CHAPITRE VI

AMÉLIORER LA GOUVERNANCE DES RISQUES
DANS LES ENTREPRISES

ARTICLE 7 septies
(Art. L. 210-10 [nouveau] du code de commerce)

Création de comités des risques au sein des établissements financiers

Commentaire : le présent article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Jérôme Chartier, rapporteur, a pour objet de créer des comités des risques au sein organes délibérants des établissements de crédit, des entreprises d'assurance et de réassurance, des mutuelles et des institutions de prévoyance.

I. LE DROIT EXISTANT

La création de comités des risques au sein des conseils d'administration ou des conseils de surveillance des établissements financiers est directement inspirée de la mise en place des comités d'audits « au sein des personnes et entités dont les titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé ainsi que dans les établissements de crédit mentionnés à l'article L. 511-1 du code monétaire et financier, les entreprises d'assurances et de réassurances, les mutuelles régies par le livre II du code de la mutualité et les institutions de prévoyance régies par le titre III du livre IX du code de la sécurité sociale » (article L. 823-19 du code de commerce).

Les comités d'audit ont été introduits en droit français à l'occasion de la transposition de la directive 2006/43/CE du 17 mai 2006 relative au contrôle légal des comptes annuels et consolidés 184 ( * ) . Ces comités « spécialisés » constituent un démembrement du conseil d'administration ou du conseil de surveillance pour lequel il assure « le suivi des questions relatives à l'élaboration et au contrôle des informations comptables et financières ». Un de ses membres au moins doit être un administrateur indépendant.

Les personnes mentionnées à l'article L. 823-20 du code de commerce ne sont pas soumises à l'obligation de créer un comité d'audit. Il s'agit des filiales dont la société-mère comprend un comité d'audit, des organismes de placement collectif, des établissements de crédit dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé et qui n'ont émis, de manière continue et répétée, que des titres obligataires 185 ( * ) , des personnes et entités disposant d'un organe remplissant les fonctions du comité d'audit, sous réserve d'identifier cet organe (qui peut être le conseil d'administration ou de surveillance) et rendre publique sa composition.

Le récent rapport de l'Autorité des marchés financiers (AMF) sur le comité d'audit 186 ( * ) rappelle que « le terme "suivi" doit s'entendre comme une notion de surveillance active des domaines qui relèvent de la compétence du comité d'audit. Sur la base des informations qu'il reçoit, ce suivi amène le comité d'audit, s'il détecte des signaux d'alerte dans le cadre de sa mission, à s'en entretenir avec la direction générale et à transmettre le cas échéant l'information au conseil. Il ne lui appartient pas de se substituer à la direction générale pour intervenir directement s'il a connaissance d'un dysfonctionnement ou d'un risque de dysfonctionnement ».

Le comité d'audit doit également assurer le suivi « de l'efficacité des systèmes de contrôle interne et de gestion des risques ». Le rapport de l'AMF précité s'est en particulier interrogé sur le périmètre d'intervention du comité d'audit dans ce cadre.

Il estime ainsi que le comité d'audit doit « s'assurer qu'il existe un processus d'identification et d'analyse des risques susceptibles d'avoir une incidence significative sur l'information comptable et financière et notamment sur le patrimoine de la société et ce quel que soit leur horizon de temps ».

Le comité d'audit semble donc avoir un rôle prospectif et non seulement rétrospectif sur l'information comptable et financière de l'entreprise : il doit rester attentif aux risques potentiels (de crédit, de liquidité, de marché, juridiques, etc.) . En revanche, il n'a pas vocation à intervenir directement dans la mise en oeuvre des systèmes de suivi des risques.

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Notre collègue député Jérôme Chartier, rapporteur, a souhaité renforcer le suivi des risques dans les établissements de crédit, les entreprises d'assurance et de réassurance, les mutuelles et les institutions de prévoyance - tous dotés d'un comité d'audit - en rendant obligatoire la création d'un comité distinct spécifiquement et uniquement chargé de cette mission.

La commission des finances de l'Assemblée nationale a ainsi adopté un amendement tendant à insérer dans le code de commerce un nouvel article L. 210-10 ( alinéa 1 ). Le Gouvernement a émis un avis favorable à cet amendement sous réserve de clarifications rédactionnelles. A cette fin, notre collègue député Jérôme Chartier a déposé un nouvel amendement en séance publique qui a été adopté par l'Assemblée nationale.

Ainsi, l' alinéa 2 du présent article établit qu'un « comité spécialisé agissant sous la responsabilité [...] de l'organe chargé de l'administration ou de l'organe de surveillance [des personnes susmentionnées] assure le suivi des risques ».

L' alinéa 3 dispose que la composition du comité des risques est fixée par le conseil d'administration ou le conseil de surveillance et ne peut comprendre que des membres appartenant à ces conseils, à l'exclusion de ceux exerçant une fonction exécutive. Un membre au moins doit être un administrateur indépendant et « doit présenter des compétences particulières en matière financière ou comptable ».

L' alinéa 4 définit les missions du comité des risques qui doit « notamment vérifier que l'entreprise dispose d'un dispositif adapté d'analyse et de mesure des risques ainsi que d'un système adapté de surveillance et de maîtrise des risques ».

L' alinéa 5 précise que ces fonctions peuvent également être exercées par le conseil d'administration ou le conseil de surveillance.

Enfin, l' alinéa 6 prévoit que le comité des risques « rend compte [au conseil d'administration ou au conseil de surveillance] , à chacune de ses réunions, de l'exercice de ses missions et émet des recommandations ».

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A l'instar de nombreuses dispositions du présent projet de loi, la mise en place de comités des risques constitue un nouvel instrument permettant de mieux appréhender les risques dans toutes leurs dimensions : risque de crédit, risque de marché, risque opérationnel, etc.

Le présent article crée un comité distinct du comité d'audit dont la compétence, au regard du suivi des risques, n'est pas explicitement énoncée. Pour autant, dans la pratique, les comités d'audit s'intéressent de près à cette question. Certains établissements financiers, comme par exemple BPCE ou Société générale, ont d'ailleurs explicitement confié à leurs comités d'audit le mandat d'un comité des risques.

Dès lors, votre commission a estimé que si la mission de « suivi des risques » doit être plus clairement affirmée dans la loi, la création d'un comité « spécialisé » ne se justifie pas . Ainsi, elle a adopté un amendement confiant au comité d'audit « le suivi de la politique, des procédures et des systèmes de gestion des risques ».

En effet, il n'apparaît pas opportun de prévoir la multiplication des démembrements de l'organe délibérant, a fortiori s'ils doivent être composés d'au moins un membre indépendant. Il ne semble guère compatible de vouloir tout à la fois limiter le nombre de membres des conseils d'administration ou de surveillance (14 en moyenne pour les sociétés du SBF 120) et d'imposer des obligations croissantes aux administrateurs indépendants. Ils seront alors constamment sollicités, voire surreprésentés, au sein des conseils.

Les établissements financiers, sur décision du conseil d'administration ou du conseil de surveillance, pourront toutefois créer un comité des risques distinct du comité d'audit qui fonctionnera selon les mêmes modalités.

Les personnes et entités qui ne sont aujourd'hui pas soumises à l'obligation de constituer un comité d'audit ne seront pas contraintes de mettre en place un comité des risques .

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 7 octies A (nouveau)
(Art. L. 225-102-1 du code de commerce, art. L. 114-17 du code
de la mutualité, art. 524-2-1 du code rural et de la pêche maritime, art. 8 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, art. L. 511-35 du code monétaire et financier
et art.  L. 322-26-2-2 du code des assurances)

Révision des modalités d'information sociale et environnementale figurant dans le rapport de gestion des entreprises

Commentaire : le présent article additionnel, adopté à l'initiative de votre rapporteur, propose de supprimer la faculté pour les institutions représentatives du personnel et les parties prenantes de présenter, dans le rapport annuel de gestion des grandes entreprises, leur avis sur les démarches de responsabilité sociale, environnementale et sociétale de l'entreprise.

I. LES INFORMATIONS SUR LA RESPONSABILITÉ SOCIALE ET ENVIRONNEMENTALE DEVANT FIGURER DANS LE RAPPORT DE GESTION

En se dotant, dès 2001, d'un dispositif juridique tendant au renforcement de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, la France s'est montrée pionnière au sein de l'Union européenne dans la prise en compte de cet enjeu majeur.

Afin de promouvoir les démarches volontaires auprès des entreprises françaises, l'article 116 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques (NRE) a ainsi complété l'article L. 225-102-1 du code de commerce pour imposer aux sociétés cotées sur un marché réglementé de nouvelles obligations d'information dans leur rapport annuel de gestion , présenté par l'organe de direction (conseil d'administration ou directoire) à l'assemblée générale des actionnaires.

Cet article dispose ainsi que ce rapport comprend des informations « sur la manière dont la société prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité ainsi que sur ses engagements sociétaux en faveur du développement durable ». Un décret en Conseil d'Etat, codifié à l'article R. 225-105 du même code ( cf . encadré infra ), a établi la liste de ces informations en cohérence avec les textes européens et internationaux, ainsi que les modalités de leur présentation de façon à permettre une comparaison des données.

Les dispositions réglementaires sur le contenu des informations sociales et environnementales devant figurer dans le rapport de gestion

1 - Les informations sociales (article R. 225-104 du code de commerce)

« 1° a) L'effectif total, les embauches en distinguant les contrats à durée déterminée et les contrats à durée indéterminée et en analysant les difficultés éventuelles de recrutement, les licenciements et leurs motifs, les heures supplémentaires, la main-d'oeuvre extérieure à la société ;

« b) Le cas échéant, les informations relatives aux plans de réduction des effectifs et de sauvegarde de l'emploi, aux efforts de reclassement, aux réembauches et aux mesures d'accompagnement ;

« 2° L'organisation du temps de travail, la durée de celui-ci pour les salariés à temps plein et les salariés à temps partiel, l'absentéisme et ses motifs ;

« 3° Les rémunérations et leur évolution, les charges sociales, l'application des dispositions du code du travail relatives à l'intéressement, la participation et les plans d'épargne salariale, l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;

« 4° Les relations professionnelles et le bilan des accords collectifs ;

« 5° Les conditions d'hygiène et de sécurité ;

« 6° La formation ;

« 7° L'emploi et l'insertion des travailleurs handicapés ;

« 8° Les oeuvres sociales ;

« 9° L'importance de la sous-traitance.

« Le rapport expose la manière dont la société prend en compte l'impact territorial de ses activités en matière d'emploi et de développement régional.

« Il décrit, le cas échéant, les relations entretenues par la société avec les associations d'insertion, les établissements d'enseignement, les associations de défense de l'environnement, les associations de consommateurs et les populations riveraines.

« Il indique l'importance de la sous-traitance et la manière dont la société promeut auprès de ses sous-traitants et s'assure du respect par ses filiales des dispositions des conventions fondamentales de l'Organisation internationale du travail.

« Il indique en outre la manière dont les filiales étrangères de l'entreprise prennent en compte l'impact de leurs activités sur le développement régional et les populations locales. »

2 - Les informations relatives aux conséquences de l'activité sur l'environnement (article R. 225-105 du code de commerce)

Les informations suivantes sont données en fonction de la nature de cette activité et de ses effets :

« 1° La consommation de ressources en eau, matières premières et énergie avec, le cas échéant, les mesures prises pour améliorer l'efficacité énergétique et le recours aux énergies renouvelables, les conditions d'utilisation des sols, les rejets dans l'air, l'eau et le sol affectant gravement l'environnement et dont la liste est déterminée par arrêté des ministres chargés de l'environnement et de l'industrie, les nuisances sonores ou olfactives et les déchets ;

« 2° Les mesures prises pour limiter les atteintes à l'équilibre biologique, aux milieux naturels, aux espèces animales et végétales protégées ;

« 3° Les démarches d'évaluation ou de certification entreprises en matière d'environnement ;

« 4° Les mesures prises, le cas échéant, pour assurer la conformité de l'activité de la société aux dispositions législatives et réglementaires applicables en cette matière ;

« 5° Les dépenses engagées pour prévenir les conséquences de l'activité de la société sur l'environnement ;

« 6° L'existence au sein de la société de services internes de gestion de l'environnement, la formation et l'information des salariés sur celui-ci, les moyens consacrés à la réduction des risques pour l'environnement ainsi que l'organisation mise en place pour faire face aux accidents de pollution ayant des conséquences au-delà des établissements de la société ;

« 7° Le montant des provisions et garanties pour risques en matière d'environnement, sauf si cette information est de nature à causer un préjudice sérieux à la société dans un litige en cours ;

« 8° Le montant des indemnités versées au cours de l'exercice en exécution d'une décision judiciaire en matière d'environnement et les actions menées en réparation de dommages causés à celui-ci ;

« 9° Tous les éléments sur les objectifs que la société assigne à ses filiales à l'étranger sur les points 1° à 6° ci-dessus. »

L'article 225 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dite « Grenelle II », a complété ces informations en vue d'associer d'autres « parties prenantes » au débat sur la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Il prévoit ainsi que « les institutions représentatives du personnel et les parties prenantes participant à des dialogues avec les entreprises peuvent présenter leur avis sur les démarches de responsabilité sociale, environnementale et sociétale des entreprises en complément des indicateurs présentés ». L'ensemble du dispositif d'information sociale, environnementale et sociétale a également été étendu aux grandes entreprises non cotées, aux établissements de crédit et aux sociétés d'assurance mutuelle.

A partir de l'exercice clos au 31 décembre 2011 pour les sociétés cotées, les informations sociales et environnementales font l'objet d'une vérification par un organisme tiers indépendant . Cette vérification donne lieu à un avis qui est transmis à l'assemblée des actionnaires ou des associés en même temps que le rapport du conseil d'administration ou du directoire. L'avis doit notamment comporter une attestation sur la présence de toutes les informations devant figurer au regard des obligations légales ou réglementaires.

La loi « Grenelle II » a également prévu qu'à compter du 1 er janvier 2011, le Gouvernement présente tous les trois ans au Parlement un rapport sur l'application de ces dispositions par les entreprises et sur les actions qu'il promeut en France, en Europe et au niveau international, pour encourager la responsabilité sociétale des entreprises.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Si le régime d'information sur les conséquences sociales et environnementales de l'activité des grandes entreprises a pu constituer un réel progrès en termes de transparence à l'égard des actionnaires et de prise en compte de nouvelles dimensions stratégiques, il semble que les conséquences juridiques et pratiques de la disposition récemment introduite par la loi « Grenelle II », relative à la publication de l'avis des institutions représentatives du personnel et des parties prenantes, n'aient pas été totalement envisagées. Elles peuvent en effet créer de réelles difficultés et contrevenir à l'objectif recherché :

- les notions de « parties prenantes participant à des dialogues avec les entreprises » et de « responsabilité sociétale » sont de faible portée juridique, particulièrement floues et potentiellement d'autant plus extensives qu'elles ne sont pas précisées par voie réglementaire. Toute association ou tout client, fournisseur, partenaire, ou observateur ayant eu un contact avec l'entreprise pourrait ainsi demander à inclure son avis dans le rapport de gestion ;

- le principe d'une telle inclusion inconditionnelle peut conduire à ce que l'entreprise « endosse », dans son rapport annuel, des appréciations non vérifiées ou susceptibles de lui porter un préjudice de réputation - et donc économique - disproportionné au regard de l'intention initiale de transparence. Le rapport de gestion devient ainsi une sorte de « cahier de doléances » public, ce qui n'est pas son objet ;

- l'ensemble des documents transmis annuellement à l'assemblée générale est d'ores et déjà communiqué au comité d'entreprise en application de l'article L. 2323-8 du code du travail. Dans ce cadre, le comité d'entreprise peut formuler toute observation concernant notamment les informations sociales et environnementales figurant dans le rapport de gestion. Ces observations sont ensuite transmises systématiquement à l'assemblée générale des actionnaires.

Ces dispositions vont donc trop loin et votre commission, par cet article additionnel, vous propose de les supprimer, ainsi que, par coordination, les dispositions de divers codes qui y font référence.

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article additionnel.


* 184 Article 14 de l'ordonnance n° 2008-1278 du 8 décembre 2008 transposant la directive 2006/43/CE et relative aux commissaires aux comptes.

* 185 Pour autant que le montant total nominal de ces titres n'excède pas 100 millions d'euros et qu'ils n'aient pas publié de prospectus.

* 186 AMF, Rapport du groupe de travail présidé par Olivier Poupart-Lafarge sur le comité d'audit , 14 juin 2010.

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