ARTICLE 7 sexies

Rapport au Parlement
sur la possibilité d'interdire la vente à découvert par les fonds spéculatifs

Commentaire : le présent article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Charles de Courson, prévoit que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 30 septembre 2010, un rapport sur la possibilité d'interdire le recours aux ventes à découvert par les filiales de fonds spéculatifs.

I. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article, introduit par la commission des finances de l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Charles de Courson, avec l'avis favorable du Gouvernement, prévoit que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 30 septembre 2010, un rapport « détaillant la possibilité d'interdire la vente à découvert par les fonds spéculatifs pour les filiales de ces fonds situées à l'étranger ».

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre commission est très circonspecte sur la portée de ce rapport dont elle préconise la suppression . Outre que les rapports demandés au Gouvernement subissent une véritable inflation, sans toujours être transmis dans les délais voire retenir l'attention de leurs commanditaires, des arguments plus techniques doivent être invoqués :

- les filiales concernées ne sont pas celles de fonds mais des sociétés de gestion européennes de ces fonds ;

- indépendamment des interrogations sur l'opportunité d'une interdiction des ventes à découvert, dont le potentiel déstabilisant est avant tout tributaire de certains facteurs (ampleur des positions courtes nettes, ventes de titres s'inscrivant déjà en baisse, présence de ventes « nues »...), une interdiction pour une catégorie particulière d'acteurs suppose que le régulateur dispose d'une connaissance extensive des positions courtes et des intervenants . Un tel régime de transparence n'existe actuellement en France que pour les valeurs financières dans le cadre des mesures d'urgence décidées par l'AMF en septembre 2008, et sa généralisation constitue l'objet de l'article 7 ter du présent projet de loi ;

- il subsiste une incertitude sur la portée extraterritoriale - et donc contestable - de l'interdiction envisagée, si l'on se réfère au droit de l'investisseur plutôt qu'au droit du marché (indépendamment de la nationalité des intervenants).

Décision de la commission : votre commission a supprimé cet article.

ARTICLE 7 septies A

Rapport au Parlement
sur la mise en oeuvre d'une régulation du capital-investissement

Commentaire : le présent article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Jérôme Chartier, rapporteur, prévoit que le Gouvernement remette au Parlement, au plus tard le 31 décembre 2010, un rapport sur les modalités de mise en oeuvre d'une régulation européenne et nationale du capital-investissement.

I. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Jérôme Chartier, rapporteur, avec l'avis favorable du Gouvernement, prévoit que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 31 décembre 2010, un rapport « présentant les modalités de mise en oeuvre d'une régulation européenne et nationale du capital-investissement ».

Rappelons que le capital-investissement (« private equity ») désigne le financement en capital des sociétés non cotées à moyen et long termes et est structuré en quatre principaux segments selon le cycle de vie des sociétés :

- le capital-risque et l'amorçage, pour le financement du démarrage de PME généralement innovantes ou positionnées sur les nouvelles technologies et qui requièrent une importante mise de fonds ;

- le capital-développement, pour les PME en expansion et qui tendent vers une rentabilité structurelle ;

- le capital-transmission par rachat avec effet de levier 182 ( * ) leveraged buy-out » - LBO) de sociétés nécessairement rentables mais dont le potentiel de croissance est mal optimisé ou qui sont confrontées à des difficultés de transmission ou de cession ;

- et le capital-retournement, centré sur les entreprises en difficultés et susceptibles d'être redressées.

Cette demande de rapport était notamment motivée par :

- le constat du caractère fortement cyclique de cette activité, en particulier celle du LBO qui a pu exercer des effets dommageables pour l'emploi et la pérennité de certaines entreprises (excès liés à la bulle d'endettement des années 2000 puis forte contraction avec la crise du crédit) ;

- le caractère incomplet de la régulation exercée par l'Autorité des marchés financiers (AMF) ;

- et par la volonté de ne pas attendre la transposition en droit français de la future directive sur les gérants de fonds d'investissement alternatifs (dite « directive AIFM » - Alternative Investment Funds Managers ), encore en débat mais qui devrait être adoptée d'ici la fin de 2010.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Les inquiétudes et préoccupations de notre collègue député Jérôme Chartier sont légitimes, mais il est douteux qu'un nouveau rapport du Gouvernement soit particulièrement éclairant au regard de la documentation existante et des intenses débats sur la proposition de directive AIFM, en particulier au Parlement européen.

A. DES ABUS AVÉRÉS QUI NE DOIVENT PAS CONDUIRE À STIGMATISER L'ENSEMBLE DU CAPITAL-INVESTISSEMENT

Le capital-investissement est indispensable à notre économie car il permet à des investisseurs dont l'aversion au risque est moindre de contribuer au financement de PME qui ont un accès réduit au crédit bancaire, développent de nouvelles technologies dont le succès n'est pas garanti, ou dont la croissance est fortement consommatrice en capital. Il est cependant indéniable que l'activité de LBO a été partie prenante dans la formation de la « bulle » de crédit de 2005-2007 et a donné lieu à des excès susceptibles de mettre en péril la structure du financement, et surtout la survie des sociétés rachetées en cas de contraction du crédit.

Le recours à des leviers élevés et croissants lors de chaque cession, le raccourcissement des cycles d'investissement, le mode de rémunération des gestionnaires et des dirigeants associés à l'opération (fondé en particulier sur le « carried interest »), la recherche d'une maximisation de la valorisation à court terme par compression des coûts, les phénomènes d'enchères ou les cessions successives de participations entre fonds de LBO 183 ( * ) , furent autant de symptômes d'une « autonomisation » de la logique financière au détriment de la soutenabilité de la croissance des sociétés concernées.

Dans certains cas, l'alignement des intérêts des gestionnaires, des investisseurs et des dirigeants des sociétés a ainsi pu se faire au détriment de l'intérêt social , sans évoquer celui des salariés.

La régulation du capital-investissement est avant tout formelle puisque l'AMF, en France, est chargée d'agréer les sociétés de gestion et les fonds communs de placement à risques (FCPR) qui constituent le véhicule juridique privilégié de ces opérations. Cependant la valorisation des parts, l'horizon d'investissement, le mode de rémunération des gestionnaires ou le niveau de levier relèvent essentiellement des « bonnes pratiques » diffusées par des associations professionnelles telles que l'AFIC en France (Association française des investisseurs en capital) ou l'EVCA ( European Venture Capital Association ) au plan européen.

B. LES PROGRÈS ATTENDUS DE LA DIRECTIVE AIFM

Après plusieurs tentatives antérieures, un pas important devrait être prochainement franchi en Europe avec l'adoption de la directive AIFM , dont le champ est large puisqu'il couvre tous les fonds « alternatifs » au-dessus d'un certain seuil d'encours, c'est-à-dire les fonds qui ne sont actuellement pas soumis au régime du passeport européen, et plus particulièrement le capital-investissement et les hedge funds . Cette proposition de directive prévoit la mise en place d'un nouveau passeport répondant à de strictes conditions d'octroi en termes de suivi des risques, de transparence ou d'indépendance de la valorisation .

A cet égard, votre rapporteur rappelle que le groupe de travail conjoint à l'Assemblée nationale et au Sénat sur la crise financière, lors de sa réunion du 16 juin 2010, a exprimé une position proche de celle défendue par la grande majorité du Conseil européen (distincte de celles de la Commission européenne et du Parlement européen), soit :

- un passeport européen réservé aux seuls gestionnaires et fonds établis en Europe ;

- le maintien des régimes nationaux de placement privé pour les fonds « offshore » , dont le régime de commercialisation auprès des investisseurs avertis resterait donc du ressort des autorités nationales ;

- et la mise en place de normes d'encadrement des rémunérations des gestionnaires , proches dans l'esprit de celles décidées par le G20 et prévues par la directive sur les fonds propres pour les opérateurs de marché.

Les difficultés inhérentes au « trilogue » ont abouti à reporter après l'été 2010 la perspective d'un compromis sur ce texte. Un rapport sur la régulation européenne et nationale du capital-investissement paraît néanmoins d'une utilité limitée, dans la mesure où les conséquences de cette directive sur la législation française seront bientôt connues.

Décision de la commission : votre commission a supprimé cet article.


* 182 L'effet de levier désigne la proportion entre l'endettement et le capital et peut être élevé en matière de LBO.

* 183 D'où le développement des LBO « secondaires », « ternaires », voire au-delà.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page