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Rapport n° 209 (2009-2010) de M. François TRUCY , fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 janvier 2010

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N° 209

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 janvier 2010

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relatif à l' ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d' argent et de hasard en ligne ,

Par M. François TRUCY,

Sénateur

Tome I : Rapport

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Alain Lambert , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; M. Jean-Paul Alduy, Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, André Ferrand, Jean-Pierre Fourcade, Christian Gaudin, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Gérard Longuet, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

1549 , 1837 , 1838 , 1860 et T.A. 348

Sénat :

29 et 210 (2009-2010)

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Madame, Monsieur,

Le présent projet de loi relatif à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne, déposé à l'Assemblée nationale le 25 mars 2009 et adopté en première lecture par les députés le 13 octobre dernier, intervient à la suite d'une procédure initiée par la Commission européenne à l'encontre de douze Etats membres .

Après une mise en demeure adressée le 12 octobre 2006, la France a ainsi fait l'objet d'un avis motivé le 27 juin 2007 considérant que les restrictions imposées par la législation française aux paris sportifs et hippiques n'étaient pas justifiées au regard du principe de libre-prestation de services, prévu par l'article 49 du Traité CE. Le Gouvernement a dès lors confié à M. Bruno Durieux, inspecteur général des finances, une mission sur l'ouverture du marché des jeux d'argent et de hasard , dont le rapport a été remis en mars 2008, et a présenté peu après un avant-projet de loi à la Commission européenne.

Ce texte, qui a donné lieu à un avis circonstancié de la Commission le 7 juin 2009, est donc sous contrainte européenne mais ne procède pas de cette seule exigence et répond donc également à d'autres objectifs . Il est en effet devenu indispensable de réformer notre régulation des jeux, car le régime actuel des droits exclusifs accordés à deux opérateurs historiques et d'interdiction des jeux de cercle sur Internet n'est clairement plus en phase avec la réalité et maintient une illégalité factice de l'offre transfrontalière de jeux sur Internet .

Cette réalité, ce sont au moins deux milliards d'euros de mises annuelles sur des milliers de sites illégaux de paris et de poker en ligne, une très forte dynamique de croissance, des atteintes avérées à l'ordre public (fraude aux moyens de paiement, manipulation des cotes, risques de blanchiment des capitaux...) et de nouveaux comportements addictifs, mal évalués mais qui créent des situations individuelles dramatiques.

Plutôt que de se contenter d'une prohibition illusoire car démentie dans les faits, le Gouvernement a fait le choix justifié d'une ouverture très encadrée à la concurrence des paris hippiques, des paris sportifs et du poker en ligne , excluant donc les purs jeux de hasard dont le potentiel addictif est réputé supérieur.

Le projet de loi qui nous est soumis propose donc de légaliser l'offre crédible par une stricte procédure d'agrément pour mieux stigmatiser les opérateurs illégaux et accroître les obstacles techniques et juridiques à leur activité.

Ce texte se situe au carrefour de multiples enjeux - juridiques, technologiques, sociaux, économiques et fiscaux -, qui en font la difficulté mais aussi l'intérêt, et constitue nécessairement un équilibre délicat entre des aspirations parfois difficilement conciliables. Il n'en manifeste pas moins la volonté d'une régulation « intelligente » et conforme aux objectifs d'intérêt général et de préservation de l'ordre public qui sont plus que jamais au coeur des missions de l'Etat.

I. LE CONTEXTE : UN CADRE JURIDIQUE DEVENU IRRÉALISTE ET CONTESTÉ PAR LES AUTORITÉS EUROPÉENNES

Afin de disposer d'une vision exhaustive de l'état actuel du marché des jeux en France, votre rapporteur a constitué un « état des lieux » figurant en annexe du présent rapport .

A. UNE TUTELLE PUBLIQUE SIMPLE DANS SON PRINCIPE MAIS COMPLEXE ET AMBIGUË DANS SON APPLICATION

1. De l'interdit moral et religieux à la tutelle publique

Les jeux d'argent et de hasard occupent une place à part dans les activités humaines en tant qu'ils se situent au carrefour du loisir et du lucre . Ils ont dès lors, depuis le haut Moyen-Âge, été sujets à l'opprobre et à des interdictions fondées sur des impératifs culturels, moraux ou religieux . Le jeu d'argent a ainsi pu être assimilé à un « vice », tout en étant parfois toléré dans l'entourage du roi...

Au-delà de cette méfiance séculaire, les jeux d'argent et de hasard ont été considérés comme porteurs de risques d'atteinte à l'ordre public , le cas échéant par affiliation avec le grand banditisme comme dans le cas des casinos. Les loteries ont cependant été utilisées comme instrument de financement d'oeuvres de bienfaisance , et les jeux d'argent et de hasard demeurent de manière générale fortement ancrés dans la société et les territoires , ainsi qu'en témoigne l'importance économique que les casinos et hippodromes peuvent revêtir à l'échelle locale.

La nature particulière des jeux d'argent et de hasard a conduit à la mise en place dans notre pays d'un régime de contrôle quantitatif et qualitatif exercé par l'Etat , reposant sur des principes de respect de l'ordre public et social et se traduisant par une canalisation de l'offre de jeux et une limitation du volume de la demande. L'Etat providence s'est en quelque sorte fait le gardien de la moralité dans le domaine des jeux. La police des jeux est ainsi aujourd'hui assurée par le service central des courses et jeux, au sein de la direction centrale de la police judiciaire, et dispose de correspondants départementaux.

Le principe d'interdiction générale , prévu par la loi du 21 mai 1836 relative à la prohibition des loteries et par la loi du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard, a été assorti, dès la loi de 1836, de dérogations spécifiques qui ont été enrichies au fil du temps. L'interdiction porte sur l'exploitation des jeux et n'emporte donc pas pénalisation du joueur en cas d'offre illégale .

En sus des deux lois précitées, le troisième texte législatif majeur est la loi du 2 juin 1891 , qui règlemente l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux, la distinction entre pari mutuel sur les hippodromes (PMH) et pari mutuel urbain (PMU) ayant été établie par la loi du 16 avril 1930. Le dispositif applicable au secteur des jeux a également été enrichi de nombreuses dispositions réglementaires et forme ainsi un ensemble complexe. Les principaux textes applicables sont insérés en annexe du présent rapport.

Outre les casinos et cercles de jeux soumis à un régime d'autorisation accordée par le ministère de l'intérieur, les jeux et paris sont actuellement organisés et exploité par deux monopoles , sur les paris hippiques et sur les loteries, jeux de grattage et paris sportifs. Le groupement d'intérêt économique Pari mutuel urbain ( PMU ) a ainsi été constitué en 1983 par les sociétés de courses, et la Française des jeux a succédé à France Loto en 1990, sous la forme d'une société anonyme publique détenue à 72 % par l'Etat.

Plusieurs décrets assignent à la Française des jeux des objectifs d'intérêt général , en particulier l'intégrité, la sécurité, la transparence et la fiabilité des opérations de jeux, ainsi que l'encadrement de la consommation de jeux.

2. Des exigences qui se diversifient et peuvent être difficiles à concilier

L'encadrement des jeux par un double monopole public et une tutelle du ministère de l'intérieur sur les casinos trouve sa justification dans une identité historique entre la préservation de l'ordre public et la sphère étatique. La conception de l'ordre public a cependant évolué et la dimension de lutte contre la criminalité est devenue moins prégnante. Avec la montée de l'individualisme et des comportements de jeu compulsif, la problématique de santé publique et de lutte contre l'addiction est ainsi devenue une préoccupation croissante.

Pour autant, la politique publique sur les différents maillons de la chaîne (information, prévention, offre de soins et accompagnement psychologique) est encore assez limitée et l'addiction aux jeux demeure davantage traitée dans le cadre d'une approche globale des addictions et drogues (en particulier avec le Plan de prise en charge et de prévention des addictions et l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé - INPES) que de manière spécifique.

De nombreux acteurs privés, tels que SOS Joueurs, Adictel (services d'aide aux joueurs dépendants) ou le Centre de recherche sur le jeu excessif, tentent donc de pallier les carences de l'Etat. Ils bénéficient souvent de l'aide financière et logistique de la Française des jeux, du PMU et de grandes sociétés de casinos, qui cherchent à asseoir leur légitimité en endogénéisant une politique du « jeu responsable ».

Une telle approche, en dépit des louables intentions des opérateurs publics, ne peut être que supplétive car elle est fondamentalement porteuse de conflits d'intérêts . Le dynamisme commercial , dont témoignent le lancement de nouveaux jeux et l'attribution d'un « bonus » lors de la première inscription du joueur sur le site de paris en ligne, n'est pas totalement « absous » par la démarche médiatisée de promotion du jeu responsable .

En outre, les importantes recettes fiscales perçues par l'Etat sur le secteur des jeux (environ 4,6 milliards d'euros en 2008) entretiennent souvent, dans l'esprit de nos concitoyens, un soupçon d'ambiguïté, voire d'hypocrisie . L'Etat n'aurait aucun intérêt à canaliser l'offre de jeux puisqu'il s'agit d'un secteur surtaxé, la fiscalité constituant en quelque sorte la contrepartie rationnelle du préjudice éventuel causé à la société.

La commercialisation d'un jeu tel que le Rapido , au contenu addictif manifeste, a cependant illustré les limites de la légitimité du monopole public. L'offre de jeux d'argent et de hasard sous tutelle de l'Etat a donc trouvé un nouveau motif de légitimation dans la contribution déterminante du secteur des jeux au financement de la filière équine et du sport amateur et de haut niveau .

3. Une tutelle sectorielle et compartimentée

Depuis qu'il a été chargé par votre commission des finances de suivre le secteur des jeux d'argent et de hasard, et en particulier depuis son premier rapport d'information publié en février 2002, votre rapporteur n'a pu que constater et déplorer un grand morcellement des compétences de l'Etat . Elles relèvent ainsi de pas moins de cinq ministères et d'une Commission supérieure des jeux , qui sous l'égide du ministère de l'intérieur rend des avis (pratiquement toujours suivis par le ministre) sur les autorisations et renouvellement d'exploitation des casinos et des machines à sous.

Une nouvelle structure, le Comité consultatif pour l'encadrement des jeux et du jeu responsable ( COJER ), a également été créée en juin 2006 et est en particulier chargé de rendre un avis sur les nouveaux jeux de la Française des jeux, son plan d'action commerciale annuel et les mesures qu'elle prend pour prévenir le jeu excessif et favoriser le jeu responsable. La création de cette structure a pu illustrer un nouveau mode de para-régulation , de nature consultative mais portant sur de nouveaux pans de la régulation publique.

Cet émiettement est le fruit d'une approche historiquement compartimentée , par type de jeu ou pari, et de l'attachement des ministères à leurs prérogatives et leur coeur de compétences : la préservation des recettes fiscales pour le ministère du budget, le maintien de la sécurité publique pour le ministère de l'intérieur, et le développement de la filière équine pour le ministère de l'agriculture.

Avec la création de l'ARJEL par le présent projet de loi, ce sont ainsi pas moins de huit structures qui participent à la régulation d'un secteur dont l'importance économique est réelle mais n'est pas résolument déterminante pour la croissance du pays, alors même que l'impact des jeux sur les comportements et la santé publique est mal connu, faute de disposer d'études épidémiologiques.

Indépendamment de cette approche sectorielle, les jeux font l'objet de mesures transversales d'interdiction aux mineurs, d'encadrement de la publicité et de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme . En application de l'article L. 561-2 du code monétaire et financier, les dirigeants de tous les établissements du secteur des jeux sont ainsi soumis aux mêmes obligations de prévention et de lutte contre le blanchiment que les établissements financiers.

4. Une fiscalité lourde et complexe

Les jeux d'argent et de hasard autorisés sont soumis à un régime fiscal touffu et complexe , en particulier les casinos et les jeux de la Française des jeux, qui de manière générale participe au foisonnement des textes régissant ce secteur. Ce traitement fiscal spécifique est le fruit de la sédimentation historique de textes disparates et dont la base juridique a pu dans certains cas être fragile (s'agissant plus particulièrement des prélèvements sur les casinos). Il procède à la fois de la volonté de l'Etat de matérialiser un régime d'exception au regard des atteintes potentielles à l'ordre public et de profiter davantage de la « manne » de ce secteur.

Selon les prélèvements, l'assiette est constituée du produit brut des paris ou jeux, des sommes misées ou, plus rarement, des gains (le prélèvement est alors dû par le joueur). En outre, des prélèvements non fiscaux et sectoriels sont opérés au profit :

- du budget général de l'Etat (prélèvement sur la Française des jeux, soit 1,7 milliard d'euros en 2008) ;

- des communes d'implantation des casinos , par rétrocession de 10 % du prélèvement progressif de l'Etat sur le produit brut des jeux (PBJ) et application d'un prélèvement au titre du cahier des charges liant la commune au casino. Les prélèvements de l'Etat et des communes ne peuvent toutefois excéder 80 % du PBJ ;

- du sport amateur et de haut niveau , un prélèvement sur les sommes misées sur les jeux de la Française des jeux étant effectué au profit du Centre national de développement du sport (CNDS) ;

- et de la filière équine , par reversement de l'intégralité du résultat net annuel du PMU aux sociétés de courses et actions d'encouragement à l'élevage.

Ce régime fiscal est décrit dans les commentaires des articles 39 et 46 du présent projet de loi. Il a représenté environ 4,6 milliards d'euros en 2008 , dont 80 % provenant de jeux et paris qui resteront soumis au régime des droits exclusifs, auxquels s'ajoutent les financements de la filière équine (736,4 millions d'euros en 2008) et du CNDS (225 millions d'euros en 2008), soit environ 5,56 milliards d'euros au total. Ces prélèvements représentent environ 15,1 % des mises (36,7 milliards d'euros) enregistrées sur les jeux autorisés en 2008.

Les opérateurs de jeux sont également soumis à des prélèvements au profit des organismes de sécurité sociale au titre de la contribution sociale généralisée et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale, soit 658 millions d'euros en 2008 , dont 380 millions d'euros pour les « opérateurs historiques » et 278 millions d'euros pour les casinos.

B. LA FORTE CROISSANCE DU MARCHÉ ILLÉGAL DES JEUX EN LIGNE

1. Un marché légal qui tend à plafonner mais dont l'impact économique est substantiel

L'offre légale actuelle de jeux et paris est restreinte en termes d'opérateurs puisque, outre les 197 casinos (fin 2008) et la dizaine de cercles de jeux autorisés, elle se limite au PMU et à la Française des jeux. Néanmoins sur le plan commercial, le réseau de distribution est très étoffé et l'offre s'est considérablement diversifiée depuis les années 1990, avec l'introduction de nombreux nouveaux jeux de grattage et de tirage dans une gamme tarifaire élargie, de nouveaux paris hippiques complexes et l'autorisation accordée (par un arrêté du 14 mai 2007) aux casinos et cercles de jeux de proposer des parties de poker Texas Hold'em et Omaha .

En outre, le monopole des paris hippiques et sportifs « en dur » a été étendu à l'offre en ligne par un décret du 17 février 2006. La Française des jeux détient également le monopole des loteries et jeux de tirage sur Internet . Les paris sportifs en ligne sont encore très marginaux dans son offre commerciale (0,43 % des mises en 2009, soit 43 millions d'euros) et ne proposent pas de fonctionnalité de paris en cours d'évènement (ou « live betting »), très prisée des parieurs et prévue par la grande majorité des sites illégaux. Ce désavantage compétitif devrait toutefois être compensé , lors de l'ouverture du marché, par une rapide courbe d'expérience et surtout par l'image « rassurante » et de sérieux véhiculée par le futur ancien monopole.

Si la consommation de jeux s'est révélée très dynamique jusqu'en 2007 avec une progression régulière des mises et des chiffres d'affaires, en particulier dans les casinos, la crise économique a eu un impact réel et s'est traduite par une forte baisse de la fréquentation et des mises dans les casinos : le produit brut des jeux a ainsi diminué de 8,5 % dans ces établissements sur l'exercice 2007/2008 pour revenir à 2,55 milliards d'euros, et la baisse devrait être comparable en 2008/2009.

De même, le chiffre d'affaires de la Française des jeux a diminué de 1,8 % en 2007 et de 1,1 % en 2008 (9,2 milliards d'euros), même s'il a de nouveau fortement progressé en 2009 ( cf . encadré infra ). En revanche celui du PMU est resté en augmentation, avec toutefois un fléchissement sensible d'une année sur l'autre : + 9,1 % en 2007 et + 4,7 % en 2008 (9,26 milliards d'euros de chiffres d'affaires et 2,18 milliards d'euros de produit brut des paris).

Les résultats commerciaux de la Française des jeux en 2009

Les mises enregistrées par la Française des jeux en 2009 se sont élevées à 9.997 millions d'euros (dont près de 200 millions d'euros de ventes additionnelles liées à trois vendredi 13), en progression de 8,6 % par rapport à 2008, ce qui en fait désormais la deuxième loterie mondiale derrière la loterie italienne.

Près de la moitié des Français ont joué , soit 28,2 millions de personnes dont 8,4 millions de joueurs réguliers, et ont misé en moyenne 6,7 euros par semaine. Le taux de retour aux joueurs a augmenté pour atteindre 63,1 % , dont 73,6 % pour les paris, et la société a ainsi reversé environ 800 millions d'euros, consacrant 113 nouveaux « millionnaires ». L'année 2009 a également été marquée par le gain record de 100 millions d'euros à Euro Millions , remporté le 18 septembre par un groupe de 15 joueurs, et un nouveau record de 19 millions d'euros au Loto le 2 mai.

Les mises sur les jeux de loteries ont atteint 9.214 millions d'euros et ont progressé de 7,5 % par rapport à 2008 , dont une hausse de 11,4 % pour le nouveau Loto et de 16,9 % pour les jeux de grattage (soit 1,8 milliard de tickets vendus). Certains jeux de tirage ont en revanche enregistré une diminution de leurs ventes (Euro Millions, Keno et Joker +), de même que le Rapido (- 5,3 %) en raison de l'interdiction de fumer et des mesures prises pour renforcer l'encadrement de ce jeu.

L'année 2009 a vu la fin du déploiement des 25.000 vérificateurs de reçus en libre-service et la signature d'un accord avec Sagem Sécurité pour la fourniture de terminaux de jeux de nouvelle génération dans l'objectif d'équiper la totalité du réseau d'ici à la fin 2013.

Enfin les ventes du canal multimédia ont progressé de 44 % pour atteindre 315 millions d'euros (dont moins de 14 % sur les paris sportifs) , soit 3,2 % des mises. Le site Fdjeux.com est le premier site de jeu grand public en France avec 935.000 joueurs actifs (soit 200.000 joueurs de plus qu'en 2008) et le premier site de jeu d'argent en terme de satisfaction des clients (source : baromètre Harris Interactive 2009).

Source : communiqué de presse de la Française des jeux du 8 janvier 2010

Malgré les aléas des deux dernières années, le secteur des jeux représente un poids économique important et est un élément déterminant de l'aménagement du territoire , au-delà des aspects liés à la fiscalité. Les points de vente de la Française des jeux et du PMU participent du maintien des cafés et bars dans les petites communes. Les casinos, dont l'offre de loisirs ne se limite pas aux jeux mais s'étend aux spectacles et à la restauration, contribuent fortement au tourisme local, parfois dans des communes de petite taille. Il reste qu'au-delà de l'impact conjoncturel de la crise, le secteur des casinos sera nécessairement affecté par la libéralisation encadrée des jeux en ligne et est soumis à un défi structurel de réforme de son modèle économique et de réduction progressive du nombre de ses établissements.

De même, la « filière cheval » représentait en 2008 68.700 emplois directs (dont 35.400 emplois agricoles), soit une croissance de 27 % en dix ans, et les 250 hippodromes de France (soit la moitié des hippodromes européens) sont un vecteur de convivialité, de rassemblement de la population locale et d'animation.

2. Un marché illégal en croissance continue

Faute de moyens juridiques réels pour l'endiguer et le condamner sur le terrain pénal et dans un contexte de forte croissance des activités commerciales sur Internet, le marché illégal des jeux et paris en ligne a prospéré au cours de la période récente. Son produit brut début 2008 a pu être estimé, selon les sources, dans une fourchette de 244 millions à 400 millions d'euros , le montant des mises à 2,3 milliards d'euros et le nombre de joueurs réguliers entre un et deux millions. A titre de comparaison, le marché des jeux en ligne était estimé en 2008 à 4 milliards d'euros de mises au Royaume-Uni (pour dix millions de joueurs), 3 milliards d'euros en Italie (sept millions de joueurs) et 1,2 milliard d'euros en Espagne.

Le Livre blanc du CERT-LEXSI sur la cybercriminalité des jeux en ligne, publié en juillet 2006, estimait que 14.823 sites étaient actifs et accessibles en France, dont 1.284 sites proposaient un contenu francophone et acceptaient des connexions en provenance de France. L'offre actuelle dépasse très vraisemblablement ces niveaux.

Ce marché est en particulier alimenté par le phénomène du poker en ligne , qui rencontre un grand succès auprès des jeunes, voire des mineurs, avec au moins 400.000 joueurs et 350 millions d'euros de mises.

Cette offre est essentiellement d'origine étrangère, d'où la difficulté de la contrôler . La plupart des opérateurs sont ainsi implantés dans des juridictions favorables aux plans fiscal et juridique (Alderney, Gibraltar, Ile de Man, Malte en Europe, mais aussi Antilles néerlandaises, Costa Rica, Antigua et Barbuda, Saint Kitts et Nevis...) ou des pays dont la culture ou l'approche économique sont plus ouvertes aux jeux (Autriche, Royaume-Uni).

Des études ont été conduites par divers organismes et sociétés sur les perspectives de croissance du marché des jeux en ligne et concluent toutes, selon des estimations et hypothèses parfois très variables, à une forte dynamique à l'échelle internationale et en France dans les cinq prochaines années. On peut ainsi mentionner les projections suivantes :

- la banque Merrill Lynch estimait en 2007 que les paris sportifs représenteraient 17 milliards d'euros de mises en 2015 à l'échelle européenne ;

- le Center for the Study of Gambling de l'université de Manchester a considéré que ce marché ne devrait pas dépasser 5 % du marché total des jeux dans l'Union européenne en 2012 ;

- une étude d' AT Kearney de décembre 2008 relevait que les dépenses de jeux se révèlent corrélées aux dépenses de loisirs, elles-mêmes corrélées au PIB. Sans fournir d'estimation chiffrée du marché d'ici trois ou cinq ans, cette étude anticipait, à compter de l'ouverture du marché, des investissements publicitaires massifs et une « guerre de notoriété » entre les opérateurs suivie d'une phase de concentration , une diminution de la rentabilité moyenne des paris sportifs, un impact non significatif sur les loteries et les jeux de casinos, et une accélération de la substitution entre le réseau physique et Internet ;

- selon le cabinet Arthur D. Little , les mises en France pourraient atteindre en 2015 3,4 milliards d'euros , contre 680 millions d'euros début 2009, et le produit brut des jeux 620 millions d'euros. Les positions concurrentielles seraient rapidement acquises et le marché doublerait dès 2010, pour ensuite progresser de 15 % par an. Les paris sportifs représenteraient 40 % du total et les paris hippiques en ligne connaîtraient un développement moins spectaculaire et une concurrence moins intense ;

- une étude de PriceWaterhouseCoopers , citée par le quotidien La Tribune en juin 2009, estimait que le produit brut des jeux légaux en ligne représenterait entre 300 et 350 millions d'euros lors de l'ouverture (dont plus de 200 millions d'euros pour la Française des jeux et le PMU) et atteindrait 435 millions d'euros en 2012 , dont 300 millions d'euros pour les paris sportifs et 135 millions d'euros pour le poker ;

- enfin une étude réalisée en 2009 par le cabinet Greenwich Consulting sur l'impact fiscal de l'Internet, à la demande de votre commission des finances, a proposé une estimation plus volontariste puisque le produit brut des jeux en ligne - légaux ou non - passerait de 400 millions d'euros en 2006 à plus de 1,5 milliard d'euros en 2012 .

3. Une illégalité fictive malgré des tentatives d'encadrement

L'illégalité des sites de jeux en ligne est aujourd'hui juridiquement avérée mais n'a pas de réelle incidence concrète - hormis sur le terrain de la publicité via des médias de grande audience - puisque les opérateurs proposent en toute impunité pénale, de l'étranger, des paris et jeux en ligne aux internautes français.

Le vaste ensemble des opérateurs de facto délictueux est cependant très hétérogène puisqu'on peut établir une distinction entre :

- les opérateurs « sérieux » disposant d'une licence dans un autre Etat membre (Malte et Royaume-Uni en particulier) mais qui recourent parfois à la publicité de manière illégale ;

- les opérateurs « sauvages » agréés dans une juridiction non-européenne mais qui présentent certaines garanties de fiabilité au regard de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ;

- ceux qui ne présentent pas de telles garanties sans pour autant servir d'intermédiaires à des activités criminelles ;

- et enfin ceux, nombreux, qui constituent purement et simplement des vecteurs de fraude, de trucage, de blanchiment et de « cybercriminalité » organisée . Le rapport précité du CERT-LEXSI a ainsi rappelé que « les casinos, loteries et paris en ligne sont les terrains de jeux de prédilection d'organisations criminelles très développées », ces organisations « disposant de ressources techniques de grande envergure et exerçant systématiquement d'autres activités comme la fraude bancaire, la pédo-pornographie ou l'infection de postes ». L'étude décrit avec précision les modes opératoires illégaux de ces sites (et le cas échéant de sites non criminels) et les schémas frauduleux de ces sites.

L'Etat a tenté de limiter l'offre illégale de jeux en mettant en place, dans l'article L. 563-2 du code monétaire et financier, un dispositif permettant de requérir des établissements bancaires qu'ils bloquent pendant six mois tout mouvement ou transfert de fonds en provenance des personnes physiques ou morales organisant des activités de jeux, paris ou loteries prohibés. Le décret en Conseil d'Etat prévu n'a cependant pas été pris en raison de l'opposition de la Commission européenne et de l'avis défavorable de la section des finances du Conseil d'Etat. L'interdiction prévue par l'article L. 563-2 est donc pour l'heure inopérante.

Les opérateurs réputés « sérieux » et crédibles, dont la majorité solliciteront un agrément en France, ont mis en place des procédures et moyens techniques de nature à prévenir la fraude et à détecter le blanchiment. Leurs convictions et moyens mis en oeuvre pour limiter l'addiction sont en revanche plus ambigus ou formels car cette démarche peut fondamentalement contrevenir à leur intérêt commercial. Il s'agit donc, pour ces opérateurs, d'optimiser le potentiel de demande de jeu en se situant juste sous le seuil de pathologie, qu'il est au demeurant malaisé de déterminer.

Chiffre d'affaires des principaux opérateurs de jeux en ligne

(en euros)

Nom

Etat d'origine

Chiffre d'affaires 2007

Sportingbet

Royaume-Uni

1,74 milliard

Lottomatica

Italie

1,6 milliard

Paddy Power

Irlande

1,53 milliard

Ladbrokes

Royaume-Uni

N.C. (7 milliards de mises en 2008)

William Hill

Royaume-Uni

1,23 milliard

Partygaming

Royaume-Uni

712 millions

Bwin

Autriche

337 millions

Betclic (filiale de Mangas Gaming)

France

Plus de 200 millions en 2009

Betfair

Royaume-Uni

169 millions

Unibet

Malte

103 millions

Source : commission des finances

La lutte contre les opérateurs illégaux, aujourd'hui et a fortiori sous le futur régime d'ouverture encadrée, répond donc à une triple exigence sociale, juridique et économique, voire politique en ce qu'elle peut mettre en question la crédibilité même de l'Etat régalien.

C. L'ABSENCE PRÉJUDICIABLE DE RÉGLEMENTATION EUROPÉENNE

1. Une jurisprudence abondante mais une législation inexistante

Le droit communautaire applicable aux jeux d'argent et de hasard, et a fortiori aux jeux en ligne, est réduit et majoritairement jurisprudentiel . Les jeux d'argent ont ainsi été exclus du champ de la directive du 8 juin 2000 sur le commerce électronique et de la directive du 12 décembre 2006 sur les services dans le marché intérieur (dite « directive services »), bien que la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) ait qualifié cette activité de prestation de services . A défaut de texte spécifique, c'est donc le Traité instituant la Communauté européenne qui régit directement le secteur, en particulier ses articles 43, relatif à la liberté d'établissement, et 49, relatif à la libre prestation de services .

Le secteur est donc de facto soumis à la libre appréciation de la Commission européenne, gardienne des traités, et aux précisions apportées par la jurisprudence de la CJCE. Il en est longtemps résulté une certaine insécurité juridique pour les Etats membres et une grande hétérogénéité des régimes nationaux applicables , que la montée en puissance de l'offre transfrontalière sur Internet a rendues de plus en plus préjudiciable à la protection des joueurs.

De ce point de vue, on peut distinguer sommairement deux types de régulations nationales dans l'Union européenne :

- les Etats et territoires, tels Malte et Gibraltar, qui ont « parié » sur une reconnaissance mutuelle des agréments à moyen terme et ont donc privilégié l'attractivité de leur réglementation juridique et fiscale ;

- ceux qui ont privilégié la protection du consommateur domestique - par exemple l'Allemagne, la Belgique, le Danemark, la France ou l'Italie - et appliquent donc une réglementation plus stricte, le cas échéant par un monopole public d'exploitation.

Les Etats qui ont privilégié le monopole public, en particulier la France, se sont appuyés sur les restrictions admises par l'article 46 du Traité CE à la libre-prestation de services, éclairées par la jurisprudence de la CJCE, en particulier dans ses arrêts Schindler du 24 mars 1994, Zenatti du 21 octobre 1999, Gambelli du 6 novembre 2003, Placanica du 6 mars 2007, et récemment Santa Casa du 8 septembre 2009.

Les restrictions imposées par les Etats membres, et le cas échéant les monopoles, doivent être justifiées par des « motifs impérieux d'intérêt général », parmi lesquels peuvent figurer la protection des consommateurs, la prévention de la fraude et de l'incitation des citoyens à une dépense excessive liée au jeu, et la prévention de troubles à l'ordre social en général. En outre, ces limitations ne sont admises que si elles respectent des principes communautaires de non-discrimination, de nécessité, de proportionnalité et de cohérence .

2. Une perception différenciée de la légitimité du monopole

Le secteur des jeux d'argent et de hasard se présente comme le creuset de deux légitimités concurrentes , selon une logique déjà abordée avec les services publics marchands : celle des Etats qui entendent garantir l'ordre public et social, et celle des traités européens et des grandes libertés communautaires fondée sur une liberté économique de droit commun.

Ainsi que le précise votre rapporteur dans le commentaire de l'article premier A du présent projet de loi, la jurisprudence de la CJCE a pu à cet égard sembler fluctuante , passant d'une approche ouverte à la libéralisation avec les arrêts Gambelli et Placanica à une approche plus restrictive et favorable au monopole public dans l'arrêt Santa Casa . Il importe cependant en la matière de se départir d'une analyse trop sommaire des subtilités de la jurisprudence de la CJCE et de ne pas occulter les circonstances d'espèce propre à chaque décision, liée notamment au contexte culturel du pays, en particulier dans l'arrêt Santa Casa .

Votre rapporteur estime ainsi que cette récente décision manifeste plutôt un retour à la jurisprudence des arrêts Schindler de 1994 ou Läära de 1999 qu'un revirement substantiel. Elle n'apporte pas d'innovations majeures et n'est pas nécessairement transposable au cas de la France pour justifier le maintien du duopole actuel.

Toujours est-il que votre rapporteur regrette que le cadre juridique des jeux d'argent et de hasard en Europe soit trop tributaire des réactions parfois « épidermiques » de la Commission européenne et d'une jurisprudence logiquement soumise à des interprétations . Une législation communautaire, sans aller jusqu'au niveau de précision de celle applicable aux services financiers ni même envisager un « passeport » pour les prestations de jeux, eut permis de rechercher le même équilibre pour tous les Etats membres et de limiter la situation actuelle de concurrence juridique et de « law shopping » (implantation dans l'Etat le moins-disant).

II. LES ENJEUX ET CONTRAINTES D'UNE OUVERTURE RAISONNÉE À LA CONCURRENCE

A. LA DÉMATÉRIALISATION, VECTEUR DE NOUVEAUX RISQUES

1. Les risques reconnus de fraude et de criminalité

Les caractéristiques mêmes du jeu en ligne que sont, par exemple, la dématérialisation, la rapidité, l'interactivité, la simplicité, la segmentation des opérations ou l'invisibilité du joueur, comportent de nouveaux risques de fraude et de criminalité de la part du site ou du joueur lui-même , exposés dans l'étude précitée du CERT-LEXSI : non-paiement des gains, manipulation des taux de redistribution, vol de cartes bancaires, blanchiment de fonds, manipulation des résultats et cotes des paris, revente de données personnelles à des groupes criminels, programmes « furtifs » de publicité et de routage des connexions... La forte croissance de ce marché peut aussi accroître les incitations à la corruption de fonctionnaires ou de contractants privés.

Ces jeux s'inscrivent donc dans la problématique transversale de la difficulté de faire respecter des interdits sur Internet , tant du fait des caractéristiques techniques de cet outil que de la perception (parfois factice) d'un nouveau champ de liberté individuelle. Le régime du démarchage financier se heurte à des obstacles de même nature (respect du champ des produits interdits de démarchage, détection et stigmatisation des démarcheurs non agréés...) et la genèse laborieuse de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi), par la loi « création et Internet », illustre la difficile conciliation entre liberté individuelle et respect de l'ordre public , de protection comme de direction.

Pour autant, la dématérialisation peut aussi permettre une amélioration de la traçabilité et de la sécurité , notamment des moyens de paiement, dès lors que les opérateurs disposent d'infrastructures et de logiciels performants, s'astreignent à des contrôles de l'identité des joueurs et respectent les obligations relatives à la lutte contre le blanchiment.

2. Les risques amplifiés d'addiction

L'addiction est un phénomène connu et mesuré lorsqu'elle est liée à des substances (alcool, drogues, cigarette...), mais beaucoup moins bien cerné en l'absence de substances , et singulièrement en matière de jeu. Le constat de la dépendance repose cependant sur des faits, comme en témoignent les patients du centre médical de Marmottan et les recherches du Pôle universitaire d'addictologie du CHU de Nantes, et chacun peut plus ou moins spontanément établir une distinction entre le joueur occasionnel qui se divertit et le joueur pathologique qui s'appauvrit , en passant par le joueur expert qui en fait une quasi activité professionnelle.

La dépendance au jeu, qui naît de la convergence entre le loisir et l'appât du gain, constitue donc un enjeu de santé publique et un nouveau champ d'investigation. Une étude conduite en Suisse à la demande de la Commission fédérale des maisons de jeux et de l'Office de la justice, publiée en novembre 2004, décrit ainsi avec pertinence le processus du jeu pathologique :

« Chez la plupart des personnes concernées, le parcours de la dépendance depuis son apparition jusqu'à sa guérison est, dans les grandes lignes, le même. Cette " carrière de joueur " comporte trois phases : une première phase positive (phase de gain), une phase critique d' accoutumance (phase de perte) et une phase de dépendance (phase de désespoir). [...] Un gain important par rapport au revenu du joueur peut être l'élément déclencheur d'un jeu problématique. [...] Au cours de la phase de jeu intensive, l'aspect principal est le rattrapage des dettes que le joueur a contractées à cause du jeu ».

De même, une étude publiée en juillet 2009 par la société publique Svenska Spel , équivalent suédois de la Française des jeux, a évalué le coût de l'addiction en Suède à environ 400 millions d'euros.

Le jeu en ligne peut à cet égard réunir tous les critères du potentiel addictif , tels que la possibilité de mises de faible montant, l'accessibilité immédiate et l'unité de lieu, l'intensité de la répétition de courtes phases de jeu, la possibilité de simuler des paris, et un taux de retour au joueur (TRJ) plus élevé que pour les jeux du réseau physique. Les « machines à sous » en ligne sont ainsi le jeu qui présente le plus de risques d'addiction.

La question de l'impact du TRJ, directement liée à la fiscalité applicable, est cependant controversée . Plusieurs études anglo-saxonnes ont mis en évidence une corrélation par une élasticité de la demande de jeu nettement supérieure à l'unité, mais la causalité n'est pas démontrée de manière irréfutable. On peut cependant intuitivement penser qu'avec un TRJ élevé, un joueur est davantage incité à réinvestir ses gains pour « se refaire » , le TRJ contribuant également à lui faire surestimer ses chances.

En revanche, la fréquence de jeu est un élément clef du développement du jeu excessif , qui trouve un terreau plus favorable lorsqu'un joueur mise quotidiennement des sommes relativement faibles que lorsqu'il engage très ponctuellement une somme élevée.

Si les ressorts de l'addiction au jeu sont désormais davantage étudiés, notre pays ne dispose pour ainsi dire d'aucune données statistiques , en premier lieu sur le nombre de joueurs pathologiques, et votre rapporteur déplore depuis longtemps que ce thème n'ait que peu ou pas été pris en compte dans les politiques de santé des gouvernements successifs .

En se fondant sur des statistiques étrangères, une étude de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) de juillet 2008 avait évalué, selon une fourchette large, entre 1 % et 3 % la proportion des joueurs pathologiques et problématiques. La deuxième étude de l'INSERM, plus détaillée et reposant sur une analyse statistique de grande ampleur, permettra d'apporter de précieux éclairages mais a déjà pris du retard .

3. Des problématiques communes avec les marchés financiers

Le secteur des jeux en ligne, et en particulier celui des paris sportifs, partage nombre de caractéristiques avec celui des marchés financiers. Cette parenté s'explique tant par certaines motivations communes - l'anticipation et la spéculation (dans un sens non péjoratif) dans une perspective de gain - que par la culture anglo-saxonne qui imprègne les marchés financiers dirigés par les prix (dans lequel l'élément catalyseur est la publication d'un prix de transaction à l'achat et à la vente) et les paris à cote fixe. Cette culture est incarnée par les intermédiaires : d'un côté, le « market maker » et, de l'autre, le « bookmaker », qui l'un et l'autre proposent leur cotation.

Bien qu'ils ne présentent évidemment pas le même potentiel d'addiction, ces deux secteurs partagent ainsi des éléments de vocabulaire communs (liquidité et « profondeur » du marché ou du jeu, présence délictueuse d'un initié...) et sont soumis à certains risques et problématiques analogues , tels que les dangers d'une trop grande complexité et segmentation de l'offre, l'importance des infrastructures informatiques de traitement des transactions, la prévention de la manipulation des cours et cotes, ou l'encadrement de l'offre au grand public. On constate également que nombre de dirigeants de sites de jeux en ligne sont d'anciens traders ou cadres de banques.

Cette analogie peut être poussée plus loin et appliquée au mode de régulation - la future Autorité de régulation des jeux en ligne est ainsi en partie inspirée de l'Autorité des marchés financiers - comme à l'analyse de l'évolution de l'environnement concurrentiel et du modèle économique.

B. UNE RÉGULATION À INVENTER ?

1. Des expériences étrangères inégalement concluantes

Trois études de législation comparée publiées par le Sénat en 2007 , relatives à l'organisation des jeux d'argent, à la lutte contre la dépendance aux jeux et aux instances de contrôle de ce secteur dans sept Etats européens, ont mis en évidence la diversité des régimes applicables. Tout comme l'Allemagne, l'Inde, Israël, la Pologne et la Russie, les Etats-Unis ont quant à eux choisi en 2006, à l'initiative du Congrès, la voie de la prohibition totale des jeux en ligne avec le « Unlawful Internet Gambling Enforcement Act », dont l'approche a été critiquée.

Il n'en demeure pas moins vrai que le régime du monopole se révèle assez inefficace au regard de la lutte contre la fraude sur Internet et du respect de la légalité , tant en France que dans les Etats présentant un régime comparable, et que la procédure engagée par la Commission européenne a souligné les incohérences de la réglementation française.

La réalité l'emporte en effet sur la nature juridique du régime : le nombre de joueurs en ligne (trois millions) est ainsi comparable en Allemagne, en France et en Italie, bien que les deux premiers pays aient jusqu'à présent entendu appliquer un strict régime de droits exclusifs. Le niveau constaté de fraude (manipulation des paris par exemple) et d'atteintes à l'ordre public dans les pays recourant au monopole tend aussi à confirmer que la « régulation fermée » fonctionne mal.

Notre pays doit donc aujourd'hui trouver un nouveau mode de régulation éventuellement appelé à « faire école » auprès d'autres partenaires européens , en particulier ceux qui ont fait l'objet d'une mise en demeure de la Commission européenne et envisagent d'ouvrir leur marché.

2. Des impératifs d'ordre public et économiques à respecter

La future régulation des jeux en ligne constitue à certains égards un exercice d' « équilibrisme », qu'incarne en particulier le régime fiscal, car elle est soumise à des impératifs qui peuvent être difficilement conciliables et qu'il importe donc de hiérarchiser dans la gradation de l'ordre public (pénal, social, économique) et des exigences économiques :

- lutter contre les activités criminelles, la fraude et le blanchiment de capitaux, et partant, assurer la transparence et la fiabilité des opérations de jeux ;

- protéger les mineurs et prévenir efficacement l'addiction et la dépendance au jeu ;

- a minima , garantir le maintien des ressources fiscales et des financements actuels de la filière équine comme du sport amateur ;

- assurer des perspectives de rentabilité économique pour les futurs opérateurs agréés afin de conforter l'intérêt de la légalisation.

L'approche que privilégie votre rapporteur, et qui est retenue dans le présent projet de loi, est donc de crédibiliser et labelliser l'offre légale pour mieux « stigmatiser » l'offre illégale . De même, notre pays est fondé à affirmer sa spécificité en ne retenant pas un principe de reconnaissance mutuelle des agréments - restriction d'autant plus justifiée en l'absence de réglementation européenne - et en exigeant un certain degré d'implantation des opérateurs sur le territoire national , à des fins de contrôle des moyens informatiques et de recouvrement des prélèvements fiscaux.

Le rapport précité de M. Bruno Durieux envisageait ainsi trois scénarios d'ouverture à la concurrence pour une offre de jeux maîtrisée, au regard des objectifs formalisés dans la lettre de mission du Premier ministre et d'un bilan coûts/avantages :

- une option restrictive : l'ouverture du seul secteur des paris sportifs et hippiques ;

- un scénario médian, qui a finalement été retenu par le Gouvernement dans le présent projet de loi : l'ouverture du secteur des paris et des jeux de cercle à distance (mais pas de la loterie ni des « machines à sous ») ;

- une approche extensive et rapidement écartée : l'ouverture de tous les jeux et paris à l'exception des loteries.

III. LE PROJET DU GOUVERNEMENT : UN DIFFICILE POINT D'ÉQUILIBRE ET QUELQUES LACUNES

A. LE CHAMP DE L'OUVERTURE À LA CONCURRENCE

1. Une ouverture réaliste et encadrée

Le Gouvernement a retenu le scénario médian d'ouverture proposé dans le rapport précité de M. Bruno Durieux, soit l'ouverture du secteur des opérateurs de paris hippiques et sportifs et des jeux de cercle sur Internet, qui constituent des jeux de hasard faisant appel au savoir-faire et à la réflexion des joueurs .

Le monopole de la Française des jeux et du PMU est donc maintenu sur les jeux de tirage et de grattage ainsi que sur les paris hippiques du réseau physique, et l'offre sur le territoire de jeux en ligne de pur hasard , soit les jeux de casinos « virtuels » tels que les machines à sous et la roulette, demeure interdite . Cette interdiction est justifiée par les caractéristiques de ces jeux, qui présentent des risques plus élevés de dépendance.

Source : présentation du ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique en mars 2009

Le champ ainsi défini se veut pragmatique : l'ouverture à la concurrence concerne des jeux qui suscitent depuis quelques années une demande forte et une offre importante non autorisée mais présentent des risques d'addiction moindres que les jeux de pur hasard, et le régime des droits exclusifs est maintenu pour les jeux « en dur », dont la demande est actuellement canalisée dans un circuit contrôlé.

Cette ouverture ne repose sur aucun quota ni numerus clausus mais n'en est pas moins encadrée . Ainsi que le précise son exposé des motifs, le présent projet de loi repose sur cinq principes structurants que sont :

- l'agrément des opérateurs sur la base d'un cahier des charges établi pour chaque catégorie de jeux et paris ;

- la traçabilité des opérations et la conservation de l'ensemble des données de jeux ;

- l'encadrement du TRJ dans un objectif de limitation de l'addiction et de l'intérêt du blanchiment (dont le coût est dès lors plus élevé), ainsi que la protection des mineurs ;

- l'assujettissement des opérateurs aux prélèvements nationaux d'ordre fiscal, social et participant au financement de missions d'intérêt général (santé, sport et filière hippique) ;

- la lutte contre les sites interdits par des moyens rénovés.

Les objectifs de la régulation publique de l'ensemble des jeux sont également formalisés et précisés à l'article premier du présent projet de loi, et constituent ainsi le nouveau socle juridique de l'ordre public et social dans le secteur des jeux d'argent et de hasard.

2. Les paris hippiques resteront mutuels mais les paris à cote fixe devraient s'imposer pour les paris sportifs

Les catégories de jeux et paris qui seront autorisés sont précisément définies par les articles 2, 4, et 5 à 9.

a) L'autorisation des paris à cote pour les seuls paris sportifs

Un pari peut prendre deux formes : pari mutuel ou pari à cote.

Dans un pari mutuel , l'opérateur joue un rôle d'intermédiaire qui centralise les enjeux des parieurs et les répartit parmi les gagnants au prorata de leurs mises après déduction des prélèvements légaux et de la part qui lui revient. Le profit dégagé par l'opérateur ne dépend pas du résultat de l'épreuve support du pari , mais seulement du volume des enjeux.

En revanche, dans un pari à cote, l'opérateur parie contre chacun des parieurs pris individuellement . Les différentes issues possibles des épreuves supports des paris n'ayant, le plus souvent, pas la même probabilité de réalisation, l'opérateur propose aux parieurs une cote correspondant à son évaluation des probabilités de survenance des différents résultats possibles de cette épreuve. La Française des jeux propose déjà, dans son réseau traditionnel, un jeu de pari à cote fixe, dénommé « Cote et match ».

S'agissant des paris hippiques, le projet de loi prévoit d'autoriser les seuls paris mutuels . Il s'agit d'éviter de bouleverser un modèle profondément enraciné dans la culture du monde des courses dans notre pays.

En revanche, pour ce qui concerne les paris sportifs , il sera possible d'organiser des paris mutuels, mais aussi des paris à cote fixe . Au vu de l'attractivité de cette forme de paris, très répandue dans le monde, il est vraisemblable qu'elle s'impose rapidement sur ce segment du marché des jeux en ligne, notamment les paris pris en cours de match (dits paris en direct, ou « live betting »).

b) L'encadrement des formes de paris

Pour autant, même dans le domaine sportif, le projet de loi propose une ouverture maîtrisée, ce qui signifie que tous les types de paris à cote ne seront pas autorisés.

En particulier, les paris « à fourchette » spread betting ») seront prohibés . De tels paris, qui consistent à miser sur un écart ou sur un nombre total d'actions en « achetant » des parts peuvent se révéler particulièrement nocifs pour les parieurs, qui ne connaissent pas le montant maximal de leur perte au moment où ils effectuent leur mise : celle-ci est, en effet, fonction de l'écart entre le pronostic et le résultat.

De même, les bourses de paris exchange betting »), dans lesquelles les opérateurs servent d'intermédiaires entre des parieurs et des bookmakers leur proposant leur propre cote, ne seront pas autorisées . D'une part, dans un tel système, il est très difficile, voire impossible, de calculer le taux de retour aux joueurs, dont le plafonnement est l'un des outils anti-addiction prévus par ce projet de loi (voir ci-dessous). D'autre part, l' exchange betting permet à des bookmakers non agréés de devenir des acteurs à part entière de l'économie des jeux, ce qui contrevient à un autre principe-clé du présent texte.

c) Les catégories de compétitions et phases de jeu

Par ailleurs, les paris sportifs en ligne ne peuvent porter que sur l'une des catégories de compétitions définies par l'ARJEL suivant des modalités précisées par voie réglementaire. L'ARJEL devra, en particulier, prendre l'avis du ministre chargé des sports et, s'agissant notamment des épreuves organisées sur le territoire français, celui des fédérations sportives concernées. Il s'agit d'instituer un mécanisme permettant de garantir un degré suffisant de fiabilité quant à la régularité du déroulement des épreuves supports des paris .

Dans le même esprit, l'ARJEL fixera, pour chaque sport et après avis de la fédération concernée, les types de résultats supports des paris .

3. La reconnaissance d'un nouveau droit d'exploitation des paris sportifs

L'article 52 de ce projet de loi autorise la commercialisation des éléments caractéristiques des manifestations ou compétitions sportives, reconnaissant ainsi un droit d'exploitation au profit de leurs organisateurs , tout en maintenant une dérogation expresse en faveur de la presse et des médias audiovisuels afin qu'il ne soit pas porté atteinte au droit à l'information.

Cette commercialisation est encadrée. En particulier, elle doit être non discriminatoire et ne pas se traduire par l'octroi d'un droit exclusif au profit d'un seul opérateur de paris en ligne. A cette fin, les contrats liant les organisateurs aux opérateurs devront être transmis à l'ARJEL.

De telles dispositions, qui rejoignent d'ailleurs la jurisprudence qui commençait à s'établir dans le silence de la loi, reconnaissent à la fois que :

- le développement des paris a des implications, notamment financières, pour les organisateurs de manifestations ou compétitions sportives (en termes d'encadrement, de contrôle du respect de l'éthique sportive, etc.) ;

- les opérateurs de paris sportifs s'appuient sur la valeur des événements sur lesquels ils proposent des mises et que, dès lors, il est nécessaire qu'ils rémunèrent dûment les organisateurs.

4. Un nouveau régime d'autorisation des paris hippiques en ligne

Enfin, le projet de loi prévoit, en faveur de tout opérateur en ligne ayant reçu préalablement l'agrément de l'ARJEL, une nouvelle dérogation à la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux.

En effet, aux termes des articles 2, 4 et 5 de cette loi, il ne peut être dérogé que sous de strictes conditions au principe général d'interdiction et de répression pénale des paris hippiques . Aujourd'hui, le seul régime d'autorisation concerne les paris sous une forme mutuelle, organisés par les sociétés de courses soit sur les champs de courses , il s'agit alors du Pari mutuel hippodrome (PMH) , soit à l'extérieur des hippodromes , grâce à un service commun des sociétés de courses, le PMU .

Le projet de loi conforte le maintien de l'autorisation exclusive des paris hippiques en la forme mutuelle. Outre sa conformité à notre tradition nationale , cette forme de paris présente l'intérêt de limiter les risques de corruption . En effet, les paris à cote fixe, comme tous les jeux de contrepartie, peuvent accroître les risques de manipulation des résultats voire des épreuves sportives elles-mêmes.

La forte solidarité au sein de la filière hippique , dont l'organisation est décrite par votre rapporteur dans le commentaire de l'article 53, ne devrait donc pas être remise en cause par les dispositions envisagées : les sociétés de courses et leurs deux sociétés dites mères (une pour le galop et une pour le trot) voient même leurs missions de service public mieux reconnues. L'Institution des courses françaises sera, en outre, renforcée par une nouvelle source de financement , en raison du reversement d'une fraction des sommes engagées sur les nouveaux paris en ligne autorisés .

B. L'ENCADREMENT DE L'OFFRE PAR LA CRÉATION D'UNE AUTORITÉ DÉDIÉE DE RÉGULATION

1. Les missions et l'organisation de l'ARJEL

Un des principaux axes du projet de loi réside dans la création d'une nouvelle autorité administrative indépendante (AAI), l'Autorité de régulation des jeux en ligne ( ARJEL ), dont les missions sont définies par l'article 25 et qui est chargée d'agréer les nouveaux opérateurs, de contrôler le respect de leurs obligations et de participer à la lutte contre les opérateurs illégaux.

Elle n'est pas dotée de la personnalité morale ni de l'autonomie financière, mais son architecture et son mode de fonctionnement, exposés aux articles 26 à 37, sont inspirés de ceux d'autres AAI, telles que l'Autorité des marchés financiers (AMF), et répondent aux exigences posées par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH). Elle comprend ainsi un collège , organe décisionnel composé de sept membres, et une commission des sanctions indépendante qui comprend trois membres. Elle dispose également d'une commission consultative , ce qui constitue une innovation. L'article 27 prévoit des mesures de prévention et de limitation des conflits d'intérêt .

Cette nouvelle autorité « gardienne » de la légalité est investie de pouvoirs étendus , que sont :

- la formulation d'un avis sur tout projet de texte relatif au secteur des jeux en ligne que lui transmet le Gouvernement. A la différence de l'AMF, l'ARJEL n'est donc pas investie d'un pouvoir réglementaire propre mais contribuera directement à la rédaction des textes (cahier des charges, caractéristiques techniques des plateformes et logiciels...) ;

- l'instruction des dossiers de demande d'agrément des opérateurs et la délivrance de ces agréments ;

- la possibilité de mener des enquêtes et contrôles sur pièces et sur place, en particulier du local d'archivage des données de jeux auquel les opérateurs doivent s'engager à donner accès aux représentants habilités de l'Autorité (article 11). L'éventuelle entrave d'un opérateur et la fourniture d'informations inexactes sont passibles d'une sanction plafonnée à 15.000 euros (article 35) ;

- la faculté, prévue à l'article 35, de prononcer des sanctions administratives (avertissement et réduction, suspension ou retrait d'agrément) et pécuniaires à l'encontre des personnes physiques et morales, répondant à une exigence de proportionnalité et susceptibles d'être publiées ;

- la faculté de signer des conventions avec ses homologues étrangers.

2. Les modalités d'octroi de l'agrément

Il reviendra à l'ARJEL d'agréer les opérateurs de paris ou de jeux de hasard en ligne, selon des modalités définies à l'article 16. L'agrément , distinct pour les paris hippiques, les paris sportifs et les jeux de cercle en ligne, est délivré pour une durée de cinq ans, renouvelable et n'est pas cessible . Seuls pourront demander un tel agrément les opérateurs établis soit dans un Etat membre de la Communauté européenne , soit dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales.

Tout refus d'agrément par l'ARJEL devra être motivé et fondé sur des motifs énumérés au même article. Toute modification apportée aux informations constitutives de la demande d'agrément devra être communiquée à l'ARJEL qui pourra, dans certains cas, inviter l'opérateur à présenter une nouvelle demande d'agrément.

Le Gouvernement a déclaré escompter ainsi la délivrance d'autorisations pour au maximum une cinquantaine d'opérateurs , soit une centaine d'agréments.

3. Une régulation à mi-chemin ?

La création d'une autorité clairement identifiée pour assurer la régulation des jeux en ligne est en soi un grand progrès. Elle vient cependant enrichir un « paysage administratif » déjà complexe et décrit plus haut. Un acteur majeur tel que le PMU devra ainsi rendre des comptes à l'ARJEL et aux ministères chargés du budget et de l'agriculture.

La mise en place d'une autorité unique pour tous les jeux d'argent et de hasard quel que soit leur mode opératoire, à l'instar du Royaume-Uni par exemple, est donc encore un objectif lointain si ce n'est irréaliste. Il est vrai que ce secteur comporte une forte dimension d'ordre public, appelant l'exercice de prérogatives régaliennes qui ne peuvent guère être déléguées. Votre rapporteur considère néanmoins que d'importantes marges de manoeuvre existent en termes de coordination des acteurs et de cohérence de la politique des jeux .

C. LES ÉLÉMENTS DE PROTECTION DU MARCHÉ ET DE LUTTE CONTRE LES OPÉRATEURS ILLÉGAUX

1. La protection du joueur

Afin d'assurer une ouverture maîtrisée du marché , le présent projet de loi pose plusieurs « garde-fous » destinés à protéger le joueur contre les risques liés à l'addiction et à garantir la fiabilité et la sécurité des opérations de jeux. C'est dans cette perspective que le présent projet de loi :

- rappelle et étend aux nouveaux opérateurs le principe de l'interdiction de jeu des mineurs (article 3), en imposant aux opérateurs de jeu en ligne une obligation de résultat en la matière (article 20) ;

- propose un encadrement de la proportion maximale des mises reversée aux joueurs ( taux de retour aux joueurs ou aux parieurs ) (article 8) afin de réguler la consommation de jeu et réduire l'intérêt des opérations de blanchiment ;

- fixe les modalités devant assurer la sécurisation des inscriptions et des opérations de paiement en ligne (article 12) ;

- veille à la protection des données à caractère personnel du joueur (articles 14, 15 et 29), contrepartie nécessaire aux obligations posées par ailleurs aux opérateurs en matière de lutte contre la fraude et le blanchiment d'argent. Ces dispositions imposent en effet aux opérateurs de recueillir auprès des joueurs de nombreuses informations à caractère personnel ;

- impose aux opérateurs de jeux plusieurs obligations en matière de prévention de l'addiction et de protection des populations vulnérables . Les opérateurs doivent ainsi refuser l'ouverture d'un compte joueur à toute personne interdite de jeu et doivent clôturer tout compte dont le titulaire viendrait à être touché par une telle interdiction. Les opérateurs sont également tenus de prévenir les comportements addictifs par la mise en place de modérateurs de jeu et de limites aux comptes joueurs , ainsi que de la mise à disposition d'un service d'information et d'assistance . Contrepartie de ce dispositif fondé sur une co-responsabilité de l'opérateur et du joueur, l'ARJEL est chargée d'évaluer, à travers un rapport annuel, les mesures effectives mises en oeuvre par l'opérateur en la matière (articles 20 et 21) ;

- encadre enfin la publicité en faveur des jeux : l'article 25 du présent projet de loi prévoit en effet que l'ARJEL encadre les actions de publicité menées par les opérateurs et limite les offres commerciales comportant une gratification financière.

2. Protéger l'offre légale de jeux pour mieux stigmatiser l'offre illégale

Aucune barrière à l'entrée n'étant totalement efficace s'agissant de la sphère d'Internet, le projet de loi retient en quelque sorte une démarche fondée sur la « labellisation » de l'offre légale et une volonté de « compliquer la vie » des sites illégaux en augmentant leur coût du risque . En outre, l'ouverture encadrée à des opérateurs jugés crédibles permet d'élargir le périmètre des acteurs intéressés à l'éviction des sites illégaux , qui sont autant de concurrents susceptibles d'acquérir des parts de marché de façon déloyale. Ce faisant, l'ouverture crée une convergence d'intérêts qui renforce l'efficacité de la lutte contre ces opérateurs.

Le chapitre VIII du projet de loi (articles 47 à 51) prévoit cependant plusieurs mesures restrictives à divers stades de la chaîne de valeur de l'offre illégale :

- la pénalisation de la publicité illégale (amende de 30.000 euros ou du quadruple du montant consacré aux dépenses publicitaires), par l'article 48 ;

- des pouvoirs renforcés de détection des sites illégaux et de collecte de preuves , conférés aux agents de la police judiciaire par l'article 49. Ces agents pourront ainsi « infiltrer » des sites en participant sous un pseudonyme, et conserver des données sur ces opérateurs ;

- la faculté de faire ordonner l'arrêt de l'accès à un service de jeux en ligne non agréé (article 50), selon une procédure prévoyant une mise en demeure adressée par l'ARJEL, qui peut en cas d'inexécution saisir le juge des référés ;

- une amélioration du dispositif actuel de blocage des transferts de fonds par les établissements bancaires, qui porte désormais sur les transferts à destination ou en provenance des personnes organisant des activités de jeux, paris ou loteries prohibées ;

- enfin un régime de sanctions pénales encourues par les personnes proposant des jeux ou paris en ligne sans disposer de l'agrément, soit trois ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende, portés à sept ans d'emprisonnement et 100.000 euros d'amende en cas d'infraction commise en bande organisée.

3. Un dispositif qui ne peut être exempt de failles

Il serait déraisonnable d'escompter une protection parfaite des joueurs et un contrôle étroit de l'addiction dans un environnement qui sera plus ouvert quoique plus sécurisé que l'actuel . Le futur régime demeurera intrinsèquement borné par la territorialité de la loi (en particulier des dispositions pénales, nonobstant les accords bilatéraux d'entraide judiciaire), alors que nombre d'opérateurs proposent aujourd'hui - et demain dans un cadre légal pour certains d'entre eux -, depuis un autre Etat d'établissement, une prestation de services dématérialisée.

Outre les techniques de fraude caractérisée, la technologie d'Internet et la dématérialisation des flux financiers offrent aux opérateurs et aux joueurs des opportunités de contournement , tels que le changement récurrent de nom de domaine ou d'adresse IP, le partage d'adresse avec d'autres sites, la publicité via des polluriels (« spams »), ou le recours des joueurs à un compte domicilié à l'étranger non déclaré et alimenté par un compte français. De même, les lourdeurs administratives et la lenteur éventuelle des procédures judiciaires, en particulier entre juridictions d'Etats différents, peuvent contribuer à sanctuariser des comportements illégaux. Enfin la prévention du jeu compulsif et de la dépendance pathologique se heurte aux frontières de la liberté individuelle .

Les moyens dont se dote l'Etat avec le présent projet de loi présentent cependant de bien meilleures garanties que le régime actuel et vont sans doute aussi loin qu'il est possible dans le respect du droit communautaire, de la proportionnalité des peines et du respect de la liberté individuelle. La lutte contre les sites illégaux sera également tributaire de l'implication de la police judiciaire dans cette nouvelle mission et des moyens humains dont elle disposera.

Faute de pouvoir établir, dans un cadre démocratique, une prohibition qui soit totalement appliquée dans les faits, c'est bien le cumul des menaces et sanctions qui peut dissuader les sites et les joueurs de s'engager dans des jeux et paris interdits.

D. LA VOLONTÉ DE METTRE EN PLACE UNE FISCALITÉ COHÉRENTE ET ÉQUITABLE

1. Un délicat compromis entre continuité, simplicité et efficacité économique

Le régime fiscal est un des aspects les plus sensibles du présent projet de loi car il détermine pour une bonne part la viabilité économique des futurs opérateurs agréés, le niveau du TRJ (et donc potentiellement la lutte contre l'addiction et le blanchiment) et le maintien des recettes de l'Etat, des organismes de sécurité sociale et des ressources de la filière équine. La fiscalité représente donc fondamentalement un compromis ; elle doit être suffisamment attractive pour inciter les plus grands opérateurs à entrer dans la légalité, et suffisamment élevée pour ne pas compromettre les recettes des bénéficiaires.

Dans ce contexte délicat, le Gouvernement a fait le choix du pragmatisme et de la simplification . Les principales caractéristiques du nouveau régime, prévues aux articles 38 à 46 du présent projet de loi, sont ainsi les suivantes :

- la pression fiscale est globalement allégée mais son assiette est élargie aux nouveaux jeux autorisés. Cette assiette est constituée du montant brut des sommes engagées par les joueurs et parieurs, soit les mises , et non plus du produit brut des jeux pour la majorité des composantes actuelles de la fiscalité ;

- le prélèvement est le même pour tous les types de paris , au taux de 5,7 % , qu'ils soient en ligne ou « en dur », sportifs ou hippiques, afin d'éviter des effets de substitution. Le poker en ligne bénéficie cependant d'une fiscalité inférieure, au taux de 1,8 % , compte tenu du modèle économique particulier de ce jeu ;

- les prélèvements sociaux suivent la même logique ; ils sont unifiés et s'établissent à 1,8 % des mises pour les paris et 0,2 % des mises pour les jeux de cercle en ligne ;

- le droit de timbre sur les paris hippiques et sportifs est supprimé ;

- le financement du sport amateur et de haut niveau est assis sur un prélèvement non plafonné de 1,2 % des mises des paris sportifs au profit du Centre national de développement du sport (CNDS), qui vient s'ajouter à l'actuel prélèvement sur les jeux de la Française des jeux ;

- une redevance au profit de la filière équine est également prévue par le nouvel article 43 bis (cf. infra ) et son taux sera précisé par un décret, dans une fourchette comprise entre 7,5 % et 9 % ;

- une fraction du prélèvement fiscal sur le poker en ligne et des prélèvements sociaux est affectée, respectivement, au Centre des monuments nationaux , à concurrence de 15 % et dans la limite de 10 millions d'euros et à l'INPES , à concurrence de 3 % et dans la limite de 5 millions d'euros ;

- afin d'assurer le recouvrement des prélèvements auprès des opérateurs agréés établis à l'étranger (vraisemblablement majoritaires), ces derniers doivent désigner un correspondant fiscal en France chargé d'accomplir les formalités et d'acquitter le prélèvement ;

- enfin la fiscalité des casinos est allégée de 37 millions d'euros , par le dédoublement de l'assiette du prélèvement progressif de l'Etat sur le produit brut des jeux. Cette mesure de soutien à un secteur en crise vient s'ajouter à la révision rétroactive du barème de ce prélèvement, introduite par un décret du 26 août 2009, qui représente un allègement fiscal d'environ 40 millions d'euros.

Le régime des prélèvements fiscaux, parafiscaux et sociaux proposé par le Gouvernement peut ainsi être synthétisé de la manière suivante :

Prélèvements sur les paris et jeux de cercle en ligne (en % des mises)

Paris sportifs

(en dur et en ligne)

Paris hippiques

(en dur et en ligne)

Poker en ligne

Taxe Etat

5,7 %

5,7 %

[ Modification AN : 15 % affectés aux communes disposant d'hippodromes, dans la limite de 10 millions d'euros ]

1,8 % (dont 15 % affectés au CMN)

[ Modification AN : 15 % affectés aux communes disposant de casinos, dans la limite de 10 millions d'euros ]

Taxe Sécurité sociale

1,8 % (dont 3 % affectés à l'INPES)

1,8 % (dont 3 % affectés à l'INPES)

0,2 % (dont 3 % affectés à l'INPES)

[ Modification AN : 5 % affectés à l'INPES
dans la limite de 10 millions d'euros
]

Sous-total fiscalité

7,5 %

7,5 %

2 %

Sport amateur et de haut niveau (CNDS)

1 %

[ Modification AN : 1,3 % en 2010, 1,5 % en 2011, 1,8 % en 2012 ]

Filière équine

Environ 8 %

Total fiscalité et retours aux filières

8,5 %

[ AN : 8,8 % en 2010 ]

15,5 %

2 %

Source : commission des finances du Sénat

2. Des controverses portant sur l'assiette et les taux

Le régime fiscal proposé par le présent projet de loi a cependant été soumis à des critiques de trois ordres :

- le choix d'asseoir les prélèvements sur les mises (y compris les gains réinvestis), plutôt que sur le produit brut des jeux (PBJ) comme c'est le cas actuellement, contribue à démarquer la France de la plupart des pays européens , qui privilégient le PBJ dans la mesure où il constitue une assiette économiquement plus cohérente ;

- les taux proposés sont sensiblement plus élevés que ceux pratiqués dans des Etats tels que l'Italie , le Royaume-Uni et surtout Malte , où les prélèvements sont respectivement de 20 % du PBJ, de 15 % du PBJ (soit, sur la base d'un taux de retour aux joueurs de 94,5 %, l'équivalent d'une taxation de 1 % des mises) et de 0,5 % des mises (pour les paris sportifs) ;

- un prélèvement proportionnel aux mises peut se révéler particulièrement problématique pour le poker en ligne et compromettre la viabilité économique des opérateurs, compte tenu de leur mode habituel de rémunération sur ces mises.

E. DES CONTRAINTES EXTERNES : LE DIALOGUE AVEC LA COMMISSION EUROPÉENNE ET UN CALENDRIER SERRÉ D'ADOPTION

1. Un projet a priori conforme aux exigences de la Commission européenne

Bien qu'il ne constitue pas exclusivement une réponse aux injonctions de la Commission européenne, le présent projet de loi est plus que d'autres soumis à des contraintes communautaires et à la vigilance de la Commission. Conformément à la directive du 28 juin 1998 sur la procédure d'information dans le domaine des normes techniques, la Commission a rendu le 8 juin 2009 un avis circonstancié sur le projet de loi. Elle a ainsi contesté la conformité de la procédure d'agrément et demandé que la France tienne compte des autorisations obtenues dans d'autres Etats membres, sans pour autant exiger la reconnaissance mutuelle des agréments . Cet aspect a bien été pris en compte par un amendement de nos collègues députés à l'article 16 du présent projet de loi.

La Commission européenne s'est également interrogée et a demandé des précisions ou justifications sur le plafonnement du TRJ et son lien avec la prévention de l'addiction, l'exigence d'un représentant fiscal établi en France et la reconnaissance d'un droit d'organisation des paris, que les opérateurs doivent négocier avec les fédérations sportives concernées.

Le Gouvernement lui a adressé ses réponses le 8 juillet 2009 ; celles-ci n'ont pas suscité d'objection formelle de la Commission européenne et laissent donc présumer la conformité du présent projet de loi.

2. Un calendrier d'adoption très contraint

L'ouverture du marché des jeux en ligne était initialement prévue pour début 2010. L'encombrement chronique du calendrier parlementaire et l'examen des projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale ont cependant conduit à reporter la première lecture du présent projet de loi à l'Assemblée nationale à octobre 2009 et au Sénat à février 2010.

L'adoption définitive de ce texte au plus tard deux mois avant l'échéance de la Coupe du monde de football , organisée en Afrique du Sud et qui débute le 11 juin 2010, revêt cependant un caractère déterminant . Cet événement, d'une grande importance sportive, économique et médiatique, est en effet stratégique pour les opérateurs de paris sportifs. Si le dispositif d'agrément de l'ARJEL n'est pas opérationnel pour la Coupe du monde et qu'une « zone grise » de la légalité se met en place, le risque est réel que les principaux opérateurs illégaux recourent massivement à la publicité, consolident et étendent leur clientèle et « s'installent » définitivement dans le paysage. Il serait alors beaucoup plus difficile, dans les faits, de remettre en cause ces parts de marché et la portée juridique et médiatique de l'agrément, pivot de l'ouverture maîtrisée, s'en trouverait réduite .

Compte tenu des délais nécessaires à la promulgation de la loi, à la publication des décrets (dont la rédaction a cependant été anticipée), à la préparation du cahier des charges et à l'instruction des dossiers d'agrément des opérateurs, il serait souhaitable qu'une adoption définitive par le Parlement soit acquise début avril .

IV. LES DISPOSITIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ET PAR VOTRE COMMISSION

A. LES PRINCIPALES DISPOSITIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Nos collègues députés ont apporté de nombreuses améliorations au projet de loi , contribuant à une meilleure prise en compte des objectifs d'intérêt général et à un renforcement de la protection des joueurs et de la lutte contre les opérateurs illégaux. A l'issue de débats parfois intenses, l'Assemblée nationale a inséré neuf nouveaux articles et supprimé l'article 32 , portant ainsi le projet de loi à 66 articles. Les principales innovations apportées par l'Assemblée nationale sont exposées ci-après.

1. Les principes et structures de régulation

En faisant implicitement référence à l'arrêt Santa Casa de la CJCE du 8 septembre 2009, précité, l'Assemblée nationale a introduit un nouvel article 1 er A qui précise que les jeux d'argent, compte tenu de leurs particularités, doivent faire l'objet, dans le respect du principe de subsidiarité , d'un encadrement strict au regard des enjeux d'ordre public, de sécurité publique et de protection de la santé.

A l'article premier, l'Assemblée nationale a introduit un quatrième objectif à la régulation publique des jeux, celui de « veiller au développement équilibré et équitable des différents types de jeu afin d'éviter toute déstabilisation économique des filières concernées ». Elle a surtout très opportunément rétabli les dispositions relatives à la création d'un Comité consultatif des jeux , qui avaient été retirées lors de l'examen préalable au Conseil d'Etat, au motif qu'elles étaient de nature réglementaire.

Ce comité consultatif est institué auprès des ministres du budget, de l'intérieur et de l'agriculture, et est chargé de « centraliser les informations en provenance des autorités de contrôle et des opérateurs de jeux et d'assurer la cohérence des régulations au regard des objectifs généraux ». Votre commission a toutefois décidé d'élargir ses attributions et de préciser sa structure (cf. infra ).

Par un amendement à l'article 26, l'Assemblée nationale a, de plus, renforcé le rôle de la commission consultative de l'ARJEL et modifié sa composition .

A l'article 35, l'Assemblée nationale a également modifié le régime des sanctions prononcées par la commission des sanctions de l'ARJEL en prévoyant notamment la possibilité :

- de moduler la sanction de réduction de la durée de l'agrément sur une période inférieure à un an ;

- et d'accompagner le retrait de l'agrément d'une interdiction de solliciter un nouvel agrément pendant un délai maximum de trois ans .

2. La protection des mineurs et la prévention de l'addiction

L'Assemblée nationale a considérablement enrichi le volet du présent projet de loi relatif à la protection des mineurs et à la prévention de l'addiction.

S'agissant de la protection des mineurs , tout d'abord, elle a :

- imposé aux opérateurs de jeux de faire apparaître un message rappelant le principe de l'interdiction de jeu des mineurs , par le biais notamment d'une « fenêtre surgissante ». Il est également prévu que la date de naissance du joueur soit exigée lors de chaque visite du site (articles 3 et 18) ;

- inséré un article additionnel tendant à encadrer la publicité en faveur de l'offre légale de jeu , notamment en interdisant celle-ci dans les publications, les sites Internet, pendant la diffusion d'émissions de télévision, de radio ou de films à destination des mineurs (article 4 bis ).

Elle a introduit deux autres articles additionnels qui prévoient, d'une part, la remise d'un rapport sur les conséquences du développement de la publicité (article 4 ter A) et, d'autre part, des sanctions pécuniaires à l'égard des diffuseurs qui ne respecteraient pas les prescriptions posées, dans ce domaine, par le présent projet de loi (article 4 ter ).

En ce qui concerne les obligations imposées aux opérateurs en matière de prévention de l'addiction , l'Assemblée nationale a également introduit de nouvelles dispositions opportunes. Elle a ainsi :

- précisé les modalités de consultation des fichiers des interdits de jeu par les opérateurs (article 20) ;

- introduit une procédure d'agrément des systèmes d'information et d'assistance destinés aux joueurs pathologiques et excessifs (article 21 bis ) ;

- proposé que le groupement d'intérêt public « Addictions, drogues, alcool info service » mette en place, dans le cadre de ses missions et ses moyens actuels, un numéro d'appel téléphonique dédié à l'addiction au jeu (article 21 ter ) ;

- inséré enfin un article additionnel tendant à rappeler et étendre aux opérateurs de jeu en ligne le principe de l'interdiction de jeu à crédit (article 21 quater ).

3. Les obligations préalables et postérieures à l'agrément

Nos collègues députés ont complété les obligations des entreprises sollicitant l'agrément de l'ARJEL :

- l'opérateur sollicitant l'agrément ne peut avoir son siège, une filiale ou un équipement dans un paradis fiscal (article 10) ;

- s'il opère légalement dans son Etat d'établissement pour une même catégorie de jeux ou de paris en ligne, il transmet à l'ARJEL la surveillance réglementaire et le régime de sanctions auxquels il est déjà soumis dans cet Etat (article 11). Cette information ne vaut cependant en aucun cas reconnaissance mutuelle des agréments .

L'Assemblée nationale a précisé d'autres obligations relatives à ces opérateurs, que doivent également respecter de manière continue les opérateurs agréés, en particulier celles relatives aux moyens de paiement :

- l'opérateur doit s'assurer que le nouveau joueur est une personne physique , en requérant l'entrée d'un code permettant de limiter les inscriptions effectuées frauduleusement par des robots informatiques (article 12) ;

- les opérateurs agréés peuvent mettre en place un compte joueur provisoire , qui ne peut être crédité des gains éventuels et validé qu'après vérification des informations transmises par le joueur, en particulier de celles attestant qu'il est majeur (article 12) ;

- le régime des moyens de paiement a été très substantiellement modifié à l'article 12, pour renforcer l'efficacité de la lutte contre le blanchiment et assurer sa conformité à la directive du 13 novembre 2007 sur les services de paiement. Les modalités d'approvisionnement du compte joueur ont été encadrées, et l'approvisionnement ne peut être réalisé que par adossement direct à un compte de paiement ouvert auprès d'un prestataire de paiement. De même, le chèque et les espèces sont exclus du champ des instruments de paiement, et les gains du joueur ne peuvent lui être reversés que par virement.

En outre, l'Assemblée nationale a limité l'octroi de l'agrément aux personnes , autres que les sociétés monopolistiques traditionnelles, n'ayant eu aucune activité d'opérateur de jeux ou de paris en ligne à destination de joueurs résidant en France à compter de la promulgation du présent texte (article 16). Elle a également suspendu l'octroi de l'agrément aux personnes ayant eu une activité d'opérateurs de jeux ou de paris en ligne à destination de joueurs résidant en France préalablement à la promulgation de ce projet de loi (à l'exception, là encore, des actuelles sociétés monopolistiques), jusqu'à la fourniture par ceux-ci de la justification de la clôture des comptes de ces joueurs .

Enfin le régime des opérateurs agréés a été ainsi modifié :

- le dispositif de certification de l'article 17 a été révisé : la certification doit faire l'objet d'une actualisation annuelle, et l'ARJEL peut mettre en demeure l'opérateur de se soumettre à une nouvelle certification dans un délai d'un mois s'il apparaît qu'il ne respecte pas une ou plusieurs clauses du cahier des charges ou manque à ses obligations législatives et réglementaire ;

- un dispositif de « routage » automatique des joueurs vers le site « .fr » a été introduit à l'article 18, selon un double critère de localisation géographique de la connexion et d'identification du joueur.

4. Les prélèvements fiscaux et sociaux

L'assiette et le taux du nouveau régime fiscal des paris n'ont pas été modifiés, mais les prélèvements fiscaux et sociaux sur le poker en ligne ont été plafonnés à, respectivement, 0,90 euro et 0,10 euro par donne afin de tenir compte du modèle économique de ces opérateurs.

En revanche, l'affectation des recettes a subi d'importantes modifications dans les articles 39, 40 et 43, avec l'introduction ou la modification de trois mécanismes de rétrocession et une augmentation progressive du prélèvement au profit du CNDS :

- une partie du prélèvement sur les paris hippiques est affectée aux communes accueillant un ou plusieurs hippodromes , à concurrence de 15 % et dans la limite de 10 millions d'euros à ces communes, au prorata des enjeux des courses hippiques effectivement organisées par les hippodromes ;

- selon les mêmes modalités, une fraction du prélèvement sur les jeux de cercle en ligne est rétrocédée aux communes disposant d'un ou plusieurs casinos , et la fraction du prélèvement social sur les paris et le poker en ligne revenant à l'INPES est relevée à 5 % dans la limite de 10 millions d'euros ;

- le taux du prélèvement au profit du CNDS, de 1,3 % en 2010, est porté à 1,5 % en 2011 puis 1,8 % en 2012 , soit le même taux que le prélèvement analogue opéré sur les sommes misées sur les jeux « en dur » de la Française des jeux.

5. Les mesures de lutte contre les sites illégaux

Divers amendements tendant à renforcer l'efficacité et le caractère dissuasif du dispositif de lutte contre les sites interdits ont été adoptés :

- un relèvement des sanctions pénales en cas d'offre non agréée de jeux et paris en ligne (article 47) : trois ans d'emprisonnement et 90.000 euros d'amende, portés à sept ans d'emprisonnement et 200.000 euros d'amende en cas de commission en bande organisée. Le régime pénal a également été harmonisé pour tous les types de jeux, qu'ils soient en ligne ou « en dur » ;

- un article 48 bis a été inséré, autorisant les agents des douanes, habilités par les ministres chargés de la justice et du budget à effectuer des enquêtes judiciaires conformément au code de procédure pénale, à constater une offre de jeux illégale ;

- à l'article 49, les pouvoirs de police judiciaire en matière de détection des sites illégaux et de collecte de preuve ont été étendus aux agents des douanes . L'ARJEL pourra être destinataire des informations recueillies par les « cyberpatrouilleurs » et ces derniers pourront être mis à disposition de l'Autorité ;

- selon le même procédé que pour le blocage de l'accès aux sites, l'ARJEL est investie d'un pouvoir de mise en demeure et d'injonction aux opérateurs illégaux tendant à faire appliquer le régime d'interdiction des transferts de fonds (article 51). En cas d'inexécution de cette injonction, l'ARJEL peut prendre l'initiative de proposer au ministre du budget l'interdiction des mouvements ou transferts de fonds vers les comptes de ces opérateurs.

6. Les dispositions diverses

L'Assemblée nationale a également adopté plusieurs amendements à l'article 52, relatif au droit d'exploitation des organisateurs de manifestations et compétitions sportives. Ces amendements tendent à :

- limiter le champ de ce droit aux seules relations entre les organisateurs et les opérateurs de paris sportifs, en reconnaissant aux organisateurs un « droit [cessible] d'organiser des paris sportifs sur les manifestations ou compétitions sportives », sous réserve du dispositif anti-abus prévu à l'article 23 ;

- apporter plusieurs précisions relatives à la contractualisation entre les organisateurs et les opérateurs de paris en ligne ;

- affirmer, en parallèle, le droit de propriété des clubs sportifs , en leur permettant de concéder, notamment aux opérateurs de paris en ligne , en tout ou partie, à titre gratuit ou onéreux, de manière exclusive ou non, des droits sur les actifs incorporels dont ils sont titulaires .

Enfin, à l'initiative du Gouvernement, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté un amendement à l'article 53, dont l'objet est d' élargir l'offre de paris du PMU à toute compétition sportive ouverte à la prise de paris ainsi qu'à tous les jeux de cercle autorisés par le présent projet de loi. Cette diversification de l'offre du PMU, dans un contexte d'ouverture à la concurrence des jeux en ligne, parait constituer un autre apport particulièrement notable de nos collègues députés.

B. LES PRINCIPAUX AMÉNAGEMENTS APPORTÉS PAR VOTRE COMMISSION

Considérant les aménagements apportés par l'Assemblée nationale, votre commission n'a pas substantiellement modifié l'économie du présent projet de loi, en particulier son volet fiscal. Outre de nombreux amendements rédactionnels ou de précision, elle a été avant tout été animée par des objectifs de renforcement du Comité consultatif des jeux, d'amélioration de la protection des mineurs et de prévention de l'addiction, ainsi que de plus grande efficacité de la lutte contre les opérateurs illégaux .

1. Le Comité consultatif des jeux, nouvelle structure de coordination

La création d'un Comité consultatif de jeux (CCJ), que votre rapporteur appelait depuis longtemps de ses voeux, fournit une opportunité de meilleure prise en compte de certaines dimensions du secteur des jeux, en particulier économiques et de santé publique, et de simplification des structures impliquées dans cette politique publique. Votre commission a donc précisé ce dispositif dans l'article premier ; il sera précisé par un décret dont elle a eu connaissance du projet. Les caractéristiques du CCJ seraient ainsi les suivantes :

1) Il serait placé auprès du Premier ministre , et non plus des trois principaux ministères de tutelle, afin de conforter sa vocation transversale et interministérielle.

2) Il serait compétent pour l'ensemble du secteur des jeux et investi de missions de centralisation, de conseil et d'avis, ainsi que de coordination . Il serait ainsi chargé, comme le prévoit déjà le dispositif adopté par les députés, de centraliser les informations en provenance des autorités de contrôle et des opérateurs de jeux et d'assurer la cohérence de la régulation au regard des objectifs généraux. Il pourrait également formuler des avis sur tout projet de texte législatif ou réglementaire que lui transmettra le Gouvernement sur le secteur des jeux.

3) Il comporterait un collège de dix-neuf membres , présidé par un membre du Parlement dont le mandat sera de cinq ans non renouvelable, un observatoire des jeux et deux commissions spécialisées , dénommées respectivement « commission consultative pour la mise en oeuvre de la politique d'encadrement des jeux de cercles et de casinos » et « commission consultative pour la mise en oeuvre de la politique d'encadrement des jeux et paris sous droits exclusifs ». Les membres de ces commissions seraient pour l'essentiel des membres du collège.

4) Le collège du CCJ serait chargé :

- d'émettre un avis, à la demande du Gouvernement, sur l'ensemble des questions relatives au domaine des jeux d'argent et de hasard et sur tout projet de texte relatif au secteur des jeux que lui transmet le Gouvernement. L'ARJEL dispose également de cette attribution consultative ;

- de proposer au Gouvernement les évolutions législatives et réglementaires qui lui paraissent nécessaires pour assurer la cohérence de la politique des jeux d'argent et de hasard au regard des objectifs d'intérêt général ;

- de réunir les informations et de procéder ou faire procéder aux études relatives au secteur des jeux tant dans ses aspects économiques, sociaux et culturels, qu'au regard des problématiques d'ordre public et de santé publique ;

- et d'émettre un avis sur les actions d'information du public concernant les dangers du jeu excessif.

5) L'observatoire des jeux serait composé de huit membres , désignés pour cinq ans, renouvelables une fois. Il aurait pour mission de conseiller le collège dans sa mission auprès du Gouvernement ainsi que, à leur demande, les commissions spécialisées. Son secrétariat serait assuré par les services du Premier ministre.

6) La commission consultative pour la mise en oeuvre de la politique d'encadrement des jeux de cercles et de casinos serait chargée d'examiner les demandes d'autorisation de jeux dans les cercles et les casinos et reprendrait donc les attributions de l'actuelle Commission supérieure des jeux. Sa composition et son mode de fonctionnement seraient à cet égard inchangés (ses avis seraient en particulier transmis au ministre de l'intérieur), afin de préserver les garanties actuelles de prise en compte des enjeux d'ordre et de sécurité publics, et son secrétariat serait assuré par les services du ministère de l'intérieur.

7) La commission consultative pour la mise en oeuvre de la politique d'encadrement des jeux et paris sous droits exclusifs serait composée de huit membres et reprendrait les attributions actuelles du COJER en les étendant aux paris hippiques . Elle serait donc chargée de conseiller les ministres chargés du budget et de l'agriculture dans la mise en oeuvre de la politique d'encadrement des jeux et paris exploités par La Française des jeux et des paris exploités par le PMU, et pourrait prescrire la réalisation d'études nécessaires à sa mission.

2. Les principes de régulation et les dispositions relatives à l'ARJEL

Votre commission a également décidé d'appliquer à l'ensemble des jeux de hasard les principes posés par l'article premier A, introduit par nos collègues députés.

A l'article 10, elle a précisé et étendu les obligations des entreprises qui sollicitent l'agrément de l'ARJEL, par des amendements qui prévoient la déclaration des actionnaires détenant plus de 5 % des droits de vote (et non pas uniquement du capital), des précisions sur les notions de contrôle et d'implantation dans un paradis fiscal, et la justification des moyens humains, matériels et financiers de l'opérateur.

Le périmètre des missions de l'ARJEL , prévu par l'article 25, a été quelque peu modifié : elle évalue périodiquement le niveau de sécurité proposé par les plateformes de jeux des opérateurs, mais n'est plus chargée d'approuver les règlements des jeux et paris.

De même, la faculté dont dispose la commission des sanctions de l'ARJEL de publier ses décisions est étendue aux personnes morales , et il est prévu que lorsque le procureur de la République décide de mettre en mouvement l'action publique sur les faits que l'ARJEL lui a transmis, il en informe sans délai l'Autorité (article 36).

Par ailleurs, de manière à éviter la multiplication des organes décisionnaires ainsi qu'à centrer la responsabilité de l'ARJEL sur son collège et son président, votre commission a proposé de supprimer la possibilité, pour le collège de l'ARJEL, d'accorder une délégation de compétence aux commissions spécialisées (article 28).

Enfin, le renforcement du Comité consultatif des jeux a conduit à supprimer la commission consultative de l'ARJEL, prévue par l'article 26. La multiplication des structures ne parait en effet pas souhaitable et il semble plus judicieux de prévenir les risques de doublons et les conflits de compétences.

3. La protection des mineurs et la prévention de l'addiction

S'agissant du volet relatif à la protection des mineurs et des personnes vulnérables, votre commission a adopté quelques aménagements au dispositif opportunément enrichi par l'Assemblée nationale.

Elle a souhaité, tout d'abord, par cohérence, rassembler dans l'article 3 du présent projet de loi, toutes les dispositions relatives à l'interdiction de jeu des mineurs , celles-ci ayant en effet vocation à s'appliquer tant aux opérateurs de jeu « en dur » qu'aux opérateurs de jeux en ligne. Elle a, par ailleurs, substitué au terme « fenêtre surgissante » la notion de « message avertissant » de l'interdiction de jeu des mineurs afin d'éviter toute possibilité de filtrage par les internautes.

Elle a également introduit quelques aménagements aux articles 4 bis , 4 ter A et 4 ter relatifs à l'encadrement de la publicité afin de rendre ces dispositions opérationnelles sans en modifier l'esprit. En effet, la notion de films ou d'émissions « à destination des mineurs » n'a pas de valeur juridique précise.

En matière de lutte contre l'addiction , votre commission a adopté cinq modifications principales :

- premièrement, rendre obligatoire la consultation des fichiers des interdits de jeu par les opérateurs. La rédaction de l'article 20, issue de l'examen à l'Assemblée nationale, prévoit en effet une simple faculté. Afin de garantir la protection des données à caractère personnel des joueurs, votre commission propose que cette consultation soit réalisée par l'intermédiaire de l'ARJEL ;

- deuxièmement, ajouter, parmi les mécanismes de modération de jeu que les opérateurs doivent mettre en place, des dispositifs d'auto-exclusion , compléments utiles de la procédure d'interdiction de jeu (article 20) ;

- troisièmement, prévoir que les opérateurs de jeu soient tenus d' avertir les joueurs contre les risques liés à l'addiction et d' informer ces derniers des procédures d'inscription sur les fichiers d'interdits de jeu ;

- quatrièmement, obliger les opérateurs de jeu à mentionner, à titre principal, les coordonnées du système d'information et d'assistance géré par le GIP ADALIS . En effet, à la différence des services que les opérateurs de jeux pourront proposer par ailleurs, ceux du GIP ADALIS présentent le double avantage d'être placés sous la responsabilité des pouvoirs publics et de proposer un niveau d'aide plus complet en permettant une orientation des éventuels joueurs pathologiques vers un dispositif de soins sanitaire ou médico-social ;

- s'agissant de l'encadrement des autres systèmes d'aide que pourront proposer les opérateurs, votre commission a remplacé la procédure d'agrément, prévue à l'article 21 bis , par une procédure d'avis effectué par le comité consultatif des jeux . Une procédure d'agrément paraît en effet lourde à mettre en place dans l'immédiat. L'opportunité d'une telle procédure pourra néanmoins être étudiée dans le cadre de la « clause de rendez-vous » prévue à l'article 58 du présent projet de loi.

4. Les obligations des opérateurs agréés

Votre commission a consolidé les obligations des opérateurs agréés par les deux dispositions suivantes :

- les opérateurs devront s'assurer que le joueur est une personne physique non seulement lors de l'ouverture initiale du compte, mais encore lors de toute session de jeu (article 12) ;

- un nouvel article 17 A, proposé par le Gouvernement, harmonise et clarifie la situation des opérateurs de jeux au regard de l'assujettissement, du contrôle et des sanctions de leurs obligations de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme . Tous les opérateurs de jeux (disposant de droits exclusifs ou opérant dans le champ concurrentiel) sont ainsi soumis aux mêmes obligations , définies par le code monétaire et financier, et l'ARJEL est désignée comme autorité de contrôle du respect de ces obligations de lutte anti-blanchiment pour les seuls opérateurs de jeux en ligne. De même, un nouvel article 53 A, adopté à l'initiative du Gouvernement, renforce les pouvoirs de contrôle sur place de l'administration sur les casinos, cercles et sociétés de jeux ;

- l'obligation de certification , prévue par l'article 17, a été révisée à l'initiative du Gouvernement et de votre commission. Elle comprendra donc deux étapes avec une première certification du « frontal » dans les six mois de sa mise en service, puis une certification globale dans les douze mois qui suivent la date d'obtention de l'agrément. Dans les deux cas, la certification doit être réalisée par un organisme indépendant et notifiée à l'ARJEL .

5. Les mesures de lutte contre les sites illégaux

A l'article 47, votre commission a introduit, par cohérence avec le droit pénal, un régime de peines complémentaires encourues par les personnes physiques et morales en cas d'exploitation illégale de jeux d'argent et de hasard. Ces peines sont également harmonisées dans les textes existants, soit les lois du 21 mai 1836 sur les loteries prohibées, du 2 juin 1891 sur les courses de chevaux et du 12 juillet 1983 sur les jeux de hasard.

Votre commission a également porté à 100.000 euros , au lieu de 30.000 euros, le montant de l'amende sanctionnant la publicité , par quelque moyen que ce soit, en faveur d'un site de jeu illégal . Par cohérence, elle a procédé à la même majoration pour l'ensemble des amendes punissant la promotion de jeux « en dur » non autorisés (article 48).

A l'article 48 bis , elle a conféré explicitement la compétence de rechercher et constater les infractions en matière de publicité pour un site de jeu non agréé aux agents des douanes investis de pouvoirs de police judiciaire.

A l'article 50, votre commission a doté le président de l'ARJEL du pouvoir de saisir le juge des référés aux fins de voir prescrire toute mesure destinée à faire cesser le référencement d'un site de jeu illégal par un moteur de recherche ou un annuaire .

6. Le prélèvement sur les paris hippiques en ligne au profit de la filière équine

A l'initiative du Gouvernement, votre commission a repris et précisé, dans un nouvel article 43 bis , le dispositif introduit par l'Assemblée nationale ayant pour objet de mettre en place une redevance payée par les opérateurs de paris hippiques en ligne et assise sur les sommes engagées par les parieurs . Ce dispositif, inséré dans le code général des impôts au sein d'un nouvel article 1609 tertricies , s'apparente désormais plus à une taxe dont le produit est affecté , bien que le prélèvement envisagé conserve le nom de redevance. Le présent projet de loi définit ainsi une assiette, une fourchette de taux et des modalités de recouvrement : ce cadre juridique permet de rapprocher la redevance initialement proposée d'une imposition de toutes natures.

Son taux sera fixé par décret dans une fourchette comprise entre 7,5 % et 9 %, en fonction du coût des missions de service public des sociétés de courses. Il permettra d'assurer un financement supplémentaire au profit de la filière équine . Le produit de la taxe sera, en effet, affecté au prorata des enjeux misés sur chaque spécialité, trot et galop, aux sociétés mères de courses de chevaux. Celles-ci devront ensuite répartir les sommes versées entre les sociétés de courses elles-mêmes.

7. Les dispositions diverses

A l'article 52, votre commission a resserré la définition du droit de propriété des clubs à leurs seules relations avec les opérateurs de paris sportifs , afin de rester dans l'objet du présent projet de loi. De plus, elle a renvoyé à un décret le soin de définir les « actifs incorporels » que pourraient céder les clubs, ces termes ne correspondant pas à une notion utilisée en droit des sociétés et pouvant donc présenter un caractère ambigu.

* *

*

Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, la commission des finances soumet à la délibération du Sénat le texte qu'elle a établi .

EXAMEN DES ARTICLES

CHAPITRE 1ER
DISPOSITIONS RELATIVES À L'ENSEMBLE DU SECTEUR DES JEUX D'ARGENT ET DE HASARD

ARTICLE 1er A - Principe de subsidiarité et spécificité de la régulation publique des jeux d'argent

Commentaire : le présent article, introduit par l'Assemblée nationale, précise que les jeux d'argent, compte tenu de leurs particularités, doivent faire l'objet, dans le respect du principe de subsidiarité, d'un encadrement strict au regard des enjeux d'ordre public, de sécurité publique et de protection de la santé.

I. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de nos collègues députés Jacques Myard et Louis Giscard d'Estaing, et avec l'avis favorable de la commission des finances et du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté le présent article, qui souligne la nature particulière des jeux d'argent . Cette nature justifie un régime spécifique d'encadrement destiné à assurer le respect d'objectifs nationaux d'ordre public et de santé publique, et partant, une certaine autonomie de l'Etat dans la fixation du cadre juridique , en application de la récente jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) et en l'absence d'un régime communautaire harmonisé.

Le présent article dispose ainsi que « les jeux donnant lieu à des paris d'argent ne sont ni un commerce ordinaire, ni un service ordinaire », afin de consolider la légitimité d'un encadrement particulier. Celle-ci est également confortée par les « enjeux d'ordre public, de sécurité publique et de protection de la santé », qui justifient que l'encadrement soit « strict », et par le « strict respect du principe de subsidiarité ».

Cette formulation, selon les auteurs de l'amendement, fait référence à l'arrêt « Departamento de Jogos da Santa Casa da Misericordia de Lisboa » de la CJCE, dit arrêt « Santa Casa » , du 8 septembre 2009. Elle s'inscrit également dans la continuité d'une résolution adoptée par le Parlement européen le 10 mars 2009 , qui défend la compétence des Etats dans la mesure où « une approche purement axée sur le marché intérieur ne convient pas dans un domaine aussi sensible ».

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur approuve les dispositions du présent article, bien qu'elles relèvent davantage de la pétition de principe que de la formulation juridique. Elles ont cependant le mérite de rappeler la spécificité du commerce de jeux d'argent et de hasard qui, dans la conception française, ne fait pas appel à la seule responsabilité individuelle du consommateur - lequel n'est d'ailleurs pas sanctionné s'il recourt à des jeux ou paris prohibés - mais comporte une forte dimension d'ordre public et social, de direction (préserver l'intérêt général) comme de protection (protéger les plus faibles).

Bien que l'arrêt Santa Casa de la CJCE n'y fasse pas explicitement référence, la mention du principe de subsidiarité est recevable et rappelle que ce secteur n'est actuellement soumis à aucune législation européenne autre que le respect des principes généraux de liberté d'établissement et de libre prestation de services, prévus aux articles 43 et 49 du Traité CE. Votre rapporteur relève d'ailleurs que ce principe a acquis pleine valeur constitutionnelle depuis l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne le 1 er décembre 2009 . Cette entrée en vigueur constituait la condition de l'application de la nouvelle rédaction du titre XV de la Constitution, consacré à l'Union européenne.

Il importe cependant de préciser la portée de l'arrêt Santa Casa , rendu par la CJCE réunie en « grande chambre » peu avant les débats à l'Assemblée nationale, et auquel nos collègues députés ont légitimement fait référence à plusieurs reprises. Votre rapporteur entend ici montrer que cet arrêt ne constitue pas un réel revirement de jurisprudence, mais plutôt un infléchissement, et ne remet aucunement en cause la démarche de régulation encadrée initiée par le Gouvernement dans le présent projet de loi .

A. L'ARRÊT SANTA CASA CONFIRME LES EXCEPTIONS AU PRINCIPE DE LIBERTÉ DE PRESTATION DE SERVICES

Le champ de l'arrêt Santa Casa - qui constitue la septième affaire du genre tranchée par la CJCE - est limité à la prestation de service et aux paris sportifs sur Internet . Son argumentation se situe dans une certaine continuité avec la jurisprudence antérieure de la CJCE, en particulier celle des arrêts Schindler du 24 mars 1994, Läärä e.a. du 21 septembre 1999 et Zenatti du 21 octobre 1999, et dans une moindre mesure des arrêts Gambelli du 6 novembre 2003 et Placanica du 6 mars 2007 dont les conclusions étaient différentes.

En effet, il réaffirme les conditions qui seules peuvent justifier des restrictions à la liberté de prestation de services - en l'espèce l'offre à distance de paris sur Internet -, et le cas échéant, la légitimité d'un monopole public.

Ces conditions, qui constituent d'ailleurs un facteur commun de la jurisprudence communautaire sur les libertés de circulation et d'établissement pour de nombreux secteurs d'activité, sont l'existence de « motifs impérieux d'intérêt général » et le respect des principes de nécessité, de proportionnalité , de non-discrimination entre prestataires et de cohérence .

Parmi les raisons d'intérêt général qui peuvent justifier des restrictions aux activités de jeux et de canaliser l'offre, la Cour mentionne dans plusieurs arrêts la protection des consommateurs , la prévention de la fraude et de l'incitation des citoyens à une dépense excessive liée au jeu , et la prévention de troubles à l'ordre social en général, autant d'objectifs traditionnellement poursuivis par la politique française d'encadrement des jeux et renouvelés dans le présent projet de loi.

B. UN RETOUR À LA JURISPRUDENCE PLUTÔT QU'UN REVIREMENT

Alors que les arrêts Gambelli et Placanica avaient plutôt conforté la libéralisation du marché des jeux en invalidant les restrictions de la législation italienne, l'arrêt Santa Casa a pu surprendre car il a conclu que « l'article 49 [du traité] CE ne s'oppose pas à une réglementation d'un Etat-membre (...) qui interdit à des opérateurs, comme Bwin International Ltd , établis dans d'autres Etats membres, où ils fournissent légalement des services analogues, de proposer des jeux de hasard par l'Internet sur le territoire dudit Etat membre ». Ce revirement n'est toutefois qu'apparent et doit être relativisé par les circonstances de l'espèce , dans la mesure où :

- Bwin et son cocontractant la Liga (ligue de football professionnel portugaise) ont ouvertement violé la législation en espérant une tolérance de la part des autorités portugaises ou des nouvelles marges de négociation, eu égard au mouvement actuel d'ouverture du marché ;

- la Santa Casa et l'exploitation des jeux de hasard au Portugal ont une vocation exclusivement sociale et quasi-caritative . Le statut social de la Santa Casa (qui est une « personne morale d'utilité publique administrative »), ses missions et son rôle central dans l'économie sociale, son histoire multi-séculaire, l'attachement culturel particulier que les Portugais manifestent à l'égard de cette institution comme l'affectation exclusive des recettes d'exploitation des jeux de hasard à Santa Casa et à d'autres institutions d'intérêt public ou relevant de l'action sociale, légitiment le recours au monopole.

L'arrêt Santa Casa revient également aux origines de la jurisprudence communautaire en matière de jeux . Dans la première affaire traitée, soit Schindler en mars 1994, la CJCE a ainsi admis que les Etats membres disposent d'un certain pouvoir d'appréciation qui leur permet, pour des raisons impérieuses d'intérêt général, de poser des restrictions à la libre prestation de services. Pour ce motif, elle a jugé, en septembre 1999 dans l'arrêt Läärä , conforme au Traité CE une législation nationale réservant à un organisme public le monopole de l'exploitation des machines à sous .

C. LA RECONNAISSANCE DE CERTAINS RISQUES SPÉCIFIQUES

De façon plus novatrice, la CJCE a insisté sur la spécificité des jeux sur Internet et a identifié, pour la première fois, des risques accrus de fraude liés à l'exploitation de ces jeux qui, « en raison du manque de contact direct entre le consommateur et l'opérateur , (...) comportent des risques de nature différente et d'une importance accrue par rapport aux marchés traditionnels ».

La Cour a également mis en évidence des risques de conflits d'intérêt liés au sponsoring , le point 71 disposant que « ne saurait être exclue la possibilité qu'un opérateur qui parraine certaines des compétitions sportives sur lesquelles il prend des paris ainsi que certaines des équipes participant à ces compétitions se trouve dans une situation qui lui permette d'influencer directement ou indirectement le résultat de celles-ci et ainsi d'augmenter ses profits ».

La CJCE a aussi explicitement rappelé que « le secteur des jeux de hasard offerts par l'Internet ne fait pas l'objet d'une harmonisation communautaire » et que la réciprocité ne s'impose pas aux Etats-membres .

C'est bien cette absence d'harmonisation communautaire qui ne permet pas aux opérateurs de jeux de se prévaloir d'une reconnaissance mutuelle, voire d'un « passeport » européen , à la différence des banques et organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) par exemple. Elle justifie également que, dans le respect du principe de subsidiarité, les Etats-membres disposent d'une certaine autonomie dans la mise en place de restrictions , voire d'un monopole, pour autant que celui-ci soit exclusivement fondé sur des raisons impérieuses d'intérêt général.

D. UNE DÉMARCHE FRANÇAISE QUI N'EST PAS REMISE EN CAUSE

Cette décision de la CJCE est-elle transposable au régime français , proche de la législation portugaise ? Autrement dit, peut-on se prévaloir de l'arrêt Santa Casa pour justifier le maintien des monopoles existants sur le jeu en ligne ? Votre rapporteur ne saurait être catégorique sur ce point.

Considérant en effet les statuts et les objectifs de la Française des jeux, société anonyme publique qui compte aussi des actionnaires privés, le dynamisme de l'offre de jeux et de paris mutuels, comme la volonté implicite et ambiguë de l'Etat de maintenir ou augmenter les recettes fiscales (qui ne relève pas des raisons impérieuses d'intérêt général), la CJCE pourrait considérer que la réglementation française est disproportionnée ou non nécessaire par rapport aux objectifs d'ordre public et social affichés .

Qu'on le déplore ou non, la France, comme de nombreux Etats-membres, a fait l'objet d'une procédure initiée par la Commission européenne. Au-delà de la controverse juridique sur la portée de la mise en demeure et de l'avis motivé et sur l'influence réelle de la pression exercée par la Commission sur la décision du Gouvernement français d'ouvrir le marché des jeux en ligne, cette ouverture encadrée est avant tout justifiée sous l'angle du pragmatisme économique et social . A l'hypocrisie actuelle d'un marché légal sécurisé et restreint mais d'un secteur illégal incontrôlé et illimité, il faut assurément préférer une concurrence encadrée, lisible, « labellisée », et qui permette de mieux lutter contre les sites illégaux.

La pression de la Commission européenne a pu constituer un déclencheur ou un facteur d'accélération, mais n'est certainement pas la cause exclusive de la nouvelle réglementation proposée . L'horizon du présent projet de loi n'est pas exclusivement de satisfaire la Commission européenne, mais bien de tenir compte de la réalité économique tout en assurant le mieux possible l'ordre public et la santé publique, en particulier la lutte contre la fraude, le blanchiment et l'addiction.

Ce faisant, le projet français ne retient pas le principe de reconnaissance mutuelle que la Commission invitait pourtant à mettre en oeuvre , sans toutefois l'avoir exigé lors de son avis circonstancié sur le présent projet de loi, publié le 8 juin 2009.

En tout état de cause, votre rapporteur est convaincu que la France doit défendre ses spécificités et ses options juridiques, dans le respect des grandes libertés communautaires mais sans se focaliser sur la seule dynamique d'un secteur potentiellement profitable ou sur les arguments doctrinaux d'une concurrence sans frein. En matière de jeux, « en dur » ou en ligne, les impératifs d'intérêt général doivent clairement primer les enjeux économiques.

Indépendamment de ces importantes considérations juridiques, votre commission a adopté, sur sa proposition, deux amendements tendant à éviter la répétition du terme « strict » et à étendre les principes transversaux posés par le présent article aux jeux de hasard afin de couvrir l'ensemble des jeux et paris.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 1er - Missions générales de l'Etat, champ de l'ouverture à la concurrence et création d'un Comité consultatif des jeux

Commentaire : le présent article précise les objectifs de l'intervention de l'Etat dans le secteur des jeux d'argent et de hasard, qui participent de la préservation de l'ordre public et de l'ordre social et justifient que ce secteur soit placé sous un régime de droits exclusifs délivrés par l'Etat et, pour les seuls jeux en ligne, à un régime d'agrément. Il prévoit également la mise en place d'un Comité consultatif des jeux, introduit par l'Assemblée nationale.

I. LES MODALITÉS ET FONDEMENTS DE LA LÉGITIMITÉ DE LA RÉGULATION PUBLIQUE DU SECTEUR DES JEUX

De manière opportune, le chapitre premier du présent projet de loi propose de créer l'amorce d'un cadre global pour la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard, alors que les dispositions législatives et réglementaires actuelles reposent sur une logique sectorielle et s'appliquent distinctement aux loteries, courses hippiques et casinos (cf. l'exposé général supra ).

Outre les quatre nouveaux articles introduits par l'Assemblée nationale, les quatre articles de ce chapitre précisent donc successivement les objectifs de l'intervention de l'Etat et le champ limité de l'ouverture à la concurrence (article premier), les définitions des différentes catégories de paris (article 2), l'exclusion générale des mineurs de toute participation à des jeux de hasard et d'argent (article 3), et les limites du pari à la cote (article 4).

Le présent article expose ainsi, d'une part, les grands objectifs et modalités de l'intervention de la puissance publique ( I ), et d'autre part, le double régime de régulation du secteur ( II ), soit :

- un régime de droit commun reposant sur des droits exclusifs délivrés par l'Etat - autrement dit le régime actuel du duopole (Française des jeux et PMU) et des casinos ;

- et un régime particulier d'agrément pour certains types de jeux et paris sur Internet, c'est-à-dire une ouverture encadrée à la concurrence.

A. L'ÉTAT GARANT DE LA PRÉSERVATION DE L'ORDRE PUBLIC ET SOCIAL

Le I du présent article définit les principes et finalités de la régulation publique des jeux d'argent et de hasard. Celle-ci a pour objet d'encadrer le marché des jeux , c'est-à-dire de « limiter l'offre et la consommation », et d'en contrôler l'exploitation , pour assurer le respect de l'ordre public et de l'ordre social. Ces principes se matérialisent dans trois finalités plus concrètes qui sont bien au coeur de l'action régalienne de l'Etat et dont l'ordre de présentation n'est pas indifférent :

- « prévenir les phénomènes d'addiction et (de) protéger les mineurs » : compte tenu de leurs risques, les jeux sont considérés comme un loisir réservé aux adultes et au sein de la population des joueurs, il importe de limiter les phénomènes de dépendance et de jeu compulsif. Cet objectif social figure désormais au premier rang de l'action publique ;

- « assurer l'intégrité, la fiabilité et la transparence des opérations de jeu » : il s'agit d'empêcher la tricherie et la manipulation des résultats, de garantir le paiement effectif des gains aux joueurs et d'assurer leur bonne information sur les caractéristiques et risques des jeux qui leur sont proposés ;

- « prévenir les activités frauduleuses ou criminelles et le blanchiment d'argent » : cet objectif relève du champ traditionnel du droit pénal - prévenir et réprimer l'escroquerie, le trafic de moyens de paiement et le financement d'activités illicites et terroristes - et a longtemps constitué la justification première, si ce n'est exclusive, de l'encadrement des activités de jeux.

L'expression de « jeux d'argent et de hasard » ne renvoie que partiellement aux catégories juridiques existantes, soit les loteries (régies par la loi du 21 mai 1836), les paris hippiques (loi du 2 juin 1891) et les jeux de hasard (loi du 12 juillet 1983), et revêt une acception générique et extensive . La régulation publique a, par conséquent, vocation à couvrir également les paris , en particulier les paris hippiques et sportifs, bien qu'ils ne soient pas explicitement mentionnés dans le présent article.

B. LE CHAMP LIMITÉ DE L'OUVERTURE À LA CONCURRENCE

Le II du présent article expose la nature et les modalités de la régulation publique du secteur des jeux, motivées par les risques d'atteinte à l'ordre public et à l'ordre social. Le principe d'interdiction des jeux, issu de la loi du 21 mai 1836 précitée (pour les loteries), n'est pas modifié, pas plus que le régime de droit commun qui a été construit au fil des lois sur les loteries, paris hippiques et casinos, soit un régime de droits exclusifs délivrés par l'Etat .

C'est ce régime qui a fondé les monopoles du PMU puis de la Française des jeux, la possibilité pour les communes d'organiser des loteries locales pour l'acquisition de matériel d'incendie (loi du 29 avril 1930) et les autorisations délivrées au cas par cas aux casinos.

Le second alinéa du II introduit un nouveau régime , socle du présent projet de loi, d'agrément dans le secteur des jeux et paris en ligne, ces derniers étant expressément visés, ce qui exclut le réseau « physique » dont le duopole reste inchangé . Deux critères cumulatifs de détermination du champ sont prévus par le texte :

- les jeux et paris en ligne qui font appel au savoir-faire des joueurs , ce qui exclut les jeux ne faisant intervenir que le hasard, tels que les machines à sous et casinos virtuels. De même, les paris sportifs autorisés supposeront un minimum de réflexion, de pratique et de connaissance des sports sous-jacents ;

- les jeux qui font intervenir simultanément plusieurs joueurs . Ce critère n'a pas vocation à s'appliquer aux paris puisque ceux-ci, dans le système du pari à cote, se font contre l'opérateur, et que l'article 4, tel qu'adopté par l'Assemblée nationale, entend exclure le « betting exchange » du champ du présent projet de loi.

Cumulée au critère du savoir-faire, l'intervention simultanée de plusieurs joueurs permet d'autoriser les jeux de cercle tels que le poker en ligne (les jeux autorisés étant appelés à être précisés par décret), mais d'exclure certains jeux associant savoir-faire et contrepartie , tels que le « vidéo poker », qui se joue seul contre l'opérateur et est assimilable aux machines à sous, donc est appelé à demeurer dans le réseau physique des casinos.

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté trois modifications à cet article, d'importance variable :

- la commission des finances, à l'initiative du Gouvernement, a précisé, dans le premier alinéa du I, que la politique de l'Etat a pour objectif de limiter « et d'encadrer » l'offre et la consommation des jeux ;

- à l'initiative de notre collègue député Jacques Myard et avec l'avis favorable du Gouvernement et de M. Jean-François Lamour, rapporteur au fond, un quatrième objectif de la régulation publique des jeux a été introduit, tendant à « veiller au développement équilibré et équitable des différents types de jeu afin d'éviter toute déstabilisation économique des filières concernées ». Ces dernières sont essentiellement la filière hippique (qui était initialement expressément visée dans l'amendement de M. Myard) et le sport professionnel ou amateur ;

- enfin, à l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, et avec l'avis favorable du Gouvernement, la commission des finances a adopté un amendement tendant à rétablir les dispositions relatives à la création d'un Comité consultatif des jeux , qui avaient été retirées lors de l'examen préalable au Conseil d'Etat au motif qu'elles étaient de nature réglementaire.

Ce comité consultatif est institué auprès des ministres du budget, de l'intérieur et de l'agriculture, soit les trois actuels ministères de tutelle du secteur. Il est chargé de « centraliser les informations en provenance des autorités de contrôle et des opérateurs de jeux et d'assurer la cohérence des régulations au regard des objectifs généraux » mentionnés au I du présent article.

Il est composé à parité de parlementaires , dont l'un préside le comité, et de personnalités qualifiées . Ses modalités de saisine, d'organisation et de fonctionnement, comme les conditions de désignation de ses membres, sont fixées par décret.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. DES DISPOSITIONS DE RÉFÉRENCE POUR LA RÉGULATION PUBLIQUE DES JEUX

Votre rapporteur approuve pleinement la démarche consistant à préciser les objectifs d'intérêt général de la régulation publique des jeux d'argent et de hasard ainsi que les modalités de cette régulation, en donnant la primauté au régime de droits exclusifs délivrés par l'Etat, l'ouverture encadrée à la concurrence par la délivrance d'agréments étant réservée au mode opératoire des jeux et paris à distance.

Le quatrième objectif , introduit par nos collègues députés et relatif au développement équilibré et équitable des différents types de jeux, ne revêt à l'évidence pas le même caractère de sécurité publique que la prévention de l'addiction ou des activités frauduleuses et criminelles et relève plutôt d'une forme édulcorée de l'ordre public économique, mais votre rapporteur juge sa formulation acceptable.

Votre commission a néanmoins adopté, sur proposition de votre rapporteur, un amendement précisant la formulation du troisième objectif de la politique de l'Etat en matière de jeux d'argent et de hasard, relatif à la prévention des activités criminelles et du blanchiment d'argent.

B. LA NÉCESSITÉ DE PRÉCISER LES ATTRIBUTIONS DU COMITÉ CONSULTATIF DES JEUX

De façon très opportune, l'Assemblée nationale a également réintroduit le dispositif du Comité consultatif des jeux (CCJ), qui a vocation à devenir une autorité morale transversale , ayant compétence sur tout le secteur des jeux d'argent et de hasard et associant l'essentiel des parties prenantes.

A cet égard, il peut être comparé au Comité consultatif du secteur financier (CCSF), créé par l'article 22 de la loi de sécurité financière et qui aux termes de l'article L. 614-1 du code monétaire et financier, est « chargé d'étudier les questions liées aux relations entre, d'une part, les établissements de crédit, les entreprises d'investissement et les entreprises d'assurance et, d'autre part, leurs clientèles respectives, et de proposer toutes mesures appropriées dans ce domaine, notamment sous forme d'avis ou de recommandations d'ordre général ». Il est cependant appelé à jouer un rôle plus important puisqu'il rassemble en son sein des compétences actuellement dispersées entre plusieurs services de l'Etat .

Depuis qu'il a été chargé par votre commission des finances de suivre le secteur des jeux d'argent et de hasard, et en particulier depuis son premier rapport d'information publié en février 2002, votre rapporteur n'a pu que constater et déplorer un grand morcellement des compétences de l'Etat . Elles relèvent ainsi de pas moins de cinq ministères et d'une Commission supérieure des jeux , qui sous l'égide du ministère de l'intérieur rend des avis (pratiquement toujours suivis par le ministre) sur les autorisations d'exploitation des casinos et des machines à sous.

Une nouvelle structure, le Comité consultatif pour l'encadrement des jeux et du jeu responsable ( COJER ), a également été créée en juin 2006 et est en particulier chargé de rendre un avis sur les nouveaux jeux de la Française des jeux, son plan d'action commerciale annuel et les mesures qu'elle prend pour prévenir le jeu excessif et favoriser le jeu responsable.

Cet émiettement est le fruit d'une approche historiquement compartimentée , par type de jeu ou pari, et de l'attachement des ministères à leurs prérogatives et leur coeur de compétences : la préservation des recettes fiscales pour le ministère du budget, le maintien de la sécurité publique pour le ministère de l'intérieur, et le développement de la filière équine pour le ministère de l'agriculture.

Avec la création de l'ARJEL par le présent projet de loi, ce sont ainsi pas moins de huit structures qui participent à la régulation d'un secteur dont l'importance économique est réelle mais n'est pas résolument déterminante pour la croissance du pays, alors même que l'impact des jeux sur les comportements et la santé publique est mal connu, faute de disposer d'études épidémiologiques.

Votre rapporteur estime qu'à plus ou moins long terme, les jeux d'argent et de hasard devraient pouvoir être supervisés par une autorité unique . Faute de pouvoir y parvenir au détour du présent projet de loi, il importe de profiter de la création du CCJ pour amorcer une simplification du paysage institutionnel de ce secteur et une meilleure coordination des acteurs.

Il vous propose donc de préciser par un amendement les attributions et l'architecture de ce comité (exposés dans le schéma infra ), en comblant certaines lacunes du dispositif adopté par l'Assemblée nationale selon les orientations suivantes, appelées à être précisées par un décret :

1) Le CCJ serait placé auprès du Premier ministre , et non plus des trois principaux ministères de tutelle, afin de conforter sa vocation transversale et interministérielle.

2) Il serait compétent pour l'ensemble du secteur des jeux et investi de missions de centralisation, de conseil et d'avis, ainsi que de coordination. Il serait ainsi chargé, comme le prévoit déjà le dispositif adopté par les députés, de centraliser les informations en provenance des autorités de contrôle et des opérateurs de jeux et d'assurer la cohérence de la régulation au regard des objectifs généraux. Il pourrait également formuler des avis sur tout projet de texte législatif ou réglementaire que lui transmettrait le Gouvernement sur le secteur des jeux.

3) Il comporterait un collège de dix-neuf membres , présidé par un membre du Parlement dont le mandat serait de cinq ans non renouvelable, un observatoire des jeux et deux commissions spécialisées , dénommées respectivement « commission consultative pour la mise en oeuvre de la politique d'encadrement des jeux de cercles et de casinos » et « commission consultative pour la mise en oeuvre de la politique d'encadrement des jeux et paris sous droits exclusifs ». Les membres de ces commissions seraient des membres du collège.

4) Le collège du CCJ serait chargé :

- d'émettre un avis , à la demande du Gouvernement, sur l'ensemble des questions relatives au domaine des jeux d'argent et de hasard et sur tout projet de texte relatif au secteur des jeux que lui transmet le Gouvernement. L'ARJEL dispose également de cette attribution consultative ;

- de proposer au Gouvernement les évolutions législatives et réglementaires qui lui paraissent nécessaires pour assurer la cohérence de la politique des jeux d'argent et de hasard au regard des objectifs d'intérêt général ;

- de réunir les informations et de procéder ou faire procéder aux études relatives au secteur des jeux tant dans ses aspects économiques, sociaux et culturels, qu'au regard des problématiques d'ordre public et de santé publique ;

- et d'émettre un avis sur les actions d'information du public concernant les dangers du jeu excessif.

5) L'observatoire des jeux serait composé de huit membres , désignés pour cinq ans, renouvelables une fois. Il aurait pour mission de conseiller le collège dans sa mission de conseil auprès du Gouvernement ainsi que, à leur demande, les commissions spécialisées. Son secrétariat serait assuré par les services du Premier ministre.

6) La commission consultative pour la mise en oeuvre de la politique d'encadrement des jeux de cercles et de casinos serait chargée d'examiner les demandes d'autorisation de jeux dans les cercles et les casinos et reprendrait donc les attributions de l'actuelle Commission supérieure des jeux . Sa composition et son mode de fonctionnement seraient à cet égard identiques afin de préserver les garanties actuelles de prise en compte des enjeux d'ordre et de sécurité publics, et son secrétariat serait assuré par les services du ministère de l'intérieur.

7) La commission consultative pour la mise en oeuvre de la politique d'encadrement des jeux et paris sous droits exclusifs serait composée de huit membres et reprendrait les attributions actuelles du COJER en les étendant aux paris hippiques . Elle serait donc chargée de conseiller les ministres chargés du budget et de l'agriculture dans la mise en oeuvre, respectivement, de la politique d'encadrement des jeux et paris exploités par la Française des jeux et des paris exploités par le PMU, et pourrait prescrire la réalisation d'études nécessaires à sa mission.

Enfin les modalités de saisine, d'organisation et de fonctionnement du CCJ, et les conditions de désignation de ses membres demeureraient fixées par décret .

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 2 - Définition des différents types de paris

Commentaire : le présent article définit les différents types de paris en les distinguant, d'une part, selon leur nature et, d'autre part, selon leur forme.

I. LES DIFFÉRENTS TYPES DE PARIS

A. LES PARIS HIPPIQUES ET LES PARIS SPORTIFS

Le I du présent article tend à définir les paris hippiques et les paris sportifs.

Aux termes du texte proposé, ces paris doivent comporter un enjeu en valeur monétaire où les gains éventuels des joueurs dépendent de l'exactitude de leurs pronostics portant sur le résultat officiel de toute épreuve hippique ou sportive réelle légalement organisée en France ou à l'étranger.

Le champ de la libéralisation englobe donc les paris dans lesquels le joueur engage de l'argent (la proposition au public de jeux gratuits n'étant pas interdite).

Les épreuves visées sont des épreuves réelles et légalement organisées et excluent donc les événements virtuels tels que les jeux vidéo à caractère sportif. Les articles 6 et 7 du présent projet de loi renvoient à la voie réglementaire le soin d'établir les modalités de définition de la liste des réunions de course et des catégories de compétitions sportives pouvant servir de supports aux paris.

Concrètement, le champ des épreuves sportives apparaît néanmoins plus large, a priori , que celui des épreuves hippiques. En effet, alors que seules seront visées les épreuves hippiques dont le calendrier proposé par les sociétés mères (le Cheval français et France Galop) a été approuvé par le ministre chargé de l'agriculture (ce qui n'exclut pas qu'elles puissent se dérouler à l'étranger), les paris sportifs pourraient porter sur toutes les compétitions, quels que soient la discipline sportive concernée et le pays de localisation.

B. LES PARIS MUTUELS ET LES PARIS À COTE

Le II du présent article définit les paris selon leur forme, mutuelle ou à cote.

1. Les paris mutuels

Le premier alinéa du II définit le pari mutuel . Dans cette forme de pari, les parieurs jouent les uns contre les autres , et se partagent l'intégralité des enjeux collectés, réunis dans une même masse avant le déroulement de l'épreuve, après déduction des prélèvements de toute nature prévus par la législation et la réglementation en vigueur et de la marge brute de l'opérateur.

Le rapport du pari se calcule alors en divisant la masse à partager par le total des enjeux gagnants , ce qui permet de calculer les gains pour chacun des parieurs gagnants.

Comme le précise explicitement le premier alinéa du II du présent article, l'opérateur n'a donc , dans une telle forme de pari, qu'un « rôle neutre et désintéressé » puisqu'il ne se rémunère pas sur les pertes des joueurs, mais uniquement sur une commission liée au montant des enjeux collectés.

2. Les paris à cote

A l'inverse, dans le cas des paris à cote , définis par le deuxième alinéa du II du présent article, l'opérateur joue contre les joueurs , en leur proposant une cote correspondant à son évaluation des probabilités de survenance des résultats des compétitions sur lesquelles les joueurs parient.

Le gain est alors fixe, exprimé en multiplicateur de la mise et garanti aux joueurs par l'opérateur . L'opérateur conclut donc un « contrat » avec chaque joueur et il lui revient de calculer les cotes qu'il propose de sorte qu'il lui reste un gain prévisionnel à l'issue de l'opération.

Les différents types de paris à cote

a) Les paris à cote fixe

Ces paris devraient être autorisés. On distingue principalement parmi eux :

- le pari simple. On parie alors sur un événement unique (vainqueur d'un match, nombre de buts, de points, de sets, etc.) ;

- le pari « à handicap », qui attribue un handicap à l'équipe ou au joueur considéré le meilleur ;

- le pari « combiné » portant sur la réalisation simultanée de plusieurs événements. Si la cote de l'ensemble peut être élevée, une seule erreur fait perdre le parieur. Le jeu de la Française des jeux « Cote et match », déjà proposé dans le réseau « en dur », entre dans cette catégorie de pari à cote fixe ;

- le pari en direct, ou « live betting », déjà évoqué dans le commentaire. La cote est fixe mais évolue au fil du match selon les événements ;

- les « bourse aux paris » ou « betting exchange ». Dans ce cas, ce n'est pas l'opérateur qui propose une cote, mais il met en relation des joueurs « achetant » une cote avec d'autres parieurs la proposant. Ce type de paris devrait être prohibé par le présent texte (voir ci-dessous) .

b) Les paris à fourchette (« spread betting » )

Ce type de pari, qui devrait également être interdit (voir le commentaire de l'article 4) consiste à miser sur un écart . Dans ce cas, le joueur ne connaît pas sa perte potentielle au moment où il mise . Or, celle-ci peut être importante si l'écart entre son pronostic et le résultat est élevé. Par exemple, pour une part d'une valeur de 100 euros, un joueur ayant parié sur un nombre de buts marqués égal à zéro lors du match Olympique lyonnais - Olympique de Marseille du 8 novembre 2009 aurait perdu 1.000 euros, le score final ayant été de 5-5 (10 buts).

Source : commission des finances

Dans la rédaction proposée par le présent projet de loi, les paris à cote seraient réservés aux seuls paris sportifs . En revanche, les paris pourraient être effectués soit avant le début de l'épreuve, soit pendant son déroulement ( live betting ). Cette dernière formule, très attractive, est susceptible de conquérir une part de marché significative.

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Outre deux amendements rédactionnels du rapporteur, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté :

- à l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement supprimant le caractère officiel du résultat de l'épreuve ou de la compétition support du pari . Le gain reposerait donc sur le résultat proclamé et non plus sur le résultat officiel, le délai d'officialisation pouvant être long ;

- à l'initiative de notre collègue député Nicolas Perruchot et avec les avis favorables du rapporteur et du Gouvernement, deux amendements de précision dans la définition de la masse monétaire que se partagent les joueurs de pari mutuel. Le premier tend à ce que cette définition se réfère aux « enjeux collectés » (et non aux « sommes engagées »), en cohérence avec l'expression figurant à l'article 39 du présent projet de loi. Le second remplace l'expression « marge brute de l'opérateur » par l'expression « part de l'opérateur », plus précise.

Enfin, l'Assemblée nationale est revenue, en séance publique, sur le vote de sa commission des finances qui avait, à l'initiative du rapporteur, adopté un amendement visant à autoriser « le betting exchange » , c'est-à-dire, comme indiqué dans l'encadré ci-dessus, une forme de pari à cote dans lequel l'opérateur ne propose pas sa cote aux parieurs, mais joue le rôle d'une simple plate-forme mettant en relation des parieurs et d'autres joueurs proposant des cotes. Le Gouvernement a donné son accord tant à l'autorisation de cette forme de pari en commission qu'à son exclusion en séance publique.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur est favorable à l'équilibre atteint à l'issue des débats à l'Assemblée nationale.

En effet, le projet de loi doit atteindre un équilibre délicat . D'une part, les sites légaux agréés conformément aux dispositions de l'article 16 du présent texte doivent être en mesure de proposer des produits attractifs , évitant ainsi une « fuite » des joueurs français vers des sites illégaux, par définition hors de contrôle. D'autre part, il ne faut pas , au nom de cet impératif libéral, permettre des abus manifestes susceptibles de mettre les joueurs en danger.

C'est pourquoi votre rapporteur approuve l'autorisation du pari à cote fixe pour les paris sportifs . En effet, ce type de pari reste raisonnablement protecteur, le parieur connaissant à l'avance le montant maximal de sa perte. En outre, une telle autorisation est cohérente avec la forte prépondérance de la part de marché de ce type de pari dans le monde. Une interdiction pure et simple constituerait donc une incitation forte à ce que les joueurs domiciliés en France aillent « voir ailleurs », c'est-à-dire sur les sites illégaux. En revanche, les paris hippiques devraient, au moins dans un premier temps, conserver une forme mutuelle au vu de la force de la tradition mutualiste de ce type de paris dans notre pays.

S'agissant du pari « en direct », votre rapporteur se range, là aussi, du coté du réalisme . Ne pas autoriser cette forme de pari à cote (compatible avec le fait que le parieur connaisse, au moment de sa mise, sa perte maximale) pourrait entraîner de nombreux joueurs à glisser vers les sites illégaux. Cependant, des précautions particulières devront être prises dans le décret visé à l'article 7 du présent projet de loi et un bilan devra être réalisé sur ce point au sein du rapport d'évaluation visé à l'article 58 de ce texte . En effet, le « live betting » semble comporter des risques d'addiction, notamment en raison du faible laps de temps s'écoulant entre la mise et le résultat, voire sur l'incitation à rejouer au fil du match et en fonction des événements.

En revanche, votre rapporteur soutient l'interdiction tant du « pari à fourchette » que des « bourses de paris » . Comme indiqué précédemment, le « spread betting » apparaît particulièrement pernicieux du fait de l'incertitude entourant la perte maximale du parieur au moment de sa mise. Quant au « betting exchange », certaines études suggèrent qu'il est beaucoup plus addictif que la moyenne des formes de paris (voir le commentaire de l'article 4). En outre, il comporte de forts risques de contournement du présent projet de loi, en ce que la fixation de la cote revient à des personnes non agréées par l'ARJEL et en ce que le calcul du taux de retour aux joueurs ou aux parieurs (TRJ ou TRP), et donc le respect du plafonnement prévu à l'article 8, deviendrait presque impossible.

Décision de votre commission : sous le bénéfice de ces observations, votre commission a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 3 - Interdiction faite aux mineurs de participer à des jeux d'argent et de hasard

Commentaire : le présent article pose le principe général d'interdiction de jeu des mineurs, même émancipés, et impose aux opérateurs de jeux en ligne de faire apparaître sur leur site Internet une mention spécifique rappelant cette interdiction.

I. UN PRINCIPE QUI S'APPLIQUE D'ORES ET DEJÀ AUX OPÉRATEURS HISTORIQUES

L'interdiction faite aux mineurs de participer à des jeux d'argent et de hasard s'impose déjà aujourd'hui aux opérateurs historiques , qu'il s'agisse de leur activité dite « en dur » ou de leur activité « en ligne ».

Cette interdiction, relativement récente , est de valeur réglementaire et repose sur des modalités de mise en oeuvre variées selon les secteurs de jeux considérés.

A. UN CONTRÔLE SYSTÉMATIQUE À L'ENTRÉE DES CASINOS

Le décret du 22 décembre 1959 portant réglementation des jeux dans les casinos des stations balnéaires, thermales et climatiques prévoyait, dans sa version d'origine, que « ne peuvent être admis dans les salles de jeux des casinos les mineurs de moins de vingt-et-un ans même émancipés ».

Ce n'est, cependant, qu'en 2006 qu'a été imposé un contrôle systématique de l'identité des joueurs à l'entrée des casinos. En effet, l'article 14 du décret précité, modifié par un décret en date du 13 décembre 2006, précise désormais que « toute personne désirant accéder aux salles de jeux est tenue de justifier de son identité. A cette fin, chaque établissement met en place un dispositif de contrôle systématique à l'entrée des salles de jeux. Ce contrôle est exercé dans tous les cas, que l'accès aux salles soit payant ou non ».

Dès le mois de janvier 2006, l'Etat et les syndicats d'exploitants de casinos avaient signé un protocole d'accord prévoyant la vérification obligatoire des joueurs à l'entrée des établissements, afin, d'une part, d' assurer une mise en oeuvre effective du principe d'interdiction de jeu des mineurs et, d'autre part, faire respecter les listes des interdits de jeux (cf. commentaire de l'article 20).

Trois types de sanctions peuvent être prononcés en cas de manquement à cette interdiction :

- la suspension ou le retrait de l'autorisation de jeux de l'établissement, en application de l'article 5-1 du décret précité du 22 décembre 1959 ;

- le versement d'une amende , tel que le prévoit l'article 19 du même décret ;

- le retrait de l'agrément de l'employé de jeux . L'article 8 du décret précité du 22 décembre 1959 prévoit, en effet, que les employés de jeux (y compris le directeur responsable et les membres du comité de direction), ainsi que les agents chargés de la vidéosurveillance, sont agréés par le ministère de l'intérieur. Aux termes de l'arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos, cet agrément peut être retiré par le ministre de l'intérieur en cas de manquement, par l'une de ces personnes, à la réglementation applicable dans les casinos et, donc, en cas de non-respect du principe de l'interdiction de jeu des mineurs.

B. UN ACCÈS THÉORIQUEMENT INTERDIT AUX GUICHETS DES HIPPODROMES ET À CEUX SITUÉS DANS DES ÉTABLISSEMENTS HABILITÉS À RECUEILLIR DES PARIS HIPPIQUES

S'agissant des paris hippiques, l'article 4 de l'arrêté du 13 septembre 1985 portant règlement du pari mutuel précise, d'une part, que « les personnes mineures ne sont pas autorisées à engager des paris » et, d'autre part, que, pour ce faire, « l'accès des guichets sur les hippodromes et de ceux situés dans les établissements habilités à recueillir les paris en dehors des hippodromes leur est interdit ».

En revanche, contrairement à la réglementation relative aux casinos, l'obligation d'un contrôle systématique de l'identité à l'entrée des hippodromes n'est pas imposée . En effet, les champs de courses sont des lieux de compétition sportive et de spectacle familial ; des animations spécifiquement destinées au jeune public y sont même périodiquement organisées. L'entrée sur les hippodromes ne donnant pas nécessairement lieu à une prise de pari, elle n'entraîne pas un contrôle d'identité systématique.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, le PMU mène cependant trois types d'actions afin de garantir le respect de l'interdiction de jeu des mineurs :

- son site de jeu en ligne est référencé dans les logiciels de contrôle parental des sites Internet ;

- un dispositif d'information est proposé dans les points de vente de son réseau physique, les hippodromes et les pages Internet de son site ;

- s'agissant des inscriptions en ligne, le formulaire d'inscription comporte la mention de la date de naissance du joueur et un rappel du règlement (et donc de l'interdiction de jeu des mineurs). Pour être validée et permettre de retirer ses gains, l'inscription doit ensuite être confirmée par la transmission d'une copie de la pièce d'identité dans le but de vérifier l'exactitude des données renseignées et, notamment, l'âge du joueur.

En cas de non-respect de l'article 4 de l'arrêté précité du 13 septembre 1985, le préfet peut , sur le fondement général de l'article 3 du décret du 5 mai 1997 relatif aux sociétés de courses de chevaux et au pari mutuel, retirer à une société de courses son autorisation d'organiser des courses et des paris .

S'agissant des points de vente du PMU, les contrats liant les détaillants du PMU à celui-ci prévoient expressément que ces contrats peuvent être résiliés en cas de violation des dispositions applicables à leur activité, notamment de l'interdiction de vente de jeux et de paris aux mineurs.

C. UNE INTERDICTION TARDIVE POUR LES PARIS SPORTIFS ET LES JEUX DE LOTERIE

Ce n'est qu'en 2007 que les paris sportifs et les jeux de loteries ont été, quant à eux, interdits aux mineurs . Jusqu'alors, les exploitants de paris sportifs et de jeux de loteries étaient uniquement tenus « de veiller à ne pas inciter les mineurs de 16 ans à jouer ».

Désormais les décrets en date du 7 mai 2007 relatifs à l'organisation et à l'exploitation des jeux de pronostics sportifs autorisés et à l'organisation et à l'exploitation des jeux de loterie autorisés prévoient, tous deux, que ces jeux « ne peuvent être vendus aux mineurs, même émancipés », précisant cependant que « nul ne peut être tenu pour responsable du non-respect de [cette disposition] s'il a été induit en erreur sur l'âge du ou des mineurs concernés ».

S'agissant de l'offre en ligne , le règlement général des jeux de la Française des jeux (FDJ) modifié en 2007 prévoit que l'opérateur peut demander au joueur une photocopie de sa pièce d'identité au moment de la création d'un compte joueur ou à tout autre moment afin d'assurer l'exactitude des informations saisies par le joueur au moment de son inscription et, en particulier, de sa majorité.

En cas de non-respect des délais de communication de ces documents ou si les données figurées sur ces derniers ne correspondent pas aux données saisies par le joueur au moment de son inscription, le compte joueur est clôturé définitivement.

Auparavant, seule une déclaration sur l'honneur était exigée.

Enfin, comme le PMU, la FDJ s'est engagée à ce qu'une mention spécifique rappelant que les paris sportifs et les jeux de loteries sont interdits aux mineurs soit apposée sur les présentoirs des points de vente de son réseau physique.

Comme pour le PMU, les contrats liant les détaillants de la FDJ à cette entreprise prévoient expressément que ceux-ci peuvent être résiliés en cas de violation des dispositions applicables à leur activité, notamment de l'interdiction de vente de jeux et paris aux mineurs.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UN PRINCIPE GÉNÉRAL D'INTERDICTION DE JEU DES MINEURS ÉLEVÉ AU NIVEAU LÉGISLATIF

A. LE PRINCIPE GÉNÉRAL D'INTERDICTION DE JEU DES MINEURS, POUR L'ENSEMBLE DES JEUX D'ARGENT ET DE HASARD

Le présent article pose le principe général de non participation des mineurs, même émancipés, aux jeux d'argent et de hasard autorisés par la loi. Sont ainsi concernés l'ensemble des opérateurs de jeux, historiques et nouveaux entrants sur le marché, qu'ils proposent une offre de jeu en « dur » ou en ligne.

Ce principe, aujourd'hui de valeur réglementaire qui s'impose selon des dispositions spécifiques à chaque secteur de jeu, est ainsi, d'une part, étendu aux nouveaux opérateurs et est, d'autre part, élevé au niveau législatif .

B. TROIS EXCEPTIONS À CE PRINCIPE GÉNÉRAL

Le présent article pose cependant trois exceptions à ce principe en prévoyant que les mineurs peuvent néanmoins participer :

- aux loteries d'objets mobiliers exclusivement destinées à des actes de bienfaisance , à l'encouragement des arts ou au financement d'activités sportives à but non lucratif, prévues à l'article 5 de la loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries ;

- aux lotos traditionnels, également appelés « poules au gibier », « rifles » ou « quines », lorsqu'ils sont organisés dans un cercle restreint et uniquement dans un but social, culturel, scientifique, éducatif, sportif ou d'animation sociale et se caractérisent par des mises de faible valeur, inférieures à 20 euros, visés à l'article 6 de la loi précitée ;

- aux loteries foraines visées à l'article 7 de la loi précitée.

L'exposé des motifs du présent projet de loi justifie ces trois exceptions par le fait que ces opérations impliquent des mises et des gains très limités et sont, par nature, destinées à un public familial .

III. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de nos collègues députés Valérie Fourneyron, Jean-Michel Clément et Gérard Bapt, l'Assemblée nationale a adopté un amendement, avec l'avis favorable de la commission des finances et du Gouvernement, tendant à ajouter un second alinéa au présent article précisant que la page d'accueil du site Internet de l'opérateur doit comporter, de façon apparente, une mention rappelant l'interdiction faite aux mineurs d'accéder aux sites de jeux en ligne .

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. UN PRINCIPE QUI S'INSCRIT DANS L'OBJECTIF GÉNÉRAL POSÉ PAR L'ARTICLE PREMIER DU PRÉSENT PROJET DE LOI : LA PROTECTION DES PERSONNES VULNÉRABLES

Votre rapporteur approuve pleinement les dispositions du présent article qui rappelle utilement le principe général de l'interdiction de jeu des mineurs et l'étend aux futurs opérateurs.

La protection des mineurs constitue en effet, parallèlement à la limitation et au contrôle de l'offre de jeu, ainsi qu'au traitement des joueurs dépendants et à l'information du grand public, un des piliers de la lutte contre la dépendance aux jeux et une des conditions à une ouverture à la concurrence maîtrisée des jeux en ligne.

Les dispositions du présent article mettent ainsi en oeuvre l'un des objectifs fixés par l'article premier du présent projet de loi , selon lequel : « la politique de l'Etat en matière de jeux d'argent et de hasard a pour objectif de limiter et d'encadrer l'offre et la consommation des jeux et d'en contrôler l'exploitation afin de prévenir [notamment] les phénomènes d'addiction et de protéger les mineurs ».

D'autres dispositions dans le présent projet de loi viennent compléter et assurer le respect de ce principe général :

- l'article 4 bis du présent projet de loi encadre la publicité à destination des mineurs : la publicité en faveur des jeux est interdite dans les publications à destination des mineurs, pendant les émissions audiovisuelles à destination des mineurs, sur les sites Internet à destination des mineurs et dans les salles de cinéma pendant la projection de films destinés aux mineurs ;

- l'article 12 du présent projet de loi précise les modalités d'accès et d'inscription des joueurs en ligne : l'opérateur sollicitant un agrément devra préciser les moyens qui lui permettent de s'assurer de l'identité de chaque joueur, de son âge, de son adresse et de l'identification de ses moyens de paiement ;

- l'article 18 du présent projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, prévoit que l'opérateur de jeu en ligne est tenu de mettre en place « une fenêtre surgissante avant l'entrée sur le site pour avertir que les jeux d'argent et de hasard en ligne sont interdits aux mineurs » et que la date de naissance du joueur doit être exigée à chaque visite sur le site ;

- l'article 20 du présent projet de loi impose, enfin, aux opérateurs de jeu une obligation de résultat en matière de protection des mineurs : l'opérateur de jeu est tenu de faire obstacle à la participation des mineurs aux activités de jeu et de pari qu'il propose. A l'initiative de nos collègues députés Jean-François Lamour, rapporteur, et Valérie Fourneyron, Jean-Michel Clément et Gérard Bapt, l'Assemblée nationale a complété cet article en prévoyant l'interdiction, pour un opérateur de jeu en ligne, de financer ou de parrainer la tenue d'événements à destination des mineurs.

B. UNE MISE EN oeUVRE QUI SE HEURTE NÉANMOINS INÉVITABLEMENT AUX LIMITES DE LA RÉGULATION DES SERVICES PROPOSÉS SUR INTERNET

Si le rappel et l'extension aux nouveaux opérateurs de l'interdiction de jeu des mineurs constituent des dispositions importantes, c'est cependant la mise en oeuvre effective de ce principe général qui importe à votre rapporteur.

En effet, une étude belge récente a montré que, malgré le principe de l'interdiction de jeu des mineurs, deux jeunes sur cinq, âgés entre 10 et 17 ans, déclaraient avoir déjà participé à des jeux d'argent et de hasard, contre 1 jeune sur cinq seulement un an auparavant.

Selon les informations fournies par l'ARJEL à votre rapporteur, la procédure de contrôle des coordonnées du joueur et notamment de l'âge du joueur sera vraisemblablement inspirée de celle actuellement mise en oeuvre par la FDJ et le PMU pour l'inscription sur leur site Internet respectif. Les étapes devraient ainsi être les suivantes :

- le joueur remplira des formalités de pré-inscription sur le site Internet ;

- l'opérateur créera un compte joueur provisoire qui permettra de jouer tout en empêchant l'encaissement de gains éventuels ;

- le joueur enverra, dans un délai qui sera fixé par le décret prévu à l'article 15 du présent projet de loi, une copie de plusieurs documents attestant des informations fournies lors de la pré-inscription, notamment sa pièce d'identité et son relevé d'identification bancaire. Le joueur devra également adresser un formulaire d'engagement , daté et signé, certifiant que les informations fournies sont exactes et notamment qu'il est majeur ;

- le joueur recevra enfin un courrier de l'opérateur qui validera sa pré-inscription .

Votre rapporteur approuve ces « garde-fous » indispensables qui tendent à ne pas se contenter de la simple déclaration sur l'honneur du joueur.

Cependant, il ne minimise pas, pour autant, les limites de tels dispositifs . En effet, en dépit de ces précautions, rien n'empêchera un mineur de substituer la carte d'identité d'un majeur et d'en envoyer copie à l'opérateur de jeu. Ces limites sont inhérentes aux possibilités offertes par Internet.

D'autres pistes ont été évoquées devant votre rapporteur au cours de ses auditions :

- le référencement des sites de jeu sur les logiciels de contrôle parental. Certains opérateurs de jeu, notamment le PMU et la FDJ, ont ainsi fait inscrire leur site auprès de l'Association des fournisseurs d'accès à Internet (AFA) ;

- le contrôle des modes de paiement afin que soit notamment encadrée l'utilisation des cartes de paiement spécifiquement dédiées aux jeunes ;

- l'exigence de « tiers de confiance », c'est-à-dire d'une personne qui certifie, sur l'honneur, l'âge du joueur au moment de l'envoi des documents nécessaires à la validation de l'inscription.

Ces initiatives ne relèvent pas du domaine législatif, mais pourraient utilement être analysées.

Par cohérence, votre commission a décidé, sur proposition de votre rapporteur, de regrouper, dans le présent article, en en améliorant la rédaction, certaines dispositions de l'article 18 et de l'article 20 du présent projet de loi relatives à la protection des mineurs.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 4 - Prévisibilité du montant de la perte de jeu

Commentaire : par l'encadrement du montant de la perte de jeu, le présent article tend à limiter implicitement l'offre de paris sportifs. Par des rédactions successives, sont finalement exclus le spread betting et l' exchange betting , alors que le texte initial n'écartait que le premier type de paris.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA CONNAISSANCE DU MONTANT MAXIMUM DE LA PERTE POTENTIELLE DU JOUEUR

Le présent article propose, en vue de protéger les joueurs contre des pertes de jeu importantes, que seuls puissent être proposés les paris sportifs à cote qui permettent de connaître à l'avance le montant maximum de la perte éventuelle des parieurs .

Le présent article tend ainsi à encadrer implicitement l'offre de paris sportifs que l'article 2 du présent projet de loi définit de façon générale ( cf . le commentaire de l'article 2 du présent projet de loi).

A. UNE EXCLUSION IMPLICITE DU SPREAD BETTING (OU PARI À LA FOURCHETTE)

Dans le cadre des paris sportifs traditionnels à cote fixe , le joueur sait qu'il ne gagnera pas plus que ce que prévoit la cote et, surtout, connaît le montant maximal de sa perte, soit sa mise.

Ce n'est, cependant, pas le cas de certains types de paris, comme le spread betting (ou pari à la fourchette) . Dans ce cadre, les joueurs pronostiquent le fait que le nombre total d'actions réalisées au cours d'une rencontre sportive (nombre de buts, de tirs cadrés au football, d' ace au tennis...) sera inférieur ou supérieur à une fourchette d'actions proposée.

Le spread betting ou paris à la fourchette

Le spread betting ou pari à la fourchette consiste à pronostiquer sur le fait que le nombre total d'actions réalisées au cours d'une rencontre sportive sera inférieur ou supérieur à une fourchette d'actions proposée.

Quand son pronostic est supérieur à la fourchette proposée, le joueur est dit « acheteur » du pari et son gain (ou sa perte) est calculé en fonction de l'écart entre le nombre total d'actions constatées et la fourchette haute proposée.

A l'inverse, si son pronostic est inférieur à la fourchette proposée, le joueur est dit « vendeur » et son gain (ou sa perte) est calculé en fonction de l'écart entre le nombre total d'actions constatées et la fourchette basse proposée.

Les paris à la fourchette sont aujourd'hui interdits en Italie et, s'ils sont autorisés en Grande-Bretagne, ils ne relèvent pas de la législation sur les jeux de hasard et d'argent, mais de la réglementation des marchés financiers, ce type de paris pouvant en effet s'apparenter à un contrat à terme.

Source : commission des finances

Or les risques de pertes pour le joueur sont particulièrement grands dans ce type de paris. En effet, contrairement aux paris sportifs traditionnels à cote fixe, il entraîne deux conséquences :

- d'une part, le gain ou la perte du joueur peuvent être très élevés si l'écart entre le nombre d'actions constatées et la fourchette haute ou basse proposée initialement est largement à la faveur ou à la défaveur du joueur ;

- d'autre part, la perte potentielle n'est pas connue à l'avance et peut dépasser la mise en jeu.

Ce sont ces paris que le présent article tend implicitement à exclure en posant le principe selon lequel les paris sportifs à cote ne peuvent être proposés que si le montant maximum de la perte potentielle pour le joueur est connu à l'avance.

B. UNE AUTORISATION DE FAIT DU BETTING EXCHANGE (OU BOURSES AUX PARIS)

En revanche, la rédaction initiale du présent article n'interdit pas le betting exchange (ou bourse aux paris) qui consiste à échanger des paris sportifs entre parieurs grâce à l'interface proposée par un opérateur . En effet, dans le cadre de ce type de paris et contrairement au spread betting , le joueur connaît, à partir de la cote fixée et de sa mise engagée, le montant exact de sa perte potentielle.

Or ce type de pari peut également présenter des risques importants de pertes pour le joueur , supérieures à sa mise de départ, ainsi que des risques de fraude non négligeables ( cf. infra ).

Le betting exchange ou bourses de paris

Dans le betting exchange , un parieur joue contre un autre parieur, en lui proposant une cote.

Dans ce type de paris, il est possible d'échanger ou de revendre des positions à d'autres joueurs dans ce qui s'apparente à une véritable « bourses aux paris ».

Le rôle de l'opérateur, dans ce système, consiste à servir d'intermédiaire en encaissant une commission sur les gains des parieurs.

Ce type de paris n'est autorisé que dans les marchés extrêmement libéralisés : l'Irlande, le Royaume-Uni, Gibraltar et Malte.

Source : commission des finances

De même, sont également autorisés de facto en l'absence d'une interdiction expresse par le présent projet de loi :

- les paris « à handicap » , qui attribue un handicap à l'équipe ou au joueur considéré comme la (ou le) meilleur(e) ;

- le pari « combiné » portant sur la réalisation simultanée de plusieurs événements et dans lequel, pour gagner, toutes les combinaisons du pari doivent être exactes ;

- le pari en direct ou live betting dont la cote est fixe mais évolue au fil de la compétition sportive. Ce type de paris est expressément prévu par l'article 2 du présent projet de loi.

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : DU « MONTANT EXACT » DE LA PERTE POTENTIELLE À UNE PERTE AU MAXIMUM ÉGALE À LA MISE

Lors de l'examen du présent article devant la commission des finances de l'Assemblée nationale , celle-ci a adopté deux amendements :

- un premier amendement de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur, avec avis favorable du Gouvernement, tendant à préciser que des paris sportifs à cote ne peuvent être proposés au public que si, à partir de la cote proposée et du montant de la mise engagée, « le joueur connaît le montant exact de sa perte potentielle », et non plus seulement le montant maximal de sa perte.

La rédaction initiale du présent article (« montant maximum de la perte potentielle ») était en effet insuffisante pour interdire le spread betting, dans la mesure où elle offrait une possibilité de contournement par la fixation de plafonds de pertes très élevés.

L'amendement du rapporteur tendait, en revanche, à préserver la pratique du betting exchange , par ailleurs, ouverte à la suite de l'adoption d'un amendement du rapporteur à l'article 2 du présent projet de loi. En effet, dans le cadre du betting exchange , le parieur connaît le montant de sa perte à partir de la cote fixée et de sa mise engagée ;

- un second amendement de notre collègue député Gaëtan Gorce, avec avis favorable de la commission des finances et du Gouvernement, tendant à préciser que le joueur est « ostensiblement » informé du montant exact de sa perte potentielle.

Lors de l'examen du présent article en séance publique, l'Assemblée nationale est finalement revenue sur ce dispositif en adoptant un amendement de notre collègue député Jacques Myard, avec avis favorable de la commission des finances et du Gouvernement, tendant à prévoir que : « Ne peuvent être proposés au public les paris sportifs à la cote dans lesquels le montant maximum de la perte potentielle est , hors application des prélèvements et déductions prévus ou autorisés par la loi, supérieur au montant de la mise . »

Cette nouvelle rédaction :

- renforce l'interdiction de fait du spread betting qui peut en effet, comme indiqué précédemment, entraîner des pertes supérieures à la mise de départ. La seule référence au « montant exact » des pertes aurait en effet pu être contournée car des calculs automatiques en ligne pourraient permettre l'évaluation des pertes potentielles selon toutes les hypothèses prévisibles ;

- exclut de fait également le betting exchange qui peut également entraîner, comme indiqué précédemment, des pertes supérieures à la mise engagée. Parallèlement, lors de l'examen de l'article 2 du présent article en séance publique, l'Assemblée nationale est revenue sur l'amendement du rapporteur tendant à ouvrir la possibilité du betting exchange . La nouvelle rédaction de l'alinéa 2 du II de l'article 2 est en effet présentée comme excluant de fait les bourses de paris en introduisant une obligation pour l'opérateur de proposer au public une cote correspondant à « son » évaluation des résultats, ce qui tend à exclure toute intermédiation.

Il est à noter que le Gouvernement a ainsi donné son accord tant à l'autorisation de cette forme de pari en commission qu'à son exclusion en séance publique.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur approuve la rédaction du présent article telle qu'elle résulte de son examen en séance publique. Votre rapporteur estime, en effet, indispensable l'interdiction du spread betting et de l' exchange betting qui peuvent entraîner des pertes élevées pour les joueurs.

Votre rapporteur soutient en particulier l'exclusion du betting exchange qui , selon les informations recueillies par votre rapporteur, présente en outre :

- des risques addictifs potentiellement plus élevés que la moyenne des autres paris sportifs. Ainsi, au Royaume-Uni, selon le rapport de 2007 de la Gambling commission , alors que 0,6 % de la population adulte connaît des problèmes d'addiction, 9,8 % des parieurs pratiquant le betting exchange développent des phénomènes de jeu excessif ;

- des risques de fraude plus élevés : la traçabilité des paris et le contrôle des objets de paris sont en effet rendus plus difficiles par la possibilité d'échanges de positions entre joueurs. Plusieurs cas de fraudes ont ainsi été détectés au Royaume-Uni en 2004 et 2006 ;

- un contournement, enfin, des principes posés par le présent projet de loi en ce que, d'une part, la fixation de la cote revient à des personnes non agréées par l'ARJEL et, d'autre part, en ce que le calcul et l'encadrement du taux de retour aux joueurs ou aux parieurs (TRJ ou TRP) deviendrait presqu'impossible.

Lors de son audition devant votre commission des finances, le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat a clairement rappelé que la combinaison des dispositions des articles 2 et 4 du présent projet de loi excluaient de fait ces deux types de paris : le spread betting et l' exchange betting .

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 4 bis - Encadrement de la publicité en faveur d'un opérateur de jeux d'argent et de hasard légalement autorisé

Commentaire : le présent article, introduit par l'Assemblée nationale, tend à encadrer la publicité en faveur d'un opérateur de jeux légalement autorisé, en posant notamment le principe de l'interdiction de la publicité à destination des mineurs.

I. LE DROIT EXISTANT : UN FAIBLE ENCADREMENT DE LA PUBLICITÉ EN FAVEUR DES JEUX LÉGALEMENT AUTORISÉS

A. LES DIFFÉRENTS MODES D'ENCADREMENT DE LA PUBLICITÉ

1. Quatre principales restrictions

La publicité est définie, dans le domaine audiovisuel, par le décret n° 92-280 du 27 mars 1992 comme : « toute forme de message télévisé diffusé contre rémunération ou autre contrepartie en vue soit de promouvoir la fourniture de biens ou services , y compris ceux qui sont présentés sous leur appellation générique, dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale ou de profession libérale, soit d'assurer la promotion commerciale d'une entreprise publique ou privée. Cette définition n'inclut pas les offres directes au public en vue de la vente, de l'achat ou de la location de produits ou en vue de la fourniture de services contre rémunération ».

En matière audiovisuelle, quatre types de restriction peuvent être envisagés au sens de la directive communautaire dite « Télévision sans frontière » :

- un encadrement du volume de programmation : les temps d'antenne de la publicité sont alors précisés de différentes manières : temps global quotidien, concentration sur une plage horaire donnée, durée maximale d'un spot publicitaire ;

- un encadrement sectoriel : si la publicité sur les boissons alcoolisées est strictement encadrée, celle sur le tabac, par exemple, est interdite en France ;

- un encadrement du contenu du message publicitaire : la publicité télévisée ne doit pas porter atteinte au respect de la dignité humaine ; comporter de discriminations en raison de la race, du sexe ou de la nationalité ; attenter à des convictions religieuses ou politiques ; encourager des comportements préjudiciables à la santé ou à la sécurité ; encourager des comportements préjudiciables à la protection de l'environnement ;

- un encadrement des modalités d'insertion de la publicité dans la programmation : au-delà des écrans publicitaires inter-programmes, l'interruption des émissions par des écrans de publicité est également encadrée.

Ces restrictions sont assurées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) , association interprofessionnelle de droit privé ( cf . le commentaire de l'article 4 A ter ) .

En matière de publications « papiers », seules les publications à destination de la jeunesse fait l'objet de dispositions spécifiques ( cf . infra ). Quant à la publicité sur Internet, aucune autorité de contrôle n'existe en la matière.

2. Une publicité aujourd'hui autorisée pour l'offre légale de jeux

Aujourd'hui, seule la publicité en faveur des jeux de hasard et d'argent non autorisés par la loi est interdite :

- l'article 4 de la loi 21 mai 1896 portant prohibition des loteries réprime ainsi la publicité pour une loterie illégale ;

- l'article 4 de la loi du 2 juin 1891 réprime, de même, la publicité en faveur d'un opérateur illégal de paris hippiques ;

- l'article premier de la loi du 12 juillet 1983 réprime, quant à lui, la publicité pour un établissement de jeu illégal.

En revanche, les opérateurs de jeux « historiques » y sont autorisés. Ainsi la FDJ et le PMU diffusent-ils aujourd'hui, à la télévision et à la radio, des publicités sans aucune restriction horaire et sont également à l'origine d'émissions en relation avec les jeux qui proposent ou présentent les résultats de ceux-ci.

Les seules restrictions en la matière portent sur les procédures d'approbation des budgets publicitaires de la FDJ et du PMU :

- le budget publicitaire de la FDJ est soumis à une double approbation du conseil d'administration et du ministère chargé de l'économie et du budget qui veillent à l'adéquation de son montant avec les missions de l'entreprise et les objectifs poursuivis. Par ailleurs, une règle de gestion interne à la FDJ limite la part des dépenses consacrées à la publicité à 1 % de son chiffre d'affaires ;

- le budget publicitaire du PMU est, de même, soumis à l'approbation du conseil d'administration du groupement d'intérêt public (GIP) au sein duquel le ministre du budget est représenté.

En revanche, il n'existe pas de mécanisme permettant à l'Etat de se prononcer et d'encadrer le niveau publicitaire des casinos.

B. L'ENCADREMENT SPÉCIFIQUE EN VUE DE LA PROTECTION DES MINEURS

1. Des dispositifs de contrôle assurés par le Conseil supérieur de l'audiovisuel et la Commission chargée des publications à destination des mineurs

a) En matière audiovisuelle

La directive précitée « Télévision sans frontière » pose plus précisément les grands principes tendant à encadrer la publicité à destination des mineurs. Aussi précise-t-elle que la publicité télévisée :

- ne doit pas porter un préjudice moral ou physique aux mineurs ;

- ne doit pas inciter directement les mineurs à l'achat d'un produit ou d'un service, en exploitant leur inexpérience ou leur crédulité ;

- ne doit pas inciter directement les mineurs à persuader leurs parents ou des tiers d'acheter les produits ou les services concernés ;

- ne doit pas exploiter la confiance particulière que les mineurs ont dans leurs parents, leurs enseignants ou d'autres personnes.

En France, c'est l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication qui confie au Conseil supérieur de l'audiovisuel la mission de veiller, en la matière, à la protection de l'enfance et de l'adolescence.

Les missions du CSA en matière de protection des mineurs

« Le Conseil supérieur de l'audiovisuel veille à la protection de l'enfance et de l'adolescence et au respect de la dignité de la personne dans les programmes mis à disposition du public par un service de communication audiovisuelle .

« Il veille à ce que des programmes susceptibles de nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ne soient pas mis à disposition du public par un service de communication audiovisuelle, sauf lorsqu'il est assuré, par le choix de l'heure de diffusion ou par tout procédé technique approprié, que des mineurs ne sont normalement pas susceptibles de les voir ou de les entendre .

« Lorsque des programmes susceptibles de nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs sont mis à disposition du public par des services de télévision, le conseil veille à ce qu'ils soient précédés d'un avertissement au public et qu'ils soient identifiés par la présence d'un symbole visuel tout au long de leur durée. A cette fin, il veille à la mise en oeuvre d'un procédé technique de contrôle d'accès approprié aux services de télévision mobile personnelle ainsi qu'à la mise en oeuvre de tout moyen adapté à la nature des services de médias audiovisuels à la demande .

« Il veille en outre à ce qu'aucun programme susceptible de nuire gravement à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ne soit mis à disposition du public par les services de communication audiovisuelle .

« Il veille enfin à ce que les programmes des services de radiodiffusion sonore et de télévision ne contiennent aucune incitation à la haine ou à la violence pour des raisons de race, de sexe, de moeurs, de religion ou de nationalité . »

Source : article 15 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

Sur ce fondement, le CSA a ainsi défini , dans le cadre d'une recommandation en date du 4 juillet 2006, des restrictions horaires à la diffusion de messages publicitaires en faveur de vidéogrammes d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles et de jeux vidéo faisant l'objet d'une classification par tranche d'âge ou d'une interdiction aux mineurs. Il a également restreint le parrainage en faveur de services téléphoniques, télématiques ou de sites Internet réservés ou destinés aux adultes.

Il résulte de ces dispositions que :

- les messages publicitaires en faveur de jeux vidéo destinés aux plus de 18 ans qui ne sont pas à caractère pornographique ne peuvent pas être diffusés avant 22 heures 30 ;

- les messages publicitaires en faveur de vidéogrammes d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles, interdites ou déconseillées aux moins de 18 ans, ainsi que les messages publicitaires en faveur de jeux vidéo à caractère pornographique destinés aux plus de 18 ans, ne peuvent être diffusés en dehors des plages horaires réservées à ce type de programmes et sur les services autorisés ;

- enfin, les messages publicitaires en faveur de services téléphoniques, télématiques ou de sites Internet réservés ou destinés aux adultes ne peuvent pas être diffusés avant minuit et après cinq heures du matin.

b) En matière de publications « papiers »

S'agissant des publications « papier » , l'article 2 de la loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse prévoit que les publications à destination de la jeunesse « ne doivent comporter aucune publicité ou annonce pour des publications de nature à démoraliser l'enfance ou la jeunesse ».

Une commission , instituée au sein du ministère de la justice, est spécialement chargée de la surveillance et du contrôle des publications destinées à l'enfance et à l'adolescence .

2. Un encadrement encore balbutiant en matière de jeux d'argent et de hasard

Comme cela a été indiqué précédemment, la publicité en faveur des jeux de hasard et d'argent autorisés par la loi ne fait l'objet d'aucun encadrement spécifique, pas plus en vue de protéger les mineurs, alors que ce type de jeux leur est interdit. Les mesures prises en la matière résultent d'initiatives de la part des opérateurs et des diffuseurs .

La FDJ et le PMU se sont ainsi engagés à ce qu'une mention spécifique rappelant que les paris et les jeux de loteries sont interdits aux mineurs soit apposée sur les présentoirs de leur réseau physique de points de vente.

L'ARPP a également publié, le 3 juillet dernier, des recommandations relatives à la publicité en faveur des jeux en ligne . Celles-ci précisent notamment que :

- les publicités ne doivent pas s'adresser aux jeunes publics ;

- les publicités ne doivent pas valoriser, banaliser ou inciter à une pratique de jeu excessive, immodérée, susceptible de mettre le joueur en péril financier, social ou psychologique.

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de la commission des finances, l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement portant article additionnel tendant à encadrer les « communications commerciales » - soit la publicité, le parrainage, le placement de produit et le téléachat - en faveur d'un opérateur de jeux d'argent et de hasard .

Contrairement à l'article 48 du présent projet de loi, sont visées, dans le présent article, les communications commerciales en faveur des opérateurs « légalement autorisés » .

Deux dispositifs sont prévus :

- d'une part, toute publicité en faveur d'un opérateur de jeu , qu'il s'agisse d'un opérateur proposant des jeux « en dur » ou en ligne, doit être assortie d'un message de mise en garde contre l'addiction au jeu , comme il en existe déjà sur les paquets de cigarettes ou sur les spots publicitaires en faveur de boissons alcoolisées ou de certains produits alimentaires à forte teneur en sucres ou en graisses (alinéa 2) ;

- d'autre part, ce type de publicité fait l'objet de restrictions en vue de protéger les mineurs qui ne peuvent participer à ce type de jeux en application de l'article 3 du présent projet de loi. Aussi les communications commerciales en faveur des jeux d'argent et de hasard sont-elles interdites :


• dans les publications à destination des mineurs (alinéa 3) ;


• durant les périodes au cours desquelles sont programmées des émissions à destination des mineurs sur les services de télévision et de radio (alinéa 4) ;


• dans les services de communication au public en ligne à destination des mineurs (alinéa 5), c'est-à-dire les sites Internet destinés aux mineurs ;


• dans les salles de cinéma lors de la diffusion d'oeuvres à destination des mineurs (alinéa 6).

L'alinéa 7 du présent article renvoie au décret les modalités d'application de ces différentes dispositions, à l'exception de l'interdiction portant sur les services de télévision et de radio.

L'alinéa 8 précise, en effet, que ces dispositions font l'objet d'une délibération du CSA.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. UN NÉCESSAIRE ÉQUILIBRE À TROUVER EN MATIÈRE DE PUBLICITÉ

Votre rapporteur a bien noté le souci du Gouvernement de faire de la publicité un outil privilégié de promotion de l'offre légale de jeu au détriment des sites illégaux . L'article 48 du présent projet de loi prévoit ainsi, parmi différents instruments de lutte contre l'offre illégale, des sanctions pécuniaires à l'égard des diffuseurs qui feraient la promotion d'opérateurs de jeux non autorisés légalement.

Cependant, un encadrement de la publicité en faveur de l'offre légale est néanmoins nécessaire à la fois pour protéger les mineurs de la tentation de jouer à des jeux qui leur sont interdits, mais plus largement, pour protéger les consommateurs les plus vulnérables compte tenu du caractère addictif et des conséquences socio-économiques lourdes que ces jeux peuvent entraîner. C'est pourquoi votre rapporteur approuve pleinement les initiatives opportunes prises par nos collègues députés en la matière, même si celles-ci nécessitent quelques aménagements (cf. infra ).

B. LES CONCLUSIONS DU GROUPE DE TRAVAIL MIS EN PLACE AU CSA

La question de l'encadrement de la publicité à destination des mineurs a donné lieu à de nombreux débats à l'Assemblée nationale . C'est pourquoi, le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, a pris l'engagement devant l'Assemblée nationale de profiter de l'examen du présent projet de loi devant le Sénat pour améliorer le dispositif proposé . A cette fin, un groupe de travail sur cette question a été constitué au sein du CSA.

Des conclusions du groupe de travail transmises à votre rapporteur, il ressort que :

- une limitation du volume de ces communications commerciales présente plusieurs inconvénients techniques : si cette restriction semble aisée à mettre en oeuvre pour certains supports de publicité (messages publicitaires), elle est plus délicate pour le parrainage télévisé. Par ailleurs, les mineurs resteraient exposés à ces communications ;

- une restriction des plages horaires de diffusion poserait également, à court terme, certaines difficultés : les opérateurs de jeux historiques proposent déjà des publicités en faveur de leurs produits et un tel encadrement est difficile à mettre en place sur Internet. Il y aurait donc un risque de distorsion de concurrence entre les opérateurs de jeux proposant des activités de jeu « en dur » et les opérateurs de jeux proposant des activités de jeu en ligne.

C'est pourquoi, le CSA propose de rester, dans l'immédiat, à une restriction des modalités d'implantation des messages publicitaires, c'est-à-dire à les exclure pendant les émissions proposées à la jeunesse, ainsi qu'à un contrôle du contenu des messages publicitaires . Au delà des règles applicables à tous les messages publicitaires, un encadrement spécifique pourra être arrêté par le CSA afin de veiller à ce que ces communications commerciales ne renforcent pas le caractère potentiellement addictif des jeux proposés.

Cependant, à terme, si un encadrement plus poussé apparaît nécessaire - notamment au vu des conclusions du rapport prévu à l'article 4 A ter du présent projet de loi sur les conséquences du développement de la publicité - une restriction du volume de ce type de messages publicitaires ainsi que des plages horaires pendant lesquelles ils peuvent être diffusés pourra être envisagée . De telles mesures relèvent du domaine réglementaire et non de la loi.

Quant à la notion d'émissions « à destination des mineurs », qui a donné lieu à de nombreux débats à l'Assemblée nationale, le CSA a indiqué à votre rapporteur que cette expression n'a pas de fondement juridique en tant que tel . Seuls sont proposés des programmes spécifiquement conçus pour le jeune public, fréquemment désignés par les termes « programmes jeunesse », soit les dessins animés et les fictions.

Or il n'existe pas plus de définition réglementaire des « programmes pour la jeunesse ». C'est pourquoi, pour lever toute ambiguïté, il est proposé de faire référence aux émissions et aux services de télévision et de radio qui sont présentés comme s'adressant aux mineurs au sens de l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication . C'est en effet cet article qui confie au CSA la mission de veiller à la protection de l'enfance et de l'adolescence. Votre commission a adopté, sur proposition de votre rapporteur, un amendement en ce sens.

C. LE CONTRÔLE DE LA MISE EN oeUVRE DE CE DISPOSITIF DANS LES AUTRES MÉDIAS

S'agissant de l'encadrement de la publicité dans les autres médias, votre rapporteur s'interroge particulièrement sur les modalités d'application des principes d'interdiction posés par le présent article dans les salles de cinéma et sur Internet.

Interdire la diffusion de messages publicitaires en faveur des jeux pendant la projection d'oeuvres cinématographiques à « destination des mineurs » paraît en effet difficilement applicable . Comme en matière audiovisuelle, il n'existe pas stricto sensu de films à destination des mineurs : tous les films étant, par principe, accessibles aux mineurs, à l'exception des films faisant l'objet de restrictions d'âge particulières. C'est pourquoi, votre rapporteur vous propose un amendement tendant à reformuler l'interdiction de la publicité dans les salles de cinémas.

S ' agissant de la régulation de la publicité sur Internet, votre rapporteur s'interroge sur sa mise en oeuvre concrète , aucune autorité n'étant compétente en la matière. Il conviendra pourtant de veiller à ne pas introduire de distorsion de concurrence entre, d'une part, les supports publicitaires (audiovisuels notamment et Internet) et, d'autre part, les supports de jeu (les jeux en « dur » ou les jeux en ligne). C'est pourquoi, votre rapporteur encourage la poursuite des initiatives de l'ARPP pour encadrer l'offre publicitaire en faveur des jeux en ligne. Un code de bonne conduite en la matière, à l'image de celui mis en place en Grande-Bretagne (cf. infra ), pourra utilement être élaboré.

Le dispositif mis en place au Royaume-Uni, une restriction horaire de la publicité
en faveur des jeux d'argent et de hasard

Depuis le 1 er septembre 2007, date de l'entrée en vigueur du Gambling Act de 2005, les publicités en faveur des paris et des jeux de hasard sont autorisées sur la télévision britannique.

Cependant, un « Code pour une publicité socialement responsable », adopté au mois d'août 2007 par l'industrie du jeu britannique en concertation avec le Gouvernement, impose que les publicités et le parrainage en faveur de nouveaux produits de jeu - ce qui exclut ceux déjà autorisés avant le 1 er septembre 2007 - ne peuvent être diffusés avant 21 heures, horaire communément considéré comme étant le début des émissions pour adultes.

Par exception à cette règle, la publicité et le parrainage sont autorisés pour les paris sportifs faits à l'occasion d'événements sportifs télévisés, alors même que ceux-ci se déroulent ou commencent, dans la majorité des cas, avant 21 heures.

Source : Commission des finances, d'après les informations recueillies auprès du CSA

En revanche, en ce qui concerne le contrôle de la publicité dans les publications, le dispositif proposé par le présent article ne soulève pas de difficultés pratiques, selon les informations recueillies par votre rapporteur auprès du ministère du budget.

Outre l'amendement précité tendant à aménager le dispositif proposé par l'Assemblée nationale dans le domaine audiovisuel et cinématographique, votre commission a adopté, sur proposition de votre rapporteur, un amendement tendant à ajouter que toute communication commerciale en faveur de jeux d'argent et de hasard doit être assortie d'un message renvoyant au système d'information et d'assistance prévu à l'article 21 ter du présent projet de loi et géré par le groupement d'intérêt public « Addictions, drogues, alcool, info service » (GIP ADALIS). Un tel dispositif est déjà proposé dans le cadre de la lutte contre l'obésité.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 4 ter A - Rapport sur les conséquences du développement de la publicité dans le secteur des jeux en ligne

Commentaire : le présent article, introduit par l'Assemblée nationale, tend à prévoir la remise au Parlement, avant le 1 er juillet 2010, d'un rapport conjoint du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et de l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), sur les conséquences du développement de la publicité en faveur des opérateurs de jeux et de paris en ligne.

I. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de nos collègues députés Valérie Fourneyron, Jean-Michel Clément et Gérard Bapt, l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable de la commission des finances et du Gouvernement, un amendement portant article additionnel et tendant à prévoir la remise au Parlement d'un rapport conjoint du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et de l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) portant sur les conséquences de la publicité réalisée en faveur des opérateurs de jeux et de paris en ligne . Ce rapport doit être transmis avant le 1 er juillet 2010 .

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Comme votre rapporteur l'a précédemment indiqué, la publicité constitue un outil privilégié de promotion de l'offre légale de jeu au détriment des sites illégaux.

Cependant, votre rapporteur partage également les craintes de nos collègues députés quant à une exposition massive des joueurs à une publicité incitant à la consommation de jeux d'argent et de hasard , tant les risques addictifs dans ce secteur sont importants. C'est pourquoi il estime indispensable la réalisation d'une étude relative aux conséquences du développement de la publicité dans ce domaine, ceci d'autant plus que l'Assemblée nationale, pour des raisons tenant à la confidentialité de ces données, a supprimé l'obligation pour les opérateurs de jeu de transmettre annuellement à l'ARJEL leurs programmes prévisionnels de publicité ( cf . le commentaire de l'article 21 du présent projet de loi).

Toutefois, trois éléments appellent des remarques particulières de la part de votre rapporteur :

- premièrement, la date de remise du rapport, avant le 1 er juillet 2010, paraît trop rapprochée puisqu'elle interviendra vraisemblablement quelques semaines seulement après l'entrée en vigueur du présent projet de loi. Les organismes chargés de sa rédaction manqueront de recul pour mener à bien cette évaluation ;

- deuxièmement, le champ du rapport paraît étroit : il ne concerne que les jeux et les paris en ligne et non le secteur des jeux « en dur ». Une évaluation des conséquences des communications commerciales réalisées en faveur des opérateurs de jeu « historiques » paraît pourtant également utile. Votre rapporteur rappelle, d'ailleurs, que les dispositions du présent article sont inscrites dans le chapitre premier du présent projet de loi dédié à l'ensemble des jeux d'argent et de hasard ;

- troisièmement, la rédaction conjointe du rapport par le CSA et l'ARPP pourrait entraîner certaines difficultés compte tenu de la différence de nature juridique des deux institutions : le CSA est une autorité administrative indépendante, alors que l'ARPP est une association de droit privée qui regroupe les principales professions impliquées dans la production et la diffusion des campagnes publicitaires : les annonceurs, les agences de publicité et les médias.

L'autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP)

L'ARPP est une association de droit privé de type « loi 1901 » qui regroupe trois professions impliquées dans la production et la diffusion des campagnes publicitaires : les annonceurs, les agences de publicité et les médias.

Créée le 29 août 1935, sous le nom de l'Office de contrôle des annonces (AOC), l'association a ensuite pris le nom de Bureau de vérification de la publicité (BVP) en 1959, avant de devenir l'ARPP en 2008.

L'ARPP mène trois types d'actions :

- elle émet des recommandations et élabore des règles de déontologie ;

- elle s'assure de la prise en compte de ces règles en proposant un service de conseil avant la finalisation des messages publicitaires et en émettant un avis sur toute publicité destinée à la télévision ;

- elle peut s'autosaisir en cas de manquement constaté après diffusion d'une publicité et intervenir auprès des professionnels à l'origine du message. Le public peut saisir son « Jury de déontologie publicitaire » qui statuera alors sur le bien-fondé de la plainte et publiera sa décision.

Source : commission des finances

Sur la proposition de votre rapporteur, la commission a, en conséquence, adopté un amendement tendant à répondre à ces trois observations. Le texte adopté a pour effet :

- de repousser la date de remise du rapport afin que les autorités chargées de sa rédaction disposent du recul nécessaire pour mener à bien cette étude. Le délai proposé est celui également prévu à l'article 58 du présent projet de loi pour l'évaluation des conséquences de l'ouverture à la concurrence des jeux en ligne ;

- de clarifier le contenu du rapport et de l'étendre aux jeux « en dur » ;

- de proposer que le rapport soit élaboré par le CSA, en concertation avec l'ARPP, afin d'éviter les difficultés que pourrait poser la différence de statut des deux organismes.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 4 ter - Sanction en cas de non respect des dispositions relatives à l'encadrement de la publicité en faveur d'un opérateur de jeux légalement autorisé

Commentaire : le présent article, introduit par l'Assemblée nationale, prévoit un dispositif de sanctions pécuniaires en cas de non respect des dispositions relatives à l'encadrement de la publicité prévues par le présent projet de loi en faveur des opérateurs de jeux légalement autorisés.

I. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A. UNE TRANSPOSITION DU DISPOSITIF PRÉVU POUR LA PUBLICITÉ EN FAVEUR D'UN OPÉRATEUR ILLÉGAL

A l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur, l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement portant article additionnel prévoyant que tout diffuseur quiconque ») qui émet une communication commerciale non conforme aux prescriptions de l'article 4 bis du présent projet de loi, à savoir :

- qui ne comporte pas de mention mettant en garde contre les risques liés à l'addiction au jeu ;

- et/ou qui ne respecte pas les restrictions prévues en la matière pour garantir la protection des mineurs (interdiction de diffusion dans les publications, les sites Internet, lors de la diffusion d'émissions ou de films à destination des mineurs),

s'expose à une sanction pécuniaire de 30.000 euros, voire d'un montant correspondant au quadruple des sommes publicitaires consacrées à l'action en cause, si celles-ci sont supérieures à 30.000 euros.

Est visée par le présent article la publicité par « quelque moyen que ce soit », c'est-à-dire, tant la publicité sur Internet que sur les supports traditionnels (télévision, radio, cinéma, publications « papier »).

Ces poursuites devant le tribunal correctionnel pourront être engagées par le parquet, de sa propre initiative ou après avoir été informé du délit par une autorité publique (y compris l'ARJEL) sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale.

Le présent article transpose ainsi le dispositif prévu à l'article 48 du présent projet de loi relatif à la publicité en faveur d'opérateurs illégaux.

B. UN DURCISSEMENT DU DISPOSITIF LORS DE L'EXAMEN EN SÉANCE PUBLIQUE

Lors de l'examen du présent projet de loi en séance publique, l'Assemblée nationale a, à l'initiative de notre collègue député Jean-Pierre Brard, avec avis favorable de la commission des finances et avis de sagesse du Gouvernement, durci ce dispositif en portant à 100.000 euros le montant plancher de l'amende.

Un amendement de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur, a élargi le champ de l'infraction au non-respect du dernier alinéa de l'article 20 du présent projet de loi, à savoir l'interdiction pour tout opérateur de jeu en ligne de financer l'organisation ou de parrainer la tenue d'événements à destination des mineurs.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES : LA NÉCESSAIRE HARMONISATION DES SANCTIONS EN MATIÈRE DE PUBLICITÉ

Votre rapporteur approuve les dispositions du présent article qui permettent d'assurer le respect des mesures prévues à l'article 4 bis du présent projet de loi qui encadrent la publicité en faveur de l'offre légale de jeu , en garantissant notamment la protection des mineurs.

Cependant, votre rapporteur estime que les sanctions prévues en matière de publicité en faveur des sites légaux (article 4 bis ) et des sites illégaux (article 48) doivent être harmonisées ( cf . tableau ci-dessous). En particulier, il considère que la diffusion d'une publicité pour un opérateur légal, même non conforme aux règles prévues par le présent projet de loi, ne peut être considérée comme plus grave que la diffusion d'une publicité en faveur d'un opérateur illégal.

Or, à l'issue de l'examen en séance publique du présent article à l'Assemblée nationale, les deux dispositifs de sanctions ne sont plus harmonisés : la sanction plancher prévue, par le présent article, s'agissant de la publicité légale est plus élevée (100.000 euros) que celle prévue, par l'article 48 du présent projet de loi, en ce qui concerne la publicité en faveur d'un opérateur illégal (30.000 euros).

C'est pourquoi, votre rapporteur propose un alignement de ces deux dispositifs, ainsi que des amendes prévues pour promotion d'activités illégales mentionnées dans les lois précitées du 21 mai 1836, du 2 juin 1891 et du 12 juillet 1983, sur le dispositif le plus sévère , à savoir celui du présent article. Votre commission a adopté, sur proposition de votre rapporteur, un amendement en ce sens, à l'article 48.

Tableau comparatif des peines encourues en matière de publicité illégale

Délits visés

Fondements juridiques

Amendes

Sanctions prévues en cas de publicité en faveur d'un opérateur de jeu légal mais non conforme aux prescriptions de l'article 4 bis du présent projet de loi

Publicité en faveur d'un opérateur légal mais non conforme aux prescriptions de l'article 4 bis du présent projet de loi

Article 4 ter du présent projet de loi (rédaction issue de l'examen à l'Assemblée nationale)

« Quiconque émet ou diffuse, par quelque moyen que ce soit , une communication commerciale non conforme aux prescriptions de l'article 4 bis ou du dernier alinéa de l'article 20 est puni d'une amende de 100 000 euros ou, si ce chiffre est supérieur, d'une amende au plus égale au quadruple du montant des dépenses publicitaires consacrées à l'action en cause . »

Sanctions prévues en cas de publicité en faveur d'un opérateur de jeu illégal

Publicité en faveur d'une loterie non autorisée

Article 4 de la loi du 21 mai 1896 portant prohibition des loteries

« Sont punis de 30 000 euros d'amende ceux qui auront colporté ou distribué des billets, ceux qui, par des avis, annonces, affiches ou par tout autre moyen de publication, auront fait connaître l'existence des loteries prohibées par la présente loi ou facilité l'émission des billets. Le tribunal peut porter le montant de l'amende au quadruple du montant des dépenses publicitaires consacrées à l'opération illégale . »

Publicité en faveur d'un opérateur illégal de paris hippiques

Article 4 de la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux

« Quiconque aura fait de la publicité, par quelque moyen que ce soi t, en faveur des paris sur les courses de chevaux visés au présent article est puni de 30 000 euros d'amende. Le tribunal peut porter le montant de l'amende au quadruple du montant des dépenses publicitaires consacrées à l'opération illégale . »

Publicité en faveur d'un établissement de jeu non autorisé

Article premier de la loi du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard

« Le fait de faire de la publicité, par quelque moyen que ce soit , en faveur d'une maison de jeux de hasard non autorisée est puni de 30 000 euros d'amende. Le tribunal peut porter le montant de l'amende au quadruple du montant des dépenses publicitaires consacrées à l'opération illégale . »

Publicité en faveur d'un opérateur de jeux en ligne non agréé

Article 48 du présent projet de loi

(rédaction issue de l'examen à l'Assemblée nationale)

« Quiconque fait de la publicité, par quelque moyen que ce soit , en faveur d'un site de paris, jeux d'argent ou de hasard non autorisé en vertu d'un droit exclusif ou de l'agrément prévu à l'article 16 est puni de 30 000 euros d'amende ou, si ce montant est supérieur, d'une amende au plus égale au quadruple du montant des dépenses publicitaires consacrées à l'activité illégale .

Ces peines sont également encourues par quiconque aura, par quelque moyen que ce soit, diffusé au public, aux fins de promouvoir des sites de jeux en ligne ne disposant pas de l'agrément prévu à l'article 16, les cotes et rapports proposés par ces sites non autorisés . »

Source : commission des finances

Quant au présent article, votre rapporteur a proposé deux amendements :

- un amendement de clarification rédactionnelle et de cohérence : il est proposé de transposer la rédaction actuellement prévue par les lois du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries, du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux et du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard, s'agissant des amendes appliquées en matière de publicité ;

- un amendement tendant à donner une base légale aux associations de lutte contre l'addiction, aux associations de consommateurs et aux associations familiales pour agir en justice en vue de faire respecter la réglementation en matière de publicité sur les jeux et paris .

Cette disposition s'inspire du modèle des articles L. 3512-1 et L. 3355-1 du code de la santé publique, conférant un tel droit aux associations concernées en matière de publicité pour l'alcool ou le tabac.

La commission a adopté ces deux amendements.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

CHAPITRE II - LES CATÉGORIES DE JEUX ET PARIS EN LIGNE SOUMIS À AGRÉMENT

ARTICLE 5 - Définition des notions de pari et de jeu en ligne, d'opérateur de jeux et de paris en ligne, de joueur et de parieur en ligne, et de compte de joueur en ligne

Commentaire : le présent article définit plusieurs notions relatives à l'offre de jeux sur Internet : les notions de pari et de jeu en ligne, d'opérateur de jeux et de paris en ligne, de joueur et de parieur en ligne, et de compte de joueur en ligne.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Après avoir fixé, dans un premier chapitre, les dispositions relatives à l'ensemble du secteur des jeux d'argent et de hasard, le présent projet de loi définit, dans le présent article, différentes notions spécifiques à l'offre de jeu en ligne .

A. LA NOTION DE PARI ET DE JEU EN LIGNE

Le I du présent article définit, tout d'abord, les notions de paris et de jeux en ligne. Ces notions sont essentielles puisqu'elles participent à la délimitation du périmètre de l'ouverture à la concurrence proposée par l'article premier du présent projet de loi.

Le présent article pose une double définition des paris et jeux en ligne :

- d'une part, une définition positive : sont concernés les paris et les jeux dont « l'engagement passe exclusivement par l'intermédiaire du réseau informatique Internet » , et ce quel que soit le moyen de communication électronique utilisé, à savoir aujourd'hui principalement les micro-ordinateurs, les téléphones portables connectés à Internet ou encore le modem ADSL « Asymetric Digital Subscriber Line » permettant d'offrir des services de téléphonie et de télévision ;

- d'autre part, une définition négative : sont exclus les paris et jeux dont l'engagement a été « enregistré aux moyens de terminaux destinés exclusivement ou essentiellement à la prise de paris ou de jeux et mis à la disposition des joueurs dans des lieux publics ou des lieux privés ouverts au public ». Sont ici visés les terminaux électroniques - que ces derniers soient connectés ou non au réseau Internet - qui pourraient être implantés, par des opérateurs agréés, dans des réseaux physiques concurrents de la FDJ et du PMU. Il s'agit ici de préserver le monopole des opérateurs « en dur ».

B. LA NOTION D'OPÉRATEUR DE JEUX OU DE PARIS EN LIGNE

Le II du présent article définit, quant à lui, la notion d'opérateur de jeux ou de paris en ligne selon trois principaux critères :

1) L'opérateur est, tout d'abord, défini comme « toute personne », physique ou morale en l'absence de précision, dont l'offre de jeux ou de paris en ligne constitue une activité « habituelle » , ce qui écarte une entreprise, par exemple un groupe de médias, qui offrirait occasionnellement des jeux et des paris en ligne.

Comme il le précisera à l'occasion du commentaire de l'article 10 du présent projet de loi, votre rapporteur est réservé sur la possibilité, offerte par le présent article et surtout l'article 10 du présent projet de loi, d'accorder des agréments à des personnes physiques , en tant que représentants d'entreprises individuelles, même si les nombreuses obligations imposées aux candidats devraient de facto impliquer une exclusion de telles entités qui solliciteraient l'agrément.

2) L'opérateur doit ensuite « proposer au public des services de jeux et de paris en ligne comportant des enjeux de valeur monétaire ». Les jeux gratuits sont en effet autorisés.

3) Enfin, l'opérateur et le joueur, ou le parieur, doivent être liés par « un règlement constitutif d'un contrat d'adhésion au jeu » , précisant les modalités de jeux et de paris proposés par l'opérateur. Ce règlement devra être conforme à des règles définies par décret, pour chaque catégorie de paris et de jeux autorisés, tel que le prévoient les articles 8 et 9 du présent projet de loi. L'ARJEL veillera a posteriori à la conformité de ces règlements selon l'article 25 du présent projet de loi.

C. LA NOTION DE JOUEUR, DE PARIEUR EN LIGNE ET DE MISE

Le III du présent article définit la notion de joueur ou de parieur en ligne. Cette expression doit s'entendre comme toute personne qui accepte le contrat d'adhésion précité proposé par l'opérateur de jeux ou de paris en ligne .

Le même paragraphe précise, par ailleurs, la notion de mise : il s'agit de toute somme d'argent engagée par un joueur, y compris celle provenant de la remise en jeu d'un gain . Les prélèvements fiscaux et sociaux définis par le présent projet de loi, assis sur l'ensemble des mises, s'appliqueront donc également aux gains des joueurs réinvestis par ces derniers sous forme de nouvelles mises.

D. LA NOTION DE COMPTE DE JOUEUR EN LIGNE

Enfin, le III du présent article définit la notion de compte de joueur en ligne. Il s'agit du compte que l'opérateur de jeu est tenu d'ouvrir pour chaque joueur. Cette définition entraîne deux conséquences :

- d'une part, un joueur ne disposera que d'un compte par opérateur, même si celui-ci propose plusieurs types de jeux ou de paris ;

- d'autre part, un joueur pourra disposer de plusieurs comptes jeu ouverts auprès de différents opérateurs.

Le III du présent article précise en outre le contenu de ce compte de jeu . Celui-ci doit retracer :

- les mises et les gains liés aux jeux et paris ;

- les mouvements bancaires qui y sont liés ;

- le solde des avoirs du joueur auprès de l'opérateur.

Le compte de jeu est un élément essentiel qui participe de la traçabilité des opérations de jeux en ligne et de l'activité du joueur .

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Outre plusieurs amendements rédactionnels, notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur, a adopté un amendement tendant à substituer à la notion de « réseau informatique Internet », qui ne renvoie à aucune définition juridique, celle de « service de communication au public en ligne », consacrée par la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique .

A l'initiative de nos collègues députés Nicolas Perruchot et Jacques Myard, l'Assemblée nationale a ensuite adopté, avec l'avis favorable de la commission des finances et du Gouvernement, un amendement tendant à remplacer le terme de « mouvements bancaires » par celui de « mouvements financiers ». Cette substitution tend à permettre la mise en conformité du projet de loi avec la directive sur les services de paiement qui a été récemment transposée en droit français par une ordonnance du 15 juillet 2009. Cette directive crée en effet un nouveau statut d'établissement de paiement, marquant la fin du monopole des établissements de crédit sur les services de paiement. Or ces établissements, qui appartiennent à la nouvelle catégorie juridique des prestataires de services de paiement, sont des entités non bancaires.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article ouvre le chapitre du présent projet de loi consacré aux dispositions spécifiquement applicables à l'offre de jeu en ligne.

Il s'agit d'un article essentiel puisqu'il permet, tout à la fois :

- de préciser le périmètre de l'ouverture à la concurrence proposé par le présent projet de loi : sont concernés uniquement les opérateurs qui proposent des jeux et des paris par l'intermédiaire d'Internet et non par le biais de terminaux informatiques installer dans des réseaux physiques, ce qui préserve le monopole actuel des jeux « en dur » ;

- de poser le cadre général devant garantir la traçabilité des opérations de jeux et des mouvements financiers associés : le présent article définit les informations que le compte joueur doit contenir, définition qui sera précisée dans le cadre de l'article 12 du présent projet de loi ;

- de poser certains principes relatifs à la protection des joueurs : la relation opérateur de jeu / joueur repose sur un contrat d'adhésion soumis pour avis à l'ARJEL ;

- enfin, de définir l'assiette des prélèvements fiscaux et sociaux créés ou réaménagés par le présent projet de loi : ces derniers sont assis sur l'ensemble des mises et s'appliqueront donc également aux gains des joueurs réinvestis par ces derniers sous forme de nouvelles mises.

Votre rapporteur approuve l'ensemble des dispositions prévues par le présent article.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 6 - Autorisation du pari hippique en ligne

Commentaire : le présent article autorise les opérateurs agréés par l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) à organiser la prise de paris hippiques en ligne, par dérogation aux dispositions de l'article 4 de la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux.

I. LE DROIT EXISTANT PRÉVOIT DÉJÀ UN RÉGIME D'AUTORISATION DÉROGATOIRE

Aux termes des articles 2, 4 et 5 de la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux, il ne peut être dérogé que sous de strictes conditions au principe général d'interdiction et de répression pénale des paris hippiques .

Ainsi seules sont autorisées les courses de chevaux ayant pour but exclusif l'amélioration de la race chevaline et organisées par des sociétés dont les statuts sociaux ont été approuvés par le ministre chargé de l'agriculture .

Ces sociétés de courses sont également les seules autorisées à organiser le pari mutuel sur les courses de chevaux . La collecte des enjeux sur les champs de courses a donc pris le nom de Pari mutuel hippodrome (PMH) .

Mais ces sociétés de courses peuvent également, depuis la loi du 16 avril 1930 portant fixation du budget général de l'exercice 1930-1931, enregistrer les paris à l'extérieur des hippodromes , exclusivement sous une forme mutuelle, grâce à un service commun, le Pari mutuel urbain (PMU) . Celui-ci est un groupement d'intérêt économique (GIE), au sens de l'article L. 251-6 du code de commerce.

Créé en 1931, le PMU compte ainsi aujourd'hui 54 membres . Il s'agit des deux sociétés dites « mères » (France Galop et la Société d'encouragement à l'élevage du cheval français), ainsi que de 52 sociétés de courses, dites « de province ».

Aux termes de la loi du 2 juin 1891 précitée seul le pari sous une forme mutuelle est autorisé . Ce type de pari repose sur le principe suivant : les parieurs ne jouent pas contre un organisme mais les uns contre les autres . Les sommes jouées sont réparties entre les gagnants, en fonction du rapport calculé, après déduction des prélèvements opérés par l'organisateur et des prélèvements fiscaux et sociaux. C'est donc la répartition des mises sur les différents chevaux qui établit la cote de chacun d'entre eux, à la différence du pari à cote fixe.

La mutualisation est la forme de paris sur les courses hippiques la plus répandue dans le monde . D'après les informations transmises par le Gouvernement à votre rapporteur, elle représenterait ainsi 80 % de l'ensemble des paris hippiques. Elle est également en France, mais aussi dans d'autres Etats membres de l'Union européenne, la forme exclusive des paris sur les courses de chevaux.

Votre rapporteur souligne la forte tradition que représente en France ce mode spécifique d'organisation des paris sur les courses de chevaux. Marqué par le rôle central du PMU, ce modèle a, en outre, permis le financement efficace de la filière hippique à la faveur du reversement du résultat net du PMU aux deux sociétés mères ainsi qu'aux autres sociétés de courses. Cette filière, financée grâce à l'exploitation des paris, est en effet composée aujourd'hui de plus de 12.000 éleveurs et de près de 3.000 entraîneurs.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ CONSISTE À PERMETTRE À DE NOUVEAUX OPÉRATEURS DE FOURNIR UNE OFFRE LÉGALE DE PARIS HIPPIQUES EN LIGNE

Le présent article vise à définir un nouveau régime d'autorisation des paris hippiques en ligne .

Le I du présent article propose ainsi de créer une nouvelle dérogation à la loi du 2 juin 1891 précitée, en faveur de tout opérateur ayant reçu préalablement l'agrément de l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL). Le régime de délivrance de cet agrément est précisé à l'article 16 du présent projet de loi.

S'inspirant du dispositif existant pour le PMU , l'article prévoit que les paris hippiques organisés par les opérateurs en ligne agréés ne pourront porter que sur une liste de courses établie selon des modalités définies par voie réglementaire.

L'exposé des motifs du projet de loi apporte à ce sujet une précision notable. Cette liste devrait en effet être établie par arrêté du ministre chargé de l'agriculture sur la proposition des sociétés mères de courses de chevaux.

Le II du présent article impose la forme mutuelle , déjà définie à l'article 2 du présent projet de loi, pour l'organisation de la prise de paris hippiques.

L' ancrage de ce modèle dans la tradition nationale justifie que l'ouverture des paris hippiques en ligne soit, comme pour les paris du réseau physique, limitée à la forme mutuelle.

En outre, le présent article précise que la forme mutuelle des paris hippiques n'empêche pas que les opérateurs en ligne agréés proposent des mécanismes d'abondement des gains . Sans remettre en cause le caractère mutuel des paris, ces mécanismes permettent de diversifier l'offre de jeux.

III. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur au fond, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté un amendement dit « rédactionnel » mais à l'incidence notable . Il s'agit ainsi de prévoir que la liste des courses sur lesquelles peuvent porter les paris hippiques organisés par les opérateurs en ligne agréés concerne des réunions de courses et non pas de simples courses.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur se déclare favorable aux présentes dispositions qui permettent principalement d'apporter une nouvelle dérogation aux dispositions portant prohibition de l'exploitation des paris sur les courses de chevaux , dans le but de permettre à de nouveaux opérateurs de fournir une offre légale de paris hippiques en ligne .

Il approuve tout particulièrement le maintien de l'autorisation exclusive des paris hippiques en la forme mutuelle . Outre sa conformité à notre tradition nationale, cette forme de paris limite les risques de corruption. En effet, les paris à cote fixe, comme tous les jeux de contrepartie, accroissent par nature les risques de manipulation des résultats voire des épreuves sportives elles-mêmes, à l'instar de courses truquées ou arrangées.

Par ailleurs et même si votre rapporteur se félicite du rôle essentiel joué par le PMU auprès de la filière hippique, il souligne que l'ouverture du marché des courses à de nouveaux opérateurs devra se faire dans le respect du droit de la concurrence .

Les images des courses devront, par exemple, faire l'objet d'une mise à disposition auprès de l'ensemble des opérateurs agréés de paris hippiques en ligne . Les informations transmises à votre rapporteur par les deux sociétés mères de courses de chevaux, propriétaires des droits sur les images et les données des courses, apparaissent rassurantes de ce point de vue, puisqu'une telle mise à disposition, par le biais de conventions, est bien prévue. Elle fera suite à l'entrée en vigueur du présent projet de loi. Le site « pmu.fr » devrait ainsi être soumis à un régime équivalent à celui de ses concurrents.

S'agissant, en outre, de l'absence de mutualisation des masses engagées auprès des différents opérateurs, il semble qu'elle ne constitue pas une infraction au droit de la concurrence. En effet, le présent projet de loi ne prévoit pas d'ouvrir aux nouveaux opérateurs la masse des paris du PMU, mais l'expérience montre que les taux de redistribution peuvent être attractifs même avec des masses modestes . De plus, les niveaux de gains ne dépendent pas seulement des sommes engagées , surtout que le nombre de gagnants tend à être proportionnel au nombre de parieurs. Enfin, votre rapporteur observe que les nouveaux opérateurs devront surtout innover dans l'offre de paris hippiques : les écarts entre les masses n'empêcheront pas l'inventivité, en matière commerciale, des concurrents de l'opérateur « historique » des paris hippiques.

Décision de la commission : sous le bénéfice de ces observations, votre commission a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 7 - Autorisation des paris sportifs en ligne

Commentaire : le présent article autorise les opérateurs agréés à organiser des paris sportifs en ligne.

I. L'AUTORISATION DES PARIS SPORTIFS EN LIGNE

A. UNE NOUVELLE DÉROGATION À LA LOI PORTANT PROHIBITION DES LOTERIES

Le I du présent article tend à autoriser la prise de paris sportifs en ligne , par dérogation aux dispositions des articles 1 er et 2 de la loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries et de l'article 1 er de la loi n° 83-628 du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard.

Il convient de rappeler que de nombreuses dérogations au principe de prohibition des loteries existent déjà. Certaines figuraient d'ailleurs dans le texte-même de la loi du 21 mai 1836 précitée. Cela concerne :

- des loteries d'objets mobiliers exclusivement destinées à des actes de bienfaisance, à l'encouragement des arts ou au financement d'activités sportives non lucratives, lorsqu'elles auront été autorisées par le préfet du département où est situé le siège social de l'organisme bénéficiaire et, à Paris, par le préfet de police. ;

- des lotos de tradition locale, encore appelés « rifles », « quines » ou « poule au gibier », permis seulement en cercle restreint, par des mises et pour des lots de faible valeur (dont le montant ne peut excéder un montant fixé par arrêté) et dans une finalité sociale, culturelle sportive ou d'animation ;

- des loteries foraines ;

- des loteries locales pour l'acquisition de matériel d'incendie ;

- de la loterie nationale (aujourd'hui Française des jeux) ;

- des paris sportifs (« loto sportif ») organisés par la Française des jeux.

B. L'ENCADREMENT DES PRISES DE PARIS SPORTIFS

Le I du présent article apporte, d'autre part, deux restrictions à l'autorisation des prises de paris de sportifs en ligne :

- l'une concernant les personnes habilitées à prendre de tels paris. Ce droit serait réservé aux personnes titulaires de l'agrément prévu à l'article 16 du présent projet de loi ;

- l'autre portant sur les catégories de compétitions sur lesquelles peuvent porter les paris, lesquelles seraient définies par l'ARJEL . L'exposé des motifs est clair tant sur les modalités que sur l'objectif poursuivi. Ainsi, l'ARJEL prendrait sa décision après avoir reçu l'avis du ministre chargé des sports et, pour les compétitions organisées en France, de la fédération sportive concernée, de façon à « garantir un degré suffisant de fiabilité quant à la régularité du déroulement des épreuves supports des paris ».

D'autre part, aux termes de la version initiale du II du présent article, les paris sportifs ne pourraient porter que sur le résultat final des compétitions sportives ou sur celui des différentes phases de jeu de ces compétitions, ce second type de résultat devant avoir une incidence sur l'issue de la rencontre . Toujours selon l'exposé des motifs, il s'agit d'éviter les formes de paris dans lesquelles le savoir-faire des parieurs ne peut entrer en ligne de compte ou qui peuvent faire l'objet de manipulations quant à l'issue de leur résultat. Il revient, là encore, à l'ARJEL de fixer, selon des modalités définies par voie réglementaire, pour chaque sport et après avis de la fédération concernée, les types de résultats supports des paris.

En revanche, le texte de cet article étant muet à ce sujet, les paris sportifs pourront être proposés en forme mutuelle mais également en forme de pari à cote . Cette dernière forme de pari étant considérée comme plus attractive, elle devrait logiquement conquérir une forte proportion du marché.

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

La commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté :

- à l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur, avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement assouplissant la définition phases de jeux pouvant servir de support aux paris sportifs . Désormais, dans la nouvelle rédaction du II de cet article, il n'est plus fait mention des résultats finaux des compétitions sportives ni des phases de jeu de ces compétitions susceptibles d'avoir une incidence sur leur issue . Seule subsiste la phrase disposant que les types de résultats supports des paris ainsi que les phases de jeux correspondantes sont fixés, pour chaque sport, par l'ARJEL suivant des modalités définies par voie réglementaires ;

- à l'initiative du Gouvernement, un amendement ajoutant un III au présent article et introduisant une disposition miroir à ce qui est prévu au II de l'article 6 du présent projet loi à propos des paris hippiques. Ainsi, pour les paris sportifs de forme mutuelle, les opérateurs de paris en ligne auraient la faculté d'utiliser des mécanismes d'abondement des gains, sous réserve que cette pratique demeure ponctuelle et n'ait pas pour effet de dénaturer le caractère mutuel des paris.

De plus, en séance publique, l'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel proposé par le rapporteur.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur est, bien entendu, favorable à la libéralisation des paris sportifs en ligne , qui est l'un des objets-mêmes du présent projet de loi.

Le coeur du dispositif repose sur l'agrément des opérateurs autorisés à proposer de tels paris, selon les dispositions de l'article 16, commenté ci-après. Le « pari » de l'Etat consiste donc à ce que le marché des paris sportifs en ligne soit aux mains de sociétés encadrées de manière idoine, afin que la libéralisation ne se fasse pas au détriment des objectifs d'intérêt général poursuivis par la France, en particulier en termes de lutte contre l'addiction.

Votre rapporteur partage cette vision, qui explique l'assouplissement introduit par l'Assemblée nationale au sujet des phases de jeu pouvant servir de support aux paris . En effet, il ne s'agit pas qu'une vision trop restrictive aboutisse à ce que certains parieurs recherchent des types de paris qui ne pourraient être proposés que par des opérateurs illégaux (relatifs, par exemple, au nombre d'aces dans une partie de tennis ou au nom du meilleur buteur d'un match de football). Cependant, il est nécessaire de viser des éléments faisant appel au savoir-faire du parieur et ne pouvant aisément se truquer (à l'inverse, par exemple, de la couleur de la chemise d'un joueur de tennis ou de la minute du premier corner d'un match de football).

Le dispositif envisagé, couplé à celui de l'article 52 incluant la délégation des paris dans le champ du droit d'exploitation de l'organisateur de la compétition (c'est-à-dire, le plus souvent, à une fédération ou à une ligue délégataire de service public), peut sembler un garde-fou suffisant, au moins dans un premier temps.

Cette question, qui relève d'un équilibre entre des nécessités contradictoires, pourra être revue lors du bilan de la loi qui devra être fait dix-huit mois après sa promulgation.

Décision de votre commission : sous le bénéfice de ces observations, votre commission a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 8 - Règles applicables à la prise de paris en ligne

Commentaire : le présent article définit les conditions dans lesquelles les opérateurs agréés peuvent proposer des paris en ligne.

I. L'ENCADREMENT DE LA PRISE DE PARIS EN LIGNE

A. UNE PRISE DE PARI EFFECTUÉE DIRECTEMENT SUR LE SITE DE L'OPÉRATEUR

Le I du présent article tend à limiter l'autorisation des paris en ligne sur les épreuves hippiques ou sportives à l'organisation et à la prise de paris enregistrés en compte par transfert de données numériques :

- exclusivement par l'intermédiaire d'un service de communication au public en ligne ;

- et à l'initiative du joueur connecté directement au site de l'opérateur agréé .

De manière concrète, ces dispositions ne visent que des paris passant par le réseau Internet (et non, par exemple, par des réseaux de téléphonie mobile). De plus, elles excluent toute possibilité d'intermédiation, le joueur devant être connecté directement au site de l'opérateur agréé. Il n'y a donc pas de moyens de « biaiser » l'exclusivité dont doivent jouir les personnes ayant obtenu l'agrément de l'ARJEL.

B. LE PLAFONNEMENT DU TAUX DE RETOUR AUX PARIEURS

Le II du présent article renvoie à un décret la définition des catégories de paris sportifs et hippiques autorisés, les principes régissant leurs règles techniques ainsi que la proportion maximale des mises reversées en moyenne aux joueurs par catégories de paris .

Ce dernier point est d'une importance particulière. En effet, il revient à poser le principe d'un plafonnement du taux de retour aux joueurs ou aux parieurs (TRJ ou TRP).

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Outre un amendement de coordination du rapporteur, l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de nos collègues députés et avec les avis favorables de la commission et du Gouvernement, deux amendements tendant à mieux préciser la notion de TRJ ou de TRP .

Le II du présent article vise ainsi désormais la « proportion maximale des sommes reversée en moyenne aux joueurs par rapport aux sommes engagées par type d'agrément ». Cette nouvelle rédaction n'englobe donc plus les seules mises des parieurs, ce qui rendait la législation contournable, mais également les éventuels abondements des comptes joueurs par les opérateurs au travers d'offres promotionnelles, de participations gratuites à des paris, etc.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur approuve l'encadrement prévu par le présent article pour les paris sportifs ou hippiques.

Comme indiqué ci-dessus, les dispositions du I garantissent l'exclusivité de la relation des opérateurs agréés avec les joueurs établis en France.

Et, surtout, l'affirmation d'un plafonnement du TRJ est nécessaire . Ce point a fait l'objet de nombreux échanges, pendant la préparation de ce texte, entre le Gouvernement et la Commission européenne, cette dernière ayant crû y distinguer un moyen de préserver la position des opérateurs historiques des jeux en France.

Or la définition d'un TRJ « raisonnable » est doublement nécessaire :

- d'une part, pour limiter l'intérêt d'utiliser les jeux de hasard dans le cadre d'opérations de blanchiment d'argent. En effet, pour de fortes sommes d'argent misées sur un grand nombre de paris, (1-TRJ) tend à représenter le taux de perte du joueur et donc, le cas échéant, le « coût du blanchiment » par ce moyen ;

- d'autre part et surtout, pour prévenir les risques d'addiction au jeu .

Certes, ce dernier point reste discuté. D'un point de vue économique, le joueur est un agent à « rationalité limitée ». Par définition, il joue alors même que son espérance de gain est négative. Mais il est davantage incité à jouer lorsque le TRJ proposé est plus attractif, ce qu'ont montré plusieurs études. A titre d'exemple, dans l'étude « Gambling as a rational addiction », publiée dans le Journal of gambling studies , l'économiste Pamela Mobilia a montré, à partir des rapports annuels de 148 hippodromes britanniques répartis sur trente ans (de 1957 à 1987) que l'élasticité à la demande du TRJ est supérieure à l'unité. Plus précisément, pour une augmentation permanente de 2 % du TRJ, une augmentation de la demande de 6,8 % est constatée sur le long terme.

En outre, d'autres études ont bien mis en lumière le processus du jeu pathologique. « Chez la plupart des personnes concernées, le parcours de la dépendance depuis son apparition jusqu'à sa guérison est, dans les grandes lignes, le même. Cette carrière de joueur » comporte trois phases : une première phase positive (phase de gain), une phase critique d'accoutumance (phase de perte) et une phase de dépendance (phase de désespoir) ». Si, selon cette étude, un gain important par rapport au revenu du joueur peut être l'élément déclencheur d'un jeu problématique, « un taux de redistribution très élevé permet ensuite de jouer longtemps, c'est-à-dire de s'adonner à longue durée à l'activité qui provoque la dépendance. Un faible taux de redistribution est, en revanche, moins attrayant ».

Dès lors, un bornage « raisonnable » du TRJ, qui devrait être de l'ordre de 85 %, semble être une mesure proportionnée , d'autant que la rédaction du présent article n'impose le plafonnement que d'un TRJ moyen. Il n'interdit donc pas de pratiquer un TRJ plus élevé, à titre promotionnel, notamment à l'occasion d'événements très médiatisés. Ce dispositif ne devrait donc pas empêcher l'ouverture du marché ni l'émergence de nouveaux acteurs, mais il devrait être de nature à prévenir la survenue de comportements addictifs.

Votre commission, sur la suggestion de votre rapporteur propose simplement, afin de préciser encore la rédaction issue de l'Assemblée nationale, de viser la proportion maximale des sommes « versée », au lieu de « reversée », de façon à assurer que les sommes ne correspondant pas à des gains (reversés) mais à des « bonus » (versés aux joueurs) sont bien incluses dans la définition du TRJ .

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 9 - Autorisation des jeux de cercle en ligne

Commentaire : le présent article autorise les opérateurs agréés par l'ARJEL à proposer des jeux de cercle en ligne.

I. L'AUTORISATION DES JEUX DE CERCLE EN LIGNE

A. UN CADRE GÉNÉRAL PROCHE DES RÈGLES ENCADRANT LES PARIS EN LIGNE

Le I du présent article tend à déroger aux dispositions de l'article 1 er de la loi n° 83-628 du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard en autorisant les jeux de cercle en ligne

Seules les personnes titulaires de l'agrément par l'ARJEL prévu à l'article 16 pourraient organiser de tels jeux . Ceci rejoint les dispositions de l'article 7 du présent projet de loi pour ce qui concerne les paris hippiques et sportifs en ligne.

Par ailleurs, aux termes du III du présent article, les mises doivent être enregistrées en compte par transfert de données numériques par l'intermédiaire d'un service de communication au public en ligne, c'est-à-dire par le réseau Internet . De plus, l'enregistrement de ces mises doit être effectué à l'initiative du joueur concerné, connecté directement au site de l'opérateur agréé . Là encore, comme en ce qui concerne les paris, l'intermédiation n'est donc pas permise.

B. QUELS JEUX AUTORISER ?

Le IV du présent article renvoie à un décret la fixation de la liste des jeux de cercle autorisés ainsi que les principes régissant leurs règles techniques.

Cependant, le II du présent article pose les principes sur lesquels devra s'appuyer le décret : pourront ainsi être autorisés en ligne les jeux de cercle « constituant des jeux de répartition reposant sur le hasard et sur le savoir-faire dans lesquels le joueur, postérieurement à l'intervention du hasard, décide, en tenant compte de la conduite des autres joueurs, d'une stratégie susceptible de modifier son espérance de gain ».

Parmi les jeux de hasard faisant intervenir le savoir-faire des joueurs, seuls les jeux de cercle seront autorisés dans le cadre du présent projet de loi, c'est-à-dire les jeux dans lesquels les joueurs jouent les uns contre les autres, et non les jeux de contrepartie dans lesquels les joueurs jouent contre l'opérateur.

Pour davantage de clarté, votre rapporteur rappelle, dans l'encadré suivant, la classification des jeux d'argent qu'il avait établie dans son rapport d'information de février 2002 sur les jeux d'argent et de hasard en France.

Les divers types de jeux d'argent

a) Les jeux de contrepartie exclusivement pratiqués dans les casinos

En l'absence de toute définition légale, on peut dire que ce sont ceux où le joueur affronte l'établissement et non les autres joueurs.

Ce sont : les jeux de dés (comme le craps), les jeux de roues (comme la boule, le 23, les roulettes française, américaine et anglaise) et les jeux de cartes (black-jack, 30 et 40, punto banco, etc.).
Dans ce type de jeux, le casino gagne ce que perdent les joueurs.

b) Les jeux de commerce exclusivement pratiqués dans les cercles

Aux termes des dispositions de l'article 126 de l'annexe IV au code général des impôts, aucun pari ne peut être engagé sur les chances d'un joueur, le prélèvement au profit de la cagnotte est réduit à un droit fixe par joueur et par séance et aucun jeu de hasard ne doit être pratiqué dans l'établissement.
Chaque jeu pratiqué doit avoir été déclaré comme jeu de commerce par le cercle. Ce sont le bridge, le poker, le tarot et le rami (ainsi que le rami-doses et le rami-relances).

Dans les jeux de commerce, le joueur défend sa propre chance alors que l'on mise, dans les jeux de hasard, sur les chances d'un tiers.

c) Les jeux de hasard pratiqués dans les cercles et les casinos

Ces jeux sont autorisés dans certains cercles aux termes de l'instruction du 15 juillet 1947.
Ce sont :
- le billard multicolore à 25 godets de 5 couleurs différentes ;
- le baccara, qu'il s'agisse du baccara chemin de fer à 6 jeux de 52 cartes ou du baccara banque à 3 jeux de 52 cartes.

Source : commission des finances

La définition des jeux autorisés par le II du présent article est donc très restrictive. Selon les renseignements recueillis par votre rapporteur, l'autorisation ne devrait concerner, en pratique, dans un premier temps, que le poker en ligne, et même seulement deux variantes déjà autorisées dans les casinos et les cercles de jeu.

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Outre un amendement de coordination du rapporteur, l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de nos collègues députés Jacques Myard et Yves Censi, et avec les avis favorables de la commission et du Gouvernement, un amendement tendant à compléter le II de cet article de façon à limiter l'autorisation des jeux de cercle en ligne aux joueurs jouant via des sites d'opérateurs titulaires de l'agrément prévu à l'article 16 .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur approuve, bien entendu, l'esprit de cet article, l'ouverture des jeux de cercle en ligne étant l'un des objets mêmes du présent projet de loi.

Il relève, d'une part, que le champ des jeux autorisés sera restreint, et que les catégories de jeux les plus addictives, c'est-à-dire les jeux de contrepartie, en particulier la roulette, ne seront pas autorisées en ligne.

De plus, l'Assemblée nationale a apporté davantage d'assurance encore en limitant l'autorisation des jeux de cercle en ligne aux joueurs jouant via des sites d'opérateurs agréés par l'ARJEL. Il s'agit de garantir l'identification de chaque joueur et d'empêcher que des robots participent à ces jeux.

Votre rapporteur partage cette préoccupation. Il considère néanmoins que cette mesure, qui aboutit à limiter les « tables virtuelles » aux seuls opérateurs agréés en France, est trop restrictive, ce qui pourrait restreindre de manière excessive le cercle des joueurs. Le même niveau d'encadrement pourrait sans doute être atteint en élargissant le périmètre des sites aux joueurs jouant par l'intermédiaire de sites établis dans un Etat ou territoire dont l'autorité de jeux ou paris a conclu une convention avec l'ARJEL en application du V de l'article 25. La rédaction précise de telles dispositions est, certes, délicate car il serait préférable de limiter l'autorisation d'ouvrir les « tables virtuelles » à la tenue de certains événements particuliers (« grands » tournois de poker). Néanmoins, une réflexion en ce sens doit être conduite d'ici l'examen de ce texte en séance publique.

Décision de votre commission : sous le bénéfice de ces observations, votre commission a adopté cet article sans modification.

CHAPITRE III - LES OBLIGATIONS DES ENTREPRISES SOLLICITANT L'AGRÉMENT D'OPÉRATEUR DE JEUX OU DE PARIS EN LIGNE

A l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur au fond, et avec l'avis favorable du Gouvernement, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté un amendement de cohérence et de précision faisant référence, dans l'intitulé de ce chapitre, aux « paris » en ligne.

ARTICLE 10 - Obligations d'information relatives à l'entreprise qui sollicite l'agrément

Commentaire : le présent article prévoit les informations que tout candidat, en vue d'obtenir l'agrément en tant qu'opérateur de jeux ou paris en ligne, doit transmettre à l'ARJEL. Ces informations portent en particulier sur la structure juridique, les dirigeants, les actionnaires et le passif de l'entreprise.

I. LES INFORMATIONS TRANSMISES À L'ARJEL PAR L'OPÉRATEUR CANDIDAT À L'AGRÉMENT

A. LES INFORMATIONS RELATIVES AUX DIRIGEANTS ET À LA STRUCTURE JURIDIQUE

De façon logique et analogue à d'autres procédures d'agrément, notamment celle de l'Autorité des marchés financiers, toute entreprise qui souhaite être agréée en France comme opérateur de jeux en ligne doit fournir à l'ARJEL un certain nombre d'informations sur sa structure juridique et financière, ses dirigeants, les caractéristiques de son offre au public et, s'agissant d'opérateurs sur Internet, les moyens qu'elle met en oeuvre pour assurer la sécurité et la fiabilité de son site Internet et des opérations de paiement liée à ses prestations.

Ces exigences sont fixées par les articles 10 à 15 du présent projet de loi, qui en constituent les chapitres III et III bis . Le présent article expose ainsi les informations que l'entreprise doit transmettre à l'Autorité pour attester sa réalité juridique, sa substance économique, la probité de son ou ses dirigeants et les moyens de faire durablement face à ses obligations.

Lorsque la personne qui sollicite l'agrément est une entreprise, elle doit ainsi justifier de l'identité et de l'adresse de son propriétaire, et s'il s'agit d'une personne morale, de son siège social, de sa structure juridique, de l'identité et de l'adresse de ses dirigeants. L'entreprise ou la société doit également fournir à l'ARJEL (ce destinataire n'étant pas explicitement précisé) les éléments relatifs à des condamnations pénales ou des sanctions administratives dont elle-même, son propriétaire ou ses dirigeants ont éventuellement fait l'objet.

Les sanctions administratives sont celles mentionnées à l'article 35 du présent projet de loi et les condamnations pénales sont celles qui relèvent du régime des incapacités - soit les catégories de condamnations pénales considérées comme incompatibles avec l'exercice des activités soumises à l'agrément - et sont déterminées par le décret en Conseil d'Etat prévu au VI de l'article 16 du présent projet de loi.

Votre rapporteur considère que le décret devra prévoir expressément que les sanctions communiquées à l'ARJEL sont aussi bien celles prises sur le fondement du droit français que d'un droit étranger . De même, il serait préférable que le régime des incapacités pénales, ainsi que cela est prévu pour plusieurs professions financières réglementées, soit introduit par la loi plutôt que par un décret.

B. LES INFORMATIONS DE NATURE COMPTABLE ET FINANCIÈRE

Le deuxième alinéa du présent article prévoit des dispositions particulières sur la transparence de l'actionnariat lorsque le candidat est une société par actions. Elle doit ainsi « présenter » l'ensemble des actionnaires personnes physiques et morales qui détiennent au moins 5 % de son capital et, le cas échéant, les personnes qui détiennent directement ou indirectement son contrôle . Cette vérification de l'actionnariat, habituelle pour les entreprises relevant du secteur financier, a notamment pour objet de contrôler l'honnêteté des intérêts détenus dans la société, au regard de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et de la prévention des conflits d'intérêts.

Le troisième alinéa prévoit des obligations d'information financière et comptable, permettant d'attester la solidité financière et, dans le cas d'une entreprise individuelle, la réalité de l'activité du candidat. Elles portent sur :

- le montant des dettes et fonds propres s'il s'agit d'une société, soit le seul passif (« haut » et « bas » de bilan), qui permet notamment de déterminer le ratio d'endettement de la structure ;

- le montant des actifs détenus par l'entrepreneur et des dettes qu'il a contractées s'il s'agit d'une entreprise individuelle.

En l'absence de précision, ces emprunts peuvent être de tout ordre et consister aussi bien en des lignes de trésorerie à court terme qu'en des prêts pour investissement à moyen et long termes.

Enfin le quatrième et dernier alinéa prévoit une « clause d'actualisation » : toute modification des éléments décrits supra intervenant postérieurement à l'agrément doit ainsi être communiquée à l'ARJEL, dans les conditions prévues au V de l'article 16 du présent projet de loi, soit dans un délai fixé par le décret en Conseil d'Etat précité.

Cette communication couvre en particulier toute modification dans l'actionnariat , au regard de l'identité des actionnaires ou de la part du capital détenu. Votre rapporteur estime que l'ARJEL devra ainsi être particulièrement vigilante sur les franchissements de seuils importants que sont ceux de 10 %, d'un tiers et de la moitié du capital.

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté une modification rédactionnelle .

Un nouvel alinéa, adopté à l'initiative de notre collègue député Jacques Myard et avec l'avis favorable du Gouvernement et du rapporteur, dispose que l'entreprise sollicitant l'agrément ne peut avoir son siège, une filiale ou un équipement dans un Etat ou un territoire « que les instances internationales ont classé dans la liste des paradis fiscaux ». Cet amendement a donné lieu à d'abondants débats et a été rectifié en séance, notamment pour ne plus mentionner le site Internet, qui n'a pas de réelle existence physique ni de nationalité.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur approuve les dispositions de cet article, qui sont légitimes et habituelles s'agissant d'une procédure d'agrément.

Il est cependant réservé sur la faculté pour l'ARJEL, offerte par le présent article, d'accorder un agrément d'opérateur à des personnes physiques , en tant que représentantes d'entreprises individuelles. On peut légitimement se demander comment de telles entreprises pourraient réunir les diligences et moyens techniques et humains propres à garantir la sécurité, la fiabilité et la transparence des opérations de jeux. De même, on peut s'interroger sur les risques que ferait peser l'agrément de sociétés civiles , compte tenu de leur objet et de la responsabilité illimitée des associés dans la plupart des cas.

La grande majorité des candidats à l'agrément seront cependant des sociétés disposant d'une certaine surface financière et de moyens consistants, soit des groupements d'intérêt économique (tel que le PMU) et des sociétés commerciales, dont celles par actions. Surtout, les nombreuses obligations imposées aux candidats devraient de facto impliquer une exclusion des éventuelles entreprises individuelles qui solliciteraient l'agrément.

Votre commission a donc adopté, sur proposition de votre rapporteur, plusieurs amendements tendant à préciser et renforcer les obligations demandées aux entreprises candidates :

- il convient d'encadrer et de préciser la liste des condamnations pénales et des sanctions administratives qui doivent être transmises à l'ARJEL par l'entreprise ;

- le nouvel alinéa sur l'implantation dans un paradis fiscal fait référence à une notion qui n'est pas juridiquement définie, pas plus que celle d' « instance internationale ». Il importe donc de se référer à l'implantation du siège social et à la nouvelle définition française des Etats et territoires considérés comme non coopératifs, prévue par l'article 238-0 A du code général des impôts et introduite par l'article 22 de la loi de finances rectificative pour 2009 ;

- de même, la notion de contrôle d'une société est définie par l'article L. 233-16 du code de commerce (pour les comptes consolidés), auquel il convient de faire référence ;

- l'identification des principaux actionnaires doit reposer sur un seuil de 5 % du capital ou des droits de vote , plutôt que du seul capital, par analogie avec le droit boursier et pour tenir compte de la faculté pour un actionnaire de détenir des droits de vote double et disjoints de la fraction du capital ;

- enfin l'entreprise qui sollicite l'agrément doit pouvoir justifier de ses moyens matériels et humains , afin de garantir sa capacité à assurer la continuité et la fiabilité d'une offre de jeux ou paris.

De même, les informations de nature comptable et financière qu'elle transmet à l'ARJEL ne doivent pas être limitées au seul passif lorsqu'il s'agit d'une société, mais étendues à tous les éléments de nature à attester sa solidité financière et sa capacité à assumer les investissements nécessaires au respect de ses obligations légales et réglementaires. Le décret en Conseil d'Etat, prévu à l'article 15, pourra préciser les informations ainsi demandées, et, le cas échéant, préciser que l'entreprise communique ses comptes annuels si ces derniers ne sont pas publics.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 11 - Obligations d'information relatives à l'offre de jeux et de paris

Commentaire : le présent article expose les obligations d'information à la charge de toute entreprise candidate à l'agrément, auprès de l'ARJEL, relatives aux caractéristiques techniques de l'offre de jeux ou paris, à ses modalités d'organisation et d'exploitation, et aux contrats de sous-traitance et de fourniture. Il prévoit également que les entreprises s'engagent à donner aux agents de l'ARJEL un libre-accès au serveur de données.

I. LES OBLIGATIONS D'INFORMATION SUR LES CARACTÉRISTIQUES ET MODALITÉS D'EXPLOITATION DE L'OFFRE DE JEUX ET PARIS

Le présent article expose les informations que toute entreprise souhaitant être agréée comme opérateur de jeux doit fournir à l'ARJEL, concernant les caractéristiques de son offre de jeux et paris . Ces informations peuvent être rapprochées du « programme d'activité » que les sociétés de gestion d'instruments financiers doivent soumettre à l'Autorité des marchés financiers lorsqu'elles sollicitent son agrément.

Aux termes du premier alinéa du présent article, l'entreprise candidate doit présenter « la nature, les caractéristiques et les modalités d'exploitation, d'organisation et de sous-traitance du site de jeux en ligne et des opérations de jeu ou de pari en ligne » qu'elle entend proposer au public. Les mêmes exigences sont requises pour les caractéristiques des plateformes et des logiciels de jeux ou de traitement de paris qu'elle compte utiliser. L'entreprise doit donc communiquer des données précises sur trois éléments distincts constitutifs de l'offre de jeux ou paris : les interfaces techniques (logiciels et plateformes), le site Internet auquel se connectent les joueurs, et les opérations de jeu ou pari elles-mêmes.

Par cohérence, le troisième alinéa prévoit que le candidat communique les contrats qu'il a conclus en matière de fourniture ou de sous-traitance d'opérations de jeu ou de pari en ligne.

Le deuxième alinéa prévoit que l'entreprise décrit, pour chaque jeu proposé, le processus de traitement des données afférentes au jeu et les moyens de mise de ces données à disposition de l'ARJEL, en temps réel ou différé.

Au-delà de ces informations, l'entreprise doit s'engager, aux termes du quatrième alinéa , à donner aux agents habilités de l'ARJEL un accès à l'infrastructure matérielle d'archivage des données afférentes aux opérations de jeu ou pari, soit le local abritant le serveur informatique , aussi dénommé « frontal ». En application de l'article 22 du présent projet de loi, il doit être situé sur le territoire métropolitain et être unique pour chaque opérateur.

Enfin le cinquième et dernier alinéa dispose que l'entreprise doit justifier sa capacité à respecter dans la durée les obligations de conformité des jeux ou paris qu'elle propose. Elle doit désigner une ou plusieurs personnes responsables de cette conformité , qui doivent être domiciliées en France et seront les interlocuteurs privilégiés de l'ARJEL.

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative du Gouvernement et avec l'avis favorable de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur au fond, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté un amendement (rectifié sur proposition de notre collègue député Jacques Myard) complétant le présent article par un alinéa destiné à tenir compte de l'éventuel contrôle exercé sur l'entreprise candidate dans un autre Etat d'établissement .

L'entreprise doit ainsi communiquer à l'ARJEL, à titre d'information et dans l'hypothèse où elle opère légalement dans son Etat d'établissement pour une même catégorie de jeux ou de paris en ligne, les exigences, et de manière générale, la surveillance réglementaire et le régime de sanctions auxquels elle est déjà soumise dans cet Etat .

Ainsi que cela a été clairement souligné par M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, et par notre collègue député Jean-François Lamour, ces dispositions ne constituent en aucun cas une reconnaissance mutuelle des agréments délivrés par d'autres Etats membres, mais tiennent compte de l'avis circonstancié rendu par la Commission européenne sur le présent projet de loi, le 8 juin 2009.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur approuve les présentes dispositions, qui forment un régime exhaustif d'obligations de nature à garantir une bonne information de l'ARJEL sur les caractéristiques techniques de l'offre de l'opérateur et sur ses partenaires économiques, et partant, à faciliter le travail d'instruction de l'Autorité en vue de fonder l'agrément ou de motiver son refus. De même, l'engagement de donner aux agents de l'ARJEL un accès aux infrastructures informatiques permettra de mettre en oeuvre des contrôles sur place .

Votre rapporteur estime que la portée de cet engagement doit être la plus large possible et qu'il s'applique tant durant la période d'instruction du dossier du candidat par les services de l'ARJEL - dès lors que le support matériel de données est déjà installé en France - qu'après la délivrance éventuelle de l'agrément, de manière continue.

Par analogie avec la procédure de visite et de saisie en matière fiscale, cet engagement et les modalités d'accès devront cependant être formulés avec précision et respecter les exigences de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour éviter tout contentieux ultérieur. A la lumière de la jurisprudence communautaire en matière fiscale, des précisions devront en particulier être apportées sur les plages horaires d'accès, la présence d'un salarié de l'opérateur ou du responsable des installations, et l'éventuelle faculté donnée aux agents habilités de réaliser des copies de données informatiques.

L'article 29 du présent projet de loi prévoit d'ailleurs qu'un décret en Conseil d'Etat fixe la liste des données que les opérateurs en ligne sont tenus de mettre à disposition de l'Autorité et leurs modalités de stockage et de transmission, et la liste des données agrégées (par type de jeu ou de pari) dont l'ARJEL peut demander la transmission périodique.

L'obligation d'informer l'ARJEL sur les dispositions réglementaires auxquelles l'opérateur est, le cas échéant, déjà soumis dans son Etat d'établissement pour la même catégorie de jeux ou paris que celle dont il sollicite l'agrément en France, est également très opportune et permettra à l'autorité de mieux évaluer la crédibilité du candidat sans préjuger de sa décision sur l'agrément, donc sans reconnaissance mutuelle.

Sur proposition de votre rapporteur, votre commission a adopté un amendement rédactionnel au quatrième alinéa du présent article.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

CHAPITRE III BIS - LUTTE CONTRE LA FRAUDE

Sur proposition du Gouvernement et avec l'avis favorable de votre rapporteur, votre commission a adopté un amendement de cohérence qui limite le champ de ce chapitre à la lutte contre la fraude. Les dispositions relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux sont en effet essentiellement traitées par l'article 17 A du présent projet de loi, proposé par le Gouvernement et adopté par votre commission.

ARTICLE 12 - Obligations d'information sur les modalités d'accès et d'inscription au site Internet et les moyens d'identification des joueurs

Commentaire : le présent article prévoit que toute entreprise sollicitant l'agrément de l'ARJEL doit communiquer à cette dernière les modalités d'accès et d'inscription au site Internet, les moyens d'identification du joueur (identité, âge et adresse) et de ses moyens de paiement, et garantir que tout nouveau joueur se voit attribuer un compte joueur.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. LES INFORMATIONS FOURNIES PAR L'ENTREPRISE QUI SOLLICITE L'AGRÉMENT

Cet article court est important puisqu'il prévoit que toute entreprise sollicitant l'agrément de l'ARJEL doit fournir certaines informations sur les moyens d'identification des joueurs , déterminantes pour le respect des objectifs de sécurité des transactions, de protection des mineurs et de lutte contre la fraude et le blanchiment qui sont au coeur du présent projet de loi. Ces informations contribuent également à garantir l'application du nouveau régime sur le territoire national.

L'entreprise doit ainsi communiquer à l'ARJEL :

1) Les modalités d'accès et d'inscription à son site des joueurs résidant ou séjournant en France . Le futur régime des jeux en ligne répond donc bien à une logique territoriale et non pas nationale puisque sont concernés les joueurs français ou étrangers qui résident en France de façon permanente ou y séjournent à titre temporaire. Seront donc considérés comme tels les joueurs qui disposent d'une adresse postale en France. Les joueurs français qui résident à l'étranger seront en revanche soumis au droit de leur Etat de résidence, pour autant qu'ils ne se soient pas préalablement inscrits en France.

Cette disposition doit être articulée avec l'article 18 du présent projet de loi , qui prévoit que des mesures réglementaires prises par l'ARJEL fixent les conditions de connexion au site comportant la terminaison « .fr » (seule catégorie de site susceptible d'être agréée), et partant, de renvoi automatique à ce site d'un joueur qui se connecterait à un site « .com » du même opérateur.

2) Les moyens permettant à l'opérateur de s'assurer de l'identité de chaque nouveau joueur, de son âge et de son adresse . Il s'agit de conforter l'application territoriale évoquée supra , et surtout de faire obstacle à la participation des mineurs , ainsi que le prévoit l'article 3 du présent projet de loi.

3) Les moyens permettant de garantir l'identification des moyens de paiement du joueur. Ainsi que le prévoit l'exposé des motifs du présent projet de loi, ces moyens de paiement « seront précisés par décret et devront notamment ne pas être anonymisants. Il sera en outre précisé que le versement des gains aux joueurs ne peut être effectué que sur le compte bancaire à partir duquel a été approvisionné le compte du joueur ». La portée concrète du champ des moyens de paiement éligibles a toutefois fait l'objet de débats et a été précisée à l'Assemblée nationale (cf. infra ).

Le second alinéa du présent article dispose que l'entreprise doit également justifier du processus qui permet de garantir qu'un compte de joueur est bien ouvert à tout nouveau joueur avant toute activité de jeu ou de pari. L'ouverture de ce compte implique d'avoir satisfait en amont aux obligations précitées, et tous les moyens de paiement utilisés par le joueur doivent transiter par ce compte personnel , relié au compte bancaire et qui est unique pour chaque site de jeux ou paris.

Les contrôles susceptibles d'être menés en cas de paiement par carte bancaire

Lors de son audition par votre rapporteur, le GIE Cartes bancaires a mis en exergue certaines dispositions permettant d'assortir les paiements par carte bancaire de certains contrôles.

Concernant tout d'abord les paiements sur le réseau physique , certains contrôles inhérents aux spécificités du cadre légal des jeux d'argent (interdiction de parier avec une carte de crédit ou d'accepter un enjeu venant d'un mineur) ont ainsi été étudiés en collaboration avec le PMU. La conclusion de ces travaux fut que ces contrôles devaient être effectués par le PMU.

Un premier contrat d'acceptation spécifique pour le paiement des enjeux et paris en « face à face » (proximité) a été élaboré en 2004 . Il a vocation à s'appliquer à tous les organismes de jeux dûment autorisés par la loi. Ses spécificités ont notamment trait à l'obligation de respecter la législation pertinente en matière de prise d'enjeux et à la surveillance des paris et enjeux. Les autres particularités sont les suivantes :

- la transaction de jeux d'argent peut être reconnue de la banque émettrice via une information particulière dans la transaction ( Merchant Code Category ) ;

- chaque paiement fait l'objet d'une demande d'autorisation à l'émetteur. Chaque banque a mis en place sa propre gestion de risque, mais la plupart des banques ne sont techniquement pas en mesure, au moment de la demande d'autorisation, de consulter un fichier qui contiendrait des informations spécifiques telles que l'âge du porteur, l'incapacité juridique, etc. ;

- le contrat en paiement de proximité comporte une fonction de remboursement qui est prévue uniquement à des fins d'annulation à la suite d'une erreur de saisie. La clause spécifie bien que cette fonction ne peut en aucun cas être utilisée pour payer un gain.

A la demande de la Française des Jeux et du PMU, un contrat d'acceptation CB en règlement d'enjeux et paris sur automate a été élaboré en 2008 . Il a également vocation à s'appliquer à tous les organismes de jeux légalement autorisés.

Il existe également un contrat spécifique intitulé « Paiement d'enjeux et paris à distance sécurisé », qui a été validé en décembre 2008 , qui constitue essentiellement une adaptation du contrat standard de paiement à distance sécurisé. Une clause spécifique indique que l'accepteur s'engage à :

« Utiliser le Système de Paiement à Distance Sécurisé en s'abstenant de toute activité qui pourrait être pénalement sanctionnée (telle que la mise en péril de mineurs, des actes de pédophilie, des actes de contrefaçon d'oeuvres protégées par un droit de propriété intellectuelle et de moyens de paiement, le non-respect de la protection des données personnelles, des atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données, des actes de blanchiment, le non-respect des dispositions relatives aux jeux de hasard, aux courses de chevaux, aux loteries et des dispositions relatives aux conditions d'exercice de professions réglementées ...) ».

A titre d'exemple, le PMU procède de la façon suivante pour maîtriser les paris à distance. Il « enrôle » les parieurs et ouvre un compte technique après vérification de l'identité du parieur, de son âge et des justificatifs de domicile. Le compte est alimenté par une transaction par carte bancaire. Les gains sont reversés sur le compte de jeux du parieur et servent à rejouer. En cas de gain important le PMU verse les gains au parieur par chèque et, au dessus d'un certain plafond, fait une déclaration à l'administration fiscale. Le paiement des gains n'est pas réalisé via la carte bancaire . Cette procédure s'avère efficace puisque le taux de fraude serait de 0,028%.

Source : GIE Cartes bancaires

B. UNE PROCÉDURE D'OUVERTURE DE COMPTE INSPIRÉE DE CELLE DES « OPÉRATEURS HISTORIQUES » ACTUELS

La procédure de contrôle des coordonnées du joueur (identité, âge, adresse) et d'ouverture du compte joueur sera vraisemblablement inspirée de celle actuellement mise en oeuvre par la Française des jeux et le PMU pour l'inscription sur leur site Internet respectif. Les étapes seraient ainsi les suivantes :

- le joueur remplit des formalités de préinscription sur le site Internet comportant la terminaison .fr (actuellement .com) : il indique ses nom, prénom, date de naissance, adresse postale, les coordonnées de son compte bancaire, et le cas échéant son numéro de carte bancaire s'il recourt à ce moyen de paiement ;

- l'opérateur crée un compte joueur dont le solde est nul et qui peut être partiellement utilisé. Le joueur peut créditer ce compte (dont le montant plafond, dans le futur régime, sera déterminé par l'ARJEL) et jouer, mais ne peut encaisser ses gains éventuels tant que la procédure d'ouverture du compte n'est pas achevée ;

- le joueur envoie, dans un délai qui sera fixé par le décret prévu à l'article 15 du présent projet de loi, une copie de plusieurs documents attestant des informations fournies lors de la préinscription : pièce d'identité, justificatif de domicile et relevé d'identification bancaire. Le joueur doit également adresser un formulaire d'engagement , daté et signé, certifiant que les informations fournies sont exactes, qu'il est majeur, qu'il accepte les conditions générales de l'offre de jeux et les clauses du contrat, et qu'il refuse ou accepte expressément que ses données personnelles puissent être utilisées à des fins autres que celles nécessaires au contrôle des autorités publiques, soit des fins commerciales ;

- le joueur reçoit enfin un courrier de l'opérateur, qui valide sa préinscription et contient un mot de passe provisoire lui permettant de clore définitivement la procédure lors d'une connexion ultérieure.

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Indépendamment d'amendements rédactionnels adoptés à l'initiative de la commission des finances de l'Assemblée nationale, cet article a été très substantiellement modifié et enrichi par nos collègues députés , tant lors de l'examen par la commission des finances qu'en séance, selon trois axes :

- un renforcement de la sécurité de la procédure d'inscription sur le site de jeux ou paris ;

- l'élargissement du champ des moyens de paiement admissibles ;

- et l'égalisation des conditions de concurrence entre les deux opérateurs aujourd'hui légaux et les futurs opérateurs agréés, selon une procédure appelée communément « remise à zéro des compteurs ».

A. LE RENFORCEMENT DE LA PROCÉDURE D'INSCRIPTION SUR LE SITE

A l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur, et avec l'avis favorable du Gouvernement, la commission des finances a étendu le régime d'inscription et d'identification à tout joueur , pour éviter une application réduite aux seuls joueurs résidant ou séjournant en France.

A l'initiative de nos collègues députés Valérie Fourneyron, Jean-Michel Clément et Gérard Bapt, et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement prévoyant que l'opérateur doit s'assurer que le nouveau joueur est une personne physique , en requérant l'entrée d'un code qui permette de limiter les inscriptions effectuées par des robots informatiques.

Compte tenu des pratiques existantes, cette disposition opportune ne relève pas de la « science-fiction » et est nécessaire, en particulier pour les sites de poker en ligne, dans lesquels la participation occulte d'un « robot » - introduit par des « pirates » informatiques et qui peut réaliser des calculs de probabilités - fausse l'équité de l'attribution des gains. Cet amendement incite donc à recourir au test dit de « Turing », désormais très répandu sur Internet et qui consiste à s'assurer qu'une opération est sollicitée par une personne physique, en lui demandant de recopier une série de lettres et/ou de chiffres difficiles à lire car fournis dans une image graphique déformée.

A l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur, et avec l'avis favorable du Gouvernement, la commission des finances de l'Assemblée nationale a inséré un nouvel alinéa qui tend à légaliser la procédure actuellement appliquée par le PMU et la Française des jeux et décrite ci-avant.

Il prévoit ainsi que l'opérateur peut proposer au joueur « provisoirement et de manière limitée », des jeux ou paris en ligne avant vérification des éléments d'identification du joueur. La validation du compte joueur et la restitution de l'éventuel solde créditeur de ce compte sont logiquement conditionnées par la vérification de ces éléments et de la majorité du joueur.

Ainsi que cela ressort des débats à l'Assemblée nationale, votre rapporteur rappelle que cette faculté de création d'un compte joueur provisoire ne peut être mise en oeuvre que par les opérateurs dûment agréés par l'ARJEL , et non par ceux qui lui ont transmis leur dossier et sont encore en attente d'agrément. Cela est cohérent avec une autre disposition adoptée par l'Assemblée nationale ( cf. infra ), qui introduit légitimement une discontinuité des fichiers de clientèle pour bien marquer le passage d'une situation d'illégalité à l'agrément.

B. L'ADAPTATION AU NOUVEAU CADRE DES SERVICES DE PAIEMENT ET LE RENFORCEMENT DE LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT

La rédaction initiale du dispositif sur les moyens de paiement avait en réalité été présentée à titre « conservatoire », notamment dans l'attente de la transposition de la directive du 13 novembre 2007 sur les services de paiement . A l'initiative du Gouvernement, et après une première version présentée à la commission des finances, qui l'avait adoptée, l'Assemblée nationale a inséré trois alinéas qui permettent de mieux assurer la lutte contre le blanchiment et d'adapter le régime des jeux en ligne aux récentes évolutions juridiques et pratiques des moyens de paiement. Leurs orientations sont ainsi les suivantes :

1) Encadrer les modalités d'approvisionnement du compte joueur . Il est ainsi précisé que celui-ci ne peut être crédité que par son titulaire au titre des approvisionnements qu'il réalise pour jouer ou parier, ou par l'opérateur qui détient le compte, soit au titre des gains réalisés par le joueur, soit à titre d'offre promotionnelle. Tout versement d'une autre origine ou d'une source inconnue serait, dès lors, suspect .

2) Prévoir la mise en conformité du projet de loi avec la directive précitée sur les services de paiement , qui a été récemment transposée en droit français par une ordonnance du 15 juillet 2009 et crée un nouveau statut d'établissement de paiement, marquant la fin du monopole des établissements de crédit sur les services de paiement. Ces établissements, qui appartiennent à la nouvelle catégorie juridique des prestataires de services de paiement, sont des entités non bancaires soumises à des contraintes financières et organisationnelles allégées par rapport à celles des établissements de crédit.

Les notions de « compte bancaire » et d' « établissement de crédit », qui figuraient dans la première version de l'amendement du Gouvernement, ont donc été remplacées par celles de « compte de paiement » et de « prestataire de services de paiement », conformément à la directive précitée. Il est ainsi prévu que l'approvisionnement d'un compte joueur par son titulaire ne peut être réalisé que par adossement direct à un compte de paiement ouvert auprès d'un tel prestataire . Cet adossement garantit :

- l'identification systématique et au premier euro du titulaire du compte ;

- l'identité de personne entre ce titulaire et le détenteur du compte joueur ;

- l'absence d'espèces dans les échanges entre compte de paiement et compte joueur ;

- et, enfin, la traçabilité des flux vers ou en provenance de ces comptes, axe majeur de la lutte contre la fraude et le blanchiment.

Conformément au principe communautaire de liberté de circulation des capitaux et aux dispositions légales habituelles relatives à la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale, ce prestataire doit être établi dans un Etat membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, qui a conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales. Au sein des Etats européens, seul le Liechtenstein serait donc exclu.

Les instruments de paiement qui peuvent être utilisés sont ceux mentionnés au chapitre III du titre III du livre premier du code monétaire et financier, soit tous les moyens de paiement à l'exclusion de la monnaie fiduciaire , qui ne garantit naturellement aucune traçabilité, et du chèque , qui présente un potentiel important de fraude.

3) Renforcer la sécurité et la traçabilité du reversement par des avoirs que le joueur détient auprès de l'opérateur, dans la mesure où l'essentiel du risque de blanchiment se situe à cette étape. Ces avoirs ne peuvent être reversés que sur le compte de paiement ouvert au nom du joueur et mentionné supra , et exclusivement par virement pour assurer une meilleure traçabilité des flux. Le reversement par carte bancaire est donc exclu mais il n'est d'ores et déjà pas possible dans le cadre des conventions agréés par le GIE Cartes bancaires (cf. encadré supra ).

C. L'ÉGALISATION DES CONDITIONS DE CONCURRENCE ENTRE OPÉRATEURS

A l'initiative de notre collègue député Nicolas Perruchot et avec l'avis favorable du Gouvernement et de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur, la commission des finances a adopté un important amendement qui prévoit une procédure de « remise à zéro » des comptes joueurs pour l'inscription sur les sites Internet de tous les futurs opérateurs qui seront agréés, autres que le PMU et la Française des jeux qui, de fait, opèrent déjà dans la légalité .

Il prévoit ainsi que l'entreprise justifie auprès de l'ARJEL, compte tenu de la date de transmission des documents afférents à l'ouverture du compte joueur, du processus assurant :

- qu'un tel compte est ouvert à tout nouveau joueur ou parieur avant toute activité de jeu ou pari, ce qui permet de s'assurer que les formalités préalables d'inscription et d'identification ont été remplies ;

- et que cette ouverture comme l'approvisionnement initial par son titulaire sont intervenus après la date d'agrément de l'opérateur, afin de garantir la régularité du processus d'ouverture et des bases de clientèle constituées. Concrètement, cette disposition conduira les opérateurs agréés (et antérieurement illégaux) à interrompre les opérations de jeu et transactions des clients résidant en France et à reconstituer la base de clientèle en sollicitant de nouvelles ouvertures de compte joueur sur le site en « .fr ».

Une disposition adoptée par la commission des finances, à l'initiative du Gouvernement et avec l'avis favorable de notre collègue député Jean-François Lamour, puis amendée en séance par notre collègue député Yves Censi, a utilement complété le dispositif en prévoyant que l'ouverture d'un compte joueur (après l'agrément) ne peut être réalisée qu'à l'initiative de son titulaire, à sa demande expresse et à l'exclusion de toute procédure automatique . Il s'agit d'éviter que l'obligation décrite plus haut n'ait qu'une portée formelle par une réinscription automatique des joueurs, sans leur consentement exprès.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. DES OBLIGATIONS DE VÉRIFICATION DÉTERMINANTES POUR LA PROTECTION DE L'ORDRE PUBLIC

Votre rapporteur approuve les obligations figurant dans la rédaction initiale du présent article ainsi que celles opportunément introduites par l'Assemblée nationale, qui tendent à renforcer la sécurité de la procédure d'identification et d'inscription des joueurs et à assurer l'égalité des conditions entre opérateurs légaux et anciens opérateurs illégaux. Elles garantissent ainsi que les nouveaux joueurs sont des personnes physiques et se sont réinscrits volontairement sur le site agréé, tout en octroyant la faculté d'accorder au joueur une inscription provisoire .

Certes la future procédure d'ouverture de compte ne sera pas exempte de failles , puisqu'il sera toujours possible à un joueur mineur de s'identifier sous le nom d'un proche majeur , d'envoyer à l'opérateur une copie des documents de ce dernier (pièce d'identité, justificatif de domicile et relevé d'identification bancaire) et de signer frauduleusement l'engagement correspondant, mais il prendra alors un risque réel (notamment dans l'imitation de la signature).

Des exemples concrets de pages d'accès et de création d'un compte joueur sur les sites des deux opérateurs légaux actuels et de deux des principaux opérateurs illégaux (Betclic et Bwin) figurent en annexe du présent rapport. On constate que les approches ne sont de prime abord guère différenciées et que le duopole ne se montre a priori pas plus « exemplaire » que ses concurrents interdits . Les informations demandées au joueur pour valider l'inscription sont sensiblement les mêmes, l'interdiction aux mineurs est apparente (sauf sur le site de Betclic), il n'est guère fait mention d'une éventuelle assistance aux joueurs en cas d'addiction, et le PMU comme Betclic font état d'une offre promotionnelle dès leur page d'accès, de respectivement 50 euros maximum et 20 euros.

En revanche les perspectives de gain sont inégalement mises en exergue (le site du PMU est à cet égard particulièrement « attractif »), et la Française des jeux et Betclic insistent sur la simplicité de la procédure d'inscription . En outre, le contrôle d'identité est, dans les faits, plus strict chez les opérateurs « historiques » puisqu'il prévoit systématiquement l'envoi d'une copie des documents.

Ces nouvelles obligations ne peuvent cependant être réduites aux seules obligations d'information dues à l'ARJEL en vue d'obtenir son agrément. Si les entreprises candidates doivent effectivement informer l'autorité sur les moyens qu'elles comptent mettre en oeuvre pour remplir ces nouvelles obligations ou facultés, celles-ci ont vocation à n'être appliquées que par les seuls opérateurs agréés. Votre rapporteur considère donc qu'elles doivent à la fois figurer dans le présent article, et par renvoi, dans l'article 17 du présent projet de loi , relatif au respect, par les nouveaux opérateurs, des clauses du cahier des charges et de la procédure de certification.

Sur proposition de votre rapporteur, la commission a cependant adopté un amendement tendant à garantir que le joueur est bien une personne physique non seulement lors de la création de son compte, mais également lors de chaque connexion . L'opération de vérification serait équivalente à celle mise en place lors de la création du compte.

Elle a également adopté, sur proposition de votre rapporteur, un amendement rédactionnel et une reformulation , dans le deuxième alinéa du présent article, des conditions permettant la validation du compte joueur et la restitution de l'éventuel solde créditeur en cas d'inscription provisoire.

B. LA TRAÇABILITÉ ET LA FIABILITÉ DES MOYENS DE PAIEMENT

Il est indispensable, s'agissant de transactions liées à un site Internet, d'assurer la fiabilité et la traçabilité des moyens de paiement pour garantir une lutte efficace contre le blanchiment et la fraude , notamment le non-paiement des gains. L'étude précitée du CERT-LEXSI sur la cybercriminalité des jeux en ligne, publiée en juillet 2006, a bien montré toute l'étendue des risques et la diversité des délits en la matière.

A cet égard, le dispositif adopté à l'initiative du Gouvernement a marqué un progrès très sensible tout en assurant la conformité à la directive du 13 novembre 2007 sur les services de paiement. L'adossement direct du compte joueur au compte de paiement, l'admission de tous les moyens de paiement, à l'exclusion des espèces et du chèque, la sécurisation du reversement des avoirs au joueur (exclusivement par virement) constituent des garanties fortes de traçabilité.

Votre rapporteur a été conduit à analyser la question de l'admission des cartes prépayées , qui ne sont pas éligibles en tant qu'elles ne sont pas adossées à un compte de paiement. En dépit de l'intérêt pratique de ces cartes et des garanties apportées par certains établissements émetteurs, ce moyen de paiement n'est pas apparu comme offrant un niveau de sécurité suffisant. Il contribue en effet à réintroduire des espèces dans le système de paiement , donc un risque de blanchiment anonyme (même fractionné en de petits montants), et s'agissant des cartes rechargeables, tend à reporter la responsabilité du contrôle d'identité sur le détaillant, avec de possibles failles.

A contrario , les systèmes de paiement en ligne de type Paypal, qui avaient pu susciter quelques inquiétudes de votre rapporteur, présentent des garanties analogues , voire supérieures s'agissant du contrôle d'identité, au paiement par carte bancaire , telles que :

- l'exigence d'un compte unique par joueur et par opérateur de jeux ;

- l'adossement direct à un compte ou une carte bancaire (donc sans alimentation par des espèces ou une carte de paiement privative), conformément à la nouvelle obligation introduite dans le présent article ;

- des vérifications d'identité conformes aux prescriptions de la « troisième directive » anti-blanchiment ;

- et des contrôle de cohérence entre l'adresse IP ( Internet Protocol ) constatée, le pays de résidence du titulaire du compte Paypal et le lieu d'émission de l'instrument d'approvisionnement du compte.

Grille d'analyse par mode de paiement des garanties
apportées en matière de lutte contre le blanchiment et la fraude

Critère

Compte de paiement électronique

Carte prépayée

Approvisionnement ou achat

Carte bancaire et prélèvement sur le compte bancaire

Espèces dans le réseau des distributeurs ; plus rarement carte bancaire et chèque sur Internet

Identification du titulaire

Oui, au premier euro

Non

Enregistrement du titulaire

Systématique

Non

Contrôle d'identité

Automatique au-delà de 2.500 euros de transactions annuelles (Paypal : seuil abaissé à 1.500 euros dans le secteur des jeux)

Effectué si la valeur faciale de la carte excède 100 ou 150 euros. Rien n'empêche cependant d'acheter de manière fractionnée

Maîtrise et traçabilité des flux

Relativement aisée et exhaustive

Flux de compte à compte, tous deux enregistrés

Théorique et au niveau agrégé

Source : commission des finances

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 13 - Obligation d'information relative aux opérations financières

Commentaire : le présent article expose les obligations d'information à la charge de toute entreprise candidate à l'agrément relatives à la transparence des opérations financières qui seront effectuées à partir de son site.

I. LES JUSTIFICATIFS DEVANT ÊTRE APPORTÉS PAR LES ENTREPRISES CANDIDATES À L'AGRÉMENT

A. LES INFORMATIONS RELATIVES AUX MODALITÉS D'ENCAISSEMENT ET DE PAIEMENT EFFECTUÉS À PARTIR DE LEUR SITE

Le premier alinéa du présent article prévoit que tout candidat, en vue d'obtenir l'agrément en tant qu'opérateur de jeux ou de paris en ligne, doit préciser à l'ARJEL les modalités d'encaissement et de paiement des mises et des gains qu'il entend mettre en place à partir de son site Internet .

Ces dispositions doivent être analysées au regard des dispositions de l'article 12 du présent projet de loi, enrichies de manière opportune à l'Assemblée nationale, et qui limitent les moyens de paiement pouvant être utilisés et encadrent les conditions d'ouverture d'un compte joueur.

Ces dispositions sont essentielles afin de garantir la fiabilité et la transparence des opérations financières réalisées à partir du site de l'opérateur, et ainsi mieux assurer la lutte contre le blanchiment d'argent et la fraude.

A titre principal, l'entreprise candidate sera ainsi tenue de :

1) faire état des moyens qu'elle mettra en oeuvre afin de garantir que le compte joueur est approvisionné par son titulaire par le seul moyen des instruments de paiement mentionnés au chapitre III du titre III du livre premier du code monétaire et financier, soit tous les moyens de paiement à l'exclusion de la monnaie fiduciaire, qui ne garantit aucune traçabilité, et du chèque , qui présente un potentiel important de fraude ;

2) informer l'ARJEL de l'identité des prestataires de services de paiement auxquels elle a recourt ;

3) faire état des moyens par lesquels elle s'assurera que les avoirs du joueur auprès de l'opérateur ne peuvent être reversés que par virement et sur un seul compte de paiement ouvert par le joueur , ce qui exclut le reversement par carte bancaire ;

4) justifier auprès de l'ARJEL des moyens par lesquels elle reversera immédiatement sur le compte de paiement du joueur les sommes dont ce dernier a demandé le reversement, automatique ou non.

Le deuxième alinéa précise que le futur opérateur justifie également de la disposition d'un compte ouvert auprès d'un prestataire de services de paiement établi dans un Etat membre de la Communauté européenne , conformément au principe communautaire de liberté de circulation des capitaux.

De la même manière, l'article 12 du présent projet de loi pose cette condition au titulaire d'un compte joueur . Tout compte joueur doit en effet être directement adossé à un compte de paiement ouvert, par son titulaire, auprès d'un prestataire de services de paiement établi dans un Etat membre de la Communauté européenne ou - ce que ne prévoit pas le présent article pour les opérateurs -, un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales. Par parallélisme, votre commission a adopté, sur proposition de votre rapporteur, un amendement tendant à harmoniser cette condition posée aux opérateurs de jeux et aux joueurs.

B. LA JUSTIFICATION DE LEUR CAPACITÉ À FAIRE FACE À LEURS OBLIGATIONS EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE ET LE BLANCHIMENT D'ARGENT

Le troisième alinéa prévoit ensuite que l'entreprise candidate doit justifier de sa capacité à assumer ses responsabilités en matière de lutte contre la fraude et le blanchiment d'argent.

En effet, en application du 9° de l'article L. 561-2 du code monétaire et financier, « les représentants légaux et directeurs responsables de casinos et les groupements, cercles et sociétés organisant des jeux de hasard, des loteries, des paris, des pronostics sportifs ou hippiques » sont assujettis aux obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement des activités terroristes.

Ces obligations, prévues aux sections 2 à 7 du chapitre premier du titre VI du livre V du code monétaire et financier, sont de trois ordres :

1) des obligations de vigilance à l'égard de leur clientèle (articles L. 561-5 à L. 561-14-2 du code monétaire et financier) : identification du client, recueil des informations relatives à l'objet et à la nature de la relation liant le client et l'opérateur, examen attentif des opérations effectuées en veillant à ce qu'elles soient cohérentes avec la connaissance actualisée qu'ils ont de leur client.

L'article L. 561-13 du code monétaire et financier prévoit en outre des dispositions spécifiques pour les opérateurs de jeu légalement autorisés : les casinos sont ainsi tenus de procéder à l'enregistrement des noms et adresses de leurs joueurs lorsque les montants de leurs échanges financiers excèdent un montant fixé par décret ; plus généralement, les opérateurs de jeux sont tenus de s'assurer de l'identité des joueurs gagnant des sommes supérieures à un montant fixé par décret ;

2) des obligations de déclaration à la cellule de renseignement financier nationale (TRACFIN) de toutes les opérations dont ils « savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner » qu'elles participent du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme (articles L. 561-15 à L. 561-22 du code monétaire et financier) ;

3) des obligations enfin en matière de procédures et contrôle interne (articles L. 561-32 à L. 561-35 du code monétaire et financier) : les opérateurs de jeu doivent mettre en place des systèmes d'évaluation et de gestion des risques de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme, assurer la formation et l'information régulières de leurs personnels, veiller à ce que des mesures équivalentes soient appliquées dans leurs filiales et succursales situées à l'étranger.

En application du II de l'article L. 561-36 du code monétaire et financier, le contrôle de ces obligations est assuré, s'agissant notamment des opérateurs de jeux, par des inspections conduites par l'autorité administrative compétente, selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat. Selon les informations recueillies par votre rapporteur, ce décret est en cours d'examen au Conseil d'Etat. Il devrait prévoir le contrôle de l'activité des actuels opérateurs par le service central des courses et jeux de la direction centrale de la police judiciaire (DCJP) du ministère de l'intérieur.

En cas de manquement constaté aux obligations précitées lors des contrôles effectués par le ministre de l'intérieur, le ministre de l'économie ou le ministre chargé du budget, des sanctions peuvent être prononcées par une commission nationale des sanctions (articles L. 561-37 à L. 561-44 du code monétaire et financier) : avertissement, blâme, interdiction temporaire d'exercice de l'activité pour une durée n'excédant pas cinq ans, retrait de l'agrément ou de la carte professionnelle, sanction pécuniaire.

Pour permettre à l'ARJEL d'apprécier la capacité d'une entreprise candidate à respecter ces obligations, il a été indiqué à votre rapporteur que des formations spécifiques seront proposées à ses agents.

C. LES INFORMATIONS RELATIVES AUX MODALITÉS DE DÉCLARATION ET DE PAIEMENT DES VERSEMENTS DUS AU TITRE DE LEUR ACTIVITÉ

Le cinquième alinéa du présent article précise, quant à lui, que l'entreprise candidate doit également justifier de l'organisation qu'elle entend mettre en place pour assurer la déclaration et le paiement des « versements de toute nature » (prélèvements fiscaux, sociaux, redevances), dus au titre de l'activité pour laquelle elle sollicite l'agrément .

Concrètement, l'opérateur devra fournir son relevé d'identité bancaire (RIB).

Afin d'assurer le recouvrement effectif des prélèvements fiscaux dont sont redevables les opérateurs, le quatrième alinéa du présent article précise que l'entreprise candidate accrédite, s'il a lieu, un représentant fiscal en France selon les modalités offertes par l'article 39 du présent projet de loi.

Celui-ci oblige, en effet, tous les opérateurs, agréés en France mais établis à l'étranger, à désigner un représentant fiscal. Comme cela sera précisé dans le commentaire de l'article 39, le jeu en ligne constitue une prestation dématérialisée et, de ce fait, la majorité des opérateurs agréés devraient exercer par voie de libre prestation de services à partir d'un autre Etat européen, donc sans disposer en France de siège social. En l'absence de structure disposant de la personnalité fiscale en France, ces opérateurs ne sont pas normalement imposables en France, d'où l'obligation posée aux opérateurs établis hors de France de désigner un représentant fiscal.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur approuve ces dispositions essentielles qui participent de la transparence des opérations réalisées à partir du site de l'opérateur, de la lutte contre les activités frauduleuses et de la garantie du recouvrement des prélèvements auxquels sont assujettis les opérateurs.

Elles permettent de donner ainsi un contenu concret aux deux objectifs fixés par l'article premier du présent projet de loi :

- « assurer l'intégrité, la fiabilité et la transparence des opérations de jeu » ;

- « prévenir les activités frauduleuses ou criminelles et le blanchiment d'argent ».

A. DES OBLIGATIONS QUI DOIVENT ÊTRE ÉTENDUES AUX OPÉRATEURS AGRÉÉS

Votre rapporteur estime néanmoins que ces obligations essentielles ne peuvent être réservées au seul dossier d'agrément et ont, au contraire, vocation à être respectées en continu par les opérateurs dès lors qu'ils ont été agréés. Il a certes bien noté, aux termes de l'article 21 du présent projet de loi, que des vérifications seront ensuite renouvelées, tous les ans, sur la base du rapport transmis par chaque opérateur à l'ARJEL et destiné à rendre compte des contrôles réalisés par ce dernier en la matière. Cependant, afin de s'en assurer, votre commission a adopté, sur proposition de votre rapporteur, un amendement à l'article 17 du présent projet de loi, tendant à étendre ces obligations aux opérateurs agréés.

B. UNE APPLICATION EFFECTIVE AUX OPÉRATEURS EN LIGNE ÉTABLIS HORS DE FRANCE ?

Votre rapporteur souhaiterait, par ailleurs, être assuré que les obligations qui pèsent aujourd'hui sur les opérateurs de jeux en matière de lutte contre le blanchiment puissent être effectivement élargies et appliquées aux opérateurs de jeu en ligne établis dans un autre Etat membre de l'Union européenne . En effet, selon les informations recueillies par votre rapporteur, les obligations françaises en la matière sont plus contraignantes que celles imposées par la majorité des autres Etats membres qui n'assujettissent souvent que les casinos en application des obligations communautaires minimales et des recommandations du Groupe d'action financière (GAFI).

Se pose, en outre, la question de l'articulation des compétences en la matière de l'ARJEL, chargée du contrôle des opérateurs en ligne, avec :

- d'une part, celles du service central des courses et jeux de la direction centrale de la police judiciaire qui sera chargé du contrôle du respect des obligations des opérateurs historiques ;

- d'autre part, celles de la commission nationale des sanctions .

Votre commission a adopté un amendement du Gouvernement portant article additionnel avant l'article 17 du présent projet de loi répondant à ces interrogations.

Il a, en outre, proposé à la commission, qui l'a adopté, un amendement de précision rédactionnelle et de cohérence.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 14 - Moyens mis en oeuvre pour protéger les données à caractère personnel et la vie privée des joueurs

Commentaire : le présent article prévoit que les entreprises sollicitant un agrément doivent, d'une part, justifier des moyens qu'elles entendent mettre en place afin d'assurer la protection des données à caractère personnel et relatives à la vie privée des joueurs et, d'autre part, mettre en place une procédure de réclamation gratuite.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. LA PROTECTION DES DONNÉES À CARACTÈRE PERSONNEL

Le premier alinéa du présent article précise que les entreprises qui sollicitent un agrément en application de l'article 16 du présent projet de loi doivent justifier des dispositifs qu'elles entendent mettre en place afin de protéger les données à caractère personnel qu'elles seront amenées à recueillir auprès des joueurs, ainsi que la vie privée de ces derniers .

D'après les informations recueillies par votre rapporteur, ces dispositifs recouvrent notamment :

- l'obligation imposée aux opérateurs, en application de l'article 15 du présent projet de loi, de faire état des modalités suivant lesquelles ils recueilleront le consentement exprès du joueur afin que les données personnelles le concernant puissent faire l'objet d'utilisations autres que celles nécessaires au contrôle des autorités publiques ;

- les dispositions des articles 39 et 40 de la loi n° 78-17 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés qui imposent aux opérateurs d'informer le joueur de son droit d'accès et de rectification des données personnelles le concernant ;

- et, de façon plus générale, les mécanismes de sécurisation des procédures d'inscription et de connexion sur le site de l'opérateur, les mécanismes de sécurisation et de confidentialité des procédures de paiement en ligne ou encore les mesures prises pour garantir qu'un nombre limité d'agents de l'opérateur puissent accéder à ces données.

B. LA MISE EN PLACE D'UNE PROCÉDURE DE RÉCLAMATION GRATUITE

Le second alinéa du présent article dispose en outre que les entreprises qui sollicitent un agrément doivent également proposer une procédure de réclamation gratuite .

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, cette procédure est destinée à répondre à deux types de litiges :

- un litige ayant trait aux opérations de jeu : l'issue d'un événement hippique ou sportif support d'un pari ou la régularité d'une partie de poker ;

- un litige sur les transferts financiers associés : le montant d'une somme engagée par le joueur ou le montant d'un gain auquel le joueur ou le parieur pense avoir droit.

Aucune obligation précise ne pèse sur les opérateurs quant aux modalités concrètes de réclamation proposées aux joueurs. Néanmoins les opérateurs seront incités à mettre à la disposition des joueurs un formulaire de réclamation en ligne précis et devront s'engager à répondre à ces réclamations dans un délai déterminé, par le biais d'une assistance accessible à partir de leur site ou d'un accueil téléphonique.

L'article 15 du présent article prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent article.

*

* *

L'Assemblée nationale a adopté le présent article sans modification.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur approuve les mesures proposées par le présent article. Plusieurs dispositions du présent projet de loi imposent en effet aux opérateurs de recueillir auprès des joueurs des informations à caractère personnel afin notamment de remplir leurs obligations en matière de traçabilité et de lutte contre la fraude et le blanchiment d'argent. Les dispositions du présent article, de même que de nombreuses autres dispersées dans le présent projet de loi (aux articles 15, 20 et 29), constituent une contrepartie nécessaire à ces obligations et à la protection de la vie privée des joueurs, ceci d'autant plus que l'article 22 du présent projet de loi prévoit l'archivage de certaines de ces données.

En particulier, le présent article répond aux obligations posées par l'article 34 de la loi précitée du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à savoir que : « Le responsable du traitement est tenu de prendre toutes précautions utiles, au regard de la nature des données et des risques présentés par le traitement, pour préserver la sécurité des données et, notamment, empêcher qu'elles soient déformées, endommagées, ou que des tiers non autorisés y aient accès ».

Votre commission a adopté, sur proposition de votre rapporteur, un amendement tendant à spécifier cette référence à la loi « Informatique et libertés » dans le présent article.

De façon plus générale, il rappelle que si la présente loi ne requiert pas, avant son entrée en vigueur, l'avis de la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) - celle-ci ne créant pas de fichiers automatisés de données -, en revanche, différents décrets d'application nécessiteront une consultation de cette dernière. La CNIL a, par ailleurs, été consultée sur l'avant-projet de loi.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 15 - Définition du cahier des charges précisant les obligations posées aux entreprises candidates à l'agrément

Commentaire : le présent article prévoit que les obligations prévues aux chapitres III et III bis du présent projet de loi et incombant aux entreprises sollicitant un agrément sont précisées au sein d'un cahier des charges dont les clauses sont approuvées par un décret en Conseil d'Etat.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article confie au pouvoir réglementaire le soin de préciser, au sein d'un cahier des charges, dont les clauses sont approuvées par un décret en Conseil d'Etat, les obligations imposées aux entreprises sollicitant un agrément définies aux articles 10 à 14 du présent projet de loi, ainsi que leurs modalités de contrôle.

Il est précisé qu'un cahier des charges est élaboré spécifiquement pour chaque catégorie de jeux ou de paris.

Le décret mentionné dans le présent article précisera également les conditions de recueil du consentement des joueurs quant à l'utilisation des données personnelles les concernant à des fins autres que de contrôle par la puissance publique. La directive communautaire 95/46 du 24 octobre 1995 prévoit en la matière que le consentement doit être une manifestation de volonté libre, spécifique et informée par laquelle la personne concernée accepte que des données personnelles la concernant fassent l'objet d'un traitement.

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur, un amendement de clarification rédactionnelle tendant à préciser :

- d'une part, qu'un décret en Conseil d'Etat définit les obligations prévues aux articles 10 à 14 du présent projet de loi, ainsi que les conditions de recueil du consentement des joueurs quant à l'utilisation des données personnelles les concernant à des fins autres que de contrôle par la puissance publique ;

- d'autre part, que les éléments constitutifs de la demande d'agrément sont établis par un cahier des charges approuvé par le ministre de l'intérieur, le ministre chargé du budget, le ministre chargé de l'agriculture et le ministre chargé des sports, sur proposition de l'ARJEL.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur approuve les dispositions du présent article et la clarification rédactionnelle opportune de la commission des finances de l'Assemblée nationale.

Il semble, en effet, à votre rapporteur que les dispositions des articles 10 à 14 sont suffisamment précises pour que l'ARJEL rédige, sur cette base, un cahier des charges qui sera ensuite arrêté par les ministres concernés. Le cahier des charges pourra ainsi fixer la liste des informations que les entreprises sollicitant un agrément doivent fournir à l'ARJEL, de même que les pièces justificatives qui devront être jointes au dossier d'agrément.

S'agissant de la suppression de la mention selon laquelle un cahier des charges doit être élaboré par type de jeu et de pari, elle semble se justifier dans la mesure où les éléments constitutifs de la demande d'agrément seront les mêmes pour tous les candidats. Les éléments de différenciation viendront, en revanche, des réponses apportées par les opérateurs sollicitant l'agrément.

Le décret en Conseil d'Etat prévu par le présent article devant indiquer les conditions de recueil du consentement des joueurs quant à l'utilisation des données personnelles les concernant à des fins autres que de contrôle, votre rapporteur avait souhaité préciser que ce décret est pris après consultation de la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Cependant, ce décret portant également sur des dispositions ne nécessitant pas un avis de la CNIL, et le Gouvernement s'étant engagé à veiller, pour celles concernées, au respect de la loi « Informatique et libertés », votre rapporteur a retiré son amendement.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article sans modification.

CHAPITRE IV - RÉGIME DE DÉLIVRANCE DES AGRÉMENTS

ARTICLE 16 - Délivrance des agréments par l'Autorité de régulation des jeux en ligne

Commentaire : le présent article définit la procédure d'agrément des opérateurs de jeux ou de paris en ligne par l'ARJEL.

I. L'AGRÉMENT DES OPÉRATEURS DE JEUX OU DE PARIS EN LIGNE

A. LES CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES

Le I du présent article vise à donner à l'ARJEL la responsabilité de délivrer l'agrément pouvant bénéficier aux opérateurs de jeux ou de paris en ligne mentionnés aux articles 6, 7 et 9 du projet de loi (relatifs, respectivement, aux paris hippiques, aux paris sportifs et aux jeux de cercle).

Le texte proposé distingue les agréments par type de jeux ou paris . Un même opérateur devrait donc obtenir trois agréments s'il souhaitait être actif à la fois sur les paris hippiques, les paris sportifs et les jeux de cercle en ligne.

Cet agrément serait délivré pour une durée de cinq ans, renouvelable . Il ne serait pas cessible.

Il est également proposé de subordonner l'agrément au respect par le bénéficiaire du cahier des charges qui lui est applicable ainsi que des autres obligations découlant du présent projet de loi.

B. LES RESTRICTIONS GÉOGRAPHIQUES

Le premier alinéa du II du présent article tend à ce que les demandes d'agrément ne puissent être faites que par des opérateurs de jeux ou de paris en ligne dont le siège social est établi soit dans un Etat membre de la Communauté européenne, soit dans un autre Etat partie à l'Espace économique européen (EEE) ayant conclu avec la France une convention contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales. Ainsi, outre les Etats membres de la Communauté européenne, des opérateurs établis en Norvège ou en Islande pourraient effectuer une demande d'agrément. En revanche, si le Liechtenstein a signé avec la France une telle convention le 22 septembre 2009, celle-ci n'a pas encore été ratifiée et n'est donc pas encore « conclue » stricto sensu .

Par ailleurs, le deuxième alinéa du II du présent article vise à exclure du champ d'application des dispositions précédentes les opérateurs dont le siège social est établi dans un « territoire non soumis à l'application des obligations de coopération administrative et d'assistance mutuelle s'imposant aux Etats membres de la Communauté européenne ». Cela concerne des territoires qui, bien que dépendant formellement d'un Etat membre de la Communauté européenne, disposent de facto d'une souveraineté fiscale. Parmi ces territoires, certains ont récemment paraphé ou signé avec la France une convention permettant l'application de la législation fiscale des parties qui reste en attente de ratification, d'autres ne l'ayant pas encore fait.

Le troisième alinéa du II propose enfin d'instaurer un critère d'exclusion géographique supplémentaire , relatif au lieu d'établissement de la personne qui contrôle l'opérateur. L'exclusion d'agrément pourrait ainsi s'appliquer (sans que cela soit obligatoire) aux opérateurs de jeux ou paris en ligne placés sous le contrôle d'une entreprise située dans un Etat extérieur à la Communauté européenne non lié à la France par une convention contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ou dans un territoire non soumis à l'application des obligations de coopération administrative et d'assistance mutuelle s'imposant aux Etats membres de la Communauté européenne.

C. L'OCTROI, LE REFUS ET LA RÉVISION DE L'AGRÉMENT

Le III du présent article impose à l'ARJEL de motiver toute décision de refus d'agréer un opérateur, ou de renouveler un agrément. Les motifs de refus , explicitement énumérés, sont les suivants :

- l'incapacité du demandeur à faire face durablement aux obligations attachées à son activité ;

- des nécessités liées à la sauvegarde de l'ordre public , qui est une notion bien précisée par la jurisprudence administrative ;

- une sanction prononcée par l'ARJEL à l'encontre de l'opérateur , conformément aux dispositions de l'article 35 du présent projet de loi (par exemple le retrait de l'agrément pour un autre type de jeu ou de pari) ;

- une condamnation pénale de l'entreprise, de son propriétaire, de ses dirigeants ou de ses mandataires sociaux relevant des catégories énumérées par un décret en Conseil d'Etat.

En outre, aux termes du IV de cet article, les décisions d'octroi de l'agrément doivent également indiquer les caractéristiques de l'offre de jeux ou de paris en ligne autorisée, ainsi que, le cas échéant, les obligations particulières imposées au titulaire, compte tenu des spécificités de son offre de jeux ou paris et de son organisation, pour permettre l'exercice du contrôle de son activité par l'ARJEL.

Le V du présent article, tirant les conséquences de ces obligations, dispose que l'entreprise candidate communique sans retard à l'ARJEL toute modification apportée aux informations constitutives de la demande d'agrément. Le cas échéant, l'autorité pourra imposer à l'entreprise, compte tenu de l'ampleur de ces modifications, de déposer une nouvelle demande d'agrément.

Enfin, le VI du présent article tend à renvoyer à un décret en Conseil d'Etat les modalités de délivrance des agréments, notamment, en harmonie avec les dispositions du III précité, les catégories de condamnations pénales regardées comme incompatibles avec l'exercice des activités soumises à agrément.

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

La commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté :

- deux amendements rédactionnels à l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur, avec l'avis favorable du Gouvernement ;

- à l'initiative du Gouvernement et avec l'avis favorable du rapporteur, un amendement introduisant un V bis au sein de cet article, imposant à l'ARJEL d'établir et de tenir à jour la liste des opérateurs de jeux ou de paris en ligne titulaires de l'agrément prévu au I , en précisant les catégories de jeux ou de paris autorisées. Cette liste devrait être publiée au Journal officiel ;

- à l'initiative du rapporteur et avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement introduisant un V ter au sein de cet article, tendant à ce que, lors de la procédure d'examen des demandes d'agrément, l'ARJEL prenne en considération, le cas échéant, les exigences, la surveillance réglementaire et le régime des sanctions auxquels est déjà soumis l'opérateur dans son Etat d'établissement pour une même catégorie de jeux ou de paris en ligne , dans l'hypothèse où il y opère légalement.

En outre, à l'initiative de notre collègue député Yves Censi, et avec les avis défavorables de la commission et du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté, en séance publique, un amendement insérant deux alinéas complétant le IV du présent article et :

- limitant, d'une part, l'octroi de l'agrément aux personnes , autres que les sociétés monopolistiques traditionnelles, n'ayant eu aucune activité d'opérateur de jeux ou de paris en ligne à destination de joueurs résidant en France à compter de la promulgation de la présente loi . Il est à noter que cette interdiction n'est pas bornée dans le temps et se voudrait donc définitive ;

- suspendant, d'autre part, l'octroi de l'agrément aux personnes ayant eu une activité d'opérateurs de jeux ou de paris en ligne à destination de joueurs résidant en France préalablement à la promulgation de la présente loi (à l'exception, là encore, des actuelles sociétés monopolistiques), jusqu'à la fourniture par ceux-ci de la justification de la clôture des comptes de ces joueurs .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur approuve l'esprit des dispositions de cet article.

En particulier, la durée de cinq ans fixée pour les agréments délivrés par l'ARJEL lui semble opportune et paraît compatible avec l'amortissement des investissements que devront réaliser les nouveaux entrants pour s'installer sur ce marché.

De même, l'encadrement des conditions d'octroi ou de refus de l'agrément par l'ARJEL est adéquat. Le refus devrait ainsi être motivé et reposer sur des fondements précis. Votre rapporteur a obtenu l'assurance que le décret visé au VI de cet article définira un délai de réponse de l'ARJEL relativement bref aux demandes d'agrément. La liste envisagée des infractions justifiant le refus d'agrément lui a également été transmise et est reproduite dans l'encadré ci-dessous.

Liste envisagée des condamnations pénales regardées comme incompatibles
avec le statut d'opérateur agréé (extrait du projet de décret)

Nul ne peut, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, solliciter l'agrément prévu aux dispositions des articles 10 et 16 de la loi n°.... du .... susvisée s'il a fait l'objet depuis moins de dix ans d'une condamnation définitive :

1° Par une juridiction française, pour crime ou pour les délits dont la liste suit :

a) Infractions prévues aux titres I et II du livre III du code pénal :

- vol, extorsion ;

- escroquerie, chantage ;

- abus de confiance, détournement de gage ou d'objet saisi ;

- organisation frauduleuse d'insolvabilité ;

- recel, non justification de ressources ;

b) Blanchiment ;

c) Corruption active ou passive, trafic d'influence, soustraction et détournement de biens ;

d) Faux, falsification de titres ou autres valeurs fiduciaires émises par l'autorité publique, falsification des marques de l'autorité, et usage de tel faux ;

e) Participation à une association de malfaiteurs ;

f) Trafic de stupéfiants ;

g) Proxénétisme ;

h) Travail illégal, emploi et hébergement contraires à la dignité humaine ;

i) Infractions prévues au titre IV du livre II du code de commerce :

- distribution de dividendes fictifs ;

- présentation de comptes inexacts ;

- abus de biens sociaux, abus de pouvoirs ;

j) Banqueroute ;

k) Pratique de prêt usuraire ;

l) Infraction aux lois et règlements portant prohibition des loteries, de l'offre publique de paris hippiques, de la tenue de maisons de jeux de hasard et de l'offre publique de jeux ou de paris en ligne ;

m) Infraction à la législation et à la réglementation des relations financières avec l'étranger ;

n) Fraude fiscale ;

o) Violation d'interdiction de gérer, ou d'interdiction professionnelle ;

p) Complicité de ces délits.

2° Par une juridiction étrangère, pour une infraction équivalente ou de même nature.

Source : ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat

Votre rapporteur observe la relative homogénéité du dispositif envisagé avec d'autres régimes d'incompatibilités, en particulier celui défini à l'article L. 500-1 du code monétaire et financier.

Votre rapporteur approuve également le principe de restriction géographique tant pour les opérateurs qui sollicitent un agrément que pour les sociétés qui les contrôlent. En effet, du fait de la nature même des jeux, les questions de la transparence des flux financiers et de l'application de la législation fiscale sont essentielles. Cependant, du fait de l'évolution de la législation en la matière depuis le dépôt du présent projet de loi, des précisions doivent être apportées. Il convient ainsi de viser la liste des Etats et territoires non coopératifs (ETNC) introduite dans le code général des impôts par l'article 22 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009. Votre commission a adopté un amendement en ce sens.

Par ailleurs, votre rapporteur comprend bien la démarche ayant conduit l'Assemblée nationale à traiter le problème particulier des conditions d'agrément des sites ayant opéré illégalement avant leur agrément. Il est, bien entendu, nécessaire d'assurer une « remise à zéro » des compteurs des opérateurs qui opéreraient illégalement et, de manière générale, de faire en sorte que l'activité illégale antérieure à l'agrément ne crée pas d'avantage concurrentiel excessif par rapport à des acteurs plus vertueux. Toutefois, la rédaction des deux derniers alinéas du IV de cet article risque de poser de très sérieux problèmes et leur conformité à la Constitution est douteuse . En effet :

- d'une part, l'absence de définition d'une durée pour la suspension des opérateurs qui auraient eu une activité illégale en France après la promulgation du présent projet de loi revient, en pratique, à les interdire à jamais. Cette sanction semble manifestement disproportionnée ;

- d'autre part et surtout, ces dispositions reviennent à donner à l'ARJEL, c'est-à-dire à une autorité administrative, la responsabilité de déterminer et de qualifier une infraction de nature pénale , ce qui est du ressort de la seule autorité judiciaire. Par ailleurs, un mécanisme de transmission du dossier au procureur de la République, conformément au principe défini à l'article 40 du code de procédure pénale assorti d'un sursis à statuer sur la demande d'agrément ferait courir un risque à l'Etat, qui pourrait être contraint d'octroyer un dédommagement conséquent aux opérateurs qui seraient finalement innocentés au terme d'une longue procédure.

C'est pourquoi votre commission, sur proposition de votre rapporteur, a estimé préférable de supprimer ces deux alinéas , d'autant que les dispositions du troisième alinéa de l'article 12 du présent projet de loi imposent déjà aux opérateurs agréés de démontrer que l'ensemble de leurs comptes joueurs ou parieurs ont été créés après l'agrément. Il sera également proposé de renforcer de manière notable le dispositif de sanctions à l'encontre des offres de jeux ou de paris au public sans agrément prévu à l'article 47 de ce texte.

Enfin, votre commission a adopté, toujours sur proposition de votre rapporteur, un amendement de portée rédactionnelle afin d'éviter une redondance entre les alinéas 7 et 14 du présent article.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

CHAPITRE V - LES OBLIGATIONS DES OPÉRATEURS AGRÉÉS DE JEUX EN LIGNE ET LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT

Par coordination avec l'amendement adopté, sur proposition du Gouvernement, à l'intitulé du chapitre III bis du présent projet de loi, et avec l'adoption, également sur proposition du Gouvernement, de l'article 17 A ci-dessous, la commission a adopté un amendement du Gouvernement tendant à compléter l'intitulé du présent chapitre par une mention relative à la lutte contre le blanchiment.

ARTICLE 17 A (nouveau) (Art. L. 561-2, L. 561-36, L. 561-37 et L. 561-38 du code monétaire et financier) - Clarification et harmonisation du régime de lutte contre le blanchiment applicable aux opérateurs de jeux

Commentaire : le présent article, adopté à l'initiative du Gouvernement, propose d'harmoniser pour tous les opérateurs de jeux les obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Les manquements constatés des opérateurs pourront faire l'objet de sanctions administratives et pécuniaires prises par la commission nationale des sanctions.

I. L'HARMONISATION DES OBLIGATIONS RELATIVES À LA LUTTE CONTRE LA BLANCHIMENT DANS LE SECTEUR DES JEUX

Le présent article additionnel, introduit à l'initiative du Gouvernement avec l'avis favorable de votre rapporteur, entend harmoniser et clarifier la situation des opérateurs de jeux au regard de l'assujettissement, du contrôle et des sanctions de leurs obligations de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, prévues aux articles L. 561-2 à L. 561-22 du code monétaire et financier.

Le du présent article complète ainsi la liste des entreprises soumises à ces obligations de vigilance, de déclaration à la cellule Tracfin et de contrôle interne. Les références aux principaux textes législatifs régissant le secteur des jeux d'argent et de hasard sont précisées afin que les responsables hiérarchiques de tous les opérateurs de jeux , disposant de droits exclusifs ou opérant dans le champ concurrentiel, soient assujettis aux mêmes obligations . Les représentants légaux et directeurs des opérateurs de jeux ou paris en ligne sont également couverts.

Cet assujettissement, justifié par un motif impérieux d'intérêt général visant à préserver l'ordre public, s'impose à tous les opérateurs ayant une activité en France, quel que soit leur pays d'établissement.

Le complète le II de l'article L.561-36 du même code pour désigner l'ARJEL comme autorité de contrôle du respect de ces obligations de lutte anti-blanchiment pour les seuls opérateurs de jeux en ligne . En revanche, ce n'est pas l'ARJEL qui prend les sanctions pour les manquements des opérateurs en ligne.

Le modifie ainsi 2° de l'article L. 561-38 du même code pour prévoir que la commission nationale des sanctions , qui est instituée auprès du ministre chargé de l'économie et est l'autorité de droit commun disposant du pouvoir de sanctionner les infractions constatées en cas de manquement aux obligations précitées, aura compétence pour sanctionner les manquements de tout opérateur de jeux aux obligations de lutte anti-blanchiment. L'ARJEL disposera également d'un droit de saisine directe de cette commission , sans passer par une autorité ministérielle.

Le introduit une mesure de coordination dans les articles L. 561-37 et L. 561-38 précités.

Les sanctions administratives de la commission nationale des sanctions
en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme

Aux termes de l'article L. 561-40 du code monétaire et financier, la commission nationale des sanctions peut prononcer l'une des sanctions administratives suivantes :

« 1° L'avertissement ;

« 2° Le blâme ;

« 3 ° L'interdiction temporaire d'exercice de l'activité pour une durée n'excédant pas cinq ans ;

« 4° Le retrait d'agrément ou de la carte professionnelle.

« La sanction de l'interdiction temporaire d'exercice peut être assortie du sursis. Si, dans le délai de cinq ans à compter du prononcé de la sanction, la personne sanctionnée commet une infraction ou une faute entraînant le prononcé d'une nouvelle sanction, celle-ci entraîne, sauf décision motivée, l'exécution de la première sanction sans confusion possible avec la seconde.

« La commission peut prononcer, soit à la place, soit en sus de ces sanctions, une sanction pécuniaire dont le montant est fixé compte tenu de la gravité des manquements commis et ne peut être supérieur à cinq millions d'euros. Les sommes sont recouvrées par le Trésor public.

« La commission peut décider que les sanctions qu'elle inflige feront l'objet d'une publication aux frais de la personne sanctionnée dans les journaux ou publications qu'elle désigne.

« La commission peut décider de mettre à la charge de la personne sanctionnée tout ou partie des frais occasionnés par les mesures de contrôle ayant permis la constatation des faits sanctionnés. »

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur considère que ces mesures de clarification sont particulièrement bienvenues et conformes aux prescriptions de la « troisième directive » anti-blanchiment du 26 octobre 2005 comme aux objectifs d'ordre public prévus à l'article 1er du projet de loi.

La situation sera donc claire : tous les opérateurs de jeux et paris, en ligne ou « en dur », monopolistiques ou concurrentiels, seront soumis aux mêmes obligations . Celles-ci sont strictes puisqu'elles prévoient notamment des obligations de contrôle interne, de vigilance continue et de déclaration à la cellule Tracfin des opérations suspectes.

L'ARJEL est logiquement désignée comme autorité de contrôle de ces obligations pour les opérateurs relevant de sa compétence, soit les opérateurs en ligne.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 17 - Certification indépendante du respect des dispositions légales et du cahier des charges

Commentaire : le présent article prévoit que tout opérateur agréé doit se soumettre, dans un délai d'un an à compter de l'obtention de son agrément, à une certification réalisée par un organisme qu'il choisit au sein d'une liste, établie par décret après avis de l'ARJEL.

I. LA CERTIFICATION INDÉPENDANTE DE LA CONFORMITÉ AU RÉGIME DES JEUX ET PARIS EN LIGNE

Le présent article prévoit que tout opérateur de jeux ou de paris en ligne agréé par l'ARJEL doit se soumettre, dans un délai d'un an à compter de la date d'obtention de l'agrément , à une certification portant sur son respect des dispositions légales et des clauses générales et spécifiques du cahier des charges prévu à l'article 15 du présent projet de loi.

L'opérateur choisit l'organisme de certification au sein d'une liste établie par décret après avis de l'ARJEL, et assume intégralement le coût de cette certification.

Compte tenu de la diversité géographique des opérateurs potentiels et de la technicité de leurs activités et obligations, qui ont essentiellement trait à des systèmes informatiques, le recours à une telle certification par un organisme extérieur est nécessaire pour consolider l'agrément et la régulation de l'ARJEL.

En effet, nombre d'opérateurs agréés seront vraisemblablement établis hors de France, dans un Etat respectant les conditions fixées aux articles 10 et 12 du présent projet de loi, et pourront disposer d'installations techniques (nonobstant la nécessaire implantation en France du « frontal ») partout dans le monde. L'ARJEL n'aura donc pas les moyens humains ni matériels d'assurer elle-même le contrôle sur place du respect des clauses du cahier des charges ou des dispositions les plus techniques des obligations légales et réglementaires.

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur, et avec l'avis favorable du Gouvernement, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté un amendement qui complète le présent article par deux alinéas tendant à :

- prévoir le principe d'une actualisation annuelle de la certification ;

- harmoniser cette procédure avec celle des sanctions prononcées par l'ARJEL, prévue à l'article 35 du présent projet de loi. Si la certification met en évidence le fait qu'un opérateur ne respecte pas une ou plusieurs clauses du cahier des charges ou manque à ses obligations législatives et réglementaires, l'ARJEL le met en demeure de s'y conformer et de se soumettre à une nouvelle certification dans les conditions prévues au II de l'article 35 précité, soit dans un délai d'un mois.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur approuve le principe d'une certification par un organisme extérieur, qui viendra appuyer techniquement la mission de régulation de l'ARJEL, comme les dispositions insérées par l'Assemblée nationale, qui permettent de renforcer la continuité et la permanence du respect par les opérateurs de leurs obligations.

La liste des organismes de certification devra être établie avec soin sur proposition de l'ARJEL. Il s'agira d'organismes disposant d'une compétence, d'une expérience et d'une indépendance reconnues au niveau international, dont le rôle peut être rapproché de celui joué par les entreprises de certification de comptes ou de normes de sécurité et de qualité.

A l'initiative du Gouvernement, et avec l'avis favorable de votre rapporteur qui l'a sous-amendé, la commission a adopté un amendement tendant à sécuriser la procédure de certification .

Celle-ci comprend donc deux étapes : outre la certification dans les douze mois de l'agrément, il est prévu une première certification de la conformité du « frontal » (soit le support d'archivage des données de jeux), qui est un élément technique déterminant dans l'octroi de l'agrément. Cette certification doit ainsi être réalisée dans les six mois qui suivent la mise en fonctionnement de ce matériel .

En outre et conformément au souhait de votre rapporteur qui avait proposé deux amendements en ce sens, cet amendement précise que la certification est réalisée par un organisme indépendant et que l'opérateur doit transmettre à l'ARJEL un document attestant de cette certification .

Enfin à l'initiative de votre rapporteur, la commission a adopté un sous-amendement qui précise que les opérateurs agréés doivent également se conformer en permanence aux obligations requises pour l'obtention de l'agrément , prévues par les articles 10 à 14 du présent projet de loi ( cf. commentaire de l'article 12).

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 18 - Obligation de mettre en place un site Internet comportant l'extension « .fr »

Commentaire : le présent article prévoit que tout opérateur agréé par l'ARJEL doit mettre en place un site Internet dédié comportant la terminaison « .fr », ainsi qu'une « fenêtre surgissante » avertissant le joueur que le jeu est interdit aux mineurs. Un dispositif de reconnexion automatique vers ce site a également été introduit.

I. LE SITE INTERNET « .FR », INSTRUMENT ESSENTIEL D'IDENTIFICATION DE L'OFFRE LÉGALE DE JEUX OU PARIS

Le présent article impose aux opérateurs agréés par l'ARJEL de mettre en place, pour proposer au public des jeux ou paris, un site Internet dédié exclusivement accessible par un nom de domaine de premier niveau comportant une extension « .fr » . Dans le système d'attribution des noms de domaines (en anglais DNS - « domain name system »), le nom de premier niveau est le suffixe figurant au sommet de la hiérarchie des noms de domaine. Il peut être :

- générique lorsqu'il correspond à une caractéristique autre que géographique, par exemple « .com » pour les sites à vocation commerciale internationale, « .gov » (« . gouv » en France) pour les sites gouvernementaux, ou « .org » pour les sites d'institutions publiques nationales ou internationales ;

- ou géographiquement associé, comme c'est le cas dans le présent article, à un Etat ou un territoire indépendant, en l'espèce la France pour un site en « .fr ».

La seconde phrase du présent article prévoit que les conditions de connexion de tout joueur à ce site sont fixées par voie réglementaire.

Les sites des opérateurs agréés ne pourront pas recourir à des suffixes français relevant de collectivités territoriales d'outre-mer , par exemple « .re » pour la Réunion ou « .nc » pour la Nouvelle-Calédonie.

L'objectif de cette disposition est bien de s'assurer qu'aux activités de jeux ou paris proposées par un opérateur et agréées en France ne corresponde qu'un seul site Internet accessible sur le territoire, et donc de différencier cette offre en ligne de celle qui n'a pas été agréée . Un opérateur multi-activités agréé en France devra donc réserver à un autre site Internet, généralement le même nom de domaine mais comportant l'extension « .com », l'offre de jeux qui n'est pas comprise dans le périmètre de l'agrément, telle que les loteries, jeux de grattage et jeux de casinos en ligne .

Le nom de domaine en « .fr » n'implique pas que les serveurs du site soient installés en France mais, conformément à l'article 22 du présent projet de loi, que l'installation d'archivage de toutes les données relatives à ce site (soit le « frontal ») soit établie en France métropolitaine.

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Cet article a été substantiellement modifié par la commission des finances de l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur au fond, et avec l'avis favorable du Gouvernement. Un dispositif de « routage » automatique des joueurs vers le site « .fr » a ainsi été introduit, que le Conseil d'Etat avait originellement considéré comme de nature réglementaire et qui met en oeuvre un double critère de localisation géographique de la connexion et d'identification du joueur.

Le présent article dispose ainsi que sont redirigées vers ce site dédié toutes les connexions sur une adresse d'un site de l'opérateur ou de l'une de ses filiales - soit un autre site que celui comportant l'extension « .fr » - et qui :

- proviennent d'un terminal de consultation situé sur le territoire français (tant métropolitain qu'outre-mer). Ce critère géographique couvre tous les joueurs qui se connectent en France à un site non autorisé d'un opérateur agréé, le cas échéant sans s'être déjà inscrits sur le site « .fr » de cet opérateur ;

- ou sont réalisées, après identification du joueur, au moyen d'un compte de joueur résidant en France . Il s'agit d'assurer la reconnexion automatique d'un joueur (français ou non) qui est déjà identifié auprès du site « .fr » et se connecte à un site non agréé du même opérateur, en France ou à l'étranger.

Trois amendements ont également été adoptés lors de l'examen en séance plénière :

- deux amendements de précision rédactionnelle , à l'initiative de M. Jean-François Lamour ;

- à l'initiative de Mme Valérie Fourneyron et de MM. Jean-Michel Clément et Gérard Bapt, et avec l'avis de sagesse du Gouvernement et du rapporteur, une disposition prévoit, par analogie avec le contrôle d'identité à l'entrée des casinos, que les opérateurs font apparaître sur leur site, avant toute publicité et toute connexion effective audit site, une « fenêtre surgissante » (soit un « pop-up ») destinée aux mineurs afin de les informer que les jeux d'argent et de hasard leur sont interdits . Il a également été inséré une disposition selon laquelle la date de naissance est exigée à chaque visite du site.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur est naturellement très favorable à ce dispositif, qui permet, via le principe d'un site Internet dédié, d'établir une cohérence entre le périmètre de l'agrément et le contenu du site accessible aux joueurs entrant dans le champ du présent projet de loi.

Les nouvelles obligations insérées par l'Assemblée nationale - « fenêtre surgissante », inscription de la date de naissance à chaque connexion et redirection automatique vers le site autorisé - apportent également des garanties forte de canalisation de l'offre de jeux et paris vers les publics et opérations autorisés.

En revanche, elles n'empêcheront pas les joueurs de se connecter à des sites « sauvages » d'opérateurs non agréés, puisque ces derniers ne disposeront pas d'un site autorisé comportant le suffixe « .fr ». De même, l'efficacité de la fenêtre surgissante est dans les faits réduite dans la mesure où la plupart des logiciels d'accès à Internet permettent à l'internaute de bloquer les « pop-ups », et il est donc préférable de prévoir le principe d'un bandeau ou message sur la page d'accueil du site, avertissant le joueur, lors de chaque connexion, que les jeux et paris en ligne sont interdits aux mineurs.

Cette disposition étant déjà prévue par l'article 3 du présent projet de loi tel que modifié par votre commission, votre commission a adopté, sur proposition de votre rapporteur, un amendement tendant à supprimer les dispositions du présent article relatives à la fenêtre surgissante et à l'inscription de la date de naissance lors de chaque connexion.

Elle a également adopté, toujours sur proposition de votre rapporteur, un amendement modifiant la structure du présent article afin d'en améliorer la lisibilité.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 19 - Interdiction de la vente à perte et obligations comptables des opérateurs agréés

Commentaire : le présent article prévoit que les opérateurs de jeux ou paris en ligne agréés par l'ARJEL ne peuvent proposer un taux de retour aux joueurs artificiellement élevé et sont soumis à des obligations de séparation comptable des activités agréées comme de transmission à l'ARJEL de leurs comptes annuels.

I. LES OBLIGATIONS CONCURRENTIELLES ET COMPTABLES DES OPÉRATEURS AGRÉÉS

A. L'INTERDICTION DU « DUMPING » COMMERCIAL

Le I du présent article interdit aux opérateurs agréés de jeux ou de paris en ligne d'offrir un taux moyen de retour aux joueurs (TRJ) artificiellement élevé , c'est-à-dire un TRJ qui ne permettrait pas à l'opérateur de couvrir ses coûts de production et de commercialisation et d'acquitter les prélèvements publics auxquels il est légalement soumis. Une telle pratique est prohibée quand bien même le TRJ proposé serait conforme au plafonnement défini par le décret prévu à l'article 8 ( cf. commentaire y afférent).

Une telle interdiction est logique en ce que la pratique en cause s'apparente à une offre de services à un prix abusivement bas, prohibée par l'article L. 420-5 du code de commerce, qui prévoit que « sont prohibées les offres de prix ou pratiques de prix de vente aux consommateurs abusivement bas par rapport aux coûts de production, de transformation et de commercialisation , dès lors que ces offres ou pratiques ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'éliminer d'un marché ou d'empêcher d'accéder à un marché une entreprise ou l'un de ses produits ».

La vente à perte est bien une pratique anticoncurrentielle dès lors qu'elle a pour objet d'évincer les concurrents du marché par une politique tarifaire agressive et non soutenable à terme, et est à ce titre sanctionnée par l'Autorité de la concurrence . De fait, l'article 30 du présent projet de loi dispose que l'ARJEL peut saisir cette dernière pour avis, notamment, « en vue d'établir l'existence d'une pratique prohibée par l'article L. 420-5 du code de commerce, de manquements aux obligations définies » au présent article.

L'article L. 420-5 précité dispose également que « les coûts de commercialisation comportent (...) impérativement tous les frais résultant des obligations légales et réglementaires liées à la sécurité des produits », ce qui dans le cas des jeux et paris en ligne couvre les prélèvements publics.

B. DES OBLIGATIONS COMPTABLES SPÉCIFIQUES

Le II du présent article prévoit que les opérateurs agréés doivent tenir une comptabilité séparée pour, d'une part, chacun des jeux et paris autorisés qu'ils proposent, et d'autre part, leurs autres activités exercées en France ou à l'étranger. L'identification distincte des activités agréées en France trouve ainsi sa traduction dans la comptabilité des opérateurs, voire dans leur organisation s'ils choisissent de recourir à la filialisation.

Par équité de traitement, les entreprises autorisées à proposer des paris hippiques ou sportifs « en dur » doivent établir des comptes séparés pour ces activités et pour chaque jeu ou pari en ligne pour lesquels elles ont obtenu un agrément. Sont ainsi concernés :

- la Française des jeux pour le loto sportif , autorisé par l'article 42 de la loi de finances pour 1985 ;

- les sociétés de course et le PMU pour les paris hippiques , dont le régime est fixé par l'article 5 de la loi du 2 juin 1891 précitée ;

- ces mêmes sociétés de course habilitées à collecter, dans l'enceinte de leur hippodrome, des paris sur des parties de pelote basque, en application de l'article 68 de la loi du 12 avril 1996.

Le second alinéa du II dispose que ces comptes séparés doivent être annuellement transmis à l'ARJEL , comme doivent l'être les comptes annuels des opérateurs qui ne sont pas légalement tenus de les publier.

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur, et avec l'avis favorable du Gouvernement, la commission des finances de l'Assemblée nationale a supprimé le I du présent article , au motif que cette interdiction de la vente à perte est superflue au regard des dispositions de portée générale de l'article L. 420-5 du code de commerce, précité.

A l'initiative du Gouvernement, la commission a également adopté un amendement qui simplifie et clarifie la rédaction du premier alinéa du II en harmonisant l'obligation de ségrégation comptable , sans distinguer le cas des « opérateurs historiques ». Il prévoit ainsi que « toute entreprise exerçant, dans le secteur des jeux et des paris en ligne, une ou plusieurs des activités régies par la présente loi établit, dans sa comptabilité interne, des comptes séparés au titre respectivement des jeux et paris proposés dans le cadre des agréments délivrés au titre de la présente loi et au titre des autres activités de l'entreprise en France et à l'étranger ».

Cet amendement a également précisé l'obligation de transmission des comptes annuels à l'ARJEL, en prévoyant que ceux-ci doivent être certifiés par un commissaire aux comptes et sont transmis après la clôture de chaque exercice.

Lors de l'examen en séance de cet article, l'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel à l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour. A l'initiative de nos collègues députés Jacques Myard et Dominique Caillaud et avec l'avis favorable du Gouvernement, elle a également inséré un III qui prévoit le principe d'une redevance due par les opérateurs agréés de paris hippiques en ligne en contrepartie de la mission d'organisation des courses.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur approuve les obligations introduites par le présent article et la nouvelle rédaction qu'en a proposée l'Assemblée nationale. La suppression du I relatif à l'interdiction du « dumping » ou de la vente à perte est opportune et il convient en la matière de faire référence au droit commun du code de commerce . La création d'une infraction spécifique aux jeux en ligne serait en effet superfétatoire et induirait un risque d'interprétation par a contrario .

Le principe d'une ségrégation comptable des activités est tout à fait logique et est déjà appliqué par les casinos. L'objectif de cette comptabilité séparée est notamment de faciliter le contrôle de l'ARJEL, en particulier sur l'encadrement du TRJ, et de lui permettre de disposer d'une vision consolidée du chiffre d'affaires réalisé en France par type de jeu ou pari autorisé. Pour autant, il ne s'agira pas d'un contrôle de conformité des comptes , qui figurait originellement dans l'article 24 du présent projet de loi mais que l'Assemblée nationale a opportunément supprimé, l'ARJEL n'ayant effectivement ni les moyens ni la légitimité pour l'exercer.

En revanche, la mention d'une redevance due par les opérateurs de paris hippiques en ligne est contestable , au moins sur le plan formel puisqu'elle ne correspond guère au champ du présent article, mais aussi éventuellement sur le fond car les redevances sont en principe établies par voie réglementaire, quoique de nombreuses exceptions existent. Les services rendus et la mission qui constituent la contrepartie de cette redevance doivent également être juridiquement incontestables et notamment respecter les exigences de la Commission européenne en matière d'aides d'Etat.

Votre commission, sur la proposition de votre rapporteur et du Gouvernement a donc décidé de supprimer cette disposition pour la réinsérer au chapitre VII, qui porte sur les dispositions fiscales, dans un article additionnel après l'article 43 du présent projet de loi .

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

CHAPITRE V BIS  - LA LUTTE CONTRE L'ADDICTION AU JEU

L'Assemblée nationale a introduit, à l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur, un nouveau chapitre V bis relatif à la lutte contre l'addiction au jeu.

ARTICLE 20 - Obligations imposées aux opérateurs de jeux en matière de protection des populations vulnérables et de prévention de l'addiction

Commentaire : le présent article impose aux opérateurs de jeux, d'une part, de faire obstacle à la participation des mineurs et des personnes interdites de jeu et, d'autre part, de mettre en place différentes mesures destinées à prévenir et lutter contre l'addiction.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LES MESURES MISES EN PLACE POUR VEILLER À L'EXCLUSION DES MINEURS ET DES PERSONNES INTERDITES DE JEU

1. L'exclusion des mineurs : des moyens d'action variés selon le secteur de jeu concerné

Comme cela a été indiqué précédemment ( cf . commentaire de l'article 3), l'interdiction faite aux mineurs de participer à des jeux d'argent et de hasard s'impose déjà aujourd'hui aux opérateurs historiques (FDJ, PMU et casinos) qu'il s'agisse, pour les deux premiers, de leur activité dite « en dur » ou de leur activité « en ligne ».

Cette interdiction est posée par différents textes de valeur réglementaire et repose sur des modalités de mise en oeuvre variées selon les secteurs de jeux considérés.

Les plus effectives sont celles mises en place par les casinos puisque ces derniers sont tenus, depuis 2006, de procéder à un contrôle systématique de l'identité des joueurs à l'entrée des salles de jeux.

En revanche, cette obligation ne vaut pas sur les hippodromes et les points de vente du PMU et de la FDJ, alors même que les mineurs ne peuvent pas non plus participer aux jeux et paris qu'ils proposent, en vertu de l'arrêté du 13 septembre 1985 portant règlement du pari mutuel et des décrets en date du 7 mai 2007 relatifs à l'organisation et à l'exploitation des jeux de pronostics sportifs autorisés et à l'organisation et à l'exploitation des jeux de loterie autorisés.

S'agissant de l'offre en ligne du PMU et de la FDJ, ces derniers s'assurent de l'âge du joueur par une demande d'envoi de la photocopie de la carte d'identité du joueur préalablement à l'ouverture effective du compte du joueur.

2. La procédure des interdits de jeu

L'article 14 du décret précité du 13 décembre 2006 modifiant le décret n° 59-1489 du 22 décembre 1959 et relatif aux casinos dispose que l'accès des salles de jeux est non seulement interdit aux mineurs, mais également « aux personnes dont le ministre de l'intérieur a requis l'exclusion » . Les casinos sont les seuls lieux où cette interdiction de jeu est possible, les hippodromes et les points de vente de la FDJ et du PMU n'étant pas concernés par cette mesure.

Toute personne peut ainsi, par une démarche volontaire , demander à se faire interdire l'entrée dans l'ensemble des casinos établis en France. Son nom est alors inscrit sur le « fichier des casinos » (ou « fichier des interdits de jeu ») géré, depuis 1993, par la direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur .

Deux mesures permettent d'assurer le respect de cette liste :

- d'une part, un contrôle systématique de l'identité des joueurs est pratiqué à l'entrée des casinos qui sont, par ailleurs, obligés de tenir à jour un fichier informatique des interdits de jeu conforme à celui du ministère de l'intérieur ;

- d'autre part, les casinos n'ont pas le droit de reverser leurs gains aux personnes interdites de jeu.

La procédure d'interdiction de jeu en France

1° Le joueur doit adresser sa demande par lettre manuscrite à la direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur ;

2° Le joueur est alors convoqué par le service local de la police des jeux qui est chargé de contrôler le caractère volontaire de la démarche du joueur ;

3° Le joueur est inscrit sur le fichier des interdits de casinos dont la mise à jour est effectuée tous les deux mois ;

4° Si la rétractation est possible pendant toute la durée de la procédure, l'interdiction est ensuite irrévocable pendant 3 années. A l'issue de cette période, une désinscription peut être demandée.

Source : commission des finances

Si un joueur souhaite se voir interdire l'entrée dans un établissement en particulier, il peut également demander à être inscrit sur le fichier des personnes « à ne pas recevoir » (ANPR) que mettent en place certains casinos de leur propre initiative.

En dehors de ces interdits volontaires , sont également frappés de refus d'admission : les personnes placées sous tutelle ou curatelle , sur la demande de leur représentant légal, et certains condamnés sur la demande du juge d'application des peines.

Au mois d'octobre 2009, le nombre d'interdits de jeu s'élevait à 34.265 joueurs .

B. LES MESURES PROPOSÉES AUJOURD'HUI PAR LA FDJ, LE PMU ET CERTAINS CASINOS EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE L'ADDICTION

S'agissant de la prévention du jeu excessif, le débat sur la dépendance au jeu s'est amorcé seulement récemment en France, notamment à la suite des travaux de contrôle de votre rapporteur. Ce débat a conduit les opérateurs de jeux historiques à prendre différentes initiatives en ce domaine, qu'il s'agisse d'actions d'information, de prévention ou de formation de leurs personnels .

Le syndicat « Casinos de France » a ainsi financé l'association « SOS joueurs » en 1990 et a entrepris avec celle-ci une collaboration pour sensibiliser le personnel des casinos au jeu excessif et proposer aux joueurs pathologiques des services d'information et d'assistance. Certains grands groupes ont également créé leur propre structure et numéro d'appel pour conseiller les joueurs en difficultés ou former des « personnes référentes » parmi leur personnel d'encadrement pour repérer et informer les joueurs excessifs.

Les actions mises en oeuvre par la FDJ en matière de jeu responsable sont plus récentes. Elles prennent la forme d'une « charte éthique » disponible sur le site Internet de la FDJ ou de mesures de modération de jeu, par exemple en ce qui concerne le jeu Rapido (abaissement du plafond de la mise maximale et du nombre de tirages auquel donne droit un bulletin de jeu).

Quant au PMU, sa démarche en matière de lutte contre l'addiction est également récente et consiste notamment à diffuser un slogan sur le jeu responsable sur les différents bordereaux de jeu ou publications du PMU, ainsi qu'un renvoi à un numéro d'assistance et au site Internet de l'association « SOS joueurs ».

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article retrace les obligations imposées aux opérateurs agréés en matière de protection des populations vulnérables (alinéa 1) et de prévention de l'addiction (alinéa 2).

A. LES OBLIGATIONS IMPOSÉES AUX OPÉRATEURS EN MATIÈRE DE PROTECTION DES POPULATIONS VULNÉRABLES

Le premier alinéa du présent article pose, tout d'abord, une obligation de résultat aux opérateurs qui seront agréés en vertu de l'article 16 du présent projet de loi : ces derniers devront faire obstacle à la participation :

- d'une part, des mineurs, qui sont interdits de jeu en application de l'article 3 du présent projet de loi ;

- d'autre part, des personnes interdites de jeu en vertu de la réglementation en vigueur , soit les personnes placées sous tutelle ou curatelle en application de la loi précitée du 3 janvier 1968, certains condamnés à la demande du juge d'application des peines et les joueurs qui se sont volontairement inscrits sur le fichier des interdits de jeu.

Pour assurer le respect de cette seconde catégorie de personnes exclues des jeux et paris en ligne, le premier alinéa impose aux opérateurs de clôturer le compte de tout joueur qui viendrait à être interdit de jeu . S'agissant des personnes déjà interdites de jeu, la liste des personnes répertoriées sur le fichier des casinos leur est opposable.

Cette dernière disposition, supprimée par l'Assemblée nationale ( cf . infra ), était en contradiction avec le souhait du Gouvernement de mettre en place deux listes indépendantes d'interdits de jeu : l'une qui existe déjà pour les casinos « en dur » et une autre qui sera créée par décret pour les jeux et les paris en ligne. Ces deux listes seront indépendantes l'une de l'autre, c'est-à-dire qu'un joueur pourra demander à se voir refuser l'entrée dans l'ensemble des casinos « en dur », mais ne pas se voir refuser, pour autant, l'accès à site de jeu en ligne.

B. LES OBLIGATIONS IMPOSÉES AUX OPÉRATEURS EN MATIÈRE DE PREVENTION DE L'ADDICTION

Le second alinéa du présent article détaille, quant à lui, les mesures que les opérateurs de jeux agréés en application de l'article 16 du présent projet de loi sont tenus de prévoir en matière de prévention et de lutte contre l'addiction.

Ces derniers seront ainsi obligés de :

- mettre en place des dispositifs de modération de jeu et de limitation des comptes des joueurs ;

- communiquer en permanence le solde instantané du compte du joueur ;

- proposer un service d'information et d'assistance aux joueurs en matière d'addiction au jeu.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, les modérateurs de jeu proposés par les opérateurs répondront à trois types de paramètres :

- des paramètres financiers : plafonnement de l'approvisionnement des comptes joueurs ; paramétrage par défaut d'un plafond de mises que le joueur pourra calibrer lui-même s'il le souhaite ;

- des paramètres temporels : horloge indiquant le temps passé à jouer et les pertes subies ; délai nécessaire pour la mise en oeuvre d'un assouplissement du plafond de mises ou d'approvisionnement du compte ; mise en oeuvre a contrario immédiate en cas de durcissement desdits plafonds ;

- des paramètres informatifs : messages d'alertes liés aux pourcentages de pertes par rapport aux mises jouées ; messages obligatoires faisant référence à des services d'assistance.

III. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Outre des précisions rédactionnelles, l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur, plusieurs amendements tendant à :

- préciser que l'opérateur fait également obstacle à la participation des personnes « exclues de jeu à leur demande » : la notion « interdites de jeu en vertu de la réglementation » ne vise, en effet, au sens strict que les personnes placées sous tutelle ou curatelle en vertu de la loi précitée du 3 janvier 1968 ;

- prévoir les conditions dans lesquelles les opérateurs peuvent consulter le fichier des interdits de jeu tenu par le ministère de l'intérieur, notamment dans le respect des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Par coordination, la dernière phrase du premier alinéa (« La liste des personnes ayant demandé leur exclusion des casinos et cercles de jeux lui est opposable dans les mêmes conditions ») est supprimée. Comme indiqué précédemment, cette disposition était en contradiction avec le souhait du Gouvernement de mettre en place deux fichiers indépendants, l'une pour les jeux en ligne et l'autre pour les casinos « en dur » ;

- remplacer l'expression « intervention de modérateurs sur son site et par l'application de limites aux comptes de joueurs » par celle de « mise en place de mécanismes de modération et de dispositifs d'autolimitation des dépôts et des mises » ;

- à interdire à un opérateur de financer ou de parrainer la tenue d'événements à destination des mineurs. Cet amendement de nos collègues députés Valérie Fourneyron, Jean-Michel Clément et Gérard Bapt a fait l'objet d'un sous-amendement de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. UNE MISE EN oeUVRE DE L'OBJECTIF GÉNÉRAL POSÉ À L'ARTICLE PREMIER DU PRÉSENT PROJET DE LOI

Le présent article ouvre le chapitre du présent projet de loi consacré à la lutte contre l'addiction, opportunément enrichi par l'Assemblée nationale. Votre rapporteur accueille très favorablement l'ensemble de ces dispositions, condition indispensable à une ouverture à la concurrence maîtrisée des jeux en ligne , ceci d'autant plus que, comme il l'avait montré au cours de ces travaux de contrôle précédents :

- d'une part, de nombreux retards ont été constatés en la matière, la dépendance aux jeux n'ayant été jusqu'à présent que peu prise en compte dans les politiques de santé publique des gouvernements successifs ;

- d'autre part, le développement de l'offre de jeu sur Internet, en raison de ses caractéristiques, présente un risque non négligeable de développement des phénomènes addictifs : possibilité de mises de faible montant, accessibilité immédiate et unité de lieu, intensité de la répétition de courtes phases de jeu, possibilité de simuler des paris.

Les dispositions proposées aux articles 20 à 21 quater traduisent ainsi la mise en oeuvre concrète de l'article 1 er du présent projet de loi qui dispose que « la politique de l'Etat en matière de jeux d'argent et de hasard a pour objectif de limiter et d'encadrer l'offre et la consommation des jeux et d'en contrôler l'exploitation afin [notamment] de 1° prévenir les phénomènes d'addiction et de protéger les mineurs ».

Ces dispositions viennent également compléter deux autres choix du Gouvernement pour limiter les risques d'addiction, même si ces deux mesures peuvent être discutées : l'encadrement du taux de retour aux joueurs (TRJ), d'une part, et l'ouverture à la concurrence des jeux d'argent et de hasard les moins addictifs, d'autre part.

B. UN DISPOSITIF QUI REPOSE SUR UNE CO-RESPONSABILITÉ DES JOUEURS ET DES OPÉRATEURS

Le présent article décrit, plus précisément, les obligations à la charge des opérateurs en matière de prévention de l'addiction. Le choix a en effet été fait, au sein du présent projet de loi, d'une coresponsabilité entre les opérateurs, les joueurs et les structures chargées d'expertiser les dispositifs mis en place pour lutter contre l'addiction :

- l'opérateur qui fournit le produit est dans l'obligation de mettre en place des modérateurs de jeu destinés à alerter les joueurs de leur comportement éventuellement excessif, ainsi que des dispositifs d'information et d'assistance ;

- le client qui utilise le jeu doit pouvoir paramétrer lui-même les différents dispositifs de modération et d'autolimitation de jeu qui lui sont proposés ;

- les pouvoirs publics, enfin, à travers notamment l'ARJEL, sont chargés d'évaluer, chaque année, les efforts des opérateurs en faveur de la prévention de l'addiction. Les opérateurs doivent en effet rendre compte annuellement à l'ARJEL des actions qu'ils ont menées dans ce domaine (article 21 du présent projet de loi). L'article 25 du présent projet de loi prévoit que l'ARJEL évalue les résultats des actions menées par les opérateurs agréés en matière de prévention des conduites d'addiction et peut leur adresser des recommandations.

Une autre solution aurait pu consister en une limitation impérative et transversale des comptes joueurs. Cependant, un tel dispositif n'aurait pas forcément constitué un instrument efficace en matière de prévention de la dépendance au jeu. En effet :

- d'une part, le risque d'addiction ou de jeu excessif ne repose pas tant sur le montant de la mise que la fréquence de jeu et de réapprovisionnement du compte joueur ;

- d'autre part, un niveau adéquat de plafonnement des mises est délicat à définir : selon le niveau de revenu du joueur, un même montant maximum d'enjeu se révèlera soit symbolique, soit considérable.

S'il ne minimise pas les limites de tels dispositifs, votre rapporteur approuve néanmoins la logique générale du présent article. Il a proposé à la commission, qui les a adoptés, plusieurs amendements tendant à renforcer les mécanismes proposés pour protéger les populations les plus vulnérables, d'une part, et prévenir l'addiction, d'autre part :

1) un premier amendement, tout d'abord, tendant à rendre obligatoire la consultation, par les opérateurs de jeu, des fichiers des interdits de jeu . La rédaction actuelle du présent article prévoit, en effet, une simple faculté d'interrogation des fichiers des interdits de jeu. Or cette consultation doit être obligatoire afin de protéger les personnes interdites de jeu. Par ailleurs, le principe d'une faculté de consultation entre en contradiction avec la dernière phrase du premier alinéa du présent article qui dispose que l'opérateur est dans l'obligation de clôturer le compte de tout joueur qui viendrait à être interdit de jeu.

L'amendement de votre rapporteur propose que cette obligation de consultation s'effectue par l'intermédiaire de l'ARJEL afin de garantir la protection des données à caractère personnel et de la vie privée des joueurs.

Le décret d'application de ce dispositif, prévu à l'article 24, précisera les modalités et la périodicité de consultation de ces fichiers. Ce décret pourrait notamment :

- imposer une double consultation : une première au moment de l'inscription du joueurs et, ensuite, une fois par mois, ce qui correspond au rythme d'actualisation et de transmission des fichiers des interdits de jeu à l'ARJEL ;

- pour les personnes déjà inscrites sur le fichier des casinos, il conviendrait que le décret prévoit la possibilité de réinterroger ces joueurs afin de savoir s'ils souhaitent également être interdits de jeux en ligne.

2) Un deuxième amendement propose ensuite d'ajouter des mécanismes d'auto-exclusion temporaire ou définitif parmi les dispositifs que les opérateurs sont tenus de mettre en oeuvre pour prévenir l'addiction.

Ce même amendement propose d'imposer, par ailleurs, aux opérateurs de jeux, d'une part, de faire apparaître un message de mise en garde contre l'addiction au jeu , comme cela est prévu pour les messages publicitaires à l'article 4 bis du présent projet de loi, et, d'autre part, d'informer les joueurs sur les procédures d'inscription dans les fichiers des interdits de jeu tenus par le ministère de l'intérieur . Il convient de s'en tenir à une simple information pour conserver un déplacement physique du joueur, afin de s'assurer de son consentement réel.

3) Enfin, un troisième amendement, de coordination, qui tend à regrouper au sein de l'article 3 du présent projet de loi toutes les dispositions relatives à la protection des mineurs.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 21 - Transmission à l'ARJEL de rapports sur le jeu responsable, la lutte contre la fraude et le blanchiment, et les actions publicitaires et commerciales des opérateurs

Commentaire : le présent article prévoit que les opérateurs de jeux agréés doivent transmettre annuellement à l'ARJEL deux types de documents portant respectivement sur leurs actions menées en vue de lutter contre l'addiction au jeu et les contrôles qu'ils ont réalisés en matière de lutte contre la fraude et le blanchiment. La transmission d'un troisième rapport, relatif à leurs programmes de publicité, a été supprimée par l'Assemblée nationale.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent projet de loi impose aux opérateurs de jeux de mettre en oeuvre un certain nombre de mesures en matière de lutte contre l'addiction (article 20), de lutte contre la fraude et le blanchiment (article 13), ainsi qu'en matière de publicité (article 4 bis ).

Le présent article décrit le contenu des rapports annuels que les opérateurs agréés doivent transmettre à l'ARJEL afin de rendre compte des mesures qu'ils ont effectivement mises en oeuvre dans ces trois domaines .

A. UN RAPPORT SUR LES ACTIONS MENÉES ET LES MOYENS CONSACRÉS EN VUE DE PROMOUVOIR LE JEU RESPONSABLE ET LA LUTTE CONTRE L'ADDICTION

Le premier alinéa du présent article prévoit que les opérateurs de jeux agréés doivent, tout d'abord, transmettre, chaque année, à l'ARJEL un rapport retraçant les mesures qu'ils ont menées et les moyens qu'ils ont consacrés pour la promotion du jeu responsable et la lutte contre l'addiction.

S'il n'existe pas de définition précise de chacune de ces deux notions, celles-ci, bien que proches, doivent être distinguées. L'expression « jeu responsable » est en effet plus large que celle de « lutte contre l'addiction » en renvoyant, outre à la prévention contre le jeu compulsif, à la protection des mineurs, l'intégrité, la fiabilité et la transparence des opérations de jeu, la lutte contre les activités frauduleuses et le blanchiment d'argent.

Certaines associations, comme l' European Gambling and Betting Association (EGBA), dont votre rapporteur a auditionné les représentants, propose ainsi des chartes de bonnes pratiques pour leurs adhérents qui souhaitent encourager le développement du jeu responsable. Le PMU et la FDJ ont souscrit à une telle charte éthique.

B. UN RAPPORT SUR LES CONTRÔLES RÉALISÉS EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE ET LE BLANCHIMENT D'ARGENT

Le deuxième alinéa du présent article prévoit que les opérateurs de jeux agréés transmettent également, chaque année, à l'ARJEL un rapport retraçant les résultats des contrôles qu'ils ont réalisés en matière de lutte contre la fraude et le blanchiment.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, ces contrôles doivent permettre d' identifier différents comportements de jeu inhabituels , comme des masses d'enjeux ou de mouvements financiers anormaux, ainsi que le repérage d'ententes entre joueurs ou de la mise en place de robots informatiques.

C. UN RAPPORT SUR LE PROGRAMME PRÉVISIONNEL DE L'OPÉRATEUR EN MATIÈRE DE PUBLICITÉ

Le troisième alinéa du présent article prévoit que les opérateurs de jeux agréés doivent enfin transmettre, chaque année, à l'ARJEL leur programme publicitaire prévisionnel, décrivant les campagnes commerciales et les avantages commerciaux qu'ils envisagent de diffuser, ainsi que les publics destinataires de ces activités.

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de notre collègue Jean-François Lamour, rapporteur, l'Assemblée nationale a supprimé l'obligation pour les opérateurs de transmettre à l'ARJEL un rapport annuel sur leur programme prévisionnel de publicité.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur approuve les dispositions du présent article. Si la remise de ces rapports peut paraître relativement anodine, elle n'en demeure pas moins essentielle dans la mesure où elle oblige les opérateurs de jeux à rendre compte annuellement à l'ARJEL des mesures qu'ils ont effectivement réalisées en matière de prévention de l'addiction et de lutte contre la fraude et le blanchiment .

Il s'agit, en quelque sorte, de la contrepartie au principe de coresponsabilité des opérateurs sur lequel repose, pour partie, la logique du présent projet de loi en matière d'addiction ( cf . commentaire de l'article 20).

C'est également sur la base de ces éléments que l'ARJEL pourra exercer ses missions de contrôle de l'activité des opérateurs agréés prévues à l'article 25 du présent projet de loi. Ils complètent également utilement le droit général à l'information dont dispose l'ARJEL en application de l'article 34 du présent projet de loi.

S'agissant de la suppression par l'Assemblée nationale de la transmission du troisième rapport relatif aux actions publicitaires des opérateurs , plusieurs personnes auditionnées par votre rapporteur avaient en effet mis en évidence les risques que ces dispositions pouvaient faire peser sur la confidentialité de ces données . Votre rapporteur rappelle en outre que l'évaluation, prévue à l'article 4 ter A du présent projet de loi, sur les conséquences du développement de la publicité constituera un élément d'information essentielle pour l'ARJEL et permettra de pallier la suppression des rapports annuels individuels des opérateurs sur leur campagne commerciale.

Sur proposition de votre rapporteur, votre commission a adopté un amendement rédactionnel.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 21 bis - Procédure d'agrément des organismes proposant un service d'information et d'assistance aux joueurs excessifs

Commentaire : le présent article, introduit par l'Assemblée nationale, tend à créer une procédure d'agrément pour tous les organismes qui souhaitent proposer un service d'information et d'assistance aux joueurs excessifs et pathologiques.

I. LES TROIS PRINCIPAUX TYPES D'ASSISTANCE AUX JOUEURS EXCESSIFS AUJOURD'HUI

Comme cela a été indiqué précédemment, le débat sur la dépendance au jeu ne s'est amorcé que récemment en France. Néanmoins, il a conduit les opérateurs de jeux historiques à prendre certaines initiatives en ce domaine, en proposant notamment leur propre système d'information et d'assistance .

A. L'ASSOCIATION « SOS JOUEURS »

Le syndicat « Casinos de France » a ainsi financé l'association « SOS joueurs » dès 1990 et a entrepris avec celle-ci une collaboration pour sensibiliser le personnel des casinos au jeu excessif et proposer aux joueurs pathologiques des services d'information et d'assistance.

L'association « SOS joueurs » est une association à but non lucratif qui s'adresse aux joueurs excessifs ou à leur famille par le biais essentiellement d'un numéro d'appel dédié.

La FDJ et le PMU font également référence à cette association sur leurs différents supports de jeux et de paris.

B. LA SOCIÉTÉ ADICTEL

Certains grands groupes ont également créé leur propre structure et numéro d'appel pour conseiller les joueurs en difficultés ou former des « personnes référentes » parmi leur personnel d'encadrement pour repérer et informer les joueurs excessifs.

L'entreprise la plus connue en la matière est la société Adictel, prestataire spécialisé, créé en 2004, qui propose un service de prévention et d'assistance aux joueurs excessifs et dépendants 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. D'abord développé pour les casinos en « dur », elle propose également des services pour des opérateurs de jeu en ligne.

C. LES CENTRES DE SOINS D'ACCOMPAGNEMENT ET DE PRÉVENTION EN ADDICTOLOGIE (CSAPA)

Parallèlement à ces dispositifs d'information et d'orientation des joueurs, ont été créés des centres de soins d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA), gérés par des établissements publics de santé ou des associations régies par la loi du 1 er juillet 1901.

Ces structures, qui résultent de la fusion des centres spécialisés de soins aux toxicomanes (CSST) et des centres de cure ambulatoire en alcoologie (CCAA), sont spécialisées dans la prise en charge médico-sociale des addictions et commencent à développer une assistance particulière pour les joueurs compulsifs.

On dénombre aujourd'hui environ 260 CSST et 250 CCAA qui ont vocation à devenir des CSAPA.

Les missions des centres de soins d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA)

« Les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie assurent, pour les personnes ayant une consommation à risque, un usage nocif ou présentant une dépendance aux substances psycho actives ainsi que pour leur entourage :

« 1° L'accueil, l'information, l'évaluation médicale, psychologique et sociale et l'orientation de la personne ou de son entourage ;

« Dans ce cadre, ils peuvent mettre en place des consultations de proximité en vue d'assurer le repérage précoce des usages nocifs.

« 2° La réduction des risques associés à la consommation de substances psycho actives ;

« 3° La prise en charge médicale, psychologique, sociale et éducative. Elle comprend le diagnostic, les prestations de soins, l'accès aux droits sociaux et l'aide à l'insertion ou à la réinsertion.

« Les centres assurent le sevrage et son accompagnement, la prescription et le suivi des traitements médicamenteux, dont les traitements de substitution aux opiacés .

« Ils peuvent également prendre en charge des personnes présentant des addictions sans substances. »

Source : article D. 3411-1 du code de la santé publique.

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LA MISE EN PLACE D'UNE PROCÉDURE D'AGRÉMENT DE CES SYSTÈMES D'INFORMATION ET D'ASSISTANCE

A l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur, l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement portant article additionnel prévoyant que tout organisme souhaitant proposer un service d'information et d'assistance aux joueurs excessifs ou pathologiques doit être agréé par le ministre chargé de la santé pour une durée déterminée .

L'article 24 du présent projet de loi renvoie au décret la définition des modalités d'application du présent article.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. UN ENCADREMENT NÉCESSAIRE DES ORGANISMES PROPOSANT UN SERVICE D'INFORMATION ET D'ASSISTANCE AUX JOUEURS EXCESSIFS

1. Les opérateurs de jeux, acteurs indirects de la lutte contre l'addiction

Votre rapporteur comprend la logique de la démarche de nos collègues de l'Assemblée nationale. Cet amendement répond, en effet, à l'une des difficultés soulevées par l'article 20 du présent projet de loi qui tend indirectement à rendre les opérateurs de jeux acteurs de la lutte contre l'addiction . L'article 20 prévoit, en effet, que les opérateurs de jeux préviennent les comportements d'addiction et proposent en conséquence un service d'information et d'assistance aux joueurs en matière de dépendance au jeu.

Or, dans ces conditions, pourrait être craint un risque de « conflit d'intérêts » ou d'incohérence entre, d'une part, les dispositifs proposés par les opérateurs de jeux et, d'autre part, les mesures prises en la matière par l'Etat, qu'il s'agisse des actions menées par l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) ou, plus généralement, celle du ministère chargé de la santé.

Le présent article, en proposant de mettre en place une procédure d'agrément des organismes souhaitant proposer un service d'information et d'assistance aux joueurs dépendants, apporte une réponse à cette difficulté.

2. Un risque de manque de professionnalisme

De façon plus générale, la procédure d'agrément prévue par le présent article tend à permettre d'éviter un éventuel manque de professionnalisme .

L'addiction au jeu est en effet un domaine délicat et mal connu qui nécessite une approche médicale spécifique. Un organisme qui improviserait un système d'information et d'assistance aux joueurs sans disposer pour cela d'agents formés et de moyens matériels adaptés pourrait se révéler problématique.

Le risque de dérives est d'autant moins à négliger dans ce domaine, que les joueurs pathologiques peuvent parfois se trouver dans des situations de grande fragilité.

B. UNE PROCÉDURE NÉANMOINS LOURDE

Cependant, le dispositif proposé par le présent article présente plusieurs inconvénients. Tout d'abord, cette procédure paraît lourde à mettre en place d'ici l'entrée en vigueur du présent projet de loi. Elle supposerait en effet la rédaction d'un cahier des charges rigoureux décrivant les obligations demandées aux organismes candidats, de même qu'une « synchronisation » avec la procédure de délivrance des agréments aux opérateurs de jeu confiée à l'ARJEL en application de l'article 16 du présent projet de loi.

Or la direction générale de la santé , auditionnée par votre rapporteur, ne semble pas aujourd'hui disposer des moyens humains et matériels nécessaires à cette nouvelle mission .

De façon plus générale, les dispositions du présent article risquent de revenir à créer une profession réglementée ce qui n'est pas le cas aujourd'hui , contrairement à d'autres professions de santé. Un tel dispositif nécessiterait une analyse préalable précise des services aujourd'hui proposés dans ce domaine.

Par ailleurs, votre rapporteur souhaite relativiser les risques potentiels de dérive . Aujourd'hui, les structures proposant ce type de services sont, pour l'essentiel, les CSAPA. Or, gérés par des établissements publics de santé ou par des associations régies par la loi du 1 er juillet 1901, ces structures font l'objet d'un conventionnement par le ministère de la santé défini par la circulaire du 28 février 2008 relative la mise en place des CSAPA.

Enfin, votre rapporteur rappelle que différentes procédures de droit commun existent pour sanctionner différents types de dérives éventuelles , qu'il s'agisse, par exemple, des poursuites pour exercice illégal de la médecine, abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de situation de faiblesse, escroquerie ou abus de confiance.

C'est pourquoi, votre commission a prévu, sur proposition de votre rapporteur, une solution intermédiaire et transitoire :

1) Chaque opérateur doit obligatoirement faire référence sur son site au système d'information et d'assistance prévu à l'article 21 ter du présent projet de loi, et géré par le groupement d'intérêt public « Addictions, drogues alcool info service » (GIP ADALIS).

En effet, à la différence des services que les opérateurs de jeux pourront proposer par ailleurs, ceux du GIP ADALIS présentent le double avantage d'être placés sous la responsabilité des pouvoirs publics et de proposer un niveau d'aide plus complet en permettant une orientation des éventuels joueurs pathologiques vers un dispositif de soins sanitaire ou médico-social.

2) Les autres services d'information et d'assistance, que pourront proposer les opérateurs de jeu par ailleurs, devront rendre compte de leur activité au comité consultatif des jeux , dans le cadre d'un rapport annuel, qui pourra ainsi s'assurer du professionnalisme de ces organismes.

3) La « clause de rendez-vous » , prévue à l'article 58 du présent projet de loi, doit être l'occasion de dresser le bilan des dispositifs d'information et d'assistance proposés par les opérateurs , notamment sur la base du rapport sur la mise en oeuvre de la politique de lutte contre l'addiction. Le cas échéant, pourra être étudiée l'opportunité d'aller plus loin en la matière et notamment de mettre en oeuvre une procédure d'agrément. La commission a adopté, sur proposition de votre rapporteur, un amendement en ce sens à l'article 58.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 21 ter - Numéro d'appel téléphonique pour les joueurs excessifs et pathologiques

Commentaire : le présent article, introduit par l'Assemblée nationale, tend à prévoir que le groupement d'intérêt public « Addictions drogues alcool info service » (ADALIS) met en place un numéro d'appel téléphonique pour les joueurs excessifs et pathologiques.

I. L'ELARGISSEMENT RÉCENT DES MISSIONS DU « GIP DATIS », DEVENU « GIP ADALIS »

A. UN ORGANISME EN PHASE DE RESTRUCTURATION

Le groupement d'intérêt public « Addictions drogues alcool info service » (GIP ADALIS) a été créé le 1 er janvier 2009 pour une durée de 2 ans. Il s'est ainsi substitué au GIP « Drogues Alcool Tabac Info Service » (DATIS). Sa création répond à la nécessité d'offrir un service mieux adapté aux enjeux actuels de la prévention et de la prise en charge des addictions, notamment par la prise en compte des addictions sans substance, dont celles aux jeux, conformément aux orientations du plan gouvernemental contre les drogues et les toxicomanies 2007-2011.

Le GIP ADALIS est un GIP interministériel dans lequel sont notamment représentés le ministère chargé de la santé, le ministère chargé du budget, la mission interministérielle de la lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), les associations de lutte contre les addictions et les associations familiales.

Composition du GIP ADALIS

Sont représentés au sein du GIP ADALIS :

- le ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville ;

- le ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ;

- le ministère de l'éducation nationale ;

- le ministère de la justice et des libertés ;

- le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ;

- le ministère de la santé et des sports ;

- le haut-commissaire à la jeunesse ;

- la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie ;

- l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé ;

- l'Association nationale des intervenants en toxicomanie et addictologie ;

- l'Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie ;

- la Fédération nationale des écoles des parents et des éducateurs ;

- l'Union nationale des associations familiales.

Source : arrêté du 9 novembre 2009 approuvant la création du groupement d'intérêt public « Addictions drogues alcool info service »

Il a pour mission la gestion de services d'information, de prévention, d'orientation et de conseil à distance dans le domaine des addictions, avec et sans substance , telles que le tabac, l'alcool, les drogues et les jeux.

Il a plus particulièrement pour fonction de proposer des services accessibles par téléphone et par Internet, ainsi que de gérer un répertoire national des structures intervenant dans les différents domaines de l'addictologie.

Il propose ainsi aujourd'hui trois lignes d'appel : « Drogues info service », « Ecoute alcool » et « Ecoute cannabis ». Il anime également un site Internet sur lequel le public peut trouver l'information dont il a besoin et participer aux rubriques interactives proposées (questions/réponses, dialogues en direct, forums).

En 2009, cet opérateur de la mission « Santé » a reçu une subvention pour charge de service public de 3,59 millions d'euros et regroupait 45 équivalents temps plein .

Un rapprochement avec l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) est en cours de réalisation dans un objectif de rationalisation de la téléphonie sanitaire. Ainsi la nouvelle convention constitutive du GIP ADALIS, approuvée par arrêté du 9 novembre 2009, intègre l'INPES comme administrateur du GIP et prévoit que l'établissement en assure le financement à compter de l'année 2010.

B. UNE ANTICIPATION DE CES NOUVELLES MISSIONS EN MATIÈRE DE PRÉVENTION CONTRE L'ADDICTION AUX JEUX

Sans attendre la publication de la présente loi et en vue de la mise en oeuvre du plan gouvernemental contre les drogues et les toxicomanies 2008-2011 qui intègre, pour la première fois, les addictions sans substance, le GIP ADALIS a anticipé ses nouvelles missions en matière d'addiction aux jeux. Ainsi :

- le répertoire des structures en ligne sur le site internet du GIP répertorie déjà les services compétents en matière de prise en charge des addictions sans substance ;

- le GIP a également, d'ores et déjà, commencé sa réorganisation. Ainsi un groupe de travail regroupant des chargés d'accueil téléphoniques de tous les pôles régionaux du GIP s'est réuni dès 2009 autour de la question des addictions sans substance pour proposer des scénarios d'ouverture d'une ligne téléphonique dédiée aux jeux ;

- des agents du GIP ont également bénéficié, en 2009, de formations spécifiques en matière de prise en charge des joueurs pathologiques, assurées notamment par le centre de référence sur le jeu excessif (CRJE) du CHU de Nantes. Le plan de formation 2010 du GIP concernera l'ensemble des chargés d'accueil téléphoniques sur ce thème.

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur, l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement portant article additionnel tendant à prévoir que le GIP ADALIS met en place un numéro d'appel téléphonique spécifique pour les joueurs excessifs et pathologiques , afin que ces derniers puissent obtenir toute information nécessaire en la matière.

Le présent article précise que la création de ce numéro d'appel s'inscrit dans le cadre des missions et des moyens actuels du GIP .

Le présent article indique, par ailleurs, que les appels effectués dans ce cadre sont facturés au prix d'un appel local.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur approuve cette disposition utile pour la prévention et la prise en charge de l'addiction au jeu bien que celle-ci ne relève pas strictement du domaine législatif. D'ailleurs, le GIP ADALIS a très largement anticipé l'élargissement de ses compétences à l'addiction au jeu sans attendre l'entrée en vigueur de la présente loi.

Ce dispositif complète en effet les obligations imposées aux opérateurs de jeu en ligne qui, en application de l'article 20 du présent projet de loi, sont tenus de proposer un service d'information et d'assistance aux joueurs. Cependant, à la différence des services proposés par les opérateurs, ceux du GIP ADALIS présentent le double avantage d'être placés sous la responsabilité des pouvoirs publics et de proposer un niveau d'aide plus complet en permettant une éventuelle orientation vers un dispositif de soins sanitaire ou médico-social, grâce à son répertoire des structures spécialisées. C'est pourquoi votre rapporteur vous propose, à l'article 21 bis du présent projet de loi, que les opérateurs en ligne indiquent obligatoirement, et à titre principal, sur leur site Internet le numéro d'appel du GIP ADALIS.

S'agissant de la précision selon laquelle cette nouvelle mission s'effectue à moyens constants, la direction générale de la santé a indiqué à votre rapporteur qu'il est, à ce stade, difficile d'évaluer l'impact de la mise en place de ce numéro d'appel dédié sur l'activité du GIP. En effet, aucune estimation des conséquences de l'ouverture des jeux en ligne sur les comportements addictifs n'est aujourd'hui disponible. C'est pourquoi un suivi des indicateurs d'activité de la structure sera assuré afin d'adapter en conséquence l'organisation du service pour répondre immédiatement à toute augmentation éventuelle de la demande d'aide en ce domaine.

En ce qui concerne, enfin, la mention précisant que le coût d'appel est facturé au prix d'un appel local, votre rapporteur note qu'elle ne relève pas du domaine de la loi . Il revient en effet au conseil d'administration du GIP de déterminer la tarification de la ligne puisque, conformément à sa convention constitutive, « il prend toutes les décisions nécessaires au bon fonctionnement du groupement ».

Votre commission, sur la proposition de votre rapporteur, a adopté un amendement de précision rédactionnelle pour prendre en compte le fait que ce numéro d'appel ne s'adresse pas uniquement aux joueurs pathologiques et excessifs.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 21 quater - Interdiction du jeu à crédit

Commentaire : le présent article, introduit par l'Assemblée nationale, pose le principe de l'interdiction de jeu à crédit et en détaille les modalités d'application.

I. UN PRINCIPE QUI S'IMPOSE D'ORES ET DÉJÀ AUX OPÉRATEURS DE JEU « HISTORIQUES »

L'interdiction de jeu à crédit pèse déjà aujourd'hui sur les opérateurs de jeu historiques. Cependant, ce principe repose sur des fondements juridiques différents :

- s'agissant de la FDJ et du PMU , il s'agit d'une interdiction indirecte liée aux modalités de vente de ces jeux : les règlements intérieurs de ces deux opérateurs n'autorisent en effet l'achat de jeux et de paris que « comptant » ;

- s'agissant des casinos , l'article 12 du décret n° 59-1489 du 22 décembre 1959 portant réglementation des jeux dans les casinos des stations balnéaires, thermales et climatiques interdit à toute personne employée, à titre quelconque, dans un casino de consentir des prêts d'argent aux joueurs .

En droit commun, il convient de rappeler que les dispositions combinées des articles 1965 et 1967 du code civil soumettent le contrat de jeu et tous les contrats qui lui sont connexes (y compris le contrat de prêt) au régime de « l'exception de jeu » : le prêteur, dès lors qu'il a connaissance de la destination des fonds empruntés par le joueur, ne dispose d'aucune action en justice pour obtenir le remboursement d'une « dette de jeu ».

Il résulte de cette disposition que, d'une part, le paiement d'une dette de jeu doit être volontaire et, d'autre part, que la reconnaissance d'une dette de jeu , de même que les sûretés consenties en garanties d'une dette de jeu, n'ont pas de valeur juridique .

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE EXTENSION AUX OPÉRATEURS EN LIGNE

L'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur, et avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement portant article additionnel posant, dans son premier alinéa , le principe général de l'interdiction de jeu à crédit , élevant ainsi celui-ci au niveau législatif.

Les alinéas suivants du présent article en décrivent les modalités d'application :

- d'une part, le deuxième alinéa interdit à tout opérateur agréé, en tant que personne morale, ainsi qu'à toute personne physique liée à un opérateur de jeu (dirigeant, mandataire social ou employé), de consentir des prêts d'argent et de mettre en place, directement ou indirectement, des dispositifs permettant aux joueurs de s'accorder des prêts entre eux ;

- d'autre part, le troisième alinéa interdit à tout opérateur agréé de faire de la publicité ou de proposer un lien vers le site Internet d'une entreprise susceptible de consentir des prêts d'argent aux joueurs ou de permettre le prêt entre joueurs.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur accueille favorablement ce dispositif introduit par l'Assemblée nationale qui devrait permettre, tout à la fois, de lutter contre l'addiction et le surendettement .

Dans ses précédents travaux de contrôle, votre rapporteur avait en effet mis en évidence les conséquences sociales lourdes que pouvait entraîner le jeu : une paupérisation accrue, la perte d'emploi et le surendettement. Ces préoccupations ont été confirmées au cours des auditions menées par votre rapporteur dans le cadre de l'examen du présent projet de loi, ainsi que par la récente étude sur les jeux de hasard et d'argent de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM).

Selon cette étude, une enquête menée au Canada au sein d'une population de joueurs pris en charge par une association spécialisée révèle que 25 % à 33 % de ces personnes ont perdu leur emploi ou subi des faillites personnelles liées aux jeux. En France, une étude menée auprès de joueurs consultant l'association « SOS joueurs » aurait, quant à elle, démontré qu'une proportion majoritaire de ces joueurs avait été confrontée au surendettement, près de 20 % d'entre eux ayant même commis des délits pour tenter de financer leurs pertes (abus de confiance, vol, contrefaçon de chèque).

Votre rapporteur approuve le dispositif adopté par l'Assemblée nationale qui devrait limiter le jeu aux sommes dont dispose immédiatement le joueur et ainsi éviter que celui-ci n'obère son patrimoine ou sa situation financière future .

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article sans modification.

CHAPITRE V TER - LA TRANSPARENCE DES OPÉRATIONS DE JEU

L'Assemblée nationale a introduit, à l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur, un nouveau chapitre V ter relatif à la transparence des opérations de jeu.

ARTICLE 22 - Archivage des données

Commentaire : le présent article impose aux opérateurs de jeux en ligne l'archivage en temps réel, sur un support situé en France métropolitaine, de l'ensemble des données relatives aux événements de jeu et de pari, ainsi que des opérations qui leur sont associées.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UN ARCHIVAGE EN TEMPS RÉÉL

A. UNE OBLIGATION D'ARCHIVAGE SUR UN SUPPORT INFORMATIQUE DÉDIÉ SITUÉ EN FRANCE

Le présent article impose à tout opérateur de jeux en ligne agréé de procéder à l'archivage de l'ensemble des données mentionnées au 3° de l'article 29 du présent projet de loi, c'est-à-dire :

- d'une part, les événements de jeu ou de pari proposés par l'opérateur , soit les supports de paris ou de jeux  (courses, compétitions sportives et parties de poker) ;

- d'autre part, les opérations qui leur sont associées , c'est-à-dire les mises jouées dans le cadre de ces événements.

Le présent article précise, en outre, les modalités techniques de cet archivage :

1) il doit être effectué en temps réel ;

2) il doit être mis en oeuvre sur un support matériel dédié situé en France métropolitaine ;

3) ce support matériel doit être placé entre le joueur et la plateforme de l'opérateur de jeu afin d'assurer que l'ensemble des données échangées entre le joueur et l'opérateur transitent par ce dispositif.

Un décret en Conseil d'Etat, prévu à l'article 29 du présent projet de loi, précisera la liste des données qui devront ainsi être archivées, leurs modalités techniques de stockage et de transmission, ainsi que le délai pendant lequel l'opérateur est tenu de les conserver.

B. UNE PRIORITÉ DONNÉE À LA SÉCURISATION DE TOUTE LA CHAÎNE DE CONNEXION

Les représentants de l'ARJEL rencontrés par votre rapporteur ont présenté le dispositif technique que les opérateurs devront mettre en place pour permettre cet archivage. A côté du cahier des charges prévu à l'article 15 du présent projet de loi, l'ARJEL est en effet en train d'élaborer un document technique à destination des opérateurs décrivant les fonctionnalités informatiques exigées.

Ce dispositif repose sur trois principaux éléments :

1) Chaque opérateur doit mettre en place une plateforme de jeu dont les caractéristiques techniques sont fixées par l'ARJEL (article 25 du présent projet de loi) et analysées par celle-ci au moment de la demande d'agrément (article 11 du présent projet de loi) ;

2) Un capteur informatique, appelé « Frontal » , également mis en place par chaque opérateur, permettra de saisir les informations émanant du poste informatique du joueur avant leur réception par la plateforme de jeu de l'opérateur, afin de fiabiliser les données recueillies. Cette procédure ne constitue cependant pas une validation a priori de ces données. Le but recherché est de garantir que toutes les données échangées entre le joueur et l'opérateur de jeu transitent obligatoirement par ce dispositif ;

3) Le « Frontal » sera relié à un dispositif d'archivage, appelé « Coffre-fort » auquel aura accès l'ARJEL pour exercer sa mission de contrôle permanent des activités des opérateurs de jeu (article 29 du présent projet de loi). Un système d'alertes sera également prévu pour permettre des remontées d'informations rapides notamment en ce qui concerne la fraude et le blanchiment. Selon les informations recueillies par votre rapporteur, la durée d'archivage prévue pour les données relatives au compte joueur stricto sensu (identité, âge, adresse) sera de cinq ans après la clôture du compte joueur. Les données de jeu devraient également être conservées pour une durée de cinq ans après la réalisation de l'opération de jeu concernée.

A des fins de contrôle , sont également prévues :

- l' homologation des logiciels de jeux par l'ARJEL (huitième alinéa de l'article 25 du présent projet de loi) ;

- l'obligation pour l'opérateur de garantir l'accès du local abritant ce support technique aux fonctionnaires et agents habilités à mener des enquêtes administratives nécessaires à l'application de la présente loi (quatrième alinéa de l'article 11 et cinquième alinéa de l'article 34 du présent projet de loi) ;

- la certification annuelle du système informatique (article 17 du présent projet de loi) ;

- la mise à la disposition permanente de l'ARJEL des événements relatifs à l'évolution et à la maintenance des matériels , plateformes et logiciels de jeu utilisés (article 29 du présent projet de loi).

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. UN OUTIL AU CoeUR DU DISPOSITIF DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE ET LE BLANCHIMENT D'ARGENT

Le présent article, qui peut paraître anodin, est en réalité un dispositif essentiel de l'équilibre général du présent projet de loi. Il constitue en effet un élément déterminant pour la fiabilité et la transparence des opérations de jeux, ainsi que pour le respect des objectifs de lutte contre la fraude et le blanchiment d'argent, rappelés à l'article premier du présent projet de loi.

M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat a, d'ailleurs, très largement insisté sur ce point lors de son audition devant votre commission des finances.

L'archivage des données constitue en effet le support qui permet le plein exercice de la mission de contrôle de l'activité des opérateurs confiée à l'ARJEL par l'article 29 du présent projet de loi.

Si les modalités techniques imposées aux opérateurs peuvent paraître lourdes, elles paraissent néanmoins indispensables à votre rapporteur. Il convient, en effet, d'assurer en la matière la sécurisation de toute la chaîne des opérations reliant le joueur à la plateforme de jeu.

B. UN DISPOSITIF QUI RESPECTE LA PROTECTION DES DONNÉES À CARACTÈRE PERSONNEL ET LA VIE PRIVÉE DES JOUEURS

Si la finalité de cet archivage est légitime, l'est tout au tant la protection des données à caractère personnel et relatives à la vie privée des joueurs qui pourraient être conservées dans ce cadre.

C'est pourquoi, le présent projet de loi pose plusieurs « garde-fous » à ce titre :

- l'article 14 du présent projet de loi impose ainsi aux entreprises sollicitant l'agrément de justifier des moyens qu'elles entendent mettre en place pour protéger les données à caractère personnel et la vie privée des joueurs ;

- l'article 15 du présent projet de loi prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions de recueil du consentement des joueurs aux utilisations, autres que celles nécessaires au contrôle des autorités publiques, des données personnelles les concernant ;

- l'article 20 du présent projet de loi précise que la consultation des fichiers des interdits de jeux doit être entreprise dans le respect des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;

- l'article 29 du présent projet de loi prévoit que le décret en Conseil d'Etat qui fixe la liste des données que les opérateurs mettent à la disposition de l'ARJEL, ainsi que les modalités de stockage et de transmission de ces données, requiert l'avis de la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article sans modification.

CHAPITRE V QUATER  - PRÉVENTION DES CONFLITS D'INTÉRÊTS

L'Assemblée nationale a introduit, à l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur, un nouveau chapitre V quater relatif à la prévention des conflits d'intérêts.

ARTICLE 23 - Prévention des conflits d'intérêts

Commentaire : le présent article introduit diverses dispositions visant à prévenir les conflits d'intérêts des opérateurs de paris en ligne, ainsi que des organisateurs ou des parties prenantes des épreuves ou compétitions servant de supports aux paris.

I. LES MESURES DE PRÉVENTION DES CONFLITS D'INTÉRÊTS VISANT LES OPÉRATEURS DE JEUX EN LIGNE

A. L'INTERDICTION AUX PRÉPOSÉS DES OPÉRATEURS DE PARTICIPER AUX JEUX ORGANISÉS PAR LEDIT OPÉRATEUR

Aux termes du I du présent article, les dirigeants, les mandataires sociaux et le personnel d'un opérateur de jeux ou de paris en ligne agréer ne peuvent engager, dans l'exercice de leurs fonctions ou à titre personnel, directement ou par personne interposée, des mises sur des paris ou jeux proposés par cet opérateur.

Il s'agit donc d'une interdiction totale, visant l'ensemble des préposés des opérateurs, dans le but de garantir leur neutralité .

B. LES DÉCLARATIONS À EFFECTUER AUPRÈS DE L'ARJEL

Le II du présent article prévoit la transmission à l'ARJEL des contrats de partenariat conclus par les opérateurs agréés avec les organisateurs ou les participants à des courses hippiques, des compétitions ou des manifestations sportives.

A l'inverse de la participation aux jeux, le sponsoring n'est donc pas interdit mais conditionné à l'information de l'autorité de régulation. Ce type de partenariats devrait donc se développer et commence même déjà à se manifester. Ainsi, en football, l'Olympique lyonnais a conclu un accord avec une grande société de paris même si, dans l'attente de la promulgation du présent projet de loi, cette équipe ne peut afficher le nom de ladite société sur son maillot lors des matchs disputés sur le territoire français.

De même, aux termes du III de cet article, les opérateurs agréés doivent informer l'ARJEL des intérêts personnels ou participations que peuvent détenir le propriétaire ou certains de leurs dirigeants, mandataires sociaux ou membres de leur personnel dans les personnes morales organisant ou participant à des courses hippiques, des compétitions ou des manifestations sportives.

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale et sa commission des finances ont adopté dix amendements de caractère rédactionnel au présent article.

Surtout, elles ont notablement renforcé les mesures visant à prévenir les conflits d'intérêts , en élargissant le champ des personnes concernées par les mesures de prévention de tels conflits, en visant la diffusion d'informations privilégiées à des tiers et en définissant des interdictions relatives au contrôle des organisateurs de compétitions par les opérateurs de paris (et vice-versa).

A. L'ÉLARGISSEMENT DU CHAMP DES PERSONNES VISÉES PAR LE DISPOSITIF

A l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur, la commission des finances de l'Assemblée nationale, avec l'accord du Gouvernement, a ajouté le propriétaire de l'opérateur de paris dans la liste figurant au I du présent article, afin que celui-ci ne puisse pas non plus engager de mises sur des paris ou jeux proposés par cet opérateur.

A l'inverse, à l'initiative du rapporteur et avec l'avis favorable du Gouvernement, la commission des finances a levé l'interdiction de jouer qui frappe les personnes liées à l'opérateur lorsqu'elles en ont besoin dans le cadre de leurs fonctions (par exemple pour détecter des fraudes ou pour améliorer les logiciels de jeu). L'interdiction ne vaut donc plus que pour le jeu à titre personnel.

Egalement à l'initiative du rapporteur et avec l'avis favorable du Gouvernement, elle a ajouté trois alinéas au I du présent article afin d'interdire de paris les acteurs d'une compétition sportive (sur cette compétition) ainsi que les jockeys et les entraîneurs participant à une compétition hippique . En pratique, si la loi pose clairement le principe, elle renvoie aux fédérations délégataires et aux organisateurs privés le soin d'édicter ces obligations dans leur code de discipline et leur règlement (les organisateurs étant aussi chargés de veiller à l'application et au respect des obligations et interdictions relatives aux paris sportifs qu'elles ont édictées). S'agissant des épreuves hippiques, ce renvoi est fait au sein des codes des courses des sociétés-mères de courses de chevaux définies à l'article 2 de la loi du 2 juin 1891 précitée.

B. L'INTERDICTION DE DIFFUSER DES INFORMATIONS PRIVILÉGIÉES À DES TIERS

A l'initiative du rapporteur et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale, lors de la séance publique, a adopté deux amendements complétant les deuxième et troisième alinéas du I de cet article.

Ces amendements tendent à interdire aux parties prenantes des compétitions sportives, ainsi qu'aux jockeys et entraîneurs participant à une épreuve hippique, de communiquer à des tiers des informations privilégiées, obtenues à l'occasion de leur profession ou de leurs fonctions, et qui sont inconnues du public .

Là aussi, la loi posant le principe, un renvoi est fait au code de discipline des fédérations sportives et des codes des courses des sociétés-mères de courses de chevaux.

C. LES RELATIONS ENTRE LES OPÉRATEURS DE PARIS ET LES ORGANISATEURS D'ÉPREUVES OU DE COMPÉTITIONS

A l'initiative de nos collègues députés Jacques Myard et Gaëtan Gorce, avec l'avis favorable du rapporteur, qui a sous-amendé le texte, et du Gouvernement, la commission des finances de l'Assemblée nationale a ajouté un paragraphe IV au présent article.

Celui-ci interdit :

- d'une part, aux opérateurs de jeux en ligne agréés de détenir le contrôle d'un organisateur ou d'une partie prenante à une compétition ou manifestation sportive sur laquelle il organise des paris ;

- d'autre part, aux organisateurs et aux parties prenantes à une compétition ou manifestation sportive de détenir le contrôle d'un opérateur de jeux ou de paris en ligne proposant des paris sur les événements qu'ils organisent ou auxquelles elles participent .

D. LA SANCTION DES CONFLITS D'INTÉRÊTS IMPUTABLES AUX OPÉRATEURS DE PARIS EN LIGNE

A l'initiative de notre collègue député Gaëtan Gorce, avec l'avis favorable du rapporteur, qui a sous-amendé le texte, et du Gouvernement, la commission des finances de l'Assemblée nationale a ajouté un paragraphe V au présent article.

Aux termes de celui-ci, tout conflit d'intérêt constaté par l'ARJEL fait l'objet d'une sanction dans les conditions prévues à l'article 35 de ce texte , lorsqu'il est proscrit par la présente loi et imputable à un opérateur agréé.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur est favorable au dispositif du présent article . Il apprécie notamment les ajouts très utiles de l'Assemblée nationale.

Le dispositif anti conflits d'intérêts qui en ressort apparaît solide et cohérent, et il semble de nature à renforcer la confiance du public dans le système de paris.

En effet, l'ajout du paragraphe V du présent article assure le caractère opérationnel des sanctions applicables aux opérateurs de paris qui se seraient mis dans une situation de conflits d'intérêts.

D'autre part, comme l'a fait l'Assemblée nationale, il importait de viser non seulement les opérateurs (et leur propriétaire, leurs dirigeants, leur personnel, etc.), mais également les parties prenantes des compétitions et des épreuves hippiques, qui auraient pu, sinon, avoir un intérêt dans leur propre victoire ou dans leur propre défaite.

L'inclusion de la diffusion d'information privilégiée par ces mêmes acteurs à des tiers dans le champ des fautes passibles d'une sanction était, bien entendu, indispensable afin de garantir l'équité entre les parieurs.

S'agissant de la double interdiction de contrôle , établie au IV du présent article, entre les opérateurs de paris proposant des paris sur une compétition d'une part, et les organisateurs et les parties prenantes à ladite compétition d'autre part, elle va évidemment dans le bon sens . Elle paraît même suffisante et proportionnée pour ce qui concerne la détention des organisateurs ou des parties prenantes par les opérateurs de paris. Dans ce cas, une participation minoritaire sans contrôle ne permet pas à l'opérateur d'exercer une influence directe sur le déroulement de la compétition.

En revanche, la détention d'une partie du capital d'un opérateur de paris par un organisateur ou une partie prenante d'une compétition sur laquelle il organise des paris paraît problématique en soi, quel que soit le niveau de cette participation . En effet, cette participation donne alors à l'organisateur ou à la partie prenante un intérêt financier à la défaite des parieurs (du moins dans le cas des paris à cote, qui représenteront probablement une forte proportion du marché). Dès lors, l'organisateur ou la partie prenante, qui a les moyens d'influer sur le résultat de la compétition objet du pari se trouve, de fait, dans une situation de conflit d'intérêts.

Il pourrait donc préférable d'interdire toute participation financière (directe ou indirecte) d'un organisateur ou d'une partie prenante au sein d'un opérateur de paris dès lors que celui-ci organise des paris sur la compétition qu'il organise ou à laquelle elle participe. Cependant, votre rapporteur, conscient du risque qu'une telle limitation puisse être qualifiée de disproportionnée, ne souhaite pas son inscription dans le présent texte. Un bilan des pratiques constatées en la matière devra néanmoins être fait dans le cadre du rapport d'évaluation visé à l'article 58 .

Décision de votre commission : sous le bénéfice de ces observations, votre commission a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 24 - Renvoi de modalités d'application de plusieurs articles à un décret

Commentaire : le présent article renvoie à un décret en Conseil d'Etat les modalités d'application de plusieurs articles du projet de loi.

Le présent article propose de renvoyer à un décret en Conseil d'Etat les modalités d'application de plusieurs articles du projet de loi.

A l'initiative du rapporteur et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale l'a amendé, par coordination, afin de prendre en compte l'adoption d'articles additionnels.

Sont donc visées les modalités d'application des articles 17, 19 à 21 bis , 21 quater , 22 et 23 de ce texte. Ces articles ont tous été commentés précédemment.

Votre rapporteur n'a évidemment pas d'objection à l'adoption de ce bref article.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article sans modification.

CHAPITRE VI - L'AUTORITÉ DE RÉGULATION DES JEUX EN LIGNE

ARTICLE 25 - Missions de l'Autorité de régulation des jeux en ligne

Commentaire : le présent article prévoit que l'ARJEL est une autorité administrative indépendante non dotée de la personnalité morale. Il expose ses missions générales et ses compétences particulières en matière d'agrément des opérateurs, de fixation des caractéristiques techniques des plateformes et logiciels de jeu et de paris, d'encadrement de la publicité et des pratiques commerciales ou de coopération avec ses homologues européennes.

I. LA NATURE JURIDIQUE ET LES MISSIONS DE L'ARJEL

A. UNE AUTORITÉ ADMINISTRATIVE INDÉPENDANTE DOTÉE D'UNE COMPÉTENCE GÉNÉRALE SUR LES JEUX ET PARIS EN LIGNE

Le premier alinéa du I du présent article dispose que l'ARJEL est une autorité administrative indépendante (AAI). Elle intègre à cet égard le paysage toujours plus vaste des AAI, entités dont la nature juridique n'est pas légalement définie mais est précisée par la jurisprudence du Conseil d'Etat et du Conseil constitutionnel. Le Conseil d'Etat a posé plusieurs critères et a défini les AAI comme des « organismes administratifs qui agissent au nom de l'Etat et disposent d'un réel pouvoir, sans pour autant relever de l'autorité du gouvernement ».

Les AAI sont donc généralement investies d'une mission de régulation publique d'un secteur déterminé, disposent de pouvoirs de sanction qui peuvent être quasi-juridictionnels, et peuvent constituer un prolongement du pouvoir régalien sans pour autant être placées sous la tutelle de l'Etat. Elles peuvent être dotées par la loi de la personnalité morale et d'une autonomie financière, ce qui n'est pas le cas de l'ARJEL aux termes du présent article.

Le deuxième alinéa du I définit le champ de compétence de l'ARJEL, qui est limité au secteur des jeux (et paris) en ligne mais en recouvre tous les aspects puisque l'autorité « veille au respect des objectifs de la politique des jeux accessibles par l'Internet ». Ces objectifs sont analogues à ceux définis par l'article premier du présent projet de loi pour l'ensemble des jeux d'argent et de hasard, soit la prévention de l'addiction et la protection des mineurs, l'intégrité et la fiabilité des opérations de jeux et la lutte contre la fraude, les activités criminelles et le blanchiment d'argent. Le secteur des jeux « en dur » demeure quant à lui soumis à la tutelle des ministères de l'agriculture, du budget et de l'intérieur.

A ce titre, l'ARJEL est investie d'une mission de conseil du Gouvernement , exposée par les troisième à cinquième alinéas du I :

- elle peut lui proposer des clauses de cahiers des charges correspondant à chaque type de jeux ou paris ;

- elle rend un avis sur tout projet de texte relatif au secteur des jeux en ligne soumis à agrément que lui transmet le Gouvernement. Cette transmission interviendrait logiquement avant l'examen par le Conseil d'Etat mais serait facultative. L'ARJEL ne dispose donc pas d'un pouvoir réglementaire propre mais contribuera directement à la rédaction des textes ;

- elle peut proposer au Gouvernement les modifications législatives et réglementaires qui lui paraissent nécessaires à la poursuite des objectifs de la politique des jeux d'argent et de hasard. L'ARJEL dispose donc d'une capacité extensive de proposition, qui s'étend au-delà de son « coeur de métier » sur les jeux et paris en ligne.

En outre, le VI du présent article prévoit que l'ARJEL s'assure de la conformité des comptes fournis par les opérateurs agréés en application de l'article 19 du présent projet de loi. Cette disposition a cependant été logiquement supprimée par l'Assemblée nationale , dans la mesure où cette autorité n'a pas vocation à exercer un contrôle comptable stricto censu mais à apprécier, en fonction de ces données, la solidité financière des opérateurs et leur respect des prescriptions relatives au taux de retour aux joueurs.

B. LES COMPÉTENCES RELATIVES À L'AGRÉMENT ET AUX CONDITIONS TECHNIQUES DE L'ACTIVITÉ

Le II du présent article dispose que l'ARJEL instruit les dossiers de demande d'agrément des opérateurs et délivre ces agréments, selon des modalités précisées à l'article 16 du présent projet de loi, en veillant au respect des objectifs de la politique des jeux d'argent et de hasard, évoqués supra . La délivrance de ces agréments, destinés à encadrer l'offre de jeux et paris, constitue en effet la première raison d'être de l'Autorité en tant que régulateur.

Le III prévoit que l'ARJEL fixe les caractéristiques techniques des plateformes et des logiciels de jeu et de paris utilisés par les opérateurs soumis à agrément, en se fondant sur le décret d'application de l'article 15 du présent projet de loi, relatif à la définition d'un cahier des charges pour chaque type de jeu ou pari. Elle homologue ces logiciels et détermine en tant que de besoin les paramètres techniques des jeux pour l'application des décrets prévus aux articles 8 et 9 et relatifs, respectivement, aux règles applicables à la prise de paris en ligne et à l'autorisation des jeux de cercle en ligne.

De même, l'ARJEL vérifie la conformité des règlements des jeux et paris proposés par les opérateurs avec la réglementation précitée et édicte les règles relatives au contrôle des données techniques et financière de chaque jeu ou pari en ligne. En cas de non-conformité du règlement, elle peut mettre l'opérateur en demeure de procéder à cette mise en conformité.

Enfin l'ARJEL contrôle la qualité des certifications réalisées en application de l'article 17 du présent projet de loi, et peut proposer au Gouvernement des modifications de la liste des organismes certificateurs. L'article 17 prévoit d'ailleurs que cette liste est établie par décret après avis de l'ARJEL.

C. L'ENCADREMENT DE L'ACTIVITÉ ET DE L'ATTRACTIVITÉ DES OPÉRATEURS

Le IV du présent article expose les pouvoirs de l'ARJEL en matière de lutte contre l'addiction et de contrôle de la publicité des opérateurs. Elle est ainsi chargée d'évaluer les résultats des actions menées par les opérateurs agréés en matière de prévention des conduites d'addiction et peut à ce titre leur adresser des recommandations .

De manière plus substantielle, l'Autorité peut, par une décision motivée, imposer l'insertion de messages de mise en garde dans des actions de publicité et interdire la publicité dans certaines publications et à certaines heures dans les médias audiovisuels. Ces dispositions, qui se retrouvent dans d'autres secteurs « sensibles », devraient en particulier contribuer à préserver les mineurs en limitant l'impact de la publicité aux heures de grande écoute.

Dans les mêmes conditions, l'ARJEL peut limiter les offres commerciales comportant une gratification financière aux joueurs. Les pratiques d'abondement de l'opérateur susceptibles d'accroître l'attrait du jeu en ligne peuvent ainsi augmenter le compte, la mise ou le gain du joueur. Ces pratiques seraient ainsi encadrées, ou le cas échéant interdites.

D. LA COOPÉRATION EUROPÉENNE AVEC DES AUTORITÉS ANALOGUES

Le V du présent article offre à l'ARJEL la faculté de conclure au nom de l'Etat des conventions avec les autorités de régulation des jeux d'autres Etats européens , par exemple la Gambling Commission du Royaume-Uni, l'instance propre à chaque Land allemand, la Commission des jeux de hasard de Belgique ou l' Amministrazione autonoma di monopoli di stato italienne.

Cette formalisation de la coopération européenne est aujourd'hui une nécessité pour la plupart des AAI - a fortiori dans une activité transfrontière telle que le jeu en ligne - et est particulièrement avancée dans les domaines bancaire, boursier ou de la concurrence. Aux termes du V , elle doit permettre l'échange de données et résultats des contrôles réalisés à l'égard d'opérateurs agréés dans plusieurs Etats.

Le second alinéa du V prévoit également que l'ARJEL exerce la surveillance des opérations de jeu ou de pari en ligne et participe à la lutte contre les sites illégaux et contre la fraude , dispositions qui gagneraient sans doute à figurer dans le I du présent article. La lutte contre le blanchiment n'est pas mentionnée, car en tant qu'infraction pénale elle relève des ministères chargés des finances et de l'intérieur.

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de son rapporteur Jean-François Lamour, et avec l'avis favorable du Gouvernement, la commission des finances de l'Assemblée nationale a, comme indiqué plus haut, supprimé le VI du présent article, relatif au contrôle, exercé par l'ARJEL, de conformité des comptes fournis par les opérateurs sur leurs activités de jeux et paris. Par coordination avec le nouvel article 4 bis du présent projet de loi, qui prévoit les mesures d'encadrement de la communication commerciale des opérateurs agréés ( cf. commentaire y afférent), elle a également supprimé les dispositions relatives à l'encadrement de la publicité par une décision motivée, pour ne conserver que celles sur les pratiques commerciales.

A l'initiative de Mme Valérie Fourneyron, Jean-Michel Clément et Gérard Bapt, et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté en séance deux amendements tendant respectivement à :

- prévoir qu'à la demande du président de l'une des commissions parlementaires, l'avis de l'autorité sur tout projet de loi relatif aux jeux est rendu public ;

- introduire un nouveau VI selon lequel l'ARJEL présente chaque année au Président de la République, au Premier ministre et au Parlement un rapport public rendant compte de ses activités.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur est favorable à ces dispositions relatives au statut et aux missions de l'ARJEL, tels que modifiées par l'Assemblée nationale. En effet, l'ARJEL n'a pas à être dotée de l'autonomie financière , du moins dans un premier temps, dans la mesure où elle bénéficiera également d'une subvention budgétaire annuelle pour assurer son fonctionnement.

Elle n'est également pas dotée de la personnalité morale et fait donc partie de l'administration de l'Etat. Néanmoins, aux termes du IV de l'article 28 du présent projet de loi, le président de l'ARJEL aura qualité pour agir en justice devant toute juridiction.

Les missions légales de l'ARJEL sont conformes à ce que l'on peut attendre d'une telle AAI et aux obligations imposées aux opérateurs agréés ou candidats à l'agrément. Elle ne dispose néanmoins que d'un simple pouvoir d'évaluation et de recommandation sur la prévention et la lutte contre l'addiction .

Sur proposition de votre rapporteur, votre commission a adopté les amendements suivants :

- une précision, dans le deuxième alinéa du I, sur le fait que l'ARJEL est compétente pour les seuls jeux et paris en ligne autorisés spécifiquement par le présent projet de loi ;

- par coordination, la suppression , dans le septième alinéa, de la référence au décret en Conseil d'Etat sur l'approbation des clauses du cahier des charges, qui figurait à l'article 15 mais que la commission des finances de l'Assemblée nationale a supprimée ;

- l'insertion, dans le III, d'une nouvelle mission portant sur l'évaluation périodique du niveau de sécurité proposé par les plateformes de jeux des opérateurs. Cette évaluation doit permettre de parfaire le contrôle de l'ensemble de la chaîne de communication entre le joueur et l'opérateur ;

- la suppression des dixième et onzième alinéa, l'ARJEL n'ayant pas vocation à approuver les règlements des jeux et paris proposés par les opérateurs. L'homologation des logiciels de jeux est en revanche tout à fait conforme à sa mission ;

- enfin un déplacement des dispositions de l'alinéa 16 , relatif à la mission de surveillance de l'ARJEL sur les opérations de jeu ou de pari en ligne et à sa participation à la lutte contre les sites illégaux et contre la fraude, qui ont davantage leur place dans le paragraphe I relatif aux grandes missions de l'ARJEL.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 26 - Composition de l'Autorité de régulation des jeux en ligne

Commentaire : le présent article vise à préciser la composition de l'ARJEL, de son collège ainsi que de ses autres formations : commission des sanctions, commission consultative et, le cas échéant, commissions spécialisées.

I. UN DISPOSITIF LARGEMENT INSPIRÉ DE L'AMF

Le régime applicable à l'Autorité des marchés financiers (AMF) a constitué une source d'inspiration privilégiée des rédacteurs du présent projet de loi. En effet, celle-ci comporte en son sein une commission des sanctions ainsi que des commissions spécialisées. Les dispositions des alinéas 7 et 8 du présent article s'inspirent, par exemple, directement du régime en vigueur à l'AMF, tel qu'il résulte en particulier de l'article 3 de la loi n° 2003-706 du 1 er août 2003 de sécurité financière codifié à l'article L.621-2 du code monétaire et financier.

Le I dispose que l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) est composée d'un collège, d'une commission des sanctions, d'une commission consultative et, le cas échéant, de commissions spécialisées . Le collège est chargé de prendre les décisions relevant des attributions confiées à l'autorité.

Le II fixe la composition du collège à sept membres . Trois, dont le président, sont nommés par décret, deux sont nommés par le Président de l'Assemblée nationale et deux par le Président du Sénat, tous pour une durée de six ans , non renouvelable s'agissant du mandat de président. Il est prévu au même paragraphe que les modalités de renouvellement du collège par moitié tous les trois ans soient définies par décret en Conseil d'Etat.

Le III fixe la composition et le rôle de la commission consultative . Celle-ci est composée de représentants des opérateurs agréés, des sociétés mères de courses hippiques et du monde du sport . Le collège peut consulter la commission consultative pour préparer ses décisions. Les attributions consultatives et le mode de désignation des membres de cette commission sont fixés par décret.

Le IV indique que, le cas échéant et dans des conditions fixées par décret, le collège peut constituer des commissions spécialisées.

Votre rapporteur relève qu'une disposition applicable à l'AMF, prévue à l'article L.621-2 du code monétaire et financier, précise que, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, le collège de l'AMF peut donner délégation à des commissions spécialisées constituées en son sein et présidées par le président de l'Autorité des marchés financiers pour prendre des décisions de portée individuelle. Il peut également être observé que le collège de l'AMF peut constituer des commissions consultatives , dans lesquelles il a la possibilité de nommer des experts en vue de contribuer à la préparation de ses décisions.

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur au fond, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté un amendement modifiant la composition de la commission consultative . Il s'agit d'adjoindre à celle-ci des représentants des professionnels de la lutte contre l'addiction et des associations familiales.

A l'initiative du Gouvernement et avec l'avis favorable de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur, l'Assemblée nationale a adopté en séance un amendement, rectifié au cours des débats, modifiant à son tour la composition de la commission consultative et renforçant son rôle . Elle serait donc, in fine , composée de dix-huit membres , soit :

- deux représentants des sociétés-mères de courses de chevaux, nommés par arrêté du ministre chargé de l'agriculture ;

- un représentant du Comité national olympique et sportif français et trois représentants des principales fédérations ou ligues sportives, nommés par arrêté du ministre chargé du sport ;

- deux professionnels de la lutte contre l'addiction au jeu, nommés par arrêté du ministre chargé de la santé ;

- deux représentants des associations familiales, nommés par arrêté du ministre chargé de la famille ;

- deux représentants des associations de consommateurs, nommés par le ministre chargé de l'économie ;

- quatre représentants des opérateurs agréés de jeux ou de paris en ligne, nommés par arrêté du ministre chargé du budget ;

- deux représentants des communes, nommés par l'Association des maires de France.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur se déclare particulièrement favorable aux présentes dispositions, qui ont fait l'objet d'un certain enrichissement au cours de leur examen par l'Assemblée nationale.

De manière à éviter la multiplication des structures ainsi qu'à prévenir les risques de doublons et les conflits de compétences, il propose toutefois de supprimer la commission consultative de l'ARJEL . Votre commission a adopté un amendement en ce sens.

En effet, la création d'un comité consultatif des jeux , par le III de l'article 1 er du présent projet de loi, apparait suffisante. Votre rapporteur recommande, de plus, le renforcement du rôle de cet organe . Il serait ainsi composé d'un observatoire des jeux et de deux commissions spécialisées, dénommées respectivement « commission consultative pour la mise en oeuvre de la politique d'encadrement des jeux de cercles et de casinos » et « commission consultative pour la mise en oeuvre de la politique d'encadrement des jeux et paris sous droits exclusifs ».

Par ailleurs, votre commission des finances a modifié l'article de manière à préciser qu' il n'est pas nécessaire , pour les membres du collège de l'ARJEL nommés par le Président de l'Assemblée nationale et par le Président du Sénat, de cumuler des compétences économiques, juridiques et techniques .

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 27 - Prévention des conflits d'intérêt et secret professionnel des membres et agents de l'Autorité de régulation des jeux en ligne

Commentaire : le présent article vise à prévenir les conflits d'intérêts des membres et agents de l'ARJEL ainsi qu'à préciser leurs obligations en matière de respect du secret professionnel.

I. UN DISPOSITIF INSPIRÉ DE L'AMF

Comme votre rapporteur l'a souligné s'agissant de l'article 26, les dispositions proposées par le présent article sont également à rapprocher des règles applicables à l'Autorité des marchés financiers (AMF) et codifiées à l'article L.621-4 du code monétaire et financier.

Il s'agit principalement de prévenir, d'une part, les conflits d'intérêts des membres de l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), et, d'autre part, d'assujettir au secret professionnel les membres et les personnels de celle-ci pour les faits, actes et renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en raison de leurs fonctions.

A. LA PRÉVENTION DES CONFLITS D'INTÉRÊTS DES MEMBRES DE L'ARJEL

Pour ce qui concerne le régime de prévention des conflits d'intérêts, le présent article prévoit, par son I , les différentes informations que les membres de l'Autorité doivent communiquer à son président . Ces obligations sont inspirées de l'article L. 621-4 du code monétaire et financier, qui s'applique, lui à l'AMF.

Il s'agit :

- des intérêts qu'ils ont détenus au cours des deux ans précédant leur nomination, qu'ils détiennent ou viennent à détenir ;

- des fonctions dans une activité économique ou financière qu'ils ont exercées au cours des deux années précédant leur nomination, qu'ils exercent ou viennent à exercer ;

- de tout mandat au sein d'une personne morale qu'ils ont détenu au cours des deux années précédant leur nomination, qu'ils détiennent ou viennent à détenir.

Ces informations, ainsi que celles de même nature concernant le président, sont tenues à la disposition des membres de l'Autorité de régulation des jeux en ligne.

De plus, le présent article dispose dans son II qu'aucun membre de l'ARJEL ne peut délibérer dans une affaire dans laquelle lui-même, un membre de son entourage direct ou, le cas échéant, une personne morale au sein de laquelle il a, au cours des deux années précédant la délibération, exercé des fonctions ou détenu un mandat, a eu un intérêt ou représenté une partie intéressée au cours de la même période. Cette disposition s'inspire du sixième alinéa du I de l'article L. 621-4 du code monétaire et financier applicables à l'AMF.

Aux termes de son septième alinéa, le présent article définit également un régime d'incompatibilités pour les membres de l'ARJEL. En effet, leur mandat n'est pas compatible avec l'exercice d'un mandat électif national et avec toute fonction exercée dans le cadre d'une activité économique ou financière en relation avec le secteur des jeux d'argent et de hasard. Ce dernier type d'incompatibilités parait suffisamment large, puisqu'il peut s'agir de toute fonction dans le secteur des jeux, à savoir dirigeant, salarié ou conseil, et que le secteur est entendu de manière particulièrement large. Loin de se restreindre aux jeux en ligne, le secteur économique couvre ici l'ensemble des activités en lien avec les jeux d'argent et de hasard , et donc, notamment, les jeux « en dur ».

Par ailleurs, le présent article prévoit que les membres et le personnel de l'Autorité ne peuvent engager à titre personnel, directement ou par personne interposée, des mises sur des jeux ou paris proposés par des opérateurs de jeux ou de paris en ligne.

Il précise également que le règlement intérieur de l'ARJEL détermine les modalités de prévention des conflits d'intérêt, tout comme le fait le règlement général de l'AMF.

En outre, il confie, enfin, par son V au président de l'Autorité un rôle de garant du régime de prévention des conflits d'intérêts mis en place. En effet, il incombera au président de l'ARJEL de prendre « les mesures appropriées pour assurer le respect des obligations et interdictions résultant du présent article ».

B. LE SECRET PROFESSIONNEL DES MEMBRES ET DES AGENTS DE L'ARJEL

Le présent article a également dans son IV pour objet de soumettre les membres et les personnels de l'ARJEL à une obligation de secret professionnel pour les faits, actes et renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en raison de leurs fonctions. En effet, la violation d'une telle règle, établie par décision de justice devenue définitive, entraîne la cessation d'office des fonctions au sein de l'Autorité.

Un régime similaire est applicable aux membres du collège et de la commission des sanctions de l'AMF , à la différence près qu'il est assorti de sanctions pénales explicites. Le régime en vigueur pour l'AMF prévoit ainsi qu'est « puni des peines prévues à l'article 226-13 du code pénal le fait, pour tout membre, tout membre du personnel ou préposé de l'Autorité des marchés financiers, ainsi que pour tout expert nommé dans une commission consultative, de violer le secret professionnel, sous réserve des dispositions de l'article 226-14 du code pénal ».

De manière générale, il convient d'observer que le secret professionnel défini par le présent article n'est pas opposable à l'autorité judiciaire .

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur au fond, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur approuve l'ensemble de ces dispositions , qui puisent leur inspiration dans le régime de prévention des conflits d'intérêts et de secret professionnel applicable à l'AMF, à ses membres et à son personnel.

Un tel régime apparaît en effet d'autant plus souhaitable qu'il est de nature à renforcer l'indépendance et la crédibilité de l'ARJEL , dont le rôle de régulateur d'un secteur particulièrement sensible rend nécessaire des gages sérieux quant à sa légitimité.

Votre rapporteur rappelle que les sanctions pénales auxquelles expose la violation du secret professionnel n'ont pas besoin d'être mentionnées explicitement pour trouver à s'appliquer. Le choix de le faire s'agissant de l'AMF, ainsi qu'en dispose l'article L 642-1 du code monétaire et financier, ne doit pas nécessairement conduire à reproduire un rappel du même ordre dans le présent projet de loi. La rédaction actuelle parait donc suffisante de ce point de vue .

Décision de la commission : sous le bénéfice de ces observations, votre commission a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 28 - Fonctionnement interne de l'Autorité de régulation des jeux en ligne

Commentaire : le présent article a pour objet de définir les modalités du fonctionnement interne de l'ARJEL.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Inspiré par le fonctionnement interne de l'Autorité des marchés financiers (AMF) et de la plupart des autorités administratives indépendantes (AAI), le dispositif proposé par le présent article définit certaines règles internes de fonctionnement de l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL).

Le présent article est structuré en quatre parties aux implications distinctes que votre rapporteur présente successivement de manière détaillée.

A. LES CONDITIONS DANS LESQUELLES LES DÉLÉGATIONS DE COMPÉTENCE ET DE SIGNATURE PEUVENT ÊTRE ACCORDÉES

Le I du présent article renvoie à un décret en Conseil d'Etat la responsabilité de fixer les conditions dans lesquelles trois types de délégation de pouvoir ou de signature sont accordés . Il s'agit des cas où :

- le collège de l'ARJEL donne délégation au président ou, en cas d'absence ou d'empêchement de celui-ci, à un autre de ses membres, pour prendre les décisions à caractère individuel relevant de sa compétence ;

- le collège donne délégation à une commission spécialisée ;

- le président de l'ARJEL délègue sa signature dans les matières où il tient de dispositions législatives ou réglementaires une compétence propre.

Ces trois cas de figure, qui sont donc les seuls possibles, seront de plus limités par le cadre défini par le décret en Conseil d'Etat prévu au présent article. Il peut être observé que la délégation des décisions en matière de sanctions n'est pas prévue , surtout qu'il ne s'agit pas d'une compétence du collège mais de la commission des sanctions, créée spécifiquement à cette fin.

Enfin, le rôle prépondérant du président de l'Autorité peut être souligné, soit qu'il reçoit compétence pour prendre des décisions à la place du collège, soit qu'il délègue sa signature dans certaines matières.

B. L'ORGANISATION DE L'ARJEL : DES SERVICES DIRIGÉS PAR UN DIRECTEUR GÉNÉRAL

Le II du présent article indique que l'ARJEL dispose de services placés sous l'autorité d'un directeur général . Ces services existent déjà sous une forme embryonnaire sous le nom de « structure de préfiguration de l'ARJEL ».

Ils représentent aujourd'hui 18 agents mais, d'après les informations recueillies par votre rapporteur, ils devraient être portés à 60 équivalents temps plein (ETP) fin 2010 pour atteindre, enfin, un stade de maturité de 75 ETP environ à partir de 2011 .

L'organigramme suivant précise le mode d'organisation probable de ces services :

Source : structure de préfiguration de l'ARJEL

Les services de l'ARJEL seraient donc organisés de la façon suivante :

- une présidence et une direction générale ;

- un cabinet, dont la mission serait d'assurer les relations avec les acteurs politiques, institutionnels et associatifs tant nationaux qu'internationaux ;

- une direction juridique au rôle important puisqu'elle aurait pour fonction d'initier et suivre les évolutions réglementaires ainsi que le contentieux avec les opérateurs, mais aussi d'assurer le secrétariat du collège et de la commission des sanctions ;

- un secrétariat général qui assurerait la tutelle des différentes directions indiquées ci-dessous et qui aurait pour mission la gestion administrative et financière de l'ARJEL;

- une direction dite de la « régulation » qui aurait pour mission d'être l'interlocutrice des organisateurs de manifestations sportives, hippiques et de jeux de cercle, afin de définir les événements et les phases de jeu sur lesquels peuvent être organisés des paris en ligne et de mettre en place de façon concertée les dispositifs de prévention des risques d'atteinte à l'équité des compétitions ou parties supports de paris ;

- une direction informatique chargée de mettre en place le système d'information et de suivre les évolutions des logiciels de jeux, d'être l'interface technique des opérateurs, l'interlocuteur de l'hébergeur éventuel, et, enfin, responsable de la bureautique ;

- une direction dite « des agréments et de la supervision », au rôle stratégique dans la mesure où il s'agirait d'examiner et de préparer les dossiers d'agrément, d'auditer les opérateurs de jeux afin de contrôler le respect de leur cahier des charges, sous les aspects de l'organisation, réglementaires, des flux d'informations et de la solvabilité financière ;

- une direction des enquêtes et du contrôle, enfin, qui serait chargée de mener des enquêtes auprès des sites légaux en vue de la détection d'éventuelles fraudes ou contournements de la réglementation.

Le deuxième alinéa du II offre à l'ARJEL la possibilité de recruter des agents contractuels.

En outre, le dernier alinéa du II du présent article précise que le collège fixe le règlement intérieur et les règles de déontologie applicables au personnel des services de l'Autorité et établit le cadre général des rémunérations.

La dernière phrase de ce paragraphe précise dans quelles conditions s'exerce la responsabilité du directeur général. Elle dispose en effet que ce dernier rend compte de la gestion des services au collège dans des conditions fixées par celui-ci.

C. LE CADRE BUDGÉTAIRE ET COMPTABLE

Le III du présent article traite du régime budgétaire et comptable de l'ARJEL. Il faut souligner qu'un décret en Conseil d'Etat précise ce régime ainsi que les conditions de rémunération des membres de l'Autorité.

Le cadre prévu est le suivant :

- les crédits alloués à l'ARJEL sont inscrits au budget général de l'Etat , après proposition de l'ARJEL auprès du ministre chargé du budget. Cette disposition implique donc la compétence de l'ARJEL pour établir elle-même ses propositions s'agissant de sa dotation budgétaire ;

- les dispositions de la loi du 10 août 1922 relative à l'organisation du contrôle des dépenses engagées ne sont pas applicables à la gestion de l'ARJEL ;

- le président de l'ARJEL est ordonnateur des dépenses et des recettes ;

- enfin, l'ARJEL est soumise au contrôle de la Cour des comptes, comme le sont d'ailleurs les autres AAI.

D. LE DROIT D'ESTER EN JUSTICE

En dernier lieu, Le IV du présent article donne qualité au président de l'ARJEL pour agir en justice devant toute juridiction, pour l'accomplissement des missions qui sont confiées à l'Autorité. Il convient de souligner qu'un tel régime est également prévu pour le président de l'AMF, en application de l'article L. 621-2 du code monétaire et financier.

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative du Gouvernement et avec l'avis favorable de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté un amendement prévoyant qu' un décret simple, en lieu et place d'un décret en Conseil d'Etat, fixe les conditions de rémunération des membres de l'ARJEL .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur approuve les dispositions du présent article .

Il estime que le choix de financer le fonctionnement de l'ARJEL par une dotation budgétaire contribue à renforcer l'indépendance de cette nouvelle AAI, mais invite d'ores et déjà à maîtriser l'évolution de son coût. Après avoir représenté en 2009 10,5 millions d'euros en AE et 5,8 millions d'euros en CP, puis, en 2010, 2,4 millions d'euros en AE et 7,2 millions d'euros en CP, les crédits de l'Autorité devraient se stabiliser, à partir de 2011, autour de 3,4 millions d'euros par an en AE=CP . Votre commission des finances sera vigilante sur ce point, même s'il conviendra d'apprécier l'évolution de cette enveloppe à l'aune de l'adaptation des missions effectivement conduites par l'ARJEL.

En vue d' éviter la multiplication des organes décisionnaires ainsi qu'à centrer la responsabilité de l'ARJEL sur son collège et son président, votre rapporteur a proposé de supprimer la possibilité pour le collège de l'ARJEL d'accorder une délégation de compétence aux commissions spécialisées . Votre commission a adopté un amendement en ce sens.

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 29 - Informations mises à la disposition de l'ARJEL

Commentaire : le présent article précise, d'une part, le rôle de l'ARJEL en matière de contrôle de l'activité des opérateurs agréés et décrit, d'autre part, les données qui doivent en conséquence être mises à sa disposition par les opérateurs.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. L'ARJEL EST CHARGÉE DU « CONTRÔLE PERMANENT » DE L'ACTIVITÉ DES OPÉRATEURS DE JEU EN LIGNE LÉGALEMENT AUTORISÉS

Le premier alinéa du présent article donne à l'ARJEL une mission de contrôle permanent de l'activité des opérateurs de jeux ou de paris en ligne légalement autorisés , afin d'assurer le respect des objectifs définis à l'article premier du présent projet de loi, à savoir :

- la prévention des phénomènes d'addiction et la protection des mineurs ;

- la garantie de l'intégralité, de la fiabilité et de la transparence des opérations de jeu ;

- la prévention de la fraude et du blanchiment d'argent.

Ce contrôle « permanent » est rendu possible grâce à l'ensemble des documents que les opérateurs sont tenus, en application du présent article, de mettre à la disposition de l'ARJEL (cf. infra ), mais également de deux autres dispositions du présent projet de loi :

- d'une part, l'article 34 qui confère à l'ARJEL un droit général d'information auprès des entreprises intervenant dans le secteur des jeux, ainsi qu'un droit d'accès à leurs locaux dans le cadre des pouvoirs d'enquête confiés à ses agents habilités ;

- d'autre part, l'article 22 qui précise le dispositif informatique que doivent mettre en place les opérateurs pour l'archivage de ces données .

B. POUR CE FAIRE, PLUSIEURS TYPES DE DONNÉES DOIVENT ÊTRE MISES À LA DISPOSITION DE L'ARJEL PAR LES OPÉRATEURS

Les alinéas 2 à 5 du présent article énumèrent quatre types d'informations devant être mises à la disposition « permanente » de l'ARJEL :

1) l'identité du joueur , son adresse postale et son adresse servant à la connexion sur le site de l'opérateur ;

2) le compte du joueur et la domiciliation bancaire de celui-ci ;

3) les événements de jeu ou de pari (c'est-à-dire l'ensemble des événements supports des jeux et paris : courses, compétitions sportives et parties de poker), ainsi que les opérations qui y sont associées (les mises jouées dans le cadre de ces événements, l'approvisionnement du compte joueur, les demandes de reversement de gains) ;

4) les événements relatifs à l'évolution et à la maintenance des matériels, plateformes et logiciels de jeu utilisés . Il s'agit de permettre à l'ARJEL de vérifier que les interventions techniques des opérateurs n'ont pas pour but de fausser la transparence des opérations effectuées par l'intermédiaire de leur site.

Selon une rédaction redondante et peu claire, le dernier alinéa du présent article prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat précise le contenu de ces quatre grandes catégories d'informations en fixant une liste de ces données, ainsi que des données agrégées par type de jeu ou de pari qui peuvent également être mises à la disposition de l'ARJEL périodiquement pour faciliter sa mission de contrôle (catalogue des paris sportifs proposés, montant cumulé des paris sportifs proposés,...).

Ce décret précisera également :

- les modalités techniques de stockage et de transmission de ces données par l'opérateur, dont l'article 22 du présent projet de loi fixe les grands principes ;

- les modalités des contrôles réalisés par l'ARJEL à partir de ces données ;

- le délai pendant lequel l'opérateur est tenu de les archiver. Selon les informations recueillies par votre rapporteur, la durée d'archivage prévue pour les données relatives au compte joueur stricto sensu (identité, âge,...) serait de cinq ans après la clôture du compte joueur. Quant aux données relatives aux jeux, elles devraient également être conservées pour une durée de cinq ans après la réalisation de l'opération de jeu concernée. En la matière, la loi du 6 janvier 1978 relative aux fichiers, à l'informatique et aux libertés précise simplement que ce type de données doivent être conservées « pendant une durée qui n'excède pas la durée nécessaire aux finalités pour lesquelles elles sont collectées et traitées ». Un délai de cinq ans est aujourd'hui déjà prévu s'agissant des informations que doivent recueillir les casinos et autres opérateurs de jeux auprès de leurs joueurs gagnants en application de l'article L. 561-13 du code monétaire et financier.

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté :

- à l'initiative de notre collègue député Etienne Blanc, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois, un amendement tendant à prévoir que le décret relatif à l'accès de l'ARJEL aux données personnelles des joueurs et aux opérations de jeu soit soumis, pour avis, à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) ;

- à l'initiative de notre collègue député Yves Censi, ajoutant dans la liste des informations auxquelles l'ARJEL a accès, la date d'ouverture du compte joueur.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur approuve les dispositions du présent article essentielles pour assurer le contrôle de l'activité des opérateurs de jeu légaux.

Il approuve également la précision opportune de notre collègue député Etienne Blanc, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois. En effet, plusieurs informations, mises à la disposition de l'ARJEL pour l'exercice de sa mission de contrôle, peuvent comporter des données à caractère personnel qui sont, dès lors, protégées par les dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative aux fichiers, à l'informatique et aux libertés. Il paraît donc essentiel que le décret en Conseil d'Etat prévu par le présent article et qui fixe la liste des informations devant être mises à la disposition de l'ARJEL, leurs modalités de stockage et de transmission, ainsi que leur durée de conservation, soit soumis pour avis à la CNIL.

Ce décret pourra utilement tenir compte des recommandations publiées par la CNIL en 2005 quant aux modalités d'archivage électronique, dans le secteur privé, de données à caractère personnel. La CNIL recommandait ainsi notamment de :

- veiller à ce que le responsable du traitement de ces archives établisse des procédures permettant de gérer des durées de conservation distinctes selon les catégories de données collectées ;

- choisir, le cas échéant, un sous-traitant qui apporte des garanties suffisantes au regard des mesures de sécurité technique et d'organisation relatives aux traitements effectués ;

- mettre en place des dispositifs de traçabilité des consultations des données archivées ;

- prévoir la possibilité d'une demande de droit d'accès aux données archivées.

Votre commission a adopté, sur proposition de votre rapporteur, deux amendements de clarification rédactionnelle.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 30 - Instruction des pratiques entravant le libre exercice de la concurrence

Commentaire : le présent article précise l'articulation des rôles de l'ARJEL et de l'Autorité de la concurrence en matière d'instruction des pratiques entravant le libre exercice de la concurrence dans le secteur des jeux en ligne.

I. LE CHAMP DE COMPÉTENCE DE L'AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

L'Autorité de la concurrence, régie par les articles L. 461-1 et suivants du code de commerce, est une autorité administrative indépendante , chargée de « veiller au libre jeu de la concurrence ».

A. LES COMPÉTENCES GÉNÉRALES DE L'AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

L'Autorité de la concurrence exerce, comme le Conseil de la concurrence avant elle, une action répressive à l'encontre des pratiques anticoncurrentielles et intervient, de sa propre initiative ou à la demande de plaignants , dès que la concurrence est faussée sur un marché, quels que soient l'activité concernée ou le statut, privé ou public, des opérateurs.

1. Les modalités de saisine

L'Autorité de la concurrence peut s'autosaisir ou être saisie par :

- le ministre chargé de l'économie ;

- les entreprises ;

- les collectivités territoriales ;

- les organisations et chambres professionnelles ;

- les organisations syndicales ;

- les organisations de consommateurs ;

- les maires dans le cadre de leurs prérogatives en matière d'urbanisme commercial.

2. Son champ de compétences

L'Autorité de la concurrence sanctionne trois grands types de pratiques :

- les ententes anticoncurrentielles (article L. 420-1 du code de commerce) : la qualification d'entente suppose l'existence d'un concours de volontés émanant, au moins de deux personnes physiques ou morales, publiques ou privées. La forme juridique de l'entente est indifférente. Ont ainsi pu être qualifiées d'anticoncurrentielles : les échanges d'informations sur les prix et les marges, la mise en oeuvre de contrats de distribution exclusive ou sélective, l'imposition de conditions générales de vente, les soumissions concertées en cas d'appel d'offres privé ou public ou les entraves à l'accès au marché ;

- les abus de position dominante (article L. 420-2 du code de commerce) : il s'agit, par exemple, des refus de vente ou des ventes liées. Est également prohibée, en application de cet article précité, l'exploitation abusive de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve une entreprise cliente ou un fournisseur ;

- les prix abusivement bas (article L. 420-5 du code de commerce) : sont ici interdites les offres de prix ou pratiques de prix de vente abusivement bas par rapport aux coûts de production, de transformation et de commercialisation, dès lors que ces offres ou pratiques ont pour objet, ou peuvent avoir pour effet, d'éliminer d'un marché, ou d'empêcher d'accéder, à un marché une entreprise ou l'un de ses produits.

L'Autorité de la concurrence dispose également :

- d'une compétence consultative : l'Autorité doit obligatoirement être consultée sur tout projet de texte législatif ou réglementaire portant sur la réglementation des prix ou la concurrence (articles L. 410-2 et L. 462-2 du code de commerce). A la demande des pouvoirs publics (Gouvernement, Parlement et collectivités territoriales), des juridictions, des organisations syndicales, professionnelles ou de consommateurs, elle peut également être amenée à rendre des avis sur toute question portant sur la concurrence (articles L. 462-1 et L. 462-3 du code de commerce) ;

- d'un pouvoir de contrôle des opérations de concentration (articles L. 430-2 et suivants du code de commerce).

3. Son pouvoir de sanction

L'Autorité de la concurrence peut prononcer des mesures conservatoires en cas d'urgence (article L. 464-1 du code de commerce), des injonctions contraignant les intéressés à modifier leurs comportements ou ordonnant la publication de la décision de l'Autorité dans la presse, des sanctions pécuniaires et des décisions d'acceptation d'engagements (article L. 464-2 d code de commerce).

Elle n'a en revanche pas vocation à réprimer les pratiques commerciales déloyales, qui relèvent de la compétence du juge judiciaire. Elle n'intervient pas non plus dans les litiges entre parties, qui relèvent de la compétence du juge des contrats.

B. L'ARTICULATION DES COMPÉTENCES ENTRE L'AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE ET LES AUTORITÉS DE RÉGULATION SECTORIELLES

Les autorités de régulation sectorielles - notamment l'autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), la commission de régulation de l'énergie (CRE), le conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) -, disposent également de pouvoirs en matière de règlement de litiges qui peuvent poser des questions relative à la concurrence. Afin d'éviter des décisions contradictoires entre l'Autorité de la concurrence et les autorités de régulation sectorielle, des procédures de consultations réciproques sont prévues par des dispositions législatives spécifiques . Ainsi :

- en application de l'article L. 5-8 du code des postes et des communications électroniques, le président de l'ARCEP doit saisir l'Autorité de la concurrence des abus de position dominante et des pratiques entravant le libre exercice de la concurrence dont il peut avoir connaissance. Il peut également saisir l'Autorité de toute autre question relevant de sa compétence. « Réciproquement », l'Autorité de la concurrence communique à l'ARCEP toute saisine entrant dans le champ de compétence de celle-ci et recueille son avis sur les pratiques dont elle est saisie dans le domaine des activités postales ;

- de la même manière, l'article 39 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité prévoit une saisine obligatoire de l'Autorité de la concurrence par le président de la CRE en cas d'abus de position dominante ou des pratiques entravant le libre exercice de la concurrence, ainsi qu'une saisine facultative sur toute autre question relevant de sa compétence. « Réciproquement », l'Autorité de la concurrence communique à la CRE toute saisine entrant dans le champ de compétence de celle-ci et peut la consulter de toute question relative aux secteurs de l'électricité ou du gaz naturel. Dans ce cas, la CRE doit joindre tous les éléments utiles à l'instruction de l'affaire instruite ;

- enfin, de façon plus générale, l'article 17 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication donne la faculté au CSA de saisir « les autorités administratives ou judiciaires compétentes pour connaître des pratiques restrictives de la concurrence et des concentrations économiques ». Inversement, ces mêmes autorités peuvent le saisir pour avis.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PRÉSERVE LE DOMAINE DE COMPÉTENCE DE L'AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Sur le modèle des passerelles existant aujourd'hui entre l'Autorité de la concurrence et diverses autorités de régulation sectorielle, le présent article fixe des procédures de consultation réciproques entre l'ARJEL et l'Autorité de la concurrence, procédures qui préservent pleinement les prérogatives de cette dernière.

A. LES MODALITÉS DE SAISINE DE L'AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE PAR L'ARJEL

1. Les saisines obligatoires

Le premier alinéa du I du présent article définit, tout d'abord, une procédure de saisine obligatoire de l'Autorité de la concurrence par le président de l'ARJEL : celui-ci « saisit » (l'utilisation de l'indicatif vaut impératif) l'Autorité de la concurrence, dès lors qu'il a connaissance , dans le secteur des jeux en ligne, de situations susceptibles d'être constitutives de pratiques entravant le libre exercice de la concurrence .

Le premier alinéa du I du présent article propose une liste non limitative de ces pratiques prohibées. Il peut s'agir « notamment » de celles interdites par :

- les articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce, soit les ententes anticoncurrentielles et les abus de position dominante décrites ci-dessus et qui incluent celles exercées par l'intermédiaire direct ou indirect d'une société du groupe implantée hors de France ;

- l'article 19 du présent projet de loi : la vente à perte ( cf . commentaire de l'article 19) ;

- l'article L. 333-1-2 du code du sport (en réalité le présent article tendait à viser les articles L. 334-1 et L. 334-2 introduits initialement par l'article 52 du présent projet de loi) qui encadre l'utilisation commerciale des éléments caractéristiques des manifestations ou compétitions sportives .

Le premier alinéa du I du présent article précise que cette procédure peut être introduite dans le cadre d'une procédure d'urgence , prévue à l'article L. 464-1 du code de commerce. Dans ce cas, l'Autorité de la concurrence peut prendre les mesures conservatoires qui lui sont demandées ou celles qui lui apparaissent nécessaires. Ces mesures ne peuvent intervenir que si la pratique dénoncée porte une atteinte grave et immédiate à l'économie générale, à celle du secteur intéressé, à l'intérêt des consommateurs ou à l'entreprise plaignante. Elles peuvent comporter la suspension de la pratique concernée ainsi qu'une injonction aux parties de revenir à l'état antérieur. Elles doivent rester strictement limitées à ce qui est nécessaire pour faire face à l'urgence.

2. Les saisines facultatives

Le second alinéa du I du présent article prévoit ensuite une procédure facultative de saisine de l'Autorité de la concurrence. Le président de l'ARJEL peut ainsi saisir, pour avis, l'Autorité de la concurrence de toute autre question relevant de sa compétence et, notamment en vue d'établir l'existence d'une pratique prohibée par l'article L. 420-5 du code de commerce (offres de prix et pratiques de prix abusivement bas) ainsi que de manquements aux dispositions de l'article 19 du présent projet de loi (vente à perte).

B. LES ÉCHANGES D'INFORMATIONS ENTRE L'ARJEL ET L'AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Le II du présent article prévoit en outre que l'Autorité de la concurrence :

- « communique » (l'utilisation de l'indicatif vaut également impératif) à l'ARJEL toute saisine entrant dans le champ de compétence de celle-ci ;

- peut consulter l'ARJEL sur des pratiques dont elle est saisie dans le secteur des jeux d'argent et de hasard . L'ARJEL joint alors à son avis, dans un délai imparti, tous les éléments utiles à l'instruction de l'affaire en question.

III. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de notre collègue député, Jean-François Lamour, rapporteur, un amendement tendant à tenir compte de la nouvelle numérotation des nouveaux articles L. 333-1-1 et L. 333-1-2 introduits, par l'article 52 du présent projet de loi, dans le code du sport.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur approuve pleinement les dispositions du présent article qui conforte le domaine de compétence de l'Autorité de la concurrence . L'ARJEL, dont les missions portent, aux termes de l'article 25 du présent projet de loi, sur l'instruction et l'attribution des demandes d'agréments ainsi que sur le contrôle de la régularité de l'activité des opérateurs, n'a pas en effet vocation à intervenir dans le domaine de la régulation concurrentielle. Le président de la mission de préfiguration de l'ARJEL, M. Jean-François Vilotte, a clairement insisté sur ce point lors de son audition devant votre commission des finances.

Cette répartition des compétences est d'ailleurs pleinement inspirée des procédures de consultation aujourd'hui prévues entre la CRE et l'Autorité de la concurrence.

Votre rapporteur a proposé à la commission, qui l'a adopté, un amendement de clarification rédactionnelle afin de prévoir explicitement la possibilité, pour l'Autorité de la concurrence, de saisir pour avis l'ARJEL sur toute question relative au secteur des jeux en ligne.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 31 - Droit de communication de l'ARJEL à l'administration fiscale et de l'administration fiscale à l'ARJEL

Commentaire : le présent article propose d'instituer une obligation de communication de l'ARJEL auprès de l'administration fiscale à des fins de contrôle et de conférer à l'ARJEL, dans le cadre de sa mission de lutte contre la fraude, un droit de communication par l'administration fiscale aux fins d'identifier les titulaires de comptes bancaires.

I. LE DROIT DE COMMUNICATION DE L'ARJEL À L'ADMINISTRATION FISCALE ET DE L'ADMINISTRATION FISCALE À L'ARJEL

A. L'OBLIGATION DE COMMUNICATION DE L'ARJEL À L'ADMINISTRATION FISCALE

Le I du présent article propose d'insérer un nouvel article L. 84 B au sein du livre des procédures fiscales, aux termes duquel l'ARJEL serait tenue de communiquer à l'administration fiscale sur sa demande, sans pouvoir opposer le secret professionnel, tout document ou information qu'elle détient dans le cadre de ses missions .

Ces dispositions tendent donc à instituer une obligation de communication pour l'ARJEL, celle-ci étant tenue de déférer à la demande de l'administration fiscale. Le champ de cette obligation est large puisqu'il concerne « tout document ou information », quelle que soit leur nature, y compris si celle-ci n'est pas fiscale.

B. LA FACULTÉ DE COMMUNICATION DE L'ADMINISTRATION FISCALE À L'ARJEL

Le II du présent article propose d'insérer un nouvel article L. 135 U au sein du livre des procédures fiscales, aux termes duquel « aux seules fins de l'exécution de sa mission de lutte contre la fraude, [l'ARJEL] peut , dans le cadre de ses pouvoirs d'enquête, se faire communiquer par l'administration des impôts les informations détenues par celle-ci en application de l'article 1649 A du code général des impôts, et permettant d'identifier l'ensemble des comptes bancaires ouverts par les personnes physiques titulaires d'un compte de joueur en ligne ou par les personnes morales autorisées à proposer des jeux en ligne ». L'administration des impôts devrait alors lui fournir les renseignements permettant d'identifier les titulaires de ces comptes.

Le droit de communication de l'ARJEL n'est donc pas de même nature que celui de l'administration fiscale. En effet, il est cantonné à l'exécution de sa seule mission de lutte contre la fraude et au seul « cadre de [ses] pouvoirs d'enquête ».

En outre, le renvoi à l'article 1649 A du code général des impôts, signifie que seules les déclarations de comptes bancaires en France ou à l'étranger pourront être transmises par l'administration fiscale à l'ARJEL. De plus, seules les informations permettant d'identifier l'ensemble des comptes bancaires ouverts par les personnes physiques titulaires d'un compte de joueur en ligne ou par les personnes morales autorisées à proposer des jeux en ligne pourront être communiquées.

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de nos collègues députés Jean-François Lamour, rapporteur, et Nicolas Perruchot, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté un amendement de précision rédactionnelle à cet article.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur considère que cet article contient des dispositions très utiles, de nature à renforcer les travaux de l'ARJEL et de l'administration fiscale. Il est donc favorable à son adoption.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 32 - Pouvoir de conciliation de l'ARJEL en vue de régler un litige opposant un joueur à un opérateur

Commentaire : le présent article, supprimé par l'Assemblée nationale, permettait à l'ARJEL d'exercer des missions de conciliation.

I. LA MISSION DE CONCILIATION ORIGINELLEMENT DONNÉE À L'ARJEL

Dans sa rédaction d'origine, le présent article prévoyait que l'ARJEL puisse être saisie d'une demande de conciliation par les joueurs ou parieurs en ligne en vue de régler les litiges les opposant à un opérateur de jeux ou de paris en ligne agréés.

II. LA SUPPRESSION DE CET ARTICLE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de notre collègue Jean-François Lamour, rapporteur, la commission des finances de l'Assemblée nationale a supprimé cet article .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur partage l'analyse de notre collègue député Jean-François Lamour. L'ARJEL aura déjà fort à faire avec ses missions « de base », au cours de ses premiers mois d'existence. Il n'est donc pas opportun de lui attribuer des missions s'éloignant de ses priorités.

Le bilan prévu à l'article 58 du présent projet de loi pourra montrer, dix-huit mois après la promulgation de ce texte, si un tel besoin existe.

Décision de votre commission : votre commission a maintenu la suppression de cet article.

ARTICLE 33 - Commission des sanctions de l'ARJEL

Commentaire : le présent article propose d'instituer la commission des sanctions de l'ARJEL.

I. LA COMMISSION DES SANCTIONS DE L'ARJEL

A. SA MISSION

Le I du présent article dispose que l'ARJEL comprend une commission des sanctions . Celle-ci serait chargée de prononcer les sanctions mentionnées aux articles 35 et 36 du présent projet de loi (voir les commentaires correspondants ci-après).

Cette dualité entre un collège et une commission des sanctions « étanche » dudit collège est une formule devenue classique au sein des autorités administratives indépendantes françaises. Tel est, notamment, le modèle de l'Autorité des marchés financiers (AMF) et de la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Une telle séparation permet de respecter l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) relatif aux règles du procès équitable.

B. SA COMPOSITION

Le I du présent article tend également à déterminer la composition de la commission des sanctions de l'ARJEL.

Celle-ci comprendrait trois membres :

- un membre désigné par le vice-président du Conseil d'Etat ;

- un membre désigné par le premier président de la Cour de cassation ;

- un membre désigné par le premier président de la Cour des comptes.

Le président de la commission des sanctions doit être désigné par décret.

Enfin, il est prévu, pour les raisons précédemment exposées, que les fonctions de membre de la commission des sanctions soient incompatibles avec celles de membre du collège .

C. LA DURÉE DU MANDAT DE SES MEMBRES

Aux termes du II du présent article, la durée du mandat des membres de la commission des sanctions est de cinq ans . Ce mandat est renouvelable une fois .

Il est également précisé que la durée du mandat est décomptée à partir de la date de la première réunion de la commission. Après l'expiration de la période de cinq ans, les membres resteraient en fonction jusqu'à la première réunion de la commission des sanctions dans sa nouvelle composition.

Par ailleurs, en cas de vacance d'un siège de membre de la commission des sanctions pour quelque cause que ce soit, il doit être procédé à son remplacement pour la durée du mandat restant à courir. Toutefois, un mandat exercé pendant moins de deux ans ne serait pas pris en compte pour l'application de la règle de renouvellement précédemment exposée.

Enfin, le III du présent article renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer les modalités de renouvellement des membres de la commission des sanctions. Il est précisé qu'il peut faire exception, lors du premier renouvellement, à la règle de durée de cinq ans du mandat des membres de la commission des sanctions.

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de notre collègue député Etienne Blanc, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté un amendement précisant que les membres de la commission des sanctions de l'ARJEL désignés par le vice-président du Conseil d'Etat, par le premier président de la Cour de cassation et par le premier président de la Cour des comptes appartiennent à ces trois institutions.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur approuve la création, au sein de l'ARJEL, d'une commission des sanctions . La « muraille de Chine » établie entre cette commission et le collège de l'ARJEL répond aux exigences du nécessaire respect de l'équité des procédures de sanctions.

De plus, le mode de désignation des membres de la commission des sanctions garantit leur neutralité à l'égard des intérêts en présence, ce qui ne peut qu'être approuvé.

Cependant, votre rapporteur a souhaité une évolution de la rédaction de cet article sur deux points :

- d'une part, afin de porter à six, au lieu de trois, le nombre des membres de la commission des sanctions . Cela serait de nature à renforcer la collégialité de cette commission. A cette fin, les autorités de nomination seraient invitées à désigner deux membres, et non plus un seul, de leur institution ;

- d'autre part, afin de porter à six ans la durée du mandat des membres de la commission des sanctions . Tel est, par exemple, le modèle fourni par le comité de règlement des différends et des sanctions de la CRE.

Votre commission a adopté un amendement reprenant les propositions du rapporteur.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 34 - Droit d'information et pouvoirs d'enquête de l'Autorité de régulation des jeux en ligne

Commentaire : le présent article expose les pouvoirs de l'ARJEL pour solliciter des informations et conduire des enquêtes administratives. L'ARJEL dispose d'un droit d'information général auprès des entreprises intervenant dans le secteur des jeux d'argent et de hasard, et dans le cadre des pouvoirs d'enquête confiés à ses agents habilités et assermentés, d'un droit d'accès aux locaux professionnels et aux documents.

I. DES POUVOIRS D'INVESTIGATION ÉTENDUS

A. LE CHAMP RATIONE PERSONAE DU DROIT D'INFORMATION

Le I du présent article prévoit que l'ARJEL, pour l'accomplissement de ses missions, peut recueillir toutes les informations nécessaires auprès des ministres compétents, et surtout auprès des opérateurs agréés et des autres entreprises intervenant dans le secteur des jeux d'argent et de hasard, telles que les prestataires informatiques ou les sociétés impliquées dans des manifestations sportives qui sont le support de paris. L'Autorité peut également solliciter l'audition de toute personne qui lui paraît susceptible de contribuer à son information.

Ce champ est donc large et dépasse celui des jeux en ligne stricto sensu puisqu'il devrait inclure les opérateurs de jeux « en dur ». En revanche les établissements financiers intervenant dans les transactions ne seraient pas concernés, en ce qu'ils relèvent de la Commission bancaire. La notion d' « informations nécessaires » est également extensive et est d'ailleurs utilisée, entre autres, dans les articles L. 214-13 et L. 214-154 du code monétaire et financier.

Le II du présent article dispose que les enquêtes administratives nécessaires à l'application de la présente loi sont réalisées par des fonctionnaires et agents habilités à cet effet par le directeur général de l'ARJEL et assermentés dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat.

Ces enquêtes donnent systématiquement lieu à l'établissement d'un procès-verbal , dont un double est transmis dans les cinq jours auprès de l'opérateur concerné.

B. LES CONDITIONS D'ACCÈS DE L'ARJEL À L'INFORMATION

Le III du présent article précise les conditions d'accès à l'information , sur pièces et sur place, des fonctionnaires et agents procédant aux enquêtes et investigations. Il prévoit ainsi que ces derniers peuvent accéder à toutes les informations utiles détenues par les opérateurs agréés et requérir de leur part, sur place ou sur convocation , tout renseignement et tout document relatifs à leur activité de jeu ou pari.

A cette fin, ils peuvent accéder, en présence de l'opérateur (s'il s'agit d'une personne physique) ou de son représentant, aux locaux mentionnés au quatrième alinéa de l'article 11 du présent projet de loi, et procèdent à toutes constatations. Il s'agit des locaux d'archivage des données et opérations de jeux ou paris dont chaque opérateur, en application de l'article 22 du présent projet de loi, doit disposer en France métropolitaine. L'article 11 précité prévoit que pour être agréé, l'opérateur doit notamment souscrire l'engagement de donner aux représentants de l'ARJEL un accès à ce local.

Selon une procédure habituelle, cet accès est néanmoins limité aux locaux professionnels puisqu'il n'inclut pas les domiciles et parties de locaux servant le cas échéant de domicile.

Le deuxième alinéa du III précise le droit d'accès des fonctionnaires et agents habilités de l'ARJEL aux pièces et documents comptables des opérateurs agréés dans le cadre de leurs pouvoirs d'enquête. Ils peuvent recevoir communication des documents comptables, factures et relevés de compte joueur , et de manière générale de toute pièce ou document utile, quel qu'en soit le support. Ils ne disposent pas d'un pouvoir de saisie mais sont habilités à prendre des copies des documents. La non-opposabilité du secret professionnel dans le cadre de ces pouvoirs d'enquête est prévue par le troisième alinéa.

Enfin le IV prévoit que les manquements d'un opérateur agréé à ces obligations sont constatés dans un procès-verbal dressé par les fonctionnaires et agents habilités.

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur, et avec l'avis favorable du Gouvernement, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel et deux amendements de précision .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur considère que les présentes dispositions offrent à l'ARJEL de réelles garanties d'accès aux informations sur les jeux et paris en ligne nécessaires à la bonne réalisation de sa mission de contrôle du respect des obligations liées à l'agrément.

Il estime également opportun et plus sûr que l'habilitation des agents qui réalisent les enquêtes soit donnée par le directeur général et non par le président de l'ARJEL, dans la mesure où ce dernier peut être conduit à se prononcer, en tant que membre du collège, sur les suites à donner à l'enquête ( cf. commentaire de l'article 35 du présent projet de loi).

Les pouvoirs d'enquête de l'ARJEL sont à plusieurs égards proches de ceux dont dispose l'Autorité des marchés financiers (AMF) en vertu des articles L. 621-9 à L. 621-12 du code monétaire et financier, notamment en ce qui concerne l'habilitation des enquêteurs (par le secrétaire général de l'AMF et dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat), l'accès aux locaux à usage professionnel, le droit de se faire communiquer tous documents, quel qu'en soit le support, et la non-opposabilité du secret professionnel.

En revanche, l'ARJEL ne bénéficie pas d'un droit de saisie des documents ni d'un droit de visite extensif des locaux, qui dans le cas de l'AMF sont accordés par ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance.

Votre rapporteur estime que les agents de l'ARJEL devraient « idéalement » pouvoir disposer d'un accès à tous les locaux professionnels des opérateurs situés en France métropolitaine, et non pas au seul local d'archivage des données. La conformité d'une telle disposition au droit communautaire (en particulier la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme) et aux prescriptions de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ne serait toutefois pas assurée. Ce risque est notamment illustré par le fait que le décret en Conseil d'Etat prévu par l'article 29 du présent projet de loi établit une stricte correspondance entre les données que les opérateurs sont tenus de mettre à disposition de l'ARJEL (donc le cas échéant lors d'une visite de ses agents) et le principe de leur archivage.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 35 - Régime et procédure de sanction de l'Autorité de régulation des jeux en ligne

Commentaire : le présent article expose les étapes de la procédure, successivement mise en oeuvre par le collège et la commission des sanctions, et les différentes catégories de sanctions administratives et pécuniaires que peut prendre l'ARJEL à l'encontre d'un opérateur agréé qui ne respecte pas ses obligations, ou qui le cas échéant fait obstacle au déroulement de l'enquête.

I. LES POUVOIRS DE SANCTION DE L'ARJEL

A. LA SANCTION COMME MANIFESTATION DU POUVOIR DE RÉGULATION

En tant qu'autorité de régulation indépendante investie de pouvoirs d'agrément et d'enquête, l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) dispose de pouvoirs de sanction administrative des opérateurs agréés, exercés par une structure indépendante du collège (la commission des sanctions, instituée par l'article 26 du présent projet de loi) et dont le régime et la procédure sont définis par le présent article.

Ces sanctions peuvent intervenir au terme d'une procédure en trois principales étapes, de nature quasi juridictionnelle, et respectent des principes de proportionnalité (qui découle du principe de nécessité) et d'imputabilité de la sanction sur l'éventuelle amende pénale, conformément aux exigences la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à la jurisprudence constitutionnelle.

Le I du présent article pose le principe de ces sanctions en prévoyant que la commission des sanctions de l'ARJEL peut prononcer des sanctions à l'encontre d'un opérateur de jeux ou de paris en ligne titulaire de l'agrément prévu à l'article 16 du présent projet de loi. Les opérateurs illégaux n'entrent pas dans le champ des sanctions de l'ARJEL puisqu'ils relèvent de la police judiciaire et de la répression pénale.

B. LA PHASE DE MISE EN DEMEURE PRÉALABLE

Le II du présent article prévoit, en cas de manquement d'un opérateur agréé à ses obligations législatives et réglementaires, que le collège prend l'initiative d'ouvrir la procédure de sanction. Dans un premier temps, il met l'opérateur en demeure de se mettre en conformité dans un délai qui ne peut être inférieur à un mois , sauf en cas de « manquement grave et répété ». A l'issue de ce délai, l'opérateur doit se soumettre dans un délai d'un mois à une nouvelle certification , selon les modalités définies à l'article 17 du présent projet de loi.

Dans un second temps, si l'opérateur n'a pas déféré à la mise en demeure précitée ou si les mesures correctives qu'il a prises sont jugées insuffisantes par le collège de l'ARJEL, ce dernier peut décider l'ouverture d'une procédure de sanction . Il notifie alors les griefs aux personnes en cause et en saisit la commission des sanctions, qui est compétente pour la phase suivante de la procédure.

C. LA PHASE DE SANCTION PROPREMENT DITE

1. L'instruction préalable du dossier

Le III du présent article précise que la commission des sanctions peut, avant de prononcer une sanction, entendre toute personne dont l'audition lui paraît utile . Dans les faits et conformément à l'article 36 du présent projet de loi, qui prévoit notamment le respect des droits de la défense de la personne mise en cause, l'audition de cette dernière constituera la règle.

Les conditions de communication à un tiers d'une pièce mettant en jeu le secret des affaires sont également définies par le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article 37 du présent projet de loi. Elles pourront à cet égard s'inspirer des règles suivies par l'Autorité de la concurrence et l'Autorité de régulation des mesures techniques (en matière de propriété intellectuelle), prévues, respectivement, par les articles R. 463-13 du code de commerce et R. 331-18 du code de la propriété intellectuelle.

2. La gradation des sanctions non pécuniaires

Le IV expose la gradation des sanctions que la commission des sanctions peut prononcer, qui est proportionnée à la gravité des faits. Ces sanctions sont ainsi :

- l'avertissement , dont l'efficacité paraît incertaine dès lors qu'il intervient après que l'opérateur n'aura pas déféré à une première mise en demeure du collège ou aura pris des mesures insuffisantes ;

- la réduction d'un an de la durée de l'agrément , disposition qui s'inspire de l'article L. 5-3 du code des postes et des communications électroniques et ne prévoit aucune possibilité de modulation de cette réduction selon la gravité des faits ;

- la suspension de l'agrément pour trois mois au plus ;

- et le retrait de l'agrément , sanction dissuasive puisqu'elle emporte, pour l'opérateur qui ne la respecterait pas et continuerait de proposer des jeux et paris en ligne, après épuisement des voies de recours, assimilation aux sites illégaux . L'opérateur ainsi sanctionné devra en tout état de cause engager une nouvelle procédure de demande d'agrément.

3. Le plafond et l'imputation des sanctions pécuniaires

Le V du présent article dispose qu'à la place ou en sus des sanctions administratives, la commission des sanctions de l'ARJEL peut prononcer une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement, à la situation de l'opérateur concerné, à l'ampleur du dommage causé et aux avantages qui en sont tirés. La formulation de ce principe de proportionnalité est analogue à celle retenue par l'article L. 464-2 du code de commerce pour l'Autorité de la concurrence.

Cette sanction ne peut excéder 5 % du chiffre d'affaires hors taxes enregistré lors du dernier exercice clos sur les activités agréées, ce qui constitue un plafond particulièrement élevé. Il est porté à 10 % de ce chiffre d'affaires en cas de nouveau manquement, soit un seuil identique à celui des sanctions pécuniaires de l'Autorité de la concurrence. A défaut d'activité antérieure permettant de déterminer ce plafond, le montant de la sanction ne peut excéder 150.000 euros , porté à 375.000 euros en cas de récidive.

Dans le projet du Gouvernement, ces montants, repris de l'article L. 5-3 du code des postes et des communications électroniques précité, apparaissaient disproportionnés par rapport à ceux des amendes pénales prévues par l'article 47 du présent projet de loi, de 45.000 et 100.000 euros (en cas de commission de l'infraction en bande organisée), avant que les députés ne doublent opportunément ces derniers.

Les deuxième et troisième alinéas du V traitent les cas de cumul entre sanctions administrative et pénale afin d'assurer, sur le plan pécuniaire, le respect du principe « non bis in idem » . Les sanctions pécuniaires prononcées par la commission des sanctions de l'ARJEL, bien que n'émanant pas d'une juridiction répressive, ont en effet le caractère d'une punition et peuvent donc être assimilées à des sanctions pénales, au regard de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales comme de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Lorsqu'une même infraction est susceptible d'être sanctionnée sur les terrains administratif et pénal, le montant cumulé des sanctions pécuniaires ne peut donc excéder le maximum légal en matière pénale.

Dès lors, le deuxième alinéa du V prévoit que lorsque le manquement est constitutif d'une infraction pénale, le montant de la sanction pécuniaire ne peut excéder celui prévu pour l'amende pénale . Le troisième alinéa dispose également que lorsque la commission des sanctions de l'ARJEL a prononcé une sanction pécuniaire devenue définitive avant que le juge pénal ait statué définitivement sur les mêmes faits ou des faits connexes, celui-ci peut ordonner que la sanction de l'ARJEL s'impute sur l'amende qu'il prononce . La formulation est à cet égard strictement identique à celle prévue par l'article L. 621-16 du code monétaire et financier pour l'imputabilité des sanctions prononcées par la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (AMF).

D. LA RÉPRESSION DE L'ENTRAVE AUX ENQUÊTES ET LA PUBLICITÉ DES SANCTIONS

Le VI du présent article prévoit une sanction pécuniaire spécifique dans l'hypothèse où l'opérateur communique des informations inexactes, refuse de fournir les informations demandées ou fait obstacle au déroulement de l'enquête menée par les fonctionnaires ou agents de l'ARJEL habilités à cette fin. La commission des sanctions peut ainsi, après une mise en demeure effectuée par le directeur général de l'ARJEL et restée infructueuse, prononcer une sanction pécuniaire dont le montant ne peut excéder 15.000 euros . Ce montant est le même que celui prévu par l'article L. 141-1 du code des juridictions financières en cas d'entrave aux contrôles et enquêtes des magistrats de la Cour des comptes.

Enfin le VII prévoit que la commission des sanctions peut décider la publication des décisions de sanction qui frappent des personnes physiques au Journal officiel ou encore leur affichage ou leur diffusion dans les conditions prévues par l'article 131-35 du code pénal, qui prévoit notamment que les frais d'affichage ou de diffusion sont à la charge de la personne sanctionnée.

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur au fond, et avec l'avis favorable du Gouvernement, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements tendant à :

- supprimer le deuxième alinéa de cet article, jugé inutile ;

- préciser, dans le II, que les manquements d'un opérateur susceptibles de faire l'objet d'une mise en demeure du collège portent notamment sur les dispositions du nouvel article 4 bis du présent article, introduit par l'Assemblée nationale et qui porte sur l'encadrement de la publicité, la protection des mineurs et la prévention de l'addiction ;

- permettre à la commission des sanctions de l'ARJEL de moduler la sanction de réduction de la durée de l'agrément sur une période inférieure à un an ;

- apporter une précision sur l'habilitation des agents qui réalisent les enquêtes ;

- aligner le dispositif de mise en demeure en cas d'entrave aux demandes et investigations de l'ARJEL sur celui mis en oeuvre par d'autres autorités administratives indépendantes, en prévoyant que cette mise en demeure émane non pas du directeur général de l'Autorité, mais de son président ou d'un membre de son personnel délégué à cet effet.

A l'initiative de notre collègue député Gaëtan Gorce, elle a également adopté un amendement, sous-amendé par notre collègue député Jean-François Lamour, prévoyant que la sanction la plus élevée, soit le retrait de l'agrément, peut s'accompagner de l'interdiction de solliciter un nouvel agrément pendant un délai maximum de trois ans (au lieu de cinq ans dans la version initiale de l'amendement).

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

La juridictionnalisation croissante de certaines autorités administratives indépendantes s'est traduite par un encadrement précis de leur régime de sanction, afin de respecter les principes et droits communautaires et constitutionnels du procès équitable (cf. commentaire de l'article 36 du présent projet de loi), de proportionnalité des peines et de non-cumul des sanctions à caractère pénal .

Le régime des sanctions de l'ARJEL n'échappe pas à cette nécessité juridique et le dispositif du présent article, largement inspiré de celui applicable à d'autres autorités, présente à cet égard d'importantes garanties, complétées par les dispositions de l'article 36 précité. Votre rapporteur approuve également les aménagements introduits par l'Assemblée nationale , en particulier la possibilité de moduler la réduction de la durée de l'agrément selon la nature des infractions et les caractéristiques de l'opérateur.

La possibilité pour la commission des sanctions de publier ses décisions portant sur les personnes physiques est un élément important du dispositif. D'une part, elle peut exercer un effet encore plus dissuasif qu'une suspension d'agrément ou le montant de l'éventuelle sanction pécuniaire, eu égard au « préjudice d'image » et de réputation qu'elle peut causer, a fortiori si l'identité de la ou des personnes sanctionnées est mentionnée. D'autre part, elle permet d'informer le public et les opérateurs sur sa doctrine et l'intensité de son activité.

Votre rapporteur estime que la commission des sanctions de l'ARJEL pourra utilement s'inspirer des pratiques de celle de l'AMF et ne pas hésiter à recourir à cette publication, mais en réservant la révélation de l'identité de la ou des personnes sanctionnées aux manquements les plus graves et mettant directement en cause l'ordre public.

A son initiative, votre commission a adopté un amendement tendant à étendre le principe de la publication des décisions de sanction aux personnes morales .

Elle a également adopté, à l'initiative du Gouvernement, un amendement tendant à délimiter les champs de compétence de la commission des sanctions de l'ARJEL et de la Commission nationale des sanctions . Cette dernière est en effet compétente, aux termes des articles L. 561-37 et L. 561-38 du code monétaire et financier, pour prendre les sanctions à l'encontre de toute personne (dont les opérateurs de jeux, qu'ils soient « en dur » ou en ligne) qui ne respecteraient pas ses obligations en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 36 - Respect des droits de la défense et encadrement de la procédure de sanction de l'Autorité de régulation des jeux en ligne

Commentaire : le présent article prévoit certaines garanties et dispositions de nature à encadrer la procédure des sanctions prononcées par la commission des sanctions de l'ARJEL : la motivation des décisions de sanction et le respect des droits de la défense, le régime de recouvrement des sanctions pécuniaires, un délai de prescription de trois ans et une information du procureur de la République sur les faits de nature pénale.

I. L'ENCADREMENT DE LA PROCÉDURE DE SANCTION

A. LE RESPECT DES DROITS DE LA DÉFENSE

Comme cela est le cas pour d'autres autorités administratives indépendantes et en particulier pour l'Autorité des marchés financiers (AMF), le premier alinéa du I du présent article prévoit trois dispositions de nature à garantir le respect des droits de la défense et du principe du procès équitable , prévu par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

- les sanctions ne peuvent être prononcées qu'après que l'intéressé a reçu notification des griefs et a été mis à même de consulter le dossier et de présenter ses observations écrites ou orales . Rappelons qu'aux termes de l'article 35 du présent projet de loi ( cf. le commentaire correspondant), le collège, lorsqu'il décide d'ouvrir une procédure de sanction après une mise en demeure infructueuse, doit procéder à la notification des griefs, c'est-à-dire établir et adresser à la ou aux personnes concernées un document récapitulant les faits ou pratiques qui leur sont reprochés ;

- les décisions de sanction doivent être motivées et notifiées à l'intéressé, ce qui est nécessaire s'agissant de décisions défavorables ;

- elles peuvent faire l'objet d'un recours de pleine juridiction devant la juridiction administrative, qui devrait être le Conseil d'Etat , compétent en premier et dernier ressort (sauf disposition expresse) pour les décisions prises par les organismes collégiaux à compétence nationale.

B. LE MODE DE RECOUVREMENT DES SANCTIONS PÉCUNIAIRES

Le deuxième alinéa du I dispose que les sanctions pécuniaires ( cf. commentaire de l'article 35) sont recouvrées comme les créances de l'Etat étrangères à l'impôt et au domaine .

Ces créances sont celles ordinaires ou « de droit commun », résultant essentiellement de contrats ou quasi-contrats, de textes législatifs et réglementaires, d'amendes et de sanctions pécuniaires prononcées par les autorités administratives indépendantes, les juridictions financières, et dans certains cas les juridictions administratives et judiciaires (amendes pour recours abusif par exemple). Ce mode de recouvrement est par exemple prévu pour les sanctions prises par la Commission de régulation de l'énergie et de l'Autorité de la concurrence ou les travaux requis en cas d'infraction à la réglementation sur les déchets et la pollution (article L. 541-3 du code de l'environnement).

Le recouvrement des sanctions de l'ARJEL sera donc régi par le décret du 24 juin 1963 , qui prévoit notamment que ces créances sont recouvrées, sous la responsabilité des trésoriers-payeurs généraux (TPG), par les comptables directs du Trésor habilités à exercer des poursuites en matière de contributions directes.

S'agissant de créances non fiscales, l'Etat ne bénéficie pas du privilège du Trésor prévu à l'article 1920 du code général des impôts et ces créances ne sont pas soumises à une procédure spécifique de recouvrement et de poursuites, mais recouvrées par la technique habituelle du titre exécutoire de paiement .

En cas d'opposition à cet état exécutoire ou aux poursuites, le redevable doit, avant de saisir la juridiction compétente, adresser une réclamation au TPG compétent dans un délai d'un mois. Le TPG délivre reçu de la réclamation et statue dans le mois du dépôt. A l'expiration de ce délai, toute réclamation n'ayant pas fait l'objet de décision est considérée comme rejetée. Le redevable peut ensuite saisir la juridiction compétente dans un nouveau délai d'un mois à compter du rejet ou de la décision.

C. LE DÉLAI DE PRESCRIPTION ET L'INFORMATION DU PARQUET PÉNAL

Le II du présent article prévoit un délai de prescription de trois ans : la commission des sanctions de l'ARJEL ne peut ainsi être saisie de faits remontant à plus de trois ans, s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction.

Ce délai correspond à la durée fixée par l'article 8 du code de procédure pénale pour la prescription de l'action publique en matière de délits de droit commun. Une prescription de cinq ans a cependant été retenue pour les sanctions prises par l'Autorité de la concurrence.

Le III dispose enfin que le président de l'ARJEL ou celui de la commission des sanctions informe le procureur de la République des faits qui sont susceptibles de recevoir une qualification pénale. Cette information est étendue à toute qualification pénale, alors que dans le cas de l'AMF, elle est limitée aux crimes ou délits dont elle aurait connaissance.

Cette disposition est en tout état de cause conforme à l'obligation générale d'information sur les crimes et délits prévalant dans la sphère publique et prévue par le célèbre article 40 du code de procédure pénale, qui prévoit que « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ».

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur au fond, et avec l'avis favorable du Gouvernement, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté un amendement de précision sur les sanctions prononcées par la commission des sanctions de l'ARJEL.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur est favorable à ces dispositions, qui sont conformes au droit commun des autorités administratives habilitées à prononcer des sanctions.

Votre commission a néanmoins adopté, sur sa proposition, un amendement tendant à préciser que l'ARJEL informe « sans délai » le procureur de la République des faits susceptibles de recevoir une qualification pénale, et réciproquement, que lorsque le procureur de la République décide de mettre en mouvement l'action publique sur les faits transmis, il en informe sans délai l'ARJEL selon une procédure inspirée de celle prévue pour l'AMF à l'article L. 621-15-1 du code monétaire et financier.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 37 - Précision par décret du régime de sanction

Commentaire : le présent article prévoit que les conditions d'application des articles 35 et 36 sont déterminées par décret en Conseil d'Etat.

Le présent article prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application des articles 35 et 36, relatifs au régime des sanctions prononcées par la commission des sanctions de l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) et au respect des droits de la défense.

*

* *

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

Votre rapporteur n'a pas de remarque particulière à formuler sur cet article nécessaire à l'application du régime de sanction de l'ARJEL.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article sans modification.

CHAPITRE VII - DISPOSITIONS FISCALES

ARTICLE 38 (Art. 1012 du code général des impôts) - Droit fixe dû par les opérateurs de jeux et paris en ligne

Commentaire : le présent article a pour objet d'instaurer des droits fixes que devront acquitter les opérateurs de paris ou de jeux d'argent et de hasard en ligne agréés par l'ARJEL.

I. LE DROIT FIXE DÛ PAR LES OPÉRATEURS DE JEUX ET PARIS EN LIGNE

A. LES FAITS GÉNÉRATEURS ET LES MONTANTS DES DROITS FIXES

Le présent article propose de rétablir l'article 1012 du code général des impôts. Celui-ci imposerait aux opérateurs de jeux et paris en ligne de verser un droit fixe :

- tout d'abord, au moment du dépôt d'une demande d'agrément par l'ARJEL . Le montant du droit, fixé par décret, s'établirait entre 2.000 et 15.000 euros . Il serait exigible le jour du dépôt de la demande d'agrément auprès de l'ARJEL ;

- puis chaque année pendant la durée de validité de l'agrément , c'est-à-dire pendant cinq ans. Dès lors, au 1 er janvier de chaque les opérateurs concernés devraient verser un droit dont le montant, fixé par décret, serait compris entre 10.000 et 40.000 euros ;

- enfin, lors du dépôt d'une demande de renouvellement de l'agrément . Les opérateurs concernés devraient alors verser un droit dont le montant, fixé par décret, s'établirait entre 1.000 et 10.000 euros . Ce droit serait exigible le jour du dépôt de la demande d'agrément auprès de l'ARJEL.

Il convient de rappeler qu'aux termes du I de l'article 16 du présent projet de loi, l'agrément est « distinct pour les paris hippiques, les paris sportifs et les jeux de cercles en ligne ». Par conséquent, un opérateur devrait payer autant de droits fixes qu'il aurait obtenu d'agréments .

Il est à noter que ce droit fixe serait versé au budget général , l'ARJEL devant être financée exclusivement par le budget de l'Etat. En outre, le montant de l'ensemble des droits fixes devrait être sensiblement inférieur au budget de l'ARJEL, de l'ordre de 10 millions d'euros en 2009 et en 2010, et de l'ordre de 3,4 millions d'euros par an en « régime de croisière ».

B. LES MODALITÉS DE MISE EN oeUVRE

Les droits institués par le présent article devraient être recouvrés et contrôlés « selon les mêmes règles, sous les mêmes garanties et sanction qu'en matière de droit d'enregistrement ». Les modalités d'acquittement seraient fixées par un décret.

En outre, le délai de paiement de ce droit serait de 30 jours à compter de la date de réception de l'avis de paiement.

Enfin, en cas de retard dans le paiement dudit droit, leur montant serait majoré du taux d'intérêt légal (soit 0,40 % par mois) mensualisé par mois de retard à compter du trente et unième jour suivant la date de réception de l'avis de paiement, tout mois entamé étant compté en entier.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification .

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur est favorable aux dispositions de cet article.

Les montants des différents droits, s'ils restent à déterminer, se situeront dans des fourchettes qui permettent de dire qu'ils élimineront la plupart des opérateurs peu sérieux tout en ne fermant pas excessivement le marché à de nouveaux opérateurs.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 39 (Art. 302 bis ZG à 302 bis ZN nouveaux du code général des impôts) - Nouveau régime fiscal des paris sportifs ou hippiques et des jeux de cercle

Commentaire : le présent article insère dans le code général des impôts huit nouveaux articles 302 bis ZG à 302 bis ZN. Ces dispositifs créent de nouveaux prélèvements sur les paris hippiques et sportifs, quel que soit leur canal de distribution, et sur les jeux de cercle en ligne, appelés à se substituer à certains prélèvements existants dans un objectif de simplification. Ils précisent également les modalités de paiement, de recouvrement et de contrôle, notamment lorsque l'opérateur assujetti n'est pas établi en France.

I. LES PRÉLÈVEMENTS FISCAUX ACTUELS SUR LES PARIS ET LES JEUX DE CERCLE

Les paris organisés et exploités par le PMU et la Française des jeux et les jeux de cercle sont soumis à un régime fiscal touffu et complexe , en particulier les paris sportifs et jeux de la Française des jeux, qui illustre la volonté de faire profiter davantage l'Etat de la « manne » des jeux. Selon les prélèvements, l'assiette est constituée du produit brut des paris ou jeux, des sommes misées ou, plus rarement, des gains (le prélèvement est alors dû par le joueur). En outre, des prélèvements non fiscaux sont opérés au profit du budget général de l'Etat et des filières équine et sportive.

A. LES PRÉLÈVEMENTS SUR LES PARIS HIPPIQUES

En application de l'article 261 E du code général des impôts et conformément au droit communautaire, le produit de l'exploitation des paris mutuels hippiques, comme les jeux d'argent et de hasard proposés par les casinos et le produit de l'exploitation de la loterie nationale, sont exonérées de taxe sur la valeur ajoutée ( TVA ). En revanche, les rémunérations perçues par les organisateurs et les intermédiaires qui participent à l'organisation de paris hippiques y sont assujettis. Un montant de 237 millions d'euros a ainsi été acquitté en 2008.

Le PMU est quant à lui soumis à un prélèvement spécifique au profit de l'Etat, introduit par l'article 139 de la loi de finances rectificative pour 2006 en remplacement d'un ancien droit de timbre. Il est assis sur le produit brut des paris , défini comme la différence entre le total des sommes engagées en pari mutuel diminuées des montants représentatifs des prélèvements sociaux (au titre de la contribution sociale généralisée et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale) et la part de ces sommes reversée aux parieurs gagnants (soit le taux de retour aux joueurs). Le décret n° 2007-62 du 16 janvier 2007 a fixé à 32,73 % le taux de ce prélèvement, qui a représenté, en 2008, 705 millions d'euros .

Indépendamment de ces prélèvements fiscaux et des prélèvements sociaux, l'intégralité du résultat net du PMU est reversée aux sociétés de courses et aux actions d'encouragement à l'élevage, soit 736,4 millions d'euros en 2008 .

B. LES PRÉLÈVEMENTS SUR LES JEUX DE LA FRANÇAISE DES JEUX, DONT LES PARIS SPORTIFS

Les sommes engagées sur les jeux de la Française des jeux sont en premier lieu soumises à un droit de timbre . L'article 919 B du code général des impôts dispose ainsi que les sommes engagées au loto sportif sont soumises, au même titre que les bulletins du loto national (en application de l'article 919 A), à un droit de timbre de 4,70 %, qui a représenté 30 millions d'euros en 2008. De même, l'article 919 C prévoit un droit de timbre au taux de 1,60 % pour les sommes engagées dans les jeux de grattage.

En deuxième lieu, un arrêté de répartition des mises du 9 mars 2006 détermine ce qui revient aux gagnants (en 2008, le taux de retour fut de 61,2 %), la commission de l'organisation des jeux (10,83 % des mises), le niveau de certains prélèvements et les éventuels fonds de contrepartie. Le solde de cette répartition vient abonder le budget général de l'Etat , soit 6 millions d'euros en 2008.

En troisième lieu, les mises sur les jeux de la Française des jeux contribuent au financement du sport amateur et des équipements sportifs . L'article 53 de la loi de finances pour 2006, ultérieurement modifié par l'article 49 de la loi de finances pour 2008, a instauré un prélèvement de 1,80 %, dans la limite de 163 millions d'euros (à compter de 2008), sur les sommes misées sur les jeux exploités en France et dans les départements d'outre-mer au profit du Centre national de développement du sport (CNDS), qui a succédé au Fonds national de développement du sport.

Pour les années 2006 à 2008, un prélèvement complémentaire a été créé, dont le taux et le plafond ont été portés à respectivement 0,7 % et 63 millions d'euros en 2008. Le prélèvement global au profit du CNDS s'est ainsi élevé à 225 millions d'euros en 2008.

En quatrième lieu, l'article 6 de la loi de finances rectificative pour 1986 prévoit un prélèvement progressif sur les gains réalisés au loto sportif et lors des tirages supplémentaires de la loterie nationale, dont le taux est compris entre 5 % et 30 % selon le montant du gain. Le produit de ce prélèvement fut en 2008 légèrement inférieur à un million d'euros.

A l'instar des paris hippiques et en application de l'article 261 E du code général des impôts, les rémunérations et commissions perçues par les organisateurs et les intermédiaires qui participent à l'organisation de jeux de hasard ou d'argent (dont les paris sportifs) sont également assujettis à la TVA .

Enfin la Française des jeux est soumise à un prélèvement affecté au budget général de l'Etat (1.696 millions d'euros en 2008), à l'impôt sur les sociétés (44 millions d'euros) et à des prélèvements en faveur de Monaco, Saint-Pierre-et-Miquelon et de la Polynésie française (11 millions d'euros).

Au total et hors prélèvements sociaux, les prélèvements de l'Etat, selon le ministère du budget, ont représenté en 2008 942 millions d'euros pour les paris hippiques, soit 7,7 % des mises , et 82 millions d'euros pour les paris sportifs, soit 5,8 % des mises .

C. LES PRÉLÈVEMENTS SUR LES JEUX DE CERCLE

Les jeux de cercle non occultes, au premier rang desquels le poker, sont majoritairement pratiqués au sein des casinos et sont donc soumis aux prélèvements fiscaux assis sur le produit brut des jeux (PBJ) des casinos , défini pour les différentes catégories de jeux (jeux de contrepartie électroniques ou non, jeux de cercle et machines à sous) par l'article L. 2333-55-1 du code général des collectivités territoriales. Le PBJ du poker « Texas hold'em » est quant à lui défini par un arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos comme le montant intégral de la cagnotte, soit une retenue de 4 % sur le montant de chaque « pot » (pour les tournois) ou des achats de cave (pour les parties).

Le PBJ global des casinos fait l'objet de deux prélèvements de l'Etat, détaillés dans le commentaire de l'article 46 du présent projet de loi :

- un prélèvement fixe sur l'intégralité du PBJ, institué par l'article 50 de la loi de finances pour 1991, au taux de 0,5 % sur les jeux de table et de 2 % sur les machines à sous ;

- et un prélèvement progressif prévu par les articles L. 2333-56 et D. 2333-74 du code général des collectivités territoriales, dont le taux est compris entre 10 % et 80 %, après abattement de 25 %. Afin de « soulager » quelque peu un secteur confronté depuis deux ans à une grave crise, le barème a été récemment révisé à la baisse et appliqué rétroactivement au 1 er novembre 2008 - soit un allègement fiscal d'environ 37 millions d'euros - par un décret du 26 août 2009. Il est désormais le suivant :

Ancien et nouveau barèmes du prélèvement progressif sur le PBJ des casinos

Taux

Barème applicable
avant le 26 août 2009

Barème applicable
depuis le décret du 26 août 2009

10 %

Jusqu'à 58.000 euros

Jusqu'à 87.000 euros

15 %

De 58.001 euros à 114.000 euros

De 87.001 euros à 171.000 euros

25 %

De 114.001 euros à 338.000 euros

De 171.001 euros à 507.000 euros

35 %

De 338.001 euros à 629.000 euros

De 507.001 euros à 943.500 euros

45 %

De 629.001 euros à 1.048.000 euros

De 943.501 euros à 1.572.000 euros

55 %

De 1.048.001 euros à 3.144.000 euros

De 1.572.001 euros à 4.716.000 euros

60 %

De 3.144.001 euros à 5.240.000 euros

De 4.716.001 euros à 7.860.000 euros

65 %

De 5.240.001 euros à 7.337.000 euros

De 7.860.001 euros à 11.005.500 euros

70 %

De 7.337.001 euros à 9.433.000 euros

De 11.005.501 euros à 14.149.500 euros

80 %

Au-delà de 9.433.000 euros

Au-delà de 14.149.500 euros

Source : décret n° 2009-1035 du 26 août 2009

Une partie du prélèvement progressif est rétrocédée aux communes d'établissement des casinos, dans la limite de 10 %. Les conseils municipaux de ces communes peuvent également décider d'appliquer un prélèvement au taux maximal de 15 % (en vertu des clauses du cahier des charges du casino) pour des actions de promotion du tourisme, mais le cumul des taux des prélèvements de l'Etat et des communes ne peut excéder 80 % du PBJ.

En application de l'article 261 E du code général des impôts, précité, les activités de jeux de casinos ne sont pas soumises à la TVA , mais naturellement leurs activités de restauration ou de spectacle le sont.

Au total, les prélèvements de l'Etat (prélèvements sociaux inclus) et des communes sur ces jeux ont représenté en 2008 57,6 % du PBJ des casinos, soit pour le poker, environ 2,3 % des mises .

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE HARMONISATION BIENVENUE MAIS DES MODALITÉS RELATIVEMENT ATYPIQUES

Le présent article crée dans le titre II de la première partie du livre premier du code général des impôts un nouveau chapitre XX intitulé « Prélèvements sur les jeux et paris » , qui comprend huit nouveaux articles 302 bis ZG à 302 bis ZN et constitue une réforme globale de la fiscalité sur les paris sportifs et hippiques et sur le poker en ligne. Cette réforme entend répondre à une triple exigence de simplification, de neutralité des modes de distribution et de rendement au moins constant pour l'Etat.

A. LES PRINCIPES DE LA RÉFORME

1. Une double harmonisation

Afin de limiter les distorsions de concurrence entre opérateurs et entre supports de paris, et également de limiter les effets de « cannibalisation », le présent article prévoit une sorte de neutralité ratione materiae et ratione loci en établissant un seul type de prélèvement, dont l'assiette (les mises) et le taux (5,7 %) sont communs quels que soient les paris , hippiques ou sportifs, en ligne ou proposés dans le réseau physique.

En effet, une différenciation des taux selon que l'offre est en ligne ou dans le réseau physique présenterait un risque de non-conformité au droit communautaire de la concurrence et conduirait, compte tenu de la condition de relative attractivité du futur régime d'ouverture encadrée à la concurrence, à proposer une fiscalité comparativement plus favorable aux jeux en ligne .

Le traitement fiscal des jeux de cercle (poker essentiellement) ne répond pas à la même volonté d'harmonisation puisque les prélèvements sur les jeux « en dur » sont distincts de ceux sur les jeux en ligne , tant au regard de l'assiette - PBJ pour les premiers, mises pour les seconds - que du taux - respectivement 2,3 % et 2 % (dont 0,2 % de prélèvements sociaux). Les aménagements apportés à la fiscalité des casinos par l'article 46 du présent projet de loi devraient cependant contribuer à rapprocher ces taux.

L'important différentiel de fiscalité entre les paris et le poker en ligne serait en outre justifié par le mode opératoire du poker - parties courtes et mises successives - et, selon le Gouvernement, par le moindre potentiel d'addiction de ce jeu , qui n'est pas un pur jeu de hasard mais fait appel à la réflexion, à l'adresse et à la stratégie. Cette assertion reste à démontrer, si l'on en juge par la « mythologie » du gain facile et de la capacité à « se refaire » que le poker véhicule et qui est fréquemment illustrée au cinéma.

2. Une fiscalité assise sur les mises plutôt que le produit brut

Le Gouvernement a fait le choix d'asseoir les prélèvements sur les paris et le poker en ligne sur le montant brut des sommes engagées (y compris les gains réinvestis) plutôt que sur le produit brut des jeux comme c'est le cas actuellement. En taxant l'acte individuel de jeu ou de pari plutôt que la masse agrégée minorées des gains, les risques de cette activité pour l'ordre public et l'ordre social sont mis en exergue mais la France se démarque de la plupart pays européens , qui privilégient le PBJ en tant qu'il constitue une assiette économiquement plus cohérente. Ce choix répond également à deux autres motivations :

- les conventions d'éviction de la double-imposition signées par la France avec les Etats européens qui recourent au PBJ, et où seront établis nombre des futurs opérateurs agréés, impliquent, pour sécuriser le produit fiscal, d'asseoir la fiscalité sur une autre assiette . Si la France choisissait le PBJ, les opérateurs déjà taxés sur cette assiette dans leur Etat d'établissement seraient en effet fondés à contester leur imposition en France sur la même assiette ;

- la taxation des mises permet d'exercer un impact direct sur le taux de retour aux joueurs , la « vente à perte » étant interdite en application de l'article 19 du présent projet de loi et l'opérateur étant soumis à une contrainte de rentabilité, alors que l'assiette du produit brut des jeux découle à l'inverse du TRJ. Ce choix fiscal est donc cohérent avec la position défendue par le Gouvernement - et à certains égards contestable - selon laquelle le niveau du TRJ constitue un des principaux leviers de lutte contre l'addiction.

En revanche, un prélèvement proportionnel aux mises peut se révéler particulièrement problématique pour le poker en ligne en compromettant la viabilité économique des opérateurs, ainsi que l'ont souligné plusieurs personnes auditionnées par votre rapporteur. Ces derniers se rémunèrent en effet par une commission, appelée « rake », prélevée sur l'ensemble des mises (le « pot »). Ce rake est fréquemment plafonné à partir d'un certain montant de mises, de sorte que le prélèvement peut, après quelques tours de jeu, se révéler supérieur au rake et entraîner une perte nette pour l'opérateur.

Il en résulte donc un risque réel d'encouragement indirect de l'offre illégale , soit que la rentabilité des opérateurs légaux soit chroniquement menacée, soit qu'ils relèvent sensiblement le montant de leur commission mais ne soient plus compétitifs par rapport aux opérateurs illégaux qui pratiquent souvent une politique tarifaire agressive.

B. LES MODALITÉS ET TAUX DES PRÉLÈVEMENTS

1. Le prélèvement sur les paris hippiques

Le quatrième alinéa du présent article crée dans le nouveau chapitre XX précité un nouvel article 302 bis ZG du code général des impôts, qui institue un prélèvement sur les sommes engagées par les parieurs pour le pari mutuel organisé par les sociétés de courses dans les conditions fixées par l'article 5 de la loi du 2 juin 1891 et pour les paris hippiques en ligne mentionnés à l'article 6 du présent projet de loi. L'assiette de ce prélèvement est donc beaucoup plus large que l'actuel produit brut des paris et identique quel que soit le canal de distribution.

Le cinquième alinéa dispose que ce prélèvement est dû par le PMU, les sociétés de courses intéressées et les opérateurs de paris hippiques en ligne agréés par l'ARJEL.

Le onzième alinéa crée dans le code général des impôts un nouvel article 302 bis ZJ, dont le premier alinéa dispose que ce prélèvement, tout comme les prélèvements sur les paris sportifs et sur les jeux de cercle en ligne, est assis sur le montant brut des sommes engagées par les parieurs. Les gains réinvestis sous forme de nouvelles mises y sont également assujettis .

En application du nouvel article 302 bis ZK du même code, créé par les treizième et quatorzième alinéas , le taux de ce prélèvement est de 5,7 %, contre environ 7,7 % dans le régime actuel (cf. supra ), ce qui tend à réduire le désavantage compétitif, en termes de fiscalité et de taux de retour aux joueurs, dont souffriraient les paris hippiques par rapport aux paris sportifs.

Par coordination, le III de l'article 45 du présent projet de loi supprime l'article 139 de la loi de finances rectificative pour 2006, précité et relatif au prélèvement sur le PMU.

2. Le prélèvement sur les paris sportifs

De manière analogue, le sixième alinéa crée dans le code général des impôts un nouvel article 302 bis ZH qui institue un prélèvement sur les sommes engagées par les parieurs au titre des paris sportifs organisés et exploités par la Française des jeux dans les conditions fixées par l'article 42 de la loi de finances pour 1985 et des paris sportifs en ligne organisés et exploités dans les conditions fixées par l'article 7 du présent projet de loi. Les paris en ligne et ceux du réseau physique sont donc soumis au même régime fiscal.

Le septième alinéa prévoit que ce prélèvement est dû par la Française des jeux et par les opérateurs de paris sportifs en ligne titulaires d'un agrément délivré par l'ARJEL. Le taux du prélèvement est identique à celui appliqué aux paris hippiques, soit 5,7 %, qui se révèle proche du taux actuel équivalent à 5,8 %, mais inférieur si l'on inclut la quote-part du prélèvement opéré sur la Française des jeux .

Les I, II et IV de l'article 45 du présent projet de loi opèrent plusieurs coordinations, détaillées dans le commentaire y afférent, afin de supprimer tous les droits de timbre sur les jeux de la Française des jeux et le prélèvement sur les gains réalisés sur le loto sportif.

3. Le prélèvement sur les jeux de cercle en ligne

Le nouvel article 302 bis ZI du code général des impôts, créé par le huitième alinéa du présent article, institue un prélèvement sur les sommes engagées par les joueurs pour les jeux de cercle en ligne organisés et exploités dans les conditions fixées par l'article 9 du présent projet de loi. A la différence des paris sportifs et hippiques, ce prélèvement ne concerne que les jeux sur Internet , essentiellement le poker. Le neuvième alinéa prévoit que ce prélèvement est dû par les opérateurs de jeux de cercle en ligne agréés par l'ARJEL.

Le douzième alinéa prévoit, dans le nouvel article 302 bis ZJ précité, une assiette distincte lorsque les jeux sont organisés sous forme de tournoi donnant lieu au paiement, par chaque participant, d'un droit d'entrée représentatif d'une somme déterminée qu'il engagera au jeu. Le prélèvement est alors assis sur le montant de ce droit d'entrée - et non pas sur les mises brutes et les gains réinvestis ( cf. supra ) - et, le cas échéant, sur celui du ou des nouveaux droits ultérieurement acquittés par le joueur afin de continuer à jouer.

Le quinzième alinéa, dans le nouvel article 302 bis ZK précité, fixe le taux de ce prélèvement à 1,8 % des mises . En incluant les prélèvements sociaux, le taux global de 2 % est ainsi légèrement inférieur au taux de 2,3 % actuellement pratiqué et déterminé d'après le prélèvement sur le PBJ, ce qui permettrait de renforcer l'attractivité de la légalisation. Les dispositions de l'article 46 du présent projet de loi devraient cependant contribuer à abaisser ce taux de 2,3 %, ce qui confortera une certaine neutralité entre jeux en ligne et jeux « en dur », à l'instar des paris.

4. Les modalités de paiement, de recouvrement et de contrôle

a) Lorsque le redevable est établi en France

Le nouvel article 302 bis ZL du code général des impôts, introduit par le seizième alinéa du présent article, précise l'exigibilité des prélèvements dans le cas d'un jeu ou pari en ligne et lorsque le redevable est situé en France . Les prélèvements sont alors dus au titre des sommes engagées dans le cadre d'une session de jeu ou de pari réalisée au moyen d'un compte joueur ouvert sur un site Internet dédié, tel que défini par l'article 18 du présent projet de loi.

Le second alinéa de cet article 302 bis ZL prévoit que le produit de ces prélèvements est déclaré et liquidé par les opérateurs de jeux ou de paris en ligne sur une déclaration annuelle dont le modèle sera fixé par l'administration. Cette déclaration sera déposée, accompagnée du paiement, dans les mêmes délais que ceux prévus pour les taxes sur le chiffre d'affaires, fixés pour 2010 par un arrêté du 9 juin 2009.

Selon une formulation habituelle, le nouvel article 302 bis ZM du code général des impôts, introduit par le dix-septième alinéa du présent article, dispose que les prélèvements sont recouvrés et contrôlés selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges qu'en matière de taxe sur le chiffre d'affaires. Les réclamations sont présentées selon les règles applicables à ces mêmes taxes.

b) L'obligation pour les redevables établis à l'étranger de faire accréditer un représentant fiscal en France

Le jeu en ligne constituant une prestation dématérialisée, la majorité des opérateurs agréés devraient exercer par voie de libre prestation de services à partir d'un autre Etat européen , donc sans disposer en France d'un siège social, voire même d'une succursale ou d'un établissement stable. En l'absence de structure disposant de la personnalité fiscale en France, ces opérateurs ne sont normalement pas imposables en France.

Le dix-neuvième alinéa du présent article tend donc à garantir le recouvrement effectif des prélèvements dont sont théoriquement redevables des opérateurs situés à l'étranger mais agréés en France. Il crée dans le code général des impôts un nouvel article 302 bis ZN imposant à ces opérateurs de faire accréditer auprès de l'administration fiscale un représentant établi en France , qui s'engage à remplir les formalités de déclaration et à acquitter le prélèvement à la place de l'opérateur.

A des fins de contrôle , il doit également tenir à la disposition de l'administration et de l'ARJEL la comptabilité de l'ensemble des sessions de jeu ou de pari en ligne.

Ce dispositif de représentation est analogue à celui aujourd'hui applicable en matière de TVA pour les seules entreprises établies hors de l'Union européenne, prévu par l'article 289 A du code général des impôts et dont la rédaction est proche. Le champ de la présente obligation est plus strict puisqu'il s'applique à tout opérateur établi à l'étranger, y compris dans un Etat membre de la Communauté européenne, ce qui pourrait exposer ce dispositif à un risque d'incompatibilité avec la liberté communautaire de prestation de service , ainsi que l'a relevé la Commission européenne dans son avis du 8 juin 2009 sur le présent projet de loi.

C. LES AFFECTATIONS ET PRÉLÈVEMENTS SPÉCIFIQUES

Le troisième alinéa du nouvel article 302 bis ZI du code général des impôts (soit le dixième alinéa du présent article) prévoit que le produit du prélèvement sur les jeux de cercle en ligne est affecté à concurrence de 15 % et dans la limite de 10 millions d'euros au Centre des monuments nationaux .

Votre rapporteur relève que le présent article ne mentionne aucun prélèvement ou redevance en faveur de la filière équine. Votre commission, sur proposition du Gouvernement, a cependant adopté un nouvel article 43 bis (cf. commentaire y afférent) qui introduit cette redevance et en expose précisément les modalités . Le ministère de budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat a également beaucoup communiqué sur le fait que la filière bénéficiera d'un « retour » financier d'environ 8 % des sommes engagées sur les paris hippiques, en ligne ou « en dur ».

Ce taux garantit vraisemblablement une augmentation des ressources de la filière , y compris dans l'hypothèse où une partie de la clientèle actuelle viendrait à délaisser les paris hippiques et à se reporter sur les paris sportifs par un phénomène de « cannibalisation ».

Les mises sur les paris sportifs seront quant à elles soumises à un prélèvement supplémentaire au taux de 1 % (dont l'Assemblée nationale a adopté le principe d'un taux à 1,3 % puis d'une augmentation progressive) en faveur du Centre national de développement du sport , introduit par l'article 43 du présent projet de loi.

III. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a substantiellement modifié cet article, essentiellement pour étendre la rétrocession d'une fraction des prélèvements à certaines communes.

A l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur au fond, et avec l'avis favorable du Gouvernement, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté trois amendements rédactionnels et un amendement tendant à plafonner à 0,90 euro par donne , dans le nouvel article 302 bis ZI du code général des impôts, le prélèvement opéré sur les jeux de cercle en ligne qui ne sont pas organisés sous forme de tournoi. Cette disposition a pour objet de limiter les conséquences néfastes de l'assiette des mises sur le modèle économique des opérateurs de poker.

Elle a également adopté un amendement de notre collègue député Nicolas Perruchot précisant que le prélèvement sur les paris hippiques est dû par le PMU ou (et non pas « et ») par les sociétés de course.

Avec l'avis favorable du Gouvernement, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté un amendement de notre collègue député Jacques Myard, sous-amendé par M. Jean-François Lamour pour introduire un plafonnement, tendant à rétrocéder - à l'instar de l'affectation au profit du Centre des monuments nationaux - une partie du prélèvement sur les paris hippiques aux communes accueillant un ou plusieurs hippodromes . Le prélèvement est ainsi affecté à concurrence de 15 % et dans la limite de 10 millions d'euros à ces communes, au prorata des enjeux des courses hippiques effectivement organisées par les hippodromes.

A l'initiative de notre collègue député Daniel Fasquelle, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, et avec l'avis de sagesse du Gouvernement, elle a adopté un amendement (sous-amendé par M. Jean-François Lamour) prévoyant la rétrocession d'une fraction du prélèvement sur les jeux de cercle en ligne, à concurrence de 15 % et dans la limite de 10 millions d'euros, au profit des communes accueillant un ou plusieurs casinos . Cette disposition a été motivée par le fait que ces communes souffrent particulièrement de la baisse actuelle du chiffre d'affaires des casinos, qui ne pourrait qu'être aggravée par la concurrence du poker en ligne.

Enfin lors de l'examen en séance, l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable du Gouvernement, trois amendements de notre collègue député Daniel Fasquelle, sous-amendés par M. Jean-François Lamour, tendant à prévoir une indexation annuelle sur la prévision d'inflation retenue dans le projet de loi de finances des limites prévues pour les rétrocessions en faveur du Centre des monuments nationaux et des communes accueillant un hippodrome ou un casino.

Compte tenu des dispositions adoptées à l'Assemblée nationale sur le présent article et des dispositions des articles 42 à 46 du présent projet de loi, le régime actuel des prélèvements fiscaux et sectoriels sur les jeux et paris (y compris ceux sur les casinos) et le futur régime sont résumés dans les tableaux ci-après.

Régime actuel et futur régime des prélèvements fiscaux et sectoriels sur les jeux et paris

DROIT EXISTANT

Française des Jeux

PMU et sociétés de courses

Casinos

Prélèvements et fiscalité de l'Etat

Prélèvements sur les mises :

- Droits de timbre de 1,6 % ou 4,7 % sur les tickets de jeux ( 151 millions € en 2008 )

- Prélèvement au profit du budget général de l'Etat ( 1.696 millions € )

- TVA sur les commissions perçues par les organisateurs et intermédiaires ( 199 millions € )

- Arrondis, arrêté de répartition des mises et impôts sur les gains ( 14 millions € )

- Prélèvements au profit de Monaco, Saint-Pierre-et-Miquelon et de la Polynésie française ( 11 millions € )

Impôt sur les sociétés prélevé sur le résultat net ( 44 millions € )

Total des prélèvements Etat hors CNDS en 2008 : 2.115 million €

- Prélèvement de 32,73 % sur le produit brut des paris ( 705 millions € )

- TVA pour les seuls organisateurs et intermédiaires qui participent à l'organisation de paris hippiques ( 237 millions €)

Total des prélèvements de l'Etat en 2008 (hors prélèvements sociaux) : 942 millions €

Sur le produit brut des jeux :

- Prélèvement progressif de 10 % à 80 % après abattement de 25 % sur le PBJ

- Prélèvement fixe sur l'intégralité du PBJ, de 0,5 % sur les jeux de table et de 2 % sur les machines à sous

[Droit de timbre journalier supprimé en 2005]

Total des prélèvements de l'Etat en 2008 (hors prélèvements sociaux) : 950 millions €

Références juridiques

Art. 919 A à 919 C du CGI, art. 6 de la LFR pour 1986, art. 261 E du code général des impôts

Décrets n° 2006-174 et 2006-175, arrêté du 9 mars 2006

Art. 261 E du CGI, art. 139 de la LFR pour 2006

Décret n° 2007-62 du 16 janvier 2007

Art. L. 2333-56, D. 2333-74 et D. 2333-76 à R. 2333-82-1 du CGCT, art. 50 de la LFI pour 1991

Décret n° 2002-448 du 27 mars 2002

Arrêté du 14 mai 2007

Fiscalité locale (casinos)

-

-

- Rétrocession à chaque commune siège de 10 % du prélèvement de l'Etat

- Sur délibération du conseil municipal et pour des actions de promotion du tourisme, prélèvement au taux maximal de 15 % (et 80 % par cumul avec le prélèvement de l'Etat) au titre du cahier des charges

Total en 2008 : 305 millions €

Références juridiques

-

-

Art. L. 2333-54 et L. 2333-55 du CGCT

Retour aux filières

Sports via le CNDS :

- 1,80 % sur les mises plafonné à 163 millions €

- en 2008, prélèvement complémentaire de 0,70 % plafonné à 63 millions €

Total du prélèvement en 2008 : 225 millions €

Filière équine :

Intégralité du résultat net reversé aux sociétés de course et aux actions d'encouragement à l'élevage

736,4 millions € en 2008

-

REFORME PROPOSEE PAR LE PRESENT PROJET DE LOI

Paris sportifs
du réseau physique ou en ligne

Paris hippiques du réseau physique ou en ligne

Poker en ligne

Casinos

Française des jeux (autres jeux et prélèvements sur le bilan)

Fiscalité de l'Etat

- Prélèvement de 5,7 % des mises

- TVA sur les commissions perçues par les organisateurs et intermédiaires

- Extension de l'exonération de TVA aux sommes misées lors de paris sportifs en ligne (article 44 du projet de loi)

- Prélèvement de 5,7 % des mises (et suppression par l'article 45 du prélèvement actuel sur le PBJ des paris hippiques)

- TVA des organisateurs et intermédiaires qui participent à l'organisation de paris hippiques

- Extension de l'exonération de TVA aux sommes misées lors de paris hippiques en ligne (article 44)

- Prélèvement de 1,8 % des mises

- Dispositif de l'AN : plafonnement à 0,9 € par donne

- Extension de l'exonération de TVA aux sommes misées lors de jeux de cercle en ligne (article 44)

- Révision rétroactive des seuils du prélèvement progressif par le décret n° 2009-135 : 10 % (< 87.000 €) à 80 % (> 11.319.000 €)

- Scission rétroactive de l'assiette du prélèvement progressif sur le produit brut des jeux (article 46 du projet de loi)

Economie d'impôt escomptée : 80 millions d'euros

Dispositif inchangé, à l'exception de la suppression des droits de timbre (article 45 du projet de loi)

Prélèvements ou rétrocessions spécifiques et au profit des filières

- Article 43 du projet de loi initial : prélèvement supplémentaire de 1 % des mises sur les paris en ligne ou « en dur » au profit du CNDS

- Dispositif de l'AN (article 43) : 1,3 % en 2010, 1,5 % en 2011, 1,8 % à compter de 2012

- Prélèvement d'environ 8 % des mises au profit de la filière équine (article 43 bis )

- Dispositif de l'AN : rétrocession d'une partie du prélèvement fiscal aux communes disposant d'un ou plusieurs hippodromes , à concurrence de 15 % et dans la limite de 10 millions d'euros

- Rétrocession au Centre des musées nationaux , à concurrence de 15 % et dans la limite de 10 millions €

- Rétrocession aux communes accueillant un casino , à concurrence de 15 % et dans la limite de 10 millions €

Dispositif inchangé (prélèvement au profit du CNDS)

Total (hors prélèvements sociaux)

7 % des mises en 2010 puis 7,5 % en 2012, hors valorisation du nouveau droit d'exploitation

13,7 % des mises

1,8 % des mises

Total tous prélèvements

8,8 % des mises en 2010
(9,3 % en 2012)

15,5 % des mises

2 % des mises

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. UN RÉGIME FISCAL QUI SE VEUT ÉQUILIBRÉ ET PRUDENT

1. Des contraintes multiples qui compliquent la détermination de la fiscalité optimale

Le régime fiscal est incontestablement un des points les plus sensibles de la nouvelle ouverture encadrée à la concurrence, dans la mesure où il exerce un impact direct sur les marges commerciales des futurs opérateurs agréés et sur leur taux de retour aux joueurs, et partant, sur l'incitation à se placer dans la légalité . Le Gouvernement a donc recherché un délicat point d'équilibre entre des impératifs parfois antagonistes, qui s'apparente à la « quadrature du cercle » :

- la préservation des ressources de l'Etat , fonction des prévisions de chiffre d'affaires du futur marché légal des jeux en ligne, donc du taux de « légalisation » de l'offre actuelle ;

- la sauvegarde voire l'accroissement du financement de missions d'intérêt général telles que l'entretien du patrimoine historique - dont votre rapporteur relève qu'elle n'a guère de rapport avec les jeux et paris -, le sport amateur et l'emploi rural et les compétences dans la filière équine ;

- l'équité et la neutralité concurrentielles au sein de la catégorie des paris, quels que soient le support (courses hippiques ou sports) et le canal de distribution ;

- une assiette large permettant un taux nominal non dissuasif afin de ne pas compromettre le modèle économique des opérateurs en ligne et de les inciter à solliciter un agrément ;

- une fiscalité suffisamment élevée pour ne pas encourager l'addiction , le niveau du TRJ étant conçu comme un élément déterminant de la dépendance au jeu, postulat que votre rapporteur considère comme sujet à débats.

2. Un régime fiscal plus avantageux que l'actuel, qui respecte globalement les objectifs fixés et pourra le cas échéant évoluer

A cet égard, votre rapporteur estime que les caractéristiques (taux et assiette en particulier) proposées par le Gouvernement sont plutôt conformes à l'équilibre recherché , bien que l'assiette des mises soit relativement atypique et que la fiscalité proposée soit sensiblement plus élevée que celle pratiquée dans des Etats tels que le Royaume-Uni et surtout Malte, où les prélèvements sont respectivement de 15 % du PBJ (soit, sur la base d'un TRJ de 94,5 %, l'équivalent d'une taxation de 1 % des mises) et de 0,5 % des mises (pour les paris sportifs).

La fiscalité française ne sera cependant pas la plus élevée d'Europe , puisque la Belgique opère un prélèvement de 11 % à 15 % des mises pour les paris sportifs et de 20 % des mises pour les paris hippiques, et le Danemark de 30 % des mises pour l'ensemble des paris.

Le choix d'une assiette fondée sur les mises n'est certes pas sans créer des difficultés - en particulier pour le poker en ligne - et est présenté par nombre d'opérateurs potentiels comme source d'une fiscalité dirimante - mais ce genre de doléance est il est vrai logique dans un secteur d'activité en devenir et ces opérateurs ont naturellement intérêt à demander le niveau de fiscalité le plus bas possible, au besoin en « forçant le trait ».

Retenir le PBJ se serait révélé plus cohérent avec les pratiques de nos partenaires européens comme sur le plan économique, mais aurait sans doute imposé, du moins dans un premier temps, d'instaurer un taux nominal élevé - proche des 32,73 % pratiqués pour les paris hippiques - exerçant un effet optiquement désastreux pour l'attractivité de l'offre légale.

Le dispositif proposé n'est donc sans doute pas idéal , voire un peu trop prudent et axé sur la préservation des recettes fiscales, mais il s'inscrit dans la continuité du respect d'objectifs d'intérêt général et prévoit un abaissement de la fiscalité par rapport à la situation actuelle afin d'inciter les opérateurs à faire le choix de la légalisation. Il correspond d'ailleurs aux recommandations formulées en mars 2008 par la mission confiée à M. Bruno Durieux , qui préconisait de taxer les mises et de manière identique les jeux à distance et « en dur ».

De même, l'obligation de mettre en place un représentant fiscal en France est absolument nécessaire pour garantir, en l'absence de filiale ou d'établissement stable, le recouvrement des prélèvements dus par les opérateurs étrangers agréés en France.

Votre rapporteur estime que ce régime fiscal n'est pas figé et pourrait évoluer à l'avenir , en matière de taux et/ou d'assiette, en fonction de l'évaluation du succès de l'offre légale, de la viabilité économique des opérateurs et du niveau d'addiction constaté. Notre pays pourrait le cas échéant s'inspirer du cas de l'Italie , où il a été décidé en juin 2009 de ne plus taxer les mises à hauteur de 3 % mais d'environ 20 % du PBJ, afin d'améliorer le rendement économique et fiscal de l'offre légale et de contribuer au financement des réparations liées au séisme dans les Abruzzes d'avril 2009. Cette évolution a été surtout saluée par les sites de poker en ligne, qui étaient pénalisés par le régime antérieur.

3. Un désavantage compétitif des paris hippiques ?

Le PMU a fait valoir à votre rapporteur que le différentiel de prélèvements globaux entre les paris hippiques et les paris sportifs (respectivement 15,5 % et 8,8 % en incluant les prélèvements sociaux, mais hors valorisation du nouveau droit d'exploitation sur les manifestations sportives) est de nature à réduire le TRJ potentiel et donc l'attractivité des paris hippiques .

Votre rapporteur estime que le risque de substitution entre ces paris existe mais qu'il doit être relativisé , et qu'il n'a pas à arbitrer une possible « rivalité » et des différences d'approche commerciale (notamment au regard de la rémunération du réseau de distribution) entre les deux monopoles actuels. On peut notamment avancer les arguments suivants :

- le TRJ des paris hippiques sur le réseau physique est nettement supérieur à celui des jeux de loteries, de grattage et de tirage (mais il est légèrement supérieur s'agissant des paris avec 74,8 % pour le PMU en 2008 et 73,6 % pour la Française des jeux en 2009) ;

- la concurrence et le risque de captation des paris hippiques par les paris sportifs seront d'autant plus élevés que l'offre de paris sportifs pourra porter sur de courtes séquences d'une compétition sportive . Or les caractéristiques des paris sportifs seront encadrées par les dispositions des articles 2, 4, 7 et 8 du présent projet de loi ;

- les paris hippiques demeurent dans l'esprit de la plupart des joueurs structurellement associés au PMU. En outre, le PMU bénéficiera d'un avantage compétitif sur ce créneau du fait de l'autorisation des seuls paris mutuels , que la plupart des concurrents potentiels maîtrisent pour l'instant peu et qui induisent donc un coût d'entrée non négligeable ;

- le GIE s'est lancé dans une diversification de son offre en direction des paris sportifs, qui permettra de sécuriser son chiffre d'affaires. L'enjeu pour le PMU est surtout de conserver ses plus gros parieurs , qui compte tenu de leurs motivations peuvent être rapidement séduits par une offre illégale ou présentant un TRJ supérieur, et de rajeunir la clientèle, dont le profil détermine les ressources de long terme du PMU ;

- enfin il importe de ne pas placer sur le même plan la redevance au profit de la filière équine , qui est prélevée sur le résultat des opérateurs de paris et affecte donc avant tout leur rentabilité, et le prélèvement fiscal en amont, qui exerce un impact direct sur le TRJ et est inférieur pour les paris hippiques à celui des paris sportifs, compte tenu du prélèvement supplémentaire sur ces derniers au profit du CNDS.

4. Un rendement fiscal constant selon des hypothèses prudentes

Les recettes fiscales sur les jeux de hasard ont représenté environ 4,6 milliards d'euros en 2008, dont 80 % (3,7 milliards d'euros) provenant de jeux qui ne feront pas l'objet d'une ouverture à la concurrence (jeux de grattage et de tirage, casinos physiques, jeux de table et machines à sous), ce qui contribue à atténuer les craintes d'une perte de substance fiscale, pour autant qu'il n'y ait pas de report massif du réseau physique vers l'offre sur Internet.

Les prévisions prudentes que la Française des jeux a communiquées à votre rapporteur tablent sur un produit fiscal constant , en se fondant sur plusieurs sources pour estimer le marché illégal actuel et sur des « taux de légalisation » de l'offre de 40 % pour le poker à 80 % pour les paris hippiques. Toutes choses égales par ailleurs (y compris le nombre de joueurs), une hausse du taux de retour entraine une hausse des enjeux car les joueurs réinvestissent en grande partie leurs gains et inversement, de sorte que les enjeux misés sur le marché légal seront moins importants qu'actuellement sur le « marché gris ».

Compte tenu de ces éléments, la Française des jeux estime que la légalisation du marché gris (poker et paris) devrait rapporter environ 200 millions d'euros lors de la première année pleine , et les autres paris ouverts à la concurrence (PMU et Française des jeux) environ 700 millions d'euros.

Les estimations fournies dans une étude réalisée en 2009 par le cabinet Greenwich Consulting sur l'impact fiscal de l'Internet, à la demande de votre commission des finances, portent sur des recettes fiscales supérieures, de 4,9 milliards d'euros en 2010 . Le total des mises cumulées sur les jeux d'argent devrait représenter 42,5 milliards d'euros en 2010 , en se fondant sur une poursuite de l'érosion des mises dans les casinos physiques et sur un maintien du rythme de croissance des enjeux au PMU, à la Française des jeux et chez les opérateurs alternatifs en ligne. La contribution fiscale de ces opérateurs alternatifs légaux serait analogue à celle estimée par la Française des jeux la première année, soit 210 millions d'euros. Elle pourrait s'élever à 310 millions d'euros d'ici 2012.

B. DES AFFECTATIONS DONT LA LÉGITIMITÉ EST INCERTAINE ET L'OPPORTUNITÉ CONTESTABLE

Votre rapporteur est très réservé sur l'opportunité de trois types de prélèvements affectés à des personnes autres que l'Etat, dont les deux introduits par l'Assemblée nationale au profit de certaines communes. Ils contribuent de surcroît à entretenir la tentation récurrente du « démembrement » de la fiscalité par des affectations et une forme d'illusion sur le potentiel de recettes tirées du secteur des jeux et paris en ligne, qui serait une « vache à lait » pour des causes tout aussi « sympathiques » que variées.

Ces rétrocessions s'opèrent cependant au détriment des recettes de l'Etat, qui en tant que gardien de l'intérêt général est le plus fondé à bénéficier des prélèvements sur ce secteur. Il est également nécessaire de préserver un tant soit peu les marges de manoeuvre des opérateurs légaux pour mieux lutter contre la concurrence déloyale des opérateurs illégaux.

Toutefois compte tenu des enjeux sectoriels que représentent ces affectations, votre commission, conformément à la proposition de son rapporteur, n'en a pas adopté la suppression .

1. Les communes disposant d'un ou plusieurs hippodromes

En premier lieu, l'instauration d'un sous-prélèvement au profit des communes qui accueillent un ou plusieurs hippodromes répond à une motivation que l'on conçoit aisément : soutenir les communes dans l'entretien d'équipements qui contribuent à l'aménagement du territoire et à l'animation locale. Il a aussi un effet pervers : étant ventilé au prorata des courses effectivement organisées, ce prélèvement est davantage adossé aux coûts variables qu'aux coûts fixes d'entretien des hippodromes et malgré le plafond de 700.000 euros, profite essentiellement à quelques communes relativement privilégiées , où se déroulent la majorité des courses du PMU et qui sont parmi les seules à dégager des résultats positifs et conséquents.

Ainsi en tenant compte des deux plafonds prévus (700.000 euros par commune bénéficiaire et 10 millions d'euros au total) et en se fondant sur les enjeux des paris (PMU et PMH) pris en 2008, on constate que les dix premières communes , sur les 242 communes bénéficiaires, perçoivent en cumul 57,3 % du montant affectable . 187 communes reçoivent chacune moins de 2.000 euros et 56 communes moins de 100 euros ... Cette simulation illustre la très grande variété des niveaux d'activité, mais sans doute aussi le trop grand nombre d'hippodromes en France.

En outre, s'il est évident que certaines communes participent financièrement à l'entretien de leurs hippodromes, d'autres ne le font pas et aucune statistique ne permet de connaître précisément les investissements réalisés. Dès lors, si l'attribution d'une fraction de la ressource liée aux jeux en ligne n'est pas strictement liée, d'une manière ou d'une autre, à une dépense réelle de la commune identifiable et mesurable, cette disposition risque de constituer une simple aubaine sans contrepartie .

2. Le Centre des monuments nationaux

Votre rapporteur n'entend pas contester l'importance des crédits d'entretien, de conservation et de restauration que requièrent les magnifiques ou plus modestes témoignages de notre patrimoine historique. Pour autant, on ne peut que constater l'absence totale de lien entre le secteur des jeux en ligne, qui crée la ressource, et les monuments historiques, et douter de l'opportunité de loger un prélèvement de cette nature dans une loi dédiée à la régulation des jeux d'argent et de hasard en ligne.

En l'absence de lien économique, logique ou social, cette affectation semble davantage émaner de la volonté de satisfaire le ministère de la culture que d'une décision économiquement rationnelle.

3. Les communes accueillant un casino

Un certain nombre de communes ont montré auprès de la Commission supérieure des jeux beaucoup d'ardeur pour obtenir l'autorisation d'établir ou de développer un casino sur leur territoire. Il s'agissait bien évidemment de contribuer au développement de la commune et de ses infrastructures touristiques, à la création d'emplois directs et indirects, et de profiter des divers avantages fournis par un casino, comme l'animation culturelle, le financement de certaines activités culturelles municipales, la restauration, etc .

Les retombées financières peuvent également être importantes , en particulier pour les petites communes, avec les prélèvements sur le produit brut des jeux du casino, la taxe professionnelle (et à compter de 2010 la contribution économique territoriale) ou la taxe sur le foncier bâti. Ces ressources ne bénéficient pas, en général, à l'intercommunalité.

Jusqu'en 2007, la forte dynamique du secteur a pleinement profité aux communes d'implantation, mais la baisse sensible du chiffre d'affaires des casinos depuis deux ans soumet à présent ces collectivités à quelques déconvenues et exerce un impact sur les budgets municipaux.

Il reste que la rétrocession d'une fraction du prélèvement sur les jeux de cercle au profit de ces communes ne serait pas un facteur de responsabilisation . L'accueil d'un casino ne saurait garantir des ressources permanentes et comporte une part de risques qu'il importe d'assumer, le cas échéant par des pertes de recettes lorsque la fréquentation diminue.

Dans ces conditions, on conçoit mal la légitimité d'une telle affectation et d'une certaine façon, cet avatar des relations entre les communes et les casinos est analogue aux difficultés financières que rencontrent les collectivités territoriales lorsqu'elles perdent une entreprise industrielle ou commerciale.

Décision de votre commission : sous le bénéfice de ces observations, votre commission a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 40 (Art. L. 137-18 à L. 137-24 nouveaux, L. 136-7-1, L. 139-1 et L. 241-2 du code de la sécurité sociale) - Nouveaux prélèvements sociaux créés au profit de la sécurité sociale

Commentaire : le présent article crée trois nouveaux prélèvements sociaux sur les paris hippiques, les paris sportifs et les jeux de cercle en ligne, pour partie affectés à l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES). En contrepartie, les articles 41 et 42 du présent projet de loi proposent un réaménagement de l'assiette, du taux et de l'affectation de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) auxquelles sont aujourd'hui assujettis les jeux d'argent et de hasard.

I. LES PRÉLÈVEMENTS SOCIAUX ACTUELS SUR LES JEUX D'ARGENT ET DE HASARD

A. LES JEUX D'ARGENT ET DE HASARD SONT ASSUJETTIS À DEUX PRÉLÈVEMENTS DE DROIT COMMUN : LA CSG ET LA CRDS

Les jeux et paris organisés par la FDJ, le PMU et les jeux de cercle sont soumis à deux prélèvements sociaux de droit commun : la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) selon des modalités différentes , tant en termes d'assiette, de taux que d'affectation.

1. Les prélèvements sociaux sur les jeux proposés par la FDJ, dont les paris sportifs

a) La CSG

Le I de l'article L. 136-7-1 du code de la sécurité sociale dispose qu'une fraction des sommes misées sur les jeux exploités par la Française des jeux est assujettie à la CSG.

Cette fraction correspond à 23 % des sommes misées dans le cadre des « tirages, événements sportifs et émissions » proposés par la FDJ, qu'il s'agisse de son offre de jeu dans son réseau physique de points de vente ou en ligne.

Le taux de CSG appliqué dans ce cadre est de 9,5 % (soit 2,2 % si ce taux est rapporté aux mises totales).

Un montant total de 200 millions d'euros a ainsi été acquitté en 2008, dont 14 millions d'euros au titre des seuls paris sportifs proposés par la FDJ.

b) La CRDS

Par parallélisme, le I de l'article 18 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale dispose qu'une fraction des sommes misées sur les jeux exploités par la FDJ est assujettie à la CRDS.

Cette fraction correspond à 58 % des sommes misées dans le cadre des « tirages, événements sportifs et émissions » proposés par la FDJ, qu'il s'agisse de son offre de jeu dans son réseau physique de points de vente ou en ligne.

Le taux de CRDS appliqué dans ce cadre est, comme pour les jeux de la FDJ, de 0,5 % (soit 0,3 % si ce taux est rapporté aux mises totales).

Le produit acquitté en 2008, à ce titre, s'est élevé à 27 millions d'euros , dont 2 millions d'euros pour les seuls paris sportifs.

2. Les prélèvements sociaux sur les paris hippiques

a) La CSG

Le II de l'article L. 136-7-1 du code de la sécurité sociale dispose qu'une fraction des sommes engagées au pari mutuel sur et hors hippodromes est assujettie à la CSG.

Cette fraction correspond à 14 % des sommes engagées , qu'il s'agisse de l'offre de jeu proposée par le PMU dans son réseau physique de points de vente ou en ligne.

Le taux de CSG appliqué dans ce cadre est de 9,5 % (soit 1,3 % si ce taux est rapporté aux mises totales).

Un montant total de 121 millions d'euros a ainsi été acquitté en 2008 au titre des paris hippiques proposés par le PMU.

b) La CRDS

Par parallélisme, le II de l'article 18 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale dispose qu'une fraction des sommes engagées au pari mutuel sur et hors hippodromes est assujettie à la CRDS.

Cette fraction correspond à 70 % des sommes engagées dans ce cadre, qu'il s'agisse de l'offre de jeu proposée par le PMU dans son réseau physique de points de vente ou en ligne.

Le taux de CRDS appliqué dans ce cadre est de 0,5 % (soit 0,3 % si ce taux est rapporté aux mises totales).

Le produit acquitté, au titre des paris hippiques du PMU, s'est élevé à 32 millions d'euros en 2008.

3. Les prélèvements sociaux sur les jeux de cercle

a) La CSG

Le III de l'article L. 136-7-1 du code de la sécurité sociale dispose que le produit brut de certains jeux réalisés dans les casinos est assujetti à la CSG.

Sont ainsi assujettis à la CSG :

- d'une part, 68 % du produit brut des jeux (PBJ) des machines à sous ;

- d'autre part, tous les gains d'un montant supérieur ou égal à 1.500 euros réglés aux joueurs par bons de paiement manuels.

En revanche, ne sont pas concernés les jeux de cercle.

Le taux de CSG appliqué dans ce cadre est de 9,5 % pour le produit brut des machines à sous et de 12 % pour les gains d'un montant supérieur ou égal à 1.500 euros réglés aux joueurs par bons de paiement manuels.

b) La CRDS

Le III de l'article 18 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale dispose, en revanche, que la totalité du PBJ réalisé dans les casinos est assujettie à la CRDS.

Le taux de CRDS retenu dans ce cadre est de 3 % (soit 0,12 % si ce taux est rapporté aux mises totales).

Le produit acquitté, au titre des seuls jeux de cercle, s'est élevé à 0,84 million d'euros en 2008.

B. UNE AFFECTATION COMPLEXE

Si la CRDS sur les jeux est affectée à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES), en application de l'ordonnance précitée du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, la CSG assise sur les paris hippiques et sportifs est affectée, en vertu du IV de l'article L. 136-8 du code de la sécurité sociale, à différents organismes de sécurité sociale, sans qu'aucune logique précise explique cette répartition :

- 1,1 point de la CSG assise sur les jeux est ainsi affectée à la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) ;

- 0,85 point au Fonds de solidarité vieillesse (FSV) ;

- 0,1 point à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) ;

- 7,25 points aux régimes obligatoires d'assurance maladie ;

- 0,2 point à la CADES.

Le deuxième alinéa du 5° du IV du même article L. 136-8 du code de la sécurité sociale répartit, dans les mêmes proportions, le produit de la CSG sur le produit brut des jeux des casinos.

Affectation de la CSG et de la CRDS sur les jeux

CSG et CRDS sur les jeux

CNAF

- 1,1 point de la CSG à 9,5 % sur les gains des jeux (Française des jeux, PMU et casinos).

FSV

- 0,85 point de la CSG à 9,5 % sur les gains des jeux (Française des jeux, PMU et casinos).

CNSA

- 0,1 point de la CSG à 9,5 % sur les gains des jeux (Française des jeux, PMU et casinos).

Régimes obligatoires d'assurance maladie

- 7,25 points de la CSG à 9,5 % sur les gains des jeux (Française des jeux, PMU et casinos).

CADES

- CRDS de 0,5 % sur les gains de jeux issus de la Française des jeux et du PMU ;

- CRDS de 3 % sur les gains de jeux issus des casinos ;

- 0,2 point de la CSG à 9,5 % sur les gains des jeux (Française des jeux, PMU et casinos).

INPES

-

Source : commission des finances

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article crée une nouvelle section 10 dans le chapitre VII du titre III du Livre premier du code de la sécurité sociale intitulée « Prélèvements sur les jeux et paris » , qui comprend sept nouveaux articles L. 137-18 à L. 137-24.

Analysées au regard des articles 41 et 42 du présent projet de loi, ces dispositions proposent une réforme d'ensemble de la fiscalité sociale appliquée en matière de jeux d'argent et de hasard . Comme pour la fiscalité d'Etat, cette réforme repose sur un objectif de simplification , de neutralité pour les différents supports de jeux (en « en dur » ou en ligne) et de rendement constant pour la sécurité sociale .

A. LES CARACTÉRISTIQUES DES NOUVEAUX PRÉLÈVEMENTS

1. Des prélèvements qui ne prennent pas la forme de contributions sociales

Comme cela a été précédemment montré, actuellement les paris sportifs et hippiques sont soumis à des prélèvements sociaux de droit commun, CSG et CRDS.

Le présent article propose, quant à lui, la mise en place de trois nouveaux prélèvements sociaux assis sur les paris sportifs, les paris hippiques et les jeux de cercle en ligne. Parallèlement, les articles 41 et 42 proposent de supprimer la CSG et la CRDS auxquels sont aujourd'hui assujettis les opérateurs historiques pour ce type de jeux et de paris.

Ce choix de créer de nouveaux prélèvements, plutôt qu'un réaménagement de la CSG et de la CRDS sur les jeux, s'explique par l'incertitude de pouvoir prélever des contributions sociales auprès d'opérateurs étrangers. Il a donc été décidé de créer des nouveaux prélèvements qui n'en ont pas la nature.

2. Une harmonisation partielle pour limiter les distorsions de concurrence entre les supports de jeux

Le présent article propose, plus précisément, d'assujettir tous les paris, hippiques ou sportifs, en ligne ou proposés dans le réseau physique, à un prélèvement social identique tant au regard de son assiette (les mises) que de son taux (1,8 %). Ce dispositif vise à limiter les distorsions de concurrence entre opérateurs et entre supports de paris. En contrepartie, les articles 40 et 42 du présent projet de loi suppriment la CSG et la CRDS auxquels étaient assujettis les paris hippiques et sportifs jusqu'alors (cf. infra ).

En revanche, il n'en est pas de même pour les jeux de cercle . D'une part, les prélèvements sociaux sur les jeux de cercle proposés dans le réseau physique seront distincts de ceux auxquels seront soumis les jeux en ligne : les premiers resteront assujettis à la CRDS, alors que les seconds seront soumis à un nouveau prélèvement créé par le présent article. D'autre part, le taux de ce nouveau prélèvement sera inférieur à celui appliqué sur les paris sportifs et hippiques (0,2 %). Deux motivations expliquent ce différentiel de fiscalité entre les paris et les jeux de cercle : le mode opératoire du poker - parties courtes et mises successives - et le moindre potentiel addictif de ce jeu faisant appel à la stratégie et à l'adresse, même si ce dernier point doit être relativisé.

3. Une fiscalité assise sur les mises plutôt que le produit brut pour les jeux de cercle

Comme en matière de prélèvements fiscaux, le choix a également été fait de retenir, pour assiette de ces nouveaux prélèvements, le montant brut des sommes engagées, y compris, les gains réinvestis sous forme de nouvelles mises, plutôt que le produit brut des jeux . Sont ainsi assujettis les actes individuels de jeu ou de pari plutôt que les sommes agrégées minorées des gains, avec les difficultés que cette assiette peut entraîner pour le poker en ligne. Sur ce point, votre rapporteur vous renvoie au commentaire de l'article 39 du présent projet de loi.

4. L'impact de ces mesures sur le taux global de prélèvements sociaux appliqués aux paris sportifs, paris hippiques et jeux de cercle en ligne

Globalement, il résulte des dispositions du présent article ( cf . tableau suivant) :

- l'application d'un taux global de prélèvements sociaux sur les paris sportifs (1,8 %) inférieur au taux actuel (2,5 %) ;

- l'application d'un taux global de prélèvements sociaux sur les paris hippiques (1,8 %) légèrement supérieur en revanche au taux actuel (1,6 %) : ce choix résulte du souhait de simplification du Gouvernement - retenir un taux unique pour les paris hippiques et sportifs - ainsi que celui de maintenir constantes les recettes de la sécurité sociale ;

- l'application d'un taux global de prélèvements sociaux sur les jeux de cercle en ligne (0,2 %) plus élevé que l'actuel (0,12 %).

Impact des dispositions du présent article sur le taux global de prélèvements sociaux appliqués aux paris sportifs, paris hippiques et jeux de cercle en ligne

(en %)

Paris sportifs

Paris hippiques

Jeux de cercle en ligne

CSG

9,5 % sur 23 % des mises

9,5 % sur 14 % des sommes engagées

En % des mises

2,2

1,33

0

En % du PBJ

8,0

5,6

0

CRDS

0,5 % sur 58 % des mises

0,5 % sur 70 % des mises

3 % du PBJ

En % des mises

0,3

0,35

0,12

En % du PBJ

1,1

1,5

3

Total des prélèvements sociaux

En % des mises

2,5

1,68

0,12

En % du PBJ

9,1

7,1

3

Nouveaux prélèvements sociaux

En % des mises

1,8

1,8

0,2

Source : commission des finances, d'après les données du ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat

B. LES MODALITÉS ET TAUX DES PRÉLÈVEMENTS

1. Le prélèvement sur les paris hippiques

Le quatrième alinéa du présent article crée dans la nouvelle section précitée un nouvel article L. 137-18 du code de la sécurité sociale, qui institue un prélèvement sur les sommes engagées par les parieurs pour le pari mutuel organisé par les sociétés de courses dans les conditions fixées par l'article 5 de la loi du 2 juin 1891 et pour les paris hippiques en ligne mentionnés à l'article 6 du présent projet de loi. L'assiette de ce prélèvement est donc identique quel que soit le canal de distribution en « dur » ou en ligne.

Le cinquième alinéa dispose que ce prélèvement est dû par le PMU, les sociétés de courses intéressées et les opérateurs de paris hippiques en ligne agréés par l'ARJEL.

Le dixième alinéa crée dans le code de la sécurité sociale un nouvel article L. 137-21, dont le premier alinéa dispose que ce prélèvement, tout comme les prélèvements sur les paris sportifs et sur les jeux de cercle en ligne, est assis sur le montant brut des sommes engagées par les parieurs, de même que les gains réinvestis sous forme de nouvelles mises y sont également assujettis .

En application du nouvel article L. 137-18 du même code, le taux de ce prélèvement est de 1,8 %, contre environ 1,6 % dans le régime actuel (CSG et CRDS rapportées aux mises totales).

Par coordination, le dix-neuvième alinéa du présent article supprime le II de l'article L. 136-7-1 du code de la sécurité sociale, soit la CSG appliquée sur le PMU. L'article 42 du présent projet de loi supprime, quant à lui, la CRDS relative aux paris hippiques (cf. infra ).

2. Le prélèvement sur les paris sportifs

De manière analogue, le sixième alinéa crée dans le code de la sécurité sociale un nouvel article L. 137-19 qui institue un prélèvement sur les sommes engagées par les parieurs au titre des paris sportifs organisés et exploités par la FDJ dans les conditions fixées par l'article 42 de la loi de finances pour 1985 et des paris sportifs en ligne organisés et exploités dans les conditions fixées par l'article 7 du présent projet de loi. Les paris en ligne et ceux du réseau physique sont donc soumis au même régime fiscal.

Le septième alinéa prévoit que ce prélèvement est dû par la FDJ et par les opérateurs de paris sportifs en ligne titulaires d'un agrément délivré par l'ARJEL. Le taux du prélèvement est identique à celui appliqué aux paris hippiques, (1,8 %), soit un taux inférieur au taux global actuel de prélèvements sociaux appliqué aux paris sportifs (2,5 %).

Comme pour les paris hippiques et les jeux de cercle en ligne, le dixième alinéa crée dans le code de la sécurité sociale un nouvel article L. 137-21, dont le premier alinéa dispose que ce prélèvement est assis sur le montant brut des sommes engagées par les parieurs, de même que les gains réinvestis sous forme de nouvelles mises y sont également assujettis .

Par coordination, le dix-huitième alinéa supprime, de l'assiette de la CSG, les paris sportifs proposés par la FDJ. L'article 42 du présent projet de loi supprime, quant à lui, les paris sportifs de l'assiette de la CRDS.

Le dix-huitième alinéa élargit également l'assiette de la CSG appliquée aux autres jeux, que les paris sportifs, proposés par la FDJ dans son réseau en dur : celui-ci est porté de 23 % à 25,5 % (cf . infra ).

3. Le prélèvement sur les jeux de cercle en ligne

Le nouvel article L. 137-20 du code de la sécurité sociale, créé par le huitième alinéa du présent article, institue un prélèvement sur les sommes engagées par les joueurs pour les jeux de cercle en ligne organisés et exploités dans les conditions fixées par l'article 9 du présent projet de loi. A la différence des paris sportifs et hippiques, ce prélèvement ne concerne que les jeux sur Internet , essentiellement le poker. Le neuvième alinéa prévoit que ce prélèvement est dû par les opérateurs de jeux de cercle en ligne agréés par l'ARJEL.

Le onzième alinéa prévoit, dans le nouvel article 137-21 précité, une assiette distincte de celles prévues pour les paris hippiques et sportifs, lorsque les jeux sont organisés sous forme de tournoi donnant lieu au paiement, par chaque participant, d'un droit d'entrée représentatif d'une somme déterminée qu'il engagera au jeu. Le prélèvement est alors assis sur le montant de ce droit d'entrée - et non pas sur les mises brutes et les gains réinvestis ( cf. supra ) - et, le cas échéant, sur celui du ou des nouveaux droits ultérieurement acquittés par le joueur afin de continuer à jouer.

Le taux de ce nouveau prélèvement est fixé à 0,2 % , soit un taux supérieur au taux global de prélèvements sociaux aujourd'hui appliqué aux jeux de cercle.

4. Les modalités de paiement, de recouvrement et de contrôle

Le nouvel article L. 137-23 du code de sécurité sociale, introduit par le quatorzième alinéa du présent article, précise l'exigibilité des prélèvements dans le cas d'un jeu ou pari en ligne . Les prélèvements sont alors dus au titre des sommes engagées dans le cadre d'une session de jeu ou de pari réalisée au moyen d'un compte joueur ouvert sur un site Internet dédié, tel que défini par l'article 18 du présent projet de loi.

Le quinzième alinéa qui crée un nouvel article L. 137-24 prévoit que le produit de ces prélèvements est déclaré et liquidé par les opérateurs de jeux ou de paris en ligne sur une déclaration mensuelle dont le modèle sera fixé par l'administration. Cette déclaration sera déposée, accompagnée du paiement, avant le 5 du mois suivant celui du fait générateur des prélèvements.

Selon une formulation habituelle, ce nouvel article dispose que les prélèvements sont recouvrés et contrôlés selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges qu'en matière de taxe sur le chiffre d'affaires ( seizième alinéa ). Les réclamations sont présentées selon les règles applicables à cette même taxe.

B. L'AFFECTATION DE CES NOUVEAUX PRÉLÈVEMENTS

Le premier alinéa du nouvel article L. 137-22 du code de la sécurité sociale (soit le douzième alinéa du présent article) prévoit que le produit de ces nouveaux prélèvements auxquels sont assujettis les paris sportifs et hippiques, ainsi que les jeux de cercle en ligne, est affecté à concurrence de 3 % et dans la limite de 5 millions d'euros à l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES).

L'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES)

L'INPES a est un établissement public de l'Etat créé par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

Ses missions énumérées à l'article 1417-1 du code de la santé publique sont les suivantes :

- mettre en oeuvre, pour le compte de l'Etat et de ses établissements publics, des programmes de santé publique ;

- exercer une fonction d'expertise et de conseil en matière de prévention et de promotion de la santé ;

- assurer le développement de l'éducation pour la santé sur l'ensemble du territoire ;

- participer, à la demande du ministre chargé de la santé, à la gestion des situations urgentes ou exceptionnelles ayant des conséquences sanitaires collectives, notamment en participant à la diffusion de messages sanitaires en situation d'urgence ;

- établir les programmes de formation à l'éducation à la santé, selon des modalités définies par décret.

Cet établissement est placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé. Il constitue un opérateur de la mission « Santé ». Il reçoit à la fois une subvention pour charge de service public (34,5 millions d'euros en 2010) et une dotation de l'assurance maladie (66 millions d'euros).

Source : commission des finances

Le second alinéa du nouvel article précité ( treizième alinéa ) précise que le « surplus » du produit de ces prélèvements est affecté aux régimes obligatoires d'assurance maladie . Aucun de ces nouveaux prélèvements n'est donc affecté à la CADES en raison du souhait de celle-ci de conserver des financements clairs, lisibles et peu diversifiés.

Par coordination :

- le vingtième alinéa du présent article modifie l'article L. 139-1 du code de la sécurité sociale afin d'ajouter les trois nouveaux prélèvements assis sur les jeux à la liste des cotisations centralisées et réparties par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) entre les régimes obligatoires de base d'assurance maladie ;

- les vingt-et-unième et vingt-deuxième alinéas modifient l'article L. 241-2 du code de la sécurité sociale afin d'ajouter, parmi les ressources des assurances maladie, maternité, invalidité et décès des régimes obligatoires de base, les nouveaux prélèvements.

D. UN RÉAMÉNAGEMENT DES TAUX, ASSIETTE ET AFFECTATION DE LA CSG ET DE LA CRDS

Comme cela sera précisé dans les commentaires relatifs aux articles 41 et 42, les taux, assiette et affectation de la CSG et de la CRDS auxquelles sont assujettis aujourd'hui les jeux d'argent et de hasard sont, par ailleurs, totalement réaménagés :

- la CSG et la CRDS sur les paris sportifs et hippiques, proposés en dur et en ligne sont supprimées puisqu'ils sont désormais assujettis aux nouveaux prélèvements sociaux ;

- la CSG sur les jeux exploités « en dur » par la FDJ, hors paris sportifs, voit son assiette élargie (25,5 % des sommes misées contre 23 % aujourd'hui) et son taux diminué (6,9 % contre 9,5 % aujourd'hui) ;

- enfin, la CRDS sur les jeux exploités par la FDJ, hors paris sportifs, voit, au contraire, son assiette diminuer (25,5 % des sommes misées contre 58 % aujourd'hui) et son taux augmenter (3 % contre 0,5 %).

Synthèse des modifications apportées au régime social applicable aux jeux par les articles 40 à 42

Article 40

(alinéa 4 à 16)

Création de nouveaux prélèvements sociaux sur les paris hippiques, les paris sportifs et les jeux en ligne

Article 40

(alinéa 18)

Suppression de la CSG sur les paris sportifs exploités par la FDJ

Article 40

(alinéa 18)

Elargissement de l'assiette de la CSG sur les jeux exploités par la FDJ, hors paris sportifs

Article 40

(alinéa 19)

Suppression de la CSG sur les paris hippiques

Article 41

(alinéa 3)

Diminution du taux de la CSG sur les sommes misées sur les tirages et les émissions exploités par la FDJ

Article 42

(alinéa 2)

Suppression de la CRDS sur les paris sportifs exploités par la FDJ

Article 42

(alinéa 2)

Diminution de l'assiette de la CRDS sur les jeux exploités par la FDJ, hors paris sportifs

Article 42

(alinéa 3)

Suppression de la CRDS sur les paris hippiques

Article 42

(alinéa 5)

Augmentation des taux de la CRDS sur les jeux exploités par la FDJ, hors paris sportifs

Source : commission des finances

Ces réaménagements s'expliquent :

- par le souhait d'une certaine harmonisation des assiettes et des taux de la CSG et de la CRDS sur les jeux : ainsi, désormais, les assiettes de la CSG et de la CRDS sont les mêmes pour les jeux de la FDJ, hors paris sportifs (25,5 % des sommes misées). De même, le taux de CRDS appliqué sur les jeux de la FDJ et les jeux des casinos en dur est identique (3 %) ;

- par le souhait ensuite d'assurer la neutralité de ces réaménagements pour les recettes de la sécurité sociale :


• aucun prélèvement sur les paris sportifs et les paris hippiques n'étant affecté à la CADES, et la CRDS sur ces types de jeux étant par ailleurs supprimée, le taux de CRDS sur les jeux de la FDJ restant en monopole a été augmenté pour compenser les pertes de recettes de la CADES ;


• les nouveaux prélèvements sur les paris sportifs et les paris hippiques n'étant affectés qu'à l'assurance maladie alors que la CSG sur les paris était auparavant affectée à différents organismes de sécurité sociale, le taux, l'assiette et l'affectation de la CSG ont été modifiés pour tendre vers une neutralité financière des dispositions du présent projet de loi.

Ces justifications apportées à votre rapporteur sont néanmoins à relativiser :

- d'une part, les taux et assiettes de la CSG et de la CRDS appliqués sur les jeux sont loin d'être totalement harmonisés ;

- d'autre part, la complexité des nombreux réaménagements opérés rend difficile l'appréciation de l'impact réel de ces mesures.

Le tableau suivant propose une synthèse des modifications d'ensemble apportées aux prélèvements sociaux appliqués aux jeux.

Synthèse des prélèvements sociaux sur les jeux avant et après la réforme proposée

Jeux « en dur »

Jeux en ligne

Française des jeux

Produit

(2008)

PMU

Produit

(2008)

Casinos

Produit

(2008)

Paris sportifs

Paris hippiques

Poker

DROIT EXISTANT

- CSG de 9,5 % sur 23 % des sommes misées (tirages, événements sportifs et émissions)

- CRDS de 0,5 % sur 58 % des sommes misées

- CSG : 200 millions d'euros

- CRDS : 27 millions d'euros

- CSG de 9,5 % sur 14 % des sommes engagées

- CRDS de 0,5 % sur 70 % des sommes engagées

- CSG : 121 millions d'euros

- CRDS : 32 millions d'euros

- CSG de 9,5 % sur 68 % du PBJ des jeux automatiques

- CSG de 12 % sur tous les gains d'un montant supérieur ou égal à 1.500 euros réglés aux joueurs par des bons de paiement manuels

- CRDS de 3 % sur la totalité du PBJ

CSG et CRDS sur les jeux de casinos :

278 millions d'euros

(dont 0,84 million d'euros pour la CRDS sur les jeux de cercle)

Idem que le régime appliqué aux jeux en dur de la FDJ

Idem que le régime appliqué aux paris hippiques

-

- CSG : Art. L. 136-7-1 et L. 136-8 du CSS

- CRDS : Art. 18 et 19 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale

Jeux « en dur »

Jeux en ligne

Française des jeux

PMU

Casinos

Paris sportifs

Paris hippiques

Poker

DROIT PROPOSÉ

- CSG de 6,9 % sur 25,5 % des sommes misées (tirages et émissions - suppression de la notion d'événements sportifs )

- CRDS de 3 % sur 25,5 % des sommes misées (tirages et émissions - suppression de la notion d'événements sportifs )

- Prélèvement de 1,8 % sur le montant brut des sommes engagées pour les paris sportifs

Suppression de la CSG et de la CRDS

-

Prélèvement de 1,8 % sur le montant brut des sommes engagées

Inchangé

Prélèvement de 1,8 % sur le montant brut des sommes engagées

Nouveaux prélèvements (y compris les paris sportifs « en dur » de la FDJ) :

34 millions d'euros

Prélèvement de 1,8 % sur

le montant brut des sommes engagées

Nouveaux prélèvements (y compris les paris hippiques « en dur ») :

127,5 millions d'euros

Prélèvement de 0,2 % sur

le montant brut des sommes engagées

(sauf pour les tournois)

Nouveaux prélèvements:

8,5

millions d'euros

Articles 40 et 42 du PJL modifiant notamment les articles L. 136-7-1 et L. 136-8 du CSS et les articles 18 et 19 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale et créant les articles L. 137-18 et L. 137-19 au sein du CSS

Article 40 du PJL créant les articles L. 137-18, L. 137-19 et L. 137-20 au sein du CSS

Source : commission des finances

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Outre plusieurs amendements rédactionnels, l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable du Gouvernement :

- un amendement de notre collègue député Nicolas Perruchot précisant que le prélèvement sur les paris hippiques est dû par le PMU ou (et non pas « et ») par les sociétés de courses ;

- un amendement de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur, tendant à plafonner à 0,1 euro par donne le nouveau prélèvement social auquel seront assujettis les jeux de cercle en ligne qui ne sont pas organisés sous forme de tournoi. Cette disposition tend à limiter les conséquences négatives de l'assiette des mises pour les opérateurs de poker, exposées précédemment. Un amendement similaire a été adopté à l'article 39 du présent projet de loi tendant à plafonner à 0,9 euro par donne le nouveau prélèvement fiscal auquel sera soumis le jeu de poker en ligne ;

- un amendement de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur, tendant à porter à 5 %, dans la limite de 10 millions d'euros, l'affectation à l'INPES d'une partie du produit du prélèvement social sur les paris hippiques et sportifs et les jeux de cercle en ligne , contre 3 % dans la limite de 5 millions d'euros dans le texte initial.

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de nos collègues députés Daniel Fasquelle, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, et Jacques Myard, avec avis favorable de la commission des finances et du Gouvernement, tendant à prévoir une indexation annuelle sur la prévision de l'inflation retenue dans le projet de loi de finances du plafond de la rétrocession des prélèvements effectuée en faveur de l'INPES.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Pour des raisons de clarté, votre rapporteur vous propose un commentaire général sur les dispositions des articles 40 à 42 du présent projet de loi, compte tenu de la forte imbrication de celles-ci.

A. UNE ÉVALUATION PRUDENTE ET UN IMPACT INCERTAIN DU RÉAMÉNAGEMENT GÉNÉRAL DES PRÉLÈVEMENTS SOCIAUX SUR LES JEUX

1. Une évaluation prudente du produit des nouveaux prélèvements...

Les estimations du ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat évaluent à 170 millions d'euros environ le produit des nouveaux prélèvements sociaux créés par le présent article : 127,5 millions d'euros pour les paris hippiques, 34 millions d'euros pour les paris sportifs et 8,5 millions d'euros pour les jeux de cercle.

Cependant, ce chiffrage est à prendre avec précaution dans la mesure où ces prévisions de rendement sont étroitement liées à l'estimation du marché « gris » des jeux et paris en ligne et au « taux de légalisation » de celui-ci. Ces évaluations paraissent prudentes et pourraient se révéler plus importantes et atteindre 200 millions d'euros.

2. ... qui devrait cependant compenser les pertes de recettes induites par la suppression de la CSG et de la CRDS sur les paris hippiques et les paris sportifs exploités par la FDJ

Le produit de ces nouveaux prélèvements devrait ainsi compenser les pertes de recettes liées à la suppression de la CSG et de la CRDS sur les paris hippiques et les paris sportifs exploités par la FDJ , prévue par le présent article 40 et l'article 42. Ces pertes de recettes sont en effet évaluées à 169 millions d'euros .

Quant aux réaménagements des taux et assiettes de la CSG et de la CRDS sur les jeux de la FDJ, hors paris sportifs, également prévus aux articles 40, 41 et 42, ils devraient aussi, selon les informations recueillies par votre rapporteur, se compenser mutuellement.

3. Des effets variés selon les organismes de sécurité sociale

Cependant, si le montant global des prélèvements sociaux sur les jeux affectés aux différents organismes de sécurité sociale devrait être maintenu, il ne l'est pas totalement selon les types d'organismes concernés, comme le montre le tableau suivant .

Les évolutions de recettes selon les différents organismes sociaux concernés*

( en millions d'euros )

CNAF

FSV

CNSA

CNAM

CADES

Changement de la répartition des taux entre CSG et CRDS sur les jeux de la FDJ

- 40

+ 40

Suppression de la CSG et de la CRDS sur les paris hippiques et les paris sportifs

- 16

- 12

- 1

- 103

- 37

Modification de la répartition du produit de la CSG sur certains jeux réalisés dans les casinos

+12

+ 9

+ 2

- 19

- 4

Création d'un prélèvement social sur les paris hippiques et sportifs et sur les jeux de cercle en ligne

+ 165

Total

- 4

- 3

+ 1

+ 3

- 1

Source : ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat

* Il s'agit de simulations reposant sur le texte initial du présent projet de loi, à savoir un plafonnement de la rétrocession à l'INPES de 5 millions d'euros

Ainsi, si les ressources de l'assurance maladie augmentent, notamment en raison de l'affectation à celle-ci du « surplus » des nouveaux prélèvements , en revanche celles de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) diminuent, dans des proportions qui restent, il est vrai, limitées.

Compte tenu de ces éléments et surtout de la difficulté à apprécier précisément l'impact des nombreux réaménagements opérés par les dispositions des articles 40, 41 et 42, votre rapporteur estime, comme en matière fiscale, que ce régime n'est pas figé et qu'il pourrait être aménagé à l'avenir , en fonction notamment du rendement des nouveaux prélèvements et des pertes de recettes ou gains pour chacun des différents organismes de sécurité sociale concernés.

4. Des moyens nouveaux pour la lutte contre l'addiction au jeu

S'agissant de l'impact de ces mesures sur les moyens consacrés à la lutte contre l'addiction au jeu, il convient, tout d'abord, de préciser qu' aucun chiffrage précis des moyens consacrés spécifiquement à la prévention et la lutte contre l'addiction au jeu n'a pu être transmis à votre rapporteur .

Seules, en effet, sont disponibles des données sur la politique générale de lutte contre les pratiques addictives (drogues, alcool, tabac, ...). Ainsi :

- s'agissant des financements assurés par l'Etat , 16,3 millions d'euros sont inscrits, à ce titre, pour 2010 sur l'action 14 « Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades » du programme 204 « Prévention et sécurité sanitaire » de la mission « Santé », ce à quoi peuvent être ajoutées la subvention pour charge de service public de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) (29,8 millions d'euros), la subvention versée au GIP ADALIS (3,59 millions d'euros) et une fraction des crédits alloués à l'INPES ;

- s'agissant des financements assurés par l'assurance maladie : ils devraient, selon une estimation de la Caisse nationale d'assurance maladie, s'élever à environ 300 millions d'euros ce qui recouvrent les sommes allouées, à ce titre, aux structures hospitalières ou médico-sociales spécialisées, une partie de la dotation versée à l'INPES et les actions financées par le Fonds national de prévention et d'éducation en information sanitaire (FNPEIS) : subventions versées à des associations, actions locales des caisses d'assurance maladie, prise en charge des substituts nicotiniques.

Or les aménagements proposés par les articles 40, 41 et 42 du présent projet de loi ne permettent pas d'assurer que des moyens accrus seront effectivement consacrés à cette problématique, hormis les campagnes de prévention que pourra désormais financer l'INPES (cf. infra ).

En effet, d'une part, le fléchage des ressources affectées à la sécurité sociale est impossible . D'autre part, les ressources de l'assurance maladie, stricto sensu , ne seront finalement augmentées que de 3 millions d'euros (cf. supra ) : la création des nouveaux prélèvements qui lui sont, pour partie affectés, est en effet compensée par la suppression de la CSG sur les paris hippiques et sportifs.

C'est pourquoi, votre rapporteur souhaite que lors de l'examen en séance publique, le Gouvernement prenne l'engagement d'accroître ses efforts en matière de lutte contre l'addiction au jeu. Si votre rapporteur approuve l'affectation de moyens supplémentaires à l'INPES afin de permettre à cet établissement de proposer des campagnes de prévention, il estime tout aussi importante l'augmentation des moyens consacrés aux soins et à l'accompagnement médico-social des joueurs.

B. L'AFFECTATION SPÉCIFIQUE À L'INPES

S'agissant, plus particulièrement, de la rétrocession à l'INPES, d'une part des nouveaux prélèvements - portée, par l'Assemblée nationale, à 5 % du produit des nouveaux prélèvements sur les jeux dans la limite d'un plafond de 10 millions d'euros -, votre rapporteur se réjouit de ces nouvelles ressources pour l'agence qui devrait, en conséquence, développer des campagnes de prévention spécifiquement dédiées à la lutte contre l'addiction au jeu. Compte tenu des estimations du produit des nouveaux prélèvements sociaux sur les jeux, ces nouvelles recettes affectées à l'INPES devraient s'élever entre 8,5 millions et 10 millions d'euros.

Cependant, votre rapporteur tient à lever une ambiguïté : cette part des nouveaux prélèvements affectée à l'INPES ne permettra pas, à cet établissement, de financer des structures de soins et d'accompagnement pour joueurs excessifs ou pathologiques. Cette mission n'entre en effet pas dans son champ de compétences strictement limité à la prévention .

Se pose alors indirectement la question de la juste répartition que l'on souhaite entre, d'une part, les moyens consacrés à la prévention , par le biais des moyens accordés à l'INPES, et, d'autre part, les moyens que l'on souhaite affecter au volet « soins » de la politique de lutte contre l'addiction , qui relève du financement de l'assurance maladie.

Deux éléments devraient permettre d'affiner, à l'avenir, cette clé de répartition et donc revoir, le cas échéant, le montant du plafond de la rétrocession accordée à l'INPES et du surplus affecté à l'assurance maladie :

- d'une part, les résultats de l'étude actuellement menée par l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) sur la prévalence de l'addiction qui devrait permettre une évaluation précise du nombre de joueurs concernés ;

- d'autre part, l'examen des prochains projets de loi de règlement qui permettra d'apprécier la juste adéquation entre les nouveaux moyens attribués à l'INPES et sa nouvelle mission en matière de prévention de l'addiction au jeu .

Si ces moyens se révélaient trop élevés par rapport aux coûts des campagnes de communication réalisées, il conviendrait alors de revoir le plafond de la rétrocession accordée à l'INPES, afin d'accroître a contrario les recettes de l'assurance maladie et ainsi développer davantage le volet « soins » de la politique de lutte contre l'addiction.

A titre de comparaison, votre rapporteur souligne que le coût de la campagne menée par l'INPES dans le cadre de la lutte contre la grippe A/H1N1 s'est élevé à 6,8 millions d'euros, soit moins que le rendement prévisionnel de la rétrocession accordée à l'INPES pour la lutte contre l'addiction (entre 10 et 8,5 millions d'euros), en dépit d'un public visé beaucoup plus large.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 41 (Art. L. 136-8 et L. 139-1 du code de la sécurité sociale) - Mesures de cohérence relatives à la CSG

Commentaire : le présent article tire les conséquences de la création par le présent projet de loi de trois nouveaux prélèvements sociaux en réaménageant le taux, l'assiette et l'affectation de la contribution sociale généralisée assise sur les jeux d'argent et de hasard.

I. LE DROIT EXISTANT

A. DES ASSIETTES ET DES TAUX DIFFÉRENTS SELON LE TYPE DE JEUX CONSIDÉRÉ

Comme cela a été rappelé précédemment (cf. commentaire de l'article 40), en vertu de l'article L. 136-7-1 du code de la sécurité sociale :

- les sommes misées, à hauteur de 23 % de leur montant , dans le cadre des jeux, y compris les paris sportifs, proposés par le FDJ en ligne et en dur sont assujetties à une CSG d'un taux de 9,5 % ;

- les sommes engagées, à hauteur de 14 % de leur montant , dans le cadre des paris hippiques proposés par le PMU en ligne et en dur sont assujetties à une CSG d'un taux de 9,5 % ;

- le produit brut des jeux automatiques des casinos , à hauteur de 68 % de son montant et tous les gains d'un montant supérieur ou égal à 1.500 euros réglés aux joueurs par bons de paiement manuels, sont assujettis à une CSG d'un taux de 9,5 % pour les machines à sous et de 12 % pour les gains de plus de 1.500 euros réglés en bons de paiement manuels.

En revanche, les jeux de cercle ne sont pas assujettis à la CSG .

B. UNE AFFECTATION COMPLEXE

La CSG assise sur les paris hippiques et sportifs est affectée, en vertu du IV de l'article L. 136-8 du code de la sécurité sociale, à différents organismes de sécurité sociale, sans qu'aucune logique précise explique cette répartition :

- 1,1 point de la CSG assise sur les jeux est ainsi affectée à la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) ;

- 0,85 point au Fonds de solidarité vieillesse (FSV) ;

- 0,1 point à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) ;

- 7,25 points aux régimes obligatoires d'assurance maladie ;

- 0,2 point à la CADES.

Le deuxième alinéa du 5° du IV du même article L. 136-8 du code de la sécurité sociale répartit, dans les mêmes proportions le produit de la CSG sur le produit brut des jeux des casinos.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article tire les conséquences de la mise en place des trois nouveaux prélèvements sociaux sur les jeux afin de maintenir à niveau constant les recettes de la sécurité sociale.

A. UNE MODIFICATION DES TAUX ET ASSIETTE DE LA CSG SUR LES JEUX DE LA FDJ

Comme cela a été précédemment indiqué, l'article 40 du présent projet de loi supprime la CSG assise sur les paris hippiques et sportifs proposés en ligne ou dans le réseau physique , ces derniers étant désormais assujettis à un nouveau prélèvement social unique.

Afin d'assurer le maintien des recettes affectées à la sécurité sociale et dans un souci d'harmonisation :

- l'article 40 du présent projet de loi modifie l'assiette de la CSG à laquelle restent assujettis les jeux proposés par la FDJ dans son réseau physique , hormis les paris sportifs, en portant celle-ci à 25,5 % des sommes misées contre 23 % actuellement. L'article 42 du présent article propose une assiette identique pour la CRDS à laquelle sont soumis les jeux de la FDJ, hormis les paris sportifs ;

- le du présent article porte, quant à lui, le taux de la CSG à laquelle restent soumis les jeux de la FDJ à 6,9 %, contre 9,5 % actuellement.

B. UNE MODIFICATION DE LA CLÉ DE RÉPARTITION DE LA CSG

Le du présent article modifie, quant à lui, la clé de répartition de la CSG sur les jeux de la FDJ, hors paris sportifs, affectée à différents organismes de sécurité sociale :

- il affecte 4,85 % du produit de la CSG sur les jeux de la FDJ à l'assurance maladie (alinéa 6) ;

- il supprime l'affectation d'une fraction de la CSG à la CADES (alinéa 7).

Le modifie, de la même manière, la clé de répartition de la CSG sur les jeux proposés par les casinos. Ainsi, désormais, le produit de la CSG sur les jeux de casinos est affecté :

- à hauteur de 18 % à la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) (alinéa 10) ;

- à hauteur de 14 % au Fonds de solidarité vieillesse (FSV) (alinéa 11) ;

- à hauteur de 2 % à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) (alinéa 12) ;

- à hauteur de 66 % aux régimes obligatoires d'assurance maladie (alinéa 13).

Affectation par attributaire des prélèvements sociaux actuels et futurs sur les jeux

Droit existant

Droit proposé

CNAF

- 1,1 point de la CSG à 9,5 % sur les gains des jeux en dur (Française des jeux, PMU et casinos).

- 1,1 point de la CSG à 6,9 % sur les gains de jeux issus de la Française des jeux ;

-  18 % du produit de la CSG à 9,5 % sur les gains de jeux issus des casinos (alinéa 10).

FSV

- 0,85 point de la CSG à 9,5 % sur les gains des jeux en dur (Française des jeux, PMU et casinos).

- 0,85 point de la CSG à 6,9 % sur les gains de jeux issus de la Française des jeux ;

-  14 % du produit de la CSG à 9,5 % sur les gains de jeux issus des casinos (alinéa 11).

CNSA

- 0,1 point de la CSG à 9,5 % sur les gains des jeux en dur (Française des jeux, PMU et casinos).

- 0,1 point de la CSG à 6,9 % sur les gains de jeux issus de la Française des jeux ;

-  2 % du produit de la CSG à 9,5 % sur les gains de jeux issus des casinos (alinéa 12).

Régimes obligatoires d'assurance maladie

- 7,25 points de la CSG à 9,5 % sur les gains des jeux en dur (Française des jeux, PMU et casinos).

- 4,85 point de la CSG à 6,9 % sur les gains de jeux issus de la Française des jeux (alinéa 6) ;

-  66 % du produit de la CSG à 9,5 % sur les gains de jeux issus des casinos ( alinéa 13) ;

- Surplus du produit des prélèvements de 1,8 % sur les gains de jeux issus des paris sportifs, en dur et en ligne, des paris hippiques, en dur et en ligne, et du prélèvement de 0,2 % sur les gains de jeux issus des jeux de cercle en ligne.

CADES

- CRDS de 0,5 % sur les gains de jeux issus de la Française des jeux et du PMU ;

- CRDS de 3 % sur les gains de jeux issus des casinos ;

- 0,2 point de la CSG à 9,5 % sur les gains des jeux en dur (Française des jeux, PMU et casinos).

- CRDS à 3 % sur les gains de jeux issus de la Française des jeux ;

- CRDS à 3 % sur les gains de jeux issus des casinos ;

- Suppression de la l'affectation d'une fraction de la CSG sur les jeux (alinéa 7).

INPES

5 % du produit des prélèvements de 1,8 % sur les gains de jeux issus des paris sportifs, en dur et en ligne, des paris hippiques, en dur et en ligne, et du prélèvement de 0,2 % sur les gains de jeux issus des jeux de cercle en ligne, dans la limite de 10 millions d'euros.

Source : commission des finances

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur, avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement rédactionnel et de coordination.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur vous renvoie au commentaire de l'article 40 du présent projet de loi qui porte sur l'ensemble de la réforme du régime social sur les jeux proposée par les articles 40, 41 et 42.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 42 (Art. 18 et 19 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale) - Mesures de cohérence relatives à la CRDS

Commentaire : le présent article tire les conséquences de la création par le présent projet de loi de trois nouveaux prélèvements sociaux en réaménageant le taux et l'assiette de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) assise sur les jeux d'argent et de hasard.

I. LE DROIT EXISTANT

A. DES ASSIETTES ET DES TAUX DIFFÉRENTS SELON LES TYPES DE JEUX CONSIDÉRÉS

Comme cela a été rappelé précédemment (cf. commentaire de l'article 40), en vertu de l'article 18 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale :

- les sommes misées, à hauteur de 58 % de leur montant , dans le cadre des jeux, y compris les paris sportifs, proposés par le FDJ en ligne et « en dur » sont assujetties à une CRDS d'un taux de 0,5 % ;

- les sommes engagées, à hauteur de 70 % de leur montant , dans le cadre des paris hippiques proposés par le PMU en ligne et « en dur » sont assujetties à une CRDS d'un taux de 0,5 % ;

- le produit brut des jeux des casinos est assujetti à une CRDS d'un taux de 3 % , appliqué à 100 % du produit brut des jeux.

B. UNE AFFECTATION À LA CADES

La CRDS est affectée en totalité à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES).

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article tire les conséquences de la mise en place des trois nouveaux prélèvements sociaux sur les jeux afin de maintenir à niveau constant les recettes de la sécurité sociale.

Le du présent article :

- d'une part, supprime la CRDS assise sur les paris sportifs proposés en ligne ou dans le réseau physique , ces derniers étant désormais assujettis à un nouveau prélèvement social unique ;

- d'autre part, diminue, l'assiette de la CRDS à laquelle restent assujettis les jeux proposés par la FDJ dans son réseau physique, hormis les paris sportifs, en ramenant celle-ci à 25,5 % des sommes misées contre 58 % actuellement. L'article 41 du présent article propose une assiette identique pour la CSG à laquelle sont soumis les jeux de la FDJ, hormis les paris sportifs.

Le du présent article supprime la CRDS sur les paris hippiques , ces derniers étant désormais également assujettis à un nouveau prélèvement social unique.

Le du présent article porte, quant à lui, l e taux de la CRDS à laquelle restent soumis les jeux de la FDJ à 3 % , contre 0,5 % actuellement. Il s'agit du taux actuellement appliqué aux jeux proposés dans le cadre des casinos en dur.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur vous renvoie au commentaire de l'article 40 du présent projet de loi qui porte sur l'ensemble de la réforme du régime des prélèvements sociaux pesant sur les jeux.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 43 (Art. 1609 novovicies à 1609 duotricies nouveaux du code général des impôts, art. 53 de la loi de finances pour 2006 [n° 2005-1719 du 30 décembre 2005] et art. L. 411-1 et L. 411-2 du code du sport) - Aménagement du prélèvement au profit du Centre national pour le développement du sport

Commentaire : le présent article a pour objet d'instituer deux prélèvements au profit du Centre national pour le développement du sport (CNDS), l'un sur les sommes misées sur les jeux exploités par la Française des Jeux, à l'exception des paris sportifs, et l'autre sur les sommes misées sur les paris sportifs exploités par la Française des Jeux et les opérateurs de paris sportifs en ligne.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LE CNDS

Le décret n° 2006-248 du 2 mars 2006, désormais intégré au Code du sport modifié par le décret n° 2009-548 du 15 mai 2009, a créé le Centre national pour le développement du sport ( CNDS ), établissement public national à caractère administratif, placé sous la tutelle du ministre chargé des sports . Il a repris pour partie les attributions du Fonds national pour le développement du sport (FNDS), compte d'affectation spéciale clos au 31 décembre 2005 dont les natures de recettes ne répondaient pas aux règles posées par la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) entrée en vigueur à compter du 1 er janvier 2006.

Le CNDS a pour mission générale de contribuer au développement du sport et de la pratique sportive par l'attribution de concours financiers, sous forme de subventions d'équipement ou de fonctionnement , notamment aux associations sportives, aux collectivités territoriales, aux organismes assurant le fonctionnement des antennes médicales de prévention du dopage ainsi qu'aux associations et groupements d'intérêt public qui interviennent dans le domaine des activités physiques et sportives.

Il exerce ses missions dans trois domaines principaux :

- le développement du sport pour tous au plan territorial à travers des aides aux associations sportives ;

- le soutien financier à la construction et à la rénovation des équipements sportifs ;

- le financement des actions du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et du Comité paralympique français.

B. LE FINANCEMENT DU CNDS

Le CNDS est actuellement financé par deux canaux :

- aux termes du III de l'article 53 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, par un prélèvement de 1,8 % effectué chaque année sur les sommes misées sur les jeux exploités en France métropolitaine et dans les départements d'outre-mer par la Française des jeux , dans la limite de 163 millions d'euros . Le montant de ce plafond est indexé, chaque année, sur la prévision de l'indice des prix à la consommation hors tabac, retenue dans le projet de loi de finances ;

- du fait des dispositions de l'article 302 bis ZE du code général des impôts, par le produit de la contribution de 5 % sur la cession à un service de télévision des droits de diffusion de manifestations ou de compétitions sportives (dite « taxe Buffet »). Le montant de cette contribution est évalué à 43,3 millions d'euros pour l'année 2010.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le I du présent article a pour objet de réaménager le prélèvement sur les mises de la Française des jeux au bénéfice du CNDS afin de tenir compte de l'ouverture du marché des paris sportifs en ligne.

D'autre part, il tend à intégrer l'ensemble de ces prélèvements au sein du code général des impôts (articles 1609 novovicies à 1609 duotricies ) ; c'est pourquoi le II propose de supprimer, par coordination, le III de l'article 53 de la loi de finances pour 2006 précité, qui visait le « traditionnel » prélèvement sur les mises de la Française des jeux.

A. L'EXCLUSION DES PARIS SPORTIFS DES PRÉLÈVEMENTS SUR LES MISES ENRGITRÉES PAR LA FRANÇAISE DES JEUX

Les deuxième et troisième alinéas de cet article visent à insérer un article 1609 novovicies dans le code général des impôts.

Cet article reprend les dispositions du III de l'article 53 de la loi de finances pour 2006 précité. Toutefois, si le taux et le plafond du prélèvement sur les mises de la Française des jeux restent inchangés (soit respectivement 1,8 % et 163 millions d'euros, indexé sur l'inflation hors tabac), la fin du deuxième alinéa du présent article exclut de son assiette les mises sur les paris sportifs enregistrées par la Française des jeux .

B. LA CRÉATION D'UN NOUVEAU PRÉLÈVEMENT AU PROFIT DU CNDS

1. L'assiette et le taux du prélèvement

Les quatrième à sixième alinéas du présent article visent à insérer un article 1609 tricies au sein du même code, lequel définirait un nouveau prélèvement affecté au CNDS .

L'assiette de ce prélèvement serait constituée des sommes misées sur :

- d'une part, les paris sportifs organisés et exploités par la personne morale chargée de l'exploitation des paris sportifs dans les conditions fixées par l'article 42 de la loi n° 84-1208 du 29 décembre 1984 de finances pour 1985, c'est-à-dire des paris sportifs « en dur » de la Française des jeux ;

- d'autre part, les paris sportifs en ligne organisés et exploités dans les conditions fixées par l'article 7 du présent projet de loi.

Cette rédaction vise donc l'ensemble des mises sur les paris sportifs légaux , qu'ils soient effectués dans le réseau « en dur » de la Française des jeux ou bien en ligne sur le site d'un opérateur agréé.

Il est précisé que le prélèvement est assis sur le montant brut des sommes engagées par les parieurs . Les gains réinvestis par ces derniers sous forme de nouvelles mises sont également assujettis à ce prélèvement. Dans le cas d'un jeu ou d'un pari en ligne, le prélèvement est dû au titre des sommes engagées dans le cadre d'une session de jeu ou de pari réalisée au moyen d'un compte de joueur ouvert sur un site dédié.

Dans la rédaction initiale du projet de loi, le taux de ce prélèvement s'élevait à 1 % . Le montant ainsi collecté n'était pas plafonné .

2. Déclaration et liquidation du prélèvement

Le septième alinéa du présent article tend à insérer un article 1609 untricies dans le même code, aux termes duquel le produit du nouveau prélèvement sur les paris sportifs serait déclaré et liquidé par les opérateurs de jeux ou de paris en ligne sur une déclaration mensuelle dont le modèle serait fixé par l'administration.

Elle serait déposée, accompagnée du paiement, dans les délais fixés en matière de taxe sur le chiffre d'affaires.

C. LE RECOUVREMENT DE CES PRÉLÈVEMENT ET LE CONTRÔLE PAR L'ADMINISTRATION

Enfin, le huitième alinéa du présent article propose d'insérer un article 1609 duotricies dans le même code. Selon ses dispositions, les deux prélèvements susmentionnés au profit du CNDS seraient recouvrés et contrôlés selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que les taxes sur le chiffre d'affaires. Les réclamations seraient présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ces mêmes taxes.

III. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur, et avec l'avis favorable du Gouvernement, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à porter le taux du prélèvement sur le montant brut des sommes engagées par les parieurs sur les paris sportifs en faveur du CNDS à 1,3 % en 2010, puis à 1,5 % en 2011 et à 1,8 % à compter de 2012 . Le montant total de ce prélèvement demeure déplafonné.

Elle a également adopté un amendement de coordination du rapporteur, ajoutant un paragraphe III au présent article qui supprime des renvois aux articles L. 411-1 et L. 411-2 du code du sport à l'article 53 de la loi de finances pour 2006 (lui-même abrogé par le II du présent article).

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur n'est pas opposé au mécanisme proposé .

Tout d'abord, le présent article procède à une oeuvre utile de codification tant des dispositions existantes que du nouveau prélèvement qu'il crée au profit du CNDS.

Ensuite, il va dans le sens de la simplicité et de la cohérence . Il limite ainsi le prélèvement actuel aux seuls jeux « en dur » de la Française des jeux, à l'exception des paris sportifs, qui demeurent sous le régime du monopole. En parallèle, il crée un régime commun pour l'ensemble des paris sportifs , qu'ils soient issus du réseau ou qu'il s'agisse des jeux en ligne. Une telle évolution était souhaitable car ces paris se trouveront, après l'ouverture du marché du fait du présent projet de loi, en situation de concurrence objective. Il est donc normal qu'ils subissent des prélèvements identiques : à un jeu commun doivent correspondre des prélèvements communs, quel que soit le mode de prise des paris .

S'agissant du CNDS , votre rapporteur observe que cet établissement public disposera de ressources accrues par rapport à la situation présente. En effet, du fait du mécanisme de plafonnement à 163 millions d'euros, la perte de recettes engendrée par la sortie du loto sportif de l'assiette du prélèvement sera atténuée.

Selon les informations figurant dans l'annexe « Sport, jeunesse et vie associative » au projet de loi de finances pour 2010, le prélèvement spécifique sur les mises enregistrées par la Française des jeux devrait s'élever à 154,3 millions d'euros, compte tenu de la nouvelle assiette (en année pleine) alors même que le prélèvement sur les paris sportifs de cet opérateur s'élèverait à environ 14 millions d'euros, sur une base déplafonnée. Dès lors, même en soumettant ces paris à un taux de 1 %, ce qui engendrerait un produit de l'ordre de 7,7 millions d'euros, le prélèvement total sur l'ancien périmètre du prélèvement visé au III de l'article 53 de la loi de finances pour 2006 serait de 162 millions d'euros, soit quasiment le plafond .

En toute hypothèse, la soumission des opérateurs agréés à un prélèvement spécifique en faveur du CNDS ne fera donc qu'accroître les recettes de cet établissement public (et non compenser la sortie du loto sportif de l'assiette de l'ancien prélèvement).

Or le CNDS semble déjà disposer de ressources adéquates. Ainsi, lors du débat sur les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », notre collègue Michel Sergent, rapporteur spécial, s'était inquiété du flou relatif aux recettes du CNDS en 2010 du fait du retard pris pour l'examen du présent projet de loi. En réponse, Mme Rama Yade, secrétaire d'Etat chargée des sports, a fait valoir que « le fonds de roulement [du CNDS] devrait s'établir à 56,5 millions d'euros à la fin de l'année 2010 » et qu'il pouvait, dès lors, en cas de besoin, puiser dans ses réserves.

Sur la base de ces différents éléments, le taux de 1 %, non plafonné, fixé pour le prélèvement spécifique frappant les mises sur les paris sportifs en ligne pouvait paraître opportun , d'autant qu'il était de nature à assurer une meilleure compétitivité des sites agréés pour les joueurs français.

Néanmoins, votre rapporteur prend acte de l'accord politique trouvé à l'Assemblée nationale, aux termes duquel le taux du prélèvement sera de 1,3 % en 2010, puis de 1,5 % en 2011 et enfin de 1,8 % à compter de 2012.

Ce sujet pourra utilement être réexaminé dans le rapport d'évaluation visé à l'article 58 du présent texte , notamment s'il apparaissait que le niveau du prélèvement se traduisait par un niveau anormalement faible de l'activité des opérateurs agréés.

Décision de votre commission : sous le bénéfice de ces observations, votre commission a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 43 bis (nouveau) (Art. 1609 tertricies du code général des impôts) - Redevance sur les paris hippiques en ligne

Commentaire : le présent article a pour objet de mettre en place une redevance assise sur les sommes engagées par les parieurs sur les paris hippiques en ligne.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article vise à la mise en place, au profit des sociétés de courses , d'une redevance payée par les opérateurs de paris hippiques en ligne et assise sur les sommes engagées par les parieurs .

Il s'agit de reprendre et préciser un dispositif introduit par l'Assemblée nationale . Le dispositif proposé par le présent article était en effet prévu par un paragraphe d'un autre article, qu'il convient de supprimer pour des motifs de coordination. La réinsertion de ces dispositions, sous une forme nettement plus étoffée , au chapitre VII, qui porte sur les dispositions fiscales du présent projet de loi, paraît nettement plus satisfaisante.

Le cadre juridique de la redevance envisagée est ainsi renforcé et précisé. En effet, le présent article prévoit ainsi, par l'insertion d'un nouvel article 1609 tertricies dans le code général des impôts, une assiette, une fourchette de taux et des modalités de recouvrement . D'après les informations transmises à votre rapporteur par la direction du budget, il s'agit donc de rapprocher la redevance proposée d'une imposition de toutes natures.

Le dispositif s'apparente davantage à une taxe dont le produit est affecté , bien que le prélèvement envisagé ait pris le nom de redevance.

Pour ce qui concerne son assiette , elle sera calculée sur les sommes engagées par les parieurs sur les paris hippiques en ligne mentionnés à l'article 6 du présent projet de loi et sur les gains réinvestis sous forme de nouvelles mises, qui seront donc également assujettis.

S'agissant du taux , il est précisé qu'il sera fixé par décret dans une fourchette comprise entre 7,5 % et 9 % en tenant compte du coût des missions de service public des sociétés de courses . Ces dernières auront, de plus, l'obligation de tenir une comptabilité distincte à laquelle sera rattaché le produit de la redevance destiné à financer leurs missions de service public.

Par ailleurs, le présent article précise que le produit de la taxe sera affecté au prorata des enjeux misés sur chaque spécialité , trot et galop, aux sociétés mères de courses de chevaux. Celles-ci devront ensuite répartir les sommes versées entre les sociétés de courses elles-mêmes.

Enfin, le présent article prévoit les modalités de recouvrement de cette redevance due par les opérateurs de paris hippiques en ligne, titulaires de l'agrément mentionné à l'article 16 du présent projet de loi.

Ces modalités s'inspirent directement de celles applicables à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). En effet, il est ainsi prévu une déclaration mensuelle, mais aussi un constat, une liquidation, un recouvrement et un contrôle selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que la TVA. De même, les réclamations seront présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à celle-ci.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur se déclare favorable à ces dispositions, qui doivent permettre le financement des missions de service public des sociétés de courses , telles qu'elles sont définies à l'article 53 du présent projet de loi et qu'un décret devra préciser.

Il observe que l'accomplissement de ces missions par les sociétés de courses constitue une sorte de contrepartie au prélèvement envisagé , ce qui conduit à un dispositif quelque peu ambigu , qui tient à la fois de la taxe affectée et de la redevance pour service rendu .

Surtout, il s'interroge sur la portée ce dispositif au regard du droit de la concurrence et du régime communautaire applicable en matière d'aides d'Etat . D'après les informations transmises à votre rapporteur par la direction du Budget, le Conseil d'Etat se serait toutefois montré assez optimiste sur la conformité du dispositif envisagé au droit communautaire. En outre, les garanties apportées par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, à l'occasion de la réunion de votre commission, sont de nature à rassurer votre rapporteur.

Décision de la commission : sous le bénéfice de ces observations, votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 44 (Art. 261 E du code général des impôts) - Extension de l'exonération de TVA aux opérateurs de jeux et paris en ligne

Commentaire : le présent article a pour objet d'étendre l'exonération de TVA des opérateurs de jeux aux sommes misées lors de paris sportifs ou de jeux de cercle en ligne.

I. UN RÉGIME D'EXONÉRATION PRÉVU PAR LE DROIT COMMUNAUTAIRE

Le droit communautaire prévoit un régime d'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au profit des opérateurs de jeux. Ainsi, la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 oblige les Etats membres de la Communauté européenne, comme le précise son article 135, à exonérer de TVA « les paris, loteries et autres jeux de hasard ou d'argent » . Il appartient aux Etats membres de déterminer par leur législation nationale dans quelles conditions et selon quelles limites s'applique une telle exonération.

En droit interne, cette directive a fait l'objet d'une transposition qui vise, de fait, les deux opérateurs historiques que sont le PMU et la Française des jeux. Ainsi, en application de l'article 261 E du code général des impôts, « le produit de l'exploitation de la loterie nationale, du loto national et des paris mutuels hippiques » se trouve exonéré de TVA. Une circulaire, en date du 20 mars 2001, définit ce produit comme l'ensemble des sommes misées sur les jeux de la Française des Jeux et sur les paris hippiques.

Il convient cependant de préciser que l'exonération reste partielle : en effet, les rémunérations perçues par les organisateurs et les intermédiaires qui participent à l'organisation de ces jeux demeurent soumises à la TVA .

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article vise à étendre l'exonération de TVA applicable aux activités de jeux jusqu'à présent autorisées aux autres opérateurs de jeux et paris . Il s'agit ainsi de compléter l'article 261 E du code général des impôts afin d'appliquer, conformément au droit communautaire, l'exonération de TVA au produit de l'exploitation des paris sur les compétitions sportives .

Un tel dispositif permettrait donc aux sommes misées sur les paris sportifs de se soustraire à la TVA au taux de 19,6 %.

Le dispositif proposé bénéficierait donc, concrètement, aux nouveaux opérateurs agréés de jeux et paris en ligne, alors qu'aujourd'hui seuls le PMU et la Française des Jeux bénéficient du régime d'exonération.

Par ailleurs, les rémunérations perçues par les organisateurs et les intermédiaires qui participent à l'organisation de ces jeux restent toutefois soumises à la TVA .

III. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de notre collègue député Yves Censi, et avec l'avis favorable du Gouvernement et du rapporteur, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté un amendement visant à limiter à deux ans le dispositif proposé par le présent article de manière à prévoir une clause de rendez-vous afin d'évaluer l'impact de la TVA résiduelle sur les rémunérations perçues par les organisateurs et les intermédiaires.

La commission des finances de l'Assemblée nationale a également adopté, avec l'avis favorable du Gouvernement, un sous-amendement de notre collègue député Jean-François Lamour, qui a étendu l'exonération de TVA aux jeux de cercle en ligne , à l'instar de l'exonération actuellement applicable aux jeux de hasard ou d'argent dans les casinos.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur se déclare favorable à l'extension à l'ensemble des opérateurs de jeux et de paris du régime d'exonération de TVA , ce qui correspond aux dispositions prévues par le droit communautaire.

Il observe que la limitation envisagée du dispositif à deux ans instaure une clause de rendez-vous raisonnable . Elle fera ainsi suite, de façon cohérente, au bilan de la loi qui doit intervenir dix-huit mois après sa promulgation.

Le présent article a fait l'objet d'une nouvelle rédaction de simple coordination, par votre commission, afin de tirer les conséquences de la suppression de l'article 56.

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 45 (Art. 919 A, 919 B et 919 C du code général des impôts, art. 42 de la loi de finances pour 1985 [n° 84-1208 du 29 décembre 1984], art.139 de la loi de finances rectificative pour 2006 [n° 2006-1771 du 30 décembre 2006] et art. 6 de la loi de finances rectificative pour 1986 [n° 86-824 du 11 juillet 1986]) - Suppression des droits de timbre et coordination en matière de prélèvements fiscaux sur les paris hippiques et sportifs

Commentaire : le présent article propose de supprimer les droits de timbre s'appliquant aux sommes engagées sur les jeux de la Française des jeux ainsi que les prélèvements sur les gains réalisés au loto sportif et sur le produit brut des paris du PMU.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LES DROITS DE TIMBRE SUR LES SOMMES ENGAGÉES SUR LES JEUX DE LA FRANÇAISE DES JEUX

Les articles 919 A, 919 B et 919 C du code général des impôts soumettent les jeux exploités par la Française des jeux à un droit de timbre.

Ce droit s'élève à :

- 4,7 % du montant des sommes engagées pour les bulletins du loto national (article 919 A) ;

- 4,7 % également des sommes engagées au loto sportif (article 919 B et dernier alinéa de l'article 42 de la loi n° 84-1208 du 29 décembre 1984 de finances pour 1985) ;

- 1,6 % pour les jeux de grattage (article 919 C).

B. LE PRÉLÈVEMENT PROGRESSIF SUR LES GAINS RÉALISÉS AU LOTO SPORTIF

L'article 6 de la loi n° 86-824 du 11 juillet 1986 de finances rectificative pour 1986 a institué un prélèvement assis sur les gains réalisés au loto sportif (ainsi qu'aux tirages supplémentaires de la loterie nationale). Ce prélèvement est calculé par rapport au barème figurant dans le tableau ci-après.

Prélèvement sur les gains réalisés au loto sportif et aux tirages supplémentaires de la loterie nationale

Tranche de gains

Taux de prélèvement

Entre 762,25 € et 15 244,90 €

5 %

Entre 15 244,90 € et 76 224,51 €

10 %

Entre 76 224,51 € et 152 449,02 €

15 %

Entre 152 449,02 € et 304 898,03 €

20 %

Entre 304 898,03 € et 762 245,09 €

25 %

Au-delà de 762 245,09 €

30 %

Source : Journal officiel

Le produit de ce prélèvement a été inférieur à un million d'euros en 2008.

C. LE PRÉLÈVEMENT SUR LE PRODUIT BRUT DES PARIS DU PMU

Comme indiqué dans le commentaire de l'article 39 du présent projet de loi, l'article 139 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 soumet le PMU à un prélèvement spécifique au profit de l'Etat, assis sur le produit brut des paris, défini comme la différence entre le total des sommes engagées en pari mutuel diminuées des montants représentatifs des prélèvements sociaux (au titre de la contribution sociale généralisée et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale) et la part de ces sommes reversée aux parieurs gagnants. Le décret n° 2007-62 du 16 janvier 2007 a fixé à 32,73 % le taux de ce prélèvement, qui a représenté, en 2008, 705 millions d'euros .

II. LE DISPOSITIIF PROPOSÉ

Le présent article propose de supprimer les différents droits et prélèvements susvisés .

A cette fin, le I du présent article tend à abroger les articles 919 A, 919 B et 919 C du code général des impôts précités. De même, le II du présent article supprime le dernier alinéa de l'article 42 de la loi de finances pour 1985 précitée, qui vise également le droit de timbre applicable au loto sportif.

Par ailleurs, le III de cet article propose d'abroger l'article 139 de la loi de finances rectificative pour 2006 précitée.

Enfin, le IV du présent article tend à supprimer, au sein de l'article 6 de la loi de finances rectificative pour 1986 précitée, les dispositions relatives au prélèvement sur les gains réalisés au loto sportif (et aux tirages supplémentaires de la loterie nationale).

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur est favorable aux dispositions de cet article , qui s'articulent avec le nouveau régime fiscal des paris sportifs ou hippiques défini à l'article 39 du présent projet de loi.

Il est à noter que la suppression des droits de timbres applicables aux jeux de la Française des jeux n'a pas de conséquences sur le solde budgétaire de l'Etat. En effet, aux termes de l'article 1 er de l'arrêté du 9 mars 2006 fixant la répartition des sommes misées sur les jeux exploités par la Française des jeux, le solde des recettes (diminuées, notamment par les droits de timbre) est versée au budget général de l'Etat.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 46 (Art. L. 2333-54 et L. 2333-56 du code général des collectivités territoriales) - Réforme du prélèvement progressif sur le produit brut des jeux des casinos

Commentaire : le présent article modifie les articles L. 2333-54 et L. 2333-56 du code général des collectivités territoriales afin de scinder l'assiette du prélèvement progressif de l'Etat sur le produit brut des jeux des casinos en deux assiettes portant sur les jeux de table et les machines à sous, et d'en tirer les conséquences sur les abattements existants et le plafonnement à 80 % du produit brut des jeux. Ces dispositions représentent un allègement fiscal d'environ 37 millions d'euros.

I. LE RÉGIME FISCAL ACTUEL DES CASINOS

La fiscalité des casinos est très élevée et résulte de textes disparates, parfois anciens et souvent de niveau réglementaire, et consiste en des prélèvements sui generis dont la base légale a pu apparaître fragile . Le Gouvernement a ainsi pris l'initiative d'introduire un nouvel article 27 dans la loi de développement et de modernisation des services touristiques (n° 2009-888 du 22 juillet 2009) afin de valider, dans le livre des procédures fiscales, les prélèvements de l'Etat sur les jeux des casinos pour la période antérieure au 1 er novembre 2009.

A. LA FISCALITÉ DE L'ETAT

Ainsi qu'il a été précisé dans le commentaire de l'article 39 du présent projet de loi, cette fiscalité est assise sur le produit brut des jeux (PBJ) des casinos, qui est défini pour les différentes catégories de jeux (jeux de contrepartie et jeux de cercle électroniques ou non, machines à sous et appareils interconnectés dans le cadre d'un « jackpot progressif ») par l'article L. 2333-55-1 du code général des collectivités territoriales.

La définition du PBJ selon les types de jeux
aux termes de l'article L. 2333-55-1 du code général des collectivités territoriales

Aux termes de l'article L. 2333-55-1, le PBJ est constitué :

1° Pour les jeux de contrepartie exploités sous forme non électronique , par la différence entre le montant cumulé de l'avance initiale et des avances complémentaires éventuelles et le montant de l'encaisse constaté en fin de partie.

2° Pour les jeux de contrepartie exploités sous forme électronique , par la différence entre, d'une part, le montant de la comptée afférente à chaque poste de jeu et, d'autre part, le montant cumulé des avances éventuellement faites et des tickets représentatifs des crédits des joueurs émis par chaque poste de jeu. Dans le cas d'un appareil équipé d'un système informatique permettant la dématérialisation du paiement scriptural, le produit brut des jeux est constitué par la différence entre, d'une part, le montant des achats de crédits et de la comptée éventuelle et, d'autre part, les gains payés par chaque poste de jeu.

3° Pour les jeux de cercle exploités sous forme électronique ou non , par le montant intégral de la cagnotte, correspondant aux retenues opérées à tous les jeux de cercle par le casino. Pour chaque jeu de cercle, la retenue opérée par le casino est fixée par voie réglementaire. Elle ne peut excéder 5 % d'une assiette constituée, selon le type de jeu, par les mises des joueurs, leurs gains, ou les sommes engagées par eux pour participer au jeu.

4° Pour les jeux pratiqués avec des appareils définis à l'article 2 de la loi n° 83-628 du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard, qui procurent un gain en numéraire, dits « machines à sous », par le produit d'un coefficient de 85 % appliqué au montant de la comptée afférente à l'appareil, diminué des avances faites, des tickets émis par la machine, des gains payés par la caisse spéciale et du montant des gains non réclamés.

5° Pour les appareils connectés entre eux, dans le cadre d'un jackpot progressif mis en place entre plusieurs établissements , le produit brut des jeux est constitué par le produit d'un coefficient de 85 % appliqué au montant de la comptée visée au 4° également diminuée :

a) Dans le casino où le jackpot progressif a été gagné, du montant initial du jackpot progressif et du montant des incréments réalisés par chaque appareil ;

b) Dans les autres casinos, du seul montant des incréments réalisés par chaque appareil.

Toutefois, le casino qui se retire du système de jackpot progressif multisites avant que la combinaison gagnante ne soit sortie déduit de son produit brut des jeux, à la fin du mois de son retrait, le montant des incréments constatés au cours de la période pendant laquelle il a participé au jackpot progressif multisites.

Le produit brut des jeux du casino est également diminué, le cas échéant, du montant des incréments issus de l'arrêt d'un jackpot progressif multisites versé aux orphelins et non réaffecté à un nouveau jackpot progressif multisites à la clôture de l'exercice.

Dans le cas où la différence mentionnée aux 1° et 2° est négative, la perte subie vient en déduction des bénéfices des jours suivants.

Le PBJ global des casinos fait l'objet de deux prélèvements de l'Etat :

- un prélèvement fixe sur l'intégralité du PBJ, institué par l'article 50 de la loi de finances pour 1991, au taux de 0,5 % pour les jeux de table et de 2 % pour les machines à sous. Son produit s'est élevé à 41,2 millions d'euros pour l'exercice 2007/2008 ;

- et un prélèvement progressif prévu par les articles L. 2333-56 et D. 2333-74 du code général des collectivités territoriales, dont le taux est compris entre 10 % et 80 %, après abattement de 25 %. Deux autres abattements facultatifs , l'un et l'autre plafonnés à 5 %, correspondent, d'une part, au déficit résultant des manifestations que le casino organise au titre du cahier des charges prévu par la commune d'implantation, et d'autre part, aux dépenses d'équipement et d'entretien des établissements hôteliers ou thermaux appartenant aux casinos. Le produit de ce prélèvement s'est élevé à 874,6 millions d'euros en 2007/2008.

Afin de « soulager » quelque peu un secteur confronté depuis deux ans à une grave crise, le barème du prélèvement progressif a été récemment révisé à la baisse par un décret du 26 août 2009 et représente un allègement fiscal d'environ 40 millions d'euros , dont 37 millions d'euros supportés par l'Etat. Il est désormais le suivant :

Ancien et nouveau barèmes du prélèvement progressif sur le PBJ des casinos

Taux

Barème applicable
avant le 26 août 2009

Barème applicable rétroactivement
depuis le 1 er novembre 2008

10 %

Jusqu'à 58.000 euros

Jusqu'à 87.000 euros

15 %

De 58.001 euros à 114.000 euros

De 87.001 euros à 171.000 euros

25 %

De 114.001 euros à 338.000 euros

De 171.001 euros à 507.000 euros

35 %

De 338.001 euros à 629.000 euros

De 507.001 euros à 943.500 euros

45 %

De 629.001 euros à 1.048.000 euros

De 943.501 euros à 1.572.000 euros

55 %

De 1.048.001 euros à 3.144.000 euros

De 1.572.001 euros à 4.716.000 euros

60 %

De 3.144.001 euros à 5.240.000 euros

De 4.716.001 euros à 7.860.000 euros

65 %

De 5.240.001 euros à 7.337.000 euros

De 7.860.001 euros à 11.005.500 euros

70 %

De 7.337.001 euros à 9.433.000 euros

De 11.005.501 euros à 14.149.500 euros

80 %

Au-delà de 9.433.000 euros

Au-delà de 14.149.500 euros

Source : décret n° 2009-1035 du 26 août 2009

En application de l'article 261 E du code général des impôts, précité, les activités de jeux de casinos ne sont pas soumises à la TVA , mais naturellement leurs activités de restauration ou de spectacle le sont.

B. LA FISCALITÉ LOCALE

Des prélèvements sur le PBJ peuvent être opérés au profit des communes d'implantation des casinos, des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre disposant de la compétence du tourisme, et des établissements publics percevant la taxe de séjour ou la taxe de séjour forfaitaire.

Aux termes de l'article L. 2333-55 du code général des collectivités territoriales, la commune d'établissement perçoit ainsi 10 % du prélèvement progressif de l'Etat , cette rétrocession ne pouvant excéder 5 % des ressources ordinaires de la commune. Ce prélèvement a représenté 82,4 millions d'euros en 2007/2008.

Le conseil municipal de la commune d'établissement peut également décider d'appliquer un prélèvement au titre du cahier des charges du casino pour des actions de promotion du tourisme, au taux maximal de 15 % du PBJ après abattements. Il a rapporté 223 millions d'euros en 2007/2008.

L'article L. 2333-54 prévoit cependant que le cumul des taux des prélèvements de l'Etat et des communes ne peut excéder 80 % du PBJ , l'ajustement éventuel se faisant à due concurrence sur le taux du prélèvement de l'Etat.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose de scinder l'assiette du prélèvement progressif en deux assiettes applicables aux jeux de table et aux machines à sous , et d'en tirer les conséquences sur l'application des abattements et du plafond de 80 % de la somme des prélèvements d'Etat et communaux.

A. LA SCISSION DE L'ASSIETTE DU PRÉLÈVEMENT PROGRESSIF SELON LES TYPES DE JEUX

Le II du présent article complète l'article L. 2333-56 du code général des collectivités territoriales, précité et relatif au prélèvement progressif sur le PBJ des casinos, par un alinéa qui scinde l'assiette de ce prélèvement et les abattements correspondants en deux nouvelles assiettes correspondant respectivement :

- à la somme des éléments constitutifs du produit brut des jeux mentionnés aux 1°, 2° et 3° de l'article L.2333-55-1 du même code, précité, soit l'exploitation des jeux de table (jeux de contrepartie et jeux de cercle électroniques ou non) ;

- à la somme des éléments constitutifs du produit brut des jeux mentionnés aux 4° et 5° de ce même article, soit l'exploitation des « machines à sous » et des appareils interconnectés dans le cadre d'un « jackpot progressif » mis en place entre plusieurs établissements.

Chacune des assiettes ainsi calculées est ainsi diminuée des trois abattements précédemment évoqués, soit l'abattement automatique de 25 %, mentionné à l'article premier du décret du 28 juillet 1934, et les deux abattements supplémentaires de 5 % prévus par l'article 34 de la loi de finances rectificative pour 1995, puis soumise au barème rénové prévu par l'article D. 2333-74 du même code.

Le II précise également que ce dispositif s'applique rétroactivement à compter du 1 er novembre 2008 , par alignement sur l'application du nouveau barème progressif, précité.

B. LES DISPOSITIONS DE CONSÉQUENCE ET DE COORDINATION

Par coordination, le 1° du I du présent article modifie le troisième alinéa de l'article L. 2333-54 du code général des collectivités territoriales, relatif à l'assiette des prélèvements réalisés par les communes, pour maintenir le droit existant, et non pas appliquer le dédoublement de l'assiette du prélèvement progressif de l'Etat. Il précise ainsi que ces prélèvements s'appliquent, comme dans le droit actuel, au PBJ diminué de 25 %, et le cas échéant des deux abattements supplémentaires précités.

De même, le 2° du I remplace le quatrième alinéa du même article, relatif au plafonnement à 80 % du PBJ des prélèvements opérés par l'Etat et les communes, par deux alinéas qui tiennent compte de la scission de l'assiette du prélèvement de l'Etat. Il prévoit ainsi que ce plafonnement s'applique distinctement à la somme du taux du prélèvement de l'Etat sur chaque assiette et du taux du prélèvement communal, de sorte que le nouveau dispositif n'aura aucun impact sur les recettes des communes d'implantation des casinos .

III. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur au fond, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel à cet article.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur approuve ces aménagements à l'assiette du prélèvement progressif sur le produit brut des jeux de casinos, qui permettent à l'Etat de manifester son soutien à un secteur qui traverse actuellement une grave crise, non seulement conjoncturelle (avec une diminution du PBJ de 8,5 % en 2007/2008 et probablement supérieure en 2008/2009) mais sans doute aussi structurelle . En effet, la tendance lourde de la fréquentation ne permet sans doute plus d'assurer la viabilité commerciale de tous les 197 casinos de France et tend à remettre en question le modèle économique du secteur.

L'application d'un barème progressif à deux assiettes au lieu d'une entraîne donc mécaniquement un allègement de l'imposition des casinos, évalué à 37 millions d'euros . Cumulé au relèvement du barème par le décret précité du 26 août 2009, l'effort global consenti par l'Etat en faveur des casinos représente donc environ 77 millions d'euros et vient opportunément « soulager » la trésorerie et le bilan des établissements.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article sans modification.

CHAPITRE VIII - MESURES DE LUTTE CONTRE LES SITES ILLÉGAUX DE JEUX D'ARGENT

ARTICLE 47 (Art. 3 de la loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries ; art. 4 de la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux ; art. 1er, 3 et 4 de la loi n° 83-628 du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard) - Sanctions pénales encourues par les opérateurs non agréés

Commentaire : le présent article prévoit une peine d'emprisonnement et une amende pénale, aggravée en cas de commission de l'infraction en bande organisée, pour les personnes physiques et morales qui proposent des jeux ou paris en ligne sans être titulaires de l'agrément délivré par l'ARJEL.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article constitue la nécessaire contrepartie pénale de la procédure d'agrément prévue par l'article 16 du présent projet de loi. L'obtention d'un agrément étant nécessaire pour commercialiser légalement en France une offre de jeux et paris en ligne, toute offre illégale doit pouvoir être sanctionnée. La sévérité et le caractère dissuasif de cette sanction participent ainsi de la crédibilité du régime d'ouverture encadrée que prévoit le présent projet de loi.

Il est donc proposé de qualifier pénalement l'infraction et la sanction correspondante, et de punir de trois ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende quiconque aura offert ou proposé au public un service de communication en ligne de jeux ou paris sans être titulaire de l'agrément. En cas de commission de l'infraction en bande organisée, ces peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et 100.000 euros d'amende . Ces peines illustrent donc la nature délictueuse de l'infraction.

La formulation du champ des personnes visées , soit les personnes qui offrent ou proposent un « service de communication en ligne » de paris, jeux d'argent ou de hasard, se révèle assez ambiguë . Bien que l'intention soit clairement de sanctionner les opérateurs illégaux, cette rédaction peut être interprétée comme englobant également les fournisseurs d'accès et hébergeurs de sites. Or la responsabilité de ces derniers est limitée au blocage des sites illégaux en application de l'article 50 du présent projet de loi.

Les opérateurs illégaux, en tant que personnes morales, peuvent être condamnés à une amende puisque l'article 121-2 du code pénal prévoit que « les personnes morales, à l'exclusion de l'Etat, sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ». Il n'est donc pas nécessaire, comme le propose le présent article, de prévoir explicitement l'applicabilité d'une sanction aux personnes morales pour que la responsabilité pénale de ces dernières puisse être soulevée.

La circonstance aggravante que constitue la commission en bande organisée requiert l'action concertée de plusieurs personnes physiques ou morales. Elle pourra donc être invoquée en cas de pluralité de dirigeants d'un opérateur ou de volonté commune et organisée de plusieurs opérateurs, matérialisée par exemple par une politique commerciale concertée, d'opérer illégalement sur le marché français.

Le niveau des sanctions se révèle différent de ceux retenus par les lois du 21 mai 1836 et du 2 juin 1891 pour sanctionner, respectivement, les loteries (régime le plus souple) et les paris hippiques (régime le plus sévère) prohibés, mais identique à celui prévu par la loi du 12 juillet 1983 pour les maisons de jeux illégales .

Sanctions pénales (emprisonnement et amende)
applicables pour les activités de jeux interdites

Jeux et paris en ligne

Loteries

Paris hippiques

Maisons de jeux

Loi applicable

Article 47
du présent projet de loi

Article 3
de la loi du
21 mai 1836

Article 4
de la loi du 2 juin 1891

Article premier de la loi du 12 juillet 1983

Infraction simple

3 ans

45.000 euros

2 ans

60.000 euros

3 ans

90.000 euros

3 ans

45.000 euros

Infraction en bande organisée

7 ans

100.000 euros

Non prévu

7 ans

200.000 euros

7 ans

100.000 euros

Sources : projet de loi, loi du 21 mai 1836, loi du 2 juin 1891, loi du 12 juillet 1983

Le présent article retient donc la peine d'emprisonnement la plus forte et la peine d'amende la plus faible au motif, notamment, que la qualification de commission en bande organisée serait vraisemblablement retenue dans la plupart des cas. On peut cependant déplorer l'hétérogénéité des peines applicables selon les types de jeux ou paris , qui n'a pas de réelle justification.

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

La commission des finances de l'Assemblée nationale, avec l'avis favorable du Gouvernement, a adopté un amendement de précision de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur au fond, afin de mieux cibler l'applicabilité de la sanction aux seuls opérateurs illégaux . Avec l'avis favorable du Gouvernement, elle a également adopté un amendement substantiel de notre collègue député Etienne Blanc, rapporteur au nom de la commission des lois saisie pour avis, qui a réécrit cet article en prévoyant :

- le doublement du montant des amendes pénales encourues, soit respectivement 90.000 euros et 200.000 euros. Ces amendes sont ainsi alignées sur celles applicables en cas de paris hippiques illégaux ;

- l'insertion d'un II permettant d'aligner les amendes dont sont passibles, aux termes de l'article premier de la loi du 12 juillet 1983, précitée, les personnes qui participent à la tenue d'une maison de jeux illégale ;

- l'insertion d'un III qui procède à la même harmonisation des peines d'emprisonnement et d'amende, dans l'article 3 de la loi du 21 mai 1836 précitée, en cas de loterie prohibée .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. UN RÉGIME PÉNAL INDISPENSABLE MAIS CONTRAINT

Votre rapporteur juge logique et pertinent d'assimiler à un délit pénal le fait de proposer illégalement en France une offre de jeux ou paris sur Internet. L'ARJEL, qui a avant tout vocation à contrôler l'offre de jeux légale et à veiller au respect par les opérateurs agréés de leurs obligations, n'a ni l'assise juridique, ni la légitimité, ni les moyens de réprimer elle-même l'offre illégale de jeux.

Elle peut en revanche, ainsi que le prévoit l'article 50 du présent projet de loi, inciter les opérateurs non agréés à entrer dans la légalité en leur adressant une mise en demeure. Sommairement, l'ARJEL détermine et contrôle le périmètre de la légalité et participe à la lutte contre l'illégalité, le juge pénal, qui dispose de la force exécutoire, sanctionne cette illégalité avec l'aide de la police judiciaire.

L'Assemblée nationale a également amélioré le dispositif en mettant fin aux disparités non justifiées des régimes pénaux applicables aux différentes catégories de jeux et paris, et en recentrant le champ des personnes incriminées sur les opérateurs non autorisés et leurs dirigeants.

La compatibilité de ce régime avec le droit communautaire est assurée dans la mesure où le présent projet de loi ne retient pas le principe de reconnaissance mutuelle des agréments, que la Commission européenne n'a pas expressément exigé dans son avis circonstancié publié le 8 juin 2009. Notre pays pourra sanctionner pénalement des prestataires non agréés, y compris s'ils sont agréés dans un autre Etat membre, en se fondant notamment sur la nécessaire préservation de l'ordre public et de l'ordre social.

En revanche, on ne peut occulter le fait que la répression pénale devrait dans de nombreux cas se heurter à des difficultés d'application , dans un environnement aussi mouvant et hors-frontières que l'Internet. La majorité des opérateurs concernés et leurs dirigeants pourraient ainsi être difficilement identifiables et seront établis hors de France, notamment dans des juridictions avec lesquelles notre pays n'a pas conclu de mécanismes d'entraide judiciaire.

Votre commission a adopté, sur proposition de votre rapporteur, un amendement rédactionnel au premier alinéa.

B. LA NÉCESSITÉ DE PRÉVOIR DES PEINES COMPLÉMENTAIRES POUR EXPLOITATION ILLÉGALE DE TOUT TYPE DE JEU OU PARI

Votre rapporteur juge indispensable, par cohérence avec les dispositions pénales existantes, de compléter ce régime par des peines complémentaires applicables aux personnes physiques (interdiction de certains droits, confiscation de biens, interdiction d'exercer certaines fonctions...) et morales (amende, interdiction de solliciter un agrément...).

Les sanctions encourues par les personnes physiques seraient ainsi les suivantes :

- l'interdiction des droits civiques , civils et de famille (droit de vote, éligibilité, droit d'être tuteur ou curateur...) dans les conditions prévues à l'article 131-26 du code pénal ;

- la confiscation des biens mobiliers et immobiliers , divis ou indivis, ayant servi directement ou indirectement à commettre l'infraction ou qui en sont le produit ;

- l'affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues à l'article 131-35 du code pénal ;

- la fermeture définitive ou pour une durée de cinq ans au plus des établissements ou de l'un ou de plusieurs des établissements de l'entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés ;

- et les interdictions d'activité suivantes, éventuellement cumulatives et selon les modalités prévues par l'article 131-27 du code pénal :

> soit d'exercer une fonction publique ou l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ;

> soit d'exercer une profession commerciale ou industrielle et de diriger, administrer, gérer ou contrôler, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale.

S'agissant des personnes morales , leur responsabilité pénale pourrait être invoquée dans les conditions prévues à l'article 121-2 du code pénal et elles seraient passibles des peines suivantes :

- l'amende suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal, soit au maximum le quintuple de celle prévue pour les personnes physiques ;

- les peines mentionnées aux 1°, 4°, 8° et 9° de l'article 131-39 du code pénal ;

- l'interdiction , pour une durée de cinq ans au plus, de solliciter l'agrément prévu à l'article 16 du présent projet de loi ainsi que l'autorisation d'exploiter un casino ;

- et, le cas échéant, le retrait de cet agrément (soit une peine commune avec une des sanctions que l'ARJEL peut prononcer en application de l'article 25 du présent projet de loi) ou de cette autorisation si la personne morale en est titulaire au moment du jugement.

En conséquence, votre commission a adopté un amendement introduisant ces peines complémentaires pour les offres illégales de jeux et paris en ligne et complétant les lois précitées du 21 mai 1836, du 2 juin 1891 et du 12 juillet 1983 pour les étendre aux autres activités de jeux et paris.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 48 (Art. 4 de la loi du 21 mai 1836 précitée, art. 4 de la loi du 2 juin 1891 précitée et art. 1er de la loi n° 83-628 du 12 juillet 1983 précitée) - Sanctions pénales pour le fait d'émettre ou de diffuser de la publicité en faveur d'un site illégal de paris ou de jeux d'argent et de hasard

Commentaire : le présent article a pour objet de sanctionner le fait, pour une personne physique ou morale, d'émettre ou de diffuser de la publicité en faveur d'un opérateur en ligne non agréé par l'ARJEL ou non titulaire d'un droit exclusif, ainsi que de diffuser au public les cotes et rapports proposés par cet opérateur.

I. LE DROIT EXISTANT

Diverses dispositions punissent la publicité ou les actions de promotion de jeux illégales d'une amende , dont le montant s'élève à 30.000 euros .

Ainsi, l'article 4 de la loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries prévoit une telle amende à l'encontre de « ceux qui auront colporté ou distribué des billets, ceux qui, par des avis, annonces, affiches ou par tout autre moyen de publication, auront fait connaître l'existence des loteries prohibées par la présente loi ou facilité l'émission des billets ». Il est précisé que le tribunal peut porter le montant de l'amende au quadruple du montant des dépenses publicitaires consacrées à l'opération illégale.

Par parallélisme, l'article 4 de la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux prévoit les mêmes dispositions pour « quiconque aura fait de la publicité, par quelque moyen que ce soit, en faveur des paris [illégaux] sur les courses de chevaux ».

De même, aux termes de l'article 1 er de la loi n° 83-628 du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard, le fait de faire de la publicité, par quelque moyen que ce soit, en faveur d'une maison de jeux de hasard non autorisée est également puni de 30.000 euros d'amende.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose de sanctionner d'une amende d'un montant de 30.000 euros le fait d'émettre ou diffuser de la publicité, par quelque moyen que ce soit, en faveur d'un site de jeux en ligne non autorisé en vertu d'un droit exclusif ou de l'agrément prévu à l'article 16 du présent projet de loi.

III. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Outre quelques aménagements rédactionnels, la commission des finances de l'Assemblée nationale, à l'initiative du Gouvernement et avec l'avis favorable du rapporteur, a étendu le champ de cette sanction à « quiconque aura, par quelque moyen que ce soit, diffusé au public, aux fins de promouvoir des sites de jeux en ligne ne disposant pas de l'agrément prévu à l'article 16, les cotes et rapports proposés par ces sites non autorisés ».

Il s'agit donc de viser les comparateurs de cotes . Comme leur nom l'indique, il s'agit de sites permettant de comparer les cotes offertes par différents opérateurs pour un événement donné. Ces outils sont très utilisés par les parieurs dans le cadre des paris à cote, notamment par les plus gros parieurs.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur approuve pleinement les orientations fixées par cet article .

D'une part, comme rappelé précédemment, l'interdiction de promouvoir des jeux d'argent et de hasard prohibés est constante dans le droit français , pour tous les types de jeux. Il est donc logique d'étendre ce principe aux jeux et aux paris en ligne.

D'autre part et surtout, dans le monde ouvert que constituent le réseau Internet et les services en ligne, l'un des moyens de lutte les plus efficaces contre les sites illégaux sera précisément de leur interdire toute publicité dont les joueurs français seraient la cible . En effet, il est probable que la plupart des joueurs ouvriront des comptes sur les sites dont les médias leur auront fait connaître le nom grâce à des campagnes publicitaires massives que la plupart d'entre eux organiseront. Or, seuls les sites légaux auront ainsi accès à une large audience , les sites illégaux devant se contenter de courriels non sollicités, à l'efficacité plus que limitée, et de publicités sur des sites eux-mêmes établis à l'étranger.

Votre rapporteur a toutefois proposé deux aménagements du présent article.

En premier lieu, pour rétablir la cohérence dans les sanctions frappant les actions de communications illégales relatives aux jeux, il convient de relever à 100.000 euros l'amende prévue à cet article , pour l'aligner sur le montant mentionné à l'article 4 ter du présent texte afin de sanctionner le non respect des dispositions relatives à l'encadrement de la publicité en faveur d'un opérateur de jeux légalement autorisé.

En outre, dans le même esprit de cohérence, il est nécessaire de porter également à 100.000 euros les amendes pour promotion d'activités illégales mentionnées dans les lois précitées du 21 mai 1836, du 2 juin 1891 et du 12 juillet 1983 .

Votre commission a adopté un amendement reprenant les propositions de votre rapporteur.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 48 bis (Art. 28-1 du code de procédure pénale) - Octroi de compétence aux agents des douanes investis de pouvoirs de police judiciaire pour rechercher et constater l'offre illégale de paris ou de jeux d'argent et de hasard en ligne

Commentaire : le présent article, introduit par la commission des finances de l'Assemblée nationale, propose d'octroyer aux agents des douanes investis de pouvoirs de police judiciaire la compétence pour rechercher et constater l'offre illégale de paris ou de jeux d'argent et de hasard en ligne.

I. LE DROIT EXISTANT

Aux termes du I de l'article 28-1 du code de procédure pénale, des agents des douanes, spécialement désignés par arrêté des ministres chargés de la justice et du budget, peuvent être habilités à effectuer des enquêtes judiciaires sur réquisition du procureur de la République ou sur commission rogatoire du juge d'instruction.

Ces agents ont, pour l'exercice de leurs missions, compétence pour rechercher et constater :

- les infractions prévues par le code des douanes ;

- les infractions en matière de contributions indirectes, d'escroquerie sur la taxe sur la valeur ajoutée et de vols de biens culturels ;

- les infractions relatives à la protection des intérêts financiers de l'Union européenne ;

- les infractions relatives aux trafics d'armes ou d'explosifs ;

- le blanchiment ;

- les infractions prévues au code de la propriété intellectuelle ;

- enfin, les infractions connexes à l'ensemble de ces infractions.

Cette compétence est très encadrée par l'article 28-1 précité et est, bien entendu, strictement limitative, ce qui signifie que les agents des douanes ne peuvent rechercher ni constater aucun autre type d'infractions .

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article, introduit par la commission des finances de l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur, avec l'avis défavorable du Gouvernement, propose de compléter la liste mentionnée au I de l'article 28-1 du code de procédure pénale afin d'autoriser les agents des douanes, habilités à effectuer des enquêtes judiciaires, à constater une offre de jeux illégale (visée à l'article 47 du présent projet de loi).

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur approuve le dispositif proposé par l'Assemblée nationale .

En effet, même si le ministère de l'intérieur doit prochainement lancer une action de lutte contre les sites illégaux, il est important que l'ARJEL puisse disposer, au travers des agents des douanes habilités à effectuer des enquêtes judiciaires, de réels moyens d'investigations à l'encontre des opérateurs non agréés .

Par ailleurs, au vu de la proximité du jeu illégal en ligne de certaines autres compétences des douanes (notamment l'évasion fiscale et la lutte contre le blanchiment), cette extension de compétence paraît logique et constitue une source d'efficacité.

Afin de compléter ce dispositif, votre rapporteur souhaite cependant que cette nouvelle compétence englobe également la recherche et le constat des infractions en matière de publicité pour un site de jeu non autorisé , visée à l'article 48 du présent texte. Une telle précision pourrait permettre d'éviter des contestations quant à la connexité desdites publicités à l'égard de l'offre de paris ou de jeux illégale. Elle garantirait aussi la cohérence des enquêtes conduites par ces agents.

Sur la proposition de votre rapporteur, votre commission a adopté un amendement en ce sens.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 49 - Nouveaux pouvoirs des agents de police judiciaire chargés de lutter contre les opérateurs illégaux

Commentaire : afin de renforcer les moyens de constatation des infractions pénales et de recherche de preuves, le présent article permet aux officiers et agents de police judiciaire désignés à cet effet de participer sous un pseudonyme, sans être considérés comme pénalement responsables, à des échanges sur un site de jeux légal ou non, et d'extraire, acquérir ou conserver des données sur les auteurs potentiels des infractions.

I. DES POUVOIRS NÉCESSAIRES POUR AMÉLIORER LA RECHERCHE ET LA CONSTATATION DES INFRACTIONS

A. DES EXIGENCES DE MOYENS COMPARABLES À CELLES RELATIVES À LA LUTTE CONTRE LES SITES PÉDO-PORNOGRAPHIQUES

Le présent article tend à compléter les sanctions pénales introduites par les articles 47 et 48 du présent projet de loi, qui répriment l'offre illégale de paris et jeux en ligne (c'est-à-dire sans agrément de l'ARJEL) et la publicité pour de tels sites Internet, et à renforcer la portée et l'effectivité de ce volet pénal en étoffant le dispositif de constatation des infractions et de recherche des preuves pour identifier et confondre les auteurs des délits.

Dans la sphère immatérielle et mouvante d'Internet, les moyens traditionnels d'investigation et de constatation des infractions dont dispose la police judiciaire sont en effet insuffisants et il est nécessaire de renforcer la base légale des nouvelles pratiques de la police, en particulier l' « infiltration » anonyme des sites de jeux , légaux ou illégaux.

Le présent article propose donc un dispositif analogue à celui en vigueur pour la lutte contre les sites pédophiles , qui a été modernisé par l'article 35 de la loi relative à la prévention de la délinquance, avec en particulier l'insertion dans le code pénal des articles 706-35-1 et 706-47-3. Les officiers ou agents de police judiciaire peuvent ainsi se faire passer pour des mineurs sur divers sites Internet, tels que les forums, sites de discussion et « chat » ou les réseaux sociaux.

B. LES DISPOSITIONS DU PRÉSENT ARTICLE

Afin de constater les infractions pénales mentionnées aux articles 47 et 48 du présent projet de loi, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs, le présent article permet de la même façon aux officiers et agents de police judiciaire de :

- participer sous un pseudonyme à des échanges électroniques sur un site de jeux ou paris agréé ou non , et notamment à une session de jeu en ligne. Pour être efficace, cette participation ne doit pas être limitée à des échanges d'informations mais peut consister en une inscription sur un site et l'alimentation d'un compte joueur sous une fausse identité ;

- extraire, acquérir, transmettre ou conserver par ce moyen des données sur les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions. Cette disposition concerne plus particulièrement l'acquisition (le cas échéant à titre onéreux) et la collecte de preuves.

Tous les fonctionnaires de police ne pourront recourir à ces moyens, mais uniquement les « cyberpatrouilleurs » désignés à cet effet par le ministre chargé de l'intérieur, soit plus particulièrement ceux de l' Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), qui est déjà compétent en matière de sites pédo-pornographiques. Selon l'évolution à venir de l'organisation de la DCPJ, ces cyberpatrouilleurs pourraient également relever du Service central des courses et jeux .

L'effectivité de ces mesures est naturellement conditionnée à une exonération de responsabilité pénale pour les cyberpatrouilleurs concernés, que prévoit le premier alinéa du présent article.

Enfin le dernier alinéa du présent article précise, comme c'est le cas en matière de lutte contre les sites pédo-pornographiques, qu'à peine de nullité, ces actes d'investigation ne peuvent avoir pour effet d'inciter autrui à commettre l'une des infractions prévues aux articles 47 et 48 du présent projet de loi (cf. supra ) ou à contrevenir à l'interdiction pour les mineurs, même émancipés, de participer à tout jeu de hasard ou d'argent. Cette dernière disposition implique que les cyberpatrouilleurs ne pourront inciter un opérateur à enfreindre la législation en se faisant passer pour mineurs et en sollicitant l'ouverture d'un compte joueur.

On peut en revanche s'interroger sur la limitation du champ de ces mesures à la recherche des seules infractions visées par les articles 47 et 48 du présent projet de loi, en particulier dans la mesure où les cyberpatrouilleurs peuvent infiltrer des sites agréés. D'autres infractions sont en effet susceptibles d'être commises par des opérateurs agréés ou non, telles que la manipulation des paris assimilable à une escroquerie ou l'utilisation frauduleuse de moyens de paiement. L'extension du champ des infractions visées pourrait donc consolider les missions de la police judiciaire dans un but préventif, mais aussi pour faciliter l'instruction d'éventuelles plaintes déposées par des joueurs.

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

La commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté les trois amendements suivants de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur au nom de la commission des finances saisie au fond :

- avec l'avis favorable du Gouvernement, une disposition de coordination avec le nouvel article 48 bis permettant aux agents des douanes désignés par le ministère compétent de disposer des pouvoirs prévus par le présent article. Ces agents ont en effet déjà témoigné de leur savoir-faire en matière de lutte contre la criminalité organisée dans le cadre des groupes d'intervention régionaux ;

- avec l'avis défavorable du Gouvernement, le présent article a été complété par un alinéa permettant la mise à disposition de l'ARJEL des officiers et agents de police judiciaire et des agents des douanes, dans les conditions fixées par la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat. Cette faculté a pour objet de permettre une meilleure coordination des enquêtes conduites de part et d'autre sur des faits similaires ou distincts ainsi qu'une information de l'ARJEL sur les plaintes déposées contre les sites agréés ;

- avec l'avis favorable du Gouvernement, le champ des infractions recherchées a été étendu à l'ensemble des infractions susceptibles d'être commises à l'occasion de paris ou jeux en ligne.

Lors de l'examen en séance, l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable du Gouvernement, deux amendements de notre collègue député Etienne Blanc, rapporteur au nom de la commission des lois saisie pour avis, tendant à :

- préciser que l'ARJEL peut être destinataire des informations recueillies par les cyberpatrouilleurs dans l'exercice de leurs missions ;

- supprimer la faculté pour les cyberpatrouilleurs de transmettre à des tiers des données sur les personnes susceptibles d'être les auteurs des infractions. En revanche, ils pourront transmettre les informations recueillies sur les auteurs d'infractions à d'autres services de l'Etat - dont l'ARJEL, qui n'a pas de personnalité morale et est donc intégrée dans l'administration de l'Etat - et à l'autorité judiciaire sans que cela doive être prévu explicitement par la loi.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur insiste sur l'importance des présentes dispositions , qui sont une des conditions requises pour espérer un tant soit peu d'efficacité dans la lutte contre les sites illégaux, en dépit des limites déjà évoquées. Il est en effet nécessaire que la police judiciaire dispose de moyens pratiques et juridiques équivalents à ceux actuellement utilisés par les cyberpatrouilleurs qui participent à la lutte contre la pédophilie.

Dans les faits, l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC) utilise déjà des moyens de détection des sites de jeux prohibés et bénéficie de l'expérience acquise en matière de fraude à la législation de l'Internet. Des procédures judiciaires ont même été initiées mais n'ont pu aboutir, l'autorité judiciaire estimant que la base légale était insuffisante pour une éventuelle incrimination. Le présent article vient donc opportunément conforter cette assise juridique.

Les modifications apportées par l'Assemblée nationale contribuent également à renforcer substantiellement le dispositif, en particulier l'attribution des mêmes pouvoirs d'investigation aux agents des douanes et l'extension du champ des infractions susceptibles d'être recherchées et constatées.

Votre rapporteur entend cependant préciser la portée de la mise à disposition des agents des douanes et de la police judiciaire auprès de l'ARJEL. Il ne s'agit pas de mettre à disposition l'ensemble des personnels des douanes, du Service central des courses et jeux ou de l'OCLCTIC qui participent à la détection des infractions, mais de mettre en place quelques « agents de liaison » ou correspondants permettant d'assurer une coordination effective entre les services régaliens et l'autorité administrative qu'est l'ARJEL. Votre commission a donc, sur proposition de votre rapporteur, adopté un amendement tendant à préciser ce point.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 49 bis (Art. 65 ter du code des douanes) - Echange d'informations ntre l'administration des douanes et l'Autorité de régulation des jeux en ligne

Commentaire : le présent article, introduit par l'Assemblée nationale, prévoit une faculté d'échanges de renseignements et de documents entre l'ARJEL et la direction générale des douanes et des droits indirects.

I. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur au nom de la commission des finances saisie au fond, et avec l'avis défavorable du Gouvernement, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté le présent article qui insère un article 65 ter dans le code des douanes, dans une sous-section relative au droit de communication propre à l'administration des douanes.

Cet article prévoit que l'ARJEL et la direction générale des douanes et droits indirects peuvent se communiquer spontanément tous les renseignements et documents recueillis dans le cadre de leurs missions respectives. Il s'agit donc également d'une disposition de cohérence avec les modifications apportées par la commission des finances de l'Assemblée nationale à l'article 49 du présent projet de loi, qui prévoit l'habilitation de « cyberdouaniers » pour participer à la lutte contre les sites illégaux.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur est favorable à ces dispositions, qui contribuent à renforcer la coordination des acteurs impliqués dans la lutte contre les sites interdits et donc l'efficacité du dispositif.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 50 - Conditions du blocage de l'accès à un site illégal de paris ou de jeux d'argent et de hasard

Commentaire : le présent article définit les conditions de blocage de l'accès à un site illégal de paris ou de jeux d'argent et de hasard.

I. LA PROCÉDURE DE BLOCAGE DE L'ACCÈS À UN SITE ILLÉGAL DE PARIS OU DE JEUX D'ARGENT ET DE HASARD

A. LA MISE EN DEMEURE DE L'OPÉRATEUR PAR L'ARJEL

Aux termes du premier alinéa du présent article, il revient à l'ARJEL d'adresser une mise en demeure aux opérateurs de jeux ou de paris en ligne non autorisés , « par tout moyen propre à en établir la date d'envoi » (c'est-à-dire par envoi recommandé).

Cette mise en demeure doit :

- rappeler les dispositions de l'article 47 du présent projet de loi, relatives aux sanctions encourues par l'opérateur ;

- enjoindre ledit opérateur de respecter cette interdiction ;

- et l'inviter à présenter ses observations dans un délai de huit jours.

B. LE BLOCAGE DU SITE PAR LE JUGE DES RÉFÉRÉS

Aux termes du deuxième alinéa du présent article, si l'opérateur proposant une offre de paris ou de jeux illégale n'a pas cessé son activité à l'issue du délai de huit jours, le président de l'ARJEL peut saisir le juge des référés aux fins d'ordonner l'arrêt de l'accès à ce service aux personnes mentionnées au 1 ou au 2 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 relative à la confiance dans l'économie numérique.

Cette référence vise concrètement :

- d'une part, « les personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne », c'est-à-dire les fournisseurs d'accès à Internet (FAI) ;

- d'autre part, « les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ». Ces dispositions visent essentiellement les fournisseurs d'hébergement de sites, les moteurs de recherche ainsi que les gestionnaires de forum ou de blogs .

Le juge des référés pourra donc ordonner à l'ensemble de ces acteurs de bloquer l'accès aux sites de paris ou de jeux illégaux . Concrètement, il leur transmettra une adresse à filtrer, conduisant à l'établissement d'une « liste noire » de sites de paris, jeux d'argent ou de hasard illégaux.

Dans la rédaction initiale de l'article, le juge des référés pouvait également être saisi directement, aux mêmes fins, par le ministère public et par toute personne physique ou morale ayant intérêt à agir.

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Outre un allègement rédactionnel, la commission des finances de l'Assemblée nationale a modifié l'équilibre général du dispositif en adoptant, à l'initiative du rapporteur et avec l'avis défavorable du Gouvernement, un amendement tendant à conférer directement à l'ARJEL (plus précisément à sa commission des sanctions) le pouvoir d'ordonner le blocage d'un site proposant une offre de paris ou de jeux d'argent et de hasard illégale , en cas d'inexécution, au bout de huit jours de l'injonction de l'Autorité à l'opérateur intéressé de cesser son activité illégale. Par cohérence, c'était alors l'ARJEL qui pouvait être saisie par le ministère public et toute autre personne physique ou morale ayant un intérêt à agir. Les décisions de l'ARJEL devaient alors être publiées au Journal officiel .

Toutefois, en séance publique, l'Assemblée nationale est revenue sur cette position , à l'initiative conjointe de nos collègues députés Lionel Tardy, Marc Le Fur, Nicolas Perruchot, Charles de Courson, André Chassaigne, Jean-Claude Sandrier, Marie-George Buffet et Jean-Pierre Brard, avec l'avis défavorable de la commission et l'avis favorable du Gouvernement.

Ainsi, aux termes du texte transmis au Sénat, la procédure de mise en demeure restant inchangée, à l'issue du délai de huit jours, en cas d'inexécution par l'opérateur intéressé de l'injonction de cesser son offre illégale, le président de l'ARJEL peut saisir le juge des référés aux fins d'ordonner l'arrêt de l'accès à ce service . En revanche, la rédaction de l'Assemblée nationale a conservé la saisine de l'ARJEL (et non directement du juge des référés) par le ministère public et toute personne physique ou morale ayant intérêt à agir . Dans ce cas, l'Autorité, qui deviendrait un intermédiaire obligé, aurait à adresser une mise en demeure à l'opérateur concerné avant, le cas échéant, de transmettre le dossier au juge des référés à des fins de blocage du site.

La mention de la publication au Journal officiel des décisions prises par l'ARJEL dans le cadre du présent article n'a pas non plus été supprimée par l'Assemblée nationale.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur souhaite fortement qu'une procédure adéquate et réellement efficace permette de bloquer les sites proposant des jeux ou des paris illégaux en ligne , du moins de ceux dont l'activité est significative et peut soit présenter un danger pour les joueurs, soit perturber l'activité des opérateurs légaux.

Il s'agit évidemment, avec l'interdiction de la publicité en faveur de ces mêmes acteurs illicites, du principal moyen de faire respecter l'essence même de la présente loi dans le cadre de l'économie numérique.

Le riche débat mené à l'Assemblée nationale conduit, en premier lieu, à s'interroger sur l'identité de l'autorité qui aura à prononcer en faveur de la suspension de l'accès aux sites illégaux. Quelques aménagements au dispositif proposé pourront ensuite être envisagés

A. A QUI CONFIER LE POUVOIR DE BLOQUER LE SITE DE L'OPÉRATEUR ILLÉGAL?

Au cours des débats de l'Assemblée nationale, la décision du Conseil constitutionnel n° 2009-580 DC du 10 juin 2009 sur la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet a fréquemment été invoquée pour justifier la nécessité du recours au juge dans le cadre du présent article.

Or l'analogie entre les dispositions censurées par le Conseil constitutionnel et le dispositif proposé n'apparaît pas entièrement convaincante. L'encadré ci-après fournit des extraits de la décision précitée et rappelle le raisonnement alors suivi par le Conseil.

Extrait de la décision du Conseil constitutionnel n° 2009-580 DC du 10 juin 2009
sur la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet

« 12. Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi » ; qu'en l'état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu'à l'importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l'expression des idées et des opinions, ce droit implique la liberté d'accéder à ces services ; (...)

« 14. Considérant que le principe de la séparation des pouvoirs, non plus qu'aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle, ne fait obstacle à ce qu'une autorité administrative, agissant dans le cadre de prérogatives de puissance publique, puisse exercer un pouvoir de sanction dans la mesure nécessaire à l'accomplissement de sa mission dès lors que l'exercice de ce pouvoir est assorti par la loi de mesures destinées à assurer la protection des droits et libertés constitutionnellement garantis ; qu'en particulier doivent être respectés le principe de la légalité des délits et des peines ainsi que les droits de la défense, principes applicables à toute sanction ayant le caractère d'une punition, même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non juridictionnelle ;

« 15. Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant... les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques » ; que, sur ce fondement, il est loisible au législateur d'édicter des règles de nature à concilier la poursuite de l'objectif de lutte contre les pratiques de contrefaçon sur internet avec l'exercice du droit de libre communication et de la liberté de parler, écrire et imprimer ; que, toutefois , la liberté d'expression et de communication est d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés ; que les atteintes portées à l'exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi ;

« 16. Considérant que les pouvoirs de sanction institués par les dispositions critiquées habilitent la commission de protection des droits, qui n'est pas une juridiction, à restreindre ou à empêcher l'accès à internet de titulaires d'abonnement ainsi que des personnes qu'ils en font bénéficier ; que la compétence reconnue à cette autorité administrative n'est pas limitée à une catégorie particulière de personnes mais s'étend à la totalité de la population ; que ses pouvoirs peuvent conduire à restreindre l'exercice, par toute personne, de son droit de s'exprimer et de communiquer librement , notamment depuis son domicile ; que, dans ces conditions, eu égard à la nature de la liberté garantie par l'article 11 de la Déclaration de 1789, le législateur ne pouvait, quelles que soient les garanties encadrant le prononcé des sanctions, confier de tels pouvoirs à une autorité administrative dans le but de protéger les droits des titulaires du droit d'auteur et de droits voisins (...) »

La censure du Conseil constitutionnel (sur ce motif) venait donc des conséquences pour la liberté d'expression des internautes de leur privation d'accès à Internet et du fait que la sanction qui pouvait être prononcée par une autorité administrative à leur encontre ne se limitait pas à une catégorie particulière de personnes mais s'étendait à l'ensemble de la population.

Dans le cas présent, il n'est pas question de bloquer l'accès des internautes au réseau et encore moins d'attenter à leur liberté d'expression, mais de bloquer l'accès à des sites proposant une offre de paris ou de jeux illégale , ce qui relève plutôt de la protection des consommateurs.

Pour autant, votre rapporteur privilégie, lui aussi, le recours au juge .

En effet, comme le montrent les dispositions de l'article 25 du présent projet de loi, l'ARJEL est une autorité de régulation de l'offre légale de jeux et de paris en ligne , notamment par l'octroi des agréments et le contrôle du respect du cahier des charges. De même, sa commission des sanctions a pour mission de prononcer des sanctions à l'encontre des acteurs légaux (article 35 du présent projet de loi). Pour reprendre les termes de la décision n° 2009-580 précitée, il n'est donc pas certain qu'en sanctionnant les opérateurs illégaux, l'ARJEL, agirait « dans le cadre de ses prérogatives de puissance publique ».

En outre, comme votre rapporteur l'a déjà souligné dans son commentaire de l'article 16, l'offre de jeux ou de paris illégale est passible de sanctions pénales et elle se détermine non seulement par l'existence de clients français de l'opérateur concerné, mais aussi par l'existence d'un faisceau d'indices tels que la présence pages en français sur le site, la facilité d'inscription pour des personnes domiciliées en France, etc. Dès lors, la qualification de tels faits semble bien relever de l'autorité judiciaire et, en tout état de cause, en charger l'ARJEL changerait profondément la nature de sa mission, ce qui n'est pas souhaitable .

Enfin, le présent article prévoit une saisine du juge des référés, ce qui est compatible avec un prononcé rapide du jugement et une exécution du blocage dans un délai raisonnable , gage d'effectivité et d'efficacité du dispositif.

B. VISER ÉGALEMENT LE RÉFÉRENCEMENT DU SITE ILLÉGAL

Une fois tranchée la question du niveau de décision, il convient d'examiner ce qu'il est nécessaire de bloquer.

Les dispositions du deuxième alinéa du présent article visent, à juste titre, le blocage du site lui-même par les FAI, les fournisseurs d'hébergement de sites, les moteurs de recherche ainsi que les gestionnaires de forum ou de blogs, etc.

Votre rapporteur estime nécessaire de donner au président de l'ARJEL le pouvoir de saisir le juge des référés aux fins de voir prescrire toute mesure destinée à faire cesser le référencement du site de l'opérateur illicite par un moteur de recherche ou un annuaire. A défaut, même si lesdits moteurs de recherche ou annuaires ne permettraient pas un accès direct au site de l'opérateur concerné, il serait facile pour les internautes de trouver l'adresse de ce site et de s'y rendre par eux-mêmes.

Votre commission a adopté un amendement répondant à cette préoccupation.

A l'initiative de votre rapporteur, elle a également adopté un amendement de précision , de sorte que le délai de huit jours pour respecter l'injonction de l'ARJEL soit décompté à partir de la date de réception (et non plus d'envoi) de la mise en demeure à l'opérateur.

C. LA PUBLICATION DES DÉCISIONS DE L'ARJEL N'EST PLUS OPPORTUNE

Enfin, il convient de supprimer le dernier alinéa du présent article. En effet, dès lors que l'ARJEL ne prononce plus elle-même de sanction mais qu'elle saisit le juge des référés, la publication de ses décisions au Journal officiel n'est plus utile .

Au contraire, une telle publication pourrait exposer l'ARJEL à des poursuites de la part d'opérateurs qui pourraient estimer qu'il y a, du fait de cette exposition, une violation de leur présomption d'innocence.

Votre commission, sur proposition de votre rapporteur, a adopté un amendement allant dans ce sens.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 51 (Art. L. 563-2 du code monétaire et financier) - Blocage du versement des gains et de l'alimentation des comptes joueurs sur les sites illégaux

Commentaire : le présent article a pour objet d'adapter à la libéralisation des jeux et paris en ligne les dispositions du code monétaire et financier relatives à l'interdiction des mouvements ou transferts de fonds en provenance et à destination des personnes qui organisent des activités de jeux, paris ou loteries prohibées.

I. L'INAPPLICABILITÉ DES DISPOSITIONS ACTUELLES

Dans un chapitre consacré aux obligations relatives à la lutte contre les loteries, jeux et paris prohibés, l'article L. 563-2 du code monétaire et financier, introduit par l'article 36 de la loi du 5 mars 2007 (initialement à l'article L. 565-2) et modifié par une ordonnance du 30 janvier 2009, prévoit que le ministre chargé des finances et le ministre de l'intérieur peuvent décider d'interdire par arrêté, pour une durée de six mois renouvelable, tout mouvement ou transfert de fonds en provenance des personnes physiques ou morales qui organisent des activités de jeux, paris ou loteries prohibés. Les ministres lèvent cette interdiction sur demande des personnes concernées lorsque les mouvements ou transferts de fonds sont réalisés dans le cadre d'opérations non prohibées sur le territoire français.

Aux termes de l'article L. 563-1 du même code, sont concernés par cette interdiction les organismes, institutions et services régis par le titre premier du livre V, soit les établissements du secteur bancaire .

Le décret en Conseil d'Etat prévu par l'article L. 563-5 n'a cependant pas été pris en raison de l'opposition de la Commission européenne et de la section des finances du Conseil d'Etat, qui a considéré que le projet de décret qui lui avait été soumis ne garantissait pas suffisamment les droits de la défense et aurait préalablement dû faire l'objet d'un avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). L'interdiction prévue par l'article L. 563-2 est donc pour l'heure inopérante.

II. L'EXTENSION PROPOSÉE PAR LE PRÉSENT ARTICLE

Le deuxième alinéa du présent article complète le premier alinéa de l'article L. 563-2 du code monétaire et financier, précité, pour étendre ratione personae le dispositif d'interdiction des mouvements et transferts de fonds aux sites interdits de jeux en ligne , c'est-à-dire non agréés par l'ARJEL ou ne disposant pas d'un droit exclusif.

Le premier alinéa complète également cet article afin que le blocage mis en oeuvre par les établissements bancaires concerne non seulement les mouvements ou transferts de fonds en provenance des personnes physiques ou morales qui organisent des activités de jeux, paris ou loteries prohibées, mais encore ceux à destination des comptes bancaires identifiés comme détenus par ces personnes.

Cette disposition tient donc compte d'une spécificité du jeu en ligne, qui implique des flux financiers entre un compte joueur dématérialisé et les comptes bancaires du joueur et du site. Dans le nouveau régime, les joueurs ne pourront plus percevoir leurs gains sur leur compte bancaire ni alimenter leur compte joueur .

III. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

La commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement qui remplace le deuxième alinéa du présent article par trois alinéas établissant une procédure analogue à celle prévue par l'article 50 du présent projet de loi pour le blocage de l'accès aux sites. Cet amendement attribue donc à l'ARJEL un pouvoir de mise en demeure et d'injonction aux opérateurs illégaux et la faculté de prendre l'initiative de proposer au ministre du budget l'interdiction des mouvements ou transferts de fonds vers les comptes de ces opérateurs.

Il prévoit ainsi que l'ARJEL peut adresser aux opérateurs de jeux ou de paris en ligne non autorisés, par tout moyen propre à établir la date d'envoi, une mise en demeure rappelant les sanctions encourues et les dispositions sur l'interdiction des transferts de fonds, et enjoignant à ces opérateurs de respecter cette interdiction en les invitant à présenter leurs observations dans un délai de huit jours.

A l'issue de ce délai et en cas d'inexécution par l'opérateur de l'injonction de cesser son activité illicite d'offre de paris, jeux d'argent ou de hasard, le ministre chargé du budget peut, sur proposition de l'ARJEL, décider d'interdire pour une durée de six mois renouvelable tout mouvement ou transfert de fonds en provenance ou à destination des comptes identifiés comme détenus par ces opérateurs.

Comme dans le droit actuel, le ministre chargé du budget lève l'interdiction sur demande des personnes concernées lorsque les mouvements ou transferts de fonds sont réalisés dans le cadre d'opérations non prohibées sur le territoire français.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. DES MESURES DÉTERMINANTES MAIS DONT L'EFFICACITÉ N'EST PAS TOTALE

Tout comme les mesures permettant de bloquer l'accès à un site illégal de jeux ou paris, prévues par l'article 50 du présent projet de loi, le présent dispositif est au coeur de la lutte contre les sites illégaux et conditionne la crédibilité de la démarche d'ouverture encadrée, dont votre rapporteur rappelle qu'elle repose sur un diptyque « labellisation » des sites agréés / répression des sites interdits.

Votre rapporteur estime qu'il est effectivement indispensable d'étendre la capacité de blocage des mouvements et transferts de fonds aux sites de jeux et aux flux financiers à destination de leurs comptes. Ces mesures prolongent la démarche de lutte contre les opérateurs plutôt que de pénalisation des joueurs eux-mêmes , l'illégalité reposant traditionnellement, en droit français, sur l'offre de jeux ou paris et non sur la demande et l'acte même de jeu.

Les internautes qui jouent sur des sites interdits ne seront donc pas réprimés en tant que tels, mais prendront le risque de voir le versement de leurs mises et gains bloqués, rendant l'acte de jeu inopérant et non rentable. Le dispositif peut ainsi avoir un puissant effet dissuasif car un joueur confronté au blocage de ses gains devient directement affecté et prend dès lors pleinement conscience de l'illégalité du site de jeu.

Ces mesures de blocage sont conformes au droit communautaire et la Commission européenne, dans son avis du 8 juin 2009, n'a pas formulé de remarque particulière. Elles s'inscrivent en effet totalement dans le champ des limitations admises au principe de libre circulation des capitaux, soit des objectifs d'intérêt général tels que ceux poursuivis par le présent projet de loi et ayant trait à la sécurité et à l'ordre publics comme à la prévention des infractions de nature pénale. En outre, le respect des droits de l'opérateur pressenti comme illégal est assuré par la faculté qui lui est offerte de présenter ses observations à l'injonction de l'ARJEL.

Votre rapporteur a donc bon espoir que le futur décret puisse être validé par la Commission européenne et le Conseil d'Etat peu après la promulgation de la présente loi, dès lors que la CNIL aura été consultée, afin que ce dispositif puisse enfin être pleinement appliqué. Faute de quoi, la lutte contre les sites illégaux risque fort d'être cantonnée à l'illusion.

De fait, si le blocage des mouvements financiers constitue une mesure a priori fortement dissuasive, il demeure limité par la territorialité et les risques de contournement sont réels . Les banques établies en France (soit les établissements de crédit français et les filiales de banques étrangères agréées par le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement) ne peuvent en effet bloquer que les flux entre le compte joueur chez un opérateur prohibé et les comptes domiciliés chez elles en France. Un joueur détenant un compte à l'étranger , non identifié par les banques concernées par le présent dispositif, pourrait donc l'alimenter via son compte français ou rapatrier sur ce dernier compte les gains perçus sur son compte étranger.

Le recours à un compte étranger dédié ou non constitue toutefois une technique relativement sophistiquée et a priori réservée à des joueurs réguliers , qui misent des sommes élevées et disposent de compétences particulières, dans le cadre d'une démarche organisée de fraude ou de blanchiment.

En outre , ce type de compte serait dans la grande majorité des cas non déclaré à l'administration fiscale et donc passible des amendes prévues par les articles 1649 A et 1736 du code général des impôts, dont le montant a été sensiblement relevé par l'article 52 de la loi de finances rectificative pour 2008 (n° 2008-1443 du 30 décembre 2008). La diffusion massive de ce risque doit donc être relativisée .

B. LES ÉTAPES POSSIBLES DE LA RÉPRESSION D'UN SITE PROHIBÉ

En pratique, les étapes de détection et de répression d'un site illégal pourraient être les suivantes :

- les « cyberpatrouilleurs » de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), dont les pouvoirs sont précisés à l'article 49 du présent projet de loi, joueront un rôle déterminant en amont pour identifier les comptes des opérateurs illégaux et pourront recourir à la technique de l' « infiltration ». Ils pourront transmettre leurs éléments de preuve à l'ARJEL et à l'autorité judiciaire ;

- l'ARJEL ou la DCPJ informe les dirigeants de l'opérateur de l'intention de l'Etat français de le placer sur la « liste noire » des sites identifiés comme interdits ;

- le cas échéant, l'ARJEL, la DCPJ ou l'établissement bancaire qui tient le compte de l'opérateur peut transmettre au service TRACFIN une déclaration de soupçon de blanchiment, de financement du terrorisme ou de fraude fiscale . TRACFIN n'est en effet pas investie des dispositions à caractère financier de la lutte contre les sites illégaux, mais instruit les déclarations de soupçon dont elle est destinataire. Tous les opérateurs de jeux et paris « en dur » sont déjà soumis à cette obligation, et l'article 17 A, adopté à l'initiative du Gouvernement, vient très opportunément clarifier et harmoniser ce régime pour l'ensemble des opérateurs de jeux ;

- l'ARJEL adresse une mise en demeure rappelant les sanctions pénales encourues en application de l'article 47 du présent projet de loi, les dispositions sur l'interdiction des transferts de fonds et la possibilité de faire interrompre l'accès des internautes au site illégal, en application des dispositions de l'article 50 du présent projet de loi. Elle enjoint l'opérateur de respecter ces interdictions et l'invitant à présenter ses observations éventuelles dans un délai de huit jours, afin de respecter les droits de la défense ;

- en cas d'inexécution de l'injonction, l'ARJEL propose au ministre du budget de prendre un arrêté tendant à interdire, pour une durée de six mois renouvelable, tout mouvement ou transfert de fonds en provenance ou à destination des comptes de cet opérateur ;

- le ministre du budget prend l'arrêté que les banques exécutent en bloquant les transferts de fonds vers ou en provenance de ces comptes ;

- parallèlement, l'ARJEL peut saisir le juge des référés afin que celui-ci ordonne aux fournisseurs d'accès, hébergeurs, moteurs de recherche et gestionnaires de « blogs » ou forums de discussions l'arrêt de l'accès au site concerné ;

- in fine , le juge judiciaire peut constater le délit et prononcer la peine prévue à l'article 47 précité. Il sera nécessaire de faire jouer la convention d'entraide judiciaire en matière pénale si l'opérateur, comme ce sera fréquemment le cas, est établi dans un Etat européen ou un Etat tiers conventionné tel que Malte ou le Royaume-Uni.

A cet égard, votre rapporteur relève qu'un accord bilatéral avec Malte « relatif à la coopération en matière d'affaires intérieures » est en vigueur depuis le 9 mars 1998, qui vise notamment, en son article premier, « la lutte contre la criminalité organisée ». Par ailleurs, Malte faisant partie de l'espace Schengen depuis décembre 2007, il peut être fait référence à l'article 39 de la convention sur la coopération dans l'espace Schengen, relatif à l'échange de renseignements. En outre, des commissions rogatoires internationales peuvent être transmises par l'intermédiaire d'Interpol.

S'agissant de Gibraltar , enclave britannique, il n'existe pas d'accord spécifique en matière de sécurité intérieure avec le Royaume-Uni, mais des accords portant notamment sur le domaine transfrontalier. La procédure Schengen, en particulier l'article 39 mentionné supra , est également applicable avec le Royaume-Uni, de même que celle des commissions rogatoires internationales.

Par ailleurs, Malte et le Royaume-Uni étant membre de l'Union européenne, ils appliquent tous deux la procédure relative au mandat d'arrêt européen , introduite par la cécision-cadre 2002/584/JAI du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article sans modification.

CHAPITRE IX - DISPOSITIONS RELATIVES À L'EXPLOITATION DES MANIFESTATIONS SPORTIVES ET À LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE ET LA TRICHERIE DANS LE CADRE DE CES MANIFESTATIONS

L'Assemblée nationale, à l'initiative de notre collègue député Nicolas Perruchot et avec les avis favorables de la commission et du Gouvernement, a complété l'intitulé de ce chapitre.

ARTICLE 52 (Art. L. 333-1-1 à L. 333-1-3 nouveaux du code du sport) - Encadrement de l'utilisation commerciale des éléments caractéristiques des manifestations ou compétitions sportives

Commentaire : le présent article précise la portée du droit d'exploitation des organisateurs de manifestations ou compétitions sportives au regard du droit d'organiser des paris ouvert par ce projet de loi.

I. UN DROIT EXISTANT NÉCESSAIREMENT MUET MAIS AVEC UNE BASE JURISPRUDENTIELLE

A. LE DROIT DE PROPRIÉTÉ DES ORGANISATEURS DE COMPÉTITIONS OU MANIFESTATIONS SPORTIVES

Le droit de propriété des fédérations sportives et des organisateurs de manifestations sportives est défini à l'article L 333-1 du code du sport.

Aux termes de cet article, ces entités sont propriétaires du droit d'exploitation des manifestations ou compétitions sportives qu'elles organisent .

Il est, par ailleurs, précisé que toute fédération sportive peut céder aux sociétés sportives, à titre gratuit, la propriété de tout ou partie des droits d'exploitation audiovisuelle des compétitions ou manifestations sportives organisées chaque saison sportive par la ligue professionnelle qu'elle a créée, dès lors que ces sociétés participent à ces compétitions ou manifestations sportives. La cession bénéficie alors à chacune de ces sociétés.

B. UNE BASE JURISPRUDENTIELLE

L'article L. 333-1 du code du sport ne mentionne évidemment pas l'organisation de paris sportifs, d'une part en raison de son caractère général et, d'autre part, parce que ce type de paris n'est, jusqu'à présent, pas libéralisé en France.

Il existe cependant déjà une base jurisprudentielle. En effet, par un arrêt en date du 14 octobre 2009, la cour d'appel de Paris a confirmé un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 30 mai 2008, opposant la fédération française de tennis à la société Expekt.com, filiale d'Unibet, qui soutenait que le « droit du public à l'information » lui permettait d'utiliser gratuitement et sans le consentement des organisateurs, les données des manifestations et compétitions sportives. La cour d'appel a exprimé, dans des termes très clairs, reproduits dans l'encadré ci-dessous, que l'organisation ce tribunal fait bien partie du droit d'exploitation de la compétition sportive appartenant à ses organisateurs. Les opérateurs de paris en ligne n'informent en effet pas tant le public qu'ils exploitent commercialement les données liées à ces manifestations.

Extrait de l'arrêt Unibet international / FFT de la cour d'appel de Paris (14/10/2009)

« Sur l'organisation de paris sportif comme exploitation de la manifestation sportive

« Considérant qu'il est constant que la F.F.T., par application de l'article L.333-1 précédemment reproduit, est propriétaire du droit d'exploitation des Championnats Internationaux de France de tennis de Roland Garros dont elle est l'organisatrice ;

« Considérant, en l'absence de toute précision ou distinction prévue par la loi concernant la nature de l'exploitation des manifestations ou compétitions sportives qui est l'objet du droit de propriété reconnu par ces dispositions, que toute forme d'activité économique, ayant pour finalité de générer un profit, et qui n'aurait pas d'existence si la manifestation sportive dont elle est le prétexte ou le support nécessaire n'existait pas, doit être regardée comme une exploitation au sens de ce texte ;

« Considérant que ces dispositions, inspirées par le souci d'intérêt général de réserve au développement du mouvement sportif les flux économiques induits par le succès populaire et commercial des manifestations sportives les plus emblématiques, et, en l'espèce, de prévenir le risque de corruption des joueurs et d'arrangements préalables sur l'issue des compétitions et, par suite, de préservation des valeurs éthiques du sport qu'il appartient aux fédérations sportives de promouvoir, ont pour finalité de garantir aux organisateurs de tels événements le droit de surveiller la circulation de ces mêmes flux économiques ;

« Que la circonstance, purement rédactionnelle, que ce texte figure dans le chapitre intitulé « retransmissions sportives » ne peut avoir pour effet de réduire la portée du droit d'exploitation reconnu comme principe en tête de ce chapitre à la seule exploitation audiovisuelle du spectacle que peut constituer la manifestation sportive ; que le fait que, pour l'essentiel, les dispositions suivantes du même chapitre se limitent à développer les conséquences de ce principe dans son application aux retransmissions et à prévoir des aménagements en

faveur de l'information du public ne signifie pas que, hors ce seul cas, l'organisateur de manifestation sportive n'aurait d'autre droit sur l'exploitation de celle-ci ;

« Considérant qu'Unibet soutient vainement que les paris portent sur des résultats - qu'il s'agisse en l'occurrence, du vainqueur, de la durée de la rencontre, du nombre de jeux, du nombre de fautes ou de points gagnants de chacun des joueurs ... - et que, s'agissant de données factuelles non susceptibles d'appropriation, elles se trouvent nécessairement en dehors du champ du droit d'exploitation ;

« Considérant en effet que l'objet du pari n'est évidemment pas le résultat connu mais l'aléa qui n'existe que pour autant que la manifestation se déroule actuellement, et qui, par définition, disparaît une fois celle-ci terminée, l'acquisition du résultat tarissant aussitôt le flux économique généré par l'organisation de paris, ce qui achève de démontrer que ce flux est bien constitutif d'une exploitation de la manifestation sportive qui en est le support ;

« Considérant, enfin, qu'il n'y a pas lieu de s'arrêter au pur sophisme par lequel Unibet prétend que l'organisation de paris en ligne devrait être assimilée à l'information du public par voie électronique au sens de l'article L.333-7 du code du sport et bénéficier à ce titre de la même liberté qu'une entreprise de presse ;

« Considérant en définitive, que l'organisation de paris sportifs se référant aux compétitions du tournoi de tennis de Roland Garros, telle que mise en oeuvre par Unibet, dont il n'est pas contesté qu'elle consiste en une activité économique destinée à générer des profits, doit être regardée comme une exploitation de cette manifestation sportive de nature à porter atteinte au droit d'exploitation reconnu par l'article L.333-1 du code du sport à la F.F.T., organisatrice de ce tournoi (...) »

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Malgré le jugement précité, il apparaît nécessaire de clarifier, dans la loi même, les droits respectifs des organisateurs de compétitions et des opérateurs de paris, au risque de multiplier les contentieux après la libéralisation de cette activité économique.

C'est à cette fin que le présent article, dans sa rédaction initiale, proposait d'insérer un nouveau chapitre (IV) après le chapitre III du titre III du livre III du code du sport, composé de deux articles, intitulés L. 334-1 et L. 334-2.

A. COMPLÉTER LE DROIT DE PROPRIÉTÉ DES ORGANISATEURS

Aux termes du nouvel article L. 334-1, « l'utilisation, à des fins commerciales, de tout élément caractéristique des manifestations ou compétitions sportives , notamment leur dénomination, leur calendrier, leurs données ou leurs résultats » ne peut être effectuée sans le consentement des propriétaires des droits d'exploitation de celles-ci, formalisé dans un contrat .

D'autre part, l'utilisation commerciale susvisée ne sera possible que sous réserve des dispositions des articles L. 333-6 à L. 333-9 du même code. Cela signifie concrètement que ces nouvelles dispositions ne remettent en cause :

- ni l'accès des journalistes et des personnels des entreprises d'information écrite ou audiovisuelle aux enceintes sportives (article L. 333-6) ;

- ni l'information du public par les services de communication au public par voie électronique, au moyen de brefs extraits prélevés à titre gratuit parmi les images du ou des services cessionnaires et librement choisis par le service non cessionnaire qui les diffuse (article L. 333-7) ;

- ni la diffusion partielle ou intégrale de cette manifestation ou de cette compétition par un autre service de communication au public par voie électronique lorsque le service cessionnaire du droit d'exploitation n'assure pas la diffusion en direct d'extraits significatifs de la manifestation ou de la compétition sportive (article L. 333-8) ;

- ni la retransmission des événements sportifs d'importance majeure dans les conditions définies par les articles 20-2 et 20-3 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (article L. 333-9).

B. LES CONDITIONS DE CONTRACTUALISATION ENTRE LES ORGANISATEURS ET LES OPÉRATEURS DE PARIS SPORTIFS

Aux termes du nouvel article L. 334-2 du code du sport proposé dans la rédaction initiale du présent article, le contrat visé à l'article L. 334-1 doit être transmis à l'ARJEL, pour information, avant sa signature.

D'autre part, le deuxième alinéa de cet article interdit aux organisateurs de manifestations ou compétitions sportives , dans le cadre de ces contrats :

- d'une part, d'attribuer à un opérateur le droit exclusif d'organiser des paris ;

- d'autre part, d'exercer une discrimination entre les opérateurs agréés pour une même catégorie de paris en application de la présente loi.

Il s'agit par là de ne pas fermer le marché, en particulier à de nouveaux entrants, soit par la conclusion de contrats exclusifs, soit par une discrimination en faveur d'un ou plusieurs opérateurs. La fixation d'une rémunération trop élevée pourrait entrer dans ce dernier champ, seuls quelques opérateurs dominants pouvant alors « couvrir » la manifestation sportive.

En outre, le texte proposé pour l'article L. 334-2 impose au détenteur du droit d'exploitation de motiver un éventuel refus de conclure un contrat d'organisation de paris sur un élément caractéristique de manifestation ou de compétition sportive. Ce refus sera également notifié à l'opérateur comme à l'ARJEL, qui en contrôlera le bien-fondé .

III. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de notre collègue Jean-François Lamour, rapporteur, et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale et sa commission des finances ont sensiblement modifié la rédaction de cet article.

Outre plusieurs modifications à caractère rédactionnel, ces apports se divisent en trois catégories : la limitation du champ du dispositif aux relations entre les organisateurs et les opérateurs de paris sportifs, l'ajout de précisions relatives à la contractualisation entre les organisateurs et les opérateurs de paris en ligne, et l'affirmation du droit de propriété des clubs sportifs.

A. LA LIMITATION DU CHAMP DU DISPOSITIF AUX RELATIONS ENTRE LES ORGANISATEURS ET LES OPÉRATEURS DE PARIS SPORTIFS

L'article L. 333-1-1 du code du sport (ex article L. 334-1) issu des délibérations de l'Assemblée nationale, n'établit plus un nouveau droit général au bénéfice des organisateurs.

Il vise désormais strictement à régir les relations entre les organisateurs et les opérateurs de paris en ligne agréés , conformément d'ailleurs à l'objet du présent projet de loi. A cette fin, il dispose que le droit d'exploitation des fédérations et des organisateurs défini à l'article L. 333-1 du code du sport précité inclut le droit d'organiser des paris sportifs sur les manifestations ou compétitions sportives , sous réserve de l'article 23 du présent projet de loi.

Cette rédaction peut paraître paradoxale puisque l'article 23 interdit précisément, entre autres, aux organisateurs de compétitions sportives d'organiser des paris sur lesdites compétitions. Il convient néanmoins de lire ces dispositions conjointement avec le nouvel article L. 333-1-2 du code du sport (ex article L. 334-2), qui définit les conditions dans lesquelles les fédérations et organisateurs, nominalement propriétaires du droit d'organiser les paris, peuvent le consentir aux opérateurs de paris en ligne.

B. LES PRÉCISIONS RELATIVES À LA CONTRACTUALISATION ENTRE LES ORGANISATEURS ET LES OPÉRATEURS DE PARIS EN LIGNE

L'article L. 333-1-2 du code du sport (ex article L. 334-1) issu des délibérations de l'Assemblée nationale conserve les principes détaillés précédemment relatifs aux conditions de contractualisation entre les organisateurs et les opérateurs de paris sportifs . Cela concerne, en particulier, l'information préalable de l'ARJEL, la non exclusivité, la non discrimination entre opérateurs et la motivation de refus de conclure un contrat d'organisation de paris.

L'Assemblée nationale et sa commission des finances ont cependant procédé à plusieurs ajouts .

En premier lieu, l'Assemblée nationale a inséré un alinéa après le premier alinéa du texte proposé pour le nouvel article L. 333-1-2 du code du sport, permettant à un organisateur de manifestations ou de compétitions sportives de donner mandat à la fédération délégataire ou agréée concernée ou au Comité national olympique et sportif français (CNOSF) pour signer, avec les opérateurs de paris en ligne, le contrat organisant la concession du droit d'organiser des paris. Une telle délégation est susceptible d'intéresser, au premier chef, les fédérations internationales pour les événements qu'elles organisent en France.

La commission des finances a également complété ce nouvel article L. 333-1-2 par trois alinéas aux termes desquels :

- le contrat liant l'organisateur de la compétition à l'opérateur de paris doit préciser les obligations à la charge des opérateurs de paris en ligne en matière de détection et de prévention de la fraude , notamment les modalités d'échanges d'informations avec la fédération sportive ou l'organisateur de la manifestation sportive ;

- ce contrat ouvre droit, pour les organisateurs, à une rémunération tenant compte notamment des frais exposés pour la détection et la prévention de la fraude . Ces dispositions soulignent bien que le respect de l'éthique est l'une des justifications majeures du l'inclusion du droit à organiser des paris dans le droit d'exploitation des fédérations et des organisateurs, sans pour autant être la seule ;

- les conditions de commercialisation de ce droit d'organiser des paris sont précisées par décret. Cela rejoint les dispositions existant pour l'encadrement de la commercialisation des droits audiovisuels, également défini par la voie réglementaire.

C. L'AFFIRMATION DU DROIT DE PROPRIÉTÉ DES ASSOCIATIONS ET DES SOCIÉTÉS SPORTIVES

La commission des finances de l'Assemblée nationale a enfin inséré un article supplémentaire au sein du code du sport, numéroté L. 333-1-3, visant à préciser les droits des clubs au sein de cette nouvelle architecture.

Aux termes de ce nouvel article, les clubs (constitués en associations sportives ou en sociétés sportives) « peuvent concéder notamment aux opérateurs de paris en ligne , en tout ou partie, à titre gratuit ou onéreux, de manière exclusive ou non, des droits sur les actifs incorporels dont [ils] sont titulaires ». Cette concession doit toutefois se faire dans le respect de l'article L. 333-2 du code du sport, relatif à la concession des droits d'exploitation audiovisuelle cédés aux sociétés sportives.

Par parallélisme des formes, cet article permet également aux fédérations sportives et aux organisateurs de manifestions sportives de concéder, là aussi en tout ou partie, à titre gratuit ou onéreux, de manière exclusive ou non, les actifs incorporels dont ils sont titulaires mais qui ne relèvent pas de l'organisation des paris susmentionnée.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. SUR L'ORGANISATION DE PARIS SPORTIFS COMME EXPLOITATION DE LA COMPÉTITION SPORTIVE

Tout d'abord, votre rapporteur considère que l'organisation de paris relève bien de l'exploitation d'une compétition ou manifestation sportive dont l'organisateur détient les droits .

Certes, comme indiqué précédemment, à partir du droit existant, la jurisprudence a déjà affirmé cette position de bon sens. Il n'est toutefois pas inutile d'inscrire ce principe dans la loi, d'une part, parce que cette jurisprudence n'a pas encore été confirmée par le Conseil d'Etat et, d'autre part, parce que cela évitera la multiplication des contentieux lors des premiers mois de la libéralisation du secteur.

Cette question a fait l'objet de nombreux échanges entre le Gouvernement et la Commission européenne lors des travaux préparatoires du présent projet de loi. La solution finalement retenue paraît la bonne : d'une part, elle montre que les paris sportifs ont des implications en termes de coût pour l'organisateur de la compétition , en particulier pour assurer le respect de l'éthique sportive ; d'autre part, conformément à la jurisprudence précitée, elle va dans le sens d'un partage équitable de la valeur engendrée par l'événement lui-même , qui ne saurait être captée uniquement par un tiers alors que, sans compétition, il n'y aurait pas de pari. Elle rejoint d'ailleurs pleinement la résolution adoptée par le Parlement européen, le 10 mars 2008, sur l'intégrité des jeux d'argent en ligne, qui « insiste sur le fait que les paris sportifs constituent une forme d'exploitation commerciale des compétitions sportives et recommande aux Etats membres de protéger celles-ci contre toute utilisation commerciale non autorisée , en particulier en reconnaissant les droits des organisateurs de ces compétitions, et de mettre en place toutes les conditions requises pour assurer des revenus financiers équitables à tous les niveaux du sport professionnel et amateur ».

Votre rapporteur considère toutefois que la rédaction proposée est un peu paradoxale puisqu'elle octroie formellement aux organisateurs de compétitions sportives un « droit d'organiser des paris » que l'article 23 du présent projet de loi leur dénie par ailleurs pour éviter des conflits d'intérêts. Il serait donc préférable d'accorder aux organisateurs le droit de « consentir à l'organisation de paris sportifs », ce qui correspond à la réalité .

Votre commission a adopté un amendement modifiant le présent article en ce sens.

B. SUR LES RELATIONS CONTRACTUELLES ENTRE LES ORGANISATEURS DE COMPÉTITIONS SPORTIVES ET LES OPÉRATEURS DE PARIS

D'autre part, comme exposé précédemment, le texte proposé va au-delà d'une simple pétition de principe : il organise les relations entre organisateurs et opérateurs de paris et affirme des positions sages . Le droit concédé ne devra pas l'être à titre exclusif et il ne devra pas y avoir de discrimination entre les opérateurs. De telles dispositions sont nécessaires pour assurer l'ouverture réelle du marché.

L'Assemblée nationale a utilement complété le dispositif en prévoyant, notamment, que ces contrats prévoient des obligations à la charge des opérateurs de paris en ligne en matière de détection et de prévention de la fraude.

Votre rapporteur n'a, à cet égard, que des remarques de forme. Ainsi, au premier alinéa du texte prévu pour l'article L. 333-1-2 du code du sport, il paraît préférable d'évoquer les « projets de contrats » plutôt que de « contrats conclus » soumis à l'ARJEL et à l'Autorité de la concurrence, ceux-ci n'étant alors, par définition, pas encore signés. A ce même alinéa, il serait sans doute bon de prévoir un délai de réponse pour ces autorités , pour qu'elles ne puissent pas bloquer le processus contractuel alors même que les documents ne leur sont soumis que pour avis. Un délai de quinze jours paraît adéquat .

Votre commission a modifié le présent article pour y inclure ces propositions de votre rapporteur.

C. SUR LES DROITS DE CONCESSION RESPECTIFS DES CLUBS ET DES FÉDÉRATIONS SPORTIVES ET AUTRES ORGANISATEURS DE COMPÉTITIONS SPORTIVES

Au sujet de l'article L. 333-1-3 que le présent article propose d'insérer dans le code du sport, votre rapporteur considère qu'il rappelle, dans une large mesure, le droit existant, les clubs, comme les fédérations ou les organisateurs pouvant déjà librement disposer de ce qui leur appartient.

Votre rapporteur n'est toutefois pas opposé à ce que des rappels de principe puissent rassurer l'ensemble des parties prenantes du monde du sport.

Néanmoins, de façon cohérente avec ce que l'Assemblée nationale a fait pour le nouvel article L. 333-1-1 du code du sport, il importe de resserrer le champ de l'article L. 333-1-3 aux seules relations de ces acteurs avec les opérateurs de paris sportifs . En effet, tel est l'objet de ce projet de loi, qui n'a pas pour vocation de régir les droits généraux respectifs des clubs sportifs et des fédérations.

D'autre part, les termes « actifs incorporels » ne renvoient pas à des notions utilisés en droit des sociétés. Il convient donc qu'un décret énumère précisément lesdits actifs afin de lever toute ambiguïté quant à l'interprétation de cet article.

Votre commission a adopté un amendement répondant aux préoccupations de votre rapporteur ainsi qu'un dernier amendement , de portée strictement rédactionnelle.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

CHAPITRE X - DISPOSITIONS RELATIVES AUX ACTIVITÉS DE JEUX ET PARIS PLACÉES SOUS LE RÉGIME DE DROITS EXCLUSIFS

ARTICLE 53 A (nouveau) (Art. L. 561-36 du code monétaire et financier) - Pouvoirs de contrôle sur place des casinos, cercles et sociétés de jeux dans le cadre de la lutte anti-blanchiment

Commentaire : le présent article, adopté à l'initiative du Gouvernement, propose de compléter le dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme par des pouvoirs de contrôle sur place dans les locaux professionnels des casinos, cercles de jeux et sociétés qui organisent des jeux d'argent et de hasard.

I. LE RENFORCEMENT DES POUVOIRS DE CONTRÔLE SUR PLACE

Le présent article, adopté à l'initiative du Gouvernement, s'inscrit dans la continuité du nouvel article 17 A, qui harmonise les obligations des opérateurs de jeux relatives à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme Il propose ainsi de renforcer l'efficacité de ce dispositif dans le domaine des jeux en octroyant un pouvoir de contrôle sur place du respect de ces obligations, en sus du pouvoir de contrôle sur pièces, aux inspecteurs chargés de contrôler les casinos, cercles de jeux, sociétés de domiciliation et sociétés qui organisent des jeux de hasard, loteries et paris . Il procède ainsi à un alignement sur le régime auquel sont déjà soumis les professions financières et les agents immobiliers.

Il modifie donc l'article L. 561-36 du code monétaire et financier, relatif aux différentes autorités administratives chargées du contrôle du respect des obligations afférentes à la lutte anti-blanchiment, et plus particulièrement son II, relatif à l'autorité administrative en charge du contrôle du respect des obligations auxquelles sont soumises les personnes suivantes :

- les professionnels impliqués dans la réalisation de certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce ;

- les représentants légaux et directeurs responsables de casinos et les groupements, cercles et sociétés organisant des jeux de hasard, des loteries, des paris, des pronostics sportifs ou hippiques ;

- les personnes exerçant l'activité de domiciliation mentionnée aux articles L. 123-11-2 et suivants du code de commerce.

Le du présent article renvoie à un décret le soin de désigner l'autorité administrative compétente pour conduire les inspections. S'agissant des casinos et cercles de jeux, il devrait s'agir du Service central des courses et jeux du ministère de l'intérieur. Il prévoit également que les inspecteurs ne sont plus assermentés, mais ils demeurent spécialement habilités par l'autorité.

Le expose la procédure et les modalités du contrôle sur place dans les locaux des opérateurs de jeux. Il prévoit en particulier les dispositions suivantes :

- les inspecteurs ont accès, durant les heures d'activité professionnelle, aux locaux à usage professionnel à l'exclusion des parties de ces locaux affectées au domicile privé, aux fins de recherche et de constatation des manquements ;

- ils peuvent recueillir sur place ou sur convocation des renseignements et justifications ;

- les auditions des personnes contrôlées font l'objet de comptes-rendus écrits . A l'issue des contrôles, les inspecteurs établissent un procès-verbal qui en énonce la nature, la date et le lieu, signé par les contrôleurs et la personne contrôlée ou son représentant ;

- la personne contrôlée peut faire valoir ses observations dans un délai de trente jours. En cas de refus de signer, mention en est faite au procès-verbal ;

- enfin ces documents (le procès-verbal, le ou les comptes-rendus d'audition et les observations de la personne contrôlée) sont transmis dans les meilleurs délais à la Commission nationale des sanctions , autorité dont les pouvoirs de sanction en matière de lutte contre le blanchiment sont précisés dans le commentaire de l'article 17 A du présent projet de loi.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur considère que ces mesures sont très opportunes et complètent utilement le dispositif qu'a proposé le Gouvernement pour renforcer l'efficacité et le champ de la lutte contre le blanchiment dans le secteur des jeux d'argent et de hasard.

Ce pouvoir de contrôle sur place est potentiellement intrusif et de nature à heurter les libertés individuelles ; il est donc susceptible de contentieux devant la Cour européenne des droits de l'homme, comme cela a été notamment le cas en matière fiscale. L'encadrement et les modalités proposés par le présent article sont toutefois précis et de nature à asseoir la conformité communautaire du dispositif . Il respecte ainsi les impératifs de nécessité et de proportionnalité comme le droit au procès équitable, prévu par l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 53 (Art. 2 et 5 de la loi du 2 juin 1891 précitée) - Missions des sociétés de courses de chevaux

Commentaire : le présent article vise à reconnaître le rôle des sociétés de courses et à aménager le cadre juridique des courses de chevaux, issu de la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux.

I. LES MISSIONS DES SOCIÉTÉS DE COURSES AUJOURD'HUI

Les 242 sociétés de courses existantes ont pour mission d' organiser les courses de chevaux dans le cadre de la loi n° 1891-06-02 du 2 juin 1891, selon laquelle il ne peut être dérogé que sous de strictes conditions au principe général d'interdiction et de répression pénale des paris hippiques. Ainsi sont autorisées les courses de chevaux ayant pour but exclusif l'amélioration de la race chevaline et organisées par des sociétés dont les statuts sociaux ont été approuvés par le ministre de l'agriculture. Ces sociétés de courses sont également les seules autorisées à organiser le pari mutuel sur les courses de chevaux.

Le décret n° 97-456 du 5 mai 1997 relatif aux sociétés de courses de chevaux dispose que deux sociétés dites mères, pour le galop et pour le trot , sont agréées par le ministre en charge de l'agriculture et autorisées à organiser des courses.

Ces sociétés mères, France Galop et la Société d'encouragement à l'élevage du cheval français, ont plusieurs missions d'animation de la filière hippique :

- améliorer la race chevaline à travers la distribution de dotations aux propriétaires et aux éleveurs de chevaux, mais aussi par la gestion des « stud-books » des races de chevaux de course ;

- organiser et réglementer les courses de leur spécialité en proposant à l'approbation du ministre de l'agriculture le code des courses ainsi qu'en assurant le contrôle anti-dopage des chevaux par l'intermédiaire du laboratoire des courses hippiques ;

- assurer la gestion en propre de certains hippodromes et de certains centres d'entraînement.

Les sociétés de courses et leurs sociétés mères s'insèrent dans une organisation nationale appelée « l'Institution des courses françaises ». Cette dernière est représentée par une association, la Fédération nationale des courses françaises (FNCF), instituée par le décret n° 97-456 du 5 mai 1997.

Outre les crédits budgétaires au service de la politique du cheval, qui ne sont pas l'objet du présent article, il convient donc de souligner le rôle des courses hippiques et des sociétés de courses dans le financement de la filière cheval à la faveur du reversement du résultat net du PMU aux deux sociétés mères ainsi qu'aux autres sociétés de courses.

Ce mode spécifique d'organisation de la filière prend également, depuis 2005, la forme d'un fonds de financement de la filière équestre , géré par la FNCF sous la direction d'un comité composé de professionnels et d'un seul représentant de l'Etat. Il s'agit du « Fonds Eperon », qui représente, en 2009, 9,6 millions d'euros, redistribués au profit de l'ensemble des sports équestres, de l'équitation de loisir, ou encore, de l'attelage.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article vise par son I à modifier le cadre juridique dans lequel opèrent les sociétés de courses de chevaux en aménageant la loi du 2 juin 1891 précitée.

D'une part, il procède à une plus grande reconnaissance du rôle de l'ensemble des sociétés de courses de chevaux : il investit donc officiellement celles-ci, dont les deux sociétés mères, le Cheval français et France Galop, de missions de service public d'amélioration de l'espèce équine, de promotion de l'élevage chevalin et de participation au développement rural.

D'autre part, les missions assumées spécifiquement par les sociétés mères de courses de chevaux se voient reconnaître pour la première fois un statut législatif .

En effet, le présent article dispose que chacune de ces sociétés mères est responsable d'un secteur spécialisé de la filière équine, à savoir le galop ou le trot, pour lequel elles doivent proposer le code des courses de leur spécialité, délivrer les autorisations à concourir, veiller à la régularité des courses par la lutte contre le dopage et, enfin, attribuer les primes de courses à l'élevage. Un décret est prévu pour préciser les obligations de service public incombant aux sociétés-mères ainsi que les modalités de leurs interventions.

Enfin, le 1° du I du présent article supprime une procédure d'examen par le conseil supérieur des Haras, qui a perdu toute réalité pratique. Cette modification de la loi du 2 juin 1891 précitée tire simplement les conséquences de la disparition de cette procédure.

III. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative du Gouvernement et avec l'avis favorable de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté un amendement complétant le présent article par un II, dont l'objet est d'élargir l'offre de paris du PMU à toute compétition sportive ouverte à la prise de paris ainsi qu'à tous les jeux de cercle autorisés par le présent projet de loi . Cette diversification de l'activité du PMU induit une modification de l'objet social des sociétés de courses hippiques. Cet amendement a également prévu l'adoption d'un décret en Conseil d'Etat pour déterminer les conditions d'application de la loi précitée du 2 juin 1891.

Par ailleurs, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté deux amendements rédactionnels de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur.

Enfin, un amendement de coordination , adopté à l'initiative de notre collègue député Yves Censi avec l'avis favorable du Gouvernement et de la commission des finances, précise que l'aménagement apporté à l'objet social des sociétés de courses et de leurs groupements concerne également les sociétés mères de courses hippiques.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur approuve les présentes dispositions, qui permettent de préciser le rôle des sociétés de courses de chevaux en investissant plus particulièrement celles-ci de missions de service public relatives à l'amélioration de l'espèce équine, notamment via l'organisation des courses, ainsi qu'à la promotion de l'élevage, à la formation dans le secteur des courses et de l'élevage chevalin et au développement rural.

Il est également favorable aux précisions apportées concernant les missions assumées par les sociétés-mères de courses de chevaux , qui se voient, de plus, reconnues pour la première fois un statut législatif .

La diversification de l'offre du PMU , dans un contexte d'ouverture à la concurrence des jeux en ligne, paraît en outre un apport particulièrement notable de l'examen par l'Assemblée nationale du présent projet de loi.

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 54 - Conventions pluriannuelles entre l'Etat et les opérateurs historiques

Commentaire : le présent article prévoit la conclusion de conventions pluriannuelles entre l'Etat et les opérateurs historiques, en tant que personnes morales titulaires de droits exclusifs en matière d'offre publique de jeux et paris.

I. LE DROIT EXISTANT PRÉVOIT DES RELATIONS ENTRE L'ETAT ET LES OPÉRATEURS HISTORIQUES SUR UN FONDEMENT RÉGLEMENTAIRE

Le présent article concerne l' organisation des relations entre l'Etat et les personnes morales titulaires de droits exclusifs en matière d'offre publique de jeux et paris .

Il s'agit en fait des deux opérateurs « historiques » que sont la Française des jeux et le Pari mutuel urbain (PMU) .

Aujourd'hui ces relations s'établissent, d'un point de vue juridique, sur le fondement de plusieurs dispositions législatives et, surtout, règlementaires.

Pour ce qui concerne le PMU , groupement d'intérêt économique regroupant 51 sociétés de courses (associations à but non lucratif) chargées de l'organisation des courses hippiques, il convient de mentionner le cadre général de la loi du 2 juin 1891 sur les courses de chevaux . Cette loi encadre ainsi l'activité et les missions de chacune des sociétés de courses.

Instrument mis en place au profit de ces sociétés, le PMU organise et centralise les paris sur les courses qu'elles organisent. Il a, en effet, pour objet la mise en commun de moyens administratifs et financiers en vue d'assurer une offre en matière de pari mutuel hippique . Un décret précise ces missions des sociétés de courses ainsi que le rôle et le fonctionnement du PMU. Celui-ci, qui assure l'enregistrement et la centralisation des paris, la ventilation des enjeux, le calcul et le paiement des gains, doit également contrôler la régularité de toutes les opérations et veiller au respect de la législation et de la réglementation en vigueur .

Les relations entre l'Etat et la Française des jeux procèdent d' obligations fixées par plusieurs décrets . Ceux-ci assignent à la Française des jeux plusieurs objectifs d'intérêt général . Il s'agit ainsi d'assurer l'intégrité, la sécurité et la fiabilité des opérations de jeux et de veiller à la transparence de leur exploitation. Elle doit également canaliser la demande de jeux dans un circuit contrôlé par l'autorité publique, afin de prévenir les risques d'exploitation des jeux à des fins frauduleuses ou criminelles et de lutter contre le blanchiment d'argent. Enfin, la Française des jeux est soumise à une obligation d'encadrement de la consommation de jeux afin de prévenir le développement des phénomènes d'addiction.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article, qui n'est pas pourvu d'un lien direct avec l'objet du projet de loi, vise à organiser sur une base conventionnelle les relations entre l'État et les deux opérateurs historiques , c'est-à-dire le PMU et la Française des jeux. Il dispose donc qu'une convention pluriannuelle sera conclue entre l'Etat et la Française des jeux d'une part, et entre l'Etat et le PMU d'autre part. Il précise qu'elle « concerne l'organisation et l'exploitation des jeux et paris pour lesquels ces personnes disposent de droits exclusifs et fixe notamment les modalités d'application, par ces personnes, des dispositions de l'article 1 er de la présente loi ». Dans la mesure où ce dernier fixe plusieurs objectifs d'intérêt général , ces conventions devront donc indiquer par quels moyens la Française des jeux et le PMU poursuivront ces objectifs .

Le second alinéa du présent article précise que ces conventions détermineront également « les modalités de fixation des frais d'organisation exposés » par les opérateurs ainsi que « les modalités de couverture des risques d'exploitation liés aux activités au titre desquelles ces droits exclusifs leur ont été conférés ». Votre rapporteur observe que ces frais d'organisation et les modalités de couverture des risques d'exploitation sont actuellement définis par voie réglementaire.

En outre, il convient de relever que ces conventions ne se substitueront pas aux décrets mentionnés plus haut . Le Gouvernement devra toutefois les réviser de manière à tirer les conséquences du présent projet de loi et de ces nouvelles conventions pluriannuelles entre l'Etat et les personnes morales titulaires de droits exclusifs en matière d'offre publique de jeux et paris.

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L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur se déclare favorable aux dispositions prévues par le présent article qui doivent permettre de renouveler et, surtout, de contractualiser les relations entre l'Etat et les opérateurs historiques que sont le PMU et la Française des jeux .

Il doit notamment s'agir de garantir la participation de ceux-ci à l'atteinte des objectifs d'intérêt général visés par le présent projet de loi dans son article 1 er mais aussi d' organiser de nouveaux rapports avec les pouvoirs publics dans un contexte d'ouverture maîtrisée à la concurrence des jeux en ligne.

Par ailleurs, votre rapporteur a relevé que l'exposé des motifs du présent projet de loi précise que ces conventions s'inscriront dans le cadre d'orientations « arrêtées par le régulateur » : cette précision est de nature à montrer le rôle privilégié qu'est appelée à jouer l'ARJEL auprès des opérateurs historiques.

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 55 (Art. 2 de la loi n ° 83-628 du 12 juillet 1983 et art. 42 de la loi de finances pour 1985 précitée) - Adaptation de l'offre de la Française des Jeux et possibilité pour les casinos d'acquérir des machines à sous d'occasion

Commentaire : le présent article poursuit deux objectifs distincts. Il redéfinit, dans son I, l'offre de la Française des jeux en matière de jeux faisant appel à des résultats sportifs. Par ailleurs, il vise par son II à autoriser les exploitants de casinos à acquérir des machines à sous d'occasion.

I. LE DROIT EXISTANT

A. UNE DÉFINITION RESTRICTIVE DE LA NOTION DE « JEUX FAISANT APPEL À DES RÉSULTATS SPORTIFS »

Aux termes de l'article 42 de la loi de finances pour 1985, et afin de contribuer au développement du sport, la Française des jeux est autorisée à créer « un jeu faisant appel à la combinaison du hasard et des résultats d'événements sportifs ». Ce régime juridique a conduit l'opérateur à coupler son offre de « lotos sportifs » à l'occurrence d'évènements aléatoires non sportifs .

L'offre de jeux de la Française des jeux en matière de pronostics sportifs se caractérise ainsi par des numéros chance qui, en cas de tirage au sort, conduisent au versement de gains plus importants . Conformément à ce qu'avait souhaité le législateur en 1984, les paris sportifs proposés par la Française des jeux ne se fondent donc pas que sur les résultats des événements sportifs eux-mêmes , mais aussi sur un facteur de hasard exogène à ceux-ci.

B. L'INTERDICTION DE LA REVENTE DES MACHINES À SOUS D'OCCASION

Le droit en vigueur apparaît particulièrement contraignant en matière de machines à sous, bien que la loi du 12 juillet 1983 les interdisant ait été modifiée par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. La règle générale demeure toutefois l'interdiction et la pénalisation de l'importation comme de la fabrication de « tout appareil dont le fonctionnement repose sur le hasard et qui permet de procurer moyennant enjeu un avantage direct ou indirect de quelque nature que ce soit, même sous forme de parties gratuites ». Plusieurs dérogations sont prévues : les jeux proposés au public à l'occasion, pendant la durée et dans l'enceinte des fêtes foraines, d'une part, et l'offre de machines à sous dans les casinos, d'autre part.

La loi conditionne cependant cette dérogation en faveur des casinos au fait que les machines à sous ne peuvent être acquises par ceux-ci « qu'à l'état neuf ». Il est également précisé que « toute cession de ces appareils entre exploitants de casinos est interdite et ceux qui ne sont plus utilisés doivent être exportés ou détruits ».

L'obligation d'achat de matériels neufs et l'interdiction de leur revente visent à prévenir les fraudes et à garantir la sincérité des jeux , par l'offre de machines neuves, dont l'installation, la maintenance et le contrôle sont assurés par des entreprises soumises à l'agrément du ministre de l'intérieur.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. UN AMÉNAGEMENT FAVORABLE À LA FRANÇAISE DES JEUX

Le I du présent article propose une définition plus large de l'offre de la Française des jeux en matière de jeux faisant appel à des résultats sportifs . Il s'agit de permettre à l'opérateur de fournir une offre de jeux faisant appel à la combinaison du hasard et des résultats d'événements sportifs mais également une offre de jeux faisant appel uniquement « à des résultats d'événements sportifs ».

Il s'agit donc de permettre à la Française des jeux d'élargir le périmètre de son offre de jeux de pronostics sportifs , et de la rapprocher de l'offre courante des sites de paris sportifs , qui utilise généralement les pronostics sportifs eux-mêmes, sans gains liés au tirage au sort de numéros sous une forme de loterie.

Outre les jeux aujourd'hui proposés, la Française des jeux pourra ainsi créer de nouveaux jeux exempts de facteurs exogènes de hasard tels que les numéros chance, et fondés simplement sur les résultats des événements sportifs.

B. L'AUTORISATION POUR LES CASINOS D'ACQUÉRIR DES MACHINES À SOUS D'OCCASION

Le II du présent article, qui n'est pas pourvu d'un lien direct avec l'objet du projet de loi, vise à autoriser la cession de machines à sous entre exploitants de casinos . Il s'agit donc de remettre en cause l'interdiction existante, très contraignante pour les professionnels. Cette réorientation s'explique par le coût particulièrement élevé de l'achat de matériel neuf ainsi que par la fiabilité croissante de ces appareils.

Le dispositif envisagé apporte d'ailleurs une garantie supplémentaire de sécurité : la revente de machines à sous d'occasion devra ainsi faire l'objet d'une déclaration préalable au ministère de l'intérieur , selon des modalités fixées par décret.

D'après le Gouvernement, celui-ci obligera à ce que ces opérations soient réalisées par l'intermédiaire de sociétés agréées assurant l'importation, la fabrication, la vente ou la maintenance des machines à sous. En outre, les entreprises auront l'obligation d'informer par écrit le ministère de l'intérieur au minimum quinze jours avant la date de l'opération.

Ces modalités, qui viennent s'ajouter aux contrôles trimestriels de chaque machine à sous déclarée, sont de nature à apporter quelques garanties quant à la fiabilité des opérations envisagées par le présent article.

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* *

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

D'un point de vue formel, votre rapporteur observe que le présent article poursuit deux objectifs très différents et que le regroupement des deux dispositifs envisagés n'est pas pleinement satisfaisant . Toutefois, il ne propose pas une division en deux articles dans la mesure où il s'agit de deux aménagements législatifs aux implications relativement modestes.

Sur le fond, votre rapporteur partage les préoccupations du Gouvernement.

Il souhaite, d'une part, que la Française des jeux puisse s'insérer dans un nouveau contexte concurrentiel « à armes égales » en assurant une offre de jeux de pronostics sportifs faisant simplement appel aux résultats des épreuves sportives .

Et il se déclare, d'autre part, favorable à l'autorisation de la cession de machines à sous d'occasion, dans la mesure où ces opérations d'achat et de ventes feront l'objet d'un suivi rigoureux par l'administration .

Il observe, enfin, que ces dispositions ne sont pas pourvues d'un lien direct avec l'objet du présent projet de loi.

Décision de la commission : sous le bénéfice de ces observations, votre commission a adopté cet article sans modification.

CHAPITRE XI - DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES

ARTICLE 56 - Entrée en vigueur des articles 5 à 15, 39 à 43 et du III de l'article 45

Commentaire : le présent article vise à fixer une date pour l'entrée en vigueur de certaines dispositions du projet de loi.

I. UN PROJET DE LOI À L'ENTRÉE EN VIGUEUR DIFFÉRENCIÉE

A. UNE ENTRÉE EN VIGUEUR SPÉCIFIQUE POUR CERTAINES DISPOSITIONS...

Le présent article a pour objet de prévoir une entrée en vigueur spécifique pour certaines dispositions du présent projet de loi. En l'occurrence, il s'agit du 1 er janvier 2010.

Les dispositions visées sont, d'une part, les articles 5 à 15 relatifs à l'autorisation d'exercice des opérateurs agréés et aux obligations des entreprises sollicitant l'agrément d'opérateur de jeux en ligne, ainsi que, d'autre part, les articles 39 à 43 relatifs aux nouveaux prélèvements fiscaux et sociaux sur les jeux et paris en ligne .

B. ...ET QUI SE JUSTIFIE PAR LA PERTINENCE D'UN DÉLAI JUSQU'À LA DÉLIVRANCE DU NOUVEL AGRÉMENT DE DROIT COMMUN

Un délai spécifique pour l'entrée en vigueur de ces dispositions s'explique par une préoccupation unique : mettre en place préalablement à leur entrée en vigueur la procédure et la logistique de la délivrance des agréments , ce qui suppose la publication des principaux textes d'application de la loi, le lancement d'appels à candidature, l'instruction des dossiers de demande d'agrément et, enfin, la délivrance des agréments elle-même.

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L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur observe que l'entrée en vigueur des dispositions visées par le présent article devait être postérieure, de plusieurs semaines, à la promulgation de la loi, or cette date est caduque puisqu'elle est d'ores et déjà dépassée . L'ouverture effective à la concurrence des jeux en ligne était, en effet, prévue au 1 er janvier 2010, lors du dépôt à l'Assemblée nationale du présent projet de loi.

L'examen du projet de loi étant encore en cours postérieurement à la date fixée par le présent article, il convient soit de reporter l'entrée en vigueur des dispositions visées par le présent article à une date plus pertinente , soit de supprimer ce mécanisme d'entrée en vigueur en deux temps .

L'expertise conduite par votre rapporteur s'agissant de l'impact d'une telle suppression l'a conduit à opter en faveur de la seconde option : le dispositif proposé par le présent projet de loi peut en effet faire l'objet d'une entrée en vigueur à une date unique. Votre commission a donc préféré supprimer le présent article plutôt que de fixer un nouveau calendrier d'entrée en vigueur différée . Les dispositions visées par le présent article s'appliqueront donc au moment de la promulgation de la loi.

Décision de la commission : votre commission a supprimé cet article.

ARTICLE 57 - Régime transitoire pour la Française des jeux et le PMU

Commentaire : le présent article autorise, d'une part, la Française des jeux et le PMU à poursuivre provisoirement leurs activités en matière de paris hippiques ou sportifs en ligne, mais les oblige, d'autre part, à se conformer à la nouvelle procédure de droit commun de délivrance des agréments.

I. LA DÉFINITION DE DISPOSITIONS TRANSITOIRES POUR LES OPÉRATEURS HISTORIQUES

A. UN DROIT DE POURSUITE DE LEUR ACTIVITÉ...

Le présent article institue un régime transitoire pour les personnes morales qui, avant l'entrée en vigueur du présent projet de loi, sont déjà habilitées à proposer des paris hippiques ou sportifs en ligne , dans le cadre, pour les paris hippiques, des dispositions de l'article 5 de la loi du 2 juin 1891 sur les courses de chevaux et, s'agissant des paris sportifs, de l'article 42 de la loi n° 84-1208 du 29 décembre 1984 de finances pour 1985.

Il ne serait pas souhaitable que l'entrée en vigueur du présent projet de loi conduise en effet à empêcher les joueurs et les parieurs en ligne de pouvoir bénéficier de l'offre légale déjà existante en matière de paris hippiques ou sportifs en ligne.

Concrètement, le PMU et la Française des jeux sont aujourd'hui les seules personnes morales appelées à bénéficier de ce régime transitoire. Il s'agit donc de leur permettre de poursuivre leur activité s'agissant de l'offre de jeux en ligne , mais de manière momentanée et sous certaines conditions , comme le précise le I du présent article.

B. ...JUSQU'À LA DÉLIVRANCE DU NOUVEL AGRÉMENT DE DROIT COMMUN

Ces deux opérateurs pourront donc continuer à exercer leur activité en ligne, mais à une triple condition .

Les deux premières figurent au I du présent article. Elles conduisent à ce que les opérateurs doivent, d'une part, et sous le contrôle de l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), respecter les obligations définies par le présent projet de loi , telles que les clauses du cahier des charges prévu par son article 15, et, d'autre part, demander l'agrément de l'ARJEL dans un délai de trois mois à compter de la publication du décret prévu au VI de l'article 16 du présent projet de loi, et relatif aux modalités de délivrance dudit agrément.

Enfin, et c'est la troisième condition à laquelle seront soumises les personnes morales déjà habilitées à proposer des paris hippiques ou sportifs en ligne, l'ARJEL devra leur délivrer son agrément . Dans le cas, a priori improbable, où celle-ci refuserait l'agrément, ils ne pourraient continuer à offrir des jeux en ligne.

En cas, probable, de délivrance de l'agrément, le régime provisoire de poursuite d'activité institué au profit du PMU et de la Française des jeux prendra fin à la date à laquelle l'ARJEL rendra sa décision.

Ces deux dernières dispositions sont issues du II du présent article.

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur au fond, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur se déclare favorable à ces dispositions transitoires destinées aux opérateurs historiques que sont le PMU et la Française des jeux .

Il se félicite par ailleurs du maintien d'une offre légale de paris hippiques et sportifs en ligne dans les mois qui suivront l'entrée en vigueur du présent projet de loi. Il s'agit d'une situation dont chaque joueur en ligne pourra ainsi bénéficier.

Il observe par ailleurs que les deux seules personnes morales qui, avant l'entrée en vigueur du présent projet de loi, sont habilitées à proposer des paris en ligne n'auront pas à se soumettre au dispositif de « remise à zéro » des comptes joueurs, à la différence des nouveaux opérateurs .

Il fait valoir qu'un tel régime n'est pas constitutif d'une rupture d'égalité dans la mesure où les opérateurs historiques ont constitué leurs clientèles dans la légalité, ce qui ne serait pas le cas de tous les futurs opérateurs en l'absence d'un tel dispositif. La situation distincte des opérateurs justifie donc un traitement différent.

De plus, et même si le PMU et la Française des jeux n'auront pas à se soumettre au dispositif de « remise à zéro » des comptes joueurs , il faut observer qu'ils devront, comme chaque opérateur, se soumettre aux obligations prévues par le présent projet de loi, à l'instar de la procédure d'agrément.

Votre rapporteur indique, enfin, que le présent article a fait l'objet d'une nouvelle rédaction de simple coordination, par votre commission, afin de tirer les conséquences de la suppression de l'article 56.

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 58 - Remise au Parlement de rapports d'évaluation

Commentaire : le présent article prévoit la remise par le Gouvernement de deux rapports au Parlement. Le premier a pour objet l'évaluation des conditions et des effets de l'ouverture du marché des jeux et paris en ligne. Le second porte sur la mise en oeuvre de la politique de lutte contre les addictions au jeu.

I. UN RAPPORT D'ÉVALUATION SUR LES CONDITIONS ET LES EFFETS DE L'OUVERTURE DU MARCHÉ DES JEUX ET PARIS EN LIGNE

A. LA NÉCESSITÉ D'ÉVALUER LE NOUVEAU DISPOSITIF POUR POUVOIR, LE CAS ÉCHÉANT, L'ADAPTER

Des résultats significatifs en matière d'ouverture à la concurrence et de régulation du secteur des jeux en ligne sont attendus du présent projet de loi. Ces résultats ne vont toutefois pas de soi et il apparaît donc nécessaire d' évaluer rigoureusement l'impact du dispositif mis en oeuvre.

C'est pourquoi, le présent article a prévu qu'au terme d'un certain délai, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport sur les conditions d'ouverture du marché des jeux et paris en ligne .

Compte-tenu des informations recueillies, ce rapport proposera, le cas échéant, d'éventuelles adaptations , sous la forme d'aménagements au cadre juridique mis en place par le présent projet de loi.

B. UN CALENDRIER TROP GÉNÉREUX ?

La remise du rapport doit intervenir au terme d'un délai de deux ans après l'ouverture à la concurrence du secteur des jeux en ligne . L'ouverture dont il est question ici se détermine en fonction de l'entrée en vigueur des articles 5 à 15 du projet de loi, dont la date est elle-même fixée à l'article 56 du présent projet de loi, dont votre rapporteur a proposé la suppression.

Dans sa rédaction initiale, l'article 56 prévoyait une entrée en vigueur à compter du 1 er janvier 2010, ce qui devait conduire à la remise du rapport avant le 1 er janvier 2012 , soit un délai de deux ans qui peut apparaître exagérément long d'après votre rapporteur.

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur au fond, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté un amendement réduisant de deux ans à dix-huit mois le délai de remise du rapport .

De plus, et à l'initiative de notre collègue député Gaëtan Gorce, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté un amendement prévoyant la transmission d'un second rapport, consacré à la mise en oeuvre de la politique de lutte contre les addictions au jeu . Il doit être remis au Parlement avant le 31 décembre 2011.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur est favorable à l'ensemble de ces dispositions , qui répondent à un objectif général d'évaluation .

Il souligne, plus particulièrement, son accord avec les améliorations apportées par nos collègues députés. Celles-ci traduisent en effet une préoccupation partagée s'agissant de la lutte contre l'addiction au jeu .

Sur sa proposition, votre commission a souhaité aller encore plus loin en prévoyant dans le rapport sur la lutte contre les addictions une étude sur les systèmes d'information et d'assistance mis en place par les opérateurs de jeu ou de pari .

Enfin, le présent article a fait l'objet d'une nouvelle rédaction de simple coordination, par votre commission, afin de tirer les conséquences de la suppression de l'article 56.

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ANNEXE - UN ÉTAT DES LIEUX DU SECTEUR DES JEUX

INTRODUCTION - UN ÉTAT DES LIEUX INDISPENSABLE AVANT UNE RÉFORME DE LA RÉGULATION

Le projet de loi du Gouvernement veut marquer une ouverture du marché aux jeux en ligne. Ce texte, qui prévoit une libéralisation réclamée par beaucoup et crainte par les autres, est il destiné à rester longtemps inchangé ? Première étape ou simple et bref palier de cette libéralisation ?

De toutes les manières, il semble essentiel d'établir un état des lieux du marché des jeux d'argent et de hasard en France avant que cette nouvelle régulation ne le modifie.

A deux reprises, en 2002 et 2006, la commission des finances du Sénat a effectuée une analyse assez complète de cet important secteur économique, décrivant minutieusement l'organisation des opérateurs français, leurs méthodes et leurs résultats.

Ces deux rapports d'information ont également décrit, et souvent critiqué, le mode de régulation de ce domaine, adopté par l'Etat depuis fort longtemps, fait d'une législation ultra simplifiée et d'une réglementation ultra sophistiquée et pourtant en grande partie obsolète.

L'Etat, sous tous les régimes et durant toutes les alternances politiques, a, en tout premier lieu, cherché à assurer l'ordre public mais, comme on le verra plus loin, le souci qu'il a de la santé publique est beaucoup plus récent et encore très insuffisant .

Au prix d'une surveillance policière draconienne de certains opérateurs, d'un déploiement de forces complexe, coûteux mais efficace, l'Etat a bien atteint son objectif d'ordre public et, courant 2006, conscient du devoir accompli, il semblait pouvoir légitimement « dormir sur ses deux oreilles ».

Les jeux français étaient réputés honnêtes et sécurisés, les fraudes et délits rarissimes ; le monde des casinos était de mieux en mieux organisé, professionnalisé, en partie grâce à la constitution de groupes puissants.

Les courses hippiques ne connaissaient que quelques rares cas de dopage de chevaux rapidement détectés ; les loteries, les grattages et les tirages (les « deux mamelles » de la Française des jeux) ne provoquaient aucun soupçon, à part quelques procédures émanant de personnes qui contestent certains processus de fabrication de jeux.

Dans le domaine des jeux illégaux, des machines à sous clandestines, des tripots, les forces publiques appliquaient une répression difficile mais efficace et le reste de ce monde, fait de lotos plus ou moins caritatifs, associatifs ou paroissiaux, respectait une réglementation aussi rigoureuse pour eux qu'elle l'était pour les puissances du jeu.

Tout allait bien, et l'Etat, qui dépensait beaucoup pour remplir ses fonctions régaliennes, ne se privait pas de prélever sur le jeu cet « impôt volontaire » consenti par les joueurs et qui représentait des sommes très importantes : près de 5,6 milliards d'euros en 2008 (en incluant les prélèvements au profit du sport amateur et de la filière hippique).

Soucieux de garder la main et une emprise totale sur le secteur des jeux d'argent, l'Etat se gardait bien d'informer, de consulter le Parlement ou de l'associer à ses décisions quelles qu'elles soient.

D'où le titre du premier rapport d'information que votre rapporteur a réalisé pour la commission des finances du Sénat en 2002 : « L'Etat croupier, le Parlement croupion ? » et, de ce point de vue, les choses n'ont nullement changé de 2002 à 2009.

Si la consommation de jeux progresse assez régulièrement en France, celle-ci reste assez modérée , bien loin des records regrettables de certains pays européens (Finlande) ou plus lointains (Australie, Québec).

Prenant le jeu pour un loisir comme un autre, la plupart de nos compatriotes conservent à son égard une attitude raisonnable, mais ce n'est pas le cas de tous et nombre de joueurs perdent le contrôle de leur budget et de leur jeu , et s'enfoncent, dans des situations dramatiques avec les pertes continuelles, l'endettement, la perte de l'emploi, l'implosion de leur famille, les délits, voire les crimes.

Le nombre, en France, de ces cas d'addiction au jeu reste totalement inconnu faute d'études spécialisées (à la suite de l'enquête collective de l'INSERM de 2008, celles-ci sont en cours) et ne peut être, pour l'instant, évalué qu'au regard des statistiques anglo-saxonnes, qui, elles, existent bien et depuis longtemps.

L'Etat est très en retard dans l'appréciation de ces phénomènes et dans la prise en compte de ces « malades » : une politique de santé publique digne de ce nom manque totalement.

Ceci choque particulièrement, quand on note, dans le même temps, les efforts tout à fait louables qui sont entrepris pour lutter contre l'alcool, les drogues et le tabac : pourquoi faut-il autant insister pour que l'addiction au jeu prenne sa place dans le répertoire des addictions majeures ?

Pourquoi tant de retard ?

Un tel état des lieux , avant réforme, permettra au Parlement, enfin informé et consulté, de fixer les points forts de la politique française actuelle qui sont dignes d'être conservés, et les points qui, au contraire, posent problème entre l'Etat, les opérateurs anciens ou nouveaux et une Commission européenne plus pressée d'exiger, manu militari , de très difficiles déréglementations, que d'aider les Etats membres qu'elle « persécute » à les mettre en oeuvre dans un contexte européen totalement anarchique dans ce domaine.

Un tel bilan préalable est indispensable car la situation financière des opérateurs français est très contrastée .

Elle s'est récemment et rapidement dégradée pour les casinos ; celle de la Française des jeux (FDJ) a fléchi ; seule la santé du PMU reste florissante au vu de ses résultats en 2008. L'ensemble des opérateurs français traditionnels sera confronté à de nouveaux risques lorsque la nouvelle concurrence s'établira, si le projet de loi est adopté.

Or, au fil du temps, chacun des opérateurs ou groupes d'opérateurs a plus ou moins lié son sort et consacré une part non négligeable de ses résultats à soutenir un secteur économique bien particulier .

Le sport amateur est subventionné par la FDJ, la filière équine par le PMU, les budgets communaux par les casinos.

Il est donc logique d'examiner en même temps les situations personnelles des opérateurs, la nature de liens qui les unissent à leurs « clients » et les masses financières intéressées.

Cela sera le cas dans chacun des chapitres qui suivront.

Une appréciation précise des situations des opérateurs à l'approche de la réforme, véritable « scanner économique, administratif et social », permettra de remplir quatre objectifs :

1) Recenser tout ce qu'il faut réformer dans le système actuel d'administration du jeu en France . Il serait regrettable que l'examen de cette loi d'ouverture se limite à la simple mise en place d'un secteur nouveau sans qu'elle ne tente, comme le réclamait le second rapport d'information de la commission des finances du Sénat en 2006, de « mettre de l'ordre dans la maison jeu de France ».

2) Ajuster au mieux , dans les dispositions du projet de loi, celles qui ont une incidence, un effet direct, sur la situation économique et financière des opérateurs légaux actuels afin qu'ils aient la possibilité d'adapter leurs stratégies et leurs gestions aux nouvelles situations créées.

3) Sécuriser certains financements essentiels aux équilibres économiques et sociaux français comme ceux qui concernent le sport amateur, la très importante filière hippique et les budgets des communes qui accueillent des casinos.

4) Fixer les bases à partir desquelles il sera possible, plus tard, d'apprécier l'amélioration ou la détérioration de la situation , les effets positifs ou négatifs de l'ouverture du marché. L'évaluation précise dans un ou deux ans des conséquences de l'ouverture du marché facilitera le calcul des éventuelles suites à donner.

Faisant suite aux deux rapports d'information de 2002 et 2006, cet état des lieux établi par la commission des finances du Sénat a pour ambition d'éclairer au mieux une situation, délicate à bien des égards, avant que le législateur n'intervienne pour en changer les données.

Pour cette loi importante, comme il le fait toujours, le Sénat entend « ne pas se payer de mots ».

I. LA SITUATION DE LA FRANÇAISE DES JEUX ET DU SPORT AMATEUR AIDÉ

Le présent état des lieux examinera conjointement la situation de la Française des jeux (FDJ) et celle du principal bénéficiaire de son aide financière, hors l'Etat.

Dans la mesure où la Française des jeux consacre des sommes importantes à aider le sport amateur, il ne faut pas dissocier dans l'analyse le sponsor et le bénéficiaire - le Centre national pour le développement du sport (CNDS). Toutefois, la FDJ, soutient d'autres causes et on le dira.

Ce principe d'examen conjoint de la situation du « patricien et du plébéien », s'appliquera plus loin au PMU et à la filière équine, aux casinos et à leurs communes d'accueil.

A. UN STATUT DE SOCIÉTÉ ANONYME PUBLIQUE

La FDJ fut créée en 1978 pour prendre le relais des émetteurs autorisés depuis 1933 à commercialiser la loterie nationale. En 1979, l'Etat en prit le contrôle avec société anonyme (SA) publique, sorte de société d'économie mixte qui ne prendra le nom de Française des Jeux qu'en 1990.

Le capital social est réparti ainsi : l'Etat 72 %, les émetteurs historiques 20 %, le fond commun de placement (FCP) des salariés 5 %, la Soficoma des courtiers mandataires 3 %.

La convention , signée le 29 décembre 1978 entre l'Etat et la Société nationale de la loterie nationale et du loto national, est entrée en application le 1 er janvier 1979. Prévue pour trente ans, elle arrive à échéance début 2010 .

Elle prévoit, dans son dernier paragraphe, que « s'il n'existe pas de passif net à l'expiration, [...] le capital sera remboursé aux actionnaires, les réserves seront distribuées au même titre que les résultats de l'exercice en cours, les autres éléments de l'actif et du passif seront transférés à l'Etat ».

Le sort des parts des émetteurs, leur reprise ou non par l'Etat ou leur cession, ou non, à d'éventuels partenaires extérieurs, dépendent du statut légal de la SA FDJ.

En tant que société anonyme, la Française des jeux est soumise aux dispositions du code de commerce. Elle est également soumise à d'autres règles du fait de la détention publique de la majorité de son capital. Si demain l'Etat voulait ouvrir le capital de la FDJ tout en en conservant la majorité, elle resterait une société anonyme et il ne serait pas nécessaire de modifier la forme sociale. Il en serait de même si l'Etat voulait privatiser la FDJ, c'est-à-dire faire descendre sa participation sous le seuil de la majorité.

En revanche, toute privatisation de la FDJ devrait faire l'objet d'une loi , conformément à l'article 34 de la Constitution qui dispose que « la loi fixe les règles concernant [...] les nationalisations d'entreprises et les transferts de propriété d'entreprises du secteur public au secteur privé ».

Le Président de l'Union des blessés de la face et de la tête (plus communément appelée « Les gueules cassées »), la plus importante des associations des anciens émetteurs, enregistre sans plaisir la fin du versement de la redevance de 0,4 % dès septembre 2008, mais tient bien à rappeler qu'il entend conserver la propriété de sa part du capital.

On comprend parfaitement que la situation actuelle et les incertitudes liées à l'ouverture du marché, n'incitent pas le ministère des finances à précipiter les choses.

Les missions de la FDJ sont :

- assurer l'intégrité, la sécurité et la fiabilité des opérations de jeu ;

- canaliser la demande de jeux dans un circuit contrôlé par l'autorité publique ;

- prévenir les fraudes et le blanchiment d'argent ;

- encadrer la consommation de jeu afin de prévenir le développement des phénomènes de dépendance.

B. UNE ENTREPRISE DYNAMIQUE ET FINANCIÈREMENT SAINE

1. Des jeux qui séduisent près de la moitié de la population française

Chaque secteur du marché français des jeux possédant sa propre « personnalité », il n'y a guère de points communs majeurs entre la FDJ, le PMU et les casinos. On verra plus loin ce qui peut caractériser les jeux, les joueurs, les réseaux des opérateurs, leurs résultats et leurs problèmes.

Pour ce qui est du monde de la Française des jeux, on doit retenir la masse considérable des Français qui le fréquente ( 28,2 millions en 2009, dont 30 % jouent régulièrement ) et une quasi parité entre les hommes et les femmes.

En 2008, 32 % de ces joueurs jouaient au moins une fois par semaine mais de petites sommes : 6,06 euros en moyenne par joueur et par semaine .

Ces jeux de tirages (57,1 % des mises) de grattage (36,1 %) ne font appel qu'au hasard. Tout au plus, avec les paris sportifs (6,8 % des mises), les parieurs peuvent-ils s'appuyer sur leurs connaissances des champions et des compétitions.

Conclusion : une masse considérable de petits joueurs, avec des mises faibles, entretient à bon compte son plaisir de jouer. La quasi-totalité de ces jeux semble donc bien ne pas devoir mériter l'accusation de provoquer l'addiction. Seul le Rapido a pu véritablement mériter ce reproche. Devant ses effets pervers, le COJER, l'Etat et la FDJ ont du réagir et ils l'ont fait.

2. Une croissance forte jusqu'en 2006

La FDJ conduit une politique de développement d'un dynamisme remarquable . Elle a jusqu'à présent bien assumé les missions qui lui ont été confiées par l'Etat, et sa situation financière est bonne.

Présidée par un haut fonctionnaire d'Etat, précédemment en poste à la direction d'un grand département du ministère des finances, la FDJ apporte depuis bien des années, la preuve que ces « passerelles » entre le service public et la gestion d'une quasi entreprise privée peuvent parfaitement réussir.

Par une gestion rigoureuse et des choix très stricts de ses mandants, de ses fournisseurs et de ses partenaires, elle a rempli ses missions, garanti la transparence et l'intégrité de ses jeux qu'elle offre à ses clients.

La croissance de son chiffre d'affaires a été continuelle de 1992 avec 4.583 millions d'euros, à 2008 avec 9.203 millions d'euros, ce qui représente un doublement et + 5,9 % par an en moyenne, ce malgré deux années inédites de baisse en 2007 et 2008 . Si l'on arrêtait le tableau ci-dessous à fin 2006, cette croissance serait donc de 102,3 % (soit + 6,8 % par an).

Evolution du chiffre d'affaires de la FDJ de 1992 à 2008

Chiffre d'affaires en millions d'euros

Evolution annuelle en %

1992

4.583

1993

4.749

+ 3,6

1994

4.766

+ 0,1

1995

5.047

+ 6,0

1996

5.146

+ 2,0

1997

5.214

+ 1,3

1998

5.455

+ 4,8

1999

5.771

+ 5,8

2000

6.535

+ 13,2

2001

7.021

+ 7,4

2002

7.439

+ 6,0

2003

7.797

+ 4,8

2004

8.559

+ 9,8

2005

8.926

+ 4,3

2006

9.473

+ 6,1

2007

9.306

- 1,8

2008

9.203

- 1,1

Source : La Française des jeux, commission des finances

3. Une place de premier plan dans la hiérarchie mondiale

En 2008, la FDJ se situait toujours au troisième rang mondial pour les ventes globales . Elle est devenue la deuxième loterie mondiale en 2009. Lottomatica (Italie) conforte une nouvelle fois sa place de leader tous jeux confondus devant LAE (Espagne) et l'on note une bonne progression des loteries chinoises.

Classement mondial de la FDJ par type de jeu

Critères

2005

2006

2007

2008

Tous jeux

3

3

3

3

Mises tous jeux par habitant

38

32

35

30

Loto

5

5

4

5

Mises Loto par habitant

55

46

46

45

Jeux instantanés

1

2

2

2

Mises sur jeux instantanés par habitant

27

27

26

29

Pronostics sportifs

9

6

7

5

Mises sur pronostics sportifs par habitant

33

24

24

15

Source : La Française des Jeux

On constate que selon les critères 2, 4 et surtout, 8 (pronostics sportifs), il est clair que les Français jouent davantage.

C. UN RÉSEAU COMMERCIAL DENSE ET BIEN ORGANISÉ

1. Un réseau dont l'ampleur a diminué mais qui demeure très dense

La FDJ s'appuie sur un réseau commercial dense, bien organisé, très bien implanté sur le territoire national et créateur d'emplois. Les détaillants de la FDJ constituent le premier réseau commercial de France avec quelque 37.600 points de vente en 2008. La prévision pour 2014 porte sur environ 35.000 points de vente.

En huit ans, le nombre de ces points de vente a diminué de 5.350 , soit 12,4 %, au profit et/ou en raison d'un équipement de plus en plus sophistiqué apporté par la FDJ aux détaillants, pour servir des jeux eux mêmes plus complexes ou réclamant un télétraitement de plus en plus exigeant.

De plus, la FDJ a toujours souhaité ne conserver que des points rentables et, récemment, la concurrence des jeux sur Internet (y compris des jeux de la FDJ elle-même) a peut-être diminué la rentabilité de certains points de vente. Le tableau ci-après montre cependant que malgré la diminution du nombre des points de vente, le ratio « nombre d'habitants par point de vente » demeure significatif.

Evolution de l'amplitude et de la densité du réseau commercial depuis 2003

Année

Nombre de points de vente

Nombre d'habitants par point de vente

Nombre de points de vente des jeux de tirage

Nombre d'habitants par point de vente des jeux de tirage

Nombre de points de vente des jeux de tirage hors Rapido

Nombre d'habitants par point de vente hors Rapido

2003

40.849

1.561

19.825

3.261

16.464

3.873

2004

40.129

1.538

20.925

2.950

17.192

3.590

2005

39.962

1.537

22.122

2.776

18.017

3.409

2006

39.520

1.585

22.918

2.733

18.537

3.379

2007

38.700

1.628

13.197

2.716

18.821

3.348

2008

37.600

1.727

23.650

2.746

19.173

3.387

Source : La Française des jeux, commission des finances

2. La rémunération de la FDJ et l'intéressement du réseau

La FDJ est rémunérée par une commission d'organisation. Les différents acteurs du réseau de son réseau sont quant à eux directement intéressés à ses résultats.

Conformément au texte de la convention prévention, la FDJ, « procède à l'approvisionnement des intermédiaires courtiers répartis en 147 secteurs géographiques, qui eux-mêmes alimentent les détaillants ».

La FDJ « intéresse » les éléments de son réseau, courtiers et détaillants avec des commissions de vente qui sont, depuis la baisse de 0,3 point intervenue le 1 er juillet 2007, de 4,9 % pour les détaillants et de 1,1 % pour les courtiers.

La commission de l'organisation correspond aux commissions versées à la FDJ pour sa propre rémunération et celle du réseau de distribution. Elle a atteint 1.025 millions d'euros en 2008, soit 11,1 % des mises, contre 1.050 millions d'euros en 2007, soit 11,3 % des mises. Le total des commissions de courtage s'élève à 103,2 millions d'euros , soit 1,1 % du chiffre d'affaires. Le total des commissions des détaillants s'élève quant à lui à 448,8 millions d'euros , soit 4,9 % du chiffre d'affaires.

Source : La Française des jeux

En 2008, la Française des jeux disposait donc de 5 % des mises pour couvrir ses charges propres (achats de bulletins, tickets de jeu, sous-traitance, dépenses d'entretien de ses matériels, masse salariale, publicité, mécénat, sponsoring, etc.), tout en dégageant un résultat d'exploitation significatif, équivalent à 11 % de sa commission.

3. La FDJ est très proche des acteurs de son réseau

Elle organise, soutient et stimule ce réseau fait de commerces tels que les diffuseurs de presse (18.361 en 2008) et les débits de tabac (24.000) des cafés et des bars, tous durement touchés par ailleurs par une lutte pourtant indispensable contre le tabagisme et l'alcoolisme.

Le rôle économique et social de ces établissements de proximité donne au réseau de la FDJ une importance bien particulière. Le PMU est souvent associé à la FDJ dans les mêmes lieux avec plus de 10.000 points de vente.

Le poids économique des apports pour le commerce local est considérable et sa répartition sur le territoire très appréciable. Ces détaillants représentaient ainsi 24.800 emplois en 2008 , à rapporter aux 945 équivalents temps plein des services de la FDJ proprement dite et aux 1.150 courtiers.

Depuis quelques années, par cohérence avec l'évolution du commerce et des services et les nouvelles exigences comme celle d'une politique du jeu responsable, la FDJ assure régulièrement à ses détaillants une formation de plus en plus « serrée » , en particulier pour ce qui concerne l'interdiction de vente aux mineurs, la prévention et la lutte contre l'addiction au jeu.

4. La FDJ recherche de nouveaux réseaux pour la distribution de ses produits

Consciente de la valeur d'un tel réseau, la FDJ ne s'interdit pas pour autant de le cantonner, d'en réduire éventuellement la taille, voire de rechercher ou de créer de toutes pièces des concurrents . C'est ainsi qu'en 2009 la FDJ a procédé à des « essais » pour tenter d'organiser la vente de certains de ses jeux aux caisses des grandes surfaces commerciales .

Cette campagne innovante, montée par la FDJ dans le but de créer un autre réseau de vente dont on devine l'importance potentielle, eut le don de provoquer chez les détaillants « historiques » une grande inquiétude et de susciter chez eux de fortes réactions.

Les protestations des détaillants et de leurs formations syndicales n'ayant pas rencontré beaucoup d'échos auprès de la FDJ, ceux-ci exposèrent leurs arguments d'une autre manière et selon des méthodes dont les manifestants français apprécient l'efficacité.

Les assauts contre le siège de la FDJ et le bris de vitrines furent finalement considérés par la FDJ comme des arguments suffisamment pertinents et convaincants pour qu'elle interrompe (provisoirement ?) son expérimentation.

D. UNE STRATÉGIE CONTINUE ET PERTINENTE D'INNOVATION

1. Une innovation au coeur du modèle économique de la Française des jeux

La FDJ assure son développement grâce à une stratégie continue d'innovation ; elle veille ainsi constamment à enrichir sa gamme de nouveaux jeux et multiplie les innovations technologiques.

Pour contrebalancer l'usure des anciens jeux et favoriser les effets d'une mode qu'elle contribue fortement à créer, la FDJ « invente » chaque année un ou plusieurs jeux et fait évoluer les autres. Actuellement, elle doit faire approuver le lancement des nouveaux jeux par le COJER et le ministère chargé du budget.

Lors de l'introduction de jeux nouveaux, la FDJ utilise recourt de manière croissante à des moyens technologiques et de télétraitement attractifs, qu'elle fait installer chez ses détaillants.

Cette stratégie n'est pas nouvelle puisque la FDJ a historiquement construit sa croissance grâce à l'innovation-produit .

Les moments-clés de son histoire qui se sont traduits par une progression forte de son activité ont toujours coïncidé avec une innovation produit majeure. Les principales ont ainsi été le lancement du Loto en 1976, le lancement de Tac O Tac en 1984, le Loto sportif en 1985, les premiers jeux de grattage en 1989 et surtout le succès de Millionnaire en 1991, le lancement de Rapido en 1999 avec un déploiement progressif des points de vente, le lancement d'Euro Millions en 2004, et dans une moindre mesure le développement des paris sportifs avec le pari à cote en 2003 et un fort développement depuis 2008.

2. Les innovations récentes sur les jeux de tirage

Le rythme des innovations est très différent en fonction du type de jeu concerné. Les jeux de tirage (Loto, Euro Millions, Keno, Joker +, Oxo, Rapido, Bingo) sont peu nombreux, pérennes, fondés sur des marques fortes, rénovés régulièrement tous les trois à cinq ans. Depuis 2004, les innovations ou rénovations effectuées sont les suivantes :

- 2004 : lancement d'Euro Millions ;

- 2006 : rénovation de Joker qui devient Joker + (modification du tableau de lots, de la mécanique et du nom de jeu) ;

- 2007 : rénovation de Keno (ajout d'une option de jeu, le multiplicateur) ;

- 2008 : nouveau Loto (rénovation complète d'un produit emblématique) ;

- 2009 : lancement d'un nouveau Jeu (Oxo) et lancement sur Internet de Bingo Live.

Il est certain que la FDJ continuera dans l'avenir de recourir à cette politique de rénovation car elle permet de redonner de l'intérêt à un jeu et ainsi d'enrayer une baisse de chiffre d'affaires due au phénomène naturel d'usure que l'on constate sur tous les jeux.

Sur les cinq « actualités fortes » sur le tirage depuis 2004, quatre ont atteint ou dépassé leurs objectifs. Euro Millions est aussi un grand succès et le chiffre d'affaires additionnel apporté est conséquent. De même, les rénovations de Joker, Keno et Loto ont toutes permis de faire renouer ces jeux avec la croissance, permettant d'atteindre un nouveau cap.

Seul le lancement d'Oxo est significativement en dessous des objectifs qui étaient peut-être trop ambitieux au regard du temps que nécessite la construction d'un nouveau jeu de tirage (cf. les années d'effort pour amener Keno, lancé en 1993, à son niveau actuel, ou l'échec de Bingo TV en 1998).

Il est encore trop tôt pour juger de résultats de Bingo Live, proposé uniquement sur Internet, car il a été lancé sans communication en août 2009, mais les premiers résultats semblent encourageants.

3. Les innovations récentes sur les jeux de grattage

En matière de jeux de grattage, le rythme des innovations est rapide avec environ une nouveauté (nouveau jeu ou rénovation) chaque mois. Cet activisme répond à un besoin de renouvellement constant exprimé par les joueurs. Le nombre total de jeux commercialisés demeure cependant relativement stable , aux alentours de 18 jeux, car si certains jeux sont renouvelés, d'anciens jeux sont retirés et de nouveaux sont lancés.

Il existe même des jeux éphémères conçus comme tels et vendus en une seule série autour d'un événement sportif, calendaire ou thématique. Rares sont les lancements qui ne fonctionnent pas dans les premières semaines de vente, compte tenu de l'attraction de la nouveauté. Un lancement de jeu se juge néanmoins à sa capacité de conserver un niveau de vente important dans le temps et à générer du chiffre d'affaires additionnel.

Depuis plusieurs années, les lancements et rénovations ne permettaient pas de compenser l'érosion du chiffre d'affaires des jeux existants. Face à cette situation, une stratégie de rénovation en profondeur des jeux de grattage a été mise en place , fondée sur une restructuration de la gamme et un renouvellement des niveaux de mise, des tableaux de lots, du taux de retour aux joueurs (TRJ), des thématiques et de la communication. La mise en oeuvre de cette stratégie porte ses fruits et va ainsi permettre aux jeux de grattage de renouer avec la croissance en 2009.

Les lancements ou rénovations de 2009 ont par exemple été les suivantes : XV de France et Saint-Valentin en janvier, Bingo grattage en février, Cash en avril, Ange ou Démon en mai, Solitaire en juin, Vacances à vie en juillet, 7 Extra et Jet 7 en septembre, Vegas en Octobre et Noël à vie en novembre.

4. Une innovation plus ciblée sur les paris sportifs

Enfin en matière de paris sportifs, l'innovation majeure de ces dernières années à été le lancement du pari à cote (Cote et match en 2003 puis Cote et Score en 2007), qui explique l'essentiel de la forte croissance du segment. Le succès des paris à cote s'est construit au fur et à mesure que la FDJ a reçu l'autorisation d'améliorer la compétitivité du produit, d'abord en autorisant les paris simples puis surtout en allégeant la fiscalité (droits de timbre) début 2008. Le chiffre d'affaires du pari à cote a ainsi plus que doublé en 2008, permettant vraisemblablement de relocaliser une partie des enjeux qui se portaient sur des opérateurs encore illégaux .

E. LA FDJ CONNAÎT SES JOUEURS ET SE PRÉOCCUPE DE LEUR SORT

1. Une entreprise qui connaît les caractéristiques de sa clientèle

Les efforts de développement de la FDJ ont soutenu de 1993 à 2008, une croissance régulière et forte du nombre des joueurs et du chiffre d'affaires. Ces joueurs, la FDJ les étudie constamment et les connaît bien : sexe (51 % d'hommes), âges, origines sociales, goûts et comportements.

En ce sens la FDJ a sans doute mieux étudié le milieu du jeu que les pouvoirs publics français eux-mêmes , longtemps indifférents devant les données humaines et sociales des activités de jeu, qui ne sont pas, on en conviendra, une industrie comme les autres.

Le tableau ci-dessous montre le nombre de joueurs fidèles à la FDJ mais surtout précise leurs mises et pertes moyennes. A titre de comparaison, la mise moyenne par habitant en France est de 143 euros contre 188 euros en Europe.

Evolution récente du nombre de joueurs et des mises

Année

Nombre de joueurs

Mise moyenne par joueur et par semaine (en euros)

Perte moyenne par joueur et par semaine (en euros)

2005

29.100.000

5,90

2,38

2006

28.700.000

6,35

2,56

2007

29.800.000

6,01

2,40

2008

29.200.000

6,06

2,35

Source : La Française des jeux, octobre 2009

De façon significative, ces ratios révèlent qu'en trois ans, de 2005 à 2008, la mise moyenne par jour et par semaine n'a augmenté que de 2,7 % tandis que la perte par joueur et par semaine est restée quasiment fixe. La FDJ est, à notre connaissance, le seul opérateur français actuel qui peut annoncer la mise moyenne par joueur et par semaine (6,06 euros en 2008) et mieux encore la perte moyenne par joueur et par semaine (2,35 euros).

Ces chiffres, au premier abord plutôt rassurants sur le plan social, sont infiniment précieux à connaître, mais il faut les rapprocher des autres consommations de jeux (Internet) pour vraiment connaître la tendance générale.

L'entreprise se préoccupe aussi du sort de ses gros gagnants , afin de les aider à éviter les multiples pièges qui menacent ces « nouveaux riches » sans expérience.

2. La FDJ met en oeuvre une politique du jeu responsable

Consciente des problèmes que connaissent certains joueurs fragiles, la FDJ soutient la recherche en addictologie et participe depuis 2002 à la mise en oeuvre d'une politique du jeu responsable , en fournissant les efforts que l'on pouvait légitimement attendre d'une société d'Etat.

Une sensibilisation renforcée des détaillants aux problèmes de l'addiction au jeu et à la protection des mineurs, la production de rapports importants sur l'éthique des jeux et de nombreux documents destinés à la prévention, la participation et l'organisation de colloques consacrés aux « maladies » du jeu, sont des témoignages substantiels de la volonté de la FDJ d'être acteur du jeu responsable.

De façon encore plus déterminante, la FDJ a accordé (avec le PMU) un soutien financier considérable à la création et au fonctionnement de centres de recherches sur l'addiction aux jeux, à sa prévention et à son traitement. Le Centre de référence sur le jeu excessif du pôle universitaire d'addictologie et de psychiatrie du Centre hospitalier universitaire de Nantes, dirigé par le Professeur Jean-Luc Venisse, en est le meilleur exemple.

La création et la mise en place au ministère des finances, le 27 juin 2006, du COJER, Comité consultatif pour l'encadrement des jeux et du jeu responsable, témoigna également d'une vigilance nouvelle des pouvoirs publics à l'égard des jeux d'argent et des effets pervers qu'ils pouvaient créer dans la société française.

Pour la première fois se trouvèrent ainsi rassemblés, au sein du COJER, un certain nombre (insuffisant cependant) de personnes qualifiées, venant du secteur public ou privé, ayant pour tâche de veiller à ce que les activités de la FDJ correspondent bien à la politique d'un jeu responsable.

La mission du COJER est de conseiller le ministère des finances pour ce qui concerne la FDJ, d'examiner chaque année les programmes de jeux proposés par l'entreprise, de s'assurer qu'aucun d'entre eux, qu'il soit ancien ou nouveau, ne présente de risque majeur de « toxicité », de rassembler les avis des personnes compétentes qui le composent et d'entreprendre des études ciblées sur le jeu et la société française.

Ainsi, le Rapido ayant fait en son temps la preuve qu'il était un jeu dont certaines caractéristiques pouvaient être soupçonnées de favoriser l'addiction, le COJER, puis le ministère responsable, ont aidé la FDJ à se convaincre d'en modifier certaines caractéristiques, d'en freiner le rythme et la progression.

Le tableau ci-dessous montre bien que par cette démarche, la FDJ a consenti des sacrifices importants sur l'un de ses jeux les plus rentables. En 2008, la perte sur le Rapido a ainsi atteint 413 millions d'euros, soit 4,48 % d'un chiffre d'affaires 2008 qui lui-même était en baisse de 1,1 % par rapport à 2007. Cette baisse significative de la vente du Rapido était vraiment spécifique à ce jeu, puisque les autres jeux de la FDJ poursuivaient leur progression, ainsi que l'illustre le tableau ci-après. Enfin, on constate que la FDJ, peut-être consciente des défauts du Rapido au regard des risques d'addiction, ne l'a jamais proposé sur Internet.

Evolution des mises par type de jeux depuis 2004

(en millions d'euros)

2004

2005

2006

2007

2008

Jeux de loterie (grattage et tirage) hors Rapido

Réseau physique

Montant des mises

6.265

6.493

6.839

6.577

6.582

Evolution

N.D.

3,7 %

5,3 %

- 3,8 %

0,1 %

Offre à distance

Montant des mises

26,9

63,4

97,3

136,1

192,7

Evolution

N.D.

135,4 %

53,6 %

39,9 %

41,5 %

Rapido

Réseau physique

Montant des mises

2.046,6

2.085,8

2.149,6

2.210,1

1.797,9

Evolution

N.D.

1,9 %

3,1 %

2,8 %

- 18,7 %

Paris sportifs

Réseau physique

Montant des mises

218,5

278,9

377,8

371,1

603,7

Evolution

N.D.

27,6 %

35,5 %

- 1,8 %

62,7 %

Offre à distance

Montant des mises

2,5

4,3

9,1

12,1

26,5

Evolution

N.D.

71 %

111,5 %

32,5 %

120,1 %

Source : La Française des jeux, octobre 2009

3. L'insuffisance patente des études en matière de santé publique

Dans le domaine des études , force est de constater que les premières demandes du COJER que le ministère se devait de financer, n'ont été satisfaites que très tard, beaucoup trop tard, ce qui aggrave la situation déjà préjudiciable des connaissances françaises sur le jeu.

De fait, si l'on excepte quelques rares mais précieux travaux médicaux et sociaux privés sur le sujet, et l'enquête collective de l'INSERM en 2008, la France n'a pas à s'enorgueillir de sa position face à la multitude de travaux étrangers, en particulier anglo-saxons .

Votre rapporteur nourrit à cet égard quelques frustrations en constatant l'insuffisance des moyens du COJER. De plus, alors qu'il avait été annoncé que les activités des courses hippiques, sur lesquelles veille le ministère de l'agriculture, seraient rattachées au COJER, cette excellente idée, qui aurait pu contribuer à harmoniser l'action de l'Etat, a malheureusement fait long feu .

F. LA REDISTRIBUTION AUX JOUEURS ET À L'ETAT

L'étude du taux de retour aux joueurs (TRJ) est très « à la mode » de nos jours. S'il traduit les niveaux différents de générosité des différents opérateurs à l'égard de leurs joueurs et parieurs, on évalue désormais son aptitude à fidéliser la clientèle, à soutenir ou non la compétitivité des jeux et les capacités concurrentielles des opérateurs et des sites.

Aujourd'hui, le ministère des finances soutient fermement que des TRJ par trop généreux pourraient constituer un facteur d'addiction. La Commission européenne conteste le point de vue français et les psychiatres français (comme ils l'ont toujours fait et dans tous les domaines de leur art) professent des opinions complètement divergentes.

Jusqu'ici, les opérateurs français (la FDJ, le PMU et les casinos) ont pu, sans dommages pour eux, accorder des TRJ différents par ce qu'ils n'étaient pas, à proprement parler, concurrents, chacun de ces trois secteurs disposant soit d'un monopole (FDJ et PMU), soit d'une activité totalement encadrée et cantonnée. Il en sera demain tout autrement pour les futurs opérateurs en ligne légaux qui affronteront la concurrence des sites illégaux.

Décomposition des mises sur les jeux de la Française des jeux entre TRJ et prélèvements depuis 1995

(en millions d'euros)

Année

Montant revenant aux joueurs

Part du chiffre d'affaires

Couverture du risque de contrepartie

Part du chiffre d'affaires

Montant revenant aux finances publiques

Part du chiffre d'affaires

Organisation des jeux

Part du chiffre d'affaires

1996

2.945

57,3 %

7

0,2 %

1.429

27,8 %

757

14,7 %

1997

2.961

56,9 %

4

0,1 %

1.478

28,4 %

761

14,6 %

1998

3.101

57,0 %

- 6

- 0,1 %

1.566

28,8 %

782

14,4 %

1999

3.325

57,7 %

0

0 %

1.623

28,2 %

813

14,1 %

2000

3.834

59,1 %

20

0,3 %

1.752

26,9 %

920

14,1 %

2001

4.147

59,2 %

29

0,4 %

1.855

26,5 %

979

14,0 %

2002

4.427

59,6 %

41

0,6 %

1.992

26,8 %

969

13,1 %

2003

4.670

60,0 %

33

0,4 %

2.085

26,8 %

999

12,8 %

2004

5.115

59,8 %

46

0,5 %

2.330

27,2 %

1.062

12,4 %

2005

5.325

59,7 %

30

0,3 %

2.505

28,1 %

1.065

11,9 %

2006

5.652

59,7 %

23

0,2 %

2.670

28,5 %

1.098

11,6 %

2007

5.588

60 %

35

0,4 %

2.633

28,3 %

1.050

11,3 %

2008

5.632

61,2 %

24

0,3 %

2.522

27,7 %

1.025

11,1 %

N.B : la rubrique « Finances publiques » inclut le prélèvement au profit du CNDS. La commission d'organisation correspond aux commissions versées à la FDJ pour sa propre rémunération et celle du réseau de distribution.

Source : La Française des jeux

Ces données appellent les quelques remarques suivantes :

- les jeux de la FDJ ont des TRJ différents, fixés par décret, et il peut y avoir des écarts importants selon les jeux puisque le plancher est de 45 % et le plafond de 75 % ;

- le TRJ de la FDJ a augmenté de 3,5 points entre 1995 et 2008 , soit de 6 % ;

- l'évolution des frais de gestion de la FDJ, entre 1995 et 2008, est marquée par une diminution constante , année après année, de cette dépense. De 14,80 % en 1991, le taux est ainsi tombé à 11,14 %, soit une baisse de 24,7 %. Cette évolution, contemporaine d'une croissance de 100 % du chiffre d'affaires pendant la même période, traduit de très remarquables efforts de gestion de l'entreprise ;

- le rapprochement des ratios de TRJ et de frais de gestion montre bien que l'amélioration du TRJ a été entièrement et exclusivement financée par la baisse des frais de gestion . L'Etat, pour sa part, n'y a en rien contribué et a toujours maintenu ses prélèvements à leur taux initial.

G. UNE OFFRE RAPIDEMENT ÉTENDUE À INTERNET

Le sens de l'innovation de la FDJ la conduisit rapidement à comprendre qu'Internet représentait tout à la fois une menace incontournable pour les opérateurs historiques (fussent-ils protégés par un monopole d'état) et une chance considérable pour peu qu'ils veuillent et sachent s'en servir.

La FDJ obtint donc de l'Etat, apparemment sans difficulté, l'autorisation de créer une offre de paris sportifs , d'abord sur son réseau physique puis sur Internet, alors même que la possibilité d'en faire autant était refusée à des casinos qui la réclamaient de manière pressante.

Puisque cette situation d'exception à son profit a toujours suscité les plus violentes critiques, examinons-la sur un plan strictement juridique et légal.

1. Le principe d'interdiction des jeux de hasard

Les jeux de hasard sont interdits en France et relèvent de deux textes législatifs principaux :

- la loi n° 83-628 du 12 juillet 1983 interdit les jeux de hasard et les appareils de jeux dont le fonctionnement repose sur le hasard, communément appelés « machines à sous » ;

- la loi du 21 mai 1836 prohibe les loteries de toute espèce. Son article 2 dispose que « sont réputées loteries et interdites comme telles : les ventes d'immeubles, de meubles ou de marchandises effectuées par la voie du sort, ou auxquelles auraient été réunies des primes ou autres bénéfices dus, même partiellement, au hasard et généralement toutes opérations offertes au public, sous quelque dénomination que ce soit, pour faire naître l'espérance d'un gain qui serait acquis par la voie du sort ».

En application de la loi du 21 mai 1836, la jurisprudence considère qu' une loterie prohibée se définit par la réunion de quatre éléments : la « vente », c'est-à-dire la participation financière du joueur, l'intervention du hasard ou de la « voie du sort », une opération offerte au public et une espérance d'un gain.

2. Les règles applicables aux jeux de la Française des jeux

Parmi les dérogations à l'interdiction des loteries, figurent les jeux de loterie nationale autorisés par l'article 136 de la loi du 31 mai 1933, c'est-à-dire les jeux de loterie aujourd'hui exploités par la Française des jeux. Cet article donne au Gouvernement le droit de fixer par décret les conditions d'organisation et les modalités de la loterie nationale.

Le décret n° 78-1067 du 9 novembre 1978 , plusieurs fois modifié, précise ainsi les conditions d'organisation et d'exploitation des jeux de loterie qui peuvent être offerts au public. Il ajoute que l'organisation et l'exploitation de ces jeux sont confiées à une entreprise publique constituée sous forme de société anonyme dénommée « La Française des jeux ». Il indique notamment qu'« il est mis à la disposition du joueur, après versement de sa mise, un moyen technique matériel ou immatériel, appelé support, comportant toutes les caractéristiques utiles à la participation au jeu ».

Tous les moyens techniques peuvent donc être utilisés en vue de l'exploitation des jeux de loterie offerts par la Française des Jeux, que ce soit le papier, support traditionnel des tickets de loterie, l'informatique, support de jeux comme le Loto, ou Internet, qui n'est qu'un nouveau moyen de communication offert par l'informatique.

La même règle s'applique aux jeux de pronostics sportifs confiés à la Française des Jeux en application de la loi de finances pour 1985 et du décret du 1 er avril 1985.

Les jeux de loterie nationale et les jeux de pronostics sportifs, dont l'organisation et l'exploitation sont confiés à la FDJ, sont donc définis par des critères immatériels et peuvent être offerts par l'opérateur légal, en tous lieux du territoire national, par tous les moyens techniques.

La Française des jeux n'a ainsi nul besoin d'une dérogation juridique particulière pour offrir des jeux en ligne compte tenu de l'autorisation qu'elle a reçue. Une autorisation de l'Etat est cependant nécessaire. Le contrôle de l'Etat s'exerce explicitement via le conseil d'administration. En outre, le ministère chargé du budget valide chaque année le programme des jeux et des actions commerciales de l'opérateur public. Enfin, chaque nouveau jeu lancé fait naturellement l'objet d'une autorisation du ministre du budget.

En conséquence, les paris sportifs ont été proposés le 7 janvier 2003 sur Internet à l'occasion du lancement de Cote & Match, soit une semaine avant la sortie du jeu dans le réseau le 14 janvier 2003. Les prises de jeu Loto Foot 7&15 sont possibles sur Internet depuis le 5 juin 2006 et les prises de jeu Cote & Score depuis le 21 juillet 2008.

Chiffre d'affaires des jeux de pronostics sportifs

(en millions d'euros)

Réseau physique

En ligne

Année

Chiffre d'affaires

Evolution

Chiffre d'affaires

Evolution

2004

218,5

2,5

2005

278,9

27,6 %

4,1

62,9 %

2006

377,8

35,5 %

9,0

121,7 %

2007

371,1

- 1,8 %

12,1

34,1 %

2008

603,7

62,7 %

26,5

119,3 %

Source : La Française des jeux

Part du chiffre d'affaires de paris sportifs sur Internet
dans le chiffre d'affaires global de la FDJ

(en millions d'euros et en %)

Année

Chiffre d'affaires global de la FDJ

Chiffre d'affaires sur Internet

Proportion du chiffre d'affaires global

Nombre de joueurs sur Internet

2002

7.439

3,1

0,04 %

17.573

2003

7.797

7

0,09 %

35.148

2004

8.559

28,8

0,34 %

166.943

2005

8.926

65,7

0,74 %

288.680

2006

9.473

106,1

1,12 %

428.726

2007

9.306

148,2

1,59 %

561.953

2008

9.203

219,2

2,38 %

728.775

Source : La Française des jeux

Part du chiffre d'affaires de l'offre à distance
dans le chiffre d'affaires global de la FDJ

(en millions d'euros et en %)

Année

Montant global des mises

Montant des mises sur le réseau

Montant des mises de l'offre à distance

Proportion des mises sur l'offre à distance

Nombre de joueurs sur l'offre à distance

2002

7.439

7.436

3,1

0,04 %

17.573

2003

7.797

7.790

7,0

0,09 %

35.148

2004

8.559

8.530

29,4

0,34 %

166.943

2005

8.926

8.858

67,7

0,76 %

288.680

2006

9.473

9.367

106,4

1,12 %

428.726

2007

9.306

9.158

148,2

1,59 %

561.953

2008

9.203

8.984

219,2

2,38 %

728.775

Offre à distance : Internet, téléphone mobile, TV interactive

Source : La Française des jeux

H. UN DYNAMISME COMMERCIAL QUI A PU EXPOSER LA FRANÇAISE DES JEUX À DES ERREURS

L'efficacité opérationnelle de la FDJ est évidente : certification ISO 2700, premier réseau ADSL (28.000) et premier réseau d'affichage numérique (15.000), et un système d'exploitation permettant 1.200 prises de jeu par seconde.

Comme nul n'est parfait, la FDJ a cependant montré qu'avec les meilleures intentions du monde, il y'avait toujours une place pour l'erreur.

Pendant longtemps l'interdiction de vendre des jeux aux mineurs était limitée, à la FDJ, aux moins de 16 ans , comme si la majorité, en France, n'était pas à 18 ans, et ce faute d'un texte plus explicite qu'une réglementation ancienne et liée à la lutte contre l'alcoolisme et la protection des mineurs. Après bien des tergiversations, le texte rectificatif a été publié.

Comme il a été indiqué plus haut, la vente pendant plusieurs années du Rapido , jeu éminemment « addictogène » en raison de ses caractéristiques propres, a provoqué de gros dégâts chez les joueurs et une levée de boucliers tout à fait justifiée dans les médias. Cette pression extérieure et l'intervention du COJER amenèrent la FDJ à donner un sérieux « coup de frein » au Rapido, entraînant une baisse immédiate du chiffre d'affaires de ce jeu.

De même la tentative plus récente de la FDJ, lors d'une campagne « d'essais », d'organiser la vente de certains de ses jeux aux caisses des grandes surfaces avait de quoi surprendre. Si les « essais » s'étaient poursuivis, la FDJ aurait eu probablement quelque mal à démontrer qu'il était facile de sensibiliser les hôtesses de caisses aux problèmes de société et à la prévention de l'addictologie, et de les charger de faire respecter quotidiennement l'interdiction de vente de jeux aux mineurs et aux personnes interdites de jeu.

De même, connaissant le nombre considérable de nouveaux « points de vente » qu'aurait réalisé cette ouverture, on peut se demander s'il y aurait eu une réelle compatibilité entre une aussi forte augmentation potentielle de l'offre de jeux et la stratégie de jeu responsable que l'Etat veut promouvoir.

Ces quelques rares « bavures » ne diminuent en rien les mérites de la FDJ qui affiche une vraie détermination à favoriser la prévention des excès de jeu.

On ne peut en réalité lui reprocher de vendre ses jeux aux interdits de jeux car non seulement on voit mal comment les détaillants, au fond de leur boutique, pourraient utiliser un fichier informatisé du ministère de l'intérieur en admettant que celui-ci parvienne à le leur communiquer en temps réel, mais il faut également réaliser que l'interdiction de jeu est volontaire et ne concerne aujourd'hui que les jeux de casinos et de cercles !

Dans l'attente d'une politique générale d'exclusion à tous les jeux qui n'existe pas encore, on ne peut que constater que l'interdiction relative aux mineurs n'est déjà pas si simple à faire respecter.

I. L'AIDE APPORTÉE PAR LA FRANÇAISE DES JEUX AU SPORT AMATEUR

La FDJ soutient le sport amateur et de haut niveau par l'intermédiaire de la subvention annuelle qu'elle verse au CNDS. Le Fonds national de développement du sport, affectataire antérieur, recevait ainsi 183 millions d'euros en 2000, l'actuel CNDS a bénéficié de 225 millions d'euros en 2008, soit 80 % de ses recettes. En cumulé, ce sont donc 1 ,9 milliard d'euros qui ont été reversés entre 2000 et 2008, et 3,7 milliards d'euros en trente ans .

Le ministère chargé des sports est attentif au volume de ces crédits qui soulagent d'autant son propre budget, et le CNDS pratique la répartition qu'il souhaite entre les disciplines sportives dont il a la charge.

On pourrait critiquer ce prélèvement affecté, car le Parlement reproche souvent à l'Etat ces accommodements extra-budgétaires et lutte contre leur multiplication. Faute de disposer d'une vision parfaitement claire de ces mécanismes, on retiendra le lien vertueux qui est ainsi créé entre une activité d'argent et un objectif social digne d'intérêt.

Ce lien vertueux n'a pourtant pas incité la Commission européenne à davantage d'indulgence envers la France quand elle l'a mis en cause.

Par ailleurs, la FDJ pratique un sponsoring sportif de haut niveau, en particulier par le soutien financier qu'elle apporte à l'équipe cycliste éponyme, très présente dans les principales compétitions de cette discipline et réputée pour la qualité d'une éthique sportive qui a été particulièrement malmenée au cours de ces dernières années.

Chiffres clefs de la Française des jeux pour 2008

Le chiffre d'affaires de la FDJ en 1993 était de 4,7 milliards d'euros ; il a atteint 9,2 milliards d'euros en 2008, soit une progression annuelle moyenne de 5,9 %, et près de 10 milliards d'euros en 2009.

Le nombre de points de vente, de 42.950 en 2000, est passé à 37.600 en 2008. La FDJ et son réseau créent 26.895 Emplois.

En 2008, la FDJ a annoncé 29,2 millions de joueurs et 785 millions de lots. Le TRJ de 2008 était de 61,2 %, en faible hausse par rapport à 2007.

Les frais de fonctionnement (11,1 %) sont en baisse continue, et l'offre à distance représentait en 2008 219,2 millions d'euros, soit 2,4 % du chiffre d'affaires total.

II. LA SITUATION DU PMU ET DES ACTEURS DE LA FILIÈRE ÉQUINE FRANÇAISE

A. LE SYSTÈME FRANÇAIS DES COURSES ET PARIS HIPPIQUES

1. Les paris hippiques comportent d'autres éléments que le simple hasard

Le pari sur une course hippique diffère profondément d'un jeu de loterie ou d'une partie jouée sur une table de jeu de casino comme la roulette ou le black-jack. Dans ces deux derniers jeux, le hasard joue intégralement, le joueur n'ayant en aucune façon à faire preuve de quelque compétence que ce soit.

Pour un pari sur une course de chevaux, au trot ou au galop, de plat ou d'obstacles, il en va tout autrement et les connaissances du joueur sur les hippodromes, les terrains, les écuries, les chevaux, les entraîneurs, les jockeys ou les drivers , vont peut être compter autant dans le calcul de ses chances de gain que la part du hasard, bien entendu toujours présent. La cote des compétiteurs rend ainsi compte des capacités théoriques des partants.

Aucun gagnant d'une loterie ou d'un jeu de grattage de la FDJ ne peut raisonnablement se vanter d'avoir gagné grâce à ses capacités personnelles, le pari d'un « turfiste » sera tout autrement construit et, pourrait-on dire « argumenté », à partir de ses connaissances et de son expérience .

2. La filière équine française, un secteur économique majeur

Comme pour la FDJ, il ne saurait être question de séparer l'étude de l'évolution du PMU de celle du grand bénéficiaire des largesses procurées par les courses de chevaux qu'est la filière hippique française, car si l'Etat, en 2008, prélevait 1.835,4 millions d'euros, soit 19,8 % du montant des enjeux , il en conservait 1.096 millions d'euros, soit 11,8 %, pour son budget et reversait aux sociétés de courses 736,4 millions d'euros, soit 8 % des enjeux.

En procédant de la sorte, l'Etat affirme bien son soutien à la « filière cheval », garantit son versement et sa répartition entre les différents bénéficiaires et garde le contrôle de l'ensemble. Il court cependant le risque de contrarier la Commission européenne, qui est très défavorable aux aides directes qu'un Etat peut apporter à une filière économique au motif que ces aides, favorisant cette filière, faussent la concurrence.

Cette contribution considérable est la forme moderne, contemporaine, d'une symbiose historique qui a toujours voulu, en France, privilégier l'amélioration de « la race chevaline ». Elle concerne aujourd'hui une multitude de gens, pour lesquels le cheval n'est pas seulement le meilleur ami de l'homme, mais surtout un outil de travail, tandis que pour d'autres, tout aussi nombreux et tout aussi influents, il est un objet de passion à nul autre pareil.

En France, il faut bien le comprendre, le monde du cheval n'est pas un monde comme les autres . C'est un milieu très spécifique dans lequel on retrouve la ruralité, de splendides animaux, des métiers qui comptent, le sport, l'argent, les médias et une multitude d' « aficionados ».

Quant au climat et à l'atmosphère qui règnent dans ce monde, on ne peut guère être surpris de constater que les rivalités sportives et économiques, les conflits et chocs des personnalités, coexistent parfaitement avec une grande solidarité d'intérêts et un talent incontestable à mobiliser l'Hexagone au profit d'une sainte cause : la race chevaline.

Un esprit jaloux et vindicatif parlerait ici du « lobby » du cheval. Pourquoi pas, si un lobby a pour mission d'informer sur tous les aspects d'une activité aussi captivante et importante sur les plans sportif et économique et de la soutenir activement.

Des régions entières de France qui se vouent à l'élevage, les Haras Nationaux en charge de la difficile tache de préserver les espèces, les sociétés mères France Galop et la Société d'encouragement à l'élevage du cheval français, dite « Cheval Français » (pour le trot), qui regorgent de personnalités appartenant au premier plan de l'économie française, les 243 sociétés de courses de province qui fonctionnent avec un parfait bénévolat et l'appui des collectivité locales, les 251 hippodromes (soit la moitié des champs de courses européens) ne pourraient vivre économiquement sans l'aide financière apportée par le PMU . Comment pourraient en effet être mises sur pied ces 2.313 réunions et leurs 17.759 courses ?

Même si 78 de ces hippodromes (soit près du tiers) n'ont, en 2007, organisé qu'une ou deux manifestations, l'impact de cet ensemble sur le plan local et en termes d'aménagement du territoire n'est il pas important ?

Et si, outre-mer, seules deux sociétés ont pu organiser 185 courses en 28 réunions, cela ne peut-il être considéré comme un fait positif ?

Les activités de la filière équine, selon des autorités dignes de foi, représentent également un nombre d'emplois considérable . Les Haras Nationaux et le PMU signalaient pour 2007 35.400 emplois agricoles, dont 6.000 chez les 44.262 éleveurs, et 5.500 emplois directs non agricoles au contact du cheval, soit 40.900 emplois directs. S'y ajoutent 27.800 équivalents temps pleins indirects au sein des organismes et dans des entreprises non spécifiques au cheval. Au total, la filière représente donc 68.700 emplois.

3. L'organisation des courses françaises

Pas moins de quatre ministères - chargés de l'agriculture (direction du cheval et direction de l'espace rural et de la forêt), des finances, de l'intérieur et du budget - interviennent dans la réglementation, la gestion, le contrôle des courses et des organismes aux quels elles sont confiées.

Deux sociétés mères , pour le galop et pour le trot, sont agrées par le ministère de l'agriculture et autorisées à organiser des courses.

Une Fédération nationale des courses françaises rassemble toutes les sociétés de courses, métropole et outre mer et représente l'Institution des courses. Sa présidence est assurée alternativement par France Galop et le Cheval français. Son rôle est de définir la politique commune de l'institution, fixer les orientations budgétaires et proposer les calendriers des courses. Elle gère également le Fond commun de l'élevage et des courses et organise la lutte anti-dopage.

Il existe dix fédérations régionales de courses , dont le rôle est de transmettre les calendriers aux sociétés, de les aider et de classer les hippodromes.

Au nombre de 248 (soit plus nombreuses que dans le reste de l'ex-Europe des 15), les sociétés de courses de province, toutes animées bénévolement, ont pour mission d'organiser les courses locales. Leur situation est très loin d'être florissante car seules les réunions qui sont les supports des paris PMU leur laissent un solde positif. Ce sont pourtant ces sociétés qui ont la charge d'entretenir les hippodromes et de satisfaire ainsi les exigences des acteurs des courses.

Au nombre de 251 fin 2008 (ils étaient 450 en 1900), les hippodromes français couvrent 10.000 hectares affectées aux courses , représentent une richesse en terme d'aménagement du territoire, mais une richesse redoutable pour ceux qui en ont la charge, même si nombre de communes ou de départements s'efforcent d'aider les sociétés dans leur tache.

B. LE PARI MUTUEL URBAIN, UNE ENTREPRISE PERFORMANTE ET MODERNE QUI A SU CONQUÉRIR UNE PLACE ENVIABLE

1. Une progression marquée de l'activité à compter de la constitution en GIE

Il convient tout d'abord de préciser que le PMU exerce son activité de collecte des paris « hors des hippodromes » tandis que le PMH le fait sur les champs de courses eux mêmes.

Au fil des décennies, les volumes d'activité respectifs du PMU et du PMH ont suivi des évolutions très différentes et en 2008, le chiffre d'affaires du PMU était de 9.260 millions d'euros, mais celui du PMH n'était que de 122 millions d'euros (soit 1,3 % du total).

La loi fondamentale , toujours en vigueur, traitant des courses de chevaux est celle du 2 juin 1891. La notion même du « pari mutuel » sera analysée plus loin ; elle est importante car elle est à la base d'une vive polémique dans le cadre du présent projet de loi.

Il a fallu attendre 1983 pour que le PMU prenne la forme d'un groupement d'intérêt économique (GIE) auquel sont affiliés 43 sociétés membres, et 1997 pour qu'il soit doté d'un statut, d'un conseil d'administration et de structures renforcées de gestion. L'année 1997 marque donc une étape déterminante de l'organisation du GIE et si les évolutions évoquées ci-dessus purent être mises en oeuvre, il fallut pour cela une intervention autoritaire de l'Etat, confronté à de sérieux blocages de l'institution.

Le chiffre d'affaires du PMU a augmenté de 72 % entre 1991 et 2008. On constate cependant une rupture marquée dans cette évolution. De 1991 à 1999, le chiffre d'affaires n'a progressé que de 0,8 %, puis de 2000 à 2008, il a progressé de 70 % . Au premier semestre de 2009, le chiffre d'affaires fut de 4.690 millions d'euros, soit une hausse de 0,6 % par rapport à la période correspondante de 2008.

Evolution du chiffre d'affaires du PMU depuis 1991

(en millions d'euros)

Chiffre d'affaires

Evolution

1991

5.384

+ 2,7 %

1992

5.393

+ 0,2 %

1993

5.264

- 2,4 %

1994

5.219

- 0,9 %

1995

5.154

- 1,2 %

1996

5.366

+ 4,1 %

1997

5.270

- 1,8 %

1998

5.332

+ 1,2 %

1999

5.429

+ 1,8 %

2000

5.782

+ 6,5 %

2001

6.170

+6,7 %

2002

6.414

+ 4 %

2003

7.021

+ 9,5 %

2004

7.557

+ 7,6 %

2005

8.010

+ 6 %

2006

8.106

+ 1,2 %

2007

8.842

+ 9,1 %

2008

9.262

+ 4,8 %

Source : PMU

Le produit brut des jeux (PBJ), soit l'équivalent de la somme des pertes des parieurs, est également en forte croissance puisqu'il a augmenté de 36,6 % entre 1999 et 2008 . Au premier semestre de 2009, le PBJ a atteint 1.103 millions d'euros, soit une croissance de 0,3 % par rapport à la même période de 2008.

Evolution du PBJ du PMU depuis 1999

(en millions d'euros)

Montant du produit brut des jeux

Evolution

1999

1.600

N.D.

2000

1.680

+ 5 %

2001

1.742

+ 3,7 %

2002

1.756

+ 0,8 %

2003

1.875

+ 6,8 %

2004

1.975

+ 5,3 %

2005

2.051

+ 3,8 %

2006

2.071

+ 0,9 %

2007

2.150

+ 3,8 %

2008

2.185

+ 1,6 %

Source : PMU

L'évolution du résultat d'exploitation est plus favorable puisque la progression fut de 8 % entre 1999 et 2008. La bonne gestion des charges d'exploitation, en baisse de 30,6 % sur la même période, explique en partie ce résultat.

Evolution du résultat et des charges d'exploitation du PMU depuis 1999

(en millions d'euros)

Montant du résultat d'exploitation

Evolution

Part des charges d'exploitation dans le chiffre d'affaires

1999

399

N.D.

7,4 %

2000

445

+ 11,5 %

7,2 %

2001

473

+ 6,3 %

7 %

2002

494

+ 4,4 %

6,8 %

2003

553

+ 11,9 %

6,5 %

2004

614

+ 11 %

6 %

2005

669

+ 8,9 %

5,9 %

2006

694

+ 3,7 %

5,5 %

2007

727

+ 4,8 %

5,3 %

2008

736

+ 1,2 %

5,2 %

Source : PMU

2. Le PMU occupe une place flatteuse au plan mondial

Le PMU a conclu de nombreux contrats de partenariat , soit pour offrir la possibilité de prendre à l'étranger des paris sur les courses françaises, soit à l'inverse pour permettre aux parieurs français de jouer sur des courses étrangères.

Dès 2008, plus de quarante accords du premier type ont été conclus. En 2009, trois nouveaux accords supplémentaires de ce type ont été passés avec les opérateurs de paris mutuels ATG (Suède), l'australien Tapcorp et l'irlandais Tot Ireland .

Comme le montre le tableau ci-dessous, le PMU se situe à une place remarquable dans la hiérarchie des masses d'enjeux hippiques, occupant la deuxième place avec 9.262 millions d'euros en 2008, loin derrière le Japon avec 18.302 millions d'euros (en baisse de 0,4 % par rapport à 2007).

Cet ordre hiérarchique très valorisant serait, sans doute, différent s'il était établi un ratio chiffre d'affaires des mises/population du pays. A ce compte là, Hong Kong aurait toutes les chances d'occuper la première marche du podium.

Classement des principaux opérateurs de paris hippiques dans le monde en 2008

(en millions d'euros)

Pays - opérateur

Montant du chiffre d'affaires en 2008

Evolution par rapport à 2007

Japon - JRA

18.302

- 0,4 %

France - PMU

9.262

4,8 %

Hong-Kong - HKJC

5.922

6 %

Australie - Tabcorp*

4.950

- 3,1 %

Corée - KRA

4.676

13,5 %

Grande-Bretagne - Ladbrokes

Estimation : environ 3,2 milliards d'euros

Grande-Bretagne - William Hill

Estimation : environ 2,6 milliards d'euros

Australie - Unitab*

1.800

0,5 %

Suède - ATG

1.247

0,9 %

Turquie - Jockey Club Turc

1.115

10,8 %

Canada - Total enjeux

1.102

- 0,8 %

Australie - RWWA

925

3,2 %

Singapour - Singapour Turf Club

1.016

7,7 %

Nouvelle-Zélande - New-Zealand Racing Board*

717

6,6 %

UK Tote **

355

10 %

Maroc - PMU Marocain

Estimation : environ 300 millions d'euros

USA - Youbet

300

- 9,5 %

Australie - Tote Tasmanie**

246

24 %

Afrique du Sud - Phumelela***

226

12 %

Finlande - Fintoto

213

2,2 %

Afrique du Sud - Gold Circle

190

4,1 %

Australie - Tab ACT

83

- 0,8 %

Danemark - DanskeSpill

82

- 3,8 %

Suisse - Loro

77

2,4 %

Finlande- Veikkaus

56

7,3 %

Irlande - Tot Ireland

55

- 10,1 %

Allemagne - Mutuel Galop allemand

38

-20,2 %

Allemagne - Mutuel Trot allemand

34

-6,8 %

* Chiffre d'affaires intégrant les enjeux sur les courses de lévrier (environ 15 % du total).

** Chiffre sur courses de chevaux uniquement, n'incluant pas les paris à cote fixe enregistrés par l'opérateur.

*** Chiffre incluant les activités internationales de l'opérateur transitant par l'ile de Man.

Source : PMU

Dans le domaine des prix et des allocations versées aux courses par l'intermédiaire des sociétés mères, le système français occupe une place de premier plan, comme l'illustre le tableau infra .

Le ratio d'allocation moyenne par course est un des critères d'appréciation pertinents pour juger de la force du soutien à la filière équine française et, à travers elle, à l'amélioration de la race chevaline. N'est ce pas la mission donnée aux organisations hippiques françaises à l'origine du PMU ?

Classement des cinq premiers pays
en fonction du montant moyen des prix et allocations par course

Prix et allocations (en euros)

Nombre de courses

Allocation moyenne par course (en euros)

Japon

490.952.819

17.608

27.822

France

365.058.158

17.759

20.556

Grande Bretagne

134.503.660

8.877

15.152

Etats-Unis

955.860.101

107.452

8.896

Australie

279.986.201

35.133

7.969

Source : PMU

C. LE PMU DISPOSE D'UN RÉSEAU DENSE ET BIEN IMPLANTÉ SUR LE TERRITOIRE

Le PMU disposait en 2008 de 9.992 points de vente (207 de plus qu'en 2007) équipés d'un nombre considérable de terminaux performants. Le nombre de ces points de vente a cru régulièrement, sauf de 1998 à 2001.

L'application, selon un rythme de 150 sites par semaine, de la nouvelle identité visuelle , ainsi qu'une réorganisation des espaces et des guichets de prise de paris et de la mise en place de nouveaux mobiliers, représentent un effort soutenu de modernisation.

Le recensement des besoins de chaque point et l'adaptation des personnels sont réalisés grâce à 320 formateurs, qui accompagnent la mise en place des nouveaux terminaux de prise de paris : en 2008, 16.000 d'entre eux ont été déployés .

« Pariez spot », le fer de lance actuel du PMU, totalisait également, fin 2008, 1.323 établissements pour un chiffre d'affaires de 365,5 millions d'euros.

Evolution du nombre de points de vente du PMU

Nombre de points de vente

Nombre d'habitants par point de vente

1991

6.989

8.616

1992

7.110

8.469

1993

7.230

8.329

1994

7.496

8.033

1995

7.633

7.889

1996

7.719

7.801

1997

7.818

7.702

1998

7.791

7.729

1999

7.779

7.741

2000

7.800

7.720

2001

7.835

7.686

2002

7.914

7.609

2003

8.142

7.396

2004

8.530

7.059

2005

8.881

6.780

2006

9.394

6.734

2007

9.785

6.465

2008

9.992

6.331

2009

10.500

6.024

Source : PMU

D. LE PMU, EN RECHERCHE PERMANENTE DE MODERNITÉ ET DE PERFORMANCE, A INVESTI INTERNET

Le PMU a continuellement recherché l'amélioration de ses points de vente, en particulier l'accueil et l'ergonomie des installations et des terminaux, et a accordé une grande importance à la formation des personnes en charge de l'animation des sites et de la vente des produits.

Comme la Française des jeux, mais peut être avant cette dernière, le PMU s'est tourné vers des techniques et des méthodes de prises de paris résolument modernes. Au fil du temps, il a utilisé, pour collecter ses paris, le téléphone, le minitel, une chaîne télévisée spécialisée interactive ( Equidia ). Ainsi, de manière simultanée, le PMU mettait en oeuvre avec ses cafés courses, tous les médias qui lui permettent de télétraiter ses activités. Le virage déterminant du PMU a cependant été son entrée sur le réseau Internet .

Ici, comme dans le cas de la FDJ, l'Etat a donc autorisé le PMU, titulaire d'un monopole de prises de paris sur les courses hippiques, à utiliser Internet tandis qu'il en refusait l'accès aux casinos français. Cette démarche témoigne d'un traitement tout à fait discriminatoire , hautement préjudiciable pour tout un secteur du marché et créateur de distorsions de concurrence qui conduisent à des conflits.

Après cette autorisation, le chiffre d'affaires des paris du PMU pris via Internet, qui était symbolique en 2003 avec 7,8 millions d'euros, a explosé, passant à 142,8 millions d'euros en 2004 puis 250 millions d'euros en 2005 pour atteindre 540,4 millions d'euros en 2008 (soit 25 % de plus qu'en 2007).

Le premier semestre de 2009 montre une progression de 21,7 % des paris sur Internet. Ceux-ci représentent, d'ores et déjà, 72,6 % du chiffre d'affaires de l'ensemble des paris hippiques à distance (744,4 millions d'euros) et 5,8 % du chiffre d'affaires global du PMU. En 2008, 101,5 millions de paris ont été enregistrés sur le site pmu.fr.

Evolution du chiffre d'affaires du PMU sur Internet

Enjeux (en millions d'euros)

Proportion du chiffre d'affaires

Nombre de comptes actifs

2003

7,84

0,11 %

25.597

2004

142,5

1,88 %

79.878

2005

249,1

3,11 %

118.191

2006

327,6

4,04 %

144.477

2007

431,8

4,88 %

170.484

2008

540,4

5,83 %

220.390

Vecteur

Enjeux en 2008 (en millions d'euros)

Proportion du chiffre d'affaires des

paris à distance

Internet

540,4

72,6 %

Téléphone

137,1

18,4 %

Télévision

31,7

4,3 %

Minitel

29,3

3,9 %

Tel mobile

5,9

0,8 %

Source : PMU

Le PMU, en adoptant résolument ces méthodes de prises de paris, a pris une avance significative qui lui est très profitable et le sera plus encore à l'avenir dans le cadre d'une ouverture du marché aux jeux en ligne .

E. LES PARIEURS DU PMU CONSTITUENT UNE CLIENTÈLE IMPORTANTE ET FIDÈLE

Ces parieurs sont nombreux puisque le PMU en annonce quelques 6,5 millions en 2008 . De 1999 à 2008, ce nombre a cru de 8,3 %. Dans le rapport d'information que votre rapporteur avait publié 2006, les données statistiques fournies à l'époque par le PMU étaient sensiblement différentes .

Il faut reconnaître que l'évaluation du nombre de parieurs, qui fait l'objet chaque année d'un savant calcul effectué par le PMU, est particulièrement difficile, évoqué page 57 du rapport d'information précité. Cette « évaluation » est donc moins significative que la simple connaissance du chiffre d'affaires et on ne peut guère lui accorder une grande importance.

Nombre de parieurs du PMU

(en millions d'euros)

Données de 2009

Données de 2006

1999

6

6,5

2000

6

6,3

2001

6,5

6,7

2002

6,5

6,8

2003

6,5

6,7

2004

6,5

6,8

2005

6,5

6,8

2006

6,5

2007

6,5

2008

6,5

Source : PMU

Selon le PMU, « le PMU ne dispose pas d'éléments concernant la moyenne hebdomadaire des mises et des pertes des joueurs (tels que l'on peut les trouver dans les analyses de la FDJ). Une telle moyenne concernant les mises ne pourrait, au reste, refléter la réalité, les parieurs de la semaine n'étant pas nécessairement ceux du week-end. Il en est de même s'agissant de la perte moyenne, qui n'apparaît pas pertinente dans le cadre du mutuel, les gains des uns provenant des pertes des autres ».

Les arguments du PMU sont fondés . La notion d'activité de week-end ne représente rien de significatif pour la FDJ, alors que, pour le PMU, elle traduit la réalité de l'organisation d'une majorité des courses. On peut cependant regretter de ne rien disposer dans ce domaine pour les courses de chevaux, car ces éléments seraient fort utiles quand s'engageront (enfin !) des études sérieuses sur le jeu en France.

F. LE RETOUR AUX PARIEURS ET LES PRÉLÈVEMENTS AU PROFIT DE L'ETAT ET DE LA FILIÈRE ÉQUINE

1. Une évolution contrastée de la redistribution depuis le début des années 1990

L'« assiette » de la redistribution financière effectuée par le PMU est représentée par la masse totale des paris constituant le chiffre d'affaires du GIE. Elle intéresse quatre entités : les parieurs, le budget de l'Etat, la filière hippique française et le PMU lui-même pour ses charges de fonctionnement.

Le taux de retour aux joueurs (TRJ) ou parieurs, qui était de 71,9 % en 1991, a connu une période de très faible amélioration jusqu'en 1995 , passant de 71,9 % à 72,2 % (!), suivie d'une période « grise » de détérioration jusqu'en 2001 (69,6 %), et enfin une phase de croissance relativement régulière jusqu'en 2008 (74,8 %). La progression totale est donc de 2,9 points du chiffre d'affaires sur dix-sept années, soit de seulement 0,23 % par an !

Cette amélioration sur longue période n'a donc rien de spectaculaire et le TRJ du PMU français ne figure toujours pas sur le podium des TRJ mondiaux.

Une fois réalisé le TRJ, la redistribution s'effectue par le partage du PBJ entre le PMU qui paie ses charges de gestion, l'Etat qui prélève au profit de son budget, et la Direction des sociétés de courses en charge de la part du prélèvement qui revient directement aux sociétés.

Les prélèvements publics effectués par l'Etat pour son propre budget étaient de 17,8 % en 1991 . A l'exception d'une courte période de deux ans (1997 et 1998), pendant laquelle ils ont connus une faible augmentation, leur taux n'a, depuis, cessé de baisser pour atteindre 11,8 % en 2008 , soit une réduction du tiers en proportion.

Sur une période de 17 ans, cela correspond à une baisse de 2 points par an, ce qui est louable de la part d'un Etat plutôt « croupier » à son habitude.

Les prélèvements en faveur de la filière hippique française constituent un point particulièrement important compte tenu, d'une part, de la valeur économique significative de cette aide apportée à un secteur agricole aussi digne d'intérêt, et d'autre part, de la place qu'occupe ce processus dans les négociations entre la France et la Commission européenne dans la perspective d'une ouverture du marché français aux jeux en ligne.

Ce taux « de retour » à la filière hippique était de 5 % en 1991 et représentait 263 millions d'euros. En 2008, il était de 8 % et représentait 736 millions d'euros.

Enfin les charges de fonctionnement du GIE sont apparemment restées stables entre 1991 et 2008 (5,5 %), mais en fait, cette évolution rassurante sur dix-sept ans masque une période de croissance des frais de gestion assez prolongée , pendant laquelle ceux-ci ont crû de 49 %, passant, en huit ans, de 5,3 % du chiffre d'affaires à 7,9 %.

Cette dérive des dépenses de fonctionnement valut à l'époque au PMU de vives critiques de la part des pouvoirs publics. Une sérieuse reprise en main de la gestion en 1999 permit une réduction progressive et sensible des charges puisque celles-ci baissèrent de 30 %, ramenant, entre 2000 et 2008, leur taux de 7,9 % à 5,5 %, c'est-à-dire pratiquement leur niveau de 1991.

Evolution depuis 1991 du TRJ, des prélèvements publics
et du prélèvement en faveur de la filière hippique

(en millions d'euros)

Année

TRJ

Prélèvement public

Fonctionnement

du PMU

Filière hippique

Montant

En % des enjeux

Montant

En % des enjeux

Montant

En % des enjeux

Montant

En % des enjeux

1991

3.794

71,9 %

942

17,8 %

281

5,3 %

263

5 %

1992

3.786

72 %

933

17,7 %

278

5,3 %

264

5 %

1993

3.682

72 %

883

17,3 %

285

5,6 %

264

5,2 %

1994

3.653

72,2 %

864

17,1 %

297

5,9 %

247

4,9 %

1995

3.596

72,2 %

847

17 %

288

5,8 %

247

5 %

1996

3.766

70,2 %

884

16,5 %

360

6,7 %

356

6,6 %

1997

3.658

69,4 %

910

17,3 %

353

6,7 %

349

6,6 %

1998

3.682

69,1 %

930

17,4 %

375

7 %

345

6,5 %

1999

3.754

69,2 %

921

17 %

427

7,9 %

327

6 %

2000

4.023

69,6 %

954

16,5 %

437

7,6 %

370

6,4 %

2001

4.343

70,4 %

979

15,9 %

457

7,4 %

392

6,4 %

2002

4.569

71,2 %

976

15,2 %

459

7,1 %

410

6,4 %

2003

5.049

71,9 %

1.033

14,7 %

477

6,8 %

461

6,6 %

2004

5.478

72,5 %

1.083

14,3 %

481

6,4 %

516

6,8 %

2005

5.826

72,7 %

1.126

14,1 %

493

6,1 %

566

7,1 %

2006

5.901

72,8 %

1.026

12,7 %

525

6,5 %

653

8,1 %

2007

6.546

74 %

1.074

12,1 %

495

5,6 %

727

8,2 %

2008

6.924

74,8 %

1.096

11,8 %

506

5,5 %

736

8 %

N.B : Les données de 1991 à 1995 concernent les enjeux pris en France sur les réunions ou courses nationales. A partir de 1996 les données concernent les enjeux pris en France et à l'étranger, sur toutes les courses supports de paris PMU. A partir du 1 er janvier 2007, la présentation des comptes a été affectée par la mise en place du taux de retour aux parieurs. En 2007 et 2008, le financement public intègre les prélèvements sociaux (CSG et CRDS).

Source : PMU

Source : rapport annuel du PMU pour l'exercice 2008

2. La modération de l'Etat a permis d'améliorer les retours aux joueurs et à la filière équine

L'évolution comparée de ces quatre facteurs de la redistribution des mises est intéressante.

Affectataire

Part en 1991

Part en 2009

Evolution de 1991 à 2009

TRJ

71,9 %

74,8 %

+ 2,9 points

Etat

17,8 %

11,8 %

- 6 points

Filière hippique

5 %

8 %

+ 3 points

PMU

5,3 %

5,5 %

+ 0,2 point

Une certaine modération de l'Etat et le redressement de la gestion du GIE ont permis d'améliorer le soutien à la filière équine et le TRJ.

Cela dénote, même si les plus-values du TRJ sont relativement modestes, de bons choix économiques des pouvoirs publics et une bonne gestion de l'ensemble. L'Etat, dès lors qu'il a décidé d'aider la filière hippique, a su modérer ses propres prélèvements.

La Commission européenne a pu accuser la France de « rapacité » dans sa gestion des jeux. Ce grief ne peut décemment pas concerner la politique française en matière de courses de chevaux. Cela dit, si le comportement de l'Etat est aussi « éclairé » quand il s'agit du PMU, dont il a créé le monopole et dont il observe la gestion avec une grande attention, il ne fait pas nécessairement preuve d'autant de mansuétude pour d'autres acteurs des jeux . On le constatera plus loin en étudiant son comportement à l'égard des casinos.

3. Un soutien financier indispensable à la filière equine

La filière équine française représente l'ensemble des acteurs, des produits, actions, structures et flux liés au cheval. Elle englobe toutes les étapes de la production à l'utilisation des divers produits, chacune d'entre elles apportant une valeur ajoutée.

Sur le plan économique, il convient de distinguer quatre secteurs : les courses et leurs acteurs, les sports et loisirs, les équidés du travail, la viande et son commerce.

Si le présent rapport se doit de traiter en priorité le secteur des courses puisqu'il est le support des paris du PMU, il sera dit quelques mots des autres secteurs car la filière équine est un ensemble très diversifié dont chacun des composants dépend étroitement des autres.

Ainsi qu'il a déjà été évoqué, 736,4 millions d'euros (8 % du chiffre d'affaires) ont été versés en 2008 par le PMU aux sociétés de courses, à charge pour ces dernières d'effectuer une répartition harmonieuse de ces encouragements entre les différentes catégories de bénéficiaires. A ce versement s'ajoute le Fonds des haras, sous la forme d'une dotation du Fonds commun de l'élevage et des courses.

Les « encouragements » (sous entendu historique « à l'amélioration de la race chevaline ») prennent différentes formes : primes et allocations aux propriétaires des gagnants et placés des courses, surprimes aux propriétaires de chevaux nés et élevés en France, primes aux éleveurs et contributions diverses aux sociétés de courses. Ce système de répartition entre les bénéficiaires est sans aucun doute le fruit d'inlassables marchandages et arbitrages, ô combien délicats, du monde très fermé du cheval.

Les résultats de cette consistante « irrigation » financière sont tout à fait remarquables : entre autres choses, elle permet à la France d'avoir la réputation de proposer des courses mieux dotées qu'ailleurs.

G. LE PMU SOUTIENT LA POLITIQUE DU JEU RESPONSABLE VOULUE PAR L'ETAT

Pendant longtemps, le GIE PMU s'est sans doute contenté d'administrer de son mieux la mission complexe qui lui était confiée . Les sociétés hippiques, préoccupées de la survie de la filière, elle-même très dépendante de la manne versée par le PMU, n'étaient pas particulièrement soucieuses des addictions au jeu et des conséquences familiales et sociales désastreuses que ces dernières entraînent.

Le PMU affichait à cet égard une attitude très réservée , ne craignant nullement d'affirmer qu'il n'y avait aucun problème de cette nature dans le monde des paris hippiques. Après tout, les interdictions de jeux, volontaires pour l'immense majorité d'entre elles, et découlant des réflexes de survie des joueurs les plus vulnérables, ne concernaient (et ne concernent toujours) que les jeux de casinos et de cercles.

Et puis, comment sensibiliser les distributeurs des produits du PMU aux problèmes de l'addiction et leur donner les outils pour agir à l'égard des joueurs en difficulté ? Selon quels critères et avec quels moyens ?

S'il était possible que certains guichetiers vertueux refusent de laisser des mineurs jouer, comment refuser à une famille de laisser à une « main innocente » et enfantine le soin de choisir le cheval présumé meilleur que les autres ?

Quand le dernier gouvernement du Président Jacques Chirac énonça pour la première fois la notion de « jeu responsable », le PMU, du même pas que la FDJ, manifesta, de différentes manières, ce nouveau souci du sort des « blessés » du jeu .

Le PMU participe ainsi à des actions d'un très grand intérêt pour la recherche, la prévention de l'addiction et les soins qu'il convient d'apporter aux malades.

Ainsi, le GIE cofinance avec la FDJ le Centre de référence sur le jeu excessif évoqué plus haut. Tutelle et monopole d'Etat obligent, le PMU sait et saura conserver dans ce domaine l'attitude qui convient.

Chiffres clefs du PMU et de l'équitation en 2007 et 2008

Sur le PMU (2008) :

- 6,5 millions de joueurs

- 9.992 points de vente (10.500 en 2009)

- chiffre d'affaires : 9.262 millions d'euros, dont 540 millions d'euros sur Internet, soit 5,8 % du chiffre d'affaires total

- produit brut des jeux : 2.185 millions d'euros, soit + 1,6 % par rapport à 2007

- retour aux parieurs : 6.924 millions d'euros, soit un taux de retour de 74,8 %

- prélèvements fiscaux et sociaux : 1.096 millions d'euros, soit 11,8 % des enjeux

- subvention à la filière équine : 736,4 millions d'euros, soit 8 % des enjeux

- frais de gestion : 506 millions d'euros, soit 5,5 % des enjeux

Sur l'équitation (2007) :

- 560.831 sportifs (+ 6 % par rapport à 2006)

- 3 % des Français de plus de 15 ans sont des pratiquants réguliers

- 1,5 million de cavaliers réguliers

- 6.625 établissements équestres

Sur les compétitions équestres officielles (2007) :

- 1.405 sociétés

- 18.458 épreuves organisées

- 672.175 partants et 67.273 chevaux engagés

- 12.796 millions d'euros de gains

- 115.459 cavaliers licenciés

Sources : rapport annuel 2008 du PMU ; annuaire ECUS 2008 des Haras Nationaux

III. LA SITUATION DES CASINOS ET DES COMMUNES QUI LES ACCUEILLENT

A. LE JEU DANS LES CASINOS ET LES CERCLES - LE MILIEU ET L'AMBIANCE

1. Une ambiance « à part »

Dire que l'atmosphère et l'ambiance qui règnent dans les casinos et les cercles de jeux sont particulières n'est en rien péjoratif.

Dans le monde des jeux français, il existe vraiment des différences considérables entre les lieux, leurs aménagements, et l'accueil qui y est réservé aux clients : les joueurs, parieurs et autres gratteurs de cartes n'y viennent pas du tout rechercher les mêmes choses, les mêmes émotions (puisqu'il est convenu de dire que la recherche des émotions, du stress, est le moteur principal du recours au jeu d'argent).

Qu'y a-t-il de commun entre les brefs instants passés au café pour jouer au Rapido ou pour acheter un ticket que l'on grattera sur le trottoir, un après -midi en famille sur un hippodrome à regarder courir des chevaux, et une longue soirée au casino à se battre en solitaire avec une machine à sous ou à vibrer à une table de poker ?

Les climats sont totalement différents, les jeux également, de même que les budgets nécessaires pour acheter ces « temps de jeux » si prenants.

Depuis toujours, le casino, pour sa part, s'est efforcé de rassembler pour ses clients plusieurs éléments d'attraction : un cadre confortable (souvent luxueux), une restauration de qualité (souvent offerte), des animations diversifiées (souvent gratuites).

Si l'aménagement du cadre est laissé à l'initiative du casinotier, les deux autres éléments, la restauration et l'animation, font partie des exigences du cahier des charges que l'opérateur a signé un jour avec la commune d'accueil et dont le ministère de l'intérieur vérifie régulièrement qu'elles sont respectées.

L'accueil du public dans le casino est particulièrement attentionné et soigné : le client y est connu, reconnu, salué et considéré. Le joueur a ses habitudes, ses machines préférées; on le soigne, on le « chouchoute », un verre par ci par là, des attentions, l'« amitié » du directeur... On le garde même à dîner de temps à autre mais il ne peut jouer à crédit car la loi l'interdit expressément.

La population qui fréquente les casinos, très souvent constituée de personnes isolées et/ou âgées, est très sensible à ces conditions d'accueil : le respect des casinotiers et de leur personnel fidélisent ces clients qui se rendent régulièrement à « leur casino » comme d'autres fréquentent leur « club », ou le cercle de jeu dont ils sont membres.

Naguère ils pouvaient même y fumer tout à loisir . L'interdiction récente de « pétuner » (jointe à l'établissement en 2006 du contrôle des identités aux entrées) a d'ailleurs porté un coup sévère au chiffre d'affaires des opérateurs.

On le verra plus loin, les casinotiers devront, pour rétablir une situation compromise, améliorer encore leur accueil et inventer de nouveaux procédés de séduction pour rester « ces lieux d'ambiance et de divertissement qui font partie de l'offre touristiques ».

Sans oublier que longtemps l'administration leur a refusé nombre d'innovations techniques qui leur auraient permis de moderniser leur fonctionnement et de mieux lutter contre les nouvelles concurrences qui font grand usage de ces innovations.

2. Les principales caractéristiques de la clientèle

Quelques données sur la clientèle, communiquées par la filière française des casinos, sont éclairantes :

- 84 % des clients ont fréquenté un casino moins de cinq fois dans l'année ; et 52 % ne sont venus qu'une fois dans l'année 2008 ;

- les clients viennent en moyenne 4,7 fois par an et 55 % des visites ont lieu après 20 heures ;

- un client dépense en moyenne par visite 61,10 euros au jeu et 26,70 euros au bar ou au restaurant .

Ces clients se répartissent ainsi :

Source : Atout France 2009

On constate donc que 28 % de la clientèle des casinos est constituée de retraités, inactifs et chômeurs, soit une catégorie socio professionnelle qui représente 34,9 % de la population française.

En fait, ces climats de jeu spécifiques créent des clientèles et des habitudes de jeu fort différentes. Par contre, le nouveau cadre d'Internet peut les rassembler et leur offrir des conditions de jeu quasi identiques . L'ordinateur standardise les conditions, nivelle les façons de jouer et, si on excepte les pages d'accueil personnalisées des sites, offre un cadre identique.

Dans cette situation « électronique », les points communs pour les joueurs sont la facilité d'accès (zéro kilomètre), l'absence (pour l'instant) d'obligations de préciser son âge ou de prouver que l'on n'est pas « interdit de jeu », l'excitation du jeu et... la solitude devant l'écran .

Ce dernier point est particulièrement préoccupant et inquiète les sociologues et les médecins , car cette solitude privera les joueurs de la chaude ambiance d'un casino, d'un café ou d'un club PMU, et aggravera à coup sûr les situations personnelles de ceux qui étaient déjà isolés dans leur jeu et par leur jeu.

B. L'HISTOIRE DES CASINOS EST ANCIENNE ET A ÉTÉ PARFOIS TOURMENTÉE

1. Des interdictions anciennes mais « à géométrie variable »

Le principe des casinos (de l'italien « casa ») est né à Venise en 1626 mais l'empire romain avait déjà dû légiférer pour pouvoir frapper les tenanciers de maisons de jeux (et non les joueurs) coupables « d'abjection ». En France, le Royaume tenta d'interdire le jeu (à l'exception de celui qui se pratiquait dans les salons du monarque), et le toléra pour les nobles à la fin du XVI ème siècle. La Révolution française toléra le jeu tout en le proscrivant dans les textes.

En 1806 le Préfet de police, par un simple décret, put délivrer des autorisations dérogatoires pour les stations balnéaires et « pour les lieux où il existe des eaux minérales, pendant la saison des eaux seule et pour la Ville de Paris ». Cette définition rudimentaire aurait pu, si elle était restée inchangée, fournir à n'importe qui, pourvu qu'il ait sous la main une bouteille d'eau minérale, une parfaite justification de l'organisation d'un jeu.

2. L'édification de la législation et de la réglementation

L'évolution des textes, par la suite, fut succincte : la « loi fondamentale » du 15 juin 1907 , la décision très contraignante de 1920 qui interdit l'établissement de casinos à moins de 100 kilomètres de la capitale, l'exception de 1931 à cette mesure au profit de la ville d'Enghien, l'introduction d'autres jeux d'origine américaine en 1969, l'amendement « Chaban-Delmas » de 1988 pour les villes de 500.000 habitants et enfin (on pourrait dire surtout) l'autorisation des machines à sous slot machines ») par le ministre de l'intérieur Charles Pasqua en 1987 .

Une mention particulière peut être attribuée au décret de 1959 qui a précisé qu'un tel établissement devait comporter « trois activités distinctes : spectacle, restauration et jeux, réunies sous une direction unique sans qu'aucune d'elles puisse être affermée ». Le tout pour une activité concédée et considérée comme un service public local.

La législation française en matière de jeux d'argent est donc ultra simplifiée, fondée sur le principe très régalien selon lequel, en quelque sorte, « Tous les jeux d'argent et de hasard sont interdits sauf ceux pour lesquels l'Etat accordera, soit un monopole très défini, soit des autorisations temporaires révocables ad nutum ».

Par contre, la réglementation est foisonnante, compliquée, souvent obsolète et très éloignée des réalités et des préoccupations économiques des opérateurs. Cela dit, du strict point de vue de l'ordre public dont l'Etat est responsable, l'ensemble est cohérent et efficace .

3. Une image qui a pu être entachée par la criminalité

Si l'on peut dire que l'histoire des casinos n'a pas toujours été aussi « paisible » que de nos jours, c'est que pendant longtemps, ce qu'en voyait la population, ce qu'en disaient les « médias » de l'époque, se limitait à quelques dramatiques faits divers traitant de suicides de joueurs ruinés au cours d'une nuit « titanique » ou aux épisodes sanglants d'escarmouches opposant des truands ambitieux et désireux de tenir des places fortes du jeu et luttant pour les conquérir.

Le crime a toujours aimé le jeu qui lui procure, en particulier, à condition de tenir solidement certaines positions, la possibilité de « blanchir » un argent aussi abondant que mal acquis.

Le souci de lutter contre ce blanchiment d'argent est particulièrement vif quand il s'agit d'ouvrir le marché aux jeux en ligne.

C. LES ÉVOLUTIONS DE LA STRUCTURE DE L'OFFRE

1. Un développement accéléré à partir des années 90

Trois données marquent l'évolution de ce secteur : le nombre croissant des établissements, une concentration des sociétés qui s'est progressivement effectuée sous la forme de groupes de casinos et leur équipement accéléré en machines à sous .

Nombre de casinos ouverts en France métropolitaine et outre-mer

Casinos

Machines à sous

Emplois

1984/1985

135

0

N.D.

1990/1991

132

3.340

1991/1992

136

6.378

1993/1993

142

9.396

1993/1994

148

10.564

1994/1995

153

11.416

1995/1996

156

11.840

1996/1997

159

12.845

1997/1998

159

12.927

1998/1999

160

13.217

12.600 *

1999/2000

166

13.557

N.D.

2000/2001

170

14.403

2001/2002

176

14.888

2002/2003

180

16.403

2003/2004

188

17.873

2004/2005

190

18.787

2005/2006

193

19.384

18.100 *

2006/2007

194

20.978

18.200 *

2007/2008

196

22.940

18.350

2008/2009

197

N.D.

N.D.

* En 1999 : 78,8 salariés par casino ; en 2006 : 81 ; en 2008 : 92,8

2. Les concentrations : création et développement des groupes de casinos

Déjà, en 2001, huit groupes principaux réalisaient 74 % des parts du marché des 173 casinos existants, aux côtés de quelques petits groupes et des casinos indépendants. La répartition en 2001 était la suivante :

Situation concurrentielle du secteur des casinos en 2001

Rang

Groupes

Part de marché

1

Partouche

19,1 %

2

Barrière

16,7 %

3

Accor casinos

10,1 %

4

Européenne de casinos

8,8 %

5

Tranchant

8,5 %

6

Didot Bottin

4,5 %

7

Moliflor

4,5 %

8

Emeraude

2,2 %

Total des huit groupes

74 %

Indépendants

25,9 %

Source : ministère de l'intérieur

Les concentrations se poursuivirent et, en octobre 2005, la situation était la suivante :

Situation concurrentielle du secteur des casinos en octobre 2005

Rang

Groupes

Nombre de casinos

Nombre de machines à sous

Produit brut des jeux en millions d'euros

Part de marché

1

Barrière - Accor

33

5.187

822,8

28,4 %

2

Partouche

50

5.676

814

30,4 %

3

Moliflor Loisirs

20

1.705

237,6

9 %

4

Tranchant

17

1.598

221,5

8,4 %

5

Emeraude

9

578

55,9

2,1 %

6

Cogit

8

609

77,2

2,9 %

7

Viking

5

310

N.D.

1,1 %

8

Arevian

6

315

0,7 %

9

Malortigue

4

340

N.D.

10

Meyrieu

3

225

1,2 %

11

Aupiais

3

240

1,3 %

12

Hirigoyen

3

164

0,44 %

Total

161

16.941

N.S.

N.S.

Indépendants *

33

3.223

395,8

9,3 %

Source : ministère de l'intérieur

Entre 2001 et 2005, le groupe Partouche a absorbé l'Européenne de casinos, puis Didot Bottin ; Lucien Barrière s'est rapproché d'Accor ; et le groupe Tranchant s'est peu développé. Le nombre des casinos indépendants a beaucoup diminué, et Moliflor Loisirs a pris le nom de Joa en 2008. Le tableau ci-après illustre l'impact de ce mouvement de concentration.

Evolution de la part de marché des cinq principaux groupes

Nombre de casinos pour les cinq principaux groupes

Produit brut des jeux en millions d'euros

Part de marché

2001

87 soit 51 %

829

63,2 %

2004

116 soit 62 %

2.076

79,5 %

2006

129 soit 66 %

N.C.

N.C.

Source : commission des finances

Ces opérations sont-elles destinées à se poursuivre ? Le rapport d'information de 2006 de votre rapporteur posait déjà cette question. Il est difficile d'y répondre compte tenu de la situation actuelle. Il est certain que de nombreux petits établissements indépendants sont de plus en plus fragilisés et que le schéma d'implantation globale des casinos en France est susceptible d'évoluer.

Situation du secteur des casinos au 31 octobre 2008

Rang

Groupes

Nombre de casinos

Produit brut des jeux en millions d'euros

1

Lucien Barrière

34

802,7

2

Partouche

49

729,5

3

Joa Groupe

20

223,5

4

Tranchant

16

215,7

6

Cogit

9

93,6

7

Emeraude

8

65,1

8

Tahoe/Chequers

4

51,3

9

Viking

7

42,5

8

Arev finances

6

19,6

10

Omnium

3

17,7

11

La Tête dans les nuages

3

16,7

Sous-total

159

2.277,9

Indépendants

37

275,8

Total

196

2.553,7

Source : Atout France 2009

Pour tenter d'apprécier les capacités de résistance des différents casinos actuellement confrontés à la crise et aux difficultés spécifiques de leur profession, il faut savoir qu'en 2008 :

- les 38 casinos les plus importants réalisaient plus de la moitié du produit brut des jeux (PBJ) ;

- les 46 suivants (25 % des établissements) réalisaient 26 % du PBJ ;

- et les 112 casinos les moins importants (soit 57 % des établissements) seulement 23 % du PBJ.

D. LA CROISSANCE DES CASINOS : TROIS PÉRIODES BIEN DISTINCTES ET DES DIFFICULTÉS RÉCENTES

1. La très forte hausse du produit brut des jeux entre 1987 et 2003

Les casinos ont, jusqu'en 2003 (et en tenant compte de l'inflation), bénéficié d'une forte croissance , l'année 1987 ayant été marquée par l'arrivée des machines à sous. La progression a ensuite été plus lente, avant que le secteur ne soit durement affecté de plein fouet avec une diminution du PBJ de 8,4 % en 2007/2008 (à parc constant, c'est-à-dire hors création de casino, le PBJ a régressé de 10,2 %).

Le PBJ des casinos et son évolution depuis 1985

Exercice

Produit brut des jeux (en millions d'euros)

Evolution en %

1984/1985

150

+ 4,1

1985/1986

129

- 14

1986/1987

155

+ 20

1987/1988

190,5

+ 22,9

1988/1989

301

+ 58

1989/1990

350,4

+ 16,4

1990/1991

365,8

+ 4,4

1991/1992

392

+ 7,1

1992/1993

512

+ 30,4

1993/1994

632

+ 32,5

1994/1995

860

+ 26,8

1995/1996

1.051

+ 22,1

1996/1997

1.224

+ 18,4

1997/1998

1.409

+ 13,2

1998/1999

1.644

+ 16,6

1999/2000

1.830

+ 11,3

2000/2001

2.050

+ 12,3

2001/2002

2.270

+ 10,8

2002/2003

2.450

+ 7,8

2003/2004

2.540

+ 3,7

2004/2005

2.610

+ 2,6

2005/2006

2.640

+ 1,3

2006/2007

2.780

+ 5,5

2007/2008

2.550

- 8,4

La répartition du produit brut par jeu est relativement immuable. Les effets de l'arrivée du Texas Hold'em Poker méritent cependant d'être analysés, puisque son admission est récente, qu'elle suit une longue et précautionneuse période d'essai et que, jusqu'à présent, chacun a voulu voir et espérer, dans l'arrivée du poker, une possible réanimation des jeux de tables entraînés dans une baisse désespérante, comme le montre le tableau ci-après.

Ventilation du produit brut par type de jeu

Exercice

Produit brut des jeux (en millions d'euros)

Part des machines à sous

Part du poker

Part des autres jeux de table

2006/2007

2.788

93,43 %

0,31 %

6,26 %

2007/2008

2.553

92,86 %

1,38 %

5,76 %

2. Une grave crise depuis deux ans malgré la diversification du chiffre d'affaires

La récente et forte baisse du PBJ est bien évidemment variable selon les établissements, mais elle semble avoir atteint plus de 10 % en moyenne et ceci pour les exercices 2007/2008 et 2008/2009, à telle enseigne que le ministère des finances a jugé opportun de soutenir les casinos en difficultés par plusieurs modifications de leur réglementation fiscale , notamment à l'article 46 du présent projet de loi.

C'est ainsi que le barème du prélèvement progressif (figé depuis plus de vingt ans) a été actualisé par un décret du 26 août 2009 (applicable rétroactivement au 1 er novembre 2008) et que l'assiette du PBJ a été dissociée entre jeux traditionnels et des machines à sous. On peut aussi considérer que les décrets concernant le mode d'attribution des nouvelles dotations de machines à sous procèdent des mêmes intentions.

Reste que par voie de conséquence, les communes disposant d'un ou plusieurs casinos sur leur territoire subissent immédiatement le contrecoup de la baisse des PBJ. Les versements trimestriels du prélèvement communal destiné à leur budget sont réduits à due proportion. Cette préoccupation des maires a d'ailleurs été entendue à l'Assemblée nationale lors de l'examen du projet de loi lui-même.

En outre, la quasi-totalité des casinos perd de l'argent avec les tables de jeux traditionnels que l'Etat les contraint de tenir ouvertes, ce qui a rendu pendant longtemps cette obligation tout à fait déconnectée des réalités économiques et a pu être source de conflits avec l'Etat.

Il convient de rappeler que pour les casinos, le PBJ et le chiffre d'affaires n'ont pas la même signification . Le PBJ, notion retenue par la réglementation, est uniquement constitué par les pertes des joueurs (qui reviennent aux établissements) et constitue l'assiette des prélèvements de l'Etat et des communes. Le chiffre d'affaires d'un casino, notion économique, est pour sa part constitué du PBJ mais aussi d'autres recettes provenant des autres activités de l'établissement, tels que le bar, la restauration ou les spectacles. La répartition par activités du chiffre d'affaires des casinos en 2008 le montre bien.

Source : Atout France 2009

Le chiffre d'affaires « reconstitué » à partir du taux de retour aux joueurs n'est donc que virtuel et, partout dans le monde, seul le produit brut des jeux ( Gross Gaming Revenu en anglais) est utilisé comme référence.

3. La difficulté de la croissance interne et externe

Le problème majeur pour les casinos est d'assurer leur croissance, qui ne peut s'effectuer que de deux manières : externe et/ou interne.

La croissance externe concerne davantage les groupes et ne peut se réaliser que par des achats de casinos, ou la création de nouveaux établissements. Or la création d'un nouveau casino représente un véritable « parcours du combattant » . Il est coûteux et aléatoire; les critères d'autorisation de la Commission supérieure de jeux et du ministère de l'intérieur sont draconiens, les lieux d'implantation intéressants sont déjà bien occupés, voir saturés.

De plus les cahiers des charges sont de plus en plus difficiles à négocier avec les communes, tant ces partenaires incontournables se montraient exigeants avant que les activités des casinos ne chancellent sous les coups de l'instauration du contrôle aux entrées, de l'interdiction du tabac et, surtout, de la concurrence des jeux en ligne.

Les demandes de création déposées à la Commission supérieure des jeux, qui analyse et donne ses avis au ministre de l'intérieur, n'ont au cours de ces dernières années abouti qu'à deux ou trois nouvelles autorisations par an . Les opérations les plus significatives ont donc été des opérations d'absorption et de concentration.

Si les casinos misent sur leur croissance interne , il leur faut obligatoirement augmenter le nombre de leurs machines à sous puisque la fréquentation des tables de jeux traditionnels périclite ou, dans le meilleur des cas, stagne, malgré les récentes tentatives de « mixages » des jeux dans des salles communes.

Les machines constituent donc quelques 61 % du chiffre d'affaires d'un établissement; l'apport des tables de jeux reste minime et n'offre pas de perspectives importantes de croissance, même si l'autorisation, récente, du Texas Hold'em Poker a permis, au moins au début, d'espérer un nouveau développement. D'où les demandes incessantes de dotations supplémentaires de ces « bandits manchots » (terme déjà anachronique puisque le levier qui a donné son surnom aux machines est depuis longtemps remplacé par des boutons) présentées à la Commission supérieure des jeux.

Celle-ci les accordait au compte-goutte, respectant scrupuleusement la feuille de route (non écrite) qui lui demandait, c'est très clair, de jouer dans ce secteur davantage le rôle d'un frein que d'un accélérateur. Néanmoins ladite commission ne donne, faut-il le rappeler, qu'un avis. Tel ministre s'était engagé à toujours suivre la CSJ et à respecter cette règle, comme c'est le cas actuellement. Tel autre, harcelé par les casinotiers mécontent des refus qui leur étaient opposés, a déjugé la Commission qui s'est sentie tout à fait bafouée.

Pour en finir, un récent texte réglementaire du ministère de l'intérieur a tranché en modifiant profondément le mode d'attribution des machines, qui est désormais automatique et directement lié au nombre de tables de jeux ouvertes et actives . Le gendarme gênait, on a donc supprimé le gendarme. La CSJ voit maintenant son rôle limité à l'examen des demandes de création, des modifications des jeux traditionnels, des casinos, à ses pouvoirs disciplinaires et à l'administration des cercles de jeux. En attendant sans doute d'être intégrée dans le nouveau Comité consultatif des jeux que prévoit le présent projet de loi et dont votre rapporteur a souhaité préciser la structure.

Le frein de la CSJ disparaît donc et il est remplacé par le frein que constitueront peut être les calculs de gestion de l'opérateur. Ceux-ci lui seront propres et n'engageront que sa seule responsabilité économique. On verra plus tard ce que vaut cette nouvelle logique. On peut cependant souhaiter que la France, d'une manière ou d'une autre, ne devienne pas laxiste dans le domaine des machines à sous .

Il est en tout cas clair que l'offre importante de jeux qu'apportent ces machines a besoin d'être cantonnée dans les casinos pour éviter les débordements observés dans certains pays européens, où l'on trouve de telles machines quasiment n'importe où sur la voie publique.

E. LES PRÉLÈVEMENTS DE L'ETAT ET DES COMMUNES, UNE CHARGE CONSIDÉRABLE

Disons le tout de suite, les réactions d'un contribuable face à une lourde fiscalité ne sont pas les mêmes selon qu'il vit une période de croissance confortable de ses activités et de son chiffre d'affaires ou, à l'inverse, une phase de régression d'autant plus inquiétante que la baisse enregistrée ne dépend pas pour l'essentiel de son travail et de ses propres moyens d'action. Autrement dit ce contribuable, pour utiliser une expression fréquemment rencontrée dans les compétitions sportives, « n'a plus son destin en main ».

Dans le premier cas, il se console des ponctions fiscales car la conjoncture économique est bonne, voire très bonne. Dans l'autre, il s'inquiète, s'irrite et fait pression pour que la collectivité publique tienne compte d'une conjoncture défavorable et « aménage » sa fiscalité.

C'est, nous le verrons, le cas des casinos qui sont en grande difficulté en 2009, pour des raisons qui n'ont finalement pas grand' chose à voir avec la crise financière à laquelle le monde est confronté.

Il reste que la fiscalité d'Etat est lourde et compliquée à l'extrême.

Sans reprendre en détail la description qu'en donnait le premier rapport d'information de votre rapporteur en 2002, rappelons-en les grandes lignes.

1) L'assiette des prélèvements de l'Etat est le produit brut des jeux . Aux tables, le PBJ sera représenté, en fin de journée, par le cumul des encaisses finales, auquel viendra s'ajouter celui des encaisses des machines à sous. Il s'agit là du gain brut du casino qui va connaître, par la suite, un traitement fiscal pour le moins « musclé » et dont le tableau suivant, extrait du rapport précité, décrit le déroulement.

2) La première partie de la fiscalité recouvre les impôts et taxes relatifs à l'activité ludique des casinos. On relève ainsi quatre prélèvements concomitants :

- deux prélèvements « forfaitaires » de 0,5 % sur les jeux de tables et de 2 % sur les machines à sous. Ils sont réalisés au premier euro et ne bénéficient d'aucun abattement ;

- un prélèvement « progressif » introduit en 1986, qui fait l'objet de deux abattements et dont grosso modo 90 % revient à l'Etat et 10 % à la commune d'implantation. Les tranches de son barème n'avaient cependant jamais été actualisées depuis 1988 en fonction de l'évolution de l'inflation, ce qui constituait déjà en 2002 un alourdissement de la charge de 30 %. Cette manière de faire, particulièrement inéquitable, a été corrigée en 2009 par le Gouvernement avec une actualisation du barème équivalente à l'inflation passée, après 23 ans d'attente ;

- un prélèvement dit « conventionnel », direct sur le PBJ et opéré par les communes, en application du cahier des charges cosigné par le casino et le maire. Il est plafonné à 15 %, mais bien rares sont les communes qui ont adopté un taux inférieur et à chaque renouvellement de la concession, ce taux peut être rediscuté.

Les prélèvements au profit de l'Etat et de la commune sont effectués chaque quinzaine .

Outre la revalorisation récente du barème du prélèvement progressif, il est à noter que le produit brut des machines à sous est depuis 2008 assis sur le produit réel abattu de 15 %, la notion de « glissement » (différence entre le produit théorique et le produit réel) ayant été supprimée, ce qui a grandement facilité la gestion des parcs de machines à sous.

3) Dans la seconde tranche de fiscalité, on retrouve tous les prélèvements sociaux et impôts de droit commun :

- la CSG et la CRDS ont comme assiette le PBJ ;

- pour les autres prélèvements fiscaux (impôt sur les sociétés ou sur les bénéfices industriels et commerciaux, taxe sur les salaires, taxe professionnelle, taxe d'habitation, taxe sur le foncier bâti, taxe sur les spectacles), l'assiette peut être plus large lorsqu'elle porte sur le résultat ou d'autres éléments calculés à partir du chiffre d'affaires, qui outre le PBJ inclut les autres recettes des établissements. C'est l'existence de ces deux dimensions - PBJ et chiffre d'affaires - qui rend l'analyse des comptes des casinos plus difficile que celle du PMU ou de la FDJ pour lesquels le PBJ correspond au chiffre d'affaires.

Pour les casinos, on peut donc estimer que les autorités publiques se sont efforcées avec succès de ne rien oublier de ce qui était taxable ! Les prélèvements représentaient ainsi 58,1 % du PBJ en 2006/2007 (soit 1.619 millions d'euros , dont 332,6 millions d'euros au profit des communes) et 57,6 % en 2007/2008 (soit 1.470 millions d'euros , dont 305,1 millions d'euros au profit des communes).

Les casinotiers, qui considèrent, à juste titre, que leur profession est la plus contrôlée de France (les fonctionnaires qui les contrôlent le pensent aussi), ont tendance à penser que, dans le domaine fiscal, ils sont tout aussi bien lotis...

Source : Atout France 2009

Evolution des prélèvements publics depuis 1994

(en millions d'euros)

Exercice

Produit brut des jeux

Total des prélèvements de l'Etat (dont CSG* et CRDS)

Total des prélèvements des communes

CSG sur les gains des joueurs**

Total des

prélèvements

Part du produit brut des jeux

1994/1995

1.051

368,4

108,4

N.D.

476,8

45,3 %

1995/1996

1.244

470,8

130,6

N.D.

601,4

48,3 %

1996/1997

1.409

565,7

150,3

16,2

732,2

52,0 %

1997/1998

1.644

691

177,9

22,8

891,7

54,2 %

1998/1999

1.830

769,5

197,4

25,8

990

54,1 %

1999/2000

2.056

853,8

220,6

32,6

1.107

53,8 %

2000/2001

2.278

933,1

257,9

37,0

1.228

53,9 %

2001/2002

2.456

1.051,8

276,4

45,7

1.373,9

55,9 %

2002/2003

2.546

1.113,8

293,3

47,4

1.454,5

57,1 %

2003/2004

2.613

1.142,2

301,8

46,6

1.490,6

57,1 %

2004/2005

2.647

1.168,9

311

52,9

1.532,8

57,9 %

2005/2006

2.705

1.186,1

330,1

53,0

1.569,2

58,0 %

2006/2007

2.788

1.233,6

332,7

52,9

1.619,2

58,1 %

2007/2008

2.553

1.112,0

305,1

53,2

1.470,3

57,6 %

* : Le taux de CSG casinos est passé de 3,4 % en 1997 à 7,5 % en 1998 puis à 9,5 % en 2005.

** : Le taux de la CSG « joueurs », acquittée par les joueurs sur les gains supérieurs à 1.500 euros, a été mis en place en 1997, d'abord au taux de 10 % en 1997 puis de 12 % à partir de 2005.

F. LA REDISTRIBUTION EFFECTUÉE PAR LES CASINOS

On peut, non sans mal, cerner les recettes pour l'Etat et les communes qui accueillent un casino (mais pas pour les autres communes, fussent-elles voisines ou membres d'une même communauté de communes) de ces taxes aussi nombreuses que bien ciblées.

En revanche, le TRJ n'est pas aisé à apprécier. Les gains des joueurs aux tables de jeux traditionnels, n'étant que la résultante de ce qu'ils n'ont pas perdu (!), ne peuvent être chiffrés en pourcentage comme au PMU ou à la FDJ. Il en est de même pour les joueurs sur machines à sous, car si celles-ci affichent ostensiblement un taux de gain possible important et jamais inférieur à 92,95 %, il s'agit là d'une perspective moyenne qui, elle non plus, ne peut donner lieu à un chiffrage officiel fiable.

La croissance du PBJ des casinos est si impressionnante après 1987, année d'autorisation des machines à sous, qu'un calcul de sa progression devient « hors normes ». En effet, comment rapprocher les 129 millions d'euros de 1986 des 2.550 millions d'euros de 2008 ? Il en est donc de même pour les prélèvements de l'Etat et des communes sur lesquelles sont implantés les casinos.

La progression des redevances aux communes (16 millions d'euros en 1987 contre 221 millions d'euros en 2000 et 305 millions d'euros en 2008) permet de comprendre l'engouement que ces collectivités locales manifestent pour accueillir des casinos . Plus la commune est petite, plus la part dans son budget des recettes qui proviennent du casino s'avère proportionnellement importante, car souvent de petites communes ont de grands casinos. Ainsi, si Deauville en 2001 encaissait l'équivalent de 6 millions d'euros, soit 22,6 % de ses recettes budgétaires, Divonne-les-Bains, avec 8,8 millions d'euros, faisait beaucoup mieux (50,1 % de ses recettes).

Le budget total des communes intéressées dépasse 6,5 milliards d'euros ; les recettes issues des casinos représentent donc en moyenne 4,7 % des budgets communaux , mais jusqu'à 80 % pour certaines communes.

Encore faudrait-il rappeler que les communes en 2008 ont encaissé, outre ces 305 millions d'euros de prélèvements sur le PBJ, environ 45 millions d'euros de loyers ainsi que 97 millions d'euros de contributions communales directes ou indirectes. On ne saurait également occulter les 12,5 millions d'euros d'investissements annuels consentis pour l'amélioration des équipements touristiques desdites communes, et moins encore le milliard et demi d'euros investi en dix ans par les entreprises afin de constituer un patrimoine immobilier qui dans la moitié des cas appartient aux communes.

Votre rapporteur constate cependant qu'il est relativement difficile d'obtenir aujourd'hui des maires qu'ils fournissent ce genre de renseignement car ils sont maintenant habitués à ne jamais insister sur ce paramètre budgétaire quand ils « planchent » devant la CSJ pour défendre les projets de « leur » casino.

De plus, s'il peut être utile pour un maire de faire miroiter cet aspect financier devant la population locale afin qu'elle se montre favorable à la création d'un casino, par la suite, il est humain que les conseils municipaux préfèrent que la même population attribue les excellents résultats de la commune et sa modération fiscale à la qualité de leur gestion plutôt qu'à une « perfusion » venue des machines à sous.

Par contre, en temps de crise et de forte baisse du PBJ des casinos, les mêmes maires se découvrent une grande solidarité pour tenter d'obtenir des « compensations » de l'Etat, car, pour eux, le manque à gagner est immédiat...

G. LA RÉGLEMENTATION IMPOSÉE AUX CASINOS EST TRÈS RIGOUREUSE ET SOUVENT OBSOLÈTE

1. Une surveillance qui demeure étroite malgré l'assainissement des pratiques

La surveillance des casinos était assurée, pour l'essentiel et jusqu'à une date très récente, par les Renseignements généraux des départements. Ces services, dans le cadre d'une réforme du ministère de l'intérieur mise en oeuvre en 2008, ont cependant passé le relais à la police judiciaire , sans que l'organisation générale et les méthodes en soient pour autant fondamentalement modifiées.

Un ou plusieurs agents sont habilités à vérifier à tout instant, sur place et sur pièces , le respect de la loi et des règles au sein même du casino. Leurs tâches sont multiples : surveiller le personnel, son recrutement et son comportement, viser les documents des tables de jeux et le registre d'exploitation, vérifier les cartes et jetons, contrôler les surveillances vidéo, détruire eux-mêmes les cartes réformées, mais aussi instruire et régler les problèmes d'interdiction, et superviser les échéances des contributions. Ils établissent ainsi un rapport hebdomadaire pour le ministère.

En cas de flagrant délit, l'agent prend les mesures conservatoires et confie l'enquête à la section judiciaire du Service central des courses et jeux. Ce sont ces fonctionnaires experts qui jugent que cette profession est la plus contrôlée de France.

Il était opportun de prévoir, il y quelque quarante ans, un système aussi draconien , un contrôle quasi permanent au sein même de l'établissement, parce que le milieu des casinos avait une fâcheuse tendance à se laisser infiltrer par le « Milieu » tout court. Les affaires criminelles étaient nombreuses et faire respecter la loi et l'ordre public n'était pas une mince affaire.

Mais de nos jours, alors même que les choses se sont normalisées et que l'essentiel de la profession s'est industrialisée convenablement, la lourdeur du système de contrôle et le foisonnement des précautions paraissent obsolètes . Une part importante de la réglementation est en tout état de cause contradictoire avec la prise en compte raisonnable des exigences économiques actuelles.

Le rapport d'information de votre rapporteur publié en 2002 répertoriait un grand nombre de mesures restrictives de cette nature. En outre, à cette époque et encore maintenant, l'Etat ne se comporte pas d'une manière identique à l'égard de ses trois catégories d'opérateurs. Il crée de toutes pièces des disparités de concurrence qui le plus souvent sont préjudiciables aux casinos.

2. L'interdiction de jeu, une protection des joueurs difficile à faire respecter

Paradoxalement, la réglementation française à l'égard des casinos est restée très longtemps laxiste pour ce qui concernait la protection des joueurs les plus fragiles face au jeu. Bien évidemment, une procédure d'interdiction de jeux avait été mise en place à condition que ces joueurs manifestent eux-mêmes la volonté de « se faire interdire ».

Après une enquête plus ou moins longue de la police, cette interdiction était prononcée, pour une période de cinq ans renouvelable . Pour la faire respecter, le fichier central du ministère de l'intérieur qui rassemblait ces noms était communiqué aux casinos, à charge pour eux de contrôler l'identité des joueurs quand ils se présentaient aux portes des salles de jeux de tables.

Rien n'empêchait par contre ces mêmes interdits de jeux de fréquenter les salles de machines à sous , à l'entrée desquelles il n'était procédé à aucun contrôle. Cette anomalie flagrante n'a jamais choqué l'Etat jusqu'à novembre 2006, lorsque le contrôle aux entrées est enfin devenu généralisé .

En outre, la gestion de son fichier par le ministère est restée longtemps incroyablement désuète . Si les casinos avaient à peu prés tous informatisé leur fichier de contrôle, le ministère continuait à leur communiquer les mises à jour mensuelles sous la forme de listes sur papier. Cette situation ubuesque a persisté durant des années.

Enfin, et parce que ce fait a des conséquences sur certaines dispositions du présent projet de loi, cette interdiction volontaire de jeux ne concerne que la fréquentation des casinos et des cercles de jeux . Ce champ restreint figure en effet explicitement sur la demande officielle que signe le candidat à l'interdiction. Mais cette dernière ne concerne ni les jeux de la FDJ, ni les paris du PMU, ni à plus forte raison les jeux en ligne qui n'existaient pas à l'époque où ce système a été mis en place.

Il faudra donc imaginer, d'une manière ou d'une autre, une procédure d'extension de cette interdiction dont la limitation actuelle ne permettrait aucunement d'établir la protection que l'Etat souhaite pour les joueurs en ligne et que prévoit le présent projet de loi.

Si plus de 95 % des interdictions de jeu sont issues d'une démarche volontaire (et bien opportune) des joueurs les plus en difficulté, très rares sont les autres : personnes incapables en tutelle ou curatelle, ou condamnées sur la demande du juge d'application des peines. Aucun autre tiers, et encore moins la famille, ne peut mettre en oeuvre cette procédure .

Il existe une possibilité, trop rarement utilisée par les casinos, de procéder, de leur propre initiative, à l'exclusion ou au refus d'admission de joueurs que la direction de l'établissement estime indésirables pour une raison ou une autre. Cette procédure des « Personne à ne pas recevoir - ANPR », dépourvue de fondement juridique et par voie de conséquence contestable en justice, ne constitue cependant pas une arme suffisante pour lutter contre l'addiction.

Votre rapporteur estime que ce moyen est « trop » rarement utilisé en se référant implicitement à l'approche que nos voisins suisses ont de ce problème . Quand les citoyens suisses ont approuvé le projet de la Confédération helvétique de créer des casinos, ils ont beaucoup insisté sur leur désir de voir les problèmes sociaux particulièrement surveillés.

Chaque casino suisse dispose ainsi d'un responsable des contacts avec les « joueurs à problème ». Si ce responsable détecte un joueur en difficulté, qui perd le contrôle de son comportement, il a le droit de lui proposer un véritable « contrat de modération » , limitant sa fréquentation de l'établissement (et des 21 autres casinos suisses) à un nombre précis de visites par mois. Cet accord est signé par l'intéressé, et le contrôle aux entrées permet ensuite de matérialiser cette limitation. Si le joueur arrive cependant à contourner l'obstacle, il est interdit de jeu.

Si cette procédure suisse retient notre attention, c'est qu'outre son caractère éminemment simple et efficace, elle fait appel à une véritable responsabilisation du joueur et, accessoirement, de l'opérateur . Il est à ce titre particulièrement regrettable que l'approche française soit encore totalement fondée sur la répression et confie toujours celle-ci à la seule police.

3. L'interdiction légale des mineurs

Les mineurs représentent bien la seule catégorie de Français à qui il est interdit de proposer et de vendre du jeu d'argent. En revanche, cette interdiction s'applique aussi bien aux casinos et autres cercles qu'aux détaillants de la FDJ et au PMU.

Si l'Etat et les casinos se sont montrés défaillants en laissant longtemps l'accès aux machines à sous à ces mineurs interdits de jeu, la FDJ et le PMU sont censés être irréprochables dans ce domaine.

Cependant la FDJ, par ailleurs si consciencieuse, a jusqu'à récemment considéré, faute d'un texte contraire, que l'interdiction qu'elle devait mettre en oeuvre ne concernait que les enfants de moins de 16 ans. Un texte est venu opportunément préciser que la majorité en France était bien à 18 ans, pour les jeux comme pour le reste.

Chacun est néanmoins bien conscient qu'il est relativement difficile de faire respecter la règle par ces dizaines de milliers de détaillants isolés dans leurs établissements et confrontés aux difficultés quotidiennes de gestion de leur commerce. Les médias n'ont d'ailleurs jamais manqué de réaliser des reportages sur des ventes de jeux aux mineurs, et certains ont fait constater par huissier ces manquements à la règle.

Qui peut imaginer pourtant que l'on puisse aisément améliorer les choses ?

H. LE POIDS ÉCONOMIQUE DE LA FILIÈRE FRANÇAISE DES CASINOS

Votre rapporteur relève que, jusqu'à cette année difficile de 2008, jamais les casinos n'avaient, parlant d'eux-mêmes, évoqué cette filière française dont maintenant ils font état.

Agacés sans doutes, alors qu'ils enregistrent pour la première fois depuis 1987 un recul significatif de leur chiffre d'affaires et s'en inquiètent, d'entendre à longueur de journée vanter les mérites de la filière hippique française et de constater la « mobilisation générale » que cette dernière parvient à réaliser pour défendre ses intérêts, les casinos sont-ils enfin décidés à exposer les mérites économiques de ce qu'il n'est pas outrecuidant d'appeler la filière française des casinos ?

Ils y ont tout à fait intérêt car, ainsi qu'ils le reconnaissent eux-mêmes, ils peinent à « susciter l'empathie du public » et rencontrent encore plus de difficultés à intéresser les pouvoirs publics à leur sort quand celui-ci est moins favorable.

La notion très moraliste (et très ancienne) selon laquelle l'argent du jeu n'est pas associé à l'effort et au travail, s'imposerait-elle davantage pour les gains enregistrés au casino que pour ceux issus des jeux de la FDJ ou des paris du PMU ?

Si, au regard des milliers de points de vente du PMU et de la FDJ, les casinos n'offrent que quelque 200 établissements, ceux-ci représentent un tout autre enjeu économique en terme d'investissements, et en particulier d'investissements touristiques, comme il a été évoqué plus haut.

Leurs lieux d'implantation, fruit de la législation qui privilégiait les stations balnéaires, thermales et maintenant touristiques, réalisent une carte de France des casinos très profitable aux activités touristiques certes, mais également porteuse en matière d'aménagement du territoire .

Si un certain nombre de départements ne bénéficie pas de ces implantations, c'est en général que leur population sédentaire est faible, leur fréquentation touristique médiocre et que ni l'une ni l'autre ne garantissent un volume de jeux suffisant pour équilibre la gestion d'un établissement même modeste.

Qu'on en juge : ces 200 casinos comptent 450 bars, 410 restaurants, 70 hôtels, 37 discothèques, 130 salles de spectacles, 34 cinémas ou bowlings, 19 centres de thalassothérapie , autant d'activités vitales pour le tourisme, et qui ont été créées avec un casino, pour lui et pour fonctionner en symbiose avec lui. En matière d'équipements de jeux, on compte 1.500 tables et 22.940 machines à sous. On doit également relever 500 manifestations ou évènements réalisés chaque année, environ 50.000 emplois dont 18.200 emplois directs, et 37,4 millions de visiteurs en 2008 .

Source : Atout France 2009

I. LES CASINOS FRANÇAIS SUBISSENT AUJOURD'HUI PLUSIEURS PHÉNOMÈNES INQUIÉTANTS

De 2000 à 2008, la fréquentation des casinos a diminué de près de moitié , en particulier depuis l'entrée en vigueur de l'interdiction de fumer dans les lieux publics en 2007 (- 39,2 % en deux saisons).

Evolution de la fréquentation des casinos depuis 2000

Exercice

Nombre de jours d'ouverture

Nombre d'entrées

en milliers

Evolution de la fréquentation (non corrigée des jours d'ouverture

2000/2001

61.666

68.856

N.S.

2001/ 2002

63.208

64.414

- 6,5 %

2002/2003

65.028

63.500

- 1,4 %

2003/2004

67.467

63.423

- 0,1 %

2004/2005

68.995

63.235

- 0,3 %

2005/2006

69.812

61.500

- 2,7 %

2006/2007

70.810

43.252

- 29,7 %

2007/2008

71.416

37.390

- 13,5 %*

* Depuis novembre 2006, le contrôle d'identité obligatoire aux entrées permet de disposer d'une base de calcul des entrées fiable

Votre rapporteur relève les tendances suivantes :

- la croissance interne et la modernisation des casinos ont été longtemps bridées par une réglementation tatillonne, malthusienne et déconnectée des réalités économiques de cette profession et du contexte général de la concurrence ;

- les opérateurs estiment que le passage à l'euro leur a été préjudiciable ;

- l'instauration en novembre 2006 d'un contrôle général des identités aux entrées des casinos, trop longtemps retardée mais pourtant absolument indispensable, semble avoir donné un premier coup de frein à la fréquentation des établissements ;

- l'interdiction du tabac à l'intérieur des casinos leur est beaucoup plus préjudiciable dans l'immédiat ;

- plus grave, tandis que l'Etat laissait la bride sur le cou à la FDJ et au PMU pour créer des offres de paris sur Internet, ce même Etat refusait cette latitude aux casinos qui la réclamaient pourtant avec insistance, allant parfois jusqu'à braver les interdictions légales ;

- ainsi, en toute illégalité, la concurrence des sites de paris et de jeux en ligne a pu se développer librement sur Internet, causant aux casinos « en dur » un préjudice aussi certain qu'impossible à mesurer .

La situation des casinos français est à l'heure actuelle préoccupante.

Si les grands groupes de casinos sont mieux à même de résister quand ils ont « d'autres cordes à leur arc », grâce à des infrastructures hôtelières et touristiques conséquentes, les petits casinos dont l'activité ludique est le seul moyen d'existence éprouvent davantage de difficultés. En outre, l'endettement de la profession est considérable avec un cumul de un milliard et demi d'euros en 2009, et constitue la contrepartie de la fièvre d'investissement des belles années.

Aujourd'hui cet endettement est un handicap sérieux pour certains groupes parmi les plus importants. Des projets de création sont ainsi brutalement arrêtés, et les maires sont assaillis de demandes de réduction des prélèvements communaux.

Les chiffres clefs des casinos français

- Fin 2009, 200 casinos étaient ouverts en France ;

- les quatre plus grands groupes exploitent 60 % des casinos, les casinos indépendants ne représentent plus que 23 % du total ;

- il y a environ 23.000 machines à sous ;

- le produit brut des jeux de table ne représente que 7 % du produit brut global ;

- après 22 ans de croissance continue, le produit brut des jeux est en baisse depuis 2007/2008 ;

- les prélèvements de l'Etat et des communes représentent environ 58 % du produit brut des jeux ;

- il y a en moyenne 93 emplois par casino, et au total 18.200 emplois dont 10.000 pour les jeux. Environ 30.000 emplois indirects sont soutenus par le secteur.

En conclusion, sur cette partie, on constate qu'après une très longue et faste période de forte croissance durant laquelle ses seules difficultés étaient ses sempiternelles discussions avec une administration malthusienne et souvent hostile, la profession des casinotiers rencontre des difficultés majeures.

Cette profession a pourtant, autant que les autres, le droit de mettre en avant la place qu'elle occupe dans l'économie nationale. La filière des casinos représente en effet quelques dizaines de milliers d'emplois directs ou indirects et d'énormes investissements qui constituent une grande partie de la trame touristique nationale.

Deux cent communes françaises ont engagé leur développement économique et culturel avec leur(s) casino(s) et ont, dans une large mesure, lié leur sort à celui de ces établissements. Dans ces conditions, le moins que les casinos puissent attendre d'un Etat, qui a largement profité de leurs activités pendant les années fastes, est qu'il sache les aider à franchir ce passage difficile .

IV. LA SITUATION DES CERCLES DE JEUX

Il a toujours été très difficile pour votre rapporteur, désireux d'être complet lorsqu'il a réalisé (en 2002 et 2006) ses rapports d'information sur les jeux en France, de rédiger le chapitre consacré aux cercles de jeux.

En 2010, au moment de conclure la présente partie du rapport sur le projet de loi d'ouverture du marché aux jeux et paris en ligne, votre rapporteur n'a toujours pas obtenu que lui soient communiqués les renseignements de base qui concernent cette profession : chiffre d'affaires, produit brut des jeux, montants acquittés au titre des taxes de l'Etat, nombre d'emplois, etc.

Cette opacité est irritante et nuit incontestablement à l'image de marque de ces établissements qui reste, dans ses apparences, plus sulfureuse que la réalité , les idées reçues et les rumeurs ayant toujours plus d'attraits que celle-ci.

L'essentiel pour les cercles étant de fonctionner « sans trop d'histoires » avec les pouvoirs publics, ils n'éprouvent apparemment pas le désir d'organiser leur représentativité et de se présenter, face à ladite puissance publique, sous une forme syndicale ou associative un peu conséquente. Les cercles n'agissent pas ou agissent en ordre dispersé, alors même qu'ils rencontrent des difficultés croissantes et préoccupantes ( cf. infra ) dans l'exercice de leurs activités et que leur existence pourrait même être mise en cause.

Il aura fallu, tout récemment, la perspective d'une réforme de leur statut, qui se concocterait, dit-on, au ministère de l'intérieur, pour les inciter à « réactiver le syndicat des Cercles de jeux de France » pour reprendre l'expression de l'un de leurs représentants. Il existait donc un tel syndicat depuis 1995 ! Attachons nous à savoir ce qu'il pense et ce qu'il veut...

A. BREF APERÇU DES CERCLES DE JEUX DE FRANCE

Dans une capitale parisienne que la loi de finances pour 1920 (!) a délibérément privée de casinos, les cercles ont conservé leurs activités parce que régis par la loi de 1901 mais n'ont vraiment été légalisés sous ce régime que par la loi de finances du 30 juin 1923 .

Leur statut semble aujourd'hui quelque peu incongru : non seulement les cercles relèvent de la loi de 1901 mais ils ont en outre un « but social ou culturel ». Cette situation sociale bien particulière ne les empêche pas d'acquitter (outre la taxe sur les spectacles selon un barème progressif) l'impôt sur les sociétés.

Comme le relevait déjà en 2002 le rapport d'information de votre rapporteur, « il est fort curieux de voir des associations loi 1901 payer la taxe sur les spectacles (!) puis l'impôt sur les sociétés qui concerne les activités commerciales (!!) et ne retrouver leur statut non lucratif que pour se voir interdire in fine toute redistribution de bénéfices et devoir affecter les résultats au fond de réserve. ».

Les cercles peuvent relever de différentes catégories suivant les jeux qui y sont pratiqués (jeux de hasard, jeux de commerce) ou suivant leur mode de gestion (cercles fermés ou ouverts). De plus ils sont dotés d'une curieuse organisation bicéphale : tandis qu'un conseil d'administration gère l'association et occupe le devant de la scène sur le plan social, la direction réelle des jeux est confiée à un comité des jeux et à son directeur, dont on peut espérer qu'ils sont responsables devant le conseil d'administration...

Il existe enfin une différence fondamentale entre l'organisation du jeu d'un cercle et le fonctionnement d'un casino : la présence de « banquiers » . Véritables joueurs professionnels, adossés ou non à des groupes ou « consortiums », les banquiers sont l'âme des cercles, ils animent les salles de jeu et dynamisent le cercle.

Huit cercles parisiens étaient en activité en juillet 2009 :

- Cercle Anglais - 4, boulevard des Capucines, Paris 9 ème ;

- Aviation Club de France - 104, avenue des Champs-Elysées, Paris 8 ème ;

- Cercle Central Académie de Billard des Boulevards - 2 bis , rue Frochot, Paris 9 ème ;

- Cercle Clichy - Montmartre Billard Club - 84, rue de Clichy, Paris 9 ème ;

- Eldo - 33, boulevard Saint-Martin, Paris 3 ème ;

- Gaillon - 11, rue de Berri, Paris 8 ème ;

- Wagram Billard Club - 47, avenue de Wagram, Paris 17 ème ;

- Haussmann - 22 rue de la Michodière, Paris 2 ème .

Depuis 2006, ont disparu à Paris le Cercle Concorde (fermé pour malversations) et le cercle de l'Industrie et du Commerce. Un seul cercle est présent en province - le César Billard Palace, dit « Le multicolore », à Reims - après qu'ont disparu depuis 2006 le Cercle Avenir d'Arles, le Cercle de l'Union de Lyon, et le Cercle des Pyrénées de Toulouse.

En sept ans, le nombre des cercles de jeux a beaucoup diminué.

Paris

Province

Total

2002

9

4

13

2006

11

4

15

2009

8

1

9

B. DES PROBLÈMES SÉRIEUX QUI N'ONT PAS ENCORE TROUVÉ DE SOLUTIONS CONFORMES AUX SOUHAITS DES CERCLES

La Police des courses et jeux du ministère de l'intérieur exerce sur les cercles de jeux un contrôle permanent et rigoureux.

Comme dans les casinos, le respect de la réglementation est exigé et contrôlé ; les manquements font l'objet de sanctions. Dans le cas des cercles, celles-ci sont immédiates et se traduisent, dans les cas les plus graves, par une fermeture qui peut être définitive . Leurs demandes d'autorisation de jeux font l'objet, comme pour les casinos, d'un dossier volumineux, mais les demandes de renouvellement doivent être faites tous les deux ans , alors que pour les casinos, elles sont formulées tous les cinq ans.

Les autorités ayant toute latitude pour sanctionner à tout instant un cercle en contravention, il semblerait logique de n'examiner ces demandes de renouvellement que tous les cinq ans.

Les cercles de jeux protestent : la taxe sur les spectacles, à laquelle ils sont assujettis selon un barème progressif, a pris selon eux des proportions démesurées ces dernières années. Ils réclament donc une nouvelle organisation de cet impôt et un autre calendrier des prélèvements.

Le rapporteur n'est pas à même de formuler une proposition dans ce domaine mais il estime que ces difficultés financières et fiscales, comme d'autres, justifient une réforme du statut des cercles.

En effet, le régime des cotisations pose également problème dans la mesure où il semble particulièrement mal adapté aux exigences du tourisme (étranger ou français), et même de la fréquentation ordinaire de ces établissements. En effet, il est en effet peu acceptable par la clientèle de se voir réclamer une cotisation pour l'année entière dans le cas d'un séjour à Paris de deux ou trois jours.

Pour tous ces problèmes, l'absence de cohésion des cercles a fait que jusqu'à présent ils n'ont guère pu faire entendre leur voix. Puisse la réforme du statut annoncée fournir l'occasion de moderniser ce « petit monde des cercles » en lui permettant d'exister sans risques et de compenser pour la capitale un déficit en offre ludique qui, pour historique qu'il soit, n'en n'est pas moins insolite.

A moins que l'on ne recherche tout simplement la disparition naturelle des cercles (déjà bien entamée) au moment où certains élus de la région parisienne réclament l'abrogation de l'exclusion des casinos autour de la capitale...

V. QUELQUES DONNÉES COMMUNES AUX OPÉRATEURS FRANÇAIS

Après cette étude de chacun des quatre secteurs légaux des jeux français (La Française des jeux, ses loteries, ses jeux de grattage et ses paris sportifs ; le PMU et ses paris sur les courses de chevaux ; les casinos et les cercles de jeux), il convient, dans toute la mesure du possible, de rassembler les diverses données qui les concernent de manière à disposer d'une vision consolidée. Nous disons « dans toute la mesure du possible », car il est relativement difficile de se procurer ces statistiques et encore plus de les recouper.

A. DES STATUTS ET SITUATIONS ÉCONOMIQUES TRÈS DIFFÉRENTS

La Française des jeux est une société anonyme publique.

Son ministère de tutelle est celui des finances. L'Etat détient 72 % de son capital et devra, d'ici peu, décider avec les anciens émetteurs, qui en possèdent 20 %, s'il désire acquérir tout ou partie de leurs parts, les leur laisser, permettre ou non au personnel et aux mandataires d'accroître leurs participations, laisser se pratiquer un adossement partiel avec un ou plusieurs partenaires extérieurs.

Une telle solution dépend surtout de la valeur que pourra conserver la FDJ dans le contexte économique bien particulier qui prévaudra en 2010.

La FDJ commercialise des jeux de tirages et de grattage pour lesquels elle détient un monopole; depuis peu elle traite des paris sportifs dans son réseau « en dur » et sur Internet.

Le PMU est un GIE qui rassemble toutes les hautes autorités du de la filière du cheval. L'Etat est présent en force à son conseil d'administration.

Le fait que l'Etat soit le seul à concéder le monopole, l'importance du rôle que jouent au sein du conseil d'administration les hauts fonctionnaires qui le représentent, l'appui essentiel qu'il a apporté au PMU quand ce fut nécessaire, lui confèrent une autorité incontestée et qu'il semble bien vouloir conserver.

Le PMU gère en monopole des paris sur les courses françaises de chevaux sous une forme mutualiste.

Les activités des casinos sont industrielles et commerciales .

Elles sont exercées par des casinos, soit indépendants, soit réunis au sein de groupes plus ou moins importants. Les plus importants sont cotés en Bourse, ce qui, en période de crise et d'incertitudes, peut ne pas être un avantage mais exposer au contraire certains d'entre eux à une vulnérabilité supplémentaire.

Les casinos « en dur » offrent des jeux de tables dits traditionnels, des machines à sous et, depuis peu, du poker.

Les cercles de jeux , sont des associations selon la loi de 1901, « à but social », constituées de manière autonome et dotées d'un conseil d'administration et d'un comité des jeux responsable de leur direction. Ils continuent à former une entité un peu étrange dont l'avenir passe aujourd'hui par une réforme nécessaire, déjà engagée d'ailleurs dans la plus grande discrétion comme pour tout ce qui touche aux cercles.

Les cercles de jeux proposent des jeux de table et du poker, mais pas de machines à sous.

B. LES RÉSEAUX ET EMPLOIS EN 2008

Nombre de points de vente

Nombre d'habitants par point de vente

Nombre d'emplois

FDJ

37.600

1.727

26.895

PMU

9.992

6.331

62.000

Casinos

197

N.S.

18.200

Cercles

9

N.S.

N.D.

Total

47.802

N.S.

107.000

Les emplois associés à la FDJ comprennent ceux de la société elle-même, mais aussi ceux des mandataires et des distributeurs calculés selon une méthode acceptable (la masse des commissions versées aux distributeurs divisée par la valeur du SMIC).

Les emplois associés au PMU comprennent ceux du GIE et de l'organisation des courses mais surtout tous les emplois de la filière équine répertoriés par les Haras nationaux qui en tiennent un catalogue rigoureux.

Les emplois des « casinos » sont donnés en prenant pour référence le rapport de branche établi annuellement par un cabinet indépendant depuis 2006. Le chiffre donné est fiable à 95 %. Il s'agit d'emplois directs, c'est-à-dire des personnels rémunérés directement par les employeurs.

C. LE CHIFFRE D'AFFAIRES DU SECTEUR

Evolution du chiffre d'affaires des opérateurs de jeux (hors cercles de jeux) depuis 1992

(en millions d'euros)

Année

Française des jeux

Part du total

PMU

Part du total

Casinos

Part du total

Total

1992

4.583

35,2 %

5.393

41,5 %

3.031

23,3 %

13.007

1993

4.749

33,9 %

5.264

37,6 %

3.995

28,5 %

14.008

1994

4.755

31,7 %

5.219

34,8 %

5.023

33,5 %

14.997

1995

5.039

31 %

5.154

31,7 %

6.068

37,3 %

16.261

1996

5.138

29,1 %

5.366

30,4 %

7.153

40,5 %

17.657

1997

5.204

28 %

5.270

28,4 %

8.080

43,5 %

18.554

1998

5.495

27,2 %

5.332

26,4 %

9.405

46,5 %

20.232

1999

5.771

26,8 %

5.429

25,2 %

10.305

47,9 %

21.501

2000

6.535

27,6 %

5.782

24,4 %

11.363

48 %

23.680

2001

7.021

N.D.

6.170

N.D.

N.D.

N.D.

N.D.

2002

7.439

N.D.

6.414

N.D.

N.D.

N.D.

N.D.

2003

7.797

N.D.

7.021

N.D.

N.D.

N.D.

N.D.

2004

8.559

25,4 %

7.557

22,4 %

17.420

51,8 %

33.520

2005

8.926

25,7 %

8.010

23,1 %

17.640

50,9 %

34.680

2006

9.473

26,5 %

8.106

22,7 %

18.000

50,4 %

35.680

2007

9.306

24,5 %

8.842

23,2 %

18.550

50,4 %

36.800

2008

9.203

25,8 %

9.262

26 %

17.020

47,8 %

35.600

Source : commission des finances, d'après les données transmises par les opérateurs

Ventilation du produit brut des jeux depuis 2003

Année

Casinos

Française des Jeux

PMU

2003

33,5 %

40,3 %

25,9 %

2004

32,3 %

42 %

25,7 %

2005

Non disponible

2006

31 %

44 %

25 %

2007

31,7 %

42,2 %

26,1 %

2008

30,2 %

42,2 %

27,6 %

Source : commission des finances, d'après les données transmises par les opérateurs

D. LES TAUX DE RETOUR AUX JOUEURS

Taux de retour constaté par type d'opérateur

Française des jeux

PMU

Casinos

Machines à sous

Jeux de table (moyenne)

1999

57,7 %

69,2 %

85 %

minimum

selon la loi

Roulette : 97,3 %

Black-jack : 94,1 %

Boule : 88,9 %

2000

58,8 %

69,6 %

2001

59,2 %

70,4 %

2002

59,6 %

71,2 %

2003

60 %

71,9 %

2004

59,8 %

72,5 %

2005

59,7 %

72,7 %

2006

59,7 %

72,8 %

2007

60,0 %

74 %

2008

61,2 %

74,8 %

Source : commission des finances, d'après les données transmises par les opérateurs

Pour les cercles, la notion de TRJ n'a pas de réelle signification puisque les joueurs jouent les uns contre les autres.

Concernant les casinos, le taux de retour global aux joueurs est de l'ordre de 92 % , ce chiffre prenant en compte le mode particulier de renouvellement des séquences de jeu pendant une même séance sur les machines à sous, sans équivalent chez les autres opérateurs de jeux.

E. LES PRÉLÈVEMENTS PUBLICS

Evolution des prélèvements publics (fiscaux, sociaux et parafiscaux) depuis 1999

(en millions d'euros)

Française des jeux

PMU

Casinos

Total

Tous prélève-ments

En % du PBJ

Etat

Filière hippique

Total

En % du PBJ

Tous prélève-ments

En % du PBJ

1999

1.623

28,2 %

921

327

1.248

23 %

990

54,1 %

3.861

2000

1.752

26,8 %

954

370

1.324

22,9 %

1.107

53,8 %

4.183

2001

1.855

26,5 %

979

392

1.371

22,3 %

1.228

53,9 %

4.454

2002

1.992

26,8 %

976

410

1.386

21,6 %

1.374

55,9 %

4.752

2003

2.085

26,8 %

1.033

461

1.494

21,3 %

1.454

57,1 %

5.033

2004

2.330

27,3 %

1.083

516

1.599

21,1 %

1.490

57,1 %

5.419

2005

2.505

28,1 %

1.126

566

1.692

21,2 %

1.532

57,9 %

5.729

2006

2.670

28,5 %

1.026

653

1.679

20,8 %

1.569

58 %

5.913

2007

2.633

28,3 %

1.074

727

1.801

20,3 %

1.619

58,1 %

6.083

2008

2.502

27,4 %

1.096

736

1.832

19,8 %

1.470

57,6 %

5.824

Source : commission des finances, d'après les données transmises par les opérateurs

F. LES RISQUES ET OPPORTUNITÉS DE L'OUVERTURE AUX JEUX EN LIGNE

L'exposé général figurant dans le premier tome du présent rapport législatif, consacré à l'examen détaillé du projet de loi d'ouverture à la concurrence du marché aux jeux et paris en ligne, analyse les circonstances qui ont conduit le Gouvernement à proposer au Parlement cette réforme.

Quelles sont les grandes perspectives que cette réforme peut ouvrir pour les opérateurs historiques français ?

1. L'irruption d'Internet sur le marché et les injonctions de la Commission européenne

Quand on constate les remises en cause majeures qu'Internet provoque dans tous les domaines des activités humaines, on ne s'étonnera pas que le marché des jeux français ne soit pas épargné. Pourtant, grandes étaient les certitudes des opérateurs titulaires de monopoles aussi anciens que structurés.

Et que dire de la sérénité pleine d'assurance du Gouvernement lorsqu'il eut à répondre aux injonctions d'une Commission européenne arc-boutée sur son désir de voir la France abroger ses monopoles et ouvrir à double battants le marché des jeux français aux opérateurs en ligne ?

On constate cependant que l'eau a coulé en abondance sous les ponts, que l'arrêt Santa Casa de la Cour de justice européenne a fait évoluer la jurisprudence des jeux et que le Gouvernement a, par contre, saisi l'occasion de réguler différemment les jeux, selon qu'ils sont en dur ou en ligne.

2. De nouvelles incertitudes se font jour

En premier lieu, Internet est incontournable et légaliser une partie de l'offre de jeu et de paris en ligne est difficile mais possible.

En second lieu, la loi ne sera respectée et ne réussira que si l'offre illégale, qui persistera, est réellement sanctionnée et contenue .

Dès 2006, la commission des finances du Sénat avait parfaitement identifié les risques pour le système français de la pénétration d'Internet sur le marché des jeux. On a pu penser, en raison du retard pris par l'Etat pour tenir compte de cette nouvelle donne, qu'il avait en quelque sorte initialement négocié sous la contrainte de la Commission européenne, avant de se résoudre à préparer une loi conforme aux nécessités du moment mais surtout aux nécessités sanitaires et sociales de notre pays.

Dans ce qui sera le nouveau cadre de leurs activités, quelles perspectives sont possibles pour les opérateurs français historiques ?

La FDJ conserve son monopole des tirages de loteries et des jeux de grattage. Elle ne sera plus seule sur le marché français légal pour les paris sportifs mais dans la mesure où elle avait anticipé et investi dans ce type de jeux, elle y a déjà acquis une bonne expérience. Sa notoriété, la force de son réseau et ses capacités d'innovation et de communication commerciale devraient lui faire espérer mieux que le maintien de ses positions .

Rien ne lui interdit, par ailleurs, de se placer sur d'autres secteurs du marché des jeux et le bruit court avec insistance depuis quelques temps que la FDJ se lancerait dans le poker.

Le PMU connaît peut-être une situation moins confortable . Il ne sera plus seul sur le marché des paris hippiques en ligne et même si la loi exige que les paris sur les courses des sociétés-mères soient pris sous la forme mutuelle, ce succès obtenu de haute lutte face aux obsessions européennes ne le console guère pour l'instant de la perte de son monopole.

Toutefois, il conserve la force de son réseau de détaillants, la notoriété de son organisation et de la salubrité des courses, un savoir-faire qui a su franchir les frontières de l'Hexagone et des capacités considérables dans les domaines de l'innovation et de la communication.

Les casinos sont sans aucun doute les opérateurs qui peuvent s'interroger avec davantage d'inquiétude sur leur avenir . On a vu plus haut les facteurs qui ont fortement contribué fortement à la diminution de leur chiffre d'affaires. Le contrôle aux entrées, pour indispensable qu'il était, mais plus encore l'interdiction de fumer, ont porté un coup sévère aux casinos.

L'autorisation d'ouvrir des tables de poker aura eu un effet positif mais peut-être fragile face à la tentation de jouer chez soi ou sur Internet. Si la loi protège encore leur « monopole » sur les machines à sous et si elle n'ouvre en pratique le marché des jeux de cercle qu'au seul poker, l'inquiétude est grande qu'à l'avenir l'ouverture à la concurrence soit encore plus large.

Les chiffres sont là et pour la deuxième année consécutive (2008/2009), la quasi-totalité des casinos affichent une nette baisse de leur chiffre d'affaires. Cette évolution est devenue si préoccupante que le Gouvernement a accepté quelques menus aménagements de leur fiscalité. Il faudra donc que les casinos s'investissent et produisent de gros efforts pour reconquérir leur place sur le marché.

Concernant les cercles de jeux , il a été indiqué plus haut que l'étrangeté de leur situation, et son extrême fragilité face à une réforme indispensable mais très complexe, créent incontestablement une zone de danger pour eux. Il leur est indispensable de se grouper et d'élaborer une stratégie réaliste fondée sur une bonne connaissance de leur secteur, la collecte systématique de donnés sur leur activité (qu'ils ne savent même pas exposer) et un respect des règlements que certains d'entre eux ont bafoué lamentablement, au détriment d'une grande majorité de cercles de qualité.

Enfin, si l'on peut, d'une part, faire crédit aux dirigeants et à l'encadrement des opérateurs historiques d'une capacité de réaction (voire d'anticipation) et de dynamisme, il n'est pas sûr que l'on puisse compter sur autant de réalisme pour une large part des personnels et des partenaires des anciens monopoles...

A entendre tel ou tel président de société hippique de province, tel ou tel détaillant de jeux, on peut mesurer une inquiétude assez générale et un franc refus de la réforme .

VI. EN GUISE DE CONCLUSION

L'ouverture du marché français aux jeux et paris en ligne introduit l'usage de technologies nouvelles et, on peut le dire, assez révolutionnaires par rapport aux techniques utilisées par les monopoles. Mais elle introduit aussi (on pourrait dire surtout) des éléments très forts d'une concurrence qui peut être redoutable pour les moins mobiles, pour les moins dynamiques .

Les opérateurs français sont puissants ; ils possèdent une expérience, un savoir-faire et les qualités qui devraient leur permettre de surmonter les difficultés à venir.

Dans tout cela les parieurs et les joueurs pourraient a priori être les grands gagnants, à une nuance près. Il y aura malgré tout des perdants parmi les joueurs : ce seront ceux chez qui l'augmentation de l'offre de jeux, et une facilité accrue de l'accès au jeu, susciteront une addiction accrue que les pouvoirs publics ont le devoir de prévenir, de contenir et de soigner beaucoup mieux qu'ils ne l'ont fait jusqu'ici.

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