N° 252

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 3 février 2010

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , autorisant l'approbation de l' accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal sur la promotion et la protection réciproques des investissements ,

Par M. René BEAUMONT,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan , président ; MM. Jacques Blanc, Didier Boulaud, Jean-Louis Carrère, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Jean François-Poncet, Robert Hue, Joseph Kergueris , vice-présidents ; Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet , secrétaires ; MM. Jean-Etienne Antoinette, Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Jean-Pierre Bel, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Didier Borotra, Michel Boutant, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mmes Bernadette Dupont, Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Paul Fournier, Mme Gisèle Gautier, M. Jacques Gautier, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Hubert Haenel, Robert Laufoaulu, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Rachel Mazuir, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean Milhau, Charles Pasqua, Xavier Pintat, Bernard Piras, Christian Poncelet, Yves Pozzo di Borgo, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Reiner, Roger Romani, Mme Catherine Tasca.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

1489 , 1666 et T.A. 314

Sénat :

568 (2008-2009) et 253 (2009-2010)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L'accord qui nous est soumis, portant sur la promotion et la protection réciproques des investissements, a été signé le 19 janvier 2009 à Dakar à l'occasion de la visite de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République.

Il s'inscrit dans le contexte d'une relation étroite entre la France et le Sénégal. Le Sénégal est un pays majeur de l'Afrique de l'Ouest, et un acteur important de l'Afrique en général. Il s'agit d'un pays très présent dans les instances multilatérales et aux Nations unies. Les responsables sénégalais, le Président Wade, rencontrent régulièrement leurs homologues français, de même que ces derniers se rendent régulièrement au Sénégal, pays avec lequel nous sommes liés par de nombreux accords parmi lesquels un accord de défense - nos forces prépositionnées au Sénégal s'élèvent à plus de 900 hommes - et un accord de gestion concertés des flux migratoires -la communauté sénégalaise en France est évalué à plus de 50 000 ressortissants.

Cet accord concerne quant à lui les investissements réciproques des deux pays. Il a pour but de garantir un traitement juste et équitable de ces investissements, de les sécuriser contre les risques politiques, notamment d'expropriation et de nationalisation, d'assurer le libre transfert des revenus tirés de ces investissements et d'organiser le règlement des différends par le recours à l'arbitrage afin de créer un climat favorable au développement des investissements de part et d'autre.

Cet accord s'inscrit dans un contexte plus large de promotion des investissements et de réforme macro-économique au Sénégal. Ainsi en confortant le dynamisme du partenariat économique entre les deux pays, cet accord témoigne du soutien de la France à l'ambition réformatrice affichée par ce pays.

Avant de présenter en détail les mesures de protection des investissements figurant dans l'accord, nous procéderons à une analyse du contexte dans lequel les investissements français peuvent être effectués.

I. LE SÉNÉGAL : UNE ÉCONOMIE EN TRANSITION QUI PRÉSENTE DE NOMBREUSES OPPORTUNITES

A. UNE ÉCONOMIE EN TRANSITION

Après avoir atteint 4,8 % en 2007 et une moyenne de 4,9 % pour la période 1996-2007, la croissance sénégalaise s'est ralentie pour se situer à 3,7 % en 2008.

Une série de programmes d'investissements de grande envergure, en particulier dans le domaine agricole avec la grande offensive agricole pour la nourriture et l'abondance (Goana), ainsi que des infrastructures portuaires et routières, devrait cependant soutenir la croissance dans les années à venir.

En 2009, la croissance réelle du produit intérieur brut (PIB) s'est élevée à 3,5 %, du fait de la crise mondiale. Les perspectives relatives à l'environnement international prévoient une forte baisse de la demande mondiale qui devrait se répercuter sur les exportations des pays émergents et en développement. En 2010, la croissance devrait légèrement repartir et se fixer à 3,6 %.

La croissance de l'économie sénégalaise reste essentiellement tirée par le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) et les services, notamment ceux des télécommunications .

D'une politique généreuse de subvention du prix des denrées de première nécessité, l'État est passé à une gestion plus prudente, caractérisée par la suspension des subsides à la plupart des produits qui en avaient précédemment bénéficié. Le système de tarification de l'électricité a également été modifié pour stabiliser l'exploitation de la compagnie d'électricité. Ces mesures ont été encore insuffisantes pour réduire les arriérés de paiement et restaurer pleinement la capacité financière de l'État.

Le secteur primaire représente environ 60 % de l'emploi global, et seulement 7,4 % du PIB en 2007 . Ce secteur regroupe l'agriculture, la sylviculture et la pêche. La production du sous-secteur de l'agriculture est dominée par quelques cultures vivrières de subsistance (mil sorgho, maïs) et de rente (arachide et coton). Le secteur agricole est confronté à un recul de la production, des superficies cultivées et des rendements pour la plupart des céréales (sauf pour le maïs et le riz). La croissance de la production agricole a baissé en moyenne de 0,8 % par an de 1967 à 2006. Ces faibles performances s'expliquent par un contexte international défavorable (baisse des prix de l'arachide et du coton) et par le système de gestion de la collecte et de la commercialisation. Mais on observe également d'autres difficultés au niveau des politiques sectorielles mises en oeuvre, notamment en matière de maîtrise des ressources en eau, de gestion de la qualité des sols et de niveau des équipements.

Les performances du secteur agricole devraient cependant s'améliorer pour la campagne 2008/09, grâce à la pluviométrie satisfaisante et la mise en place de la Goana. Cette initiative, lancée le 18 avril 2008 par le Président Abdoulaye Wade, a pour objectif de mettre fin à la dépendance alimentaire du Sénégal. Elle prévoit, six mois après octobre 2008, une production de 2 millions de tonnes de maïs, 3 millions de tonnes de manioc, 500 000 tonnes de riz et 2 millions de tonnes pour les autres céréales (mil, sorgho, fonio). Le coût de ce plan est estimé à 344 milliards de francs CFA.

L'horticulture est l'une des filières les plus dynamiques du Sénégal . Ses activités sont permanentes dans certaines zones, elle est pratiquée au niveau national, et il existe une diversité des espèces cultivées. Les productions de la campagne 2007 ont dépassé celles de 2006. En 2007, la production horticole était de 429 000 tonnes contre 390 000 tonnes en 2006, soit un accroissement de 39 000 tonnes. La production de bananes pour la campagne 2006/07 est de 20 000 tonnes, et les prévisions pour 2007/08 sont estimées à 30 000 tonnes.

Du côté de l'agriculture industrielle, l'arachide constitue la principale culture de rente depuis l'indépendance . Son importance tend toutefois à décliner en raison de la faiblesse des prix internationaux, de la gestion chaotique de la société semi-publique qui en assurait l'organisation et la commercialisation, la Sonacos (avant sa privatisation en 2005), de la baisse de la fertilité des sols et de la volatilité et la baisse tendancielle de la pluviométrie. Pour la campagne 2007/08, l'arachide a connu une chute de production de 427 093 tonnes, contre 460 481 tonnes un an auparavant. La faiblesse du prix au producteur (150 francs CFA le kg), alors que sur le marché parallèle le prix est supérieur, contribue également à expliquer ce déclin. Pour la campagne 2008/09, on s'attend à une production record de 700 000 tonnes du fait de la nette amélioration de la pluviométrie.

Le secteur secondaire devrait enregistrer une baisse de 0,9 % en 2008, à la suite des contre-performances enregistrées par le sous-secteur des activités extractives, mais aussi de la baisse de la demande consécutive à l'envolée des prix des produits alimentaires et énergétiques. Pour 2009, les projections donnent un taux de croissance de 5,5 %.

Le secteur secondaire, construction comprise, représentait 20,7 % du PIB en 2007 . Sa production a enregistré une progression de 3,1 % sur l'ensemble de l'année 2007. Ce secteur repose surtout sur l'extraction et la transformation des phosphates (en engrais pour le marché local et en acide phosphorique pour le marché indien principalement), la transformation de l'arachide en huile et en tourteaux pour le bétail, la valorisation des produits de la mer, et la construction. La hausse de la production industrielle s'explique par l'intensification des activités extractives, notamment des phosphates (plus de 16,2 %), après la reprise de la société Industries chimiques du Sénégal (ICS). Les ICS ont en effet connu une situation difficile en 2006 : accroissement des coûts de production, problème de gestion, appréciation du taux de change entre 2004 et 2005, et même cessation temporaire d'activité. L'élaboration d'un projet de recapitalisation, à la suite de l'accord passé entre l'État et le groupe indien IFFCO (qui détient 85 % des actions de la société, depuis avril 2008), a permis un retour progressif de la production. La Société africaine de raffinage (Sar), de son côté, a repris ses activités en 2007, après les avoir interrompues en 2006 en raison de grosses difficultés financières. Elle a pu mettre en place un plan de financement sous la forme d'un crédit renouvelable obtenu auprès d'un pool bancaire sénégalais. L'État a augmenté substantiellement sa participation dans le capital de la Sar, à hauteur de 65 % du total.

Le secteur du BTP a bénéficié en 2007 et 2008 de l'importance des investissements publics : pour la préparation du sommet de l'Organisation de la conférence islamique (OCI) à Dakar, en mars 2008, pour le port autonome de Dakar (PAD), l'autoroute Dakar-Diamniadio et la construction de trois centrales électriques. Les transferts des migrants ont également eu un impact positif sur la demande immobilière . Cependant, entre 2007 et 2008, on note un ralentissement de la progression de l'activité du BTP. Le taux de croissance de ce sous-secteur, qui était de 11,7 % en 2007, est passé à 3,6 % en 2008 du fait, surtout, des difficultés des entrepreneurs liées aux créances de l'État. En 2009, les activités du BTP devraient croître de 4 %.

Dans le secteur tertiaire, dont la part dans le PIB en 2007 était de 72 %, les télécommunications représentent une activité importante avec une forte progression de la téléphonie mobile et du commerce . Le nombre de lignes de téléphones mobiles est passé de 390 000 en 2000 à 1,7 million en 2005 et 3,3 millions en mars 2007. La contribution des télécommunications au PIB est estimée à 11,4 % en 2008, une hausse d'environ 0,6 % depuis 2006. Quant au commerce, il représentait, d'après les estimations, 15,3 % du PIB en 2008, en baisse par rapport à 2006 et 2007. Pour 2009, on s'attend à une croissance de 5,6 % du secteur tertiaire, principalement sous l'impulsion des activités commerciales, des transports et des postes et télécommunications.

Les exportations ont continué à fléchir en 2007, avec une baisse de 23,1 milliards de francs CFA en 2007, contre une hausse des importations de 201,9 milliards de francs CFA. La part des exportations de biens et services dans le PIB diminue et passe de 25,4 % en 2006 à 23 % en 2007. Elle est estimée à 22,4 en 2008, avec des projections pour 2009 et 2010 de l'ordre, respectivement, de 21,2 % et 20,6 %. La part des importations reste pratiquement stable, 42,1 % en 2006 et 41,2 % en 2007. Elle est estimée à 43 % en 2008. Les prévisions pour 2009 et 2010 sont respectivement de 36,5 % et 37 % du PIB. Les difficultés rencontrées par les ICS, l'arachide et les produits pétroliers, ont pesé sur les performances des exportations.

Malgré certaines difficultés, l'économie sénégalaise présente ainsi dans de nombreux secteurs des opportunités pour les investissements français.

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