B. ADOPTER UNE RÉSOLUTION EUROPÉENNE CONFORME À LA LOGIQUE DE CETTE PROCÉDURE

1. La logique d'une résolution européenne : délivrer un message politique au Gouvernement et, le cas échéant, aux instances communautaires, pas à des pays tiers

La proposition de résolution européenne « invite les États parties à l'accord de Cotonou à respecter le principe de non-discrimination en raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre, en dépénalisant l'homosexualité et en garantissant la pleine jouissance des droits de l'Homme des personnes homosexuelles ou transgenres » (point 6).

Ce point n'a pas été modifié par la commission des affaires européenne.

Votre commission estime que cette exhortation n'est pas pleinement conforme à la logique de la résolution européenne, prévue à l'article 88-4 de la Constitution. Pour votre commission, une résolution européenne est destinée, avant tout, au Gouvernement et, dans une moindre mesure, aux instances communautaires. Elle n'a guère vocation à inviter des pays tiers à agir dans un sens déterminé, fussent-ils liés à l'Union européenne par un accord.

Une telle invitation relève davantage de la résolution visée à l'article 34-1 de la Constitution , institué par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Comme le précisait l'exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle, cet outil entend permettre aux assemblées d'adopter « en tout domaine, des résolutions n'ayant pas de valeur contraignante, mais marquant l'expression d'un souhait ou d'une préoccupation ».

Votre commission estime en revanche que la présente résolution européenne pourrait utilement délivrer un message politique, plutôt qu'aux pays de l'ACP, aux députés européens membres de l'Assemblée parlementaire paritaire. Cet organe consultatif, prévu à l'article 17 de l'accord de Cotonou, est composé, en nombre égal, de députés européens et de représentants des pays de l'ACP. Ces derniers sont des parlementaires ou, à défaut, des représentants désignés par le Parlement de chaque État ACP 10 ( * ) . L'accord précise que cette assemblée est notamment chargée de « promouvoir les processus démocratiques par le dialogue et la concertation ». Elle peut adopter des résolutions et recommandations.

En conséquence, votre commission souhaite que la résolution européenne « invite les députés européens membres de l'Assemblée parlementaire paritaire, instituée par l'accord de Cotonou, à promouvoir au sein de cette assemblée le principe de non-discrimination en raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre, principe qui doit se traduire par la dépénalisation de l'homosexualité et la garantie de la pleine jouissance des droits de l'Homme aux personnes homosexuelles ou transgenres ».

Cette invitation remplacerait celle adressée aux pays de l'ACP.

2. Rétablir la logique de la proposition de résolution européenne initiale en visant l'accord de Cotonou de 2010, et non celui de 2015

Comme indiqué précédemment, la proposition de résolution européenne initiale invitait la Commission européenne à parvenir à un compromis dans le processus de révision de l'accord de Cotonou.

La commission des affaires européennes a apporté deux modifications : d'une part, elle a décidé de s'adresser à la Commission européenne et au Gouvernement .

D'autre part, prenant acte du caractère tardif de cette demande, elle a décidé de viser la prochaine révision de l'accord de Cotonou qui devrait intervenir en 2015.

Si votre commission approuve la première modification, le Gouvernement étant le destinataire naturel des résolutions européennes comme indiqué précédemment, votre commission considère en revanche qu'une invitation à intervenir à une date aussi lointaine que 2015 n'est pas parfaitement conforme à la logique d'une résolution européenne.

Certes, il eût été préférable qu'une proposition de résolution européenne soit déposée sur le fondement de la décision du 23 février 2009, par laquelle le Conseil a autorisé la Commission à engager des négociations avec le groupe des États de l'ACP en vue de procéder à la deuxième révision de l'accord de Cotonou.

En visant la proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de l'Union européenne, de l'accord de Cotonou révisé (E 5295), document signé le 30 avril 2010 et transmis aux assemblées le 5 mai 2010, la présente proposition de résolution intervient, on l'a dit, après la clôture des négociations.

Toutefois, votre commission considère qu'il est préférable que la résolution s'inscrive dans le cadre de la révision de 2010 plutôt que dans celle de 2015 .

Votre commission ayant décidé de se prononcer très rapidement, après sa saisine par la commission des affaires européennes, sur la présente proposition, il est possible de viser le Conseil des ministres de l'Union européenne du 14 juin 2010 , au cours duquel l'Union européenne décidera officiellement de signer l'accord de Cotonou révisé, étant précisé que l'accord définitif sera signé par les parties à Ouagadougou (capitale du Burkina Faso) le 22 juin 2010.

En conséquence, votre commission souhaite que la résolution « invite le Gouvernement, lors du Conseil des ministres de l'Union européenne du 14 juin 2010, à déclarer que la France regrette que l'accord de Cotonou révisé ne comporte pas de mention explicite du principe de non-discrimination en raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre. »

On relèvera que cette rédaction poursuit la logique du rapport de notre collègue M. Jean Bizet qui regrette « l'issue des négociations et le texte final de l'accord » 11 ( * ) .

On notera également que cette rédaction ne constitue pas un reproche adressé à la Commission ni aux Etats membres qui, comme indiqué précédemment, ont tenté d'inclure le principe de la non-discrimination en raison de l'orientation sexuelle et de l'identité de genre dans le projet de révision mais se sont heurtés au refus des pays de l'ACP.

* * *

Au bénéfice de ces observations et sous réserve de la précision visée plus haut concernant l'identité de genre, votre commission a adopté la proposition de résolution, dont le texte est reproduit ci-après.

* 10 L'accord de Cotonou prévoit que si un Etat ACP ne dispose pas de Parlement, la participation d'un représentant de cet État aux travaux de l'Assemblée parlementaire paritaire est soumise à l'approbation préalable de cette dernière .

* 11 Page 5 du rapport précité

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