3. Des modèles nationaux de régulation remis en cause
a) Dissémination et concentration des responsabilités : deux approches défaillantes

La qualité de la surveillance des activités financières a logiquement été remise en cause, d'autant que la seconde moitié de la présente décennie avait été plutôt marquée par un certain relâchement de la pression réglementaire sur les activités de marché et la volonté de ne pas brider l'élan créatif 11 ( * ) . Deux configurations « extrêmes » de l'architecture de supervision ont été plus particulièrement contestées :

- l'approche sectorielle et segmentée des Etats-Unis : pas moins de six autorités fédérales sont en effet en charge de la surveillance du secteur bancaire 12 ( * ) , et le secteur des assurances relève pour l'essentiel des Etats. Le foisonnement des autorités a facilité l'apparition d'interstices de non-régulation, en particulier dans les domaines du crédit hypothécaire, de la titrisation et des fonds spéculatifs ;

- l'approche unifiée et très axée sur la compétitivité de la place du Royaume-Uni : la Financial Services Authority (FSA), autorité unique de régulation du secteur financier, a été notamment critiquée pour sa gestion de la faillite de Northern Rock en septembre 2007.

Le nouveau gouvernement conservateur a annoncé son intention de réviser l'architecture institutionnelle mise en place par le memorandum tripartite conclu en octobre 1997 entre la FSA, la Banque d'Angleterre et le Trésor. La FSA transfèrerait l'essentiel de ses attributions à un nouveau Comité de politique financière, placé sous l'égide de la Banque d'Angleterre et qui collaborerait avec une nouvelle Autorité de régulation prudentielle. Une Autorité des marchés et de la protection des consommateurs (CPMA) devrait également être créée et pourrait hériter du contrôle du crédit à la consommation, actuellement scindé entre la FSA et l' Office of Fair Trading . L'architecture britannique se rapprocherait de la nouvelle organisation française et d'un modèle à deux piliers (l'un dédié à la surveillance prudentielle, l'autre aux pratiques de marché et de commercialisation), dit « twin peaks ».

b) Le modèle français a montré sa solidité mais doit être rénové

En France, le modèle de régulation , déjà rénové avec la loi de sécurité financière du 1 er août 2003, et le secteur financier ont mieux résisté compte tenu de certaines caractéristiques : une organisation dominante du secteur bancaire en « banque universelle » qui permet d'amortir le choc sur les activités de marchés, un encadrement plus strict des acteurs, une jurisprudence précise sur le devoir d'information et de conseil en matière de crédit, un endettement des ménages deux fois inférieur à celui des Etats-Unis 13 ( * ) et un moindre recours à la titrisation.

Il n'en demeurait pas moins nécessaire de moderniser l'architecture française de surveillance du secteur financier , en particulier pour mieux distinguer les pôles afférents à la règlementation prudentielle et aux marchés. Le Gouvernement a ainsi mandaté en 2009 M. Bruno Delétré et l'inspection générale des finances pour formuler des propositions. Leurs deux rapports, remis en janvier et juillet 2009 14 ( * ) , ont analysé deux aspects du fractionnement de la régulation qui donnent lieu à deux importantes réformes proposées par le présent projet de loi :

- le constat d'une trop grande segmentation de l'agrément et du contrôle des banques et des assurances a conduit à la fusion de la Commission bancaire, de l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM), du Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (CECEI) et du Comité des entreprises d'assurance au sein d'une nouvelle Autorité de contrôle prudentiel (ACP). La création de cette entité a fait l'objet d'une ordonnance du 21 janvier 2010 , prise en application d'une habilitation conférée par la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008, et dont votre rapporteur avait proposée l'extension. La ratification et la modification de cette ordonnance sont proposées par l'article 5 A du présent projet de loi ;

- de même, les règles applicables aux intermédiaires financiers en matière de commercialisation et d'obligations à l'égard de la clientèle sont segmentées et d'intensité variable. L'article 7 undecies du présent projet, adopté à l'initiative du Gouvernement, propose à cet égard d'en améliorer la lisibilité et l'efficacité.

Par ailleurs, l'AMF et l'ACP ont modernisé leur organisation interne et leurs pratiques de contrôle avec la création d'une direction des relations avec les épargnants à l'AMF et d'une direction des pratiques commerciales à l'ACP, le développement des « achats mystère » pour mieux identifier les mauvaises pratiques et infractions, et la mise en place d'un pôle commun de contrôle aux deux institutions, qui a fait l'objet d'une convention signée le 30 avril 2010.


* 11 L'essor exponentiel de la titrisation synthétique et des contrats d'échange sur défaut (« credit default swaps » - CDS) a néanmoins motivé certaines inquiétudes des autorités de régulation bancaire, notamment de la Banque des règlements internationaux et de la Banque de France.

* 12 La Federal Reserve Bank , la Securities and Exchange Commission (SEC), la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC), l' Office of Thrift Supervision (OTS), l' Office of the Comptroller of the Currenc y (OCC) et la National Credit Union Administration (NCUA).

* 13 En part du revenu disponible, l'endettement des ménages américains en 2007 atteignait ainsi 141 % (dont 105,7 % au titre des prêts hypothécaires), contre 70 % en France.

* 14 Rapport de la mission de réflexion et de propositions sur l'organisation et le fonctionnement de la supervision des activités financières en France, remis en janvier 2009, et rapport de la mission de conseil sur le contrôle du respect des obligations professionnelles à l'égard de la clientèle dans le secteur financier, remis en juillet 2009.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page