ANNEXE X -
Premières propositions issues du groupe de travail sur les mineurs étrangers isolés
(mercredi 18 novembre 2009)

Certaines propositions appellent une réponse favorable et sont susceptibles d'être mises en oeuvre à court terme. Il s'agit :

- de la construction d'un outil d'information partagé entre les associations et les services de protection de l'enfance pour mieux connaître les mineurs étrangers isolés présents sur le territoire national. Leur nombre exact, évalué à plusieurs milliers, n'est pas connu de manière fiable. S'agissant d'une population très mobile, les doubles ou triples comptes sont fréquents. Le seul chiffre fiable est celui des arrivées de mineurs non accompagnés par voie aérienne : 1.116 en métropole en 2008 dont 1.068 à l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle ;

- de la séparation complète des mineurs et des majeurs en zone d'attente . Cette séparation existe déjà mais elle est encore imparfaite car la prise en charge des mineurs de moins de 13ans s'effectue dans des hôtels de Roissy - où se pose l'essentiel du problème - avec des « nurses » mises à disposition par les compagnies aériennes. Dans la zone d'attente au sens strict, les chambres des mineurs et les chambres des majeurs sont distinctes mais les espaces doivent être mieux séparés. Un appel d'offres a été lancé pour la construction dans la zone d'attente de Roissy d'un secteur mineurs : les jeunes jusqu'à 16 ans seront accompagnés jour et nuit, dans des locaux adaptés à leur âge, par des membres de la Croix Rouge, sur financement de l'Etat. Les jeunes entre 16 et 18 ans bénéficieront d'une aile réservée près des locaux de la Croix Rouge et de l'Anafé ;

- du renforcement du nombre et de la formation des administrateurs ad hoc chargés d'accompagner les mineurs étrangers isolés non-admis à la frontière . Des améliorations ont déjà été apportées depuis le début de l'année 2009 : le taux de désignation est désormais de 100 %, grâce notamment au renfort apporté à la Croix-Rouge par l'association Famille Assistance. Le Ministère va reprendre les recommandations des membres du groupe de travail, d'abaisser de 30 à 25 ans l'âge minimal de recrutement des administrateurs ad hoc, d'améliorer leurs conditions matérielles d'intervention, et de renforcer leur formation, en liaison, sur les questions d'asile, avec l'OFPRA.

- de la mise en place d'une permanence des administrateurs ad hoc à l'aéroport de Roissy , où transitent la plupart des mineurs, au lieu du dispositif actuel de désignation, a posteriori, par le parquet, après la non-admission du mineurs. Cette demande est formulée par plusieurs associations mais une expérimentation serait sans doute bienvenue pour déterminer l'intérêt de cette proposition, compte tenu de la décision, prise au mois de juin 2009, d'accorder automatiquement à tout mineur souhaitant en France sans les documents requis un délai d'un jour (« jour franc ») avant toute mesure de réacheminement. Ce délai préserve les droits du mineur dans l'attente de la nomination de l'administrateur ad hoc qui l'accompagnera dans les procédures.

- de remplacer l'actuel procédé de détermination de l'âge par examen osseux par une nouvelle méthode . Les participants du groupe de travail ont été unanimes pour souligner les incertitudes qui s'attachent, entre les âges de 16 et 20 ans, au procédé de détermination de l'âge par examen osseux. Il faut relativiser les effets de cette insuffisance, bien connue depuis longtemps : à défaut d'autres éléments probants, comme des documents d'état civil authentiques, le doute profite au mineur. Les inconvénients résident plutôt, en réalité, dans la reconnaissance de la qualité de mineur à des personnes majeures, que l'inverse. Mais il faut envisager la mise au point d'un autre système. Le Ministère chargé de l'immigration va donc proposer au Ministère chargé de la santé d'examiner la possibilité de susciter la réunion d'une conférence médicale dite « de consensus » pour que des experts nous aident à déterminer une méthodologie et un référentiel fiables pour la détermination de l'âge des mineurs. Comme cette question concerne l'ensemble des pays européens, confrontés à des problématiques identiques aux nôtres, et que la prochaine présidence espagnole de l'Union européenne a inscrit à son agenda le sujet des mineurs isolés, une approche européenne doit aussi être envisagée.

D'autres propositions appellent, par leur ampleur ou leur caractère interministériel, des consultations complémentaires et des arbitrages. Plusieurs d'entre elles sont d'ores et déjà mises à l'étude :

- la Fondation d'Auteuil et d'autres associations ont fait part de leurs inquiétudes sur les conséquences attachées, sur le plan du droit au séjour, au passage du jeune de la minorité à la majorité. La France se distingue en Europe par le fait qu'elle n'éloigne aucun mineur étranger isolé entré sur son territoire, que ce soit à destination du pays d'origine ou même d'un autre État membre de l'Union européenne dans lequel le mineur a pu demander l'asile. Mais la majorité fait tomber cette protection juridique. Il ne semble pas souhaitable d'interrompre les formations en cours et d'éloigner ces jeunes majeurs au seul motif qu'ils sont entrés irrégulièrement en France lors de leur minorité, sans prendre en compte le parcours réalisé et les efforts d'intégration accomplis. Le mineur étranger isolé qui est engagé dans une formation sérieuse, suivie avec assiduité, dans le cadre d'une structure d'accueil agréée, doit pouvoir être en mesure de terminer cette formation, même après sa majorité. Cette formation lui permettra de s'insérer par le travail, que ce soit - selon le projet personnel construit avec ses éducateurs -en France ou dans son pays d'origine. Une formation interrompue constitue un gâchis humain et économique qui ne profite ni à la France ni au pays d'origine. Les dispositions actuelles sont protectrices lorsque les mineurs ont été placés à l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE) avant 16 ans. Le Ministère va étudier la possibilité de sécuriser la situation des mineurs placés à l'ASE entre 16 ans et 18 ans et de faire bénéficier ceux d'entre eux qui sont engagés dans une formation professionnelle, d'un apprentissage ou d'études, d'une carte de séjour temporaire « salarié » ou « étudiant » ;

- la prise en compte des particularités de la prise en charge des mineurs étrangers isolés, ce qui permettra notamment d'abaisser des taux de fugue trop importants, qui s'expliquent par des projets migratoires prédéterminés - « aller en Angleterre » - mais aussi, parfois, une méconnaissance ou une crainte du dispositif français d'accueil. Deux propositions sont mises à l'étude :

a. La mise en place de dispositif-sas d'évaluation des mineurs étrangers isolés pris en charge par les pouvoirs publics . La compétence, dans le domaine de la protection de l'enfance, appartient aux départements, comme la récente loi du 5 mars 2007 de protection de l'enfance l'a encore rappelé. Mais l'État apporte sa contribution. Le ministère s'engage à maintenir en 2010 le centre expérimental d'accueil des mineurs isolés étrangers installé, initialement pour les 4 derniers mois de l'année 2009, à Vitry-sur-Orne (Moselle). À ce jour, 24 % des mineurs admis dans le centre, à la suite de l'évacuation de la jungle de Calais, ont fait le choix de rester sur place pour y bénéficier de formations linguistiques et d'un accompagnement personnalisé. Le ministère finance un autre centre d'accueil et d'orientation dans le Val-de-Marne, au bénéfice des mineurs demandeurs d'asile (le CAOMIDA) et dont la gestion est confiée à France Terre d'Asile.

b. La création d'un référentiel commun de prise en charge des mineurs étrangers isolés , permettant de corriger des méthodes trop disparates, qui serait à élaboré en concertation avec l'ensemble des partenaires concernés (associations, conseils généraux et services de l'État).

- L'articulation des responsabilités et des financements en matière de prise en charge des mineurs étrangers isolés . La compétence appartient clairement, sur le plan du droit, aux départements, comme l'a rappelé la loi déjà mentionnée du 5 mars 2007 de protection de l'enfance. Mais des difficultés sont apparues, mentionnées dans le groupe de travail par l'association des départements de France (ADF), sur les déséquilibres qui existent entre les départements d'une même région, en fonction de la situation géographique de telle ou telle ville. Un triple travail doit être engagé :

a. celui d'une meilleure répartition géographique en matière de placement des mineurs étrangers isolés , ce qui peut passer par une meilleure utilisation, par les parquets et les juges des enfants, de leur liberté de placement sur l'ensemble du territoire ;

b. celui d'une plus grande solidarité entre conseils généraux . L'État sera d'autant plus écouté s'il apporte une contribution. Il a déjà mis en place des financements (3 M€ pour le dispositif « Versini », 1,7 M€ pour le LAO de Taverny, 1,1 M € pour le CAOMIDA...). Un fonds de financement de la protection de l'enfance est par ailleurs prévu par la loi du 5 mars 2007. Son champ, sans doute trop large, explique la difficulté à le mettre en oeuvre. Mais l'utilisation de ce fonds pourrait être utilement resserrée au bénéfice du financement de mesures en faveur de mineurs étrangers isolés. Le ministère va engager des discussions dans ce sens avec les autres ministères concernés et le président de l'ADF.

c. celui d'une plus grande solidarité européenne . Le ministère soutient la proposition du Médiateur de la République de créer un fonds européen spécialement dévolu à la prise en charge et à l'accompagnement, en Europe comme dans leur pays d'origine, des mineurs étrangers isolés. Ce point sera inscrit à l'ordre des travaux de la prochaine présidence espagnole de l'Union européenne.

Il ressort enfin des conclusions du groupe de travail que les principes fondamentaux de l'accueil en France des mineurs étrangers isolés doivent être maintenus : Les principes de non-exigence d'un titre de séjour, d'absence de toute mesure d'éloignement forcé vers le pays d'origine et de non réadmission dans le pays responsable de la demande d'asile, le principe d'ouverture de l'ensemble des dispositifs éducatifs et sociaux destinés aux mineurs étrangers isolés français, mais aussi le principe du passage en zone d'attente avant l'entrée sur le territoire national, indispensable pour évaluer la situation du mineur, en lien avec les autorités du pays d'origine et sa famille éventuelle, et lutter contre le trafic d'enfants.

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