ANNEXE VIII -
Bilan en 2006 de l'accord franco-roumain de 2002

Eléments de bilan concernant la coopération franco-roumaine dans le cadre de l'Accord bilatéral gouvernemental relatif à la protection des mineurs roumains isolés sur le territoire de la République Française, leur rapatriement et la lutte contre les réseaux d `exploitation des mineurs, signé le 4 octobre 2002

1. Le contexte et les objectifs de la coopération franco- roumaine dans le cadre de l'Accord bilatéral

La problématique de la migration dans l'espace européen des enfants isolés - y compris des enfants roumains - développée après les années 1990, dans le contexte des changements sociopolitiques du sud-est de l'Europe, ainsi que les risques de manque de surveillance de ces enfants par des représentants légaux est devenue une préoccupation primordiale après le 1 er janvier 2002, suite à la facilitation de l'accès des citoyens non-européens dans l'espace européen, y compris des citoyens roumains, en relation avec la mise en application de l'Accord Schengen.

Vu le contexte, la France a été le premier Etat à saisir les autorités roumaines de la présence sur son territoire d'un nombre important d'enfants roumains isolés. Cette situation a abouti rapidement à la négociation, l'élaboration et la signature, le 4 octobre 2002, de l' « Accord entre le Gouvernement de la Roumanie et le Gouvernement de la République Française sur la coopération en vue de la protection des mineurs roumains se trouvant en difficulté sur le territoire de la France et leur rapatriement dans leur pays d `origine, ainsi que sur la lutte contre les réseaux d'exploitation ».

Cet Accord, valable pendant trois ans, a été ratifié par la partie roumaine par l'Arrêté du Gouvernement no.1295 du 20.11.2002, et par la partie française par le Décret no. 2003-220 du 7 mars 2003.

Après l'entrée en vigueur de l'accord, toute la problématique de la migration des enfants roumains sur le territoire de la France a été abordée par les deux Etats dans le cadre de l'accomplissement des objectifs fixés et selon les procédures de coopération bilatérale élaborées dans la mise en application de ce document.

En premier lieu, l'Accord signé le 4 octobre 2002 pose la coopération des parties pour l'accomplissement des objectifs suivants :

- l'identification des enfants roumains non-accompagnés par un représentant légal, et se trouvant en difficulté sur le territoire français, ainsi que leur protection en urgence en France ;

- la préparation des enfants et de leur famille en Roumanie en vue du retour des mineurs dans le pays et la mise en place des mesures de protection appropriées ;

- le transport des enfants en Roumanie, par le biais de l'Office de Migration Internationale (aujourd'hui ANAEM) et la prise en charge de ceux-ci par les autorités roumaines compétentes, qui seront chargées de l'application des mesures de protection afférentes ainsi que de prévention des récidives ;

- la prévention du départ illégal, ou dans des situations de risque autres, des enfants à l'étranger, ainsi que de la lutte contre les réseaux d'exploitation, par la mise en oeuvre de projets-pilote de coopération bilatérale pluridisciplinaire.

Les dispositions de l'Accord sont fondées tant sur le respect des législations nationales des deux pays, et sur les normes et les principes du droit international (notamment les normes et principes de la Convention internationale des droits de l'enfant, adoptée par l'Assemblée Générale des Nations Unies le 20 novembre 1989), que sur les dispositions d'autres traités et protocoles signés entre les deux Etats, tels que :

- Le Traité d'entente amicale et de coopération entre la Roumanie et la République Française, signé le 20 novembre 1991 à Paris,

- L'Accord entre les Gouvernements de la Roumanie et de la France relatif à la réadmission des personnes en situation illégale, signé le 12 avril 1994, à Bucarest,

- L'Accord entre les Gouvernements de la Roumanie et de la France relatif à la coopération dans le domaine des affaires intérieures, signé le 21 février 1997 à Bucarest,

- Le Protocole entre le ministre de l'intérieur de la Roumanie et celui de la France relatif au renforcement de la coopération bilatérale pour la lutte contre la criminalité organisée, le trafic d'êtres humains et pour le maintien de la sécurité intérieure dans les deux pays, signé le 30 août 2002 à Bucarest,

En vue de l'accomplissement des objectifs mentionnés, l'Accord signé le 4 octobre 2004 a prévu la mise en place du Groupe opérationnel de liaison franco- roumain (art. 3, point 2), destiné à être la structure pluridisciplinaire bilatérale pour la facilitation des relations opérationnelles permanentes entre les deux pays.

Ce Groupe opérationnel a été effectivement constitué en novembre 2002, aussitôt après la signature de l'accord, sous la coordination logistique des Ministères de la Justice des deux pays.

En conformité avec les procédures établies entre les deux parties, le Groupe opérationnel s'est réuni en séances plénières bilatérales franco-roumaines et en séances nationales ; dans l'intervalle entre deux réunions, les membres ont mené une activité opérationnelle permanente, tant sur le plan interne, de collaboration interinstitutionnelle avec les structures nationales représentées, que sur le plan bilatéral, avec les structures françaises homologues.

Suite à l'expérience de travail des membres du GLO, des mesures spécifiques ont été proposées, qui se sont concrétisées ensuite entre les deux pays

- par la mise en place de dispositifs internes spécialisés,

- par des actes normatifs concernant la problématique des mineurs migrants isolés

- par des dispositions particulières dans la nouvelle législation roumaine relative à la protection et de la promotion des droits des enfants,

- par divers projets ponctuels de coopération bilatérale.

*

2. Eléments de bilan - période 2003-2005

Lors de la dernière réunion bilatérale du GLO, qui a eu lieu le 26-27 janvier 2006 à Paris, des éléments importants de bilan de la coopération franco-roumaine concernant la problématique de la migration des enfants roumains en situation de risque ont été abordés. Les conclusions relevées par les deux parties sont les suivantes :

- Les conséquences positives - en ce qui concerne la Roumanie - tant de la coopération bilatérale que de la coopération interinstitutionnelle interne, mises en oeuvre par le biais du GLO concernant l'approche de la problématique de la migration illégale et de la protection des enfants roumains isolés à l'étranger et/ou victimes de l'exploitation ou de la traite. Elles se sont traduites dans certains aspects de la nouvelle législation relative à la protection des droits des enfants et de la migration, dans la création de nouveaux types de services pour les enfants rapatriés isolés ou victimes de la traite et dans des instruments et méthodologies de travail ;

- Une réelle évolution des débats avec la France, quant à l'approche de la problématique des enfants étrangers en difficulté sur le territoire de ce pays et surtout des enfants roumains, dans le contexte des démarches d'adhésion de la Roumanie à l'Union Européenne ;

- La nécessité du renouvellement de l'accord bilatéral signé le 4 octobre 2002, avec l'introduction d'une série d'objectifs destinés à préciser la coopération formelle en matière de criminalité organisée et de délinquance juvénile, avec une attention particulière concernant les cas d'abus et d'exploitation des enfants migrants par le milieu familial (l'encouragement, la facilitation ou la contrainte à l'égard des enfants pour la pratique de la mendicité, du vol ou de la prostitution);

- Le fait que le nouvel accord doit s'appuyer sur toute l'expérience accumulée par les parties et sur les éléments de bilan mis en discussion, ainsi que sur la poursuite et le développement de la coopération bilatérale opérationnelle dans le cadre et par le biais du GLO ;

- La configuration de l'accord signé le 4 octobre 2002 comme base du nouvel accord bilatéral à ce sujet, mais aussi comme modèle possible pour la coopération de chacun des deux pays avec d'autres Etats ;

- La poursuite tacite de la collaboration bilatérale, selon les modalités et les procédures établies par l'accord signé le 4 octobre 2002, jusqu'à la conclusion et la mise en application d'un nouvel accord à ce sujet.

Concrètement, les principaux résultats sur le plan législatif et institutionnel de la coopération franco- roumaine dans le cadre du rapport ont été, pour la Roumanie, les suivants :

q La mise en place du réseau national de services spécialisés dans la protection et l'assistance des enfants rapatriés et victimes de la traite.

Suite à l'élaboration par l'ANPDC, en 2004 -2005, des programmes d'intérêt national, financés par le budget de l'Etat, et destinés à répondre à la problématique de la migration illégale et de la traite d'enfants.

Cet ensemble de services a été créé dans le contexte des démarches conjuguées de mise en oeuvre des objectifs prévus dans le cadre de l'Accord avec la France et dans celui de l'organisation collatérale du dispositif national concernant la problématique de la traite :

- la mise en place, en 2003, du Groupe interministériel de travail pour la coordination de l'activité de prévention et de la lutte contre le trafic de personnes (cf. Arrêté du Gouvernement no. 299/2003 approuvant le Règlement d'application de la loi 678/2001 sur la prévention et la lutte contre le trafic de personnes),

- la mise en place du Sous-groupe de travail pour la coordination de l'activité de prévention et de la lutte contre le trafic d'enfants (novembre 2003)

- l'approbation, par Arrêté du Gouvernement no. 1295/2004, du Plan national d'action pour la prévention et la lutte contre le trafic d'enfants .

Les deux Programmes d'intérêt national dans le domaine de la migration illégale et de la traite ont abouti à la constitution , au sein des directions pour la protection de l'enfant (à présent directions générales d'assistance sociale et de protection de l'enfant - DGASPC) subordonnées aux Conseils départementaux , de 11 centres départementaux pour la protection et l'assistance des enfants rapatriés isolés et des enfants victimes de la traite (dans les départements SM, BH, AR, TM, SV, IS, BT, NT, GL, MH et GR) et d'un centre pilote à Bucarest, pour la coordination opérationnelle du nouveau réseau de services soit 136 places au total.

Dans le cadre de ces programmes,  des activités de prévention de la migration illégale et de la traite ont été menées dans 23 départements et à Bucarest : des équipes inter institutionnelles départementales ont été mises en place, le personnel des structures créées a été formé et les axes principaux de la méthodologie nationale ont été définis pour un travail en réseau inter institutionnel concernant la prévention de la migration illégale et de la traite ainsi que la protection et l'assistance des enfants rapatriés isolés et victimes de la traite.

q L'élaboration :

- des dispositions de la loi 272/2004 sur la protection et la promotion des droits des enfants, concernant les droits des enfants découverts isolés sur le territoire d'autres Etats et de ceux victimes de l'exploitation et de la traite ;

- de la « Méthodologie de rapatriement des enfants roumains isolés et de mise en place de mesures de protection pour ceux-ci », approuvée par l'Arrêté du Gouvernement no. 1443/2004;

- du « Plan National d'Action pour la prévention et la lutte contre le trafic d'enfants », approuvé par l'Arrêté du Gouvernement no. 1295/2004 ;

- du « Modèle d'enquête sociale et du plan de préparation du rapatriement des enfants isolés et se trouvant en difficulté sur le territoire d'autres états», approuvé par l'Ordre de l'ANPDC no. 107/2005 ;

- des réglementations diverses sur la méthodologie d'enregistrement nominatif des enfants au passage de la frontière, la sécurisation des documents de voyage des enfants et d'autres mesures de renforcement du contrôle à la frontière, jusqu'à l'approbation de la loi no.248/2005 sur la libre circulation des citoyens roumains à l'étranger.

Renseignements sur les enfants : période 2003 à 2005

- Lors de la période de référence, l'ANPDC a été saisie de la situation de 313 enfants isolés, pour entreprendre les procédures de rapatriement, conformément à son rôle institutionnel dans le cadre de l'accord: demande d'enquête sociale, de plans individuels de réintégration sociale post-rapatriement, accords pour confier la responsabilité à la famille et/ou aux les services sociaux compétents et préparation logistique de l'accueil des enfants au moment de l'arrivée dans le pays.

- Sur les 313 enfants : 44 sont rentrés en Roumanie (14 enfants en 2003, 11 en 2004 et 19 en 2005), dont:

- 31 ont bénéficié de rapatriement assisté mis à disposition par l'Office pour les Migrations Internationales français (à présent ANAEM), selon les procédures agréées dans le cadre de l'accord,

- 13 sont revenus par d'autres moyens - rapatriement assisté par les services sociaux français, réseaux familiaux ou par leurs propres moyens ; ces mineurs sont souvent découverts à leur domicile par les services sociaux de Roumanie lors de la mise en place des démarches de rapatriement ; ces situations atypiques ont été enregistrées surtout en 2003, première année d'application de l'accord.

- La majorité des enfants rapatriés ont été impliqués dans des activités de vol et de mendicité, mais il y a eu aussi 4 cas de prostitution ; sur le total d'enfants rapatriés, 27 sont des garçons et 17 des filles ; à présent, 38 sont majeurs, seulement 6 étant mineurs.

- Les enfants rapatriés et leurs familles ont bénéficié de services d'accompagnement de la part des DGASPC : conseil psychologique et juridique, soutien matériel, accompagnement dans l'intégration scolaire ou professionnelle ; de même, tous les enfants rapatriés par le biais de l'OMI/ANAEM ont bénéficié de soutien dans le cadre du programme coordonné par cette agence en partenariat avec les autorités locales.

- Les raisons du nombre réduit de rapatriements d'enfants, par rapport au nombre de saisines reçues par l'ANPDC sont  le refus de la plupart des enfants de retourner dans leur pays( exprimé directement ou traduit par le refus de toute mesure de protection en France ou par la fuite immédiate des centres d'accueil, avant même l'établissement de l'identité) ; une cause très probable de ce refus peut être la présence des membres de la famille que les mineurs voulaient protéger (ce qui ressort des enquêtes sociales), la présence de l'entourage familial des enfants et/ou des réseaux d'exploitation.

- Même si l'ANPDC n'a été saisie que du cas de 313 enfants, il est à mentionner que la police française a interpellé, pendant la période mentionnée, environ 600 enfants découverts isolés se trouvant en difficulté, identifiés ou présumés être citoyens roumains : enfants qui vagabondaient dans la rue en situation de risque, qui mendiaient, se prostituaient ou étaient impliqués dans diverses infractions (parmi les plus fréquents les vols à la tire et dans les magasins) et a soumis presque 600 dossiers à ses homologues roumains, en vue de la vérification de l'identité. L'écart de 300 enfants non-enregistrés dans les enregistrements de l'ANPDC s'explique par le grand nombre de fausses identités et les activités de sélection menées par les structures habilitées.

- La partie française a mentionné un accroissement important des infractions commises par des enfants de plus en plus jeunes, surtout en termes de vols à la tire et dans les magasins.

3. La coopération bilatérale intérimaire : période 2006 à 2007

Pendant la période mentionnée, la collaboration bilatérale a été poursuivie en vertu de l'accord tacite entre les deux parties, en employant les procédures arrêtées dans le cadre de la mise en application de l'accord signé le 4 octobre 2002.

En vue de la réalisation d'un bilan sur la période 2006-2007, ainsi que de la préparation des mesures destinées à rendre plus efficiente la coopération bilatérale dans le contexte de la mise en application du nouvel accord, l'ANPDC a élaboré une lettre-circulaire (ANPDC no. SSPF/cs/9310/25.09.2007) par laquelle toutes les DGASPC ont été invitées à communiquer toutes les informations qu'elles avaient sur :

- Les enfants roumains en difficulté, rapatriés ou rentrés par d'autres biais du territoire français pendant l'année 2006 et lors du premier semestre de 2007,

- Le nombre et les références nominatives des enfants du département expulsés du territoire de la France, ainsi que de leurs représentants légaux, ayant bénéficié de services d'accompagnement de la part de la DGASPC.

En vertu des informations fournies par les 47 DGASPC, ont été établis les deux tableaux comportant la situation nominative des enfants rapatriés en 2006 (annexe 1) et dans le premier semestre de 2007 (annexe 2) ; quelques conclusions et recommandations ont été retenues - en relation avec la mission de ces directions - dans le souci de rendre plus efficientes les démarches dans le cadre de la mise en oeuvre du nouvel accord :

- Les rapports de suivi des enfants rapatriés sont inégaux du point de vue qualitatif d'un département à l'autre. Ils sont incomplets, dans la plupart des cas, concernant le contenu des informations transmises. Cette situation imposerait l'établissement d'un instrument standard, comportant toutes les informations nécessaires pour l'ensemble des partenaires ;

- Les efforts de l'administration publique locale pour l'accompagnement de la réintégration sociale des enfants rapatriés sont, de même, inégaux. Cette situation est de nature à entraîner tant le maintien de la marginalisation et de la souffrance des enfants concernés, que des récidives de la migration à risque : en ce sens, on peut prendre en compte la réalisation de programmes-pilotes et/ou ponctuels de coopération bilatérale.

- Les DGASPC ne sont pas informées systématiquement par les Conseils locaux et les Inspectorats de Police des situations problématiques de migration circulaire des familles vulnérables accompagnées par leurs enfants ou des situations d'expulsion de familles avec des enfants, en vue de faire les démarches nécessaires à l'accompagnement de ces enfants/familles et à la prévention des récidives . Une série de projets peut être prise en compte aussi dans le cadre de la coopération bilatérale ;

- Les ONG impliquées dans le rapatriement des enfants et dans les programmes de soutien à la réintégration sociale de ceux-ci ne collaborent pas assez avec les DGASPC et l'ANPDC, fait qui mène à une importante perte d'information et de possibilités d'action efficiente.

- Les programmes coordonnés par l'ANAEM ne sont insuffisamment connus par les DGASPC (aucune direction ne les a mentionnés) et par l'ANPDC. Une collaboration initiale dans l'établissement des objectifs et des zones géographiques, ainsi que dans l'information et le soutien réciproque serait salutaire pour tous les partenaires impliqués.

- Dans le contexte de l'intensification de la coopération contre les réseaux d'exploitation des mineurs, la nécessité de modifier la méthodologie actuelle de rapatriement des enfants roumains isolés en introduisant l'obligation de prise en charge initiale des enfants par les centres de transit existant, surtout celui de Bucarest, et de mise en place d'une mesure de placement en urgence, afin d'éviter d'éventuelles réintégrations familiales formelles et de faciliter l'accès des enfants victimes à tous les droits offerts par la loi, selon leur situation personnelle.

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