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Rapport n° 637 (2008-2009) de M. Hugues PORTELLI , fait au nom de la commission des lois, déposé le 29 septembre 2009

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N° 637

SÉNAT

SECONDE SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2008-2009

Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 septembre 2009

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi organique , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relatif à l' application de l' article 61-1 de la Constitution ,

Par M. Hugues PORTELLI,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest , président ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Nicole BorvoCohen-Seat, MM. Patrice Gélard, Jean-René Lecerf, Jean-Claude Peyronnet, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle, M. François Zocchetto , vice-présidents ; MM. Laurent Béteille, Christian Cointat, Charles Gautier, Jacques Mahéas , secrétaires ; M. Alain Anziani, Mmes Éliane Assassi, Nicole Bonnefoy, Alima Boumediene-Thiery, MM. Elie Brun, François-Noël Buffet, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. Yves Détraigne, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Pierre Fauchon, Louis-Constant Fleming, Gaston Flosse, Christophe-André Frassa, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Mmes Jacqueline Gourault, Virginie Klès, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Jacques Mézard, Jean-Pierre Michel, François Pillet, Hugues Portelli, Roland Povinelli, Bernard Saugey, Simon Sutour, Richard Tuheiava, Alex Türk, Jean-Pierre Vial, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

1599 , 1898 , et T.A. 331

Sénat :

613 et 638 (2008-2009)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

La commission des lois, réunie le mardi 29 septembre 2009 sous la présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président , après avoir entendu, au cours de sa réunion du matin du même jour, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, a examiné le rapport de M. Hugues Portelli et établi son texte sur le projet de loi organique relatif à l' application de l'article 61-1 de la Constitution (n° 613, 2008-2009) .

La commission des lois a très largement approuvé le projet de loi organique relatif à la mise en oeuvre de la question de constitutionnalité tel qu'il a été complété et amélioré par l'Assemblée nationale.

Elle a néanmoins souhaité conforter la procédure sur deux points.

D'une part, elle a supprimé l'obligation pour les premiers juges saisis de l'inconstitutionnalité d'une disposition législative de statuer dans un délai de deux mois à l'issue duquel, à défaut de réponse de leur part, le justiciable pourrait saisir directement le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation. Elle a estimé en effet que les juges pourraient être tentés de laisser courir ce délai au risque d'entrainer un engorgement des cours suprêmes et un ralentissement des procédures à rebours de l'objectif recherché. La commission des lois a rappelé cependant l'exigence d'un traitement rapide de l'examen de la recevabilité de la question de constitutionnalité. Elle a, en outre, maintenu le principe d'automaticité de la saisine du Conseil constitutionnel, introduit par les députés, lorsque le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation ne se serait pas prononcé dans le délai de trois mois qui leur est imparti.

D'autre part, la commission des lois a jugé indispensable la motivation des décisions des juridictions concernant la transmission, par les juges du fond, de la question de constitutionnalité aux cours suprêmes et le renvoi de la question de celles-ci au Conseil constitutionnel afin que les parties puissent être complètement éclairées sur l'application par le juge des critères de recevabilité fixés par le législateur organique.

La commission des lois a adopté le projet de loi organique ainsi modifié .

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi en première lecture du projet de loi organique relatif à l'article 61-1 de la Constitution adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 14 septembre 2009.

La Constitution de la V ème République a institué, en 1958, un contrôle de constitutionnalité, confié au Conseil constitutionnel, exercé par voie d'action, abstrait, préalable à la promulgation de la loi et réservé aux autorités mentionnées par le deuxième alinéa de l'article 61 (Président de la République, Premier ministre, président de l'Assemblée nationale, président du Sénat et, depuis la loi constitutionnelle du 29 octobre 1974, soixante députés ou soixante sénateurs).

A l'occasion de la révision du 23 juillet 2008, le constituant a complété ce dispositif par un contrôle concret, a posteriori, ouvert aux justiciables après l'entrée en vigueur de la loi.

Ainsi, aux termes du nouvel article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ».

Le second alinéa de cet article réserve à une loi organique le soin de préciser les conditions d'application de ces dispositions.

Tel est l'objet du présent texte.

Le constituant était inspiré par un triple objectif :

- conférer au citoyen un droit nouveau lui permettant de faire valoir directement la protection de ses droits et libertés garantie par la Constitution en invoquant la non-conformité d'une disposition législative aux règles constitutionnelles, et créer ainsi un lien direct entre le citoyen et la Constitution;

- purger l'ordre juridique des dispositions inconstitutionnelles ;

- assurer la prééminence de la Constitution dans l'ordre juridique interne, conformément à la jurisprudence des Cours suprêmes 1 ( * ) et du Conseil Constitutionnel 2 ( * ) .

Grâce à l'introduction de la question d'inconstitutionnalité, la France comble une lacune manifeste de son Etat de droit et rejoint les autres grands Etats démocratiques qui, presque tous, connaissent depuis plusieurs décennies le contrôle de constitutionnalité a posteriori .

Le projet de loi organique a pour objet de garantir l'effectivité du nouveau droit institué par l'article 61-1 de la Constitution. Le texte proposé par le Gouvernement tel qu'il a été complété très utilement par l'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des lois, apporte, à cet égard, les garanties nécessaires.

Votre commission approuve très largement les avancées proposées par les députés tout en étant attentive à l'équilibre nécessaire entre les attentes légitimes des justiciables vis-à-vis de ce nouveau droit et les exigences de la bonne administration de la justice et de la sécurité juridique, conditions sine qua non du succès de la réforme.

La mise en oeuvre de l'article 61-1 de la Constitution ouvre sans doute une nouvelle ère au contrôle de constitutionnalité en France. S'il paraît difficile de mesurer exactement l'ampleur que prendra ce nouveau contentieux, votre commission considère qu'un équilibre sera rapidement atteint, après une période initiale d'engouement, grâce à la stabilisation de la jurisprudence et des comportements des justiciables.

*

* *

I.  LE CONTRÔLE DE CONSTITUTIONNALITÉ A POSTERIORI : UNE LACUNE DE NOTRE DROIT DÉSORMAIS COMBLÉE

A. LES RAISONS DU REFUS DU DISPOSITIF AVANT LA REFORME DES INSTITUTIONS DE 2008

1. L'hostilité traditionnelle au contrôle a posteriori de la loi

Notre tradition juridique s'est longtemps montrée rétive à un contrôle de constitutionnalité de la loi par le juge, a fortiori lorsque ce contrôle s'exerce après l'entrée en vigueur de la loi.

L'hostilité à la remise en cause de la loi trouvait sa source dans l'idée de la souveraineté du législateur, pratiquement omnipotent sous la III ème République. Vue comme l' « expression de la volonté générale » (art.6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen), la loi puisait sa force de la légitimité de son auteur et de la faiblesse de la Constitution. La formulation de l'article 91 de la Constitution de la IV ème République est à cet égard particulièrement révélatrice. Selon ce texte, le Comité constitutionnel était tenu d'examiner si « les lois votées par l'Assemblée nationale supposent une révision de la Constitution » et non si le projet de loi est conforme à la Constitution.

En effet, avant 1958 le contrôle de constitutionnalité était pratiquement inexistant, de sorte que l'introduction d'un véritable contrôle a priori , aussi limité soit-il, était symptomatique d'un changement majeur dans l'esprit du constituant. Le contrôle a priori s'est progressivement affirmé dans notre ordre juridique, grâce à l'audace de la jurisprudence du Conseil constitutionnel (notamment, la décision fondatrice dite Liberté d'association , n° 71-44 DC du 16 juillet 1971) et à l'extension du droit de saisine aux soixante députés et sénateurs. Le contrôle de constitutionnalité a posteriori , connu depuis plusieurs décennies dans certaines autres démocraties occidentales, restait perçu avec méfiance.

Toutefois, le début des années 1990 a marqué un infléchissement dans les esprits. S'appuyant sur les propositions formulées dès 1989 par notre excellent collègue M. Robert Badinter, alors président du Conseil constitutionnel, le Président de la République, François Mitterrand, formait le voeu, le 14 juillet 1989, que « tout Français puisse s'adresser au Conseil constitutionnel lorsqu'il estime qu'un droit fondamental est méconnu ».

Conformément à l'objectif fixé par le Président de la République, un projet de loi constitutionnelle était déposé en mars 1990 accompagné d'un projet de loi organique.

Selon les termes de ce dernier, l'article 61 de la Constitution devait être complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions de loi qui concernent les droits fondamentaux reconnus à toute personne par la Constitution peuvent être soumises au Conseil constitutionnel par voie d'exception à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction ».

La révision proposée renvoyait à la loi organique les modalités de mise en oeuvre du mécanisme en précisant cependant que le Conseil constitutionnel devrait être saisi par renvoi du Conseil d'État et de la Cour de cassation. Enfin, une disposition déclarée inconstitutionnelle dans ce cadre aurait cessé d'être applicable et n'aurait pas pu s'appliquer aux procédures en cours.

Le Sénat, dont le rapporteur était M. Jacques Larché, alors président de votre commission des lois, avait admis le principe du contrôle de constitutionalité exercé a posteriori par voie d'exception mais en l'assortissant de nombreuses réserves. En rendant inapplicable erga omnes une disposition déclarée inconstitutionnelle, le Conseil constitutionnel se voyait, selon le rapporteur, reconnaître un pouvoir d'abrogation de la loi qui n'appartenait jusqu'à présent qu'au Parlement 3 ( * ) .

Le Sénat avait prévu notamment une procédure de renvoi automatique devant le Parlement des lois déclarées non conformes 4 ( * ) .

Les divergences entre l'Assemblée nationale et le Sénat subsistèrent en deuxième lecture et la réforme n'aboutit pas.

En 1993, un texte très proche fut soumis aux assemblées avec un sort identique 5 ( * ) . Le comité consultatif pour la révision de la Constitution présidé par le doyen Georges Vedel avait alors préconisé la création d'un mécanisme de question préjudicielle de constitutionnalité. Un nouveau projet de révision constitutionnelle, très proche de celui de 1990, fut déposé. Le changement de majorité législative intervenu la même année ne permit pas de faire prospérer cette initiative.

2. Les enseignements des expériences étrangères

Le contrôle de constitutionnalité de la loi est né aux Etats-Unis, sous la forme du contrôle par voie d'exception. Dans le système américain, ce contrôle est exercé par les juridictions de droit commun à l'occasion d'un litige porté devant elles. L'harmonisation de la jurisprudence est garantie par la Cour suprême placée au sommet de la hiérarchie judiciaire.

L'exception d'inconstitutionnalité peut ainsi être soulevée devant le juge fédéral (si la contrariété d'une loi fédérale à la Constitution est soulevée, - Marbury v. Madison, 1804 ) ou le juge d'un Etat fédéré (si une loi ou un acte règlementaire d'un Etat ne respecte pas, soit la Constitution de cet Etat, soit la Constitution fédérale, Fletcher v. Peck, 1810 ). Le dernier mot revient à la Cour suprême, saisie en dernier ressort. Celle-ci dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour accepter ou non la requête: la cour n'accorde de « writ of certiorari » (requête introductive d'instance) que pour des « raisons impérieuses » portant sur « une importante question de droit fédéral ». En pratique, guère plus de 1 % des demandes sont acceptées, soit chaque année un peu plus de 100 sur 7.000. La Cour suprême n'a d'ailleurs admis l'inconstitutionnalité d'une loi fédérale qu'une centaine de fois en deux siècles (la première fois en 1857).

La loi n'est pas abrogée par le juge, elle est généralement annulée « as applied » 6 ( * ) , c'est à dire déclarée inapplicable au cas d'espèce du fait de l'autorité relative de la chose jugée 7 ( * ) . Seuls les arrêts de la Cour suprême ont l'autorité absolue de la chose jugée.

En Europe, le contrôle de constitutionnalité a été introduit plus récemment 8 ( * ) et s'est fondé sur des bases différentes : la spécialisation de la cour chargée de statuer sur la constitutionnalité des lois et l'effet erga omnes (à l'égard de tous) des décisions rendues. Les modalités de contrôle varient d'un pays à l'autre : le contrôle peut être abstrait (indépendant d'un autre litige) et il intervient alors le plus souvent a priori (avant que la loi ne soit applicable) sur saisine des organes constitutionnels, ou concret et a posteriori (alors que la loi est déjà applicable) à l'occasion d'un litige dont l'issue est conditionnée par la régularité de la loi applicable : dans ce dernier cas, la juridiction saisie du litige procède par un renvoi, sous forme de question préjudicielle, à la Cour constitutionnelle.

Le mécanisme de renvoi à la cour constitutionnelle présente de nombreuses similitudes dans les démocraties occidentales qui offrent la possibilité de soulever la question préjudicielle d'inconstitutionnalité au cours d'une instance.

Des critères de recevabilité stricts pour une plus grande efficacité juridique

Afin d'éviter un éventuel engorgement de la cour et de neutraliser les requêtes dilatoires, les constitutions de ces Etats prévoient un mécanisme de tri des demandes en fonction de leur pertinence, et imposent un certain nombre de conditions de recevabilité et de saisine de la Cour.

Le premier d'entre eux est le lien de la question avec l'instance en cours : la question de constitutionnalité doit être en rapport avec la résolution du litige. Ce critère fait l'objet d'une interprétation restrictive ou étendue selon les pays. Ainsi en Italie la question doit être « rilevante », c'est-à-dire commander l'issue du litige, et par conséquent le jugement ne peut être rendu « indépendamment de la résolution de la question de légitimité constitutionnelle ».

Une interprétation plus souple de ce critère conduit à exiger seulement du requérant qu'il justifie d'un intérêt à agir. C'est le cas en Belgique, où le recours est ouvert à « toute personne physique ou morale justifiant d'un intérêt ». L'exigence d'un intérêt à agir exclut les requêtes purement déclaratoires, « pétitionnaires» ou symboliques, afin de privilégier une garantie concrète des droits et libertés de la partie requérante.

Le second critère est celui du caractère nouveau de la question : celle-ci ne doit pas avoir déjà fait l'objet d'une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée. Cette restriction est expressément prévue en Allemagne, en Belgique, en Italie et en Espagne.

La question n'ayant fait l'objet d'aucune interprétation antérieure par la cour n'est pas pour autant automatiquement examinée par celle-ci. Dans l'ensemble des Etats concernés, le juge du fond, ou la cour constitutionnelle, évalue également l' importance de la question nouvelle soulevée. Ce critère se retrouve là encore dans tous les pays pratiquant la question préjudicielle. Ainsi la cour constitutionnelle belge attend de la question qu'elle ait un caractère « sérieux », la Cour constitutionnelle fédérale de Karlsruhe ne traite que des questions ayant une « importance fondamentale » en matière de droit constitutionnel. Quant à la constitution italienne, elle exige simplement que la question ne soit « pas manifestement infondée ».

Une procédure dirigée par le juge du fond, et encadrée par des délais courts dans un souci de célérité

Le juge du fond apprécie la recevabilité de la requête dans un premier temps, dans le respect des critères évoqués ci-dessus, avant de décider de la transmission de la question au juge constitutionnel.

Toutefois, la marge d'appréciation du juge du fond diffère selon les pays.

Le juge belge se prononce uniquement sur la recevabilité de la requête, et est tenu de saisir directement et obligatoirement la Cour constitutionnelle, sauf refus de transmission qui doit être motivé et reste susceptible de recours.

En Italie, la tâche du juge est plus complexe car il ne peut transmettre la requête à la Cour, ou soulever lui-même le moyen d'inconstitutionnalité, qu'à condition de fournir la preuve de l'influence décisive de la réponse de la Cour sur la solution du litige qui lui est soumis.

Le juge du fond allemand est sans doute celui qui dispose de la plus grande marge de manoeuvre, dans la mesure où il peut lui-même décider qu'une requête répondant aux critères de recevabilité ne présente pas de risques d'inconstitutionnalité et pour cette raison refuser de transmettre celle-ci à la Cour de Karlsruhe. De ce fait, il s'arroge partiellement les prérogatives du juge constitutionnel, dans la mesure où son refus de transmission au tribunal constitutionnel fait office de « brevet de constitutionnalité ».

Dans tous ces cas de figure, la décision du juge -qui peut toujours soulever le moyen d'inconstitutionnalité d'office- ne lie nullement la cour constitutionnelle, car celle-ci dispose toujours du droit de rejeter une requête qu'elle estimerait non conforme aux critères requis pour la saisir.

Par ailleurs la question de constitutionnalité obéit à des règles de procédure particulières, compte tenu de son importance juridique. En règle générale, le juge du fond doit surseoir à statuer sur le litige en cours tant que la question n'a pas été tranchée. C'est le cas en Italie ou en Belgique, où la saisine du juge du fond entraîne la suspension de l'instance, mais également des délais de procédure et de prescription.

La suspension du procès est une conséquence majeure du grief d'inconstitutionnalité et requiert l'instauration de délais relativement brefs et suffisamment contraignants pour rythmer la procédure et éviter la durée déraisonnable du procès. Les délais s'imposent tant au juge du fond pour décider de la transmission qu'à la cour constitutionnelle pour statuer.

En ce qui concerne les juges du fond, le juge belge par exemple est tenu de saisir « sans délai » la Cour constitutionnelle. Dans le cas allemand, la recevabilité du recours constitutionnel introduit contre des décisions des tribunaux ou des autorités est enfermée dans un délai d'un mois.

En ce qui concerne les cours constitutionnelles, les délais dont elles disposent pour statuer varient selon les pays. Ils sont relativement courts lorsque la question de constitutionnalité a un effet suspensif sur le procès (six mois en Belgique, sauf décision de dérogation).

Enfin, toutes les cours constitutionnelles étrangères veillent au respect des règles du procès équitable ainsi qu'à l'application du principe du contradictoire. Leurs audiences sont publiques et leurs arrêts sont publiés.

• Le développement des saisines directes par le citoyen

Introduit d'abord par la constitution fédérale allemande, le recours constitutionnel consiste en la saisine directe de la cour constitutionnelle par des citoyens qui lui défèrent un acte (législatif, règlementaire ou juridictionnel) dont ils considèrent qu'il porte directement atteinte à l'un de leurs droits fondamentaux. Ce recours, gratuit et donc très utilisé, nécessite un filtrage draconien par la Cour - via ses services puis des formations restreintes -. Il a été repris par d'autres Etats européens (notamment l'Espagne et la Suisse) et complète la question préjudicielle.

Des cours constitutionnelles spécialisées dans leur activité juridictionnelle

La composition des cours constitutionnelles répond le plus souvent à des conditions particulières.

Par exemple, la Constitution espagnole spécifie que les membres de la Cour constitutionnelle doivent être « des juristes à la compétence reconnue, exerçant leur profession depuis plus de quinze ans ». Les conditions sont encore plus strictes en Belgique où la loi spéciale du 6 janvier 1989 énumère une série de conditions garantissant les compétences juridiques de haut niveau des futurs membres, à moins que ceux-ci n'aient exercé une fonction parlementaire auparavant

Pour autant, et bien que les membres des cours soient souvent d'éminents juristes, cette qualification n'est pas toujours expressément requise. Ainsi aucune qualification particulière de formation n'est requise aux Etats-Unis, où les juges de la Cour suprême sont parmi les rares à être nommés à vie. Toutefois, leur nomination par le Président est soumise à l'approbation du Sénat qui examine notamment leur qualification. Une procédure similaire s'applique en Allemagne où les seize juges constitutionnels sont élus à part égale par le Bundestag et le Bundesrat, selon des procédures différentes dans les deux cas.

En conclusion, contrairement à la France avant la réforme des institutions de 2008, la plupart des grandes démocraties occidentales se sont dotées d'un contrôle de constitutionnalité a posteriori . Si les modalités concrètes de la mise en oeuvre de ce contrôle varient selon les pays, l'efficacité de celui-ci contribue immanquablement au renforcement de l'Etat de droit et offre au citoyen le moyen d'assurer le respect de ses droits et libertés constitutionnellement garantis.

B. UN CONTEXTE JURIDIQUE, POLITIQUE ET INSTITUTIONNEL NOUVEAU

L'introduction de la question de constitutionnalité par la révision du 23 juillet 2008 est devenue possible grâce à l'évolution du contexte et la progressive formation d'un large consensus sur sa nécessité et son utilité.

1. Un contexte institutionnel et politique favorable

L'aboutissement de la question prioritaire de constitutionnalité est en grande partie dû à un consensus auquel sont parvenus les partis composant les deux assemblées et votre commission des lois tient à le saluer. L'adoption du présent projet de loi constitutionnelle par l'Assemblée nationale à l'unanimité le 14 septembre 2009 en constitue incontestablement la manifestation la plus vive.

Souhaitée par Monsieur le Président de la République, la consécration du contrôle de constitutionnalité a posteriori s'inspire des travaux du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la V ème République présidé par Edouard Balladur.

Dans sa lettre de mission du 18 juillet 2007 adressée au Comité, le Président de la République avait habilité le comité Balladur à mener une réflexion sur l'introduction d'une nouvelle forme de contrôle de constitutionnalité : « Vous examinerez les conditions dans lesquelles le Conseil constitutionnel pourrait être amené à statuer, à la demande des citoyens, sur la constitutionnalité de lois existantes. Des voix s'élèvent dans notre pays pour regretter que la France soit le seul grand pays démocratique dans lequel les citoyens n'ont pas accès à la justice constitutionnelle, et que certaines normes internationales aient plus de poids et d'influence sur notre droit que nos principes constitutionnels eux-mêmes... ».

En conformité avec les orientations générales fixées par le chef de l'Etat, le Comité avait préconisé l'introduction dans l'ordre juridique français d'un recours « par voie d'exception » 9 ( * ) dans son rapport remis au Président le 29 octobre 2007.

Sous réserve de quelques modifications, cette initiative a ensuite été consacrée par le projet de loi de modernisation des institutions et votée par les deux chambres dans la réforme du 23 juillet 2008.

2. Un contexte juridique nouveau

Le contrôle de constitutionnalité a posteriori tel qu'il résulte de l'article 61-1 de la Constitution est en grande partie tributaire de son prédécesseur jurisprudentiel. l'exception d'inconventionnalité. La nouvelle question prioritaire de constitutionnalité apparaît à la fois comme une suite logique du contrôle de conventionnalité, car dans les deux cas il s'agit d'apprécier la régularité de la loi après son entrée en vigueur, et comme une importante avancée dans la protection des droits de l'Homme, améliorant la sécurité juridique des citoyens par rapport à l'exception d'inconventionnalité.

3. Une familiarisation progressive des juridictions au contrôle de la loi a posteriori au regard du droit international

Le contrôle de conventionnalité a posteriori , né de la pratique juridictionnelle sur « habilitation » tacite du Conseil constitutionnel (cf. la décision n°74-54 DC du 15 janvier 1975, Loi relative à l'interruption volontaire de la grossesse 10 ( * ) ), s'est rapidement ancré dans l'ordre juridique français.

En premier lieu, la loi française n'est plus totalement souveraine : le contrôle a posteriori a perdu la portée novatrice qu'il pouvait encore revêtir en 1990. En refusant de contrôler la conformité des lois aux traités internationaux en 1975, le Conseil constitutionnel 11 ( * ) a en effet ouvert la voie au contrôle a posteriori des lois au regard des engagements internationaux de la France 12 ( * ) -contrôle de conventionnalité d'abord par les juridictions judiciaires 13 ( * ) et, plus tardivement, par le Conseil d'État 14 ( * ) qui effectue ce type de contrôle dans un arrêt sur trois 15 ( * ) -.

Le contrôle de conventionnalité s'exerce ainsi par voie d'exception à l'initiative d'un justiciable qui conteste devant un juge l'application qui lui est faite d'une loi au motif que celle-ci est incompatible avec une convention internationale. Il appartient alors au juge de statuer directement sur ce moyen.

La loi ayant ainsi perdu son caractère virtuellement intangible, l'évolution des moeurs juridiques a conduit à la reconnaissance de l'utilité de l'introduction d'un contrôle de constitutionnalité a posteriori .

4. L'utilité désormais reconnue du contrôle a posteriori

Malgré leurs avantages respectifs et leur efficacité, le contrôle de constitutionnalité a priori et le contrôle de conventionnalité semblent insuffisants pour garantir le respect des droits fondamentaux.

Les limites du contrôle a priori

Depuis la loi constitutionnelle n° 74-904 du 29 octobre 1974 qui a ouvert à soixante députés ou soixante sénateurs la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel, rares sont les textes intéressant les libertés et droits fondamentaux qui ne soient pas soumis au Conseil constitutionnel.

Cependant, la grande lacune de ce contrôle tient au fait qu'il ne concerne pas, en principe, les lois adoptées avant 1958. En outre, le Conseil constitutionnel, s'il peut élargir le champ de son contrôle au-delà des termes de sa saisine, et procéder d'office à l'examen de l'ensemble des dispositions du projet de texte qui lui est soumis, ne procède pas systématiquement à un contrôle exhaustif de la loi. La décision de conformité ne vaut pas, sauf pour les lois organiques obligatoirement soumises à un contrôle, « brevet de constitutionnalité ». Même si le Conseil constitutionnel admet que « la régularité au regard de la Constitution d'une loi déjà promulguée peut être utilement contestée à l'occasion de l'examen des dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine » 16 ( * ) , il lui est matériellement impossible de passer au crible l'ensemble de ces dispositions. Comme le relève justement le professeur Guy Carcassonne « si le Conseil constitutionnel estime que la disposition déjà promulguée est contraire à la Constitution, il peut faire obstacle à la promulgation de celle qui la modifie, la complète ou affecte son domaine, mais il ne peut censurer celle qui est déjà en vigueur : la voilà donc formellement déclarée non conforme et, tout aussi formellement, maintenue en application ! » 17 ( * ) .

Dans ce cas il appartient au législateur seul de procéder à l'abrogation de ces dispositions 18 ( * ) .

Par ailleurs, le contrôle d'une loi, au regard de la Constitution, exercé par le Conseil d'Etat ne porte que sur les lois antérieures et manifestement contraires à une disposition constitutionnelle. Cette jurisprudence, inaugurée par l'arrêt Taddei de 1958, n'a conduit à écarter l'application de la loi que dans un nombre de cas très limité 19 ( * ) .

Les limites du contrôle de conventionnalité

Les décisions du juge judiciaire ou du juge administratif qui écartent dans un litige l'application d'une loi comme contraire à un accord international n'ont que l'autorité relative de la chose jugée : la disposition contestée n'est écartée que dans le cadre de ce litige, inter partes , mais demeure en vigueur à l'égard de tous.

Le contrôle de conventionnalité s'exerce ainsi de manière concrète, en fonction des faits de la cause avec une portée limitée au cas d'espèce.

Par ailleurs, si le contrôle de conventionnalité a certainement contribué à conforter l'Etat de droit en France, il ne revêt pas la même portée, ni dans le champ des droits concernés, ni dans la façon dont il s'exerce, que le contrôle de constitutionnalité.

Comme l'a rappelé à votre rapporteur le vice-président du Conseil d'Etat, M. Jean-Marc Sauvé, le champ des principes conventionnels -au premier chef, les droits visés par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales- et celui des principes compris dans le « bloc de constitutionnalité » ne se recouvrent pas entièrement.

Il en est ainsi du principe d'égalité qui dépasse sans doute par sa portée le principe de non discrimination posé par la Convention européenne des droits de l'homme. De même, à titre d'exemple, la référence dans la Constitution au Préambule de 1946 permet d'élargir le champ des droits au-delà de ceux garantis par la convention (tel est le cas lorsque le juge constitutionnel français concilie la liberté d'entreprendre avec la protection des travailleurs).

Ainsi que l'a noté M. Jean-Marc Sauvé, certains moyens qui sont actuellement rejetés sur le terrain de la conventionnalité pourraient être accueillis sur le terrain constitutionnel 20 ( * ) . Et inversement, comme le Conseil constitutionnel l'avait lui-même affirmé dans sa décision IVG 21 ( * ) , « une loi contraire à un traité ne serait pas, pour autant, contraire à la Constitution » (considérant n°5), car il existe une « différence de nature de ces deux contrôles » (considérant n°6).

En ce qui concerne les effets du contrôle de conventionnalité et celui de constitutionnalité a posteriori , ce dernier présente davantage de garanties pour la sécurité juridique.

Malgré ses qualités, le contrôle de conventionnalité par le juge de droit commun est parfois source d'incohérence et d'imprévisibilité. En effet, l'appréciation de la conventionnalité des lois par un tribunal d'instance ou un tribunal administratif est souvent affranchie de tout contrôle (sous réserve des voies de recours à l'occasion desquelles la question est portée devant la Cour de cassation ou le Conseil d'Etat). Cela implique qu'en pratique, si le requérant demande au juge du fond d'écarter une loi au motif qu'elle est contraire à une convention internationale, et si sa prétention est satisfaite, le litige s'en arrêtera là. Ce n'est qu'en cas de contestation par l'autre partie, qui est loin d'être systématique, que l'affaire sera soumise à l'appréciation des juridictions suprêmes. Une telle incohérence est génératrice d'insécurité juridique.

Le contrôle de conventionnalité peut être source d'imprévisibilité et d'inégalité pour les justiciables. En principe, la décision du juge ordinaire qui déclare une disposition contraire à une norme conventionnelle n'est assortie que d'une autorité relative de chose jugée et ne vaut alors que pour le litige qui lui est soumis. Ainsi, la disposition écartée dans un litige demeure applicable pour les autres, ce qui est source d'inégalité entre les citoyens. L'issue de leur procès est alors tributaire de la compétence de l'avocat, ainsi que de l'appréciation casuistique par le juge ordinaire.

Le contrôle de constitutionnalité a posteriori , au contraire, permet d'assurer la sécurité juridique et l'égalité des justiciables. Selon l'article 62 alinéa 2 de la Constitution, une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution est abrogée immédiatement et erga omnes .

II. LE PROJET DE LOI ORGANIQUE : CONFÉRER AU DROIT RECONNU À L'ARTICLE 61-1 DE LA CONSTITUTION TOUTE SON EFFECTIVITÉ

Le présent projet de loi organique revêt une importance particulière pour l'application du recours de constitutionnalité a posteriori introduit par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008. En effet, comme l'a exactement rappelé le Conseil d'Etat, « tant qu'une telle loi organique n'est pas intervenue, les dispositions de l'article 61-1 de la Constitution ne sont donc pas applicables ; que, dans l'attente de cette loi organique, la conformité d'une loi à la Constitution ne peut, en conséquence, être utilement contestée devant le Conseil d'Etat, statuant au contentieux » 22 ( * ) . Le texte examiné a pour finalité de rendre effective la possibilité de soulever une question prioritaire de constitutionnalité.

A. LE TEXTE SOUMIS À L'EXAMEN DU SÉNAT

1. Le texte du projet de loi organique soumis par le Gouvernement

Le projet de loi organique (article premier) insère un chapitre II bis au sein du titre II « Fonctionnement du Conseil constitutionnel » de l'Ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.

Ce nouveau chapitre, intitulé « De la question de constitutionnalité » comprend onze articles et constituera la principale base législative de la question préjudicielle de constitutionnalité, les compléments apportés au Code de justice administrative et au Code de l'organisation judiciaire par les articles 2 et 3 du projet de loi organique procédant par renvoi aux articles 23-1 à 23-7 de l'ordonnance organique du 7 novembre 1958.

La question de constitutionnalité s'organise selon deux principes simples :

- elle pourra être soulevée par toute partie à l'instance , devant toutes les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation , à toute étape de la procédure (première instance, appel ou cassation) ;

- si les juridictions concernées sont habilitées à apprécier la recevabilité de la question, le Conseil constitutionnel demeure seul compétent pour statuer au fond sur la conformité à la Constitution.

Sur ces bases, la procédure s'organise selon les cas en trois ou deux temps :

- lorsque la question est soulevée devant une juridiction de première instance ou d'appel, celle-ci transmet la question à la cour suprême de son ordre si elle l'estime recevable. Le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation procède de nouveau à un examen de recevabilité (principe de double filtre) et renvoie, le cas échéant, la question au Conseil constitutionnel ;

- lorsque la question est soumise directement à la cour suprême (ce qui peut être le cas en première instance, appel et cassation devant le Conseil d'Etat et en cassation seulement devant la Cour de cassation), celle-ci procède de même à un examen de recevabilité et décide du renvoi de la question au Conseil constitutionnel.

La question de constitutionnalité devant une juridiction relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation

Le projet de loi organique retient six lignes directrices :

- la question de recevabilité pourrait être invoquée devant toutes les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation. Néanmoins, des règles particulières sont proposées en matière pénale : d'une part, au cours de l'instruction la question devrait être portée devant la chambre de l'instruction (et non devant le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention) ; d'autre part, comme tel était le cas dans le projet de loi organique élaboré en 1990, la question ne pourrait pas être soulevée devant la cour d'assises. Selon l'exposé des motifs, « cette restriction est justifiée par la composition particulière de cette juridiction et l'intérêt qui s'attache à ce que les questions de droit et de procédure soient réglées avant l'ouverture du procès criminel ». Néanmoins, le texte permet que la question de compatibilité avec la Constitution soit soulevée au moment de la déclaration d'appel formé contre un arrêt de la cour d'assises statuant en premier ressort. Elle serait alors transmise à la Cour de cassation ;

- l'initiative de soulever la question de constitutionnalité serait réservée aux parties . Le juge ne serait pas autorisé à la relever d'office ;

- la recevabilité de la question serait admise si trois conditions sont réunies : 1° la disposition contestée commande l'issue du litige ou la validité de la procédure ou constitue le fondement des poursuites ; la disposition n'a pas déjà été déclarée conforme par le Conseil constitutionnel dans les motifs et le dispositif de sa décision sauf changement de circonstances ; la question n'est pas dépourvue de caractère sérieux ;

- la juridiction devrait, si elle est saisie de moyens contestant, de façon analogue, la conformité de la disposition à la Constitution et aux engagements internationaux de la France, se prononcer en premier sur la question de constitutionnalité , sous réserve, le cas échéant des exigences résultant de l'article 88 de la Constitution en matière de droit communautaire ;

- la décision de transmettre la question serait admise au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou conclusions des parties. Le refus de transmettre la question ne pourrait être contesté qu'à l'occasion d'un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige.

- Lorsque la question est transmise, la juridiction serait tenue de surseoir à statuer . Dans l'hypothèse où la personne est privée de liberté à raison de l'instance ou lorsque l'instance a pour objet de mettre fin à une mesure privative de liberté, le juge devrait néanmoins statuer. Il pourrait également se prononcer quand un texte lui commande de statuer dans un délai déterminé ou en urgence.

La question de constitutionnalité devant le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation

Les cours suprêmes peuvent être saisies de la question de constitutionnalité dans deux hypothèses :

- soit sous la forme d'un renvoi de la question par le juge du fond -les cours disposant alors d'un délai de trois mois pour statuer ;

- soit lorsque la question est soulevée directement devant le Conseil d'Etat statuant comme juge de cassation, juge d'appel ou juge de premier ressort, ou devant la Cour de cassation en instance de cassation.

Dans les deux cas, les cours suprêmes procèdent à un examen de recevabilité de la question sur le fondement de trois critères, en sachant que les deux premiers sont communs à ceux retenus devant les juridictions du fond (disposition contestée commandant l'issue du litige et n'ayant pas déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel sauf changement de circonstances), alors que le troisième est spécifique : il requiert que la disposition en cause soulève une question nouvelle ou présente une difficulté sérieuse.

Le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation devraient renvoyer la question au Conseil constitutionnel si ces conditions sont satisfaites.

L'examen de la question de constitutionnalité par le Conseil constitutionnel

A ce stade, trois principes ont été retenus :

- le Conseil constitutionnel, une fois saisi de la question de constitutionnalité, aviserait immédiatement le Président de la République, le Premier ministre et les présidents des deux assemblés. Ces autorités pourraient soumettre leurs observations au Conseil constitutionnel.

- le Conseil constitutionnel statuerait dans un délai de trois mois au terme d'une procédure contradictoire et, sauf cas exceptionnel, publique ;

- la décision serait notifiée aux parties et communiquée au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation ainsi qu'à la juridiction devant laquelle la question de constitutionnalité a été soulevée. Elle serait également notifiée au Président de la République, au Premier ministre et aux présidents des assemblées et publiée au Journal officiel.

Le projet de loi organique prévoit enfin que ses dispositions entreraient en vigueur le premier jour du troisième mois suivant celui de sa publication.

2. Les modifications introduites par l'Assemblée nationale

Les députés, à l'initiative de leur commission des lois, ont souhaité renforcer le droit ouvert par l'article 61-1 en favorisant les mécanismes de transmission et de renvoi de la question de constitutionnalité.

Afin de marquer symboliquement cette orientation, la procédure a été qualifiée de « question prioritaire de constitutionnalité ». Le terme « prioritaire » implique que le moyen tiré de l'inconstitutionnalité d'une disposition législative puisse être examiné avant tous les autres et que cet examen soit conduit avec célérité.

Exception d'inconstitutionnalité, question préjudicielle
ou question de constitutionnalité : clarifications terminologiques

Bien que dans l'usage courant, l'expression « exception d'inconstitutionnalité » tende à prévaloir, le mécanisme prévu par l'article 61-1 ne s'apparente pas à une exception qui est appréciée par le juge même de l'action principale (le juge de l'action est le juge de l'exception), selon la pratique appliquée notamment aux Etats-Unis.

Ce n'est pas une « question préalable » puisque ce terme de droit parlementaire ne convient pas à une procédure contentieuse.

Il relève de la catégorie des questions préjudicielles puisque la résolution du point de droit litigieux est renvoyée à une autre juridiction que celle devant laquelle est porté le litige 23 ( * ) . Le projet de loi a préféré utiliser le terme de question de constitutionnalité pour souligner que celle-ci doit être traitée avant toutes les autres.

La désignation retenue par l'Assemblée nationale - question prioritaire de constitutionnalit - renforce l'originalité de la nouvelle procédure. 24 ( * )

La procédure devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation

Les députés ont apporté trois séries de modifications à la première étape de la procédure :

- le premier critère de recevabilité a été considérablement assoupli. Il ne serait plus exigé que la disposition commande l'issue du litige ou la validité de la procédure, mais il suffirait que la disposition contestée soit simplement applicable au litige ou à la procédure ;

- la réserve apportée par le projet de loi organique initial au principe de priorité de l'examen de conventionnalité sur l'examen de constitutionnalité lorsque sont en cause les exigences résultant de l'article 88-1 a été supprimée en raison de difficultés d'interprétation sur lesquelles votre rapporteur reviendra ;

- surtout, afin de garantir la rapidité de la procédure au bénéfice des citoyens, un délai de deux mois a été imparti aux juridictions pour statuer sur la question de constitutionnalité. Si, à l'issue du délai, les juridictions n'ont pas statué, les parties à l'instance disposeraient d'un délai d'un mois pour saisir directement le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation .

La procédure devant les cours suprêmes

L'Assemblée nationale a procédé à deux harmonisations utiles, lorsque la question de constitutionnalité est soulevée à l'occasion d'une instance devant une cour suprême :

- d'une part, comme tel est le cas pour les juridictions du fond, la cour doit se prononcer en priorité sur la question de constitutionnalité ;

- d'autre part, elle dispose d'un délai de trois mois -identique à celui qui lui est imparti quand elle est saisie d'une question de constitutionnalité transmise par une juridiction au fond- pour décider du renvoi au Conseil constitutionnel.

Dans la même logique de recherche d'une efficacité maximale du dispositif étudié, le Conseil constitutionnel serait automatiquement saisi de la question de constitutionnalité si le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation ne se sont pas prononcés dans le délai de trois mois (article 23-7).

Le sort de la question de constitutionnalité devant le Conseil constitutionnel

La question de constitutionnalité est l'affaire des parties, et comme telle, elle ne devrait pas persister si l'instance venait à sa fin alors que la question était pendante devant le Conseil constitutionnel. Les députés ont cependant considéré que dès lors que la question de constitutionnalité était renvoyée devant le Conseil constitutionnel, elle devrait recevoir une réponse. En conséquence, ils ont prévu que l'extinction, pour quelque cause que ce soit, de l'instance à l'occasion de laquelle la question a été posée serait sans conséquence sur l'examen de la question.

L'Assemblée nationale a entendu, enfin, rappeler que les lois du pays de la Nouvelle-Calédonie pouvaient être soumises au contrôle de conformité à la Constitution a posteriori . A cet effet, les députés ont apporté des modifications à la loi organique du 13 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie (article 2 bis nouveau).

B. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : PARFAIRE LES ÉQUILIBRES DU PROJET DE LOI ORGANIQUE

La mise en oeuvre de la question de constitutionnalité doit prendre en compte une double exigence : d'un côté, il importe de ne pas décevoir les attentes du justiciable à l'égard du nouveau droit offert par l'article 61-1 de la Constitution. De l'autre côté, les juridictions ne doivent pas être confrontées à l'inflation contentieuse qui pèserait sur leur fonctionnement et allongerait les procédures. Il y va de l'efficacité même du contrôle a posteriori .

Le législateur organique doit ainsi s'efforcer de concilier ces objectifs. Trois questions méritent à cet égard une attention particulière :

- le choix fait de réserver l'initiative de soulever la question de constitutionnalité aux parties à l'instance ;

-  l'articulation entre le contrôle de conventionnalité et l'examen de la question de constitutionnalité ;

- les conditions de transmission de la question de constitutionnalité par les juridictions du fond aux cours suprêmes et du renvoi de la question par celles-ci au Conseil constitutionnel.

Votre commission estime que le texte du projet de loi organique, complété par les députés, répond pour l'essentiel aux équilibres nécessaires. Elle considère néanmoins que des améliorations pourraient être apportées sur le dernier point.

1. Des points d'équilibre satisfaisants

Le relevé d'office de la question de constitutionnalité

Le projet de loi organique prévoit que la question de constitutionnalité ne peut être relevée d'office par le juge (articles 23-1 et 23-5).

Le droit ouvert par l'article 61-1 de la Constitution serait ainsi réservé aux seules parties à l'instance. Plusieurs des personnalités entendues par votre commission se sont étonnées de ce choix. Ainsi, M. Jean-Louis Nadal, procureur général près la Cour de cassation s'est étonné qu'un juge puisse appliquer une loi qu'il sait inconstitutionnelle alors qu'il peut relever à tout moment l'inconventionnalité d'une loi qu'il sait contraire à la Convention européenne des droits de l'homme. De même, le professeur Guillaume Drago a critiqué cette capitis diminutio des pouvoirs du juge.

Deux observations permettent de nuancer ces critiques :

- en premier lieu, le ministère public qui est partie au procès -même lorsqu'il n'est que partie jointe comme tel est plus souvent le cas au procès civil- va pouvoir soulever la question de constitutionnalité.

- surtout, lorsque le Conseil constitutionnel a été saisi de la question, l'extinction, pour quelque cause que ce soit de l'instance à l'occasion de laquelle la question a été posée, serait sans conséquence sur l'examen de la question (article 23-8-1 nouveau).En revanche, l'extinction de l'instance avant que le renvoi au Conseil constitutionnel ne soit intervenu mettrait un terme à l'examen de la question 25 ( * ) .

Si la formulation de l'article 61-1 (« lorsqu'il est soutenu ... ») n'exclut pas par elle-même la possibilité de soulever la question de constitutionnalité d'office, une telle faculté du juge semble contredire la ratio legis du dispositif. En effet, comme indiqué plus haut, la question prioritaire de constitutionnalité est censée conférer un nouveau droit subjectif aux citoyens, devenir un instrument de protection de leurs libertés dont ils pourraient user, à condition de ne pas en abuser. Pour cette raison, le justiciable devrait rester libre d'exercer ou non le nouveau droit que la Constitution lui a conféré. Comme l'ont indiqué les représentants de la profession d'avocats lors de leur audition par votre rapporteur, les requérants peuvent, avec l'aide de leurs conseils, souhaiter privilégier, dans le cadre d'une stratégie judiciaire, un moyen plutôt qu'un autre.

La priorité donnée à la question de constitutionnalité sur le contrôle de conventionnalité

La priorité donnée à l'examen du moyen d'inconstitutionnalité sur le moyen d'inconventionnalité a suscité de fortes réserves de la part du Premier président de la Cour de cassation, qui considère qu'elle pourrait porter préjudice au justiciable dans certaines circonstances. En effet, selon M. Vincent Lamanda, le contrôle de conventionnalité s'avère, dans bien des cas, plus efficace et mieux adapté pour une protection effective des droits fondamentaux que le contrôle de constitutionnalité.

Votre commission estime néanmoins que les orientations du dispositif voté par l'Assemblée nationale se justifient à plusieurs titres.

Elles s'inscrivent d'abord dans le cadre de la volonté explicitement assumée par le Constituant et le législateur de placer les libertés et droits fondamentaux sous la protection de la Constitution, premier fondement du lien social et civique 26 ( * ) . Comme l'avait relevé M. Jean-Marc Sauvé, lors de son audition par le Comité présidé par M. Edouard Balladur, il est difficile d'« accepter que la supériorité des traités sur les lois soit mieux protégée que la primauté de la Constitution elle-même dans l'ordre juridique ». La « place de la Constitution au sommet de l'ordre juridique interne » a été récemment réaffirmée par le Conseil constitutionnel dans sa décision sur le traité de Lisbonne 27 ( * ) .

Or, si les juridictions sont saisies simultanément de moyens contestant la conformité de la loi à la Constitution et aux engagements internationaux, elles seront sans doute conduites à privilégier l'examen de la conventionnalité ne serait-ce que parce qu'elles sont familières de ce mode de contrôle et qu'elles peuvent l'exercer directement. La question de constitutionnalité serait alors circonscrite aux seules spécificités de la Constitution française (par exemple, le principe de laïcité) et la portée de la réforme se trouverait singulièrement réduite.

En outre, la voie de contrôle de constitutionnalité a posteriori confère au requérant la possibilité d'obtenir l'abrogation de la disposition législative contestée, ce qui est incontestablement la sanction qui offre le plus de sécurité juridique. Compte tenu de l'effet erga omnes de la décision du Conseil constitutionnel , il est utile dans l'intérêt du droit, que notre ordre juridique puisse être purgé des textes inconstitutionnels.

Enfin, la distinction claire de la question de constitutionnalité et de l'exception d'inconventionnalité permettra de répartir harmonieusement les compétences respectives des différentes juridictions. Aux juridictions de l'ordre judiciaire et aux juridictions administratives continuera d'incomber l'examen de la conformité des lois aux droits international et européen, tandis que le Conseil constitutionnel sera conforté dans le monopole du contrôle de constitutionnalité.

Toutefois, la portée de la priorité posée par le projet de loi organique doit être tempérée à la lumière de deux observations :

- la partie à l'instance pourrait, si elle le souhaite, se borner à soulever le moyen tenant à la contrariété de la disposition législative avec un traité international ;

- le juge pourrait estimer que les critères de recevabilité de la question de constitutionnalité ne sont pas satisfaits (par exemple, parce que la disposition contestée a déjà fait l'objet d'une déclaration de conformité à la Constitution à l'occasion du contrôle a priori ) et n'examiner que le grief d'inconventionnalité.

Par ailleurs, la primauté donnée à l'examen de la recevabilité de la question de constitutionnalité n'exclut nullement que le juge procède, dans un deuxième temps, à un examen de conventionnalité. Si le Conseil constitutionnel accueille le moyen soulevé par le requérant, cet examen deviendrait sans objet. Si, au contraire, il le rejette et juge la disposition contestée conforme à la Constitution, le contrôle de conventionnalité pourrait s'exercer.

En effet, comme l'a rappelé devant votre commission le Premier président de la Cour de cassation, ces deux contrôles obéissent à des logiques différentes : ainsi, le même texte peut, suivant les circonstances, voir son application écartée ou approuvée par le juge judiciaire, comme l'indiquent par exemple les arrêts d'assemblée plénière de la Cour de cassation sur la législation relative au désendettement des rapatriés.

Enfin, la priorité conférée à la question de constitutionnalité est un mécanisme indispensable à l'articulation de ce nouveau type de contrôle avec la saisine de la Cour européenne des droits de l'Homme. Cette saisine est subordonnée à l'épuisement des voies de recours interne. Dans le cas où le Conseil constitutionnel, le juge de constitutionnalité de dernier ressort, rejette le moyen d' inconstitutionnalité, la Cour européenne des droits de l'Homme pourrait être saisie, sans que le justiciable risque d'encourir le reproche de non-épuisement des voies de recours internes.

Ainsi, les deux formes de contrôle réunies doivent conjuguer leurs effets au bénéfice d'une protection plus complète des citoyens.

Votre commission estime, en outre, que les députés ont, à juste titre, supprimé l'exception figurant dans le texte du gouvernement tenant au principe de l'examen prioritaire de la question de constitutionnalité lorsque sont en cause les « exigences résultant de l'article 88-1 ».

Cette réserve avait pour objet de préserver la faculté pour le juge national, saisi de la contestation de la conformité au droit communautaire d'une disposition également contestée au regard des droits et libertés garantis par la Constitution, de procéder d'abord à l'examen de la question de conformité au droit communautaire.

Ainsi interprétée, la réserve des dispositions communautaires soulevait une double objection :

- sur le plan des principes, subordonner l'examen de la question de constitutionnalité à la vérification des conditions d'application du droit communautaire serait contraire à notre hiérarchie des normes, qui place la Constitution au sommet de l'ordre juridique français, comme rappelé ci-dessus ;

- la question de constitutionnalité est distincte de celle de conformité avec le droit communautaire, pour laquelle il existe une voie de droit spécifique, à savoir la question préjudicielle prévue par l'article 234 du Traité instituant la Communauté européenne 28 ( * ) portée devant la Cour de justice des Communautés européennes.

Comme l'a indiqué le Secrétaire général du Conseil constitutionnel, M. Marc Guillaume, la règle de priorité de la question de constitutionnalité n'interdit nullement aux juridictions de fond et aux cours suprêmes de s'adresser à la CJCE.

2. Deux propositions pour conforter la procédure

• La question du filtrage

Le juge constitutionnel doit rester seul juge de la constitutionnalité des dispositions législatives. Dans le même temps, il est indispensable d'éviter les manoeuvres dilatoires et l'engorgement du Conseil constitutionnel.

Telle est la logique des filtres mis en place.

L'Assemblée nationale a cherché à encadrer ces mécanismes, d'une part, en fixant un délai de deux mois à l'issue duquel, en l'absence de décision des juridictions sur la recevabilité de la question de constitutionnalité, le justiciable pourrait saisir directement le Conseil d'Etat et la Cour de cassation et, d'autre part, en prévoyant la transmission automatique de la question de constitutionnalité au Conseil constitutionnel, à défaut de décision des cours suprêmes dans le délai de trois mois.

Ces modifications visent à garantir la rapidité de la procédure. Votre commission partage ces préoccupations. Néanmoins, le point d'équilibre proposé ne lui parait pas totalement satisfaisant.

En premier lieu, elle souscrit au choix fait par les députés en faveur d'une saisine automatique du Conseil constitutionnel à l'issue du délai de trois mois. Trois arguments militent dans ce sens.

La place du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation au sommet des deux ordres juridictionnels , les critères qu'il leur revient d'examiner (qui ne se confondent pas complètement avec les conditions examinées par la juridiction du fond), la décision rendue au terme de cet examen -qui présente tous les caractères d'une véritable décision juridictionnelle, autant d'éléments qui pourraient inciter les cours à un examen approfondi de la recevabilité de la question de constitutionnalité, au risque de la retenir au-delà du délai de trois mois.

Votre commission estime, à cet égard, que les cours suprêmes ne devraient reformuler qu'avec précaution et de manière seulement formelle la question qui leur est soumise. Il incombe en effet au Conseil constitutionnel d'identifier les termes dans lesquels la disposition législative devrait le cas échéant être contestée en vue de son abrogation.

M. Jean-Marc Sauvé a souhaité dissiper les appréhensions que pouvait susciter la position des cours suprêmes. Il a rappelé, à l'appui de l'expérience du contrôle de conventionnalité et du droit communautaire -du moins au cours des vingt dernières années-, que les juridictions suprêmes ne constituaient plus des cours souveraines : les décisions sont prises à la lumière de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme ou de la Cour de justice des Communautés européennes 29 ( * ) et sous leur contrôle. Il a souligné que le Conseil d'Etat se ferait un point d'honneur de statuer sur la recevabilité de la question de constitutionnalité dans des délais très rapides.

En deuxième lieu, dans l'hypothèse où les cours ne se seraient pas prononcées dans le délai de trois mois, le justiciable, dépourvu de la capacité de saisir directement le Conseil constitutionnel, n'aurait guère de recours.

Enfin, les termes mêmes de l'article 61-1 exigent que les cours suprêmes se prononcent dans un « délai déterminé ».

La situation se présente de manière tout à fait différente devant les juridictions du fond.

Elles devraient en principe procéder à un examen plus sommaire de la question de constitutionnalité. Ce premier filtre a en effet pour objet principal d'écarter les demandes manifestement infondées, à la lumière de trois séries de critères prévues par le présent projet de loi organique.

Par ailleurs, en tout état de cause, la partie à l'instance pourrait, à l'occasion d'un recours au fond, en appel ou en cassation, poser de nouveau la question de constitutionnalité.

L'instauration d'un délai excessivement contraignant pour les juges du fond afin de décider de la transmission de la question de constitutionnalité aux juridictions suprêmes pourrait même avoir des effets contraires aux objectifs poursuivis, en encourageant les juridictions à laisser courir systématiquement le délai ou renvoyer en bloc les questions soulevées sans examiner les conditions de leur recevabilité. Les juridictions suprêmes pourraient ainsi se trouver saturées et les procédures contentieuses considérablement allongées.

M. Jean-Louis Nadal, procureur général près la Cour de cassation a exprimé, devant votre commission, ses craintes à cet égard : il a estimé que l'exception d'inconstitutionnalité pourrait devenir un instrument dilatoire et que le délai institué pour accélérer le processus risquerait, au contraire, de ralentir le rythme du procès.

Sensible à ces arguments, votre commission, dans un souci d'équilibre, a adopté un amendement de son rapporteur, afin de supprimer le délai de deux mois ainsi que la faculté donnée aux parties, en guise de sanction à ce délai, de saisir directement le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation. En revanche, l'exigence de se prononcer « sans délai » sur la transmission de la question de constitutionnalité serait maintenue afin de marquer la nécessité d'un traitement rapide de la procédure et afin d'assurer le respect de l'énoncé de l'article 61-1 de la Constitution

L'absence de délai déterminé permettra, en particulier, d'introduire davantage de souplesse dans le règlement du contentieux de masse : lorsque la même question aura été posée dans un grand nombre d'affaires devant plusieurs juridictions, celles-ci pourront attendre la décision du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation à cet égard et procéder par analogie pour les questions identiques.

La motivation des décisions des juridictions

Votre commission a adopté un amendement de son rapporteur afin de prévoir, de manière explicite, que les décisions portant sur la transmission de la question de constitutionnalité aux cours suprêmes et sur le renvoi de la question par ces dernières au Conseil constitutionnel doivent être motivées comme tel est le cas pour toutes les décisions juridictionnelles.

Votre commission estime que la motivation doit permettre d'éclairer utilement les parties sur l'appréciation des trois critères de recevabilité par le juge saisi. Elle apparaît d'autant plus nécessaire que la décision de transmission ou son refus ne peut faire l'objet d'aucun recours.

*

* *

En conclusion, votre rapporteur souhaiterait attirer l'attention sur deux sujets qui soulèvent encore des incertitudes.

Les effets de la décision du Conseil constitutionnel

Dans le cas d'une abrogation, la décision du Conseil constitutionnel devrait présenter les traits communs aux décisions de censure a priori : abrogation par voie de conséquence (sur le fondement d'une inséparabilité partielle ou totale entre des dispositions liées par la cohérence du texte de loi), abrogation avec des réserves d'interprétation susceptibles d'éclairer le juge et le législateur.

Quels seraient les effets de l'abrogation sur les décisions de justice devenues définitives ?

Comme l'a confirmé M. Marc Guillaume, une décision du Conseil constitutionnel ne pourrait pas avoir d'effet sur les situations juridiques définitivement acquises ou des décisions de justice revêtues de l'autorité de la chose jugée

Néanmoins, un aménagement à cette non-rétroactivité serait envisageable en matière pénale (par analogie avec le principe constitutionnel de rétroactivité des lois pénales in mitius ) : si le Conseil constitutionnel, à l'occasion d'une question de constitutionnalité, déclare une disposition législative contraire à la Constitution et que cette disposition avait servi de fondement aux poursuites et à une condamnation devenue définitive, et si la peine n'avait pas encore été entièrement exécutée, l'annulation de cette disposition par le juge constitutionnel aurait l'effet prévu par l'article 112-4 du code pénal. En vertu de ce dernier, « la peine cesse de recevoir exécution quand elle a été prononcée pour un fait qui, en vertu d'une loi postérieure au jugement, n'a plus le caractère d'une infraction pénale ». Ainsi, sans effacer la condamnation prononcée, la déclaration d'inconstitutionnalité mettrait fin à l'exécution de la peine immédiatement et pour l'avenir.

Par ailleurs, si la condamnation a emporté l'exécution d'une mesure privative de liberté, la possibilité de saisir la commission de réparation des détenus devrait être admise.

Le souci de sécurité juridique n'autorise pas la généralisation des dispositions de l'article 625 du Code de procédure civile, selon lesquelles la cassation entraîne l'annulation de plein droit de toute décision juridictionnelle qui serait indissolublement liée à la décision cassée.

Qu'en serait-il des procédures en cours ? Déclarée inconstitutionnelle, la disposition législative disparaît. Les juges du fond devraient-ils alors appliquer les dispositions dans leur rédaction antérieure ?

L'abrogation d'une disposition législative par le Conseil constitutionnel, comme celle opérée par le législateur dans une loi nouvelle, ne devrait pas avoir d'effet rétroactif.

Comment pourrait être comblé, en trois temps, le vide juridique né de ces situations ?

Il appartiendra d'abord au juge constitutionnel comme le lui permet l'article 62 de la Constitution de moduler les effets de sa décision dans le temps.

Aux termes du deuxième alinéa de l'article 62, « une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produit sont susceptibles d'être remis en cause ».

Ainsi, le Conseil constitutionnel pourrait tempérer la portée et les modalités d'application dans le temps de sa décision, de façon analogue à la technique du report des effets d'une déclaration d'inconstitutionnalité 30 ( * ) déjà utilisée par le juge constitutionnel dans le cadre du contrôle a priori .

Le juge constitutionnel ne saurait cependant définir les effets de sa décision sur une instance judiciaire en cours ou ayant fait l'objet d'une décision définitive. Les juridictions doivent rester compétentes pour tirer les conséquences concrètes de la décision du Conseil constitutionnel sur les litiges en cours.

Enfin, il reviendra naturellement au législateur de déterminer le nouveau cadre juridique applicable à la suite de l'abrogation de la disposition législative censurée par le Conseil constitutionnel.

Les perspectives de développement du nouveau contentieux

Il paraît aujourd'hui impossible de prédire avec certitude l'ampleur que prendra le contentieux du contrôle de constitutionnalité a posteriori . La situation se présentera sans doute de manière très différente selon les juridictions 31 ( * ) .

M. Marc Guillaume, secrétaire général du Conseil constitutionnel, a estimé que quelques dizaines d'affaires par ordre de juridiction pourraient être transmises au Conseil par an.

Depuis 1974, la quasi-totalité des lois concernant les droits et libertés a été soumise au Conseil constitutionnel, de sorte que le nombre de dispositions législatives contraires à la Constitution ne devrait pas être interminable.

Sans doute, ne faut-il pas sous-estimer dans les premiers temps de la mise en oeuvre de la procédure, une multiplication des questions de constitutionnalité (fondée notamment sur un changement de circonstances par rapport à la déclaration de conformité a priori par le Conseil constitutionnel).

La jurisprudence des cours suprêmes et du Conseil constitutionnel devraient réguler ces flux et concentrer les questions sur les problèmes de constitutionnalité les plus vifs.

Dans cette perspective, selon les voeux de M. Jean-Louis Nadal, procureur général près la Cour de cassation, une synergie doit s'instaurer entre le Conseil constitutionnel, le Conseil d'Etat et la Cour de cassation dans un dialogue de juges renforcé.

*

* *

Au bénéfice de ces observations, votre commission a adopté le projet de loi organique ainsi modifié.

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier (art. 23-1 à 23-11 nouveaux de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958) - Mise en oeuvre de la question prioritaire de constitutionnalité

Le présent article tend à insérer dans l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique relative au Conseil constitutionnel un chapitre II bis qui fait suite au chapitre II consacré aux modalités du contrôle a priori des lois.

L'intitulé de ce nouveau chapitre -initialement « De la question de constitutionnalité »- a été complété afin de prendre en compte la nouvelle formulation retenue par l'Assemblée nationale pour désigner la procédure de contrôle a posteriori -« Question prioritaire de constitutionnalité ».

CHAPITRE II BIS - DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ

SECTION 1 - Dispositions applicables d evant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation

Article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 - Conditions dans lesquelles la question de constitutionnalité peut être soulevée devant une juridiction

Cet article précise les conditions selon lesquelles le moyen tiré de la contrariété d'une disposition législative avec les droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé devant une juridiction. Il détermine à ce titre les juridictions concernées, les personnes auxquelles revient cette prérogative, la nature des dispositions susceptibles d'être contestées, les moyens pouvant être invoqués et, enfin, les conditions procédurales de saisine de la juridiction.

1. Les juridictions concernées

Conformément à la lettre de l'article 61-1 qui prévoit que la question peut être soulevée « à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction », le champ ouvert par l'article 23-1 est très étendu.

En premier lieu, la question préalable de constitutionnalité pourrait être soulevée devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation y compris les juridictions spécialisées, par exemple s'agissant de l'ordre administratif, les juridictions financières.

En second lieu, la question pourrait être soulevée en première instance mais aussi en appel -même dans l'hypothèse où elle n'aurait pas été posée devant le juge du premier degré.

Ainsi, si la question de constitutionnalité ne saurait être invoquée devant une autorité administrative indépendante qui, bien qu'elle puisse disposer d'un pouvoir de sanction et comprendre des magistrats dans sa formation (par exemple la commission de régulation de l'énergie), n'est pas une juridiction en droit interne 32 ( * ) , elle pourrait l'être à l'occasion d'un recours formé à l'encontre de la décision administrative devant le juge judiciaire ou devant le juge administratif 33 ( * ) .

Deux séries d'exception doivent cependant être relevées.

Les juridictions ne relevant ni du Conseil d'Etat, ni de la Cour de cassation

En premier lieu, seraient exclues trois juridictions qui ne relèvent ni du Conseil d'Etat, ni de la Cour de cassation :

- le tribunal des conflits appelé à se prononcer sur la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction, administratif et judiciaire, ce qui n'engage pas, en principe 34 ( * ) , des questions relevant des droits et libertés garantis par la Constitution ;

- la Haute Cour -en revanche la question de constitutionnalité pourrait être soulevée devant la Cour de justice de la République dont les arrêts sont susceptibles de recours en cassation (article 33 de la loi organique du 3 novembre 1993 relative à la Cour de justice de la République) ;

- la cour supérieure d'arbitrage instituée par la loi du 11 février 1950 relative aux conventions collectives et aux procédures de règlement des conflits collectifs du travail dont l'activité apparaît réduite.

Une interrogation subsiste quant à la possibilité de soulever la question prioritaire de constitutionnalité devant le Conseil constitutionnel statuant au titre des compétences que lui confère la Constitution comme juge des élections législatives , des incompatibilités et inéligibilités survenues au cours d'un mandat ou de certaines opérations préalables à l'organisation des référendums.

Il reviendra au Conseil constitutionnel de décider s'il transpose le contrôle par voie d'exception à ce type d'instance. Comme l'a indiqué M. Marc Guillaume, secrétaire général du Conseil constitutionnel, à votre rapporteur, il serait sans doute logique que le Conseil s'engage dans cette voie.

La cour d'assises

Aux termes du dernier alinéa de l'article 23-1, le moyen tiré de l'inconstitutionnalité de la loi ne saurait être soulevé devant la cour d'assises. Les projets de révision constitutionnelle de 1990 et 1993 excluaient déjà que la question préjudicielle puisse être invoquée devant cette juridiction. Cette exception a été justifiée par la composition particulière de cette juridiction -la présence des jurés- même si la cour d'assises est composée exclusivement des magistrats professionnels et statue sans jurés, en première instance, dans les affaires de terrorisme.

La question pourrait cependant, en tout état de cause, être soulevée en appel. Dans ce cas, elle serait soulevée dans un écrit accompagnant la déclaration d'appel et transmis à la Cour de cassation . Ainsi la question de constitutionnalité pourrait être examinée avant l'ouverture des débats devant la cour d'assises en appel.

Afin d'éviter cependant que toute la procédure ne soit remise en cause au moment de l'examen de l'affaire par la juridiction au fond, l'article 23-1 permet également que la question prioritaire de constitutionnalité soit soulevée au cours de l'instruction, la juridiction d'instruction du second degré -à savoir la chambre de l'instruction- en étant alors saisie 35 ( * ) .

2. Le titulaire de l'initiative

Comme le prévoit l'article 23-1 (dernière phrase du premier alinéa), le moyen tiré de l'inconstitutionnalité d'une disposition législative ne pourrait pas être relevé d'office. Ce droit appartiendrait aux parties à l'instance et non au juge.

Le choix du législateur organique semble déterminé par les termes de l'article 61-1 « lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit ». Comme l'a souligné le professeur Michel Verpeaux 36 ( * ) , il n'existe pas d' « ordre public constitutionnel » : la question de constitutionnalité a d'abord pour vocation de protéger les droits et libertés revendiqués par l'une des parties au procès. La notion de partie est cependant plus étendue que celle de justiciable. Elle inclut en particulier le ministère public considéré comme partie principale auprès des juridictions répressives, et comme partie jointe dans certains procès civils qu'il n'a pas fait naître et où il intervient par voie de réquisition pour donner à la juridiction un simple avis sur la solution de l'affaire.

Selon le deuxième alinéa de l'article 23-1, lorsque le ministère public n'est pas partie à l'instance, l'affaire devrait lui être communiquée dès que le moyen est soulevé afin qu'il puisse faire connaître son avis.

3. Le domaine du contrôle

Reprenant les termes de l'article 61-1 de la Constitution, l'article 23-1 du projet de loi organique prévoit que toute « disposition législative » peut faire l'objet de la question de constitutionnalité. Lors de l'examen de la révision constitutionnelle, le Parlement avait supprimé la limite initialement retenue par le Gouvernement qui limitait le champ du contrôle aux lois promulguées depuis 1958. Comme le soulignait alors le président Jean-Jacques Hyest dans le rapport sur le projet de loi constitutionnelle, le contrôle peut ainsi porter sur tous les « actes de valeur législative » intervenus par le passé « y compris les décrets-lois sous la IIIe République, les ordonnances adoptées pendant la libération ou dans la période transitoire de 1958-1959 ». La question de constitutionnalité pourrait ainsi être soulevée à l'encontre des dispositions ayant force législative quelle qu'en soit la forme.

Des interrogations demeurent s'agissant de trois catégories de dispositions :

- les lois organiques : elles font, sous la V e République, l'objet d'un contrôle systématique a priori . Tel n'a pas été le cas néanmoins des dispositions prises sur le fondement de l'article 92 de la Constitution entre le 4 octobre 1958 et le 4 février 1959 qui entrent ainsi pleinement dans le champ de la question de constitutionnalité ;

- les lois référendaires : selon la jurisprudence, le contrôle de constitutionnalité a priori tel qu'il est prévu par l'article 61 de la Constitution vise « uniquement les lois votées par le Parlement et non point celles qui, adoptées par le Peuple français à la suite d'un référendum contrôlé par le Conseil constitutionnel au titre de l'article 60, constituent l'expression directe de la souveraineté nationale » 37 ( * ) .

Selon M. Bruno Genevoix, « il y aurait quelque paradoxe à ouvrir une possibilité de contrôle par la voie de l'exception [des lois adoptées par la voie de référendum]. Rien ne paraît justifier que le contrôle a posteriori puisse être plus étendu que le contrôle a priori » 38 ( * ) Les lois référendaires devraient sans doute être écartées du champ de la question de constitutionnalité 39 ( * ) ;

- les lois du pays de Nouvelle-Calédonie : elles ont force législative lorsqu'elles interviennent dans l'un des domaines énumérés par l'article 99 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.

Aux termes de l'article 77 de la Constitution, les conditions dans lesquelles certaines catégories d'actes de l'assemblée délibérante de Nouvelle-Calédonie peuvent être soumises avant publication au contrôle du Conseil constitutionnel doivent figurer dans la loi organique portant statut de la Nouvelle-Calédonie. Cette disposition constitutionnelle qui vise une saisine a priori du Conseil constitutionnel n'exclut nullement la mise en oeuvre d'un contrôle a posteriori sur les lois du pays.

Il est toutefois apparu souhaitable, comme l'a prévu l'Assemblée nationale à l'article 2 bis du projet de loi organique d'adapter la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie pour tenir compte de cette nouvelle forme de contrôle et prendre en compte les conditions d'examen de la question de constitutionnalité devant le Conseil constitutionnel lorsqu'elle sera invoquée à l'encontre des lois du pays de la Nouvelle-Calédonie.

4. Les normes constitutionnelles susceptibles d'être invoquées

Le moyen doit se fonder sur une atteinte aux « droits et libertés garantis par la Constitution ».

Les droits et libertés garantis par la Constitution sont ceux qui figurent dans la Constitution -par exemple la parité (article premier), l'expression pluraliste des opinions politiques en matière politique (article 4), l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle (article 66)- et les textes cités dans son préambule : la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, le Préambule de la Constitution de 1946 -qui renvoie aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République 40 ( * ) -ainsi que la Charte de l'environnement.

Le champ des dispositions invocables doit être précisé sur trois points :

- les objectifs de valeur constitutionnelle . Dégagés par la jurisprudence du Conseil constitutionnel pour éclairer le Parlement -par exemple, la sauvegarde de l'ordre public, la préservation du pluralisme des courants d'expression socio-culturels, l'accessibilité et l'intelligibilité de la loi, la bonne administration de la justice- ces objectifs ne constituent pas à proprement parler des droits subjectifs d'application directe et sont en tant que tels dépourvus de portée normative. Ils s'adressent au législateur pour lequel ils constituent des obligations de moyens et non de résultat. Néanmoins, ces notions présentent un caractère évolutif : un objectif peut se transformer en un droit 41 ( * ) , un principe de valeur constitutionnelle. Il reviendra au Conseil constitutionnel lui-même de décider de cette transformation ;

- les règles constitutionnelles de compétence normative ou à caractère procédural ; elles ne relèvent pas des droits et libertés. Leur exclusion du champ des normes invocables devrait cependant être nuancée. Ainsi, les règles de compétence, telles qu'elles sont fixées en particulier par l'article 34 de la Constitution, peuvent, viser certains droits : principe de « libre administration » des collectivités territoriales, reconnaissance depuis la révision du 22 juillet 2008, de la liberté, du pluralisme et de l'indépendance des médias au deuxième alinéa de l'article 34 42 ( * ) . Parmi les règles procédurales, seules pourraient être invoquées des garanties qui conditionnent directement l'exercice du droit ou de la liberté ;

- la carence du législateur à mettre en oeuvre une exigence constitutionnelle . Devrait pouvoir être invoqué le manquement à l'obligation faite à la loi d'assurer les garanties légales des exigences constitutionnelles dès lors que sont en cause les libertés et droits fondamentaux 43 ( * ) .

Il appartiendra au juge constitutionnel de préciser le champ de normes de référence, en harmonie avec les principes mis en oeuvre dans le cadre du contrôle a priori.

5. Les conditions de forme

Le moyen soulevé par la partie à l'instance devrait, « à peine d'irrecevabilité », être présenté dans un écrit distinct et motivé.

La question prioritaire de constitutionnalité ferait ainsi l'objet d'une argumentation spécifique. Il s'agit d'abord d'éviter la multiplication de recours non motivés et purement dilatoires mais aussi d'inviter le justiciable à avancer ce moyen en toute connaissance de cause, en particulier au regard des retards qu'il est susceptible de provoquer dans la procédure contentieuse.

Sur le plan matériel, l'exigence d'un écrit « distinct » permettra de faciliter son examen par les juridictions au fond et, en cas de transmission, par les cours suprêmes.

Article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 - Conditions de transmission de la question de constitutionnalité au Conseil et à la Cour de cassation

Cet article détermine les conditions dans lesquelles la juridiction -de première instance ou d'appel- transmet à la cour suprême dont elle relève la question de constitutionnalité. Il fixe ainsi les critères justifiant le renvoi au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation ; il pose aussi pour principe la priorité de la transmission de la question de constitutionnalité en cas de contestation fondée d'une part sur les droits et libertés garantis par la Constitution, d'autre part, sur les engagements internationaux de la France ; il détermine aussi un délai pour la transmission de la question et précise les modalités de ce renvoi.

1. Les critères justifiant la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation (cf article 23-1)

L'article 23-2 subordonne le renvoi à la cour suprême de chaque ordre juridictionnel à trois critères cumulatifs . Lorsque ces trois conditions sont réunies, la juridiction est tenue de transmettre la question. Cependant, la formulation retenue pour chacun des critères laisse au juge son pouvoir d'appréciation.

Premier critère : la disposition contestée doit être applicable au litige ou à la procédure, ou constituer le fondement des poursuites . Cette rédaction résulte d'un amendement adopté par les députés à l'initiative de leur commission des lois. Plus restrictif, le texte du gouvernement exigeait que la disposition contestée « commande l'issue du litige ou la validité de la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ». Or les termes de l'article 61-1 qui permettent que la question de constitutionnalité soit soulevée « à l'occasion d'un litige » appelle en effet plus de souplesse. La modification introduite par l'Assemblée nationale apparaît plus favorable au développement de la question de constitutionnalité. Elle prend un relief particulier en matière pénale puisque tout élément de procédure (même s'il ne détermine pas la validité de cette procédure) peut être contesté dès lors qu'il est entâché d'un vice d'inconstitutionnalité.

Deuxième critère : la disposition contestée ne doit pas avoir été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances . Cette condition implique que le juge ne prenne en compte, d'une part, le dispositif que s'il est bien la résultante des motifs développés dans la décision 44 ( * ) et, d'autre part, les motifs à la condition qu'ils soient le soutien de ce dispositif. Sous réserve que ces motifs expliquent le sens de la décision, le juge sera ainsi tenu par l'interprétation donnée par le Conseil constitutionnel. Le dispositif vise ainsi à rappeler l'autorité de la chose jugée attachée aux décisions du Conseil constitutionnel.

La condition, justifiée par le souci d'éviter la répétition d'un contrôle concernant des questions sur lesquelles le Conseil constitutionnel s'est déjà prononcé souffre cependant d'une exception en cas de « changement de circonstances ».

La référence au changement de circonstances figure d'ores et déjà dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Ainsi, dans sa décision n° 2008-573 DC du 8 janvier 2009 -portant sur la loi relative à la commission prévue à l'article 25 de la Constitution et à l'élection des députés, le Conseil constitutionnel a estimé que le minimum de deux députés par département, précédemment jugé conforme à la Constitution n'était « eu égard à l'importante modification de ces circonstances de droit et de fait (...) plus justifié par un impératif d'intérêt général susceptible d'atténuer la portée de la règle selon laquelle l'Assemblée nationale doit être élue sur des bases essentiellement démographiques » 45 ( * ) .

L'interprétation qu'il convient de donner au changement de circonstances de droit ne soulève pas de difficultés en soi. Un tel changement se produit en cas de modification de l'ordre constitutionnel. L'adoption de nouveaux droits ou principes (par exemple la charte de l'environnement, l'extension du principe de parité aux responsabilités professionnelles et sociales depuis la révision du 23 juillet 2008) peut conduire à discuter de nouveau de la constitutionnalité de certaines dispositions législatives précédemment déclarées conformes.

La prise en compte de circonstances de fait est, à l'évidence, plus délicate. Deux risques doivent être conjurés : l'instabilité juridique, l'appréciation au fond de la question de constitutionnalité par le juge alors que cette compétence appartient au Conseil constitutionnel.

Le recours au changement de circonstances ne devrait, en conséquence, intervenir que de manière tout à fait exceptionnelle. En particulier, un changement de circonstances de fait ne semble admissible que plusieurs décennies après l'adoption de la disposition législative litigieuse.

En dehors du changement de circonstances, la disposition déclarée conforme ne devrait plus pouvoir être contestée quels que soient les moyens invoqués.

La question ne devrait pas être dépourvue de caractère sérieux

Cette condition vise à écarter les questions fantaisistes dont l'objet n'a souvent qu'un caractère dilatoire.

2. Le délai dans lequel le juge doit transmettre la question de constitutionnalité

Dans sa version initiale, le projet de loi organique ne fixait aucun délai au juge pour transmettre à la juridiction suprême de son ordre la question de constitutionnalité.

Les députés ont exprimé la crainte que le juge attende la mise en état de l'affaire pour se prononcer sur le moyen tiré de l'inconstitutionnalité d'une disposition législative le privant de son principal intérêt. Ils ont ainsi prévu que le juge transmette « sans délai et dans la limite de deux mois la question de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation » dès lors que les conditions de recevabilité se trouvent réunies.

Afin de donner tout son effet à ce délai, ils ont complété ce dispositif en donnant à toute partie à l'instance, si la juridiction ne s'est pas prononcée à l'issue du délai de deux mois, la faculté de saisir directement les juridictions suprêmes.

Afin d'éviter que cette possibilité ne soit détournée à des fins dilatoires, cette faculté serait ouverte dans la limite d'un délai d'un mois à compter de l'échéance du délai de deux mois imparti à la juridiction pour se prononcer sur la transmission.

Votre commission partage le souhait exprimé par l'Assemblée nationale de mettre en place au bénéfice du justiciable une procédure simple et rapide de transmission de la question de constitutionnalité, lorsque celle-ci est fondée, et d'éviter que ce contentieux ne soit retenu, pour une raison ou une autre par le juge du fond.

La détermination d'un délai peut cependant présenter certains inconvénients alors que ses avantages doivent être tempérés.

En premier lieu, le délai de deux mois imparti aux juridictions pour statuer pourrait induire certains effets pervers. Le juge du fond ne sera-t-il pas tenté de laisser courir le délai afin de laisser à la cour suprême le soin de statuer ? Dans une telle hypothèse, le premier filtre ne jouerait pas ; le Conseil d'Etat et la Cour de cassation pourraient se trouver engorgés et les procédures s'allongeraient à rebours de l'objectif poursuivi.

Ensuite, l'intérêt du délai pour le justiciable doit être tempéré. En tout état de cause, les parties par la voie de l'appel ou de la cassation pourraient de nouveau soulever la question de constitutionnalité.

Ainsi, tout en maintenant l'exigence pour les juridictions de se prononcer « sans délai », votre commission a adopté un amendement de son rapporteur supprimant le délai de deux mois et, en conséquence, la sanction de ce délai consistant dans la faculté donnée aux parties à l'instance de saisir directement les cours suprêmes lorsque le juge ne s'est pas prononcé dans le délai.

Cet amendement prévoit aussi l'obligation de motivation de transmission ou non transmission de la question de constitutionnalité aux cours suprêmes afin que le justiciable soit éclairé sur les éléments d'appréciation retenus.

Cette motivation n'emporte aucune décision de fond sur la constitutionnalité : elle porte sur les seules conditions de recevabilité de la question soulevée.

3. Formes de la transmission et recours

Selon l'avant-dernier alinéa de l'article 23-2, la décision de transmission de la question doit être adressée au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé assortie des mémoires ou des conclusions des parties.

Par ailleurs, le refus de transmission ne peut faire l'objet d'aucun recours -dans le cas contraire, l'exception d'inconstitutionnalité risquerait de se transformer en procédure dilatoire.

Le projet de loi organique prévoit cependant qu'elle peut être contestée à l'occasion d'un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige. La question de constitutionnalité pourrait ainsi être posée de nouveau en appel et en cassation.

4. Priorité de la question de constitutionnalité sur la question de la conventionnalité

Le projet de loi organique déposé par le Gouvernement prévoyait en cas de contestation, sur la base de moyens « analogues », de dispositions contraires à la Constitution et aux engagements internationaux, l'obligation pour la juridiction de se prononcer en priorité sur la question de constitutionnalité « sous réserve, le cas échéant, des exigences résultant de l'article 88-1 de la Constitution ».

La priorité de l'examen de constitutionnalité

Le principe de priorité découle de trois séries de considérations :

- la reconnaissance de la primauté de la Constitution dans l'ordre juridique interne ;

- la nécessité, conformément à la logique de la réforme constitutionnelle, de donner au justiciable les moyens de faire valoir les droits qu'il tient de la Constitution ;

- l'avantage donné à un moyen dont l'effet erga omnes conduira à l'abrogation de la disposition législative.

A défaut du rappel de cette priorité, le contrôle de conventionnalité pourrait continuer de prévaloir, comme le montre l'exemple de la Belgique rappelé par M. Jean-Luc Warsmann dans son rapport au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale. En effet, la Cour de cassation belge avait choisi d'examiner en premier lieu les moyens de conventionnalité en refusant de poser une question de constitutionnalité dès lors que la Constitution ne pose pas d'exigence différente de celle de la disposition conventionnelle d'effet direct. Une loi adoptée le 12 juillet 2009 prévoit désormais dans ce pays la priorité de l'examen des moyens de constitutionnalité sur l'examen des moyens de conventionnalité.

Sans doute le contrôle de conventionnalité pourrait-il, dans certaines hypothèses, se révéler plus efficace dans la mesure où le litige peut être immédiatement tranché par le juge sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer, cependant il importe de laisser au justiciable le soin de choisir les moyens qu'il entend privilégier.

La référence faite par le texte initial aux moyens contestant de manière analogue la conformité à la Constitution et aux engagements internationaux n'était pas satisfaisante car, comme l'a observé le professeur Bertrand Mathieu, « c'est au regard de la disposition invoquée qu'il convient de se placer et non au regard des moyens invoqués ». En supprimant la référence à la similitude des moyens, l'Assemblée nationale a levé cette ambiguïté.

La suppression de la réserve résultant des exigences de l'article 88-1 de la Constitution

Aux termes de l'article 88-1 de la Constitution 46 ( * ) , « la République participe à l'Union européenne constituée d'Etats qui ont choisi librement d'exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 ».

Comme l'a indiqué le professeur Bertrand Mathieu devant votre commission, la réserve tenant aux exigences de l'article 88-1 apparaissait contestable à trois titres :

- elle pouvait apparaître ambigüe, en effet la seule exigence déduite par le Conseil constitutionnel de l'article 88-1 consiste dans la transposition en droit interne d'une directive communautaire sauf lorsque celle-ci serait contraire à une règle ou un principe « inhérent à l'identité constitutionnelle de la France » (par exemple le principe de laïcité) 47 ( * ) ; les exigences tirées de l'article 80 pourraient faire l'objet d'interprétations différentes de la part des différentes juridictions ;

- en second lieu, la réserve ne répondait pas à des exigences claires et impérieuses du droit communautaire dès lors qu'il s'agit uniquement de régler une question de validation de la loi sur le plan purement interne dans des conditions qui ne font pas obstacle au contrôle du respect du droit communautaire (le juge pouvant simultanément poser la question de constitutionnalité ainsi que la question préjudicielle prévue par l'article 234 du traité instituant la communauté européenne 48 ( * ) ;

- en troisième lieu, la réserve visant l'article 88-1 était inopportune dans la mesure où l'intégration du droit de la convention européenne des droits de l'homme dans le droit communautaire aurait pu réduire à néant le principe du caractère premier de la question de constitutionnalité sur la question de conventionnalité.

Article 23-3 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 - Sursis à statuer

Aux termes de cet article, la juridiction serait, lorsqu'elle décide de transmettre la question de constitutionnalité, tenue de surseoir à statuer jusqu'à la réception de la décision du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation ou, s'il a été saisi, du Conseil constitutionnel. Compte tenu des délais fixés à ces cours par le projet de loi organique, le sursis à statuer ne devrait pas excéder six mois .

Cependant, cet article prévoit un tempérament ainsi que plusieurs exceptions à l'obligation de surseoir à statuer.

Le tempérament

Le cours de l'instruction ne serait pas suspendu et la juridiction pourrait prendre les mesures provisoires ou conservatoires nécessaires. Il importe en effet de ne pas ajouter un nouvel obstacle au déroulement du procès pénal, soumis à l'exigence du respect d'un délai raisonnable.

Les exceptions

Le projet de loi organique prévoit par ailleurs trois exceptions à l'obligation pour le juge de surseoir à statuer. Seule la première de ces exceptions présente un caractère obligatoire.

Lorsqu'une personne est privée de liberté ou lorsque l'instance a pour objet de mettre fin à une mesure privative de liberté . Tel est le cas notamment lorsque le juge judiciaire est appelé à se prononcer sur le maintien d'un prévenu en détention provisoire.

Le juge pourrait statuer lorsque la loi ou le règlement prévoit qu'il doit statuer dans un délai déterminé ou en urgence 49 ( * ) .

Dans ce cas, si la juridiction du premier degré a statué sans attendre et s'il est formé appel de sa décision, la juridiction d'appel serait tenue de surseoir à statuer sauf lorsqu'elle est elle-même tenue de statuer dans un délai déterminé ou en urgence.

Le juge pourrait également statuer sur les points qui doivent être immédiatement tranchés lorsque le sursis à statuer serait susceptible d'entraîner des conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d'une partie.

Aussi justifiées soient-elles, les dérogations au sursis à statuer ne manquent pas de soulever certaines difficultés.

Une décision de justice pourrait ainsi être rendue alors même que la question de constitutionnalité resterait pendante devant les cours suprêmes et, le cas échéant, devant le Conseil constitutionnel. Les difficultés introduites par cette situation doivent cependant être tempérées à la lumière de trois observations :

- il appartiendra au justiciable d'utiliser les voies de recours qui lui sont offertes pour faire obstacle, s'il le souhaite, à l'intervention d'une décision définitive. En effet, comme le prévoit le dernier alinéa de l'article 23-3, si un pourvoi en cassation a été introduit alors que les juges du fond se sont prononcés sans attendre la décision du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, ou le cas échéant, du Conseil constitutionnel, il doit être sursis à toute décision sur le pourvoi tant qu'il n'a pas été statué sur la question de constitutionnalité. Le projet de loi organique prévoit cependant une exception à cette obligation lorsque l'intéressé est privé de liberté à raison de l'instance et que la loi prévoit que la Cour de cassation statue dans un délai déterminé (par exemple, en vertu de l'article 567-2 du code de procédure pénale, l'obligation pour la Cour de cassation de statuer dans un délai de trois mois lorsqu'un pourvoi est formé contre un arrêt de la chambre de l'instruction rendu en matière de détention provisoire) ;

- la question de constitutionnalité ne conditionne pas nécessairement la solution du litige : en effet, les députés ont modifié les conditions de recevabilité des moyens invoqués ; dès lors qu'il suffit que la disposition contestée soit « applicable » au litige, la question de constitutionnalité ne modifierait pas nécessairement le sens de la décision ;

- enfin, sous réserve du cas où elle est renvoyée au Conseil constitutionnel, la question de constitutionnalité devrait s'éteindre devant le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation lorsqu'une décision prise par le juge du fond est devenue définitive. Cette solution devrait également s'imposer en cas de désistement d'instance ou de désistement d'action. En effet, selon la logique de la réforme, la question de constitutionnalité ne peut se poser indépendamment du litige qui l'a fait naître, sauf si la question a déjà été portée devant le Conseil constitutionnel (voir le nouvel article 23-8-1, infra ).

Dans l'hypothèse où le juge est tenu de statuer, il pourra procéder à un examen de la conventionnalité .

Comme l'a souligné M. Marc Guillaume, secrétaire général du Conseil constitutionnel devant votre rapporteur, quelle que soit la réponse donnée à cette question, la question de constitutionnalité gardera sa pertinence. En effet, d'une part, la déclaration d'inconstitutionnalité de la loi entraînera son abrogation. D'autre part, la déclaration de conformité à la Constitution ne remettra pas en cause les conséquences tirées par le juge du prononcé de l'inconventionnalité.

Par ailleurs, le cours de l'instruction n'étant pas suspendu, les délais de prescription de l'action publique et de préemption de l'instance pourraient être aménagés afin de ne pas porter préjudice aux intérêts des parties. Compte tenu de la complexité des situations, il paraît sage de s'en remettre, en la matière, aux pratiques jurisprudentielles.

SECTION 2 - Dispositions applicables devant le Conseil d'Etat et la Cour de cassation

Article 23-4 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 - Décision du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation sur le renvoi de la question de constitutionnalité au Conseil constitutionnel

Cet article vise, d'une part, à fixer au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation un délai de trois mois pour se prononcer sur le renvoi d'une question de constitutionnalité au Conseil constitutionnel, d'autre part, à déterminer les conditions auxquelles ce renvoi doit répondre.

Les deux premiers de ces critères sont identiques à ceux qui commandent, aux termes de l'article 23-2, la décision des juridictions au fond de saisir la cour suprême de l'ordre dont elle relève (la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure ou constitue le fondement des poursuites ; elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances).

Le troisième critère est distinct. Alors que les juridictions au fond doivent vérifier que « la question n'est pas dépourvue de caractère sérieux », les cours suprêmes s'assureraient que « la question est nouvelle ou présente un caractère sérieux » (le projet de loi organique prévoyait une rédaction différente et jugée plus restrictive par les députés selon laquelle la disposition contestée, elle-même, soulevait une question nouvelle ou présentait une difficulté sérieuse).

Devant les juridictions du fond, il s'agit seulement de s'assurer que la question n'est pas manifestement infondée. La condition requise devant les cours suprêmes apparaît donc plus exigeante. Elle est toutefois tempérée par la condition alternative tenant à la nouveauté de la question (une question nouvelle n'est pas nécessairement sérieuse).

Comme l'a indiqué le professeur Bertrand Mathieu à votre commission, la référence au caractère nouveau de la question comme condition alternative à son caractère sérieux évite que les juges judiciaires ou administratifs tranchent eux-mêmes des questions non résolues par le Conseil constitutionnel sous prétexte que la difficulté n'est pas assez sérieuse pour qu'il ne puisse la résoudre lui-même en écartant la question.

La référence à la question nouvelle apparaît en pratique très proche de la notion de changement de circonstances mentionnée dans le critère précédent. Selon M. Marc Guillaume, secrétaire général du Conseil constitutionnel, l'adossement à la Constitution de la Charte de l'environnement peut faire naître une question nouvelle et il est souhaitable que le Conseil fixe l'interprétation de cette Charte dès l'origine, même si la difficulté n'est pas sérieuse.

Ces critères d'appréciation s'inspirent, pour partie, des dispositions retenues pour les avis contentieux introduits en 1987 pour le Conseil d'Etat (art. L. 113-1 du code de justice administrative) et par la loi du 15 mai 1991 pour la Cour de cassation -deux dispositifs très proches faisant référence aux mêmes éléments d'appréciation de la question posée : « questions de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges » 50 ( * ) .

A l'instar de ce qui est proposé par votre commission pour les décisions des juges au fond concernant la transmission de la question de constitutionnalité aux cours suprêmes, la décision des cours suprêmes sur le renvoi de la question de constitutionnalité au Conseil constitutionnel devrait être motivée afin d'éclairer le justiciable sur les éléments d'appréciation retenus. La commission a adopté un amendement de son rapporteur en ce sens. Cette motivation n'appelle aucune autre appréciation de fond sur la constitutionnalité : elle porte sur les conditions de recevabilité qui, il est vrai, laissent une part d'appréciation au juge.

Article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 - Question de constitutionnalité soutenue devant le Conseil d'Etat et la Cour de cassation

Cet article prévoit qu'une question de constitutionnalité peut être soulevée directement à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation.

Cette disposition se justifie à deux titres : d'abord, la question de constitutionnalité peut être soulevée en cassation (qu'elle ait ou non été invoquée lors des instances précédentes) ; ensuite, le Conseil d'Etat peut être juge en premier et dernier ressort ainsi que juge d'appel.

La procédure d'examen de la question de constitutionnalité devant les cours suprêmes apparaît très proche de celle retenue par l'article 23-1 devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation :

- les conditions dans lesquelles la question de constitutionnalité serait soulevée sont identiques : le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution devrait, à peine d'irrecevabilité, être présenté dans un écrit distinct et motivé ; il ne pourrait être relevé d'office ; devant la Cour de cassation, lorsque le ministère public n'est pas partie à l'instance, l'affaire lui serait communiquée dès que le moyen est soulevé afin qu'il puisse faire connaître son avis ;

- néanmoins, les critères de recevabilité sont ceux prévus par l'article 23-4 afin que les cours suprêmes ne se prononcent pas sur des bases différentes selon les conditions dans lesquelles elles sont saisies (la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances ; la question doit être nouvelle ou présenter une difficulté sérieuse) ;

- lorsque le Conseil constitutionnel a été saisi, le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation doivent surseoir à statuer jusqu'à sa décision, sous deux réserves, la première obligatoire, lorsque l'intéressé est privé de liberté à raison de l'instance et que la loi impose à la Cour de cassation de statuer dans un délai déterminé, la seconde, facultative, lorsque l'une ou l'autre des deux cours suprêmes doivent se prononcer en urgence.

L'Assemblée a complété à l'initiative de la commission des lois ce dispositif :

- d'une part, en prévoyant un délai de trois mois -comme tel est le cas, selon l'article 23-4 lorsque le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation se prononce sur le renvoi au Conseil constitutionnel d'une question transmise par une autre juridiction ;

- d'autre part, en posant pour principe la priorité d'examen de la question de constitutionnalité à l'instar du principe retenu devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.

Article 23-6 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 - Procédure devant la Cour de cassation

Cet article fixe la procédure applicable devant la Cour de cassation pour l'examen de la question de constitutionnalité.

En premier lieu il prévoit que le premier président de cette cour est destinataire :

- de la décision de transmission, par la juridiction devant laquelle le moyen a été invoqué, de la question de constitutionnalité accompagnée des mémoires ou conclusions des parties ;

- de la saisine directe de la part d'une partie à l'instance lorsque, la question de constitutionnalité est soulevée pour la première fois en cassation ;

- de l'écrit accompagnant la déclaration d'appel en cas d'appel d'un arrêt rendu par la cour d'assises en premier ressort.

Le premier président aviserait immédiatement le procureur général (de la même manière que lorsque la question de constitutionnalité est soulevée devant une juridiction relevant de la Cour de cassation, l'affaire est communiquée au ministère public s'il n'est pas déjà partie à l'instance afin qu'il puisse faire connaître son avis).

L'arrêt de la Cour serait rendu par une formation présidée par le premier président et composée des présidents des chambres et de deux conseillers appartenant à chaque spécialité concernée (soit 9 magistrats). Par dérogation, le président pourrait, si la solution lui paraît s'imposer, renvoyer la question devant une formation qu'il présiderait, composée du président de la chambre spécialement concernée et d'un conseiller de cette chambre. Ce dispositif pourrait se révéler utile lorsque la Cour de cassation est saisie directement, dans le cadre d'un pourvoi en cassation, d'une question de constitutionnalité présentant un caractère manifestement dilatoire. La formation plénière devrait être le plus souvent retenue lorsque la Cour de cassation est saisie par les juridictions placées sous son autorité dans la mesure où la question de constitutionnalité a passé l'épreuve d'un premier filtre.

Par ailleurs, le dernier alinéa de l'article 23-6 prévoit, d'une part, que le premier président peut se faire suppléer par un délégué qu'il désigne parmi les présidents de chambre de la Cour de cassation et, d'autre part, que les présidents des chambres peuvent être suppléés par des délégués désignés par les conseillers de la chambre. Le parquet général de la Cour de cassation devrait naturellement être en mesure de présenter ses observations devant chacune des formations ad hoc concernées.

Le projet de loi organique ne comporte pas d'indications sur les formations du Conseil d'Etat chargées d'exercer le filtre. Selon les indications données à votre rapporteur par M. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'Etat, le droit commun prévu par l'article L. 122-1 du code de justice administrative devrait s'appliquer : la question de constitutionnalité pourrait ainsi être soumise, en fonction de sa difficulté, soit à une sous-section jugeant seule (soit trois juges), aux sous-sections réunies (soit neuf juges) ou encore à la section ou à l'assemblée du contentieux (soit respectivement 15 ou 17 juges).

Article 23-7 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 - Procédure relative à la transmission de la décision du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation au Conseil constitutionnel

Cet article règle les modalités de transmission de la décision du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation relative à la question de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

Il distingue deux hypothèses :

- dans le cas où l'une ou l'autre des deux cours suprêmes décide de transmettre la question de constitutionnalité au Conseil constitutionnel, cette décision est transmise au Conseil constitutionnel avec les mémoires ou les conclusions des parties ;

- dans le cas où le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation décide de ne pas transmettre, la décision de non transmission doit aussi être transmise au Conseil constitutionnel.

Ainsi, quelle que soit la position adoptée par la juridiction, le Conseil constitutionnel en serait informé .

Afin de donner son efficacité au dispositif, les députés, à l'initiative de leur commission des lois, ont souhaité, selon la logique déjà retenue pour les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, qu'à l'issue du délai de trois mois, si les cours suprêmes ne se sont pas prononcées, la question soit transmise au Conseil constitutionnel . Ils ont estimé que les termes de l'article 61-1 de la Constitution selon lesquels ces juridictions « se prononcent dans un délai déterminé » imposaient une sanction du non respect du délai.

Par ailleurs, aux termes de l'article 23-7, la décision du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation -qu'elle soit une décision de transmission ou de non transmission de la question de constitutionnalité au Conseil constitutionnel- est, d'une part, communiquée à la juridiction qui a transmis la question de constitutionnalité et, d'autre part, notifiée aux parties.

Cette information n'est pas sans incidence sur une éventuelle prolongation du sursis à statuer. Aussi, l'Assemblée nationale a-t-elle utilement fixé un délai de huit jours pour l'accomplissement de ces formalités.

SECTION 3 - Dispositions applicables devant le Conseil constitutionnel

Article 23-8 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 - Information du Président de la République, du Premier ministre et des présidents des assemblées

Cet article prévoit d'abord l'obligation pour le Conseil constitutionnel saisi d'une question de constitutionnalité d'en aviser immédiatement le Président de la République, le Premier ministre et les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Cette disposition est cohérente avec l'obligation similaire faite au Conseil constitutionnel par l'article 18 de l'ordonnance n° 58-1067 lorsqu'il est saisi sur le fondement de l'article 60 de la Constitution d'une loi non encore promulguée.

Les députés ont complété le texte initial du gouvernement en prévoyant également l'information du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, du président du congrès et des présidents des assemblées de province lorsqu'une disposition d'une loi du pays de la Nouvelle-Calédonie ferait l'objet de la question de constitutionnalité.

Selon le texte initial du projet de loi organique, le Président de la République, le Premier ministre et les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat pouvaient présenter leurs observations sur cette question. Néanmoins, les députés ont estimé que cette faculté pourrait « prêter à confusion avec la procédure prévue par l'article 61 de la Constitution, qui reconnaît des droits spécifiques aux présidents des assemblées ainsi qu'aux autres parlementaires » 51 ( * ) .

Ils ont donc réservé, à l'initiative de leur commission des lois, cette possibilité au Président de la République et au Premier ministre 52 ( * ) . Votre commission estime que, sans qu'il soit nécessaire de le prévoir dans la loi organique, les observations des présidents des assemblées comme des autres parlementaires pourront naturellement être accueillies par le Conseil constitutionnel.

Article 23-8-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 - Garantie d'examen de la question de constitutionnalité par le Conseil constitutionnel en cas d'extinction de l'instance

Cet article introduit dans le projet de loi organique par les députés à l'initiative de leur commission des lois prévoit que le Conseil constitutionnel doit examiner la question de constitutionnalité dont il est saisi même si l'instance à l'occasion de laquelle elle a été posée s'est éteinte (par transaction, acquiescement, désistement d'instance ou d'action, décès d'une partie dans les actions non transmissibles, préemption, caducité de la citation ...).

La question de constitutionnalité est à la fois un droit réservé à une partie à l'instance et aussi un moyen d'assurer la prééminence de la Constitution dans l'ordre juridique interne comme le démontre l'effet erga omnes de la décision du Conseil constitutionnel.

Le premier de ces caractères prévaut lors de l'instance au cours de laquelle la question de constitutionnalité est soulevée, puisque le juge ne peut relever d'office le moyen tiré de l'inconstitutionnalité de la loi. Le second l'emporte une fois que le Conseil constitutionnel est saisi. Le dispositif ainsi proposé apparaît équilibré dans la mesure où au dernier stade de la procédure, devant le Conseil constitutionnel, les différents filtres juridictionnels ont déjà joué : le renvoi de la question a répondu aux critères déterminés par la loi et l'intérêt du droit commande alors d'aller au terme de la procédure.

Article 23-9 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 - Procédure applicable devant le Conseil constitutionnel

Cet article détermine la procédure applicable devant le Conseil constitutionnel. Il fixe d'abord à trois mois à compter de sa saisine le délai dans lequel le Conseil constitutionnel doit statuer.

Aux termes de l'article 61 de la Constitution, le Conseil constitutionnel dispose d'un délai d'un mois, susceptible d'être ramené à huit jours à la demande du gouvernement, pour se prononcer sur la constitutionnalité d'une loi encore non promulguée (l'ordonnance du 7 novembre 1958 retient les mêmes conditions de délai pour les décisions relatives à la conformité à la Constitution d'un engagement international -article 19 de la Constitution- ou les décisions sur les demandes de déclassement de dispositions législatives -article 25 de la Constitution). La saisine du Conseil constitutionnel a toutefois pour effet de suspendre la promulgation de la loi ; elle justifie la brièveté du délai fixé par la Constitution. La portée du renvoi d'une question de constitutionnalité a posteriori ne peut, à cet égard, lui être assimilée.

En outre, le délai de trois mois proposé par le projet de loi organique apparaît nécessaire pour permettre au Conseil constitutionnel de traiter un contentieux dont les développements présentent encore des inconnues 53 ( * ) .

L'article 23-9 prévoit également deux garanties procédurales inspirées de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

- le principe du contradictoire : ainsi les parties seraient mises à même de présenter contradictoirement leurs observations ;

- la publicité de l'audience sauf dans les cas exceptionnels définis par le règlement intérieur du Conseil constitutionnel.

La représentation des parties pourrait être facultative et ne devrait pas obéir à des principes trop rigides.

Article 23-10 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 - Motivation, publication et notification de la décision du Conseil constitutionnel

Aux termes de l'article 23-10, la décision du Conseil constitutionnel doit être motivée et publiée au journal officiel (comme tel est le cas pour les déclarations de conformité à la Constitution prises en vertu de l'article 61 de la Constitution -article 20 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel).

Les députés ont également, en cohérence avec plusieurs précisions apportées précédemment, prévu la publication de la décision du Conseil constitutionnel lorsqu'elle porte sur une loi du pays de Nouvelle-Calédonie dans le journal officiel de cette collectivité.

Outre la motivation et la publication, le présent article prévoit aussi l'information :

- d'une part, sous la forme d'une notification, des parties extérieures et, sous la forme d'une communication, des juridictions suprêmes ainsi que, le cas échéant, de la juridiction devant laquelle la question de constitutionnalité a été soulevée ;

- d'autre part, des autorités que le Conseil constitutionnel doit informer, en vertu de l'article 23-8, de sa saisine (Président de la République, Premier ministre, présidents des deux assemblées et, à la suite du complément apporté par les députés, président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, président du congrès et présidents des assemblées des provinces). Le terme de « notification » prévu pour cette information ne paraît pas adapté (il est en principe réservé aux parties à l'instance). Votre commission a adopté un amendement de son rapporteur tendant à lui substituer la notion de communication.

Article 23-11 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 - Majoration de la rétribution des auxiliaires de justice en cas de transmission d'une question de constitutionnalité au Conseil constitutionnel

Cet article permet une majoration de la contribution de l'Etat à la rétribution des auxiliaires de justice qui prêtent leur concours au titre de l'aide juridictionnelle lorsque le Conseil constitutionnel est saisi d'une question de constitutionnalité.

Selon l'exposé des motifs, l'aide juridictionnelle ne saurait être accordée spécialement pour soutenir une question de constitutionnalité dans la mesure où celle-ci constitue un incident d'instance et ne se distingue pas de l'instance principale.

Tel n'est pas le cas, il est vrai, lorsque l'une des deux cours suprêmes a été saisie par une juridiction au fond de la question de constitutionnalité. Compte tenu des incertitudes pesant encore sur le développement de la question de constitutionnalité, il apparaît cependant souhaitable de s'en tenir au dispositif proposé par le projet de loi organique, quitte à l'ajuster, à la lumière de l'expérience.

Votre commission a adopté l'article premier ainsi modifié.

Article 2 (art. L.O. 771-1 et 771-2 nouveaux du code de justice administrative ; art. L.O. 461-1 et 461-2 nouveaux du code de l'organisation judiciaire ; art. L.O. 630 du code de procédure pénale) - Coordinations

Cet article tend à compléter le code de la justice administrative, le code de l'organisation judiciaire et le code de procédure pénale afin d'y faire mention, sous la forme d'un renvoi aux articles pertinents introduits par le présent projet de loi dans l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, aux règles de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité d'une juridiction à la cour suprême dont elle relève et de cette cour au Conseil constitutionnel.

Il prévoit ainsi :

- l'insertion d'un nouveau chapitre premier bis au sein du titre VII (dispositions spéciales en matière de jugement) du livre VII du code de justice administrative ;

- l'insertion d'un nouveau titre VI au sein du livre IV (dispositions relatives à la Cour de cassation) du code de l'organisation judiciaire ;

- le rétablissement du titre premier du livre IV (procédures particulières) du code de procédure pénale afin de créer les modalités particulières selon lesquelles la question de constitutionnalité peut être soulevée à l'occasion d'une instance pénale.

Votre commission a adopté un amendement de son rapporteur afin d'introduire également une référence à la question de constitutionnalité dans le cadre des juridictions financières.

Votre commission a adopté l'article 2 ainsi modifié .

Article 2 bis (nouveau) (art. 107 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) - Question de constitutionnalité relative à une loi de Nouvelle-Calédonie

Cet article inséré par l'Assemblée nationale, à l'initiative de la commission des lois, dans le projet de loi organique, vise à compléter la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie afin de prévoir explicitement que les dispositions d'une loi du pays peuvent faire l'objet d'une question de constitutionnalité.

Cette disposition répond au souhait exprimé par votre commission par la voix de notre collègue Christian Cointat lors du débat sur le projet de loi organique relative à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et de Mayotte ainsi qu'à l'engagement alors repris par la secrétaire d'Etat chargée de l'Outre-mer, Mme Marie-Luce Penchard, au nom du Gouvernement 54 ( * ) .

Votre commission a adopté l'article 2 bis sans modification.

Article 3 - Modalités d'application de la loi

Cet article précise que les modalités d'application de la loi sont déterminées dans les conditions prévues par les articles 55 et 56 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.

L'article 55 renvoie à un décret en conseil des ministres après consultation du Conseil constitutionnel et avis du Conseil d'Etat.

L'article 56 indique que le Conseil constitutionnel « complètera par son règlement intérieur les règles de procédure édictées par le titre II de la présente ordonnance » -titre dans lequel ont été insérées les dispositions prévues par le présent projet de loi organique. Toutefois, dans la mesure où certaines des nouvelles règles procédurales ne concernent pas uniquement le Conseil constitutionnel, la rédaction de l'article 56 serait modifiée afin de limiter le champ du règlement intérieur aux seules règles de procédures applicables devant le Conseil constitutionnel 55 ( * ) .

La commission a adopté l'article 3 sans modification .

Article 4 - Entrée en vigueur

Cet article prévoit l'entrée en vigueur du texte de la loi organique le premier jour du troisième mois suivant celui de sa promulgation.

Le texte initial présenté par le Gouvernement faisait partir le délai de la publication de la loi. Les députés ont à juste titre pris pour référence le jour de datation de la loi.

La commission a adopté l'article 4 sans modification .

*

* *

La commission a adopté le projet de loi organique ainsi modifié.

EXAMEN EN COMMISSION - MARDI 29 SEPTEMBRE 2009

M. Hugues Portelli , rapporteur, a d'abord indiqué que la question de constitutionnalité s'apparentait à une question préjudicielle puisque la résolution du point litigieux est renvoyée à une juridiction autre que celle devant laquelle est porté le litige. Il a rappelé que la question de constitutionnalité serait tranchée par le Conseil constitutionnel après l'intervention de deux filtres successifs au niveau, d'une part, du premier juge saisi et, d'autre part, des cours suprêmes. Ces filtres sont indispensables pour éviter l'engorgement des juridictions. Il a relevé cependant que l'Allemagne, notamment, reconnaissait la possibilité pour le justiciable de saisir directement la Cour constitutionnelle à l'occasion d'un litige.

M. Hugues Portelli , rapporteur, a précisé que le juge du fond se bornait à apprécier la recevabilité de la question de constitutionnalité sur la base de trois critères : la disposition contestée doit être applicable au litige ou à la procédure ou constitue le fondement des poursuites ; la disposition n'a pas déjà été déclarée conforme par le Conseil constitutionnel dans les motifs et le dispositif d'une décision, sauf changement de circonstances ; la question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. Il a noté que, lorsque ces trois conditions seraient réunies, le juge transmettrait obligatoirement la question à la cour suprême de l'ordre dont il relève. Le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation procédait de même à un examen de la recevabilité de la question sur la base de trois critères dont les deux premiers étaient identiques à ceux retenus pour les juridictions du fond et le troisième exigeait de vérifier que la question de constitutionnalité était nouvelle ou présentait une difficulté sérieuse.

M. Hugues Portelli , rapporteur, a salué le travail accompli par l'Assemblée nationale pour améliorer le texte du projet de loi organique. Il a observé que ses modifications avaient porté sur deux points en particulier. D'une part, les députés avaient souhaité conforter sans ambiguïté la priorité de l'examen de la question de constitutionnalité sur celui de la conventionnalité. Il a noté que le contrôle de conventionnalité ne permettait d'écarter la disposition contestée que dans le cadre du litige à l'occasion de laquelle elle avait été soulevée contrairement à l'effet erga omnes des décisions rendues par le Conseil constitutionnel. Ainsi, le contrôle de conventionnalité pouvait être source d'imprévisibilité et l'inégalité pour les justiciables en contradiction avec le souci de sécurité juridique. Le rapporteur a noté en outre que, dans l'hypothèse où le Conseil constitutionnel conclurait à la conformité de la loi à la Constitution, le contrôle de conventionnalité pourrait alors s'exercer selon les voies habituelles.

M. Hugues Portelli , rapporteur, a relevé, d'autre part, que l'Assemblée nationale avait souhaité assouplir les mécanismes de filtre mis en place par le texte initial du projet de loi organique afin d'accélérer la procédure d'examen de la question de recevabilité. En premier lieu, les députés avaient instauré un délai de deux mois à l'issue duquel, si les juridictions du fond n'avaient pas statué dans cet intervalle, le justiciable pourrait saisir directement le Conseil d'Etat et la Cour de cassation. En second lieu, à défaut de décision des cours suprêmes dans le délai de trois mois qui leur était imparti, la question de constitutionnalité serait transmise systématiquement au Conseil constitutionnel. Il a estimé que cette transmission automatique se justifiait dès lors que l'on pouvait craindre en vertu de la théorie de l'acte clair, longtemps mise en application par les cours suprêmes pour éviter de renvoyer une question préjudicielle à la Cour de justice des communautés européennes, que le Conseil d'Etat et la Cour de cassation soient parfois enclins à retenir la question de constitutionnalité. Il a rappelé que l'article 61-1 de la Constitution impliquait que les cours suprêmes se prononcent dans un délai déterminé, comme tel est le cas dans la majorité des pays où est institué un contrôle de constitutionnalité. En revanche, le rapporteur a estimé que le délai de deux mois fixé aux premières juridictions saisies pouvait présenter de sérieux inconvénients, en particulier en provoquant un engorgement des cours suprêmes.

Aussi M. Hugues Portelli , rapporteur, a-t-il suggéré de revenir sur le délai de deux mois tout en réaffirmant la nécessité pour le juge saisi de la question de constitutionnalité de statuer rapidement. Il a souhaité également que le texte puisse être complété afin d'introduire l'obligation de motivation des décisions du juge concernant la transmission ou le renvoi de la question de constitutionnalité tout en rappelant le caractère juridictionnel de ces décisions. Enfin, il s'est demandé si la juridictionnalisation des missions du Conseil constitutionnel ne devait pas conduire à compléter le régime d'incompatibilités de ses membres afin d'éviter tout conflit d'intérêts.

M. Jean-Pierre Sueur a souligné l'intérêt de ce projet de loi organique, dont il a relevé qu'il était porteur de droits nouveaux importants pour le justiciable. Il a rappelé que M. Robert Badinter avait plaidé pendant de nombreuses années en faveur d'un texte permettant aux citoyens de contester a posteriori la constitutionnalité d'une loi. Il a rappelé qu'un projet de loi constitutionnelle avait été déposé en ce sens en mars 1990 par le gouvernement de Michel Rocard mais qu'il s'était, à l'époque, heurté à l'opposition du Sénat. De ce point de vue, il s'est félicité de l'évolution de la majorité sénatoriale sur cette question. Il a néanmoins considéré que, en dépit de ces aspects positifs, les critiques concernant la composition du Conseil constitutionnel et le mode de désignation de ses membres conservaient toute leur validité. Il a approuvé l'extension du régime des incompatibilités suggérée par le rapporteur. Il a estimé essentiel que la nouvelle procédure mise en place par le projet de loi organique respecte les principes du procès équitable, et a observé que la composition actuelle du Conseil pouvait constituer un obstacle au respect de ces principes.

M. Jean-Pierre Sueur a rejoint le rapporteur quant à la nécessité d'imposer la motivation des décisions portant sur la question de constitutionnalité. Enfin, il a estimé souhaitable d'envisager que, sur le modèle de la révision constitutionnelle de 1974 ayant permis à soixante députés ou soixante sénateurs de déférer une loi non promulguée au Conseil constitutionnel, puisse être ouverte à soixante députés ou soixante sénateurs la faculté de faire valoir leur position devant le Conseil lorsque celui-ci sera saisi d'une question de constitutionnalité. En tout état de cause, il a annoncé que le groupe socialiste déposerait un certain nombre d'amendements à l'occasion de l'examen du projet de loi organique en séance publique.

M. Bernard Frimat a rejoint les observations formulées par le rapporteur et par M. Jean-Pierre Sueur concernant le nécessaire renforcement des incompatibilités imposées aux membres du Conseil constitutionnel. Il a en effet estimé que, à partir du moment où le Conseil interviendrait dans le cadre d'une procédure contentieuse, il était indispensable de bannir tout risque de conflit d'intérêts. Il a par ailleurs attiré l'attention sur une disposition du texte prévoyant que l'éventuelle inconstitutionnalité d'une loi ne pourrait pas être relevée d'office par le juge, et a souhaité interroger le rapporteur sur les motifs d'une telle disposition.

M. Hugues Portelli , rapporteur, a fait observer que le texte même de l'article 61-1 de la Constitution faisait état d'un moyen « soutenu » par les parties, rédaction qui paraissait exclure la possibilité pour le juge de soulever d'office le moyen tiré de l'éventuelle inconstitutionnalité d'une loi. Il a toutefois observé que le ministère public, qui est toujours partie à l'instance en matière pénale, aurait la possibilité de soulever ce moyen devant le juge.

M. Patrice Gélard a rappelé qu'il avait lui-même déposé en mars 2000 une proposition de loi tendant à permettre dans certaines conditions un contrôle de constitutionnalité a posteriori des lois antérieures à 1958 ou n'ayant pas été déférées au Conseil avant leur promulgation. Par ailleurs, il a regretté qu'un certain nombre des amendements qu'il avait déposés avec M. Jean-René Lecerf et M. Hugues Portelli à l'occasion de l'examen de la réforme constitutionnelle de 2008 n'aient pas été adoptés, observant que le dispositif retenu conduirait inévitablement à un certain nombre de dysfonctionnements. Il a considéré que les cours suprêmes subiraient sans aucun doute un engorgement, au moins dans les premières années de fonctionnement du nouveau dispositif. Il a par ailleurs souligné que la réforme examinée entraînerait un profond changement des méthodes de travail du Conseil constitutionnel, et qu'il était indispensable que le Parlement soit associé à ce nouveau mode de contrôle de constitutionnalité des lois. Il a enfin attiré l'attention sur les risques de divergences de jurisprudences entre, d'une part, la Cour de cassation et le Conseil d'Etat appelés à se prononcer sur la conventionnalité des lois, et, d'autre part, le Conseil constitutionnel invité à se prononcer sur leur constitutionnalité.

M. Jean-Jacques Hyest , président, a souligné le fait que le projet de loi organique organisait la primauté de la question de constitutionnalité sur le contrôle de conventionnalité des lois. Il a indiqué que la Cour de cassation et le Conseil d'Etat craignaient que la mise en oeuvre de cette question de constitutionnalité ne conduise à les placer sous la sujétion du Conseil constitutionnel. Enfin, il a affirmé qu'il était lui-même favorable depuis de nombreuses années à l'ouverture du contrôle de constitutionnalité des lois aux justiciables, rappelant notamment que, en 1990, alors qu'il était député, il avait voté le projet de loi constitutionnelle déposé par le Gouvernement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat a fait savoir que le groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche ne voterait pas ce projet de loi organique, rappelant que, s'il n'était pas par principe opposé à la saisine du Conseil constitutionnel par les citoyens, son groupe demeurait néanmoins hostile au mode actuel de désignation des membres du Conseil constitutionnel, dont elle a estimé qu'il ne s'apparentait en rien à celui de membres d'une cour constitutionnelle. Elle a par ailleurs estimé que, en matière de contrôle de constitutionnalité des lois, le Parlement devait en tout état de cause conserver le dernier mot.

M. François Pillet a fait observer que l'impossibilité pour le juge de soulever d'office le moyen tiré de l'inconstitutionnalité d'une loi pouvait être aisément contournée au moyen de la réouverture des débats, qui permet au magistrat d'inviter les parties à s'expliquer sur un moyen qu'elles auraient oublié de soulever.

A la remarque de M. François Zocchetto , qui a regretté que ce projet de loi organique ne permette pas de remettre en cause l'appartenance de droit au Conseil constitutionnel des anciens Présidents de la République, M. Jean-Jacques Hyest , président, a fait observer que la composition du Conseil était déterminée par la Constitution, et non par des dispositions organiques.

M. François Zocchetto a par ailleurs fait observer que, en matière d'incompatibilités, le dispositif proposé par le rapporteur ne répondait qu'en partie à l'objectif consistant à prévenir tout conflit d'intérêt. Il a notamment relevé qu'un certain nombre de personnes n'exerçant par la profession d'avocat étaient fréquemment amenées à intervenir dans des procédures contentieuses, citant l'exemple de la procédure applicable devant les tribunaux de prud'hommes. A ses yeux, l'exercice d'une profession importe moins que l'acte accompli par la personne qui intervient dans l'instance.

M. Jean-Jacques Hyest , président, a estimé qu'il pourrait être envisagé de prévoir que la fonction de membre du Conseil constitutionnel est incompatible avec l'exercice de toute autre activité professionnelle.

M. Pierre Fauchon a tenu à faire part de deux inquiétudes concernant cette réforme, qu'il a approuvée : tout d'abord, il a souligné les conséquences très importantes que pourrait emporter l'abrogation de lois anciennes, jamais soumises au contrôle du Conseil constitutionnel et pourtant appliquées depuis des décennies ; il a par ailleurs attiré l'attention sur le fait que la décision du Conseil constitutionnel, saisi à l'occasion d'un contentieux particulier, aurait un caractère erga omnes.

M. Jean-Jacques Hyest , président, a estimé que l'application de la nouvelle procédure entraînerait une diminution du nombre des recours intentés par les justiciables français devant la Cour européenne des Droits de l'Homme, ces derniers disposant désormais d'une voie en droit interne pour contester la conformité des lois aux droits et libertés garantis par la Constitution.

M. Hugues Portelli , rapporteur, a souligné le fait que la Cour européenne des Droits de l'Homme n'acceptait d'examiner une requête qu'une fois épuisées les voies de recours en droit interne et a fait observer que la nouvelle procédure présenterait de ce point de vue un avantage certain en termes de délais. Evoquant la question des lois antérieures à 1958, il a rappelé que le bloc de constitutionnalité intégrait des droits et libertés posés avant 1958 qu'il s'agisse de la Déclaration des Droits de l'Homme de 1789, du Préambule de la Constitution de 1946 ou des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Enfin, il a attiré l'attention sur le fait que, lorsque le Conseil serait conduit, par le biais de la nouvelle procédure, à déclarer une loi contraire à la Constitution et à en prononcer par conséquent l'abrogation, cette abrogation ne vaudrait que pour l'avenir et ne remettrait pas en cause les situations acquises.

M. Jacques Mézard a rejoint la position du rapporteur pour estimer que l'exercice des fonctions de membre du Conseil constitutionnel était incompatible avec la poursuite de l'exercice de la profession d'avocat. Il a par ailleurs regretté que le moyen tiré de l'inconstitutionnalité d'une loi ne puisse être relevé d'office par le juge. Enfin, il a dénoncé le caractère particulièrement flou de la disposition permettant au Conseil constitutionnel d'examiner à nouveau une loi en cas de « changement de circonstances ».

M. Pierre-Yves Collombat s'est interrogé sur le nombre de textes de l'arsenal législatif français qui pourraient être abrogés au moyen de la nouvelle procédure, faisant observer que, chaque année, de plus en plus de lois sont déférées au Conseil constitutionnel et que de nombreux textes sont régulièrement modifiés par le Parlement. Il a estimé que la procédure de la question de constitutionnalité n'aurait véritablement de portée qu'en ce qui concerne les libertés publiques.

En réponse à cette observation, M. Jean-Jacques Hyest , président, M. François Pillet et Mme Marie-Hélène Des Esgaulx ont cité un certain nombre de dispositions de la législation française susceptibles d'être déclarées inconstitutionnelles, dans le code des douanes, le droit fiscal ou encore le droit de l'environnement.

Revenant sur l'impossibilité faite au juge de soulever d'office le moyen tiré de l'inconstitutionnalité d'une loi, M. Hugues Portelli , rapporteur, a rappelé que les parties développaient souvent un certain nombre de stratégies à l'occasion d'un procès, et qu'elles pouvaient préférer invoquer l'inconventionnalité d'une loi plutôt que de poser la question de constitutionnalité.

Puis la commission a examiné les articles du projet de loi et les amendements dont elle était saisie, tous présentés par le rapporteur.

Article 1 - Mise en oeuvre de la question prioritaire de constitutionnalité

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. Portelli, rapporteur

1

Extension du régime des incompatibilités des membres du Conseil constitutionnel

Retiré

M. Portelli, rapporteur

2

Suppression du délai de deux ans imparti aux juridictions du fond pour statuer sur la recevabilité de la question de constitutionnalité et introduction de l'obligation de la décision concernant la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation

Adopté

M. Portelli, rapporteur

3

Conséquence de l'amendement n° 2

Adopté

M. Portelli, rapporteur

4

Obligation de motivation des décisions relatives au renvoi de la question de constitutionnalité au Conseil constitutionnel

Adopté

M. Portelli, rapporteur

5

Rédactionnel

Adopté

M. Hugues Portelli , rapporteur, a proposé un amendement tendant à compléter l'article 1er (conditions de mise en oeuvre de la question de constitutionnalité) afin de prévoir que les fonctions de membre du Conseil constitutionnel sont incompatibles avec l'exercice de la profession d'avocat, celle d'officier public ou celle d'officier ministériel.

M. Christian Cointat s'est prononcé contre l'instauration d'un tel régime d'incompatibilité.

M. Jean-Jacques Hyest , président, a rappelé que la liste des incompatibilités avait été périodiquement allongée pour viser, notamment, les mandats locaux, et qu'il était désormais délicat de compléter cette liste sans créer, entre des professions, des inégalités qu'il serait difficile de justifier.

M. François Pillet a appuyé la position du rapporteur, faisant observer que, à ses yeux, la nouvelle procédure faisait obstacle à ce qu'un avocat membre du Conseil constitutionnel puisse continuer à plaider dans des procédures contentieuses au cours desquelles pourrait être soulevée la question de constitutionnalité.

M. François Zocchetto a estimé qu'il était préférable de faire référence à la notion de conflit d'intérêt, afin de viser l'ensemble des personnes susceptibles d'intervenir dans une procédure contentieuse, et qu'il était probablement nécessaire de poursuivre la réflexion sur le régime des incompatibilités des membres du Conseil constitutionnel.

M. Jean-Jacques Hyest , président, a proposé de reporter l'examen de cette question à une prochaine réunion de la commission.

M. Hugues Portelli , rapporteur, a retiré son amendement n° 1.

Article 2 - Coordinations

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. Portelli, rapporteur

6

Mention dans le code des juridictions financières à la question de constitutionnalité

Adopté

La commission a adopté le projet de loi organique ainsi rédigé.

ANNEXE 1 - COMPTE RENDU DE L'AUDITION DE MME MICHÈLE ALLIOT-MARIE, MINISTRE D'ÉTAT, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTÉS

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, a présenté tout d'abord le projet de loi organique portant application de l'article 61-1 de la Constitution.

Soulignant que la mise en place des questions préjudicielles de constitutionnalité par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 constituait une avancée importante dans la pratique démocratique au quotidien, elle s'est félicitée qu'un esprit de consensus, dépassant les clivages partisans, ait marqué les débats à l'Assemblée nationale. Elle a également estimé que le projet de loi organique permettait de surmonter deux risques qui avaient, jusqu'à présent, dissuadé le constituant de prévoir un contrôle a posteriori de la constitutionnalité des lois : d'une part, un engorgement des juridictions, provoqué par l'afflux de questions sans objet, déjà tranchées ou dilatoires ; d'autre part, une déstabilisation de l'organisation juridictionnelle.

Affirmant que le projet de loi organique garantissait la cohérence entre le mécanisme de l'article 61-1 de la Constitution et les principes du droit français, Mme Michèle Alliot-Marie a rappelé que la question prioritaire de constitutionnalité permettait de réaffirmer et de renforcer la hiérarchie des normes. Parallèlement, elle a jugé que ce procédé ne remettait pas en cause la spécificité de chacun des ordres de juridiction et ne les privait ni de leurs compétences propres, ni de leur souveraineté : à ce titre, elle a souligné qu'il appartiendrait au seul Conseil constitutionnel de vérifier la conformité des lois à la Constitution, mais qu'il ne deviendrait pas pour autant une cour suprême, dans la mesure où son contrôle resterait abstrait et ne préjugerait pas de la solution retenue par les autres juges pour trancher le litige au fond.

En ce qui concerne la procédure, Mme Michèle Alliot-Marie a fait valoir que le caractère « prioritaire » de la question de constitutionnalité permettait aux justiciables de tirer pleinement profit de leur droit de contester, à tout moment et devant toutes les juridictions, la validité de la loi qui leur est appliquée. Elle a ainsi déclaré que, dans un souci de cohérence, il était nécessaire que cette règle de priorité s'applique à toutes les juridictions et a salué le travail de l'Assemblée nationale, celle-ci ayant apporté d'importantes clarifications en la matière.

Mme Michèle Alliot-Marie a ensuite indiqué que, pour ne pas dénaturer le dispositif de l'article 61-1 de la Constitution, le système procédural de « filtrage », voulu par le constituant, devait ménager un équilibre entre l'impératif de célérité et celui d'efficacité. Ayant rappelé que le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale prévoyait l'examen, par les juges du fond, de la question de constitutionnalité « sans délai, dans une limite de deux mois », elle a craint que ce délai maximal ne provoque la multiplication des procédures dilatoires, une déresponsabilisation des juridictions, incitées à attendre passivement l'expiration du délai de deux mois, et ne retarde des procédures déjà longues, entraînant l'engorgement des juridictions suprêmes. Elle a ajouté que, compte tenu de l'automaticité de la saisine du Conseil constitutionnel dans le cas où les cours suprêmes n'auraient pas statué dans le délai de trois mois, il serait possible que des lois contestées parviennent au Conseil constitutionnel sans qu'il n'y ait eu un filtrage effectif, en méconnaissance de l'esprit de l'article 61-1 de la Constitution.

Après avoir souscrit pour l'essentiel aux propos de Mme Michèle Alliot-Marie, M. Hugues Portelli , rapporteur, a néanmoins considéré que le mécanisme de transmission ou du renvoi des questions de constitutionnalité recouvrait deux problèmes de nature différente :

- la possibilité pour le justiciable de saisir directement les cours suprêmes dans l'hypothèse où le premier juge saisi ne se serait pas prononcé dans le délai de deux mois était porteuse de risques importants ;

- en revanche, la transmission automatique après un certain délai des questions du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation au Conseil constitutionnel, afin de garantir la rapidité et l'effectivité du contrôle, paraissait nécessaire et conforme, aux systèmes généralement retenus par les pays disposant d'un système de contrôle a posteriori.

En outre, il a rappelé que, après l'entrée en vigueur de la loi organique portant application de l'article 61-1 de la Constitution, le Conseil constitutionnel serait amené à fonctionner pleinement comme une juridiction. Il a observé que, de ce fait, les règles de déontologie applicables aux membres du Conseil, qui sont actuellement soumis au même régime d'incompatibilités que les parlementaires, devraient être adaptées. Il a ainsi indiqué que des problèmes spécifiques pouvaient survenir pour les membres du Conseil constitutionnel exerçant, par ailleurs, la profession d'avocat, ceux-ci pouvant se trouver dans des situations de conflit d'intérêts. Il a donc souhaité que les avocats soient soumis à une interdiction d'exercer leur profession pendant la période où ils appartiennent au Conseil constitutionnel.

En réponse à ces remarques, Mme Michèle Alliot-Marie a rappelé que les membres du Conseil constitutionnel étaient soumis au décret n° 59-1292 du 13 novembre 1959 sur les obligations du Conseil constitutionnel, ce texte imposant aux membres du Conseil de « s'abstenir de tout ce qui pourrait compromettre l'indépendance et la dignité de leurs fonctions ». Elle a donc estimé que la demande de M. Portelli était déjà satisfaite.

En outre, Mme Michèle Alliot-Marie a affirmé vouloir éviter que des questions ne découlant pas directement de l'application de l'article 61-1 de la Constitution, comme le fonctionnement du Conseil constitutionnel ou le statut de ses membres, soient abordées à l'occasion du présent projet de loi organique.

Répondant à M. Patrice Gélard , qui s'interrogeait sur une éventuelle modification du règlement intérieur du Conseil constitutionnel et sur un accroissement de ses moyens financiers et humains, Mme Michèle Alliot-Marie a déclaré que ces questions ne relevaient pas de la loi organique ; cependant, elle a confirmé que le règlement intérieur serait révisé et s'est engagée à accorder des moyens supplémentaires au Conseil si la pratique en faisait apparaître la nécessité.

M. Patrice Gélard a ensuite observé que certaines lois qui n'avaient pas fait l'objet d'une saisine dans le cadre du contrôle a priori, et ce, malgré des doutes substantiels sur leur conformité à la Constitution, pourraient désormais être déférées au Conseil constitutionnel.

S'étant demandé si la notion de « changement de circonstances » n'était pas trop vaste, insuffisamment précise et trop mouvante, M. Jean-Jacques Hyest , président, a craint que les juges du fond s'estiment incapables d'apprécier l'existence - ou l'absence - d'un tel changement, et qu'ils soient, de ce fait, incités à transmettre les questions de constitutionnalité à la cour suprême de leur ordre.

Ayant souligné que la notion de « changement de circonstances » concernait à la fois les circonstances de droit, comme une révision de la Constitution, et de fait, M. Hugues Portelli a rappelé que d'autres critères encadraient strictement l'appréciation du juge.

En réponse à M. Pierre Fauchon , qui souhaitait savoir si les avocats au Conseil et à la Cour demeureraient les seuls à pouvoir plaider devant le Conseil d'Etat et la Cour de cassation ou si, dans le cadre des questions de constitutionnalité, chaque avocat serait habilité à intervenir à tous les niveaux du « filtrage », Mme Michèle Alliot-Marie a déclaré que ce débat n'était pas tranché et que, en outre, il ne relevait pas de la loi organique. Elle a en outre indiqué qu'il n'y avait sans doute pas lieu d'imposer aux parties une obligation de représentation devant le Conseil constitutionnel, ni de réserver le cas échéant cette représentation à une catégorie d'avocats.

Ayant estimé que la présence d'avocats au Conseil et à la Cour était un gage de sécurité pour les justiciables devant ces juridictions, M. Jean-Jacques Hyest , président, a souhaité que cette question soit traitée en lien avec le futur texte sur les professions du droit.

ANNEXE 2 - LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

__________

? Par le rapporteur

Conseil d'Etat

- M. Jean-Marc Sauvé , vice-président

Conseil Constitutionnel

- M. Marc Guillaume , Secrétaire général

Conseil National des Barreaux

- M. Thierry Wickers , Président

- M. Christian Charrière-Bournazel , Vice-Président

- M. Pascal Eydoux , Vice-Président

Ordre des avocats du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation

- M. Didier Le Prado , président

Professeur de droit

- M. Armel Le Divellec , professeur de droit à l'Université de Paris II

? Par la commission

- Mme Michèle Alliot-Marie , ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Cour de cassation

- M. Vincent Lamanda , premier président

- M. Jean-Louis Nadal , procureur général près la Cour de cassation

Professeurs de droit

- M. Bertrand Mathieu , professeur de droit à l'Université de Paris I, président de l'Association française de droit constitutionnel

- M. Guillaume Drago , professeur de droit à l'Université de Paris II

ANNEXE 3 - TABLEAU COMPARATIF DÉMOCRATIES OCCIDENTALES

PJLO 2009

Belgique

Allemagne

Italie

Etats-Unis

Espagne

Requérant

Toute partie à une instance

(pas le juge)

Toute partie à une instance, ainsi que le juge

Toute partie à une instance, ainsi que le juge

Toute partie à une instance, ainsi que le juge

Toute partie à une instance, ainsi que le juge

Toute partie à une instance, ainsi que le juge

Juridiction concernée

Toute juridiction relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation - sauf exceptions

Juge de paix, tribunal d'instance, juge administratif

Toute instance judiciaire

Toute instance judiciaire

Toute instance judiciaire

Toute instance judiciaire

Filtre sur la recevabilité de la demande de saisine

Double filtre : Juge du fond puis Cour de Cass et Conseil d'Etat

Le juge du fond saisit directement et obligatoirement la Cour constitutionnelle (sauf urgence ou décision de refus motivée)

Le juge du fond se prononce sur validité de la demande et décide de renvoyer ou non

Juridiction saisie doit fournir la preuve que la décision de la Cour influera sur sa décision

La Cour suprême décide elle-même d'accepter ou non une requête ( writ of certiorari )

- 73 -

Décision de trois magistrats, succinctement motivée

Juridiction compétente pour se prononcer sur la constitutionnalité

Conseil constitutionnel

Cour constitutionnelle belge

Tribunal constitutionnel fédéral Bundesverfassungsgericht

Cour constitutionnelle Corte costituzionale della Repubblica Italiana

Tous les juges (contrôle déconcentré), ainsi que la Cour Suprême ( Supreme Court) - essentiellement en appel

Tribunal constitutionnel Tribunal Constitucional

Délai imparti au CC pour statuer

Trois mois

Six mois (sauf décision de prorogation)

Pas de délai

Pas de délai

Critères de recevabilité de la question

- lien de la question avec l'instance en cours

- absence de déclaration de conformité à la Cstt° de la disposition contestée

- « caractère sérieux » de la question

- changement de circonstances de droit ou de fait

- caractère nouveau ou difficulté sérieuse de la question posée

- lien de la question avec l'instance en cours

- question sérieuse

- caractère nouveau de la question posée

- importance fondamentale

- question non manifestement infondée

- question « rilevante » (le jugement ne peut être donné indépendamment)

- « raison impérieuse »

- Question de droit fédéral nouvelle

- Décision de la juridiction de fond contraire à la jurisprudence de la Cour suprême

- Conflit d'interprétation entre plusieurs cours d'appel fédérales ou cours d'Etat

- 74 -

- « spéciale transcendance constitutionnelle » de la question, appréciée en fonction de son importance pour l'interprétation, l'application ou l'efficacité de la Constitution

- lien de la question avec l'instance en cours

ANNEXE 4 - TABLEAU COMPARATIF - PROJETS DE LOI ORGANIQUE 1990-2009

PJLO 1990

PJLO 2009 56 ( * )

Personne qualifiée

Toute partie à une instance, « quelle que soit sa nature et sa nationalité »

Toute partie à une instance

(pas le juge)

Juridiction concernée

Toute juridiction relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation

Haute Cour de justice

Cour supérieure d'arbitrage

Tribunal des Conflits

Toute juridiction relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation

Dérogation limitée

cour d'assises

cour d'assises (question soulevée à l'occasion d'un appel contre l'arrêt de la cour d'assises transmise immédiatement à la Cour de cassation)

Filtre (recevabilité)

Double filtre : Juridiction saisie puis Cour de Cassation et Conseil d'Etat

Double filtre : Juridiction saisie puis Cour de Cassation et Conseil d'Etat

Délai de jugement par juridiction saisie

Sans délai

Sans délai

Dans la limite de deux mois

Lorsqu'une exception est soulevée par une personne détenue, délai de trente jours puis question transmise à la juridiction compétente de niveau supérieur

Décision de transmettre la question au Conseil d'État/Cour de cassation

Susceptible d'aucun recours

Susceptible d'aucun recours

Dans les huit jours du prononcé de la juridiction saisie

Délai de jugement par Conseil d'État/Cour de cassation

Trois mois

Trois mois

Sanction en cas de non-respect du délai

Non prévue

Question transmise automatiquement au Conseil constitutionnel

Délai imparti au Conseil constitutionnel pour rendre sa décision

Trois mois

Trois mois

Critères de recevabilité de la question - 1 er filtre

- La disposition contestée doit commander l'issue du litige, la validité de la procédure ou constituer le fondement des poursuites

- Lien de la question avec l'instance en cours

- Absence de déclaration de conformité à la Constitution° de la disposition contestée

- Absence de déclaration de conformité à la Constitution de la disposition contestée

- Question ne doit « pas être manifestement infondée »

- « caractère sérieux » de la question

- Changement de circonstances de droit ou de fait

Critères de recevabilité de la question - 2 e filtre

Caractère sérieux

Caractère nouveau ou difficulté sérieuse de la question posée

- Lien de la question avec l'instance en cours

- Absence de déclaration de conformité à la Constitution de la disposition contestée

Procédure devant le Conseil constitutionnel

Non évoquée

Respect du contradictoire

Audience publique.

Majoration de l'aide juridictionnelle

Conséquences sur la procédure en cours

Suspension de l'instance

Poursuite de l'instruction

Suspension de l'instance

Poursuite de l'instruction

Dérogations au sursis à statuer

- Loi ou règlement prévoit que la juridiction statue dans un délai déterminé ou en urgence

- Mesures urgentes ou conservatoires

- Loi ou règlement prévoit que la juridiction statue dans un délai déterminé ou en urgence

- Mesures provisoires ou conservatoires

- Lorsque le sursis risque d'entraîner conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d'une partie

Interdiction du sursis à statuer

Personne privée de liberté à raison de l'instance

Instance a pour objet de mettre fin à une mesure privative de liberté

Qualité de la décision du Conseil constitutionnel

Décision motivée, publiée au Journal Officiel , notifiée au Conseil d'Etat, à la Cour de cassation, et la cas échéant, la juridiction saisie

Décision motivée, publiée au Journal Officiel , notifiée au Conseil d'Etat, à la Cour de cassation, et la cas échéant, la juridiction saisie

Procédure devant la Cour de cassation

Non évoquée

Etablie à l'art. 23-6

Information des autorités politiques

Le CC avise de sa saisine le Président de la République, le Premier ministre et les présidents des assemblées

Le Conseil constitutionnel avise de sa saisine le Président de la République et le Premier ministre (qui peuvent formuler des observations ) ainsi que les présidents des assemblées.

Il leur notifie également sa décision.

ANNEXE 5 - COMPOSITION DES COURS CONSTITUTIONNELLES

France

Belgique

Allemagne

Italie

Etats-Unis

Espagne

Effectif

9 membres

+ Anciens Présidents de la République

12 juges 57 ( * )

16 juges

15 juges

9 juges

12 juges

Mode de désignation

Trois des membres sont nommés par le Président de la République, trois par le président de l'Assemblée nationale, trois par le président du Sénat

Nommés par le roi sur une liste double présentée alternativement par la Chambre des Représentants et le Sénat.

Liste adoptée à la majorité des 2/3 au moins des suffrages des membres présents

Élus pour moitié par le Bundestag et par le Bundesrat, selon des procédures différentes dans les deux cas. Ces juges sont répartis en deux sénats (Senate) de huit juges chacun

Nommés par le Président de la République (5), le Congrès (5) et les magistrats de la Cour suprême de cassation, du Conseil d'État et de la Cour des comptes (5)

Désignés par le Président. Les nominations sont confirmées par le Sénat

- 77 -

Nommés par le roi, quatre sur la proposition du Congrès à la majorité de 3/5 de ses membres, quatre sur la proposition du Sénat, à la même majorité, deux sur la proposition du gouvernement, et deux sur la proposition du Conseil général du pouvoir judiciaire.

Durée du mandat

Neuf ans (sauf anciens Présidents membres de droit à vie)

Mandat non-renouvelable

Renouvelés par tiers tous les trois ans

Durée non déterminée. Limite d'âge de 70 ans (mise à la retraite)

Douze ans 58 ( * )

Mandat non-renouvelable

Neuf ans

Mandat non-renouvelable

A vie

Neuf ans

Renouvelés par tiers tous les trois ans

Mandat renouvelable, mais pas consécutivement

Qualification requise

Aucune qualification ou formation expressément requise

- 40 ans révolus

- Satisfaire à l'une des conditions :

1° avoir, en Belgique et pendant au moins cinq ans, occupé un poste de magistrat à la Cour de cassation ou au Conseil d'Etat, de juriste chargé d'assister les mebres de la Cour constitutionnelle, ou de professeur de droit dans une université

2° avoir été pendant 5 ans au moins parlementaire

- 40 ans révolus

- « certificat d'aptitude aux fonctions de juge » (formation commune à tous les membres des professions juridiques)

- Six juges doivent être choisis parmi les juges des 5 cours fédérales supérieures (où ils exercent depuis au moins 3 ans)

Juristes, choisis parmi « les magistrats, même retraités, appartenant aux juridictions supérieures de l'ordre judiciaire ou administratif, les professeurs de droit des universités et les avocats comptant au moins 20 ans d'exercice »

Aucune qualification ou formation expressément requise

- 78 -

Juristes nommés parmi les magistrats du siège et du parquet, les professeurs d'université, les fonctionnaires et les avocats, exerçant leur profession depuis plus de quinze ans

Incompatibilités

- Ministre, membre du Parlement

- Tout mandat électoral

- Membre du Conseil économique, social et environnemental

- Mêmes incompatiblités professionnelles que les parlementaires

- Toute fonction judiciaire, tout mandat public électif, toute fonction ou charge publique d'ordre politique ou administratif, charges de notaire et d'huissier de justice, profession d'avocat, état militaire, ministre du culte

- Tout mandat parlementaire et participation au gouvernement

- Toute activité professionnelle (sauf professeur de droit dans le supérieur)

- Mandats de parlementaire national ou de conseiller régional, exercice de la profession d'avocat

- Toute activité professionnelle, tout emploi public ou privé, toute fonction d'administrateur dans une société à but lucratif

- Les magistrats en activité et les professeurs de droit ne peuvent pas poursuivre leur activité

Aucune incompatibilité n'est prévue par les textes.

Principe de séparation des pouvoirs implique l'interdiction d'être membre d'une assemblée législative ou d'un gouvernement (au niveau fédéral comme au niveau d'un Etat)

- Défenseur du peuple, tout mandat politique, toute fonction administrative

- Fonctions de magistrat, de direction dans un parti politique, un syndicat professionnel, une association, une fondation ou un ordre professionnel

- 79 -

- Toute activité professionnelle ou commerciale

* 1 Conseil d'Etat, Sarran, 30 octobre 1998, Cour de cassation, ass. plén, Fraysse, 2 juin 2000.

* 2 Décision n° 2004-505 DC du 19 novembre 2004, Traité établissant une constitution pour l'Europe.

* 3 Rapport sur le projet de loi constitutionnelle portant révision des articles 61, 62 et 63 de la Constitution et instituant un contrôle de constitutionnalité des lois par voie d'exception, par M. Jacques Larché au nom de la commission des lois, n° 351, Sénat, 1989-1990.

* 4 Selon le rapporteur, « Ce mécanisme rétablirait dans la Constitution un contre-pouvoir parlementaire certes modeste, mais facteur d'équilibre démocratique face au pouvoir supplémentaire considérable accordé au Conseil constitutionnel. ».

* 5 Rapport sur le projet de loi constitutionnelle portant révision de la Constitution du 4 octobre 1958 et modifiant les titres VII, VIII, IX et X par MM. Etienne Dailly (Conseil Constitutionnel), Hubert Haenel (Magistrature) et Charles Jolibois (Haute cour de justice et responsabilité pénale du gouvernement) au nom de la commission des lois, n° 316, Sénat, 1992-1993.

* 6 Et non « on its face », c'est-à-dire en tant que telle.

* 7 Il existe deux autres mécanismes pour exercer le contrôle de la constitutionnalité aux Etats-Unis : l'injonction par laquelle un citoyen demande au juge d'interdire à un fonctionnaire d'exécuter une loi qui lui porte préjudice, parce que contraire à la Constitution, et le « jugement déclaratoire », qui permet à un particulier de s'adresser au juge pour lui demander de se prononcer sur une éventuelle inconstitutionnalité de la loi, avant qu'elle ne lui soit appliquée. Si la juridiction admet l'inconstitutionnalité de la loi, l'administration n'en fera pas application dans le cas d'espèce (Bertrand Mathieu, Michel Verpeaux, Droit constitutionnel, PUF, 2004).

* 8 Le modèle en a été fixé sous l'influence de Hans Kelsen par la Haute cour constitutionnelle instituée dans la Constitution autrichienne de 1920.

* 9 La rédaction proposée par le Comité : article 61-1 (nouveau)

« Le Conseil constitutionnel peut, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, être saisi par voie d'exception aux fins d'apprécier la conformité d'une loi aux libertés et droits fondamentaux reconnus par la Constitution.

Le Conseil constitutionnel est, à la demande du justiciable, saisi dans les conditions fixées par une loi organique sur renvoi du Conseil d'Etat, de la Cour de cassation, des juridictions qui leur sont subordonnées ou de toute autre juridiction ne relevant ni de l'un ni de l'autre ».

* 10 Selon le considérant n°7 de la décision, « il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, lorsqu'il est saisi en application de l'article 61 de la Constitution, d'examiner la conformité d'une loi aux stipulations d'un traité ou d'un accord international... ».

* 11 Conseil constitutionnel, décision n° 75-54 DC du 15 janvier 1957 sur la loi relative à l'interruption volontaire de grossesse.

* 12 Olivier Dutheillet de Lamothe, contrôle de constitutionnalité et contrôle de conventionnalité, in « Mélanges en l'honneur de Daniel Labetoulle », Dalloz 2007.

* 13 Cour de cassation, 24 mai 1975, Société des cafés Jacques Vabre. Dans ses conclusions, le procureur général relevait « si les dispositions de l'article 55 de la Constitution confèrent aux traités une autorité supérieure à celle des lois, elles n'impliquent pas que le respect de ce principe doive être assuré par le Conseil constitutionnel (...) [il] doit l'être par les juridictions auxquelles ce problème est posé, et il leur appartient, sous peine de déni de justice, d'y répondre ».

* 14 Conseil d'État, 20 octobre 1989, Nicolo - Le commissaire au gouvernement relevait : « on a vu que les juridictions judiciaires savent précisément s'affranchir aujourd'hui, sans le moindre complexe, du respect dû à l'autorité de la norme législative, pour faire prévaloir celle des traités. Et il y a évidemment quelque paradoxe à voir le Conseil d'État refuser d'entrer dans une telle logique par humilité pour un législateur, alors que de simples tribunaux d'instance contrôlent chaque jour, par ce biais, la validité des lois qu'ils ont à appliquer ».

* 15 O. Dutheillet de Lamothe, op. cit.

* 16 Conseil constitutionnel, décision n° 85-185 DC du 25 janvier 1985.

* 17 Guy Carcassonne, la Constitution, p. 287 (8 ème édition) Le Seuil.

* 18 Tel a d'ailleurs été le cas à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 15 mars 1999 : la disposition de la loi de 1985 déclarée inconstitutionnelle a été abrogée par l'article 4, 33° de l'ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000 permettant l'adoption de la partie législative du code de commerce.

* 19 L'adoption de la loi organique rendra cette jurisprudence caduque du fait de la nouvelle procédure d'abrogation explicite.

* 20 Voir par exemple les conclusions du commissaire du Gouvernement dans l'affaire Mme Boamar, arrêt de section du 7 février 2008.

* 21 La décision n°74-54 DC du 15 janvier 1975 sur la loi relative à l'interruption volontaire de la grossesse, précitée.

* 22 CE, 11 déc. 2008, Association de défense des droits des militaires (n° 306962), confirmé notamment par CE, 8 juillet 2009, n°323590, et CE, 3 juin 2009, n° 327005.

* 23 « Une question est dite préjudicielle lorsque, indispensable à la solution du litige porté devant le tribunal saisi, elle doit être soumise préalablement à l'examen de la juridiction compétente qui doit se prononcer à son sujet par un acte juridictionnel », J. Vincent, S. Guinchard, Procédure civile, Dalloz, 2003, n°393

* 24 Par commodité, votre rapporteur emploiera indifféremment, dans le présent rapport, les termes « question de constitutionnalité » et « question prioritaire de constitutionnalité ».

* 25 Tel est le cas s'agissant d'une question préjudicielle posée par une juridiction nationale en application de l'article 234 du traité instituant la Communauté européenne ; la CJCE a estimé en effet que « la justification du renvoi préjudiciel et, par conséquent, de la compétence de la Cour, n'est pas la formulation d'opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques (...), mais le besoin inhérent à la solution effective d'un contentieux » (en ce sens, CJCE, 15 juin 1995, Teresa Zabala Erasun, Elvira Encabo Terrazos et Francisco Casquero Carrillo contre Instituto Nacional de Empleo, affaires jointes C-422/93, C-423/93 et C-424/93.

* 26 Comme le notait la lettre de mission du Président de la République au Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République présidé par M. Edouard Balladur, « Des voix s'élèvent dans notre pays pour regretter que la France soit le seul grand pays démocratique dans lequel les citoyens n'ont pas accès à la justice constitutionnelle, et que certaines normes aient plus de poids et d'influence sur notre droit que nos principes constitutionnels eux-mêmes ».

* 27 Décision n°2007-560 DC du 20 décembre 2007 sur le Traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, considérant n°8.

* 28 La question préjudicielle a pour effet de suspendre la procédure nationale jusqu'à ce que la Cour de justice ait statué.

* 29 Les deux cours suprêmes n'hésitent pas à recourir au mécanisme de la question préjudicielle pour obtenir la position de la CJCE sur l'interprétation du droit communautaire.

* 30 Conseil constitutionnel, décision n° 2008-564 DC du 19 juin 2008 « la déclaration immédiate d'inconstitutionnalité des dispositions contestées serait de nature à reconnaître [l'exigence de transposition en droit interne] des directives communautaires [et à entraîner des conséquences manifestement récessives ; que dès lors, afin de permettre au législateur de procéder à la correction de l'incompétence négative constatée, il y a lieu de reporter au 1 er janvier 2009 les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité ».

* 31 Le premier président de la Cour de cassation, M. Vincent Lamanda s'est montré très inquiet : il a rappelé que les juridictions de l'ordre judiciaire avaient été saisies, en 2008, de 3.142.210 affaires civiles, pénales et de mineurs. Dans ces conditions, si la question de constitutionnalité était posée dans un cas sur mille, elle représenterait 3.142 affaires par an et si elle l'était dans un cas sur dix, 314.221 dossiers par an.

* 32 Elles sont cependant soumises aux dispositions de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne des droits de l'homme.

* 33 Il en serait de même pour les sentences arbitrales -un tribunal arbitral ne constituant pas une juridiction- susceptibles de recours devant la cour d'appel ou la Cour de cassation.

* 34 Néanmoins, les problèmes de bonne administration de la justice peuvent révéler des questions de fond sensibles, comme en témoigne le contentieux de la concurrence ou celui des étrangers.

* 35 Le projet de révision constitutionnelle de 1990, contrairement au projet de 1993, proposait également d'ouvrir le champ de la question préjudicielle à « toute juridiction d'instruction relevant de la Cour de cassation ».

* 36 Michel Verpeaux, la question préjudicielle de constitutionnalité et le projet de loi organique, AJDA, 2009, p. 1474.

* 37 Conseil constitutionnel, décision n° 62-20 DC du 6 novembre 1962 dont les termes ont été confirmés par la décision n° 92-313 DC du 23 septembre 1992 relative au recours en inconstitutionnalité dirigé contre la loi autorisant la ratification du traité de Maastricht.

* 38 Bruno Genevoix, L'exception d'inconstitutionnalité. Expériences étrangères, situation française, Edition STH, 1990.

* 39 Un contrôle de constitutionnalité n'est toutefois plus désormais entièrement exclu dans la mesure où à la suite de la révision du 23 juillet 2008, à l'initiative du Sénat, les propositions de loi mentionnées à l'article 11 avant qu'elles ne soient soumises au référendum, doivent être soumises au Conseil constitutionnel.

* 40 Ces principes doivent avoir une source législative précise selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel (décision n° 88-244 DC du 20 juillet 1988 concernant la loi portant amnistie).

* 41 Tel a été le cas avec la loi n° 2007-290 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale même si, en l'espèce, ce droit n'a pas acquis valeur constitutionnelle.

* 42 Disposition devenue la source de l'objectif de valeur constitutionnelle du pluralisme et de l'indépendance du media avec la décision du Conseil constitutionnel concernant la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, Conseil constitutionnel, 3 mars 2009, n° 2009-577 DC).

* 43 De même que l'incompétence négative du législateur peut aujourd'hui conduire à la censure d'une disposition législative.

* 44 S'il conclut aujourd'hui sa décision par un considérant libellé de la manière suivante : « Considérant qu'il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune [autre] question de conformité » après avoir indiqué la conformité ou non à la Constitution des seuls articles examinés par lui, il n'en a pas toujours été ainsi par le passé, le Conseil constitutionnel accordant une sorte de brevet de constitutionnalité à la loi en estimant, dans le dispositif, que la loi, examinée dans son ensemble, n'était pas contraire à la Constitution -par exemple, dans la décision n° 82-143 DC du 30 juillet 1982 (blocage des prix et des revenus).

* 45 Conseil constitutionnel, décision n° 86-208 DC du 2 juillet 1986 concernant la loi relative à l'élection des députés et autorisant le gouvernement à délimiter par ordonnance les circonscriptions électorales. Le changement de circonstances de droit visait le maximum constitutionnel de 577 députés et le changement de circonstances de fait l'augmentation de la population. La jurisprudence administrative reconnaît également la notion de changement de circonstances (Conseil d'Etat, 3 février 1989, Cie Alitalia : « l'autorité compétence, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, est tenue d'y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l'illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date »).

* 46 Tel qu'il devrait entrer en vigueur à compter du premier jour du mois suivant le dépôt de l'instrument de ratification de l'Etat signataire qui précède le dernier à cette formalité.

* 47 Conseil constitutionnel, décision n° 2008-564 DC du 19 juin 2008 (loi relative aux organismes génétiquement modifiés).

* 48 En vertu de la jurisprudence Simmenthal de la CJCE, une législation nationale ne saurait imposer la saisine d'une cour constitutionnelle pour faire respecter le droit communautaire.

* 49 Par exemple, délai de trois mois imparti au juge administratif pour se prononcer sur les recours contre les décisions relatives au séjour assorties d'une obligation de quitter le territoire français -délai ramené à 72 heures en cas de placement en rétention de l'étranger (art. L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) ; délai de 48 heures lorsque le juge administratif se prononce comme juge des référés dans une affaire qui met en jeu les libertés fondamentales (art. L. 521-2 du code de justice administrative.

* 50 Dans ces deux procédures, l'avis contentieux ne lie pas, en principe, la juridiction qui a saisi la cour suprême mais il est généralement suivi par le juge du fond.

* 51 M. Jean-Luc Warsmann, rapport précité, p. 81.

* 52 L'état du droit ne prévoit pas, dans le cadre du contrôle a priori, que les autorités à l'initiative de la saisine du Conseil constitutionnel puissent formuler des observations.

En juin 1986, M. Robert Badinter, alors président du Conseil constitutionnel, avait proposé dans un courrier adressé aux présidents des deux assemblées, que le rapporteur désigné par le Conseil constitutionnel puisse recueillir les observations du rapporteur de la commission saisie au fond et d'un représentant des auteurs de la saisine. Les présidents des deux assemblées (M. Alain Poher pour le Sénat, M. Jacques Chaban-Delmas pour l'Assemblée nationale) n'avaient pas souhaité ouvrir la voie d'une institutionnalisation des relations entre le Conseil constitutionnel et le Parlement.

En l'état du droit, les présidents des deux assemblées peuvent formuler des observations lorsque le Conseil constitutionnel est saisi d'une demande tendant à constater qu'une loi est intervenue dans un domaine relevant de la compétence de la Polynésie française (article 12 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française).

* 53 Par ailleurs, le délai de trois mois a déjà été retenu dans certaines hypothèses : contrôle de la conformité à la Constitution d'une loi de pays de la Nouvelle-Calédonie (article 105 de la loi organique du 19 mars relative à la Nouvelle-Calédonie) ; contrôle du respect des matières relevant de la compétence de la Polynésie française par une loi (article 12 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française).

* 54 Le Gouvernement n'avait pas jugé opportun d'anticiper l'entrée en vigueur du dispositif prévu par l'article 61-1 de la Constitution pour la seule Nouvelle-Calédonie. La secrétaire d'Etat avait notamment estimé nécessaire de consulter les autorités compétentes de Nouvelle-Calédonie sur cette évolution. Le rapporteur, M. Christian Cointat, prenant acte que la situation de la Nouvelle-Calédonie serait abordée dès le présent projet de loi organique, avait alors retiré son amendement (compte rendu intégral, séance du 7 juillet 2099, article additionnel après l'article 27).

* 55 Le Conseil constitutionnel a adopté deux règlements : le règlement applicable à la procédure suivie par le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs (règlement non daté qui a été publié au JO du 31 mai 1959, p. 5505) et le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les réclamations relatives aux opérations de référendum (règlement adopté le 5 octobre 1988, JO 6 octobre 1988, p. 12607). Le premier d'entre eux a fait l'objet de plusieurs modifications du 5 mars 1986, du 24 novembre 1987, du 9 juillet 1991 et du 28 juin 1995. A ces deux règlements, il faut ajouter le règlement intérieur sur les archives du Conseil constitutionnel du 27 juin 2001, pris sur le fondement de l'article 58 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 modifié par la loi organique n° 2008-695 du 15 juillet 2008, mais qui, de ce fait, n'est pas concerné par le renvoi de l'article 3 du projet de loi organique aux seuls articles 55 et 56.

* 56 Il s'agit du texte adopté par l'Assemblée nationale le 14 septembre 2009.

* 57 Six d'expression franaçsie, six d'expresison néerlandaise

* 58 A moins que le titulaire n'atteigne auparavant la limite d'âge, fixée à soixante-huit ans.

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