CONCLUSION

Après avoir exprimé elle-même un certain nombre de préoccupations, notamment sur la question de l'implication éventuelle du Parquet des mineurs sans intervention du juge des enfants, votre Rapporteur est désormais convaincue, à la lumière de ses nombreux entretiens et de son déplacement en Roumanie, de la nécessité d'adopter rapidement le présent projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre la France et la Roumanie sur la protection des mineurs roumains, qui a été signé il y a maintenant trois ans et dont la ratification est fortement attendue de la part des autorités roumaines.

En effet, seule une entrée en vigueur rapide de cet accord permettra de renforcer la coopération franco-roumaine sur ce dossier sensible ainsi que la protection et le raccompagnement dans leur pays d'origine des mineurs roumains isolés présents sur notre territoire.

Toutefois, à la fois pour des raisons de principe et d'efficacité, votre rapporteur estime important d'insister sur l'intervention du juge des enfants, qui doit demeurer la règle en matière de protection des mineurs.

Enfin, votre Rapporteur tient à insister sur la nécessité d'une approche concertée et coordonnée des États membres de l'Union européenne sur cette problématique, afin de remettre l'enfant au coeur de notre système de protection et de démanteler les réseaux d'exploitation de ces mineurs, qui opèrent à l'échelle du continent.

EXAMEN EN COMMISSION

1. Réunion du 13 mai 2009

Réunie le 13 mai 2009, la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées a examiné une première fois le rapport de Mme Joëlle Garriaud-Maylam sur le présent projet de loi.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam , rapporteur , a indiqué que la France et la Roumanie avaient signé cet accord, le 1 er février 2007, afin de renouveler un précédent accord conclu en 2002 pour une période de trois ans et arrivé à échéance.

Elle a rappelé que le phénomène des mineurs roumains isolés sur le territoire français avait fait son apparition à la fin des années 1990, et que cette présence se traduisait notamment par le pillage systématique des parcmètres parisiens, puis par des activités de prostitution sur la voie publique. Elle a indiqué que, s'il était difficile d'avancer des chiffres fiables, les mineurs roumains représentaient alors l'écrasante majorité des mineurs isolés sur le sol français, avec une population estimée entre 3 000 et 5 000 personnes, provenant dans leur grande majorité d'une région située au Nord-ouest de la Roumanie, inscrite dans une longue tradition de migration. Les mineurs roumains isolés étaient particulièrement vulnérables et exposés à un basculement dans la délinquance et dans des réseaux d'exploitation.

Elle a souligné que, face à ce phénomène, les autorités françaises et roumaines avaient réagi par l'intensification de leur coopération bilatérale en matière policière, judiciaire et de protection des mineurs, ce qui s'est traduit par la signature d'une série d'accords, dont l'accord du 4 octobre 2002 relatif à la protection des mineurs roumains sur le sol français.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur , a indiqué que cet accord prévoyait le repérage et la protection du mineur sur le sol français, qu'il précisait que le juge des enfants pouvait décider le raccompagnement du mineur dans son pays d'origine s'il estimait que c'était la meilleure solution, qu'il formalisait la procédure de retour du mineur à laquelle les autorités roumaines prenaient une large part et qu'il mettait en place un dialogue bilatéral interministériel, avec un groupe de liaison opérationnelle, instance de coopération policière mais aussi d'examen de toute question de nature à renforcer la coopération entre les deux pays sur la question des mineurs.

Evoquant ensuite le bilan de l'accord de 2002, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur , a estimé qu'il était contrasté, puisqu'il avait permis une coopération bilatérale de qualité, la Roumanie ayant fait preuve d'une réelle volonté de coopération pour tenter de résoudre une question difficile. Néanmoins, le nombre de mineurs raccompagnés dans leur pays d'origine était resté très limité, entre quarante et soixante, selon les données disponibles. Elle a considéré que ce faible nombre tenait au fait que le raccompagnement n'était pas l'objectif premier de l'accord, qui visait avant tout la protection des mineurs isolés roumains sur le sol français. Par ailleurs, le délai de quatre mois prévu pour l'élaboration du projet de retour sur la base d'une enquête sociale était trop long pour satisfaire l'aspiration des jeunes concernés.

Elle a également rappelé que, en pleine période de préparation de son adhésion à l'Union européenne, la Roumanie avait vu sa situation évoluer considérablement, puisqu'elle avait adopté une loi de protection de l'enfance, modernisé la justice des mineurs et démantelé ses structures d'accueil héritées de l'ère Ceausescu, de sinistre réputation. Elle a toutefois regretté que, contrairement à ce qui était prévu dans cet accord, aucune évaluation gouvernementale n'ait été faite quant à la réinsertion de ces jeunes au sein de la société roumaine ou à leur éventuel second départ en migration.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur , a ensuite évoqué les raisons ayant conduit la France à conclure un nouvel accord en 2007.

La première raison tient à l'arrivée à échéance en février 2006 de l'accord de 2002, conclu pour une durée de trois ans. Elle a souligné que le groupe de liaison opérationnelle avait cessé de se réunir en formation bilatérale et qu'aucune demande d'identification de mineur, qui ne dépend pourtant pas de l'accord, n'était intervenue en 2007, la dynamique initiale s'était donc quelque peu épuisée.

La deuxième raison vient du fait que la Roumanie est entrée dans l'Union européenne le 1 er janvier 2007 et que ce pays répond par conséquent en principe aux standards européens en matière de protection de l'enfance.

Elle a souligné que le nouvel accord de 2007 reprenait pour l'essentiel les termes de l'accord de 2002 en faisant une plus large place aux autorités roumaines dans la procédure de retour. Elle a indiqué que cet accord visait à accélérer cette procédure en prévoyant une modification substantielle, puisque si l'accord de 2002 confiait au seul juge des enfants la responsabilité d'autoriser le rapatriement du mineur, au titre de sa compétence pour tout ce qui concerne l'assistance éducative, l'article 4 de l'accord de 2007 modifiait la répartition des pouvoirs entre siège et parquet en prévoyant que le parquet des mineurs peut faire droit à une demande de rapatriement du mineur de la part des autorités roumaines, l'intervention du juge des enfants restant donc possible, mais n'étant plus systématique.

Elle a rappelé que, en droit interne, le parquet disposait de la capacité de prendre des mesures de protection en cas d'urgence, ces mesures devant, en application du code civil, être confirmées ou rapportées par le juge des enfants dans un délai de huit jours. Elle a estimé qu'il était peu probable, même si les autorités roumaines faisaient preuve de diligence, que la demande de raccompagnement intervienne pendant le délai de retenue du mineur. Dans l'hypothèse où le mineur n'est plus localisé à la réception de la demande roumaine, l'accord prévoit qu'il sera inscrit au fichier du système d'information Schengen et pourra être raccompagné sur instruction du parquet en cas de découverte ultérieure.

S'interrogeant sur la position qu'il convient d'adopter sur cet accord, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur , a d'abord souligné que le phénomène des mineurs roumains isolés sur le territoire français avait connu une nette décrue depuis 2002 en volume, les populations de mineurs isolés étaient aujourd'hui majoritairement afghanes, kurdes, chinoises ou encore africaines, et que ce phénomène avait profondément changé de nature. Les mineurs d'aujourd'hui sont majoritairement des roms, pas seulement roumains, mais provenant essentiellement de l'ex-Yougoslavie, ce qui n'était pas le cas en 2002, et ils ne sont pas isolés, mais le plus souvent en famille. Elle a considéré que le problème était plutôt celui des itinérants, en particulier des roms et que cette question dépassait de loin le cadre du présent accord.

Elle a également estimé que le fait que le juge des enfants, autorité compétente pour les mesures de protection, n'intervienne plus systématiquement, soulevait une réelle difficulté, à plusieurs niveaux :

- sur le plan des principes, les mineurs étrangers isolés sont placés, comme tous les mineurs, sous la protection du juge des enfants. Notre droit interdisant les mesures d'éloignement à l'encontre des mineurs, l'exécution d'une demande de raccompagnement des autorités roumaines, sans que soit acquis devant le juge des enfants sinon le consentement du mineur, du moins son ralliement à cette solution, qui peut intervenir plusieurs mois après la présentation au parquet, prendrait potentiellement la forme d'un éloignement ;

- sur le plan pratique, le mineur ne peut être raccompagné par la police puisqu'il ne s'agit pas d'une mesure d'éloignement ;

- et, enfin, sur son efficacité, compte tenu du fait que, dans un espace de libre-circulation, et dans le cas d'un retour qui ne recueillerait pas l'adhésion du mineur concerné, le risque est élevé de le voir de nouveau sur le sol français quelques semaines ou quelques mois plus tard si les conditions qui l'ont conduit à quitter son pays n'ont pas changé.

Elle a estimé que les jeunes roms représentaient une véritable difficulté et un défi pour l'Europe entière, et qu'il n'était pas certain que la Roumanie soit la mieux armée pour faire face à ce phénomène. Elle a rappelé que le ministre de l'immigration, M. Eric Besson, avait annoncé la création d'un groupe de travail interministériel sur les mineurs étrangers isolés, qui doit rendre ses conclusions en juillet prochain.

En conclusion, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur , a estimé que cet accord soulevait plusieurs incertitudes, tant sur sa nécessité compte tenu de la très forte décrue numérique du phénomène des mineurs roumains isolés et de l'existence d'un dispositif de droit commun, que sur le plan juridique pour ce qui concerne le rôle du juge des enfants et l'intervention nouvelle du parquet et le consentement du mineur, ou encore quant à son efficacité si le retour est insuffisamment préparé dans un contexte de libre circulation des personnes.

Pour ces raisons, elle a fait part à la commission de ses fortes interrogations sur l'opportunité de cet accord, en estimant qu'un tel sujet mériterait davantage d'être traité à l'échelle de l'Union européenne que dans un cadre bilatéral.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, un débat s'est engagé.

M. Robert Badinter a déclaré partager les fortes préoccupations du rapporteur sur le contenu et l'utilité de cet accord. Il a estimé que le phénomène des mineurs isolés, souvent roms, issus de Roumanie, mais aussi d'Albanie, de l'ex-Yougoslavie ou d'autres pays tiers, était un problème majeur pour l'ensemble de l'Europe, qu'une approche strictement bilatérale était inefficace compte tenu de la liberté de circulation des personnes et qu'il fallait donc privilégier une action à l'échelle du continent, dans le cadre de l'Union européenne ou du Conseil de l'Europe. Il a également regretté le fait que cet accord méconnaisse les pouvoirs du juge des enfants en matière de protection et d'assistance éducative des mineurs isolés au profit du parquet des mineurs. Il a jugé que cette mesure s'inscrivait dans un contexte plus général du transfert des pouvoirs judiciaires du siège au parquet, qui, par son mode de fonctionnement comme par son statut et ses relations avec le pouvoir exécutif, s'apparente davantage à une autorité administrative qu'à une autorité judiciaire.

Sur proposition de son rapporteur, la commission a alors décidé de reporter sa décision . Elle a demandé au rapporteur de poursuivre ses investigations et de faire rapport à une date ultérieure .

2. Réunion du 23 février 2010

Lors d'une seconde réunion tenue le 23 février 2010, la commission à de nouveau procédé à l'examen du présent projet de loi.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam , rapporteur , a rappelé qu'elle avait déjà présenté le contenu de cet accord, signé le 1 er février 2007 et ratifié par le gouvernement roumain en octobre de la même année, devant la commission le 13 mai 2009, mais qu'elle avait alors fait part d'un certain nombre d'interrogations concernant son contenu, préoccupations qui avaient d'ailleurs été partagées par plusieurs membres de la commission. Celle-ci avait alors décidé de reporter sa décision et l'avait chargée de suivre les évolutions de ce dossier et de présenter un nouveau rapport à une date ultérieure.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam , rapporteur , a indiqué que, depuis cette date, elle avait eu de nombreux entretiens avec les responsables chargés de ce dossier au ministère de l'immigration, mais aussi avec la défenseure des enfants, Mme Dominique Versini, les représentants des associations, des magistrats, mais aussi des membres du groupe de travail sur la situation des mineurs étrangers isolés, mis en place par le ministre de l'immigration M. Eric Besson et qui a remis ses premières conclusions en octobre 2009. Elle a également indiqué qu'elle avait effectué, les 18 et 19 février 2010, un déplacement en Roumanie spécifiquement consacré à ce sujet, au cours duquel elle avait pu s'entretenir avec la secrétaire d'Etat à la justice, le secrétaire d'Etat chargé des affaires européennes, le président de l'autorité nationale de protection de la famille et des droits de l'enfant, le magistrat français détaché au ministère roumain de la justice, ainsi qu'avec de nombreuses autres personnalités. A cet égard, elle a rendu hommage au travail réalisé par les services de l'ambassade de France et les magistrats français en Roumanie.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam , rapporteur , a rappelé que la France et la Roumanie avaient signé cet accord le 1 er février 2007, afin de renouveler un précédent accord conclu en 2002 pour une période de trois ans et arrivé à échéance.

Elle a rappelé que le phénomène des mineurs roumains isolés sur le territoire français avait fait son apparition à la fin des années 1990, et que cette présence se traduisait notamment par le pillage systématique des parcmètres parisiens, puis par des activités de prostitution sur la voie publique.

Elle a indiqué que, s'il était difficile d'avancer des chiffres fiables, les mineurs roumains représentaient alors l'écrasante majorité des mineurs isolés sur le sol français, avec une population estimée entre 3 000 et 5 000 personnes, provenant dans leur grande majorité d'une région située au Nord-ouest de la Roumanie, inscrite dans une longue tradition de migration. Les mineurs roumains isolés étaient particulièrement vulnérables et exposés à un basculement dans la délinquance et dans des réseaux d'exploitation.

Elle a souligné que, face à ce phénomène, les autorités françaises et roumaines avaient réagi par l'intensification de leur coopération bilatérale en matière policière, judiciaire et de protection des mineurs, ce qui s'est traduit par la signature d'une série d'accords, dont l'accord du 4 octobre 2002 relatif à la protection des mineurs roumains sur le sol français.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur , a indiqué que l'accord de 2002 prévoyait le repérage et la protection du mineur sur le sol français, qu'il précisait que le juge des enfants pouvait décider le raccompagnement du mineur dans son pays d'origine s'il estimait que c'était la meilleure solution, qu'il formalisait la procédure de retour du mineur à laquelle les autorités roumaines prenaient une large part et qu'il mettait en place un dialogue bilatéral interministériel, avec un groupe de liaison opérationnelle, instance de coopération policière et judiciaire mais aussi d'examen de toute question de nature à renforcer la coopération entre les deux pays sur la question des mineurs.

Evoquant ensuite le bilan de l'accord de 2002, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur , l'a estimé contrasté, puisqu'il avait permis une coopération bilatérale de qualité, la Roumanie ayant fait preuve d'une réelle volonté de coopération pour tenter de résoudre une question difficile. Néanmoins, le nombre de mineurs raccompagnés dans leur pays d'origine est resté très limité. Sur 313 mineurs isolés roumains susceptibles d'être concernés, seuls 44 sont rentrés dans leur pays, dont 31 dans le cadre d'un raccompagnement organisé par l'agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) et 13 par d'autres moyens.

Elle a considéré que ce faible nombre tenait au fait que le raccompagnement n'était pas l'objectif premier de l'accord, qui visait avant tout la protection des mineurs isolés roumains sur le sol français. Par ailleurs, le délai de quatre mois prévu pour l'élaboration du projet de retour sur la base d'une enquête sociale était trop long pour satisfaire l'aspiration des jeunes concernés.

Elle a également rappelé que, en pleine période de préparation de son adhésion à l'Union européenne, la Roumanie avait vu sa situation évoluer considérablement, puisqu'elle avait adopté une loi de protection de l'enfance, modernisé la justice des mineurs et démantelé ses structures d'accueil héritées de l'ère Ceausescu, de sinistre réputation.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur , a ensuite évoqué les raisons ayant conduit la France à conclure un nouvel accord en 2007.

La première raison tient à l'arrivée à échéance en février 2006 de l'accord de 2002, conclu pour une durée de trois ans. Elle a souligné que le groupe de liaison opérationnelle avait cessé de se réunir en formation bilatérale et qu'aucune demande d'identification de mineur, qui ne dépend pourtant pas de l'accord, n'était intervenue en 2007, la dynamique initiale s'était donc quelque peu épuisée.

La deuxième raison vient du fait que la Roumanie est entrée dans l'Union européenne le 1 er janvier 2007 et que ce pays répond par conséquent en principe aux standards européens en matière de protection de l'enfance.

Elle a souligné que le nouvel accord de 2007 reprenait pour l'essentiel les termes de l'accord de 2002 en faisant une plus large place aux autorités roumaines dans la procédure de retour. Elle a indiqué que cet accord visait à accélérer cette procédure en prévoyant une modification substantielle, puisque si l'accord de 2002 confiait au seul juge des enfants la responsabilité d'autoriser le rapatriement du mineur, au titre de sa compétence pour tout ce qui concerne l'assistance éducative, l'article 4 de l'accord de 2007 modifiait la répartition des pouvoirs entre siège et parquet en prévoyant que le parquet des mineurs peut faire droit à une demande de rapatriement du mineur de la part des autorités roumaines, l'intervention du juge des enfants restant donc possible, mais n'étant plus systématique.

Elle a rappelé que, en droit interne, le parquet disposait de la capacité de prendre des mesures de protection en cas d'urgence, ces mesures devant, en application du code civil, être confirmées ou rapportées par le juge des enfants dans un délai de huit jours. Elle a estimé qu'il était peu probable, même si les autorités roumaines faisaient preuve de diligence, que la demande de raccompagnement intervienne pendant le délai de retenue du mineur. Dans l'hypothèse où le mineur n'est plus localisé à la réception de la demande roumaine, l'accord prévoit qu'il sera inscrit au fichier du système d'information Schengen et pourra être raccompagné sur instruction du parquet en cas de découverte ultérieure.

Abordant ensuite les éléments nouveaux recueillis à l'occasion de ses nombreux entretiens et de son déplacement en Roumanie, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur , a tout d'abord souligné que, si le phénomène des mineurs roumains isolés sur le territoire français avait connu une nette décrue entre 2002 et 2008, avec l'apparition de mineurs isolés afghans, kurdes, chinois ou encore africains, ce phénomène semblait connaître une augmentation sensible ces derniers mois, puisque selon les données dont elle dispose, le nombre de mineurs roumains mis en cause dans des infractions sur le territoire a augmenté de plus de 57 % au premier semestre de l'année 2009 par rapport aux chiffres de 2008.

Concernant ensuite la modification de l'équilibre entre le juge du siège et le parquet dans la procédure, qui a soulevé les craintes des associations et sur laquelle elle avait elle-même fait part de ses préoccupations lors de l'examen de son rapport en mai 2009, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur , tout en continuant de regretter cette modification et en relevant d'ailleurs que la secrétaire d'Etat à la justice roumaine s'était montrée disposée à modifier le texte de la convention sur ce point, a souhaité toutefois nuancer sa portée pratique.

Elle a rappelé que l'intervention du Parquet en matière de protection des mineurs existait déjà en droit interne, en vertu de l'article 375-5 du code civil, en cas d'urgence, même si le juge des enfants est amené ensuite à confirmer la décision du Parquet dans un délai de huit jours. En pratique, l'accord permettra au Parquet de solliciter très vite des autorités roumaines une enquête sociale.

Elle a également fait valoir que l'identification du mineur isolé et de sa famille et la réalisation de l'enquête sociale, qui reste un préalable nécessaire au retour du mineur dans son pays d'origine aux termes de la loi roumaine, ne sauraient être effectuées dans un délai aussi court, si bien que le juge des enfants sera très certainement amené à intervenir dans la procédure.

Enfin, elle a estimé que la procédure prévue en matière de retour des mineurs isolés dans leur pays d'origine, même en cas de retenue du mineur, ne saurait s'assimiler à une procédure d'expulsion déguisée de mineurs délinquants sous l'autorité du Parquet et sans leur consentement, étant donné que le recueil des éléments nécessaires et l'organisation pratique du retour n'étaient pas envisageables dans des délais aussi courts.

Tout en regrettant la présence de cette disposition, qui a donné des arguments aux détracteurs de cet accord, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur , a indiqué que le retard mis par la France pour le ratifier suscitait une forte incompréhension de la part des autorités roumaines, qui étaient très désireuses de renforcer leur coopération avec notre pays sur ce sujet.

Elle a donc plaidé en faveur de sa ratification en estimant que seule une entrée en vigueur rapide de cet accord pourrait permettre de relancer la coopération entre la France et la Roumanie sur ce dossier.

En particulier, elle a déploré que, en l'absence de ratification de l'accord, les échanges d'informations, la coopération bilatérale et le rapatriement des mineurs soient actuellement bloqués et elle a estimé que la ratification de cet accord permettrait de relancer le groupe de liaison opérationnelle, qui avait permis des progrès importants en matière de protection de l'enfance en Roumanie, par exemple sur la qualité des enquêtes sociales.

Elle a rappelé que la situation des mineurs isolés était un sujet très délicat qui variait beaucoup en fonction des situations et que, dans certains cas, il n'était pas certain que le placement de ces mineurs au sein des structures françaises d'accueil soit la meilleure solution, surtout si ces mineurs ont encore des proches dans leur pays, en mentionnant des exemples de fugues ou de situations dans lesquelles ces mineurs, lorsqu'ils demeurent sur notre territoire, retombent entre les mains des réseaux qui les exploitent.

Dans certaines situations, et sous réserve de son consentement, le retour au sein de sa famille dans son pays d'origine répond à l'intérêt supérieur de l'enfant.

Elle a également estimé que l'accord de 2007 visait précisément à répondre à ce type de situation en accélérant la procédure de rapatriement des mineurs isolés, tout en conservant toutes les garanties nécessaires pour que ce retour se fasse dans les meilleures conditions.

Elle a rappelé, en particulier, que le retour du mineur roumain nécessitera toujours une enquête sociale préalable, aux termes de la loi roumaine, et que ce mineur sera pris en charge par les autorités roumaines dès son arrivée dans son pays.

Elle a également fait valoir que la législation roumaine prévoyait un suivi renforcé des mineurs qui sont retournés dans leur pays, pendant une durée d'au moins six mois, ainsi que l'information des autorités françaises sur leur situation.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur , s'est enfin déclarée profondément persuadée que la question de la protection des mineurs étrangers isolés nécessite une intervention de l'Union européenne, puisque, dans un espace de libre-circulation des personnes, le risque existe de voir ces mineurs revenir à nouveau sur le sol français quelques semaines ou quelques mois plus tard, si les conditions qui les ont conduit à quitter leur pays sont toujours réunies.

Elle a fait valoir que cela concernait en particulier la situation des jeunes Roms, qui représentent une véritable difficulté et un défi pour l'Europe entière, et dont il n'est pas certain que la Roumanie, qui n'est pas le seul pays concerné, soit mieux armée que la France pour y faire face.

Toutefois, elle a estimé que dans l'attente d'un cadre européen, la coopération bilatérale menée ces dernières années entre la Roumanie et plusieurs pays européens, comme la France, ou l'Espagne et l'Italie, qui ont conclu des accords similaires fondés sur le modèle de celui signé précédemment par la France, constituait une nécessité, comme l'a rappelé le secrétaire d'Etat aux affaires européennes, M. Pierre Lellouche, lors de son récent déplacement dans ce pays.

En conclusion, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur , a estimé que le principal intérêt de cet accord était de renforcer la coopération entre la France et la Roumanie sur ce dossier sensible et qui suscite une forte attente de la part des autorités roumaines, comme elle avait pu le constater lors de son déplacement dans ce pays.

Toutefois, il lui semble nécessaire d'insister, tant pour des considérations de principe que d'efficacité, sur l'intervention du juge des enfants dans la procédure.

Sous le bénéfice de ces remarques, elle a recommandé à la commission l'adoption du présent projet de loi et que son examen en séance publique s'effectue sous forme simplifiée afin de permettre une entrée en vigueur rapide de cet accord.

A la suite de cette intervention, un débat s'est engagé au sein de la commission.

M. Josselin de Rohan , président , s'étant interrogé sur la manière dont ces mineurs roumains se retrouvent isolés sur le territoire français, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur , a répondu qu'il existait une diversité de situations, avec des enfants issus de familles vivant souvent dans la misère dans des zones rurales partant à l'étranger dans l'espoir de trouver une vie meilleure, des mineurs en errance cherchant à échapper à des problèmes familiaux ou judiciaires, mais aussi des enfants victimes de véritables réseaux, qui font traverser les frontières et qui utilisent et exploitent ces mineurs pour la mendicité, le vol ou la prostitution.

Elle a donc estimé indispensable de renforcer la coopération policière et judiciaire entre la France et la Roumanie afin de démanteler les filières et les réseaux qui exploitent ces enfants.

Elle a mentionné la réelle détermination des autorités roumaines à lutter contre ce fléau et à favoriser la réinsertion des mineurs à leur retour.

M. Josselin de Rohan, président , ayant évoqué les mineurs roms, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur , a répondu que la question des mineurs roms était spécifique à bien des égards. Elle a indiqué que, contrairement à certains mineurs roumains qui se retrouvent isolés sur le territoire français, les jeunes Roms vivaient souvent avec des proches dans des campements ou des caravanes.

Mme Catherine Tasca a fait part de ses fortes préoccupations au sujet de cette convention, au regard des rôles respectifs du juge des enfants et du Parquet dans la procédure de raccompagnement du mineur.

Elle a contesté l'idée de confier au Parquet la possibilité d'autoriser le rapatriement du mineur en estimant que le juge des enfants devait conserver la responsabilité d'autoriser le rapatriement du mineur au titre de sa compétence pour tout ce qui concerne l'assistance éducative, au regard des principes fondamentaux de notre droit et des obligations internationales.

Relevant que d'après le rapporteur les autorités roumaines s'étaient montrées disposées à modifier le texte de la convention sur ce point, si cela pouvait permettre de lever certaines réticences et de ratifier cet accord, elle s'est interrogée sur les motivations ayant conduit les autorités françaises à introduire cette modification et s'est demandée s'il ne serait pas opportun de revenir sur celle-ci au moyen d'un autre accord.

Elle s'est également interrogée sur les véritables objectifs poursuivis par le projet de loi.

Elle a estimé que, sur un sujet de cette importance, qui touche à des principes fondamentaux de notre droit, un débat était indispensable et elle a donc souhaité que ce projet de loi fasse l'objet d'un débat en séance publique.

M. Josselin de Rohan, président , a alors pris acte de cette demande.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur , a précisé que le retard pris par la France dans la ratification de cet accord, signé en 2007, et l'impératif d'un renforcement de la coopération bilatérale franco-roumaine justifiaient une procédure rapide afin de permettre au plus vite une entrée en vigueur de cet accord et une relance de la coopération bilatérale sur ce dossier, en particulier le groupe de liaison opérationnel. Elle a estimé qu'une modification de l'accord présenterait l'inconvénient de retarder encore sa mise en oeuvre.

Elle a regretté la modification de l'équilibre entre le juge du siège et le Parquet, qui résulte d'une demande du ministère français de la justice, tout en rappelant qu'une telle intervention existait déjà dans notre droit en cas d'urgence et qu'en pratique le juge des enfants sera très vraisemblablement amené à intervenir dans la procédure et à autoriser le raccompagnement, compte tenu du délai de huit jours.

M. Daniel Reiner s'est demandé s'il n'était pas possible de renforcer la coopération bilatérale entre la France et la Roumanie en matière de protection des mineurs isolés, indépendamment du sort réservé à cette convention.

Il a également rappelé que de nombreuses associations et institutions reconnues avaient dénoncé cette convention, notamment concernant le rôle du juge des enfants, et avaient critiqué son efficacité en matière de protection des mineurs.

Il s'est également interrogé sur l'évolution du nombre de mineurs isolés et la part des mineurs roumains au sein de cette population.

Par ailleurs, il a estimé que seule une intervention au niveau de l'Union européenne permettrait réellement de répondre au problème des mineurs isolés, notamment de la communauté rom, compte tenu de la libre circulation des personnes.

En réponse, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur , a indiqué que si une action de l'Union européenne était effectivement indispensable, comme elle l'avait d'ailleurs souligné dans son intervention, l'absence d'une telle action ne devait pas pour autant dispenser les Etats de nouer des coopérations bilatérales, à l'image de celles existantes entre la Roumanie et l'Italie ou l'Espagne. Elle a d'ailleurs mis en avant le fait que ces pays avaient signé des accords avec la Roumanie, fondés sur le modèle de celui conclu précédemment avec la France.

Elle a estimé que seule la ratification de cet accord, qui est fortement attendue de la part des autorités roumaines, permettrait de renforcer la coopération bilatérale entre nos deux pays, en matière d'échanges d'informations, d'identification de ces mineurs ou de leur famille ou encore de raccompagnement de ces enfants dans leur pays d'origine.

A l'issue de ce débat, la commission a adopté, le groupe socialiste s'abstenant , le projet de loi et proposé qu'il fasse l'objet d'un débat en séance publique .

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