositions sont opposables mais parfois obsolètes. Par ailleurs, aucune procédure de modification ou de révision n'a été prévue. Le dispositif est donc trop rigide. Cela semble s'expliquer par l'opposabilité des DTA, qui conduit les collectivités territoriales à négocier âprement leur contenu de crainte qu'elles ne contiennent des dispositions risquant de contrarier leur propre planification territoriale.

II. Le dispositif du projet de loi

1- La réforme des DTA

Le I de l'article 5 du projet de loi supprime les dispositions existantes relatives aux DTA et institue les Directives territoriales d'aménagement et de développement durable (DTADD).

A - Un dispositif plus souple

La modification la plus importante est que les DTADD cessent d'être opposables aux documents d'urbanisme locaux .

Pour avoir la garantie que ses projets seront pris en compte par les collectivités, l'État se dote néanmoins d'un outil juridique prévu par l'article L. 113.4 du code de l'urbanisme dans sa nouvelle rédaction : la possibilité de qualifier de projet d'intérêt général (PIG) les mesures de protection des espaces, les travaux et autres aménagements nécessaires à la mise en oeuvre des DTADD et ce pendant douze ans à compter de la publication de la directive 7 ( * ) .

Concernant la procédure d'élaboration des directives , plusieurs modifications sont proposées par le projet de loi :

- le périmètre du dialogue avec les collectivités territoriales est élargi, puisque désormais, outre les départements et les régions, toutes les communes sont impliquées, soit indirectement au travers de leurs groupements compétents en matière de schémas de cohérence territoriale, soit directement quand elles ne sont pas membres d'un tel établissement public ;

- une procédure de « concertation » de l'État avec les collectivités locales se substitue à la procédure d'« association », ce qui correspond juridiquement à une moindre implication des collectivités dans l'élaboration ;

- l'enquête publique disparaît, les DTADD restant cependant soumises à une obligation d'évaluation environnementale.

Enfin, la flexibilité du nouveau dispositif est accrue par l'institution, aux articles L. 113-5 et L. 113-6 du code de l'urbanisme, de procédures de révision (en cas de changement portant atteinte à l'économie générale du projet) et de modification (changement ne portant pas atteinte à l'économie générale).

B - Des objectifs de développement durables renforcés

L'ajout de la mention « développement durable » au nom des directives territoriales d'aménagement ne revêt pas qu'une dimension symbolique, puisque les DTADD peuvent fixer des objectifs tels que la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, des sites et des paysages, la cohérence des continuités écologiques, l'amélioration des performances énergétiques ou la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

C - Un régime transitoire pour les DTA déjà entrées en vigueur

Le V de l'article 5 du projet de loi prévoit que les DTA approuvées avant la publication de la loi portant engagement national pour l'environnement conservent les effets prévus par l'article L. 111-1-1 dans sa rédaction antérieure. Elles pourront être modifiées (en cas de changement n'affectant pas l'économie d'ensemble de la directive) par arrêté du préfet de région ou supprimées par décret en Conseil d'État, dans les deux cas après enquête publique et avis des personnes ayant été associées à leur élaboration. Aucun terme n'est prévu à ce régime transitoire.

2- Les mises en cohérence rendues nécessaires par la réforme des DTA

La réforme des DTA implique une série de modifications de cohérence du code de l'urbanisme et du code général des collectivités territoriales.

L'inopposabilité des DTA implique en premier lieu de reformuler la hiérarchie des normes d'urbanisme. Les SCOT et les schémas de secteur doivent désormais être directement compatibles avec les dispositions particulières aux zones de montagne et au littoral des articles L. 145-1 et suivants et L. 146-1 et suivants du code de l'urbanisme, tandis que les PLU, les cartes communales ou les documents en tenant lieu doivent être compatibles avec les orientations des SCOT et des schémas de secteur (et, en l'absence de ces derniers, avec les dispositions particulières aux zones de montagne et au littoral ).

Dans la région Ile-de-France, couverte par le schéma directeur de la région Ile-de-France (SDRIF), et dans les régions d'Outre-mer, couvertes par un schéma d'aménagement régional (SAR) tel que prévu par l'article L. 4433-7 du code général des collectivités territoriales, les SCOT doivent être compatibles avec, respectivement, le SDRIF et le SAR. En l'absence de SCOT, les PLU, les cartes communales ou les documents en tenant lieu doivent être compatibles avec ces documents et avec les dispositions particulières aux zones de montagne et au littoral. En Corse, les SCOT, les schémas de secteur, les PLU et les cartes communales doivent être compatibles avec le plan d'aménagement et de développement durable de l'île.

En outre, le VIII de l'article 5 du projet de loi modifie également la procédure d'élaboration des SAR des régions d'Outre-Mer en remplaçant la mise à disposition du public prévue à l'article L. 4433-8 du code général des collectivités territoriales par une enquête publique. Cela permet d'harmoniser la procédure valable dans les régions d'Outre-Mer avec celle existant dans les régions dotées d'un schéma régional (Ile-de-France et Corse). En même temps, le IX de l'article 5 prévoit que les SAR mis à la disposition du public avant la publication de la loi portant engagement national pour l'environnement peuvent être approuvés sans passer par la nouvelle procédure d'enquête publique.

III. La position de votre commission

Votre commission fait sienne l'objectif d'assouplir et d'accélérer l'élaboration des directives territoriales d'aménagement. À cet égard, leur retirer toute portée juridique directe sur les documents d'urbanisme inférieurs constitue une mesure indispensable. De même, introduire dans le nouveau régime des directives une possibilité d'évolution (sous la forme d'une révision ou d'une modification) est une disposition de nature à prévenir leur obsolescence.

Votre commission a cependant jugé que la simplification de la procédure d'élaboration des directives territoriales d'aménagement ne devait pas se traduire par une moindre implication des collectivités territoriales . De ce point de vue, le régime de la « concertation », prévu par le projet de loi, n'est pas suffisant et, sur une proposition de votre rapporteur, votre commission a donc rétabli le principe de l'association entre l'État et les collectivités. Dans la mesure où les SCOT et les PLU sont susceptibles d'être impactés par les directives territoriales d'aménagement, il faut en effet veiller à créer les conditions, le plus en amont possible, d'un dialogue et d'une conciliation entre les projets d'aménagement de l'État et ceux des collectivités. Seule une véritable co-élaboration des directives offre à cet égard une garantie procédurale suffisante .

Il faut noter que votre commission s'est également interrogée sur la portée juridique du lien établi par le projet de loi entre les DTADD et les projets d'intérêt général (PIG). Le nouvel article L. 113-4 du code de l'urbanisme donne en effet le pouvoir à l'autorité administrative d'adopter les PIG nécessaires à la mise en oeuvre des DTADD. Ainsi, même si l'opposabilité des DTA disparaît, on peut se demander si une opposabilité « indirecte » n'est pas en réalité réintroduite via les PIG, puisque ces derniers s'imposent aux documents d'urbanisme (SCOT, PLU,...). Si cette interprétation était correcte, on pourrait craindre qu'il soit désormais possible pour le préfet de prendre des PIG plus aisément que par le passé. Dans ce cas, on pourrait imaginer qu'un préfet très entreprenant ou un Etat très interventionniste multiplie les PIG, ce qui se traduirait, de facto , par une limitation de la compétence des collectivités en matière d'aménagement et d'urbanisme.

Votre rapporteur a cependant fait valoir que fonder une déclaration de projet d'intérêt général sur le contenu d'une DTADD permettait seulement de satisfaire à une condition de forme, et non de fond, indispensable à la validité de ce projet. Sur le fond, le juge pourra toujours vérifier, le cas échéant, le bien-fondé de l'arrêté pris par l'autorité administrative et se prononcer sur le caractère d'utilité publique du projet déclaré d'intérêt général, ce qui correspond au régime juridique actuellement en vigueur.

En tout état de cause, il convient de souligner que la volonté de votre commission n'est pas de substituer au régime de l'opposabilité de plein droit des directives territoriales d'aménagement, tel qu'il existe actuellement, un régime d'opposabilité « indirecte » via les projets d'intérêt général : du point de vue de votre commission, les DTADD sont essentiellement un document prospectif et les PIG n'ont pas vocation à devenir un outil banalisé servant à transcrire les projets de l'état dans les documents locaux d'urbanisme .

Soucieuse de souligner que l'aménagement de l'espace est une compétence partagée entre l'État et les collectivités, votre commission a également modifié l'article L. 113-4 du code de l'urbanisme sur proposition de M. Hervé Maurey et les membres du Groupe UC : cet amendement prévoit que les collectivités territoriales concernées ou leurs groupements donnent leur avis avant que l'autorité administrative ne déclare un PIG sur le fondement d'une DTADD.

Enfin, sur proposition de MM Thierry Repentin, Daniel Raoul et des membres du groupe socialiste , rattachés et apparentés , votre commission a introduit dans le texte une disposition visant à permettre aux parties prenantes dans les DTA actuellement en cours, mais pour lesquelles les négociations ont pris du retard, de poursuivre l'élaboration dans le cadre des procédures existantes, de sorte que ces territoires ne soient pas pénalisés, et que les études n'aient pas été réalisées en pure perte.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

* 7 Cf. infra le commentaire de l'article 7 pour les modalités de prise en compte des PIG par les documents d'urbanisme.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page