Rapport n° 610 (2009-2010) de M. Gérard BAILLY , fait au nom de la commission de l'économie, déposé le 6 juillet 2010

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N° 610

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 juillet 2010

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (1), comportant le texte de la commission, sur la proposition de résolution européenne de M. Jean BIZET présentée au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 quater du Règlement, sur le marché du lait ,

Par M. Gérard BAILLY,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Paul Emorine , président ; MM. Gérard César, Gérard Cornu, Pierre Hérisson, Daniel Raoul, Mme Odette Herviaux, MM. Marcel Deneux, Daniel Marsin, Gérard Le Cam , vice-présidents ; M. Dominique Braye, Mme Élisabeth Lamure, MM. Bruno Sido, Thierry Repentin, Paul Raoult, Daniel Soulage, Bruno Retailleau , secrétaires ; MM. Pierre André, Serge Andreoni, Gérard Bailly, Michel Bécot, Joël Billard, Claude Biwer, Jean Bizet, Yannick Botrel, Martial Bourquin, Jean Boyer, Jean-Pierre Caffet, Yves Chastan, Alain Chatillon, Roland Courteau, Jean-Claude Danglot, Philippe Darniche, Marc Daunis, Denis Detcheverry, Mme Évelyne Didier, MM. Philippe Dominati, Michel Doublet, Daniel Dubois, Alain Fauconnier, Alain Fouché, Serge Godard, Francis Grignon, Didier Guillaume, Michel Houel, Alain Houpert, Mme Christiane Hummel, M. Benoît Huré, Mme Bariza Khiari, MM. Daniel Laurent, Jean-François Le Grand, Philippe Leroy, Claude Lise, Roger Madec, Michel Magras, Hervé Maurey, Jean-François Mayet, Jean-Claude Merceron, Jean-Jacques Mirassou, Jacques Muller, Robert Navarro, Louis Nègre, Mmes Renée Nicoux, Jacqueline Panis, MM. Jean-Marc Pastor, Georges Patient, François Patriat, Jackie Pierre, Rémy Pointereau, Ladislas Poniatowski, Marcel Rainaud, Charles Revet, Roland Ries, Mmes Mireille Schurch, Esther Sittler, Odette Terrade, MM. Michel Teston, Robert Tropeano, Raymond Vall.

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Sénat :

590 (2009-2010)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La crise du lait, particulièrement violente, intervenue à partir de la mi-2008 et qui a pris toute son ampleur en 2009, a été le baromètre de la crise agricole.

Connaissant une situation inédite dans un secteur traditionnellement stable , la filière laitière est le symbole des bouleversements liés à l'exposition plus forte de l'agriculture aux marchés, mise en oeuvre dans le cadre des réformes successives de la politique agricole commune (PAC).

La commission des affaires européennes du Sénat avait analysé dès juin 2009 l'évolution des prix du lait dans les États membres de l'Union européenne 1 ( * ) , montrant, derrière les spécificités nationales, une tendance commune et le besoin d'une nouvelle visibilité et d'une cohérence de la politique européenne.

La commission de l'économie du Sénat, pour sa part, a mis en évidence le besoin d'une nouvelle régulation à la fois européenne et nationale du marché du lait 2 ( * ) , suite à l'avis rendu sur la demande de son président, Jean-Paul Émorine, par l'Autorité de la concurrence, sur la situation du marché du lait.

Au-delà de la crise conjoncturelle, la perspective de la fin des quotas laitiers au 1 er avril 2015 , avec relèvement progressif de ceux-ci chaque année jusqu'en 2015, décidée dans le cadre du bilan de santé de la PAC, avait en effet profondément bouleversé le secteur et changé ses perspectives .

Devant l'ampleur prise par le problème du lait au niveau européen, Mme Fischer Boel, alors commissaire européen chargé de l'Agriculture et du développement rural, a annoncé, le 5 octobre 2009, la création d'un groupe d'experts de haut niveau (GHN) ayant pour mission de faire des propositions pour ce secteur.

Rendu le 15 juin 2010, le rapport du GHN constitue la base de discussions en vue d'une proposition législative de la commission attendue à la fin 2010.

La commission des affaires européennes a souhaité réagir rapidement après la sortie du rapport du GHN , sans laisser passer l'été, afin de prendre pied dans le débat qui s'ouvre sur la réforme de la PAC après 2013, à travers une proposition de résolution européenne.

Cette initiative s'appuie sur plusieurs auditions déjà menées par le groupe de travail commun à la commission de l'économie et à la commission des affaires européennes sur la PAC, constitué en mai 2010 3 ( * ) .

Si les conclusions du GHN vont dans le bon sens, celui d'une régulation européenne qui, il y a peu, paraissait encore incongrue, les pistes ouvertes devront se traduire par des dispositifs consistants et ambitieux dans le futur texte législatif européen.

La crise agricole a fait prendre conscience qu'un changement de cap était nécessaire pour la PAC. Sans revenir sur les acquis du passé et défendre une vision administrée de la PAC, car la France se trouverait vraisemblablement seule à Bruxelles pour la soutenir, il convient de faire évoluer les instruments financiers et juridiques de la PAC, de manière à rechercher une plus grande stabilité des marchés.

Le défi de l'après 2013 passe donc d'abord par le lait.

I. LES PROPOSITIONS DU GROUPE DE HAUT NIVEAU SUR LE LAIT : UN DÉBUT DE RÉPONSE AU DÉFI DE L'ORGANISATION DU SECTEUR LAITIER EUROPÉEN.

A. LE SECTEUR LAITIER EUROPÉEN EN PLEIN BOULEVERSEMENT.

1. L'Europe laitière en ordre dispersé devant une crise sans précédent.
a) Une crise laitière d'une ampleur et d'une violence inattendues, qui bouleverse les repères.

Après une montée très forte et générale dans toute l'Europe des prix du lait en 2007 et 2008, la tendance s'est retournée avec la crise économique européenne et les prix sont tombés en dessous de leur niveau tendanciel de long terme, à un peu plus de 200 € la tonne début 2009, soit en dessous des niveaux de prix déclenchant les mesures de soutien prévues par le règlement européen OCM unique 4 ( * ) .

Depuis le deuxième semestre 2009, le marché du lait s'est à nouveau stabilisé avec des prix en hausse pour atteindre 284 euros la tonne en novembre 2009 et se maintenir à ce niveau, alors que le premier semestre 2010 aurait dû enregistrer une baisse, conformément au schéma saisonnier du marché du lait 5 ( * ) .

Les variations de prix, particulièrement fortes, ont déstabilisé la filière laitière, habituée à une grande stabilité . Les relations entre producteurs et acheteurs s'en sont trouvées compliquées, car les parties n'arrivaient pas à s'accorder sur les prix, dès lors que le marché suivait une évolution inattendue.

En France, le système des négociations interprofessionnelles sur le prix du lait, menées entre producteurs et transformateurs dans le cadre du Centre national interprofessionnel de l'économie laitière (CNIEL), a volé en éclats en mai 2008 sous l'effet de la hausse des prix : il apparaissait largement contraire à la libre concurrence et le CNIEL a abandonné ses recommandations de prix, devant le risque de voir ce système qualifié d'entente illégale par les autorités communautaires.

C'est dans un contexte radicalement différent d'effondrement des prix payés aux producteurs qu'un encadrement national des relations entre producteurs et acheteurs a été conclu avec l'accord du 3 juin 2009, afin de garantir un prix-cible de lait entre 262 et 280 € pour 1000 litres. Mais cet accord a été appliqué de manière très imparfaite.

A l'expiration de celui-ci, le nouvel accord conclu le 30 juin 2010 a été très difficile à obtenir, les parties ayant des vues divergentes sur le juste prix du lait.

b) L'émergence d'une concurrence intra-européenne.

Le secteur laitier est soumis depuis quelques années à une concurrence de plus en plus forte au sein de l'Union européenne.

Certes, les mouvements physiques de lait sont faibles entre États membres. Toutefois, dès lors qu'il n'y a pas de spécificité géographique (zone d'appellation d'origine contrôlée) ou un positionnement de leur production sur un segment de marché porteur (comme le lait biologique), les producteurs sont mis en concurrence à travers l'aval de la filière : les transformateurs, qu'ils soient industriels privés ou en coopératives .

La contrainte de compétitivité pèse en effet sur l'industrie laitière qui fabrique à grande échelle des produits standardisés comme l'emmental, ou encore des produits industriels comme la poudre de lait ou le beurre en vrac.

L'Allemagne, qui s'est lancée depuis quelques années dans une stratégie de réduction de ses coûts de production dans le secteur agricole, gagne ainsi des parts de marché au détriment de ses voisins. D'après la Fédération nationale des industries laitières (FNIL), en 2009, le prix du lait payé aux producteurs allemands était 15 % inférieur au prix payé aux producteurs français.

En réalité, l'Allemagne semble avoir misé durant la crise du lait sur une stratégie de compensation des baisses de prix par une hausse des volumes , permise par l'assouplissement des quotas dans le cadre de l'atterrissage en douceur (hausse progressive des quotas) mise en oeuvre par l'Union européenne avant leur suppression complète en 2015, alors que d'autres États comme la France ont contingenté leur production, espérant ainsi faire remonter les cours.

Cette nouvelle concurrence européenne rend impuissantes les stratégies de régulation nationale du secteur laitier qui viseraient à fixer des prix du lait déconnectés des prix de marchés . Dans ces conditions, l'industrie est incitée à se fournir chez nos voisins européens, ce qu'elle ne s'est d'ailleurs pas privée de faire en 2009.

Le secteur laitier allemand

Le secteur laitier allemand est l'un des plus performants d'Europe, et occupe une place prépondérante dans l'industrie agro-alimentaire du pays, avec près de 22 milliards d'euros par an.

En 2008 les quelques 99 400 exploitations laitières ont produit près de 28,4 millions de tonnes de lait, soit 20 % de la production globale européenne, au premier rang européen devant la France et ses 23 millions de tonnes de lait.

La production de lait est concentrée en Bavière (27,1 % de la production nationale) et Basse-Saxe.

Il existe une grande variété dans l'amont de la filière (coexistence de grandes fermes laitières et de petites exploitations) que dans l'aval, avec des petites laiteries qui jouxtent des exploitations industrielles plus importantes, mais l'aval connaît depuis quelques années une tendance à la concentration.

2. La fin des quotas oblige à rechercher de nouveaux mécanismes.
a) Le lait : un marché pas comme les autres.

Les spécificités du secteur laitier justifient que le marché soit organisé , faute de quoi il connaîtrait des déséquilibres importants.

La première particularité du marché du lait tient au caractère non stockable du produit : le lait doit être collecté tous les trois jours, sinon il devient inutilisable. Le producteur est donc très dépendant de ses acheteurs.

La deuxième particularité tient à l'absence de maîtrise de sa production à court terme par l'éleveur : il n'a pas le choix de traire ou non les vaches, c'est une obligation. Et celles-ci produisent une quantité de lait peu maîtrisable, y compris par l'alimentation. Une des seules possibilités d'augmenter ou diminuer la production consiste à adapter la taille du cheptel, ce qui, à l'échelle d'un bassin laitier, peut prendre plusieurs années.

Enfin, le marché du lait se caractérise par une grande dispersion des producteurs face à une industrie de transformation très concentrée : le pouvoir de marché est donc structurellement déséquilibré en défaveur des premiers.

b) La fin des quotas en 2015 bouleverse l'économie laitière européenne.

La décision de supprimer les quotas a été prise dans le cadre du bilan de santé de la PAC dans le but de libérer le potentiel de production des éleveurs européens.

Or les quotas ont constitué depuis leur instauration en 1984 le moyen de réguler la production laitière et d'obtenir une certaine stabilité de ce marché en Europe, tout en supprimant les stocks qu'avaient permis les mécanismes d'intervention en vigueur avant 1984.

Le contingentement de la production européenne n'a cependant pas pu être maintenu. D'abord, les quotas ne sont pas tenables dans un marché internationalisé . Ils ne garantissent pas un prix qui puisse s'éloigner durablement des cours mondiaux, dans la mesure où les industriels pourraient dans ce cas s'approvisionner à l'étranger. Le rétablissement des quotas n'apporterait ainsi pas une solution miracle à la crise du lait en Europe.

Au demeurant ? il n'existe pas aujourd'hui une majorité au Conseil des ministres de l'Union européenne pour décider d'un tel retour en arrière .

Par ailleurs, on peut souligner que l'Union européenne est en sous-réalisation de ses quotas de 7 % en 2009.

Il faut donc réinventer une régulation nouvelle, passant par de nouveaux outils, dans l'ère de l'après-quotas. Imaginer ces outils constituait la mission du GHN.

c) La crise du lait provoque un changement d'approche des européens.

La crise du lait a renforcé au demeurant les tenants de la régulation. Le rapport du GHN marque d'ailleurs un changement d'état d'esprit. L'idée même d'un marché organisé était considérée comme un combat d'arrière-garde il y a peu.

Les européens viennent de redécouvrir les vertus du volontarisme politique pour rattraper la crise laitière . De fait, la remontée des cours depuis le début de l'année 2010 a été favorisée par les mesures prises tout au long de l'année 2009.

Les mécanismes d'intervention, stockage public et aide au stockage privé, se sont révélés efficaces. Et les dégagements de stocks effectués avec la remontée des cours ont pu être mis en oeuvre par la commission sans provoquer des chutes de cours.

S'il est encore trop tôt pour proclamer la sortie de crise, le marché du lait est désormais bien orienté, donnant aux producteurs une bouffée d'air bienvenue. Et la régulation européenne a fait la preuve de son utilité.

Les mesures prises par l'UE pour faire face à la crise du lait.

- été 2008 : extension du programme de distribution de lait dans les écoles aux établissements secondaires.

- octobre 2009 : possibilité d'avancement d'un mois et demi de 70 % des paiements directs aux agriculteurs, prolongation de la période d'intervention pour le beurre et le lait écrémé et autorisation des États membres à verser aux agriculteurs des aides plafonnées à 15 000 €.

- décembre 2009 : déblocage d'un crédit de 300 millions d'euros pour le soutien aux producteurs de lait.

3. Les trois défis du secteur du lait.

Avant d'imaginer les outils de la nouvelle régulation du secteur laitier, il est nécessaire de définir les objectifs de cette régulation.

De ce point de vue, le monde agricole s'accorde pour estimer que la PAC devrait garantir un revenu décent aux éleveurs, à travers des prix rémunérateurs .

Simplement, les voies pour y parvenir divergent :

- certaines organisations syndicales agricoles préconisent une régulation quantitative, à travers le maintien de quotas de production, qui pourraient être trimestriels, à l'instar du Canada ou d'Israël. Mais très peu voire aucun des États membres de l'Union n'est susceptible de défendre une telle orientation.

- d'autres organisations réfutent une telle économie administrée du lait et soulignent que c'est le marché, c'est-à-dire le prix de vente de la production, qui demain, plus encore qu'hier, contribuera au revenu des agriculteurs .

Les industriels et les coopératives ne peuvent durablement payer le lait plus cher que leurs concurrents, faute de quoi ils disparaîtront du paysage économique.

Dans un secteur orienté vers le marché, la nouvelle régulation doit donc viser trois objectifs :

- atteindre des coûts de production compétitifs ;

- offrir tant aux producteurs qu'à leurs acheteurs une certaine stabilité des prix et des volumes, à moyen terme ;

- obtenir une juste répartition de la valeur ajoutée dans la filière.

B. LES PROPOSITIONS DU GROUPE DE HAUT NIVEAU SUR LE LAIT : UNE AVANCÉE PRUDENTE DANS LE SENS DE LA RÉGULATION.

1. La principale orientation du GHN : redonner aux producteurs un réel pouvoir de marché, dans un cadre qui reste celui de la concurrence.

Redonner un pouvoir de marché important aux producteurs dans la filière laitière constitue l'axe principal de la nouvelle régulation proposée par le GHN.

Le GHN remarque que si le secteur agricole est soumis au droit de la concurrence, interdisant des fixations concertées des prix entre producteurs, il existe déjà des marges de manoeuvres pour se regrouper afin de peser sur le marché .

Les seuils de concentration de l'offre admissibles par le droit européen dans le secteur laitier sont cependant peu élevés :

- les accords entre producteurs représentant moins de 5 % d'un marché pertinent ou moins de 40 millions d'euros de chiffre d'affaires sont autorisés, mais ce seuil est très bas, certainement trop au regard de la concentration de l'aval, beaucoup plus forte ;

- les producteurs peuvent négocier un prix unique si l'acheteur exige un prix unique d'achat et si la part de marché des producteurs est inférieure à 15 %. Mais ces conditions sont difficiles à remplir en pratique ;

- enfin, les producteurs de lait peuvent mettre en commun des moyens et négocier un prix unique, dès lors que leur part de marché est inférieure à 20 %.

Toutefois, tous ces seuils sont calculés par « marché pertinent », et cette notion est très floue . Elle s'analyse au cas par cas. Or, les acteurs du marché du lait veulent un cadre juridique stable.

Une majorité des États membres de l'Union européenne semble soutenir l'idée d'une modification du cadre juridique communautaire pour permettre de tels rapprochements dans le cadre d'organisations de producteurs (OP), pouvant fixer un prix unique. Le seuil au-delà duquel le regroupement ne serait plus admis pourrait être fixé à 2 à 3 % du marché européen.

La concentration sous forme d'OP est donc la voie principale préconisée par le GHN pour massifier l'offre, à l'instar des possibilités offertes par l'OCM unique en ce qui concerne les fruits et légumes . Des propositions législatives européennes pourraient être faites pour rapprocher le droit s'appliquant au lait de celui existant pour les fruits et légumes.

Les OP dans le secteur des fruits et légumes bénéficient de fonds communautaires importants pour gérer leurs programmes opérationnels. Pourquoi ne pas adopter le même système pour le lait dans la future PAC ? Si le GHN ne l'évoque pas, il n'est pas interdit de prôner un ciblage de ces aides sur les OP de taille importante, afin d'encourager au regroupement des producteurs sous ce type de formule.

Par ailleurs, le GHN propose de renforcer le rôle des organisations interprofessionnelles, à l'instar des missions qu'elles exercent dans le secteur des fruits et légumes et dans celui du vin, afin qu'elles organisent davantage les marchés laitiers entre ses différents acteurs : producteurs, transformateurs, distributeurs.

Le rôle des interprofessions dans le secteur des fruits et légumes

L'article 124 de l'OCM unique permet aux États membres de reconnaître des interprofessions dans tous les secteurs couverts par ce texte. Mais la définition de leur rôle est laissée à l'appréciation du droit national. Et en aucun cas les interprofessions ne peuvent mettre en oeuvre des pratiques anticoncurrentielles.

L'OCM unique donne cependant plus de missions aux interprofessions dans certains secteurs, notamment dans celle des fruits et légumes. L'article 123 de l'OCM unique leur permet en effet de mener des actions visant :

- à l'amélioration de la connaissance et de la transparence de la production et du marché ;

- à la contribution à une meilleure coordination de la mise sur le marché des fruits et légumes, notamment par des recherches et des études de marché ;

- à l'élaboration de contrats-types compatibles avec la réglementation communautaire ;

- à la mise en valeur des fruits et légumes ;

- à l'adaptation de l'offre aux attentes des consommateurs ;

- à des actions visant l'amélioration de la qualité des produits et le renforcement de la sécurité des produits ;

- à la mise en valeur et la protection des productions sous signes de qualité ;

- à la promotion de méthodes de production respectueuses de l'environnement ;

- à la définition de règles de production et de commercialisation plus strictes que les dispositions des réglementations communautaires ou nationales.

Ces pratiques autorisées permettent aux interprofessions de structurer de manière assez forte le fonctionnement des marchés des fruits et légumes.

2. Organiser des relations de long terme au sein de la filière laitière.

La fin des quotas crée une insécurité économique tant pour les producteurs que pour les industriels . Le GHN propose donc de donner de leur donner de la visibilité à travers la contractualisation.

C'est la voie choisie en France avec la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP).

Plusieurs organisations agricoles européennes contestent l'orientation vers la contractualisation, préférant une régulation publique des quantités sur le marché du lait, sur le modèle des quotas laitiers existant depuis 1984, éventuellement régionalisés, à une régulation privée dont les modalités restent largement à construire.

La contractualisation laisse cependant une plus grande liberté aux acteurs privés, tout en fixant des perspectives , des engagements réciproques de prix et de quantités.

Toutefois, la contractualisation ne se conçoit pas comme outil isolé de la nouvelle régulation laitière. Son bon fonctionnement dépend d'une part de la capacité des producteurs à s'organiser et d'autre part de la disponibilité de l'information sur le marché pour les producteurs. Ces derniers sont en effet souvent pénalisés par une asymétrie qui leur est préjudiciable dans la négociation.

C'est pourquoi le GHN recommande également d'améliorer la transparence des marchés laitiers , dans la droite ligne de la communication de la commission sur l'amélioration du fonctionnement de la chaîne alimentaire en Europe de mars 2010.

Le GHN propose à cet égard la création d'un Observatoire européen des prix agricoles, qui s'appuierait sur Eurostat et sur les instituts statistiques nationaux.

3. Des préconisations limitées en ce qui concerne les interventions publiques de soutien aux marchés.

Le GHN est cependant peu audacieux sur les mesures de marché. Celles-ci ont cependant prouvé leur utilité dans la crise du lait de l'année 2009. Les achats à l'intervention ont permis de sortir du marché de la poudre de lait et du beurre, contribuant à redresser les cours. Les aides au stockage privé ont eu le même effet positif.

Cependant, le GHN ne préconise pas un renforcement des mesures d'intervention sur les marchés, et ne les envisage que comme un filet de sécurité en cas de crise :

- d'une part, ces mesures d'intervention ne sont pas envisagées comme devant être massives : le GHN ne suggère pas d'augmenter les quantités garanties à l'intervention ;

- d'autre part, le GHN ne propose pas d'étendre la période d'intervention toute l'année .

Les réticences du GHN sur ce sujet peuvent s'expliquer par le risque de voir les demandes d'intervention exploser avec la disparition des quotas, les exploitations les plus compétitives ayant la faculté de pousser leur production à la hausse et de profiter des périodes de crise en produisant pour l'intervention, avec des coûts de productions inférieurs aux prix d'intervention.

4. Les autres recommandations du GHN

La mise en place de marchés à terme est envisagée par le GHN comme un outil de transparence supplémentaire mais ne saurait certainement pas constituer la réponse principale à la volatilité des prix.

En ce qui concerne l'instauration de labels d'origine, le GHN est peu directif. La réticence aux labels d'origine est traditionnelle au sein des institutions européennes où ceux-ci sont vus comme des obstacles non tarifaires aux échanges, comme des mesures discriminatoires, alors même que l'indication de l'origine donne pourtant une information essentielle au consommateur.

Les 7 recommandations du GHN

1° Encourager l'utilisation de contrats écrits formels relatifs aux livraisons de lait cru, prévoyant le prix, les volumes, les délais de livraison et une durée du contrat : le GHN invite la Commission européenne à proposer le cas échéant un cadre législatif, permettant aux Etats-membres de rendre la conclusion de tels contrats obligatoire ;

2° Permettre un regroupement des producteurs sur une base plus large, par exception au droit commun de la concurrence, afin de peser davantage sur le marché ;

3° Envisager l'extension des missions des interprofessions laitières, sur le modèle des interprofessions dans le secteur des fruits et légumes ;

4° Améliorer la transparence du marché par un instrument européen de surveillance des prix des denrées alimentaires, adossé à l'Office européen des statistiques (Eurostat) ;

5° Maintenir les mécanismes d'intervention actuels, jouant un rôle de filet de sécurité, et faciliter l'utilisation des marchés à terme ;

6° Envisager de modifier les règles d'étiquetage conformément à l'évolution de la législation relative à l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires, actuellement à l'étude ;

7° Renforcer l'innovation et la recherche sur la compétitivité du secteur laitier , dans le cadre d'une part des programmes de développement rural (PDR) prévus par le deuxième pilier de la PAC et d'autre part des programmes-cadre de recherche de l'Union (PCR).

II. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION.

A. LA PROPOSITION DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES.

1. Le sens de la proposition : soutenir et faire partager les positions françaises en faveur de la régulation.

Intervenant dans la foulée de la présentation du rapport du GHN, la proposition de résolution adoptée par la commission des affaires européennes a pour but de soutenir l'approche française en matière laitière.

Les propositions législatives de la Commission européenne pour modifier l'OCM unique ne sont en effet pas attendues avant la fin de l'année 2010.

Mais les travaux du GHN ont le mérite de poser les termes du débat entre Européens, qui ne fait que commencer.

Il ne faut au demeurant pas sous-estimer les réticences de certains États membres de l'Union sur le changement d'état d'esprit impulsé par le rapport du GHN .

Le Royaume-Uni, la Suède, le Danemark, les Pays-Bas ou la République tchèque paraissent réservés en particulier devant la perspective de modifier les règles de la concurrence afin de permettre aux producteurs de lait de s'organiser sur une base plus large.

Il appartiendra à la France de mener la bataille et de convaincre ses partenaires de la justesse d'une approche donnant une place accrue à la régulation.

2. Le contenu de la proposition.
a) Une invitation à approfondir les recommandations du GHN.

Si les conclusions du GHN vont dans le bon sens, la proposition de résolution propose cependant d'aller plus loin :

1° Sur la contractualisation entre producteurs et transformateurs, la commission des affaires européennes réclame d'envisager sa systématisation, précisant :

- l'élaboration de contrats-types dans le cadre d'organisations interprofessionnelles ;

- l'adoption du modèle du contrat écrit dans un maximum d'Etats membres de l'Union, afin que les producteurs bénéficient de la même protection partout dans l'Union européenne, et qu'il n'y ait aucune distorsion de concurrence en la matière.

Il faut noter que cette proposition du GHN sur la contractualisation va dans le même sens que l'article 3 du projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, examiné en mai 2010 au Sénat, dont l'article 3 prévoit la possibilité d'obliger les producteurs et leurs acheteurs à conclure des contrats écrits conformes à des clauses types imposées soit par accord interprofessionnel, soit, à défaut, par décret.

2° Sur le regroupement des producteurs , la commission des affaires européennes indique que si le secteur du lait ne peut légitimement réclamer une exception générale aux règles de concurrence, la massification de l'offre pour peser face à un aval de la filière très concentré est légitime : dès lors, dans un marché largement ouvert au niveau européen, il est juste de définir un seuil de concentration plutôt élevé et en référence à la production laitière européenne.

3° Sur les organisations interprofessionnelles , les conclusions du GHN sont jugées trop prudentes, et il conviendrait de donner un rôle accru à ces organisations afin d'améliorer la connaissance et la transparence de la production et du marché.

4° Sur les mécanismes d'intervention , la proposition de résolution souligne la trop grande frilosité du GHN et réclame que la mise en oeuvre des aides au stockage public et privé soit plus réactive et que l'intervention puisse avoir lieu toute l'année.

La proposition de résolution n'insiste pas sur le développement des marchés à terme, qui peuvent être un outil utile d'indication des prix futurs du lait, un instrument de prévision, mais ne paraissent pas à même de lutter efficacement contre la volatilité des prix : au contraire, leur caractère spéculatif pourrait être un accélérateur de fluctuations.

5° Enfin, sur l'étiquetage de l'origine du lait , la proposition de résolution regrette la retenue du GHN, alors même que l'enjeu de l'information du consommateur justifiait des avancées sur ce chapitre.

b) Une réflexion plus large sur l'avenir des mécanismes de la PAC.

Le point 6 de la proposition de résolution suggère de tirer les enseignements de la crise du lait pour ouvrir une réflexion plus large sur les mécanismes de régulation devant être mis en place dans la PAC après 2013.

La question du niveau de soutien des paysans européens par le budget communautaire sera centrale dans les négociations qui font s'ouvrir à Bruxelles. Mais au-delà des questions de niveau de l'enveloppe, celles relatives à la gestion de celle-ci et aux outils d'intervention de l'Union européenne en matière agricole devront faire l'objet d'une attention toute particulière.

Aujourd'hui, les droits à paiement uniques (DPU) constituent l'essentiel des aides distribuées dans le cadre du premier pilier de la PAC. Ils sont versés de la même manière, que les marchés apportent un soutien suffisant au revenu de l'agriculteur lorsque les prix sont élevés ou pas.

Cette déconnexion des aides des situations concrètes s'explique par la nécessité de maintenir la PAC dans le cadre fixé par l'Organisation mondiale du commerce (OMC), qui prohibe les aides contra-cycliques.

Pour autant, elle est difficile à comprendre, d'où la proposition, contenue au point n° 46 du projet de rapport présenté par le député britannique Georges Lyon au nom de la commission de l'agriculture et du développement rural du Parlement européen, sur l'avenir de la PAC après 2013, de disposer dans le cadre du budget de la PAC « d'un mécanisme de flexibilité de fin d'exercice permettant de réaffecter et de reporter à l'exercice suivant les montants non dépensés ». La PAC serait ainsi mieux à même de procéder à des lissages conjoncturels.

La proposition de résolution de la commission des affaires européennes va encore plus loin, demandant au Gouvernement de réfléchir à des modulations des aides en fonction du degré d'organisation économique des producteurs : en clair, des producteurs refusant de s'organiser pourraient être moins soutenus.

Si l'idée est séduisante, il n'est pas certain cependant qu'elle puisse prospérer : il faudrait en effet pouvoir justifier une telle discrimination dans les aides aux producteurs, selon leurs choix économiques.

La PAC en chiffres

Le budget 2010 consacré à la PAC dans l'Union européenne représente 40 % du budget total de l'Union (contre 70 % en 1984). Il s'élève à plus de 56 milliards d'euros soit 0,4 % du PIB européen, dont :


• 43 milliards d'aides du 1 er pilier (39 milliards d'aides directes et 4 milliards d'interventions sur les marchés, prise en charge par le Fonds européen agricole de garantie, le FEAGA) ;


• 13 milliards d'aides du 2 ème pilier (mesures de développement rural, prises en charge par le Fonds européen agricole de développement rural, le FEADER).

La France est le premier bénéficiaire de la PAC, touchant 19 % des dépenses totales de cette politique. Les crédits de la PAC alloués à la France s'élèvent à un peu plus de 10 milliards d'euros dont :


• près de 9 milliards au titre du premier pilier ;


• environ 1,2 milliard au titre du deuxième pilier.

Une large partie des aides du premier pilier est versée sous forme de droits à paiement uniques (DPU), qui ont progressivement remplacé depuis 2003 les aides directes couplées aux cultures, désormais résiduelles.

B. LA POSITION DE LA COMMISSION DE L'ÉCONOMIE.

La commission de l'économie salue le travail de la commission des affaires européennes, dont elle partage largement les conclusions, sous réserve de plusieurs observations.

1. Observations intégrées à la proposition de résolution.

a- Concernant la contractualisation, la commission a rappelé qu'elle devrait être encadrée par des contrats contenant des clauses types définis par voie d'accord interprofessionnels ou, à défaut, par la puissance publique, comme l'a prévu la LMAP au niveau national.

b- Concernant l'étiquetage de l'origine du lait, la commission a également rappelé que celui-ci devrait pouvoir être rendu obligatoire.

c- Si la survie à long terme des producteurs de lait dépend de la compétitivité des exploitations, dans un marché mondial où les prix sont déterminés par la loi de l'offre et de la demande, il convient de prendre en compte l'élevage dans toute sa diversité .

En particulier, la PAC ne saurait oublier l'élevage dans les zones de montagne ou les zones défavorisées, dans lesquelles aucune autre activité n'est possible. Une aide spécifique doit être apportée aux exploitations laitières dans ces zones, car elles contribuent positivement à l'aménagement du territoire rural et à l'entretien des espaces. Une réflexion pourrait s'engager à cet égard concernant les mesures spécifiques de régulation dans les zones de montagne.

Au demeurant, les petites exploitations laitières peuvent être compétitives, dès lors qu'elles s'intègrent dans des filières de qualité comme le fromage sous appellation d'origine contrôlée (AOC), comme l'Abondance ou le Comté, ou encore dans des filières à forte valeur ajoutée comme le lait biologique.

La commission a donc adopté un amendement du rapporteur demandant la prise en compte dans la politique laitière européenne des spécificités des zones défavorisées et de montagne.

d- Enfin, la commission a adopté plusieurs amendements de portée plus rédactionnelle, mais donnant plus de force et de clarté au texte de la proposition de résolution.

2. Observations n'ayant pas donné lieu à des amendements à la proposition de résolution.

a- Le bon fonctionnement de la filière laitière dépend de la transparence des indications de prix données à ses acteurs, d'où les recommandations du GHN en la matière. Cependant, la transparence ne doit pas s'entendre uniquement par rapport au prix. Il est nécessaire que la transparence s'étende à la connaissance de la répartition de la valeur ajoutée à tous les stades de la filière, de la production à la distribution, en passant par la transformation.

C'est au demeurant l'orientation prise par la France dans le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche avec la mise en place d'un observatoire des prix mais aussi des marges des produits alimentaires.

b- Enfin, votre rapporteur comprend la logique de modulation des DPU soutenue par la proposition de résolution mais estime qu'une étude approfondie doit être faite afin de bien mesurer les conséquences d'une telle modulation, qu'il s'agisse d'une modulation en fonction de la situation des marchés, ou d'une modulation en fonction du degré d'organisation économique à laquelle consent un producteur.

En effet, les DPU constituent un soutien indifférencié au revenu des exploitants, sensés compenser le différentiel de compétitivité entre l'Europe et les pays tiers. Le mécanisme des DPU a remplacé les aides couplées à la production pour permettre à la PAC d'être compatible avec les règles de l'OMC. Toute modulation devra être examinée au regard de la boîte verte (aides autorisées sans limite) ou de la boîte bleue (aides tolérées) de l'OMC.

En outre, la mise en réserve de crédits destinés à la PAC au sein du budget communautaire est risquée : la tentation pourrait être grande, pour financer d'autres priorités de l'Union européenne que les priorités agricoles, de réaffecter les crédits de la PAC mis en réserve.

C'est pourquoi, la formulation prudente de la commission des affaires européennes constitue simplement une invitation à la réflexion sur la mise en oeuvre de mécanismes de modulation, mais en aucun cas un engagement soutenant cette orientation. Il faut l'évaluer avant de décider d'une position à Bruxelles sur ce point.

*

* *

Au cours de sa réunion du mardi 6 juillet 2010, présidée par M. Jean-Paul Emorine, président, la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire a examiné le rapport de M. Gérard Bailly, sur la proposition de résolution européenne n° 590 (2009-2010), sur le marché du lait.

Elle a adopté une nouvelle rédaction proposée par le rapporteur, assortie de sept amendements.

ANNEXE 1 PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

Le Sénat,

Vu l'article 88 4 de la Constitution,

Vu le rapport du groupe d'experts à haut niveau sur le lait (GHN) daté du 15 juin 2010,

Considérant que, du fait des caractéristiques du marché du lait, le jeu libre de la concurrence y est nécessairement déséquilibré au détriment des producteurs et que les règles d'application du droit de la concurrence doivent être adaptées en fonction de ces caractéristiques ;

Constate que le rapport du groupe d'experts à haut niveau sur le lait témoigne de la prise de conscience de cette réalité économique ;

Considère que l'organisation du marché du lait devrait répondre aux principes suivants :

1. Systématiser la contractualisation entre producteurs et acheteurs

En ce sens, le Sénat :

- approuve la proposition du groupe d'experts à haut niveau visant à promouvoir l'utilisation de contrats écrits, afin d'offrir une meilleure visibilité économique aux producteurs ;

- suggère l'élaboration de contrats comprenant des clauses types dans le cadre des organisations interprofessionnelles ou à défaut par les pouvoirs publics ;

- estime que cette proposition produira son plein effet si un maximum d'États membres la rend obligatoire ;

2. Renforcer le pouvoir de négociation des producteurs

Considérant que la filière lait ne peut pas s'abstraire du droit de la concurrence, mais que l'application qui en est faite ne permet pas suffisamment aux producteurs laitiers de s'organiser pour rétablir un équilibre dans la négociation et que cela préjudicie au progrès économique de l'ensemble de la filière, le Sénat :

- se réjouit de la proposition du groupe d'experts à haut niveau tendant à permettre aux organisations de producteurs laitiers de se regrouper pour négocier les prix, sous réserve que leurs parts de marché cumulées n'excèdent pas une limite quantitative exprimée en pourcentage de la production laitière européenne ;

- estime que la référence unique à un pourcentage de la production laitière européenne placera les producteurs de l'Union sur un pied d'égalité et demande au Gouvernement de faire en sorte que le pourcentage retenu soit fixé à un niveau élevé compte tenu de la très forte concentration de l'ensemble du secteur aval de la filière et de la croissance des échanges intra-européens ;

3. Développer les organisations interprofessionnelles

Le Sénat :

- juge indispensable, a fortiori avec la fin annoncée des quotas en 2015, d'élaborer des outils d'analyse, de prévision et d'anticipation des marchés pour éclairer les acteurs de la filière ;

- estime que les propositions du groupe d'experts à haut niveau en matière de transparence sont insuffisantes, et considère, comme le montre l'expérience du secteur des fruits et légumes, que les organisations interprofessionnelles sont le lieu idéal pour améliorer la connaissance et la transparence de la production et du marché ;

4. Conserver des mécanismes d'intervention réactifs et puissants

Le Sénat :

- souligne que les mécanismes d'intervention, en particulier le stockage public et privé, ont été des instruments efficaces pour limiter la volatilité des prix et approuve les conclusions du groupe d'experts à haut niveau selon lesquelles ces mécanismes doivent bien sûr être conservés ;

- demande que les procédures soient allégées et que l'intervention puisse être déclenchée tout au long de l'année, afin de réagir aussi vite que possible en cas de retournement du marché ;

- attire l'attention sur l'impératif de réfléchir dès aujourd'hui à des mécanismes de régulation et d'intervention adaptés à un marché du lait sans quotas, au risque sinon de les disqualifier ;

5. Favoriser l'étiquetage de l'origine du lait utilisé

Le Sénat regrette la prudence du groupe d'experts à haut niveau sur ce sujet et demande au Gouvernement de défendre le principe de l'étiquetage obligatoire de l'origine du lait afin de permettre au consommateur d'être informé de la région et des conditions de production ;

6. Tirer les enseignements de la crise du lait pour la future réforme de la politique agricole commune

Le Sénat :

- souligne que plusieurs des recommandations formulées par le groupe d'experts à haut niveau sur le lait pourraient être étendues à d'autres secteurs agricoles ;

- estime qu'une rénovation des droits à paiement unique (DPU), aide directe au revenu aujourd'hui déconnectée de la production réelle, pourrait favoriser la réduction de la volatilité du revenu et la modernisation de l'organisation des producteurs ;

- souhaite en conséquence que le Gouvernement réfléchisse à la modulation des droits à paiement unique aux producteurs en fonction du niveau des prix et à des incitations (versement de DPU, attribution de quotas supplémentaires...) encourageant l'organisation économique des producteurs ;

- souhaite que la politique laitière européenne prenne en compte les spécificités des zones défavorisées et de montagne.

ANNEXE 2 AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

AMENDEMENT N° 1 Présenté par M. Jacques MULLER

____________________

Alinéa n°10

Après les mots « organisations interprofessionnelles », ajouter les mots :

« permettant notamment de couvrir les coûts de production des producteurs agricoles y compris la rémunération du travail ».

Objet

Il est essentiel de prendre en compte la rémunération du travail.

AMENDEMENT N° 2 Présenté par M. Jacques MULLER

Alinéa n°13

Remplacer le mot « doit » par le mot « peut ».

Objet

Cet amendement se justifie par lui-même.

AMENDEMENT N° 3 Présenté par M. Jacques MULLER

Alinéa n°17

Après cet alinéa, insérer les deux alinéas suivants :

« - désapprouve la programmation de l'abandon des quotas en 2015 déjà mis à mal par leur augmentation de 5 % par an, alors qu'ils permettaient de maîtriser l'offre et par conséquent de soutenir les prix et de répartir la production entre les régions et de contribuer ainsi à l'aménagement du territoire »

« - estime que l'abandon des quota conduirait à l'effondrement des prix à la production et à la concentration des exploitations agricoles, avec des effets désastreux sur l'emploi et le développement local des territoires ».

Objet

Cet amendement se justifie par lui-même.

AMENDEMENT N° 4 Présenté par M. Jacques MULLER

Alinéa n°20

Remplacer le mot « conserver » par le mot « développer ».

Objet

Cet amendement se justifie par lui-même.

AMENDEMENT N° 5 Présenté par M. Jacques MULLER

Alinéa n°29

Remplacer les alinéas vingt-neuf, trente et trente-et-un par des alinéas ainsi rédigés :

- « estime que la sécurité des approvisionnements et la garantie d'un revenu décent pour les producteurs agricoles qui sont des objectifs de la PAC confortés par le Traité de Lisbonne deviennent une priorité de premier rang »

- « souligne que la maîtrise de l'offre est une condition incontournable pour atteindre ces objectifs »

Objet

Cet amendement se justifie par lui-même.

AMENDEMENT N° 6 Présenté par Mme Odette Herviaux et les membres du groupe socialiste et apparentés

Alinéa 7

1) Insérer après le mot :

contractualisation

Le mot :

collective

2) Remplacer le mot :

transformateurs

Par le mot :

acheteurs

Objet

Même si le GHN invite la Commission à étudier la possibilité pour les organisations de producteurs de négocier les prix, il est clair que la contractualisation qui est envisagée a une base individuelle. Or les auteurs de cet amendement estiment qu'une contractualisation individuelle ne changera rien à la situation actuelle de déséquilibre dans les relations commerciales : les agriculteurs seront toujours en situation de faiblesse par rapport à leur acheteur du fait du caractère périssable de leur production et de la concentration de l'aval.

Ainsi, pour le secteur laitier en France, on référence 85 000 producteurs et en face, 200 acheteurs dont les 10 plus importants contrôlent 60 % de la collecte et 4 centrales d'achat de la grande distribution qui contrôlent 70 % à 80 % des ventes.

AMENDEMENT N° 7 Présenté par Mme Odette Herviaux et les membres du groupe socialiste et apparentés

Alinéa 10

Compléter cet alinéa avec les mots suivants :

ou par défaut par les pouvoirs publics

Objet

La reconnaissance des interprofessions posant problème au niveau européen tant sur la forme que sur le fond, les auteurs cet amendement estiment qu'il est important de souligner qu'en l'absence de cadre interprofessionnel, il est nécessaire que les États membres s'investissent dans l'élaboration des contrats et des clauses types.

AMENDEMENT N° 8 Présenté par Mme Odette Herviaux et les membres du groupe socialiste et apparentés

Alinéa 11

Compléter cet alinéa par les mots :

et que dans ce cas, les clauses types de ces contrats devront être définies au niveau européen

Objet

Cet alinéa précise que la contractualisation produira son plein effet si un maximum d'États membres la rend obligatoire. Il est vrai que la contractualisation ne donnera une visibilité aux producteurs que si la plupart des producteurs européens sont sous contrat et si les acheteurs n'ont pas la possibilité de faire pression sur les prix en menaçant d'aller se fournir dans les pays voisins.

Si la contractualisation devenait obligatoire dans la majorité des États membres de l'Union européenne, il faudrait alors envisager de définir les clauses types des contrats au niveau européen.

AMENDEMENT N° 9 Présenté par Mme Odette Herviaux et les membres du groupe socialiste et apparentés

Alinéa additionnel après l'alinéa 11

Insérer après l'alinéa 11, un alinéa ainsi rédigé :

- estime que la commission européenne devra proposer des modalités de détermination des prix applicables lors de la conclusion de contrats écrits entre producteurs et acheteurs et permettant d'obtenir un niveau de prix à la production au moins égal aux coûts de production

Objet

Le rapport du groupe de haut niveau ne propose pas de modalités de détermination des prix qui seront pourtant nécessaires pour rendre la négociation commerciale plus équilibrée.

Les auteurs de cet amendement estiment par ailleurs les prix négociés lors de cette contractualisation devront au moins couvrir les coûts de production des producteurs car il n'est pas acceptable ni viable que ces ventes soient faites à perte.

AMENDEMENT N° 10 Présenté par Mme Odette Herviaux et les membres du groupe socialiste et apparentés

Alinéa additionnel après l'alinéa 15

Insérer après l'alinéa 15, un alinéa ainsi rédigé :

- regrette que le groupe d'experts à haut niveau ne propose pas de mesures d'assouplissement des règles de la concurrence applicables dans le secteur de la production laitière et dans la filière lait

Objet

Alors que le groupe de haut niveau constate un déséquilibre énorme dans les pouvoirs de marché des producteurs d'un côté et des transformateurs et des distributeurs fortement concentré de l'autre, l'application stricte des règles de la concurrence dans le secteur laitier reste la règle. Aucun aménagement n'est proposé. Dans ces conditions, les interprofessions ne pourront toujours pas négocier les prix ou les tendances de prix.

Les auteurs de cet amendement souhaitent que ce regret soit souligné dans cette résolution.

AMENDEMENT N° 11 Présenté par Odette Herviaux, Roland Courteau et les membres du groupe socialiste et apparentés

Alinéa 20

Rédiger comme suit cet alinéa :

4. Conserver des mécanismes de régulation et d'intervention préventifs, réactifs et puissants

Objet

Les auteurs de cet amendement estiment que la régulation des marchés ne doit pas se réduire à une gestion de crise, par à coup. Elle doit aussi comporter un volet préventif permettant de limiter en amont la survenue de ces crises.

De manière générale, des outils de régulation et d'intervention sont nécessaire pour gérer le marché du lait.

AMENDEMENT N° 12 Présenté par Mme Odette Herviaux et les membres du groupe socialiste et apparentés

Alinéa 24

1) Insérer après le mot :

mécanismes

Les mots :

de régulation

2) compléter cet alinéa par les mots suivants :

et sur la nécessité de maintenir cet outil de gestion des volumes en l'absence de nouveaux mécanismes ;

Objet

Cet alinéa précise que si de nouveaux mécanismes d'intervention adaptés au marché du lait ne sont pas mis en place, les mécanismes d'intervention seront disqualifiés.

Les auteurs de cet amendement partagent cette analyse mais estiment que les risques pour l'aménagement du territoire et la pérennité des exploitations françaises des zones de production les plus difficiles sont encore plus grands.

Ils souhaitent donc que l'on conserve un objectif de régulation et d'intervention qu'en l'absence de nouveaux mécanismes les quotas laitiers soient maintenus.

AMENDEMENT N° 13 Présenté par Mme Odette Herviaux et les membres du groupe socialiste et apparentés

Alinéa 31

Insérer après les mots :

en fonction

Les mots :

du nombre de salariés, des efforts environnementaux réalisés et

Objet

Les auteurs de cet amendement estiment que les aides directes reçues par les exploitations agricoles devraient être plus élevées dans celles employant beaucoup de main d'oeuvre. Le critère d'Unité de travail humain paraît plus pertinent pour la vitalité économique des territoires que celui de superficie.

Ils pensent aussi que la logique sous tendant l'éco conditionnalité des aides européennes doivent être renversée : on devrait primer les efforts réalisés en termes de protection de l'environnement au lieu de verser des aides de façon automatique puis de vérifier après coup le respect des règles européennes voire de demander leur remboursement el cas échéant.

AMENDEMENT N° 14 Présenté par M. Gérard BAILLY, Rapporteur

Alinéa n° 10

Remplacer les mots :

ou de

par les mots :

comprenant des

Objet

Ce sont les contrats qui doivent comprendre des clauses type.

AMENDEMENT N° 15 Présenté par M. Gérard BAILLY, Rapporteur

Après l'alinéa n° 31

Après l'alinéa n° 31, insérer un alinéa ainsi rédigé :

- souhaite que la politique laitière européenne prenne en compte les spécificités des zones défavorisées et de montagne.

Objet

Les zones de montagne sont fragilisées. Or il y a un intérêt à conserver une production laitière dans ces secteurs.

AMENDEMENT N° 16 Présenté par M. Gérard BAILLY, rapporteur

Alinéa 26

Après le mot

étiquetage

Insérer le mot

obligatoire

Objet

Cet amendement se justifie par lui-même.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mardi 6 juillet 2010 , sous la présidence de M. Jean-Paul Emorine, président, la commission a examiné le rapport et les amendements sur la proposition de résolution européenne n° 590 (2009-2010) présentée au nom de la commission des affaires européennes par M. Jean Bizet sur le marché du lait.

M. Gérard Bailly , rapporteur . - La crise du lait, particulièrement violente, intervenue à partir de la mi-2008 et qui a pris toute son ampleur en 2009, a été le baromètre de la crise agricole.

Connaissant une situation inédite dans un secteur traditionnellement stable, la filière laitière constitue le symbole des bouleversements liés à l'exposition plus forte de l'agriculture aux marchés, intervenue dans le cadre des réformes successives de la politique agricole commune (PAC).

La commission des Affaires européennes du Sénat avait analysé dès juin 2009 l'évolution des prix du lait dans les États membres de l'Union européenne, faisant apparaître, derrière les spécificités nationales, une tendance commune et le besoin d'une nouvelle visibilité et d'une cohérence de la politique européenne.

Votre commission de l'Économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, pour sa part, a mis en évidence le besoin d'une nouvelle régulation à la fois européenne et nationale du marché du lait, suite à l'avis rendu sur la demande de son président, Jean-Paul Émorine, par l'Autorité de la concurrence, sur la situation du marché du lait.

Au-delà de la crise conjoncturelle, la perspective de la fin des quotas laitiers au 1er avril 2015, avec relèvement progressif de ceux-ci chaque année jusqu'en 2015, décidée dans le cadre du bilan de santé de la PAC, a en effet profondément bouleversé le secteur et changé fortement ses perspectives.

Devant l'ampleur prise par la crise laitière au niveau européen, Mme Fischer Boel, alors commissaire européen chargé de l'Agriculture et du développement rural, a annoncé, le 5 octobre 2009, la création d'un groupe d'experts de haut niveau (GHN) ayant pour mission de faire des propositions pour ce secteur.

Rendu le 15 juin 2010, le rapport du GHN constitue la base de discussions en vue d'une proposition législative de la commission attendue à la fin 2010.

La commission des Affaires européennes a souhaité réagir rapidement après la sortie de ce rapport, afin de s'inscrire dans le débat qui s'ouvre sur la réforme de la PAC après 2013, à travers une proposition de résolution européenne.

Cette initiative s'appuie sur plusieurs auditions déjà menées par le groupe de travail commun à la commission de l'Économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, et à la commission des Affaires européennes sur la PAC, constitué en mai 2010.

Si les conclusions du GHN vont dans le bon sens, celui d'une régulation européenne qui, il y a peu, paraissait encore incongrue, les pistes ouvertes devront se traduire par des dispositifs consistants et ambitieux dans le futur texte législatif européen.

La crise agricole a fait prendre conscience qu'un changement de cap était nécessaire pour la PAC. Sans revenir sur les acquis du passé et défendre une vision administrée de la PAC, car la France se trouverait vraisemblablement isolée à Bruxelles pour la défendre, il convient de faire évoluer les outils de cette politique de manière à rechercher une plus grande stabilité des marchés.

Le défi de la réforme de la PAC passe donc d'abord par le lait.

Sans revenir sur les conclusions du GHN présentés lors d'une réunion commune de la commission des Affaires européennes et de notre commission, je salue le travail de la Commission des Affaires européennes, dont je partage largement les conclusions, sous réserve des observations suivantes :

- Si la survie à long terme des producteurs de lait dépend de la compétitivité des exploitations, dans un marché mondial où les prix sont déterminés par la loi de l'offre et de la demande, il convient de prendre en compte l'élevage dans toute sa diversité.

En particulier, la PAC ne saurait oublier l'élevage dans les zones de montagne ou les zones défavorisées, dans lesquelles aucune autre activité n'est possible. Une aide spécifique doit être apportée aux exploitations laitières dans ces zones, car elles contribuent positivement à l'aménagement du territoire rural et à l'entretien des espaces. Une réflexion pourrait s'engager à cet égard concernant des mesures spécifiques de régulation - quota spécifique - dans les zones de montagne ou défavorisées.

Au demeurant, les petites exploitations laitières peuvent être compétitives, dès lors qu'elles s'intègrent dans des filières de qualité comme le fromage sous appellation d'origine contrôlée (AOC), comme l'Abondance ou le Comté, ou encore dans des filières à forte valeur ajoutée comme le lait biologique.

- Le bon fonctionnement de la filière laitière dépend de la transparence des indications de prix données à ses acteurs, d'où les recommandations du GHN en la matière. Cependant, la transparence ne doit pas s'entendre uniquement par rapport au prix. Il est nécessaire que la transparence s'étende à la connaissance de la répartition de la valeur ajoutée à tous les stades de la filière, de la production à la distribution, en passant par la transformation.

C'est au demeurant l'orientation prise par la France dans le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche avec la mise en place d'un Observatoire des prix mais aussi des marges des produits alimentaires.

- Enfin, je comprends la logique de modulation des DPU soutenue par la proposition de résolution mais j'estime qu'une étude approfondie doit être faite afin de bien mesurer les conséquences d'une telle modulation, qu'il s'agisse d'une modulation en fonction de la situation des marchés, ou d'une modulation en fonction du degré d'organisation économique à laquelle consent un producteur.

En effet, les DPU constituent un soutien indifférencié au revenu des exploitants, sensés compenser le différentiel de compétitivité entre l'Europe et les pays tiers. Le mécanisme des DPU a remplacé les aides couplées à la production pour permettre à la PAC d'être compatible avec les règles de l'OMC. Toute modulation devra être examinée au regard de la boîte verte (aides autorisées sans limite) ou de la boîte bleue (aides tolérées) de l'OMC.

En outre, la mise en réserve de crédits destinés à la PAC au sein du budget communautaire est risquée : la tentation pourrait être grande, pour financer d'autres priorités de l'Union européenne que les priorités agricoles, de réaffecter les crédits de la PAC ainsi mis en réserve.

C'est pourquoi, la formulation prudente de la commission des Affaires européennes constitue simplement une invitation à la réflexion sur la mise en oeuvre de mécanismes de modulation, mais en aucun cas un engagement soutenant cette orientation. Il faut l'évaluer avant de décider d'une position à Bruxelles sur ce point. Je tiens à réaffirmer que les productions agricoles, notamment la production laitière, peuvent connaitre des fluctuations liées à de multiples facteurs notamment l'aléa climatique. Il est donc important d'être en capacité de pouvoir stocker des produits afin de répondre aux situations de pénurie et donc à l'emballement des prix, facteur de désorganisation pour l'agriculture.

Mme Odette Herviaux . - Si je partage l'essentiel des remarques qui viennent d'être formulées, j'ai toutefois souhaité, avec les collègues de mon groupe, proposer un certain nombre d'amendements. Certains d'entre eux sont des amendements d'appel destinés à attirer l'attention du Gouvernement pour que celui-ci sensibilise nos partenaires européens à nos préoccupations, car nous savons pertinemment, que sur ce sujet, il n'y a pas l'unanimité des vingt sept Etats membres. D'autres amendements s'inscrivent, quant à eux, dans le prolongement des débats relatifs à la loi de modernisation de l'agriculture. Sur ce point, les observations du GHN vont dans le bon sens, malgré quelques restrictions que nous avons déjà émises lors du vote de la loi.

M. Gérard Le Cam . - Je partage globalement les propos de notre collègue puisqu'en effet, le rapport du GHN est d'essence très libérale et consacre en réalité les mécanismes de marché, ce qui n'est pas acceptable. Je suis inquiet de l'impact, sur les producteurs, des contrats écrits proposés par les grands acheteurs qui pourront toujours s'approvisionner hors de France et peser ainsi sur les prix au niveau national. Je reste donc persuadé que la priorité devrait être donnée à la production nationale sur la base d'un volume donné et d'un prix défini. S'agissant du pouvoir de négociation des producteurs face aux acheteurs, malgré les avancées contenues dans cette proposition de résolution, notamment à travers le seuil de regroupement des producteurs, j'ai des doutes quant à l'évolution des rapports de force sur le terrain. Je ne crois pas non plus à l'efficacité des marchés à terme pour réduire la volatilité des prix et je redoute même l'inverse. S'agissant de l'étiquetage, je suis convaincu que la question de l'éventuelle imitation d'un produit laitier pourra être aisément résolue, et je crois que la mention des lieux de production aura un impact plus significatif pour la consommation intérieure, l'effet étant moins évident au niveau international. En définitive, je rappelle que notre groupe est défavorable à cette proposition de résolution qui risque finalement de mettre fin aux quotas et faire payer les agriculteurs une deuxième fois. En effet, l'instauration des quotas au milieu des années 1980 a eu pour conséquence de contraindre les petites exploitations à cesser leurs productions laitières et on constate aujourd'hui que le cheptel laitier diminue. Et de nouveau, les agriculteurs vont devoir payer une deuxième fois car la suppression des quotas aura pour effet d'exacerber la concurrence.

M. Jacques Muller . - Avec mes collègues, nous avons souhaité proposer plusieurs amendements rédactionnels afin de préciser le dispositif de la proposition de résolution ainsi que des amendements de fond destinés à donner plus d'ambitions au texte qui nous est soumis. Si je remarque que les principes que nous défendons sont malheureusement loin de faire consensus auprès des vingt-sept États membres, il ne faut pas pour autant se résigner et laisser le champ politique disparaître progressivement au profit du marché. En clair, c'est la garantie d'un revenu décent pour les agricultures que l'on va remettre en cause en revenant sur la politique d'intervention de l'Union européenne. C'est pourquoi, en l'état, nous voterons contre ce texte, car il nous pourrait essentiel d'y réaffirmer les objectifs fondamentaux de la politique agricole commune dont on s'éloigne dangereusement.

M. Gérard Bailly , rapporteur. - J'ai pris bonne note de l'ensemble des observations qui ont été formulées mais je constate, de mon coté, que le rapport du GHN va dans le bon sens. Cette proposition de résolution, que nous avons essayé d'amender positivement s'inscrit dans cette logique et doit nous permettre de convaincre nos partenaires européens. Si je m'inscris en faux contre l'idée des quotas nationaux, qui est incompatible avec la politique agricole commune, il me paraît important d'obtenir une augmentation des volumes de production dans les zones de montagne, qui sont nombreuses en France, ainsi que dans les zones défavorisées. Le regroupement des producteurs, sur la base des quantités laitières européennes, est également un point très positif. Je suis par ailleurs très favorable à l'étiquetage sur le lieu de production, à condition qu'il soit visible pour le consommateur. A cet égard, il me paraît inconcevable de qualifier un produit comme laitier s'il n'est pas issu d'un animal.

M. Jean-Paul Emorine , président . - Nous partageons, en réalité, tous les mêmes préoccupations, à savoir conserver une capacité de production laitière en France et préserver cette production dans les régions de montagne où le coût de la collecte est important. A cet égard, il convient d'éviter la concentration et tout mettre en oeuvre pour préserver la production laitière dans les zones défavorisées. Enfin, l'étiquetage doit être défendu, à un moment où l'information et la communication jouent un rôle fondamental dans les comportements de consommation de nos concitoyens.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Amendements sur le texte de la proposition de résolution européenne n° 590

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Mme Odette Herviaux et les membres du groupe socialiste et apparentés

6

Précision sur le caractère collectif de la contractualisation, celle-ci devant concerner les acheteurs.

Adopté après rectification

M. Gérard Bailly, rapporteur

14

Amendement rédactionnel.

Adopté

M. Jacques Muller

1

Fixation des prix couvrant les coûts de production.

Rejeté

Mme Odette Herviaux et les membres du groupe socialiste et apparentés

7

Élaboration de contrats type par les organisations interprofessionnelles ou à défaut, par la puissance publique.

Adopté après rectification

Mme Odette Herviaux et les membres du groupe socialiste et apparentés

8

Définition au niveau européen des clauses type des contrats.

Rejeté

Mme Odette Herviaux et les membres du groupe socialiste et apparentés

9

Prix minimum à la production.

Rejeté

M. Jacques Muller

2

Amendement rédactionnel.

Adopté

Mme Odette Herviaux et les membres du groupe socialiste et apparentés

10

Regret de l'absence de proposition aménageant les règles de la concurrence en faveur des producteurs.

Rejeté

M. Jacques Muller

3

Désapprobation de la suppression des quotas laitiers.

Rejeté

Mme Odette Herviaux et les membres du groupe socialiste et apparentés

11

Mécanisme d'intervention préventif.

Rejeté

M. Jacques Muller

4

Développement des mécanismes d'intervention.

Rejeté

Mme Odette Herviaux et les membres du groupe socialiste et apparentés

12

Engagement en faveur de la régulation.

Adopté après rectification

M. Gérard Bailly, rapporteur

16

Mention d'un étiquetage obligatoire de l'origine du lait.

Adopté

M. Jacques Muller

5

Sécurité des approvisionnements.

Rejeté

Mme Odette Herviaux et les membres du groupe socialiste et apparentés

13

Modulation des DPU en fonction du nombre de salariés et des efforts environnementaux.

Rejeté

M. Gérard Bailly, rapporteur

15

Prise en compte par la politique laitière communautaire des spécificités des zones défavorisées et de montagne.

Adopté

M. Jean-Paul Emorine , président. - Je soumets maintenant au vote l'ensemble de la proposition de résolution ainsi modifiée.

Mme Odette Herviaux . - Notre abstention s'explique par notre opposition à la philosophie trop libérale qui est sous-tendue par ce texte.

M. Gérard César . - Je tiens à saluer le travail de notre rapporteur qui examine la problématique du lait depuis plusieurs mois, et je souligne que le groupe UMP soutient cette proposition de résolution.

M. Gérard Le Cam . - Notre groupe votera contre ce texte, qui s'inscrit dans le cadre d'une agriculture complètement intégrée au marché.

M. Jacques Muller . - Je reste préoccupé par les positions idéologiques de la Commission européenne. Nous allons vers une victoire totale des mécanismes de marché dans le monde agricole : l'exemple des marchés à terme, ou celui du système assurantiel préféré à la garantie des prix, l'illustrent, c'est pourquoi nous voterons contre ce texte.

Puis la proposition de résolution est adoptée dans la rédaction de la commission, le groupe socialiste s'abstenant, les verts ainsi que le groupe communiste votant contre.


* 1 Rapport d'information n° 481 (2008-2009) déposé le 23 juin 2009 par M. Jean Bizet au nom de la commission des affaires européennes, sur le prix du lait dans les États membres de l'Union européenne.

* 2 Rapport d'information n° 73 (2009-2010) déposé le 30 octobre 2009 par MM. Jean-Paul Emorine et Gérard Bailly, au nom de la commission de l'économie, sur l'avis de l'Autorité de la concurrence relatif au fonctionnement du secteur laitier.

* 3 Ce groupe est co-présidé par MM. Jean-Paul Emorine et Jean Bizet, Mmes Odette Herviaux et Bernadette Bourzai.

* 4 Règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil du 22 octobre 2007 portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement «OCM unique»).

* 5 Commission européenne - rapport trimestriel sur le marché laitier - 29 juin 2010.

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