II. L'INSTAURATION UNILATÉRALE D'UNE TAXE SUR LES TRANSACTIONS FINANCIÈRES APPARAÎT DONC INOPPORTUNE

A. LA FRANCE NE SAURAIT AVOIR RAISON TOUTE SEULE

A plusieurs reprises, votre commission des finances a eu l'occasion d'exprimer son opposition à l'instauration unilatérale d'une taxe Tobin, dont la présente proposition de loi reprend l'idée .

En particulier, à l'occasion de l'examen de la loi de finances pour 2002, lors de la lecture au Sénat, elle avait proposé de supprimer les dispositions instaurant l'article 235 ter ZD. L'Assemblée nationale avait alors souhaité adopter la taxe Tobin pour des raisons « symboliques ». Par son exemplarité, la France devait poser un premier jalon pour une adoption internationale concertée de la taxe Tobin.

Près de dix années plus tard, force est de constater qu'aucun autre pays n'a voté un dispositif similaire, même à titre conditionnel. Comme l'indiquait très justement notre collègue Jean-Jacques Jégou, lors des débats à l'Assemblée nationale, « nous savons qu'il ne sert à rien de délibérer tout seul ».

De surcroît, l'adoption de la présente proposition de loi serait très dommageable à l'attractivité de la place de Paris et pourrait conduire à la délocalisation d'une partie de ses activités.

En tout état de cause, la taxe Tobin ne peut être adoptée qu'à un niveau global sans quoi elle serait inapplicable . Sur le fond, son efficacité en tant qu'instrument de lutte contre la spéculation prête à débat .

C'est pourquoi, il semble préférable de lui substituer une taxe sur les transactions financières dont le taux serait infinitésimal et qui n'aurait pas vocation à influencer les marchés financiers . Elle permettrait alors de lever des fonds importants pour le financement des biens publics mondiaux.

Les buts poursuivis par la présente proposition de loi peuvent toutefois être atteints par d'autres moyens . En particulier, la taxation des institutions bancaires semble plus adéquate pour réguler et stabiliser le secteur financier. A ce titre, la commission des finances avait demandé un rapport étudiant la possibilité de remplacer la taxe sur les salaires par une taxe assise sur les éléments les plus risqués du bilan bancaire. La charge fiscale augmenterait ainsi en fonction des risques pris et non des embauches réalisées par l'établissement de crédit.

B. LES MESURES FISCALES DOIVENT RELEVER DÉSORMAIS DU DOMAINE EXCLUSIF DES LOIS DE FINANCES

En conformité avec les principes dégagés lors de la Conférence sur les déficits qui s'est tenue le 20 mai 2010, la commission des finances du Sénat a décidé d'appliquer la règle selon laquelle les questions fiscales doivent être examinées en loi de finances . Par là, elle ne fait qu'anticiper les futures dispositions constitutionnelles qui réserveront la matière fiscale aux seules lois de finances.

Il importe que le Parlement puisse toujours avoir une visibilité globale des engagements de l'Etat en termes de recettes et de dépenses. En effet, la fiscalité se prête, par nature, à la création de niches fiscales, que le Gouvernement et le Parlement entendent réduire drastiquement.

L'initiative parlementaire ne serait pas restreinte mais se verrait imposer une contrainte vertueuse sur le chemin du retour à l'équilibre de nos comptes publics .

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Votre rapporteur comprend certes la volonté qui anime les auteurs de la présente proposition de loi. Les transactions financières bénéficient pleinement des effets de la globalisation tout en échappant, en grande partie, à l'impôt. Dès lors, le secteur financier ne pourra demeurer éternellement un passager clandestin de la mondialisation et ne jamais participer au financement des charges communes.

Toutefois, pour les raisons invoquées précédemment, votre commission des finances ne peut que s'opposer à l'adoption unilatérale de la taxe Tobin et donc à l'objet de la présente proposition de loi . En effet, il convient de ne pas anticiper le résultat des réflexions et des négociations en cours dans les instances internationales, auxquelles notre pays participe activement aux côtés de ses principaux partenaires.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission n'est donc pas favorable à l'adoption de la présente proposition de loi. Cependant, elle a décidé de ne pas la rejeter, ni de la modifier afin que la discussion en séance publique porte sur le texte originel rédigé par ses auteurs, conformément aux dispositions de l'article 42 de la Constitution et de l'article 42-6 du Règlement du Sénat.

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