III. LA CONVENTION D'EXTRADITION : UN TEXTE PLUS STANDARD MAIS NÉANMOINS NOVATEUR À CERTAINS ÉGARDS

Statistiques des demandes d'extradition
présentées par une partie à l'autre

55 demandes actives entre le 1er janvier 1999 et le 7 juillet 2009

26 demandes passives entre le 1er janvier 1999 et le 7 juillet 2009

A. UNE RÉDACTION QUI REPREND CERTAINS PRINCIPES TRADITIONNELS PRÉSENTS DANS LES CONVENTIONS BILATÉRALES D'EXTRADITION

La convention d'extradition reprend pour l'essentiel les dispositions des autres conventions bilatérales et n'apporte pas de dérogation significative aux principes sur lesquels elles reposent.

1. Le champ d'application de l'extradition

Comme l'ensemble des conventions d'extradition signées par la France, la convention d'extradition franco-marocaine limite les possibilités d'extradition à certains types d'infractions et réserve à l'État requis la possibilité de refuser une demande d'extradition.

La France et le Maroc, par l'article premier de la présente convention, « s'engagent à se livrer réciproquement (...) toute personne qui, se trouvant sur le territoire de l'un des deux États est poursuivie pour une infraction ou recherchée aux fins d'exécution d'une peine privative de liberté, prononcée par les autorités judiciaires de l'autre État comme conséquence d'une infraction pénale ».

Deux conditions de base sont posées par l'article 2 pour qu'une infraction pénale puisse donner lieu à extradition : l'infraction doit, en application des législations marocaine et française, être passible d'une peine privative de liberté d'au moins deux ans ; et si l'extradition est requise en vue d'exécuter un jugement, la partie de la peine restant à exécuter doit être d'au moins six mois. Si une extradition est demandée pour plusieurs faits distincts dont certains ne rempliraient pas la condition relative aux taux de la peine, l'État requis a néanmoins la faculté d'accorder l'extradition pour ces faits.

La convention distingue entre les motifs obligatoires et les motifs facultatifs de refus d'extradition. L es cas de refus obligatoire sont énumérés à l'article 3 : lorsque l'infraction est considérée comme politique ou comme un fait connexe à une telle infraction ; lorsque la demande d'extradition est inspirée par des considérations de race, de religion, de nationalité ou d'opinions politiques ou que la situation de cette personne risque d'être aggravée pour l'une ou l'autre de ces raisons ; lorsque la personne réclamée serait jugée par un tribunal d'exception ou pour l'exécution d'une peine infligée par un tel tribunal ; lorsque la peine pour laquelle l'extradition est demandée est considérée par l'État requis comme une infraction exclusivement militaire ; lorsque la personne réclamée a fait l'objet dans l'État requis d'un jugement définitif pour l'infraction en raison de laquelle l'extradition est demandée ; lorsque l'action publique ou la peine sont prescrites conformément à la législation de l'un ou l'autre des États ; et enfin si la demande se rapporte à l'exécution d'une peine résultant d'une décision judiciaire rendue par défaut et que le droit de la personne concernée à exercer un recours en opposition n'est pas garanti après extradition .

Les motifs facultatifs sont également énumérés à l'article 3. L'extradition pourra être refusée si la personne réclamée a fait l'objet dans l'État requis de poursuites pour l'infraction à raison de laquelle l'extradition est demandée ou si l'État requis décide de ne pas engager de poursuites pour cette même infraction; si conformément à la législation de l'État requis il lui incombe de connaître de l'infraction pour laquelle l'extradition est demandée ; si la personne réclamée fait l'objet dans l'État requis, pour les mêmes faits, d'un jugement définitif de condamnation, d'acquittement ; si l'infraction a été commise hors du territoire de l'État requérant et que la législation de l'État requis n'autorise pas la poursuite de la même infraction commise hors de son territoire ; et enfin pour des raisons humanitaires si la remise de la personne est susceptible de provoquer chez elle des conséquences d'une gravité exceptionnelle , notamment en raison de son âge ou de son état de santé.

Par ailleurs, aux termes de l'article 4, l'extradition ne sera pas accordée si la personne réclamée a la nationalité de l'État requis . Dans le cas où cette condition de nationalité suffirait à elle seule à refuser l'extradition, l'État requis devra néanmoins soumettre l'affaire à ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action pénale.

2. La procédure d'extradition

La convention prévoit que la procédure d'extradition s'opère par la voie diplomatique. La demande d'extradition formulée par écrit doit être accompagnée d'un exposé des faits, de l'original ou de l'expression authentique d'une décision de condamnation ou d'un mandat d'arrêt, du texte des dispositions légales applicables à l'infraction en cause et du signalement de la personne (article 6).

Par ailleurs, la convention applique le principe dit de " spécialité des poursuites ", selon lequel une personne extradée ne peut être ni poursuivie, ni jugée, ni détenue en vue de l'exécution d'une peine pour un fait antérieur à la remise autre que celui ayant motivé l'extradition (article 8). Toutefois, deux exceptions sont prévues à l'application de ce principe : si l'État requis donne son accord à une telle extension de l'extradition, sous réserve d'ailleurs que la nouvelle infraction invoquée entre dans le champ d'application de l'extradition ; ou si la personne extradée n'a pas quitté le territoire de l'État requérant dans les 60 jours suivant son élargissement définitif, ou si elle y est librement retournée après l'avoir quitté. Dans le même esprit, si postérieurement à l'extradition, l'infraction a fait l'objet, dans l'État requérant, d'une nouvelle qualification légale, la personne ne pourra être jugée ou poursuivie sur la base de cette infraction requalifiée que si elle peut donner lieu à extradition en application de la présente convention ; si elle vise les mêmes faits que l'infraction pour laquelle l'extradition a été accordée ; et si elle est punie d'une peine d'un maximum identique ou inférieur à celui prévu pour l'infraction pour laquelle l'extradition a été demandée.

Enfin, aux termes de l'article 9, sauf lorsque la personne extradée a poursuivi son séjour dans l'État requérant au-delà du délai de 60 jours après son élargissement, sa réextradition vers un État tiers ne peut être accordée que si l'État qui a accordé l'extradition y consent.

Lorsque l'État qui sollicite une extradition demande également, en cas d'urgence, l'arrestation provisoire de la personne recherchée, les informations reprises sont voisines de celles demandées par la demande d'extradition elle-même et doivent indiquer l'intention de l'État requérant de demander ultérieurement l'extradition. L'arrestation provisoire prend fin si, après un délai de 40 jours, la demande d'extradition n'est pas parvenue à l'État requis (article 10).

Concernant la procédure, l'article 12 concerne la décision prise par l'État requis et les conditions de la remise. Tout refus complet ou partiel doit être motivé, clause classique dans ce type de convention. L'article 13 détermine les cas où la remise peut être différée et prévoit la possibilité d'une remise temporaire de la personne réclamée. L'article 14 concerne la saisie des objets et leur remise. Lorsque ces objets sont susceptibles de saisie et de confiscation sur le territoire de l'État requis, ce dernier pourra, aux fins d'une procédure pénale en cours, les garder temporairement ou les remettre sous condition de restitution. L'article 15 règle les dispositions relatives au transit d'une personne à travers le territoire de l'une des deux Parties lorsque l'autre Partie a fourni une demande d'extradition auprès d'un État tiers. L'article 17 règle la question des frais de l'extradition qui, comme cela est d'usage, sont à la charge de la Partie requise lorsqu'ils sont exposés sur son territoire et ce jusqu'à la remise de la personne. Les frais occasionnés par le transit sont en revanche à la charge de l'État requérant.

B. DES STIPULATIONS PARFOIS NOVATRICES POUR FAIRE FACE AUX SPÉCIFICITÉS PÉNALES DE LA PARTIE PARTENAIRE

Si les stipulations traditionnelles des conventions bilatérales d'extradition sont bien présentes, il n'en demeure pas moins que certains points de la rédaction apparaissent comme novateurs, du fait notamment de certaines spécificités du droit de la partie cocontractante.

La première spécificité, et non la moindre, est la légalité de la peine de mort dans le droit marocain. En effet, les conventions habituellement conclues par la France subordonnent l'octroi de l'extradition à la condition que la peine de mort, lorsqu'elle est encourue, ne sera pas prononcée ou, si elle l'est, qu'elle ne sera pas mise à exécution (système dit « des garanties »)3 ( * ).

La convention franco-marocaine, dont la rédaction sur ce point est inspirée de la convention bilatérale d'extradition conclue entre le Maroc et la Belgique, propose plus de garanties puisqu'elle prévoit explicitement dans son article 5 qu'en une telle hypothèse, il est substitué « de plein droit » à la peine de mort encourue, la peine prévue dans la législation de la partie requise pour les mêmes faits. Ainsi, si l'extradition est demandée à la France par le Maroc pour des faits punis par la peine de mort en droit marocain, les autorités judiciaires marocaines devront appliquer la peine encourue pour les mêmes faits en droit français.

Une autre spécificité de cette convention est que celle-ci comporte une disposition limitant les possibilités de « requalification » de l'infraction par la partie requérante (article 8, par. 3). Il n'est pas rare en effet que la poursuite des investigations amène à « requalifier » l'infraction initialement poursuivie, en une infraction, soit de moindre gravité, soit au contraire plus sévèrement sanctionnée (par exemple, un homicide volontaire en assassinat, lorsque la poursuite de l'enquête établit l'existence d'une circonstance aggravante telle que la préméditation). L'objectif de cette disposition est de faire en sorte qu'une personne extradée pour une infraction déterminée ne puisse, à la faveur d'une requalification, encourir une peine supérieure à celle attachée à l'infraction pour laquelle l'extradition a été accordée (notamment s'il s'agit de la peine capitale), sauf accord de la partie requise.

Enfin, contrairement aux autres conventions bilatérales, la convention permet que les demandes puissent être indifféremment présentées dans la langue de la partie requérante ou dans celle de la partie requise, sans traduction. Cette disposition atypique s'explique par le fait que la convention bilatérale de 1957 prévoyait la possibilité d'établir les demandes en langue française. Cette disposition apparaissant aujourd'hui difficile à accepter pour la partie marocaine sans réciprocité, la partie française a accepté que les demandes puissent également lui être transmises dans la langue officielle de la partie requérante, en l'espèce l'arabe.

* 3 Dans les conventions bilatérales d'extradition, il est de tradition de prévoir que l'extradition pourra être refusée si l'infraction est punie de la peine capitale par la législation de l'État requérant, à moins que l'État requérant ne donne des assurances, jugées suffisantes par l'État requis, que le peine capitale ne sera pas exécutée.

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