Rapport n° 78 (2010-2011) de M. Philippe MARINI , fait au nom de la commission des finances, déposé le 27 octobre 2010

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N° 78

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 27 octobre 2010

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 ,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur,

Rapporteur général

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; M. Jean-Paul Alduy, Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, Philippe Dominati, André Ferrand, François Fortassin, Jean-Pierre Fourcade, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Gérard Longuet, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

2823 , 2840 et T.A. 549

Sénat :

66 , 69 et 79 (2010-2011)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'année 2010 pourrait bien être celle au cours de laquelle, en matière de finances publiques, la transformation du double langage en langage de vérité a été engagée.

1. Un fort besoin de réformes institutionnelles, au niveau européen comme national

L'impact de la crise financière sur la soutenabilité des finances publiques a engendré des inquiétudes, dont il est apparu qu'elles ne pourraient être dissipées si les mesures d'ajustement annoncées ne s'accompagnaient pas de réformes institutionnelles. Depuis la révision constitutionnelle allemande, engager de telles réformes est devenu un critère de vertu et de crédibilité budgétaires.

Après la crise grecque et la mise en évidence les lacunes de la gouvernance de la zone euro, les exercices nationaux doivent désormais prendre aussi en compte les réflexions conduites au niveau de l'Union européenne et qui ont à ce jour débouché sur la définition d'un nouveau calendrier pour l'examen des programmes de stabilité (le « semestre européen »), des propositions de règlements et de directive de la Commission européenne et des recommandations du groupe de travail présidé par le Président du Conseil européen.

Le présent projet de loi de programmation des finances publiques, adopté par le Conseil des ministres du 29 septembre 2010, est examiné au Parlement à l'issue de neuf mois d'une gestation débutée le 28 janvier avec la conférence sur le déficit réunie par le Président de la République, qui a alors annoncé son souhait que notre pays se dote d'une règle d'équilibre des finances publiques. Le 4 mars a été installé un groupe de travail, animé par M. Michel Camdessus, chargé d'étudier la définition d'une telle règle. L'objectif d'une révision constitutionnelle, qui « permettrait de soumettre au vote du Parlement les engagements du pays en matière de finances publiques vis-à-vis de ses partenaires européens », a été confirmé lors de la deuxième conférence sur le déficit tenue le 20 mai. Le « rapport Camdessus » a été remis le 25 juin au Premier ministre, qui a annoncé qu'il engagerait « prochainement les consultations avec les forces politiques, pour déterminer plus précisément les contours d'une réforme consensuelle, au service d'une croissance durable ». Dans les deux assemblées, la déclaration du Gouvernement à l'occasion du débat d'orientation des finances publiques du début du mois de juillet, à l'occasion de laquelle il a présenté les orientations de sa programmation pluriannuelle, a fait l'objet d'un vote, en application de l'article 50-1 de la Constitution.

Votre commission des finances est intervenue dans le débat sur la définition des règles de gouvernance des finances publiques. Dès le 9 février, une dizaine de jours après la première conférence sur le déficit, elle estimait, dans son rapport sur le premier projet de loi de finances rectificative pour 2010, qu'une règle d'équilibre est « justifiée seulement si elle s'entend au sens d'un solde que l'on détermine » et « doit être non manipulable ». Elle formulait une proposition de règle en termes « d'effort structurel ». Le 17 mai, le président et le rapporteur général de votre commission des finances adressaient une contribution aux travaux du groupe de travail « Camdessus », dont les principales préconisations, d'ailleurs largement convergentes avec celles du rapport final de cette commission, résultaient d'une analyse qui peut être reprise pour l'examen du présent projet de loi. Le rapport en vue du débat d'orientation des finances publiques dressait un bilan des règles actuelles.

2. Les critères de la réforme institutionnelle : approbation de la programmation pluriannuelle par la représentation nationale, crédibilité de la trajectoire, effectivité de sa mise en oeuvre

La consolidation budgétaire est aujourd'hui une nécessité qui, pour être réussie, implique la mise en oeuvre de mesures d'une ampleur telle qu'elles nécessitent l'adhésion de l'opinion, après que les enjeux aient été explicitement présentés.

En conséquence, si les programmations ambitieuses établies chaque année ont désormais vocation à être vraiment appliquées, le document dans lequel elles figurent - le programme de stabilité - doit désormais être approuvé par la représentation nationale avant d'être décliné dans les lois financières annuelles.

Pour être appliqués, ces programmes doivent être réalistes. Pour garantir l'effectivité du respect par les lois financières de la trajectoire pluriannuelle, il importe d'inventer des mécanismes contraignants. C'est tout l'enjeu du débat sur les règles.

Sur la base de cette analyse, le président et le rapporteur général de votre commission des finances estiment, dans leur contribution aux travaux du groupe « Camdessus », que la clarification des enjeux passe par une amélioration des règles de procédure d'examen des dispositions à caractère financier, telles que le rapprochement de la discussion des parties recettes des deux lois financières ou le monopole de ces lois financières sur les dispositions relatives aux prélèvements obligatoires.

Surtout, ils considèrent que la crédibilité de la démarche de consolidation budgétaire était conditionnée à l'adoption de deux règles contraignantes :

- une « règle de sincérité » en application de laquelle les hypothèses économiques retenues pour élaborer les scénarios de finances publiques doivent nécessairement être prudentes, de façon à écarter toute tentation d'affichage ;

- une « règle de responsabilité » selon laquelle le Gouvernement doit être rendu responsable, sous le contrôle du juge constitutionnel, du respect de la mise en oeuvre des mesures relevant de son pouvoir de décision (niveau des dépenses, montant des mesures nouvelles en recettes) permettant le respect de la trajectoire pluriannuelle des finances publiques. Le contenu de la « loi-cadre des finances publiques » envisagée par le rapport Camdessus relève de la même logique.

3. Une loi de programmation mais aussi une loi de préfiguration

Dans ces conditions, le présent projet de loi ne peut pas être considéré comme un simple élément de programmation ou comme un instrument comme un autre dans la boîte à outils budgétaire, comme l'était la première loi de programmation 2009-2012. Il doit être analysé au regard de ce que les lois de programmation des finances publiques sont susceptibles de devenir.

? A cet égard, le processus engagé depuis le début de l'année et dans lequel s'inscrit le présent projet de loi conduit déjà à une amélioration de la gouvernance de nos finances publiques.

On peut se réjouir de ce que la période couverte par la programmation coïncide avec celle du prochain programme de stabilité qui sera transmis à la Commission européenne, selon le nouveau calendrier, avant la fin du mois d'avril.

Il faut également se féliciter que, dans l'attente d'une révision constitutionnelle qui les rendrait contraignants, les principes de la « règle de responsabilité » inspirent le projet de loi , qui présente des plafonds de dépenses pour l'Etat et les administrations sociales ainsi qu'un plancher de mesures nouvelles en recettes. Votre commission des finances a adopté des amendements tendant à rendre plus opérationnels les articles inspirés de ces principes.

Dans le domaine des dépenses de l'Etat, le choix d'une « double norme » constitue une avancée sans doute décisive . Si le plafonnement en volume des dépenses reste la norme, les dépenses hors pensions et hors charge de la dette seront plafonnées en valeur. Il ne sera donc plus possible de « recycler » d'éventuelles économies sur la charge de la dette et les pensions en majorations d'autres dépenses. Les possibles dérapages sur la charge de la dette et les pensions devront être financés par des baisses en valeur des autres dépenses.

Dans le domaine des prélèvements obligatoires, le fait d'appréhender sous un plafond commun, à l'article 9, les recettes de l'Etat et de la sécurité sociale permet de conforter l'approche consolidée des finances publiques , retenue au niveau européen et qui justifie l'organisation au Sénat, en facteur commun à la discussion annuelle des lois financières, d'un débat sur les prélèvements obligatoires sur la base d'un rapport remis par le Gouvernement en application de l'article 52 de la loi organique relative aux lois de finances, lui même issu d'un amendement adopté par le Sénat.

Il faut également saluer le fait que ce projet de loi intervient quelques mois après la publication d'une circulaire du Premier ministre en date du 4 juin 2010 qui demande aux ministres, anticipant la révision constitutionnelle, « de ne plus insérer de dispositions fiscales ou qui affectent les recettes de la sécurité sociale dans les projets de lois ordinaires préparés par votre département ». Les lois adoptées en 2010 relatives à la modernisation agricole, à l'entreprise individuelle à responsabilité limitée, aux jeux d'argent et de hasard, à la régulation du transport ferroviaire, à l'engagement national pour l'environnement, au Grand Paris et à la nouvelle organisation du marché de l'électricité devraient donc être les dernières lois « non financières » à contenir des mesures fiscales ou affectant les recettes des administrations sociales.

? Des améliorations peuvent encore être apportées, dans le cadre de l'examen de ce texte et au-delà.

Dans sa rédaction issue de l'Assemblée nationale, le présent projet de loi se situait en deçà de ce que l'on aurait pu attendre s'agissant de l'exigence de sincérité des hypothèses sur lesquelles repose la trajectoire des finances publiques. L'une des premières décisions du nouveau gouvernement britannique a été de renoncer au pouvoir de fixer les hypothèses économiques retenues pour la construction du budget. Si l'on peut comprendre que les gouvernements français souhaitent s'engager sur des hypothèses, la crédibilité de leurs annonces serait servie par l'adoption d'une culture de prudence, qui par surcroît présente l'avantage politique de réduire les risques de mauvaises surprises. Les modifications apportées par votre commission des finances à l'article 3 intègrent dans le texte les conséquences d'un scénario fondé sur des hypothèses de croissance inférieures à celles retenues par le Gouvernement. La sincérité du projet de loi s'en trouve accrue.

Le texte transmis au Sénat ne traitait pas non plus la question essentielle de la cohérence entre les calendriers européen et national . Or l'examen par le Parlement des programmes de stabilité préalablement à leur transmission à la Commission européenne constitue un impératif démocratique.

Au-delà du présent projet de loi, les prochaines discussions du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances seront l'occasion de montrer une nouvelle fois, mais de manière exacerbée par le schéma retenu par le Gouvernement pour financer la réforme des retraites et celle de la caisse d'amortissement de la dette sociale, les complexités qui résultent de l'intrication entre les finances de l'Etat et de la sécurité sociale .

D'un simple point de vue procédural, et sans attendre une réforme plus ambitieuse telle que celle évoquée dans le rapport de la « commission Camdessus », une simple juxtaposition, décidée par la conférence des présidents, de la discussion des parties de ces deux textes relatives aux recettes présenterait l'avantage d'aborder les différents sujets de manière globale, en évitant les risques de contradiction ou d'incohérence qui pourraient résulter de l'examen décalé tel qu'il est aujourd'hui pratiqué.

4. Un processus qui conduira à la rénovation de la LOLF, dix ans après son entrée en vigueur

La première année d'application de la programmation, 2011, marquera le dixième anniversaire de la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001, la LOLF. Pendant ces dix années, la reconquête par le Parlement d'une partie de son pouvoir financier, étendue à la sphère sociale avec l'adoption d'une loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, s'est accompagnée à la fois de l'apparition de nouvelles contraintes, d'un déplacement des centres de décision et de profondes modifications tant de la répartition des prélèvements obligatoires que de la structure des dépenses des différentes catégories d'administrations publiques.

Le processus engagé au début de l'année 2010, conçu pour aboutir à une révision constitutionnelle et l'adoption de lois organiques pour préciser ses modalités d'application, permettra de procéder aux adaptations du cadre organique actuel, dont le besoin sera mis en évidence par les bilans qui seront en seront dressés au cours des mois qui viennent.

Les auteurs de la LOLF avaient eu l'intuition de certaines des évolutions que nous connaissons aujourd'hui, en invitant à l'article 52 à l'examen consolidé des prélèvements obligatoires « en vue de l'examen et du vote du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'année suivante par le Parlement », en prévoyant à l'article 50 l'annexion au projet de loi de finances d'une programmation pluriannuelle qui « présente et explicite les perspectives d'évolution, pour au moins les quatre années suivant celle du dépôt du projet de loi de finances, des recettes, des dépenses et du solde de l'ensemble des administrations publiques détaillées par sous-secteurs et exprimées selon les conventions de la comptabilité nationale, au regard des engagements européens de la France, ainsi que, le cas échéant, des recommandations adressées à elle sur le fondement du traité instituant la Communauté européenne » et en demandant à l'article 48 « une description des grandes orientations de sa politique économique et budgétaire au regard des engagements européens de la France ».

La situation des finances publiques et le contexte européen nous commandent aujourd'hui de franchir un cap supplémentaire. Le présent projet de loi, tel que modifié par votre commission des finances, constitue un premier test de notre capacité à y parvenir.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. DES OUTILS DE PROGRAMMATION AUJOURD'HUI TRÈS INSUFFISANTS

A. TROIS TYPES DE DOCUMENTS, PUREMENT INDICATIFS, EXISTENT ACTUELLEMENT

Il existe trois types de programmations des finances publiques qui, comme le présent projet de loi, n'ont qu'un rôle indicatif.

1. Les programmes de stabilité

Les Etats doivent présenter leurs programmes de stabilité à la Commission européenne au mois de décembre de chaque année.

Les programmes de stabilité ont pour base juridique :

- l'article 121 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), relatif à la coordination des politiques économiques ;

- le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques.

Il résulte de ces dispositions que les Etats membres présentent annuellement à la Commission européenne des « programmes de stabilité » (pour les Etats appartenant à la zone euro) ou des « programmes de convergence » (pour les Etats n'appartenant pas à la zone euro), qui constituent la programmation à moyen terme de leurs finances publiques.

2. Les programmations pluriannuelles annexées aux projets de loi de finances

L'article 50 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), introduit à l'initiative du Sénat, prévoit que le rapport sur la situation et les perspectives économiques, sociales et financières de la nation (RESF) « présente et explicite les perspectives d'évolution, pour au moins les quatre années suivant celle du dépôt du projet de loi de finances, des recettes, des dépenses et du solde de l'ensemble des administrations publiques détaillées par sous-secteurs et exprimées selon les conventions de la comptabilité nationale, au regard des engagements européens de la France, ainsi que, le cas échéant, des recommandations adressées à elle sur le fondement du traité instituant la Communauté européenne ».

Ainsi, pour la première fois, un exercice de programmation pluriannuelle a été annexé au projet de loi de finances pour 2003, dans le rapport économique, social et financier.

3. Les lois de programmation des finances publiques

A ces deux types de document s'ajoutent les lois de programmation des finances publiques, elles aussi purement indicatives.

Elles ont pour base l'article l'avant-dernier alinéa de l'article 34 de la Constitution, qui dispose, depuis la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 : « Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques ».

Il y a eu à ce jour une seule loi de programmation des finances publiques, la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012. Le présent projet de loi correspondrait à la deuxième.

4. Des documents largement redondants

Les trois types de documents sont très proches et présentent de nombreuses redondances.

En règle générale, les programmes de stabilité constituent une version détaillée des programmations pluriannuelles annexées aux projets de lois de finances.

Les deux seules exceptions sont celles :

- du programme de stabilité 2007-2009, qui prévoyait le retour à l'équilibre en 2010, et pour 2009 un déficit public de 1 point de produit intérieur brut (PIB), contre 1,4 point de PIB pour la programmation pluriannuelle des finances publiques 2007-2009 annexée au projet de loi de finances pour 2006. Cela s'explique par le fait que le programme de stabilité 2007-2009 cherchait à afficher un objectif aussi ambitieux que celui du « rapport Pébereau », ce qui était irréaliste, comme votre rapporteur général l'a souligné dans son rapport d'information relatif à ce programme ;

- du programme de stabilité 2010-2013, adressé le 1 er février 2010 à la Commission européenne. En effet, le 2 décembre 2009, le Conseil européen avait seulement repoussé à 2013 l'année fixée pour la fin du déficit excessif (alors que la programmation annexée au projet de loi de finances pour 2010 prévoyait un déficit de 5 points de PIB en 2013).

La loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 et le présent projet de loi ont quant à eux un contenu très proche de celui des programmes de stabilité. En particulier, ils se réfèrent à un rapport annexé de longueur et de contenu analogues à ceux des programmes de stabilité. Par ailleurs, elles ont une faible portée normative.

B. DES PROGRAMMATIONS JAMAIS RESPECTÉES

L'évolution du solde public a été jusqu'à présent largement indépendante des programmations, qui se sont jusqu'à présent contentées de décaler, chaque année ou presque, l'objectif de retour à l'équilibre, comme l'indiquent le graphique et le tableau ci-après.

La programmation du solde public : prévision et exécution

(en points de PIB)

(voir tableau page suivante)

Sources : Insee, documents mentionnés

(suite de la page précédente)

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Solde public effectif

-1,8

-1,5

-1,5

-3,1

-4,1

-3,6

-2,9

-2,3

-2,7

-3,3

-7,5

programme de stabilité 2000-2002

-2,3

1,2

programme de stabilité 2001-2003

-1,7

-0,5

programme de stabilité 2002-2004

-1

-0,5

programme de stabilité 2003-2005

-1,4

-1,3

-0,5

0

programme de stabilité 2004-2006

-2,6

-2,1

-1,6

-1

programme de stabilité 2005-2007

-3,55

-2,9

-2,2

-1,5

programme de stabilité 2006-2008

-2,9

-2,2

-1,6

-0,9

programme de stabilité 2007-2009

-2,9

-2,6

-1,9

-1

programme de stabilité 2008-2010

-2,5

-1,8

-0,9

0

programme de stabilité 2009-2012 I

-1,7

-1,2

-0,6

0

programme de stabilité 2009-2012 II

-3,9

-2,7

-1,9

-1,1

loi de prog. des finances publiques 2009-2012

-4,4

-3,1

-2,3

-1,5

programme de stabilité 2010-2013

-8,2

-6

-4,6

-3

présent projet de loi

-7,7

-6

-4,6

-3

-2

Sources : Insee, documents mentionnés

1. La première cause de ce non respect : une hypothèse de croissance systématiquement de 2,5 %

Une première cause de ce non respect des programmations en ce qui concerne le solde est l'optimisme systématique de l'hypothèse de croissance du PIB.

Ainsi, à quelques exceptions près, les programmes de stabilité ont reposé :

- dans le cas de l'année couverte par la loi de finances, sur l'hypothèse de croissance associée au projet de loi de finances, soit la prévision du consensus des conjoncturistes accrue de 0,3 point en moyenne ;

- dans le cas des trois années suivantes, sur une hypothèse de croissance de 2,5 %, voire 3 % dans le cas des « scénarios hauts ».

a) L'année couverte par la loi de finances : une hypothèse supérieure de 0,3 point en moyenne à la prévision du consensus

Depuis le début des années 2000 la croissance du PIB a été de 1,6 % en moyenne, soit inférieure à son taux structurel d'environ 2 %.

Ce qui est important, c'est de comparer non la justesse des prévisions pour telle ou telle année (la croissance du PIB à court terme étant, par nature, un phénomène largement imprévisible), mais la prévision moyenne sur longue période. On observe alors que le consensus des conjoncturistes prévoit une croissance de 2 % en moyenne. En revanche, le Gouvernement retient en moyenne une prévision supérieure de quelques dixièmes de points : 2,2 % sur l'ensemble de la période, et même 2,3 % si l'on exclut l'année 2009, où de manière exceptionnelle le Gouvernement a été nettement moins optimiste que le consensus.

Ainsi, le Gouvernement présente un léger « biais » optimiste pour l'année couverte par la loi de finances.

La croissance du PIB : prévision associée au projet de loi de finances et exécution

(en %)

(1) Commission économique de la Nation.

Dans le cas de l'année 2010, le chiffre retenu pour l'exécution est celui du consensus des conjoncturistes (Consensus Forecasts, octobre 2010).

Sources : Insee, rapports économiques, sociaux et financiers, commission économique de la Nation, calculs de la commission des finances

b) Les trois années suivantes : une hypothèse presque toujours de 2,5 %, avec parfois un scénario « haut » à 3 %

Dans le cas des trois années suivant celle couverte par la loi de finances, le « biais optimiste » du Gouvernement a une ampleur telle qu'il vide de son sens son scénario de solde et de dette publics.

En effet, l'hypothèse de croissance retenue est presque systématiquement de 2,5 %, voire de 3 % pour le scénario « haut ». Les programmes de stabilité reposent donc habituellement sur un scénario « nettement optimiste », auquel s'ajoute parfois un scénario « extrêmement optimiste ». Le présent projet de loi, qui retient une hypothèse de croissance du PIB de 2,5 % en 2012-2014, ne marque hélas pas de rupture.

Le graphique et le tableau ci-après sont éloquents à cet égard.

La croissance du PIB : hypothèses associées aux trois années suivant celles couvertes par la LFI et exécution

(en %)

PS : programme de stabilité. H : scénario « haut ». B : scénario « bas ». LPFP : loi de programmation des finances publiques. PJL : projet de loi.

Dans le cas de l'année 2010, le chiffre retenu pour l'exécution est celui du consensus des conjoncturistes (Consensus Forecasts, octobre 2010).

(cf. tableau page suivante)

La croissance du PIB dans le cas des trois années suivant celles couvertes par la LFI : prévision et exécution

(en %)

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Exécution (Insee)

3,9

1,9

1,0

1,1

2,5

1,9

2,2

2,4

0,2

-2,6

1,5*

programme de stabilité 2000-2002 haut

3

3

3

programme de stabilité 2000-2002 bas

2,5

2,5

2,5

programme de stabilité 2001-2003 haut

3

3

3

programme de stabilité 2001-2003 bas

2,5

2,5

2,5

programme de stabilité 2002-2004 haut

3

3

3

programme de stabilité 2002-2004 bas

2,5

2,5

2,5

programme de stabilité 2003-2005 haut

3

3

3

programme de stabilité 2003-2005 bas

2,5

2,5

2,5

programme de stabilité 2004-2006 haut

3

3

3

programme de stabilité 2004-2006 bas

2,5

2,5

2,5

programme de stabilité 2005-2007 haut

3

3

3

programme de stabilité 2005-2007 bas

2,5

2,5

2,5

programme de stabilité 2006-2008 scén. unique

2,5

2,5

2,5

programme de stabilité 2007-2009 haut

3

3

3

programme de stabilité 2007-2009 bas

2,25

2,25

2,25

programme de stabilité 2008-2010 haut

3

3

3

programme de stabilité 2008-2010 bas

2,25

2,25

2,25

programme de stabilité 2009-2012 I haut

3

3

3

3

programme de stabilité 2009-2012 I bas

2,5

2,5

2,5

2,5

programme de stabilité 2009-2012 II scén. unique

2

2,5

2,5

loi de prog. des finances publiques 2009-2012

2

2,5

2,5

programme de stabilité 2010-2013 scén. unique

2,5

2,5

2,5

présent projet de loi

2,5

2,5

2,5

* Consensus Forecasts, octobre 2010.

Source : commission des finances, d'après les documents indiqués

La croissance du PIB n'a été supérieure ou égale à 2,5 % que deux fois depuis le début des années 2000 (en 2000 et en 2004). Elle n'a été supérieure ou égale à 3 % qu'une fois (en 2000).

2. La deuxième cause de ce non respect : des dépenses publiques qui augmentent de plus de 2 % par an en volume (au lieu d'environ 1 % selon les programmations)

La deuxième cause essentielle du non respect des trajectoires de solde et de dette publics des programmations est que, alors que celles-ci retiennent des hypothèses de croissance des dépenses publiques de l'ordre de 1 % par an en volume, l'exécution moyenne est de 2,4 % depuis le début des années 2000, comme le montre le graphique ci-après.

La croissance des dépenses des administrations publiques : prévision et exécution

(en % en volume)

PS : programme de stabilité. LPFP : loi de programmation des finances publiques. PJL : projet de loi.

NB : dans le cas des programmations, le taux indiqué est le taux moyen sur la période.

Source : commission des finances, d'après l'Insee et les textes indiqués

Avec un objectif de croissance des dépenses de 0,6 % par an (0,8 % hors contrecoup du plan de relance), le présent projet de loi est donc particulièrement ambitieux et volontariste.

II. UNE RÉVISION CONSTITUTIONNELLE ANNONCÉE ET SOUHAITABLE

Pour tirer les leçons des outils existants, et notamment de l'échec relatif de la première loi de programmation des finances publiques, le Président de la République a, à l'issue de la première session de la conférence sur le déficit, le 28 janvier 2010, annoncé la mise en place de quatre groupes de travail, dont un chargé de réfléchir aux modalités de la mise en oeuvre d'une règle constitutionnelle d'équilibre des finances publiques. M. Michel Camdessus, gouverneur honoraire de la Banque de France, a été chargé de présider ce groupe de travail, par une lettre du Premier ministre en date du 1 er mars 2010. Ce groupe comprenait 16 membres, dont les présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances des deux assemblées. Il a adopté son rapport le 21 juin 2010.

L'objectif est de donner un contenu opérationnel et contraignant à « l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques », dont l'inscription à l'article 34 de la Constitution en 2008 n'a pas eu de conséquence pratique.

A. L'ÉCHEC RELATIF DE LA PREMIÈRE LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES

1. 13 articles et un rapport annexé

La loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 - dont le présent projet de loi est très proche - comprend 13 articles et un rapport annexé.

Le tableau ci-après indique l'objet de ses différents articles.

Les articles de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012

Article

Numérotation initiale

Objet

1

1

Objet de la programmation pluriannuelle des finances publiques

2

2

Objectifs de la programmation pluriannuelle des finances publiques (trajectoires de solde et de dette)

3

3

Approbation du rapport annexé

4

4A

Evolution des dépenses publiques de 1,1 % en moyenne annuelle

5

4

Norme annuelle de progression des dépenses de l'Etat

6

5

Programmation triennale des crédits des missions du budget général de l'Etat

7

6

Evolution des prélèvements sur recettes et des crédits affectés aux collectivités territoriales

8

7

Norme annuelle d'évolution de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie

9

8

Affectation des surplus des impositions de toute nature à la réduction du déficit du budget de l'Etat

10

9

Encadrement des mesures nouvelles relatives aux impôts, cotisations et contributions sociales affectés au budget de l'Etat ou à la sécurité sociale

11

10

Encadrement des « niches » fiscales et sociales

12

11

Suivi des niches fiscales et sociales

13

12

Bilan annuel et mesures correctives éventuelles

Source : commission des finances

2. Un objectif de solde non atteint, ce qui n'est pas un problème en soi

Cette loi a été très critiquée, en particulier parce que les objectifs de solde et de dette figurant à son article 2 étaient manifestement caducs lorsqu'elle a été définitivement adoptée.

Sa discussion s'est en effet déroulée au plus fort de la crise financière de 2008-2009, alors que les incertitudes économiques et budgétaires étaient maximales. L'hypothèse de croissance associée au texte initial, de 1-1,5 %, a été ramenée lors de la discussion au Sénat à 0,2-0,5 %. Ces chiffres étaient manifestement dépassés lors de l'adoption définitive du texte en février 2009, alors que le consensus des conjoncturistes était de - 1 % dès le mois de janvier.

La discussion mouvementée de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 : programmation du solde public

(en points de PIB)

2008

2009

2010

2011

2012

Hypothèse de croissance pour 2009

Texte initial

-2,7

-2,7

-2

-1,2

-0,5

de 1 % à 1½ %

Texte AN

-2,7

-2,7

-2

-1,2

-0,5

de 1 % à 1½ %

Texte Sénat

-2,9

-3,1

-2,7

-1,9

-1,2

de 0,2 % à 0,5 %

Texte promulgué

-3,2

-4,4

-3,1

-2,3

-1,5

de  0,2 % à 0,5 %

Source : textes mentionnés

Cependant, comme cela sera expliqué ci-après, ces objectifs de solde ne pouvaient, par nature, qu'avoir un rôle indicatif. Il aurait été économiquement dommageable de chercher à maintenir le déficit à 4,4 points de PIB en 2009. Ainsi, à la suite d'un amendement de votre commission des finances, l'article 2 précise que ces objectifs s'entendent « sous réserve que les hypothèses économiques du rapport annexé à la présente loi soient confirmées ».

Les seuls articles censés être contraignants sont les articles 4 à 13, correspondant à ce qui dépend en principe de l'action des pouvoirs publics.

3. Seulement la moitié des articles ont une portée pratique, et parmi ceux-ci seuls la moitié ont été respectés dans le cas de l'année 2009

La mise en oeuvre en 2009 des 13 articles de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 est globalement décevante.

Cette mise en oeuvre se décompose de la manière suivante :

- 3 articles ont été effectivement respectés : plafonds de dépenses des missions du budget général de l'Etat, dotations aux collectivités territoriales, suivi des niches fiscales et sociales ;

- 4 articles n'ont pas été respectés : croissance des dépenses de l'Etat en volume (0,3 % au lieu de 0,1 %) ; croissance de l'ONDAM (3,7 % en valeur, au lieu de 3,3 %) ; gage des nouvelles niches fiscales et sociales (le Gouvernement considérant que le coût des mesures doit être évalué en régime de croisière, ce qui vide la règle de son sens) ; bilan seulement partiel de la loi de programmation, par ailleurs « noyé » dans le rapport d'orientation des finances publiques pour 2010, et absence d'indication de mesures correctrices ;

- 4 articles n'ont pas de portée pratique : trajectoire de solde et de dette publics (qui par nature dépend de la conjoncture), approbation du rapport annexé, croissance de l'ensemble des dépenses publiques en volume (le Gouvernement ne contrôlant pas les dépenses des collectivités territoriales et de l'assurance chômage), encadrement des mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires (article conçu de manière à ce que l'on ne puisse juger de son application qu'en 2013 au plus tôt) ;

- pour deux articles, la question de la mise en oeuvre est sans objet : l'article 1 er , qui constitue une simple référence à l'avant-dernier alinéa de l'article 34 de la Constitution, et l'article 9, prévoyant que les recettes supplémentaires par rapport aux prévisions doivent être affectées au désendettement, et qui n'avait donc pas à s'appliquer en 2009 (les recettes de l'Etat ont été inférieures de 17 % aux prévisions).

La mise en oeuvre en 2009 de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012

Source : commission des finances

La proportion importante d'articles sans portée pratique (près du tiers) conduit à s'interroger sur l'intérêt de leur conserver un caractère législatif, en tout cas sous leur forme actuelle.

La mise en oeuvre en 2009 de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012

Article

Objet

Disposition mise en oeuvre

Remarques

Oui

Non

Disposition sans portée pratique

Sans objet

1

Objet de la programmation pluriannuelle des finances publiques

1

2

Objectifs de la programmation pluriannuelle des finances publiques (trajectoires de solde et de dette)

1

Objectifs non atteints mais définis « sous réserve que les hypothèses économiques du rapport annexé à la présente loi soient confirmées ».

3

Approbation du rapport annexé

1

4

Evolution des dépenses publiques de 1,1 % en moyenne annuelle (en volume)

1

Impossible à vérifier avant que soit connue l'exécution de 2012 (le rapport annexé considérant que la règle ne s'applique pas chaque année mais en moyenne sur la période). En 2009 les dépenses publiques ont augmenté de 3,8 % en valeur, soit, avec une inflation de 0,1 %, 3,7 % en volume.

5

Norme annuelle de progression des dépenses de l'Etat (0,1 % en volume en 2009 à périmètre constant et hors plan de relance)

1

Croissance des dépenses de 0,3 % en volume à périmètre constant et hors plan de relance (à cause d'une inflation de 0,1 % au lieu de 1,5 %).

Remarque : pour les années suivantes la norme est indépendante de l'inflation puisqu'on se réfère à la prévision d'inflation.

6

Programmation triennale des crédits des missions du budget général de l'Etat

1

Dépenses du budget général de 275,6 milliards d'euros, pour un plafond de 277,1 milliards d'euros, soit un écart de 1,5 milliard d'euros. Cependant les marges de manoeuvre résultant de l'évolution de la charge de pensions et de la charge de la dette, inférieures de 1 et 5,4 milliards d'euros aux plafonds, ont été utilisées pour apurer une partie de ses dettes à l'égard de la Sécurité sociale et pour financer des dépenses non prévues.

7

Evolution des prélèvements sur recettes et des crédits affectés aux collectivités territoriales (en 2009, 2 % en valeur)

1

Norme respectée.

8

Norme annuelle d'évolution de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (3,3 % en valeur chaque année à périmètre constant)

1

Croissance de 3,7 % (dépassement de 740 millions d'euros par rapport à l'objectif initial) [source : commission des comptes de la sécurité sociale, juin 2010]

9

Affectation des surplus des impositions de toute nature à la réduction du déficit du budget de l'Etat

1

Le cas de figure ne s'est pas présenté (recettes fiscales nettes en retrait de plus de 17 % par rapport à la LFI)

10

Encadrement des mesures nouvelles relatives aux impôts, cotisations et contributions sociales affectés au budget de l'Etat ou à la sécurité sociale

1

Article sans portée pratique : selon le rapport annexé son application ne pourra être appréciée qu'une fois l'exécution 2012 connue.

11

Encadrement des « niches » fiscales et sociales

1

Mesure vidée de son sens par l'interprétation du Gouvernement (appréciation de l'impact des mesures en « régime de croisière »).

12

Suivi des niches fiscales et sociales

1

Disposition appliquée (informations figurant dans le tome II du fascicule « Voies et moyens » et dans l'annexe 5 des projets de loi de financement de la sécurité sociale)

13

Bilan annuel et mesures correctrices éventuelles

1

Bilan seulement partiel de la loi de programmation, par ailleurs « noyé » dans le rapport d'orientation des finances publiques pour 2010, et absence d'indication de mesures correctrices.

3

4

4

2

B. ÉTABLIR UNE NOUVELLE « HIÉRARCHIE DES NORMES FINANCIÈRES »

1. En finir avec le double langage en organisant la cohérence entre les engagements européens et les lois nationales

L'expérience des douze programmes de stabilité adressés à la Commission européenne depuis la fin des années 1990, dans une sorte de jeu formel sans la moindre conséquence pratique, montre la nécessité d'en finir avec le double langage.

Il n'est plus possible, d'un côté, de continuer à adresser à la Commission européenne des programmations affichant une amélioration rapide du solde public, grâce à des hypothèses de croissance du PIB et de dépenses publiques dépourvues de crédibilité, et, de l'autre, de ne pas véritablement engager de politique de réduction du déficit structurel.

La poursuite d'une telle « stratégie » aurait à terme des conséquences désastreuses en termes de crédibilité.

Pour en finir avec le double langage, il faut instaurer une nouvelle « hiérarchie des normes financières ».

Les lois financières de l'année (loi de finances, loi de financement de la sécurité sociale) doivent être subordonnées à une norme supérieure. Dans son rapport en vue du débat d'orientation des finances publiques pour 2011, votre commission préconisait « une trajectoire pluriannuelle des finances publiques qui s'impose aux lois financières ». Le groupe Camdessus préconise que ce soit une « loi-cadre de programmation des finances publiques » (LCPFP), qui s'imposerait aux lois financières annuelles.

2. Améliorer le contrôle parlementaire en rendant plus cohérents les calendriers national et européen

La publication des programmes de stabilité doit en outre être rendue plus cohérente avec les procédures budgétaires nationales. Tel est l'objet du « semestre européen », qui se tiendra à partir de 2011.

Jusqu'à récemment, le code de conduite sur le format et le contenu des programmes de stabilité prévoyait que les Etats membres devaient présenter leurs programmes de stabilité avant le 1 er décembre de chaque année.

Le Conseil Ecofin du 7 septembre 2010 a modifié le code de conduite de manière à ce que les programmes de stabilité soient transmis à la Commission européenne en amont de la discussion budgétaire, dès le mois d'avril. Cette initiative est issue des travaux du groupe de travail sur la gouvernance économique présidé par M. Herman Van Rompuy. Cette modification de calendrier entrerait en vigueur dès 2011.

Il conviendra d'adapter le calendrier national pour que le Parlement puisse se prononcer en temps utile sur la programmation transmise à la Commission européenne. Des préconisations sur ce point sont formulées à l'article 12 bis , tel que rétabli par votre commission des finances.

C. LA CONVERGENCE DES PROPOSITIONS FAITES PAR LA COMMISSION DES FINANCES ET PAR LE « GROUPE CAMDESSUS »

Dans le cadre des travaux du groupe chargé de réfléchir aux modalités de la mise en oeuvre d'une règle constitutionnelle d'équilibre des finances publiques, le président et le rapporteur général de la commission des finances ont adressé le 17 mai 2010 une note (reproduite en annexe au présent rapport), dans laquelle ils formulaient un certain nombre de propositions. Ces propositions, reprises dans le rapport de votre commission en vue du débat d'orientation des finances publiques pour 2011, ont en quasi-totalité été retenues par le groupe de travail.

Les propositions du président et du rapporteur général de votre commission des finances, ainsi que celles du groupe de travail présidé par M. Michel Camdessus, sont synthétisées par le tableau ci-après.

Les propositions de règles destinées à favoriser le retour des finances publiques à l'équilibre

Propositions du président et du rapporteur général de votre commission des finances (1)

Propositions du groupe de travail présidé par M. Michel Camdessus (2)

Cadre général

Prépondérance de la programmation pluriannuelle sur les lois annuelles

Instituer une loi-cadre de programmation des finances publiques (LCPFP)

Les règles de procédure

Monopole des lois financières sur les dispositions ayant un impact sur le solde des administrations publiques (crédits budgétaires, dépenses fiscales et sociales)

Compétence exclusive des lois financières en matière de prélèvements obligatoires

Fusion des parties « recettes » des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale

Rapprochement des PLF et PLFSS

Confirmation de la règle de gage des dépenses fiscales définie par l'article 11 de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012

Règle de gage lors de la création d'une mesure fiscale nouvelle instaurée par l'article 11 de la loi de programmation des finances publiques du 9 février 2009

Confirmation de la durée limitée des nouvelles dépenses fiscales et sociales

Extension de la norme de dépense de l'Etat à la dépense fiscale

Association des collectivités territoriales à l'effort de maîtrise des comptes des administrations publiques

Les règles de fond

« Règle de sincérité » : retenir des hypothèses économiques prudentes

Mise en place d'un groupe d'experts, dont « les missions (...) consisteraient d'abord à rendre un avis public sur la pertinence des prévisions retenues dans les projets de lois-cadre de programmation des finances publiques et tout projet de loi financière » et dont les membres « pourraient aussi exprimer un avis sur la conformité et la crédibilité de ces textes et des efforts envisagés pour respecter la trajectoire retenue afin de parvenir à l'équilibre et respecter une trajectoire d'endettement conforme à nos engagements » (3).

« Règle de responsabilité » : définir les engagements du Gouvernement en termes de mesures en recettes et en dépenses, exprimées en milliards d'euros, de façon à rendre les gouvernements effectivement responsables, mais uniquement de ce qu'ils contrôlent réellement.

La LCPFP « fixerait, en euros constants, pour chaque année de la période de programmation considérée : - le plafond du niveau des dépenses de l'État entrant dans le champ de la loi de finances (LF) et le plafond du niveau des dépenses de la sécurité sociale entrant dans le champ de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) ; - le plancher des recettes de l'État et de la sécurité sociale (dans le champ de la LFSS) résultant de facteurs autres que l'évolution spontanée des produits, notamment les mesures nouvelles concernant les prélèvements obligatoires au sens de l'évaluation des voies et moyens annexée à la loi de finances » ; « fongibilité entre plafonds des dépenses et mesures nouvelles en recettes ».

Se doter d'outils permettant un pilotage quasiment temps réel

Instaurer un dispositif d'alerte rapide devant le Parlement

Contrôle de constitutionnalité : au niveau de l'ensemble LFI+LFSS, mais en cas de dérapage des dépenses publiques dans leur ensemble ou du coût des mesures nouvelles sur les PO, des mesures devraient être prises dans la loi financière la plus proche.

Saisine obligatoire du Conseil constitutionnel sur les lois financières.

« Lors de l'adoption des LCPFP, le Conseil constitutionnel vérifierait de plein droit qu'elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques figurant au 21ème alinéa de l'article 34 de la Constitution et, éventuellement, sur la trajectoire vers la cible d'équilibre fixée par le législateur. »

Limiter le recours à l'emprunt des opérateurs et l'affectation à leur profit de recettes non renouvelables

Déterminer par la loi organique la date du retour à l'équilibre des finances publiques (3)

Cadre européen

Création d'une Autorité européenne des comptes publics

Promotion d'un consensus macro-économique européen

(1) Note adressée le 17 mai 2010 à M. Michel Camdessus par le président et le rapporteur général de votre commission des finances.

(2) Groupe de travail présidé par M. Michel Camdessus, Réaliser l'objectif constitutionnel d'équilibre des finances publiques , 21 juin 2010.

(3) Absence de consensus au sein du groupe Camdessus au sujet du groupe d'experts.

Source : commission des finances, d'après les textes indiqués

1. Faire s'engager le Gouvernement sur deux montants essentiels : celui des dépenses et celui des mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires

L'architecture générale des propositions du président et du rapporteur général de votre commission des finances (la « règle de responsabilité ») d'une part, et de celles du groupe de travail d'autre part, est analogue.

Il s'agit pour le Gouvernement de s'engager, pour chaque année de la programmation sur deux montants essentiels, et dont le respect dépend de lui : celui des dépenses publiques et celui des mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires. Ces deux montants déterminent en effet ce que les économistes appellent l'« effort structurel », c'est-à-dire la part de l'évolution du déficit qui dépend de l'action des pouvoirs publics.

Cette solution a en effet paru préférable à celle consistant à définir un objectif en termes de solde structurel, dont les fluctuations dépendent notamment de celles de l'élasticité des recettes publiques au PIB et qui est susceptible d'être manipulé par des évaluations biaisées du PIB structurel.

Un objectif en termes de solde effectif devait quant à lui être absolument rejeté, car il aurait conduit à adopter des politiques procycliques économiquement absurdes (relâchement des efforts en période de croissance forte et renforcement de ceux-ci lors des ralentissements économiques) et aurait ruiné la crédibilité de la règle (il n'était pas réaliste de chercher, par exemple, à limiter le déficit à 4,4 points de PIB en 2009).

Le groupe de travail précise que ces engagements seraient pris dans une « loi-cadre de programmation des finances publiques » (LCPFP), à laquelle les lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale devraient se conformer.

2. Diverses règles de procédure

A cette règle « fondamentale » s'ajoutent d'autres règles, sans impact direct sur le solde, et que l'on présentera plus en détails ci-après : monopole des lois financières sur les dispositions ayant un impact sur les prélèvements obligatoires, fusion des parties « recettes » des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, confirmation de la règle de gage des dépenses fiscales définie par l'article 11 de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, etc.

III. LE PRÉSENT PROJET DE LOI

A. UN PROJET DE LOI TRÈS PROCHE DE LA LOI DE PROGRAMMATION ACTUELLE

Loin de préfigurer la mise en oeuvre de la future « loi-cadre de programmation des finances publiques », le présent projet de loi constitue, pour l'essentiel, une simple actualisation de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.

1. Pour l'essentiel, une simple actualisation de la loi de programmation actuelle

La structure des deux textes est très proche, comme le montre le tableau ci-après.

Comparaison de la structure du présent projet de loi et de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012

Loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012

Présent projet de loi

Article

Numérotation initiale

Objet

Remarque

Objet

Remarque

1

1

Objet de la programmation pluriannuelle des finances publiques

Idem

2

2

Objectifs de la programmation pluriannuelle des finances publiques (trajectoires de solde et de dette)

• Adoption d'un amendement de votre commission des finances (maintenu dans le texte promulgué) précisant que les objectifs s'entendent « sous réserve que les hypothèses économiques du rapport annexé à la présente loi soient confirmées ».

• Adoption, avec l'avis défavorable du Gouvernement, d'un sous-amendement de votre commission des finances à l'amendement du Gouvernement réévaluant la trajectoire, supprimant la ventilation par catégories d'APU (non maintenu dans le texte promulgué).

Approbation du rapport annexé

3

3

Approbation du rapport annexé

Objectifs de la programmation pluriannuelle des finances publiques (trajectoires de solde et de dette)

• Précision que ces objectifs s'entendent si les hypothèses économiques sont vérifiées (conformément à un amendement de votre commission des finances à l'article 2 de l'actuelle loi de programmation).

• La ventilation par catégorie d'APU a été rétablie par l'Assemblée nationale.

4

4A

Norme d'évolution des dépenses publiques

• Article inséré par l'Assemblée nationale à l'initiative de Didier Migaud.

• Adoption d'un amendement de la CF précisant que la norme s'applique non aux APU mais à « l'ensemble constitué par l'Etat, les organismes divers d'administration centrale et les régimes obligatoires de base de sécurité sociale »

Idem

Champ concernant à nouveau l'ensemble des APU

5

4

Norme annuelle de progression des dépenses de l'Etat

Idem

6

5

Programmation triennale des crédits des missions du budget général de l'Etat

Idem

7

6

Evolution des prélèvements sur recettes et des crédits affectés aux collectivités territoriales

Adoption d'un amendement de la CF précisant que les dotations de l'Etat « sont égales » (au lieu de « n'excèdent pas ») à la prévision d'inflation.

Idem

8

7

Norme annuelle d'évolution de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie

Idem+dépenses régime général (toutes branches)

Extension aux régimes obligatoires de base par l'Assemblée nationale.

9

8

Affectation des surplus des impositions de toute nature à la réduction du déficit du budget de l'Etat

Programmation du montant des mesures nouvelles sur les PO

La principale innovation du présent projet de loi.

10

9

Encadrement des mesures nouvelles relatives aux impôts, cotisations et contributions sociales affectés au budget de l'Etat ou à la sécurité sociale

Retrait (après avis défavorable du Gouvernement) de deux amendements de la commission, précisant :

- que cette règle s'apprécie « chaque année » et non globalement sur la période ;

- que les mesures nouvelles ne peuvent réduire les recettes tant que le déficit des administrations publiques de l'année précédente est supérieur à 1,5 point de PIB.

Affectation au désendettement des surplus des impositions de toute nature de l'Etat + des cotisations et contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base

11

10

Encadrement des « niches » fiscales et sociales

Adoption de deux amendements de la commission prévoyant :

- que la norme de gage s'applique au titre de « chaque année » de la période de programmation ;

- que les nouvelles niches fiscales et sociales sont créées pour une durée de quatre ans.

Limitation du recours à l'endettement des opérateurs de l'Etat

Innovation du présent projet de loi, mettant en oeuvre une préconisation du rapport Camdessus.

12

11

Suivi des niches fiscales et sociales

Idem

13

12

Bilan annuel et mesures correctives éventuelles

Idem

14

13

Abrogation de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012

Source : commission des finances, d'après les textes mentionnés

Les articles 1 à 8, 12 et 13 poursuivent le même objet, si l'on excepte une interversion dans le cas des articles 2 et 3 (respectivement approbation du rapport annexé et trajectoire de solde, dans le cas du présent projet de loi). L'article 10 du présent projet de loi (affectation des surplus des impositions de toute nature à la réduction du déficit) correspond quant à lui à l'article 9 de l'actuelle loi de programmation.

Si l'on excepte les chiffres, qui ont bien entendu changé, ces articles présentent très peu de différences par rapport à ceux de la loi de programmation actuelle. Les principales différences sont les suivantes :

- l'article 8 indique la norme annuelle de dépenses non seulement pour l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), mais aussi pour l'ensemble des régimes obligatoires de base (le régime général dans le texte initial), et cette norme est désormais définie en milliards d'euros (et non plus en pourcentage d'évolution) ;

- l'article 10 étend l'obligation d'affectation des surplus des impositions de toute nature à la réduction du déficit, actuellement prévue dans le seul cas de l'Etat, aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale.

Par ailleurs, l'article 4 indique l'objectif de croissance des dépenses pour l'ensemble des administrations publiques, et non pour les seuls Etat, organismes divers d'administration centrale, et régimes obligatoires de base de sécurité sociale (comme le prévoit la loi de programmation actuelle, à la suite d'un amendement de votre commission des finances). Si cet article a vocation à avoir une portée pratique, il implique donc implicitement un engagement du Gouvernement à prendre des mesures correctrices en cas de « dérapage » des dépenses de l'assurance chômage, des régimes complémentaires ou des collectivités territoriales.

Dans la version initiale du présent projet de loi, l'article 3 n'indiquait la trajectoire de solde des administrations publiques que de manière globale. L'Assemblée nationale a rétabli une ventilation entre catégories d'administrations publiques.

2. Les principales innovations

Les articles fondamentalement différents de ceux de la loi de programmation actuelle sont les articles 8, 9 et 11.

a) La définition de la programmation de l'ONDAM en milliards d'euros

L'article 8, relatif aux dépenses sociales, introduit une innovation discrète mais essentielle, qui est que la programmation de l'ONDAM est désormais définie non plus en pourcentage d'évolution par rapport à l'exécution de l'année précédente, mais en milliards d'euros. Cela permet d'éviter un « cumul des dérapages ».

b) La limitation du recours des opérateurs de l'Etat à l'emprunt

L'article 11 prévoit que les opérateurs de l'Etat ne peuvent contracter des emprunts dont le terme est supérieur à 12 mois.

c) La principale innovation : la fixation d'objectifs chiffrés en matière de mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires

L'article 9 est quant à lui la principale innovation du présent projet de loi.

Il remplace les articles 10 et 11 de la loi de programmation actuelle, relatifs à la « discipline » en matière d'allégements de prélèvements obligatoires. La disposition proposée, qui a l'avantage de cesser de « tourner autour du pot », affirme que les mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires seront d'au moins 10 milliards d'euros en 2011, et 3 milliards d'euros pour chacune des années de 2012 à 2014.

La suppression de l'article 11 de la loi de programmation actuelle a pour effet de faire disparaître la règle de gage des niches fiscales et sociales, que le président et le rapporteur général de votre commission des finances, tout comme le groupe Camdessus, proposent pourtant d'élever au niveau organique. Tel était également le cas de la limitation à quatre ans de la validité des créations et extensions de niches fiscales et sociales, résultant d'un amendement de votre commission des finances, mais l'Assemblée nationale a rétabli cette disposition en insérant un article 9 bis au présent projet de loi.

B. UNE FAIBLE PORTÉE PRATIQUE, MÊME POUR UNE LOI DE PROGRAMMATION

1. Les lois de programmation « sectorielles » sont par nature moins normatives que les lois ordinaires mais il est habituellement possible de déterminer dans quelle mesure elles sont mises en oeuvre

Le présent projet de loi est une loi de programmation au sens de l'avant-dernier alinéa de l'article 34 de la Constitution, qui prévoit : « Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques ».

Il existe cependant des lois de programmation sectorielles, définies par l'alinéa précédent de l'article 34 précité, selon lequel « des lois de programmation déterminent les objectifs de l'action de l'État ». Tel est par exemple le cas de la loi n° 2009-928 du 29 juillet 2009 relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 (dite « LPM 2009-2014 ») et portant diverses dispositions concernant la défense, de la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (dite « LOPSI »), et du projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, actuellement en cours de discussion (dit « LOPSI II »).

Les lois de programmation sectorielles ont, par nature, une moindre normativité que les lois ordinaires. Elles comprennent généralement des articles de normativité « normale » (par exemple, la LPM 2009-2014 comprend des dispositions modifiant le code de la défense nationale), auxquels s'ajoutent des articles typiques des lois de programmation, présentant en particulier une programmation indicative des crédits, ainsi qu'un rapport annexé.

Les programmations de crédits des lois sectorielles sont habituellement définies de manière suffisamment précise pour qu'il soit possible de déterminer dans quelle mesure elles sont effectivement mises en oeuvre.

Une première exigence, absolument fondamentale, est que les éléments de la programmation soient définis de manière à ce que les dérapages ne se cumulent pas d'une année sur l'autre. Ainsi, une norme selon laquelle chaque année, les dépenses augmenteraient d'un certain pourcentage par rapport à l'exécution de l'année précédente, n'est pas viable, puisqu'il suffit d'un dérapage en début de période pour que les dépenses des années suivantes partent d'un « palier » trop élevé. C'est pour cela que les lois de programmation sectorielles retiennent habituellement une programmation en montants annuels. De ce point de vue, il n'est pas optimal que l'annexe B des lois de financement de la sécurité sociale définisse la programmation pluriannuelle de l'ONDAM en termes de taux d'évolution annuel.

Il est par ailleurs indispensable que les différentes règles soient définies pour chaque année de la programmation, considérée individuellement. En effet, une règle définie sur l'ensemble de la période de programmation (comme l'article 11 de l'actuelle loi de programmation des finances publiques, relatif aux mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires) est par nature dénuée de toute portée pratique. Tout dérapage doit être constaté immédiatement (et non simplement en fin de période), pour pouvoir être corrigé.

Un « raffinement » possible et, on le verra, souhaitable dans le cas du présent projet de loi, est de raisonner en euros constants. Ainsi, dans le cas de la LPM 2009-2014 (mais pas des LOPSI et LOPSI II), ces montants sont définis en euros constants, indexés sur la prévision d'indice des prix à la consommation associé au projet de loi de finances de l'année concernée, ce qui permet de neutraliser l'inflation tout en évitant que les erreurs de prévision d'inflation se cumulent (puisque la prévision d'indice des prix associée aux projets de lois de finances est « rebasée » chaque année en fonction de l'inflation effectivement observée).

2. Environ la moitié des articles du présent projet de loi n'ont pas de portée pratique

L'article 1 er prévoit que les articles 2 à 10 ont pour base juridique l'avant-dernier alinéa de l'article 34 de la Constitution. Il n'est donc pas anormal qu'ils aient globalement une faible valeur normative. Ce qui est en revanche critiquable, c'est que certaines de ces dispositions n'aient de fait aucune portée pratique, en l'état actuel du texte.

Trois dispositions sont rédigées de manière à ne pas avoir de portée pratique :

- l'article 4 (évolution annuelle des dépenses publiques en volume), la norme s'appliquant non chaque année mais en moyenne sur la période, comme l'indique le rapport annexé ;

- l'article 5 (norme annuelle de progression des dépenses de l'Etat), qui ne précise pas si la norme s'applique à partir de la prévision ou de l'exécution (d'où un risque de « cumul des dérapages », comme dans le cas de l'ONDAM) ;

- le I de l'article 8, qui ne précise pas que la norme de dépenses du régime général (des régimes obligatoires de base dans le texte adopté par l'Assemblée nationale) s'entend à périmètre constant.

Deux autres articles n'ont pas de portée pratique à cause de l'absence de publication par le Gouvernement de données d'exécution à périmètre constant (problème concernant aussi l'article 5 et le I de l'article 8). Sont concernés les articles 6 (programmation triennale des crédits des missions du budget général de l'Etat) et 7 (norme annuelle d'évolution des concours de l'État aux collectivités territoriales).

La normativité des articles du présent projet de loi (texte initial)

(nombres d'articles)

Source : commission des finances

La normativité des articles du présent projet de loi (texte initial)

Article

Objet

Normativité

Remarques

Réelle

Propre à une loi de programmation/ faible par nature

Anormalement faible

1

Objet de la programmation pluriannuelle

1

2

Approbation du rapport annexé

1

3

Évolution du solde des administrations publiques et de la dette publique

1

4

Évolution annuelle des dépenses publiques en volume

1

Norme s'appliquant non chaque année mais en moyenne sur la période (comme l'indique le rapport annexé).

5

Norme annuelle de progression des dépenses de l'Etat (définie à périmètre constant)

1

• Il n'est pas précisé si la norme s'applique à partir de la prévision ou de l'exécution (d'où un risque de « cumul des dérapages »).

• Absence de publication par le Gouvernement de données d'exécution à périmètre constant.

Les deux articles sont compatibles : en cas de croissance plus forte que prévu de la charge de la dette ou des pensions, les crédits des missions seront inférieurs aux plafonds.

6

Programmation triennale des crédits des missions du budget général de l'Etat (définie à périmètre constant)

1

Absence de publication par le Gouvernement de données d'exécution à périmètre constant.

7

Norme annuelle d'évolution des concours de l'État aux collectivités territoriales (définie à périmètre constant)

1

Absence de publication par le Gouvernement de données d'exécution à périmètre constant.

8

Norme annuelle d'évolution des dépenses de sécurité sociale

1

Absence de précision que les dépenses du régime général (des régimes obligatoires de base dans le texte adopté par l'Assemblée nationale) s'entendent à périmètre constant + absence de publication par le Gouvernement de données d'exécution à périmètre constant.

9

Encadrement des mesures nouvelles afférentes aux prélèvements obligatoires

1

La notion de mesures nouvelles du texte initial était incompréhensible puisqu'il n'était pas indiqué que n'étaient pas prises en comptes celles antérieures au PLF et au PLFSS 2011. Ce point a été précisé par l'Assemblée nationale.

10

Affectation des surplus des prélèvements obligatoires à la réduction du déficit public

1

11

Interdiction, pour les opérateurs de l'Etat, d'emprunter pour une durée supérieure à douze mois

1

12

Information du Parlement sur les dépenses fiscales et les réductions, exonérations ou abattements de cotisations et contributions sociales

1

13

Bilan de la mise en oeuvre de la programmation

1

14

Abrogation de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012

1

4

5

5

Les lignes grisées (articles 2 à 10) concernent les articles qui, selon l'article 1 er , relèvent de l'avant-dernier alinéa de l'article 34 de la Constitution (« lois de programmation » définissant les « orientations pluriannuelles des finances publiques »).

Source : commission des finances

C. LE NON RESPECT DE CERTAINES DES PRÉCONISATIONS ESSENTIELLES DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES ET DU GROUPE CAMDESSUS

Comme on l'a indiqué ci-avant, le groupe de travail présidé par M. Michel Camdessus a adopté son rapport le 21 juin 2010.

Les propositions du groupe de travail ont obtenu l'approbation des élus qui en étaient membres, si l'on excepte celles relatives à la mise en place d'un groupe d'experts chargé de se prononcer sur la programmation et à l'inscription dans une loi organique de la date du retour à l'équilibre des finances publiques. Dans ces conditions, il n'y a pas de raison de retarder la mise en oeuvre des propositions du groupe de travail susceptibles d'être appliquées dès le présent projet de loi.

Il serait en particulier étonnant, et défavorable à la crédibilité de la politique de finances publiques, que le présent projet de loi contredise manifestement les orientations retenues par le groupe de travail. Or, tel est le cas sur plusieurs points importants, comme le montre le tableau ci-après.

Les propositions de règles destinées à favoriser le retour des finances publiques à l'équilibre

Propositions du président et du rapporteur général de votre commission des finances (1)

Propositions du groupe de travail présidé par M. Michel Camdessus (2)

Possibilité d'inscription dans le présent projet de loi

Mise en oeuvre par le présent projet de loi

Remarque

Modifications apportées par la commission des finances

Cadre général

Prépondérance de la programmation pluriannuelle sur les lois annuelles

Instituer une loi-cadre de programmation des finances publiques (LCPFP)

Non

-

Les règles de procédure

Monopole des lois financières sur les dispositions ayant un impact sur le solde des administrations publiques

Compétence exclusive des lois financières en matière de prélèvements obligatoires

Non

-

Mesure appliquée par la circulaire du Premier ministre n° 5471/SG du 4 juin 2010 relative à l'édiction de mesures fiscales et de mesures affectant les recettes de la sécurité sociale

Fusion des parties « recettes » des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale

Rapprochement des PLF et PLFSS

Non

-

La mise en oeuvre du volet financier des projets de loi « retraites » et « CADES » montre les inconvénients de la dispersion des dispositions entre LFI et LFSS.

Association des collectivités territoriales à l'effort de maîtrise des comptes des administrations publiques

Non

-

Confirmation de la règle de gage des dépenses fiscales définie par l'article 11 de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012

Respect de la règle de gage lors de la création d'une mesure fiscale nouvelle instaurée par l'article 11 de la loi de programmation des finances publiques du 9 février 2009

Oui

Non (suppression)

Selon le rapport Camdessus, « ce gage devrait être apprécié sur une base annuelle et non à l'horizon de la fin de la période de programmation ».

Aucune modification (proposition satisfaite par la règle de gel des niches fiscales et sociales en valeur instauré par l'Assemblée nationale)

Confirmation de la durée limitée des nouvelles dépenses fiscales et sociales

Oui

Oui (rétablissement par l'Assemblée nationale)

La règle de durée limitée (4 ans) figure dans la loi de programmation actuelle (art. 11).

Extension de la norme de dépense de l'Etat à la dépense fiscale

Oui

Oui (à l'initiative de l'Assemblée nationale)

Les règles de fond

« Règle de sincérité » : retenir des hypothèses économiques prudentes (« on pourrait prévoir, par convention, que les programmes de stabilité sont construits en fonction du taux de croissance moyen du PIB constaté au cours des dix dernières années ou de toute autre méthode prudente résultant, par exemple, d'une concertation au sein de l'Eurogroupe »)

Mise en place d'un groupe d'experts, dont « les missions (...) consisteraient d'abord à rendre un avis public sur la pertinence des prévisions retenues dans les projets de lois-cadre de programmation des finances publiques et tout projet de loi financière » et dont les membres « pourraient aussi exprimer un avis sur la conformité et la crédibilité de ces textes et des efforts envisagés pour respecter la trajectoire retenue ».

Oui

Non

Absence de consensus au sein du groupe Camdessus au sujet du groupe d'experts.

Le rapport Camdessus souligne que « la sincérité est un des principes fondamentaux de notre ordre financier, qui figure désormais au 2ème alinéa de l'article 47-2 de la Constitution ».

Modification de l'article 3 de manière à prévoir un scénario alternatif de croissance du PIB à 2 % (au lieu de 2,5 %).

« Règle de responsabilité » : définir les engagements du Gouvernement en termes de mesures en recettes et en dépenses, exprimées en milliards d'euros, de façon à rendre les gouvernements effectivement responsables, mais uniquement de ce qu'ils contrôlent réellement.

La LCPFP « fixerait, en euros constants, pour chaque année de la période de programmation considérée : - le plafond du niveau des dépenses de l'État entrant dans le champ de la loi de finances (LF) et le plafond du niveau des dépenses de la sécurité sociale entrant dans le champ de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) ; - le plancher des recettes de l'État et de la sécurité sociale (dans le champ de la LFSS) résultant de facteurs autres que l'évolution spontanée des produits, notamment les mesures nouvelles concernant les prélèvements obligatoires au sens de l'évaluation des voies et moyens annexée à la loi de finances » ; « fongibilité entre plafonds des dépenses et mesures nouvelles en recettes ».

Oui

Oui (articles 4 et 9)

Précision des normes de dépenses publiques (articles 4 à 8) de manière à ce qu'il soit possible de constater chaque année de la programmation dans quelle mesure elles sont respectées, et d'éviter le risque de « cumul des dérapages » découlant des règles exprimées en % d'évolution d'une année sur l'autre.

Déterminer par la loi organique la date du retour à l'équilibre des finances publiques

Oui

Non

Absence de consensus au sein du groupe Camdessus

Mise en place d'outils permettant un pilotage quasiment temps réel

Instauration d'un dispositif d'alerte rapide devant le Parlement

Oui

Non

Modification de l'article 13 pour instaurer des règles de procédure et améliorer l'information sur l'exécution.

Limiter le recours à l'emprunt des opérateurs et l'affectation à leur profit de recettes non renouvelables

Oui (article 11)

Contrôle de constitutionnalité : au niveau de l'ensemble LFI+LFSS, mais en cas de dérapage des dépenses publiques dans leur ensemble ou du coût des mesures nouvelles sur les PO des mesures devraient être prises dans la loi financière la plus proche.

Saisine obligatoire du Conseil constitutionnel sur les lois financières.

« Lors de l'adoption des LCPFP, le Conseil constitutionnel vérifierait de plein droit qu'elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques figurant au 21ème alinéa de l'article 34 de la Constitution et, éventuellement, sur la trajectoire vers la cible d'équilibre fixée par le législateur. »

Non

Cadre européen

Création d'une Autorité européenne des comptes publics

Non

Promotion d' un consensus macro-économique européen

Non

(1) Note adressée le 17 mai 2010 à M. Michel Camdessus par le président et le rapporteur général de votre commission des finances.

(2) Groupe de travail présidé par M. Michel Camdessus, « Réaliser l'objectif constitutionnel d'équilibre des finances publiques », 21 juin 2010.

Source : commission des finances, d'après les textes indiqués

1. Conformément à la position de votre commission des finances et du groupe Camdessus, les véritables objectifs concernent les dépenses et les mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires (et non le solde)

Comme on l'a indiqué ci-avant, le président et le rapporteur général de votre commission des finances, tout comme le groupe Camdessus, jugent nécessaire que le Gouvernement s'engage, pour chaque année de la programmation, sur deux montants essentiels : celui des dépenses publiques et celui des mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires.

C'est ce que tend à faire - avec des lacunes préoccupantes, comme on le verra - le présent projet de loi.

Bien que peu apparente à première vue, sa cohérence est bien réelle.

Le présent projet de loi présente en effet des objectifs en matière :

- de déficit public (article 3) ;

- de croissance des dépenses publiques (article 4), et en particulier des dépenses de l'Etat (articles 5 à 7), de l'assurance maladie et des régimes obligatoires de base (article 8) ;

- de mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires (article 9).

Ces objectifs ne peuvent être atteints simultanément que si la croissance des recettes publiques (résultant notamment de la croissance du PIB et de l'élasticité des recettes publiques au PIB) est conforme aux prévisions du Gouvernement. Il importe donc d'établir une hiérarchie entre l'objectif de solde d'une part, les objectifs de dépenses et de mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires d'autre part.

Grâce à un amendement de votre commission des finances, les objectifs « réels » de l'actuelle loi de programmation portent sur les dépenses et les mesures sur les recettes, l'objectif de solde n'ayant qu'une valeur indicative. Ainsi, selon l'article 2 de l'actuelle loi de programmation, la trajectoire de solde s'entend « sous réserve que les hypothèses économiques du rapport annexé à la présente loi soient confirmées ». Il en découle que les dispositions véritablement contraignantes (du moins en principe) concernent les objectifs de croissance des dépenses et de règles de gouvernance relatives aux recettes.

Il ne paraît en effet pas économiquement opportun de fixer un objectif en termes de solde public effectif, et de considérer que celui-ci doit être atteint quoi qu'il arrive. Il vaut mieux avoir un déficit de 3 % avec un PIB en dessous de son potentiel qu'un déficit de 2 % avec son PIB 3 points au-dessus de celui-ci. Par ailleurs, il est possible d'envisager des scénarios dans lesquels l'objectif de solde ne pourrait être atteint à un coût économique raisonnable. Tel a en particulier été le cas en 2009 : l'objectif de déficit de 4,4 points de PIB était clairement inatteignable.

Le présent projet de loi reprend la hiérarchie des objectifs résultant de l'amendement de votre commission des finances à l'actuelle loi de programmation. Ainsi, son article 3 prévoit que la trajectoire de solde public s'entend « dans le contexte macroéconomique décrit dans le rapport annexé mentionné à l'article 2 ». Les véritables objectifs sont donc ceux fixés par les articles 4 (croissance des dépenses publiques) et ses articles satellites, les articles 5 à 8 (croissance des dépenses de l'Etat et des régimes obligatoires de base), ainsi que par l'article 9 (mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires).

Votre commission des finances ne peut que se féliciter de cette structuration globale du présent projet de loi.

2. Certains principes essentiels ne sont pas respectés

Votre commission des finances est préoccupée non par les principes sur lesquels repose le présent projet de loi, mais sur les modalités retenues pour leur mise en oeuvre.

Outre un contrôle de constitutionnalité efficace des lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale (aujourd'hui impossible sans révision de la Constitution), deux conditions doivent être réunies pour que la règle soit mise en oeuvre de manière satisfaisante :

- les hypothèses économiques utilisées pour déterminer ces objectifs doivent être prudentes : c'est ce que votre commission des finances appelle la « règle de sincérité » (estimant ainsi qu'« on pourrait prévoir, par convention, que les programmes de stabilité sont construits en fonction du taux de croissance moyen du PIB constaté au cours des dix dernières années ou de toute autre méthode prudente résultant, par exemple, d'une concertation au sein de l'Eurogroupe ») ; le groupe de travail Camdessus envisage quant à lui (sans être parvenu à un consensus) la mise en place d'un comité d'experts chargé de se prononcer à ce sujet ;

- la mise en oeuvre des engagements pris en matière de dépenses et de mesures nouvelles sur les recettes doit être assurée par un pilotage « en temps réel » (le groupe de travail préconisant la mise en place d'un « dispositif d'alerte rapide devant le Parlement »).

Or, ces deux conditions ne sont manifestement pas réunies :

- la programmation repose, comme les programmations précédentes, sur une hypothèse de croissance du PIB de 2,5 % de 2012 à 2014 (taux traditionnellement retenu par les programmes de stabilité depuis la fin des années 1990, afin de boucler « optiquement » les programmations), alors que le taux de croissance potentiel de l'économie est de l'ordre de 2 % et que la politique budgétaire déprimera l'activité ;

- aucun dispositif de pilotage de la norme de dépenses des administrations publiques n'est prévu, de sorte que les inévitables dérapages des dépenses que le Gouvernement ne contrôle pas (collectivités territoriales, Unedic, régimes complémentaires) se traduiront nécessairement par celui des dépenses de l'ensemble des administrations publiques.

Votre commission des finances propose donc des amendements tendant à assurer la cohérence du dispositif sur ces deux points essentiels. En particulier, elle juge nécessaire de retenir, au moins sous forme de scénario alternatif, une hypothèse de croissance de 2 % par an d'ici 2014.

3. La suppression de la règle de gage des niches fiscales et sociales

Votre commission des finances préconise en outre, tout comme le groupe de travail présidé par M. Michel Camdessus, d'adopter diverses règles de procédure sans impact direct sur le solde mais néanmoins très importantes :

- monopole des lois financières en matière de prélèvements obligatoires ;

- rapprochement des parties « recettes » des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale ;

- confirmation de la règle de gage des dépenses fiscales définie par le I de l'article 11 de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.

Si les deux premières propositions ne peuvent être mises en oeuvre sans révision de la Constitution, la troisième aurait pu l'être. Il convient cependant de lui préférer, désormais, la règle de « gel » des niches fiscales et sociales en valeur instaurée par l'Assemblée nationale, plus exigeante.

4. La suppression d'une disposition résultant d'une initiative de votre commission des finances : la limitation à 4 ans des nouvelles niches fiscales et sociales (rétablie à juste titre par l'Assemblée nationale)

Le président et le rapporteur général de votre commission des finances font également des propositions qui n'ont pas été reprises par le groupe de travail :

- confirmation de la durée limitée à quatre ans des nouvelles dépenses fiscales et sociales prévue par le II de l'article 11 de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 ;

- extension de la norme de dépense de l'Etat à la dépense fiscale ;

- au niveau européen, création d'une « Autorité européenne des comptes publics » et promotion d'un consensus macro-économique européen.

Toutes ces propositions n'ont pas vocation à être mises en oeuvre par le présent projet de loi. Celles devant être mises en oeuvre au niveau européen n'en relèvent manifestement pas.

Celles d'étendre la norme de dépense de l'Etat à la dépense fiscale et de maintenir la règle de durée limitée des nouvelles niches fiscales et sociales ont en revanche été retenues par la commission des finances de l'Assemblée nationale (modification de l'article 9 et insertion d'un article 9 bis ).

Les régimes fiscaux préférentiels sont institués pour permettre d'atteindre des objectifs économiques ou sociaux. Leur maintien obéit donc à une logique de comparaison coûts-avantages, qui doit être effectuée à intervalles réguliers.

D. DES PERSPECTIVES DE SOLDE PUBLIC INCERTAINES APRÈS 2011

Dans ces conditions, les analyses développées par votre commission des finances dans son rapport d'information en vue du débat d'orientation des finances publiques pour 2011 demeurent d'actualité.

1. Un solde meilleur que prévu en 2010, malgré un dérapage « optique » des dépenses publiques

La prévision de solde public pour 2010 associée au présent projet de loi est de - 7,7 points de PIB, contre - 8 points de PIB et - 8,2 points de PIB selon, respectivement, celle associée au débat d'orientation des finances publiques pour 2011 et le programme de stabilité 2010-2013.

Cette « base » 2010 meilleure que prévu constitue bien entendu un facteur d'optimisme. Cependant, elle résulte d'un plus grand dynamisme spontané des recettes, et non d'une meilleure maîtrise de la dépense. Le fait que l'objectif de dépenses publiques soit dépassé (1,8 % en volume, contre 1,3 % en prévision) n'est cependant pas préoccupant, cet écart provenant en quasi-totalité (pour 0,4 point) du changement en 2006 des modalités de prise en compte des dépenses d'équipement militaire par la comptabilité nationale (cf. ci-après).

Le tableau ci-après compare les prévisions de solde des différentes catégories d'administrations publiques associées au programme de stabilité 2010-2013 et au présent projet de loi.

La programmation du solde des administrations publiques : comparaison entre le présent projet de loi et le programme de stabilité 2010-2013

(en points de PIB)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Programme de stabilité 2010-2013 (janvier 2010)

Administrations publiques

-7,9

-8,2

-6

-4,6

-3

-

Administrations publiques centrales

-6,2

-5,9

-3,9

-3

-2

-

Administrations publiques locales

-0,4

-0,5

-0,4

-0,2

-0,1

-

Administrations de sécurité sociale

-1,3

-1,9

-1,7

-1,3

-1

-

Présent projet de loi

Administrations publiques

-7,5

-7,7

-6

-4,6

-3

-2

Administrations publiques centrales

-6,0

-5,6

-4

-3,1

-2,1

-1,5

Administrations publiques locales

-0,3

-0,4

-0,5

-0,3

-0,2

0

Administrations de sécurité sociale

-1,3

-1,7

-1,5

-1,2

-0,8

-0,5

Ecart

Administrations publiques

0,4

0,5

0

0

0

-

Administrations publiques centrales

0,2

0,3

-0,1

-0,1

-0,1

-

Administrations publiques locales

0,1

0,1

-0,1

-0,1

-0,1

-

Administrations de sécurité sociale

0,0

0,2

0,2

0,1

0,2

-

Sources : documents mentionnés, calculs de la commission des finances

La principale différence par rapport au programme de stabilité 2010-2013 est une « base » 2009 améliorée de près de 0,5 point de PIB, ce phénomène se prolongeant en 2010 mais s'annulant curieusement au-delà. Cette amélioration correspond essentiellement à celle du solde des administrations publiques centrales, qui elle aussi disparaîtrait en 2011. Les administrations de sécurité sociale connaîtraient quant à elles une amélioration pérenne de leur solde de 0,2 point à compter de 2010.

Les recettes et les dépenses des administrations publiques en 2010 : comparaison entre le présent projet de loi et le programme de stabilité 2010-2013

(en points de PIB)

Programme de stabilité 2010-2013 (janvier 2010)

Présent projet de loi

Ecart

En milliards d'euros

Dépenses

55,8

56,6

0,8

15

dont dérapage des dépenses

0,3*

6*

dont ratio dépenses/PIB plus élevé que prévu en 2009

0,4*

8*

Recettes

47,6

48,9

1,3

25

dont plus fort dynamisme spontané

0,3*

6*

dont ratio recettes/PIB plus élevé que prévu en 2009

0,8*

15*

Solde

-8,2

-7,7

0,5

10

* Le total n'est pas parfaitement cohérent avec les dépenses globales, ce qui provient d'arrondis des chiffres du Gouvernement.

Sources : documents mentionnés, calculs de la commission des finances

a) Un dérapage « optique » des dépenses en 2010

Le ratio dépenses publiques/PIB devrait être nettement plus élevé que prévu en 2010.

Cela provient en grande partie d'un dérapage « optique » des dépenses en 2010. Le programme de stabilité 2010-2013 n'indiquant d'objectif d'évolution des dépenses qu'en moyenne sur la période 2010-2013 (0,9 % par an en volume), pour connaître celui relatif à l'année 2010 il faut se référer au rapport économique, social et financier associé au projet de loi de finances pour 2010, que l'on peut supposer identique. Selon celui-ci, la croissance des dépenses publiques en 2010 aurait dû être de 1,3 % en volume. Or, le rapport économique, social et financier associé au projet de loi de finances pour 2011 prévoit une croissance des dépenses publiques de 1,8 % en volume en 2010, ce qui correspond à un écart de 0,5 point de dépenses publiques, ou encore 0,3 point de PIB (6 milliards d'euros).

Cet écart est, paradoxalement, imputable à l'Etat, dont les dépenses devraient augmenter de 0,8 % en volume, contre une prévision de - 1,8 %. Les dépenses des administrations publiques locales et des administrations de sécurité sociale augmenteraient quant à elles légèrement moins vite que prévu.

Le non respect de la norme de dépenses de l'Etat serait semble-t-il imputable à la livraison de matériels militaires, qui majore le déficit au sens de la comptabilité nationale de 0,2 point de PIB, la croissance des dépenses publiques de 0,4 point et celle des dépenses de l'Etat de 1 point. En effet, à la suite d'une décision d'Eurostat de 2006, les dépenses d'équipement militaire sont comptabilisées, à compter de 2005, au moment de la livraison des matériels, et non plus des versements. Il en résulte mécaniquement, dans les premières années d'application de cette nouvelle modalité de comptabilisation, une correction à la baisse des dépenses. Ce phénomène prend fin en 2010, d'où une majoration des dépenses. Il s'agit toutefois d'un phénomène exceptionnel, qui devrait selon le Gouvernement être suivi d'un contrecoup en en 2011.

Après correction de ce phénomène, les dépenses publiques n'augmenteraient « que » de 1,4 % en volume, ce qui est proche de la programmation (1,3 %).

La croissance des dépenses des administrations publiques en 2010 : du projet de loi de finances pour 2010 au projet de loi de finances pour 2011

(à périmètre constant, en comptabilité nationale)

(en % et en volume)

2009

2010

2011

2010

2011

PLF 2010*

PLF 2011

Mds €

Contribution à la croissance des dépenses publiques

Croissance**

État

404,6

0,3

-0,8

-1,8

0,8

-2,1

Dont plan de relance

-0,2

-0,4

Dont livraisons de matériels militaires

0,4

-0,4

Dont autres

0

0

ODAC

74,1

0,2

0,3

-1,2

2,9

4,3

APUL

228,5

0,2

0,3

1,2

0,9

1,4

ASSO

494,1

1

0,8

3

2,2

1,7

Dont chômage

0,2

-0,1

APU

1067,7

1,8

0,5

1,3

1,8

0,5

Sources : rapport économique, social et financier associé au projet de loi de finances pour 2011, sauf (*) rapport économique, social et financier associé au projet de loi de finances pour 2010, et (**) calculs de la commission des finances, d'après les colonnes précédentes

Comme par ailleurs le ratio dépenses/PIB a été plus élevé en 2009 qu'anticipé dans le programme de stabilité (à cause d'un PIB en valeur plus faible que prévu), au total le ratio dépenses/PIB est supérieur de 0,8 point de PIB à ce que prévoyait le programme de stabilité 2010-2013.

b) Un plus fort dynamisme spontané des recettes des administrations de sécurité sociale

La principale différence par rapport à la programmation est que les recettes connaîtraient un plus fort dynamisme spontané, comme le montre le tableau ci-après.

Les facteurs d'évolution du taux de prélèvements obligatoires en 2010

(en points de PIB)

Evolution spontanée

Mesures nouvelles hors suppression de la taxe professionnelle

Suppression de la taxe professionnelle

Total

PLF 2010

0

0,7

-0,6

0

PLF 2011

0,3

0,6

-0,5

0,4

Sources : rapports sur les prélèvements obligatoires et leur évolution associés aux projets de lois de finances pour 2010 et 2011

Ainsi, alors que le projet de loi de finances pour 2010 a été construit sur une hypothèse de stabilité spontanée du taux de prélèvements obligatoires, celui-ci devrait augmenter spontanément de 0,3 point, soit environ 6 milliards d'euros.

Cette révision à la hausse provient d'un plus grand dynamisme que prévu des prélèvements obligatoires des administrations de sécurité sociale, qui devraient être supérieurs de 0,4 point de PIB aux prévisions initiales, comme le montre le tableau ci-après.

Les facteurs d'évolution du taux de prélèvements obligatoires en 2010 : décomposition entre catégories d'administrations publiques

(en points de PIB)

État

ODAC

ASSO

APUL

APU*

Rapport PO 2010

Taux de PO

13,1

1,2

21,8

4,5

40,7

Évolution du taux de PO

1,9

0

-0,4

-1,5

0

Contribution de l'évolution spontanée

0,3

0

-0,4

0

0

Contribution des mesures nouvelles

1,6

0

0

-1,6

0,1

Contribution des changements de périmètre

0

0

0

0

Rapport PO 2011

Taux de PO

13,4

1,2

22,6

4,5

41,9

Evolution du taux de prélèvements obligatoires

1,9

0

0

-1,6

0,4

Contribution de l'évolution spontanée

0,2

0

0

0,1

0,3

Contribution des mesures nouvelles yc réforme TP

1,7

0

0

-1,7

0,1

Contribution des changements de périmètre

0

0

0

0

Ecart

Taux de PO

0,3

0

0,8

0

1,2

Evolution du taux de prélèvements obligatoires

0

0

0,4

-0,1

0,4

Contribution de l'évolution spontanée

-0,1

0

0,4

0,1

0,3

Contribution des mesures nouvelles yc réforme TP

0,1

0

0

-0,1

0

Contribution des changements de périmètre

0

0

0

0

ODAC : organismes divers d'administration centrale. ASSO : administrations de sécurité sociale. APUL : administrations publiques locales. APU : administrations publiques.

(*) Le montant des APU intègre les prélèvements obligatoires perçus par les institutions de l'Union européenne.

Sources : rapports sur les prélèvements obligatoires et leur évolution associés aux projets de lois de finances pour 2010 et 2011, calculs de la commission des finances

En fait, les recettes des administrations de sécurité sociale devraient évoluer « normalement » en 2010, c'est-à-dire à peu près à la même vitesse que le PIB, alors que le programme de stabilité anticipait un dynamisme particulièrement faible.

2. Une « rigueur » tardive mais incontestable, après les effets d'annonce du programme de stabilité et du débat d'orientation des finances publiques

Le déficit de 2010 étant désormais prévu à 7,7 points de PIB (et non 8 points de PIB comme lors du débat d'orientation des finances publiques et 8,2 points de PIB selon le programme de stabilité 2010-2013), l'effort à réaliser en 2011 n'est plus de l'ordre de 105 ou 100 milliards d'euros, mais de 95 milliards d'euros.

La décomposition de l'effort a considérablement varié depuis le débat d'orientation des finances publiques, comme le montre le tableau ci-après.

L'évolution du solde public : une décomposition indicative de la programmation du Gouvernement

(en milliards d'euros)

Programme de stabilité 2010-2013

PLF 2011

Ecart

2011

2011-
2013

2011

2011-2013

2011

2011-
2013

Evolution spontanée du solde

25

45

10

30

-15

-15

Evolution spontanée des recettes

10

25

2

17

-8

-8

Diminution du ratio dépenses/PIB lié à une croissance du PIB supérieure à 2 % si les dépenses augmentaient de 2 % par an

5

15

0

10

-5

-5

Fin du volet « dépenses » du plan de relance

5

5

5

5

0

0

Contrecoup de mesures antérieures (dont suppression de la TP)

10

10

7

7

-3

-3

Augmentation du ratio dépenses/PIB structurel si les dépenses continuaient d'augmenter de 2,4 % par an

-4

-10

-4

-10

0

0

Evolution du solde provenant de l'action du Gouvernement

20

60

25

65

5

5

Economies sur les dépenses de l'Etat

5

20

5

20

0

0

Economies sur les dépenses sociales

5

25

10

25

5

0

Mesures nouvelles sur les PO (hors « coups partis »)

3,5*

7,5*

10

16

6,5

8,5

Réduction du déficit des collectivités territoriales

2

8

-2

4

-4

-4

Total

45

105

35

95

-10

-10

En points de PIB

2,2

5,2

1,7

4,7

-0,5

-0,5

* Dont la compensation alors prévue de la censure de la taxe carbone, évaluée ici à 1,5 milliard d'euros. Cette compensation devait entrer en vigueur au 1 er juillet 2010, mais on suppose ici, par convention, qu'elle fait sentir la totalité de son impact en 2011.

NB : certains montants sont indicatifs, toutes les hypothèses du Gouvernement n'étant pas explicitées.

Source : calculs de la commission des finances

Le Gouvernement annonce en effet aujourd'hui des réductions de « niches » nettement supérieures à ce qui était prévu par le programme de stabilité, comme le montre l'encadré ci-après.

L'augmentation discrète du montant global des augmentations de prélèvements obligatoires prévues d'ici 2013

Le programme de stabilité 2010-2013 prévoyait de réduire les niches de 2 milliards d'euros par an pendant 3 ans, soit 6 milliards d'euros en régime de croisière. A cela devait s'ajouter la compensation de la censure de la taxe carbone par le Conseil constitutionnel à compter du 1 er juillet 2010. Comme la taxe carbone aurait dû rapporter 1,5 milliard d'euros, on peut considérer que cette mesure aurait eu un impact analogue (concentré sur l'année 2011 si, comme cela était probable, cette mesure n'avait pu être adoptée avant la loi de finances pour 2011).

Les déclarations du Gouvernement sont ensuite devenues évolutives et difficilement compréhensibles. Le Premier ministre a indiqué le 25 juin 2010 que le montant des réductions de niches pourrait aller jusqu'à 8,5 milliards d'euros à l'horizon 2013. Le rapport du Gouvernement déposé en vue du DOFP pour 2011, transmis à votre commission des finances début juillet, évoquait en matière de réduction de niches le chiffre d'« au moins 8,5 milliards d'euros », mais sans indiquer s'il s'entendait à l'horizon 2011, 2012 ou 2013, la déclaration précitée incitant à privilégier cette dernière interprétation. Lors du DOFP à l'Assemblée nationale puis au Sénat les 7 et 8 juillet 2010, le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État a évoqué en séance publique « un objectif de 8,5 milliards à 10 milliards d'euros de réduction des niches pour 2011 et 2012 », sans préciser comment la répartition de l'effort se ferait entre ces deux années, et si l'effort se poursuivrait en 2013. Ces différentes déclarations avaient pour point commun de ne jamais évoquer d'effort supérieur à 8,5-10 milliards d'euros à l'horizon 2013.

Le Gouvernement prévoit désormais explicitement d'alourdir les prélèvements obligatoires de 10,9 milliards d'euros dès 2011, dont 9,4 milliards d'euros de suppressions de niches. Le présent projet de loi de programmation des finances publiques indique quant à lui que les mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires seraient d'au moins 10 milliards d'euros en 2011 et 3 milliards d'euros chacune des années 2012 à 2014, soit 19 milliards d'euros au total et 16 milliards d'euros de 2011 à 2013 (sans que soit indiqué ce qui dans ce total concerne les réductions de niches).

Les programmations successives des mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires : une tentative de reconstitution

(en milliards d'euros)

2011

2012

2013

2014

2011-2013

Programme de stabilité 2010-2013

13,5

2

2

17,5

dont niches

2

2

2

6

dont compensation de la suppression de la taxe carbone

1,5 (1)

1,5

dont mesures antérieures

10 (2)

10

Débat d'orientation des finances publiques pour 2011

?

?

?

18,5 ?

dont niches

?

?

?

8,5 ? (3)

dont mesures antérieures

10 (2)

10

Programmation actualisée du Gouvernement

17,7 (4)

3 (5)

3 (5)

3 (5)

23,7

dont PLF 2011 et PLFSS 2011

10,9 (4)

2,7 (4)

dont niches

9,4 (4)

2,1 (4)

dont mesures antérieures au 1er juillet 2010

6,8 (4)

Présent projet de loi (mesures post-1 er juillet 2010)

10

3

3

3

16

(1) Cette compensation devait entrer en vigueur au 1 er juillet 2010, mais on suppose ici, par convention, qu'elle fait sentir la totalité de son impact en 2011. (2) D'après le rapport sur les prélèvements obligatoires et leur évolution annexé au PLF 2010. (3) Le Premier ministre a indiqué le 25 juin 2010 que le montant des réductions de niches pourrait aller jusqu'à 8,5 milliards d'euros à l'horizon 2013. Le rapport du Gouvernement déposé en vue du DOFP pour 2011 évoquait en matière de réduction de niches le chiffre d'« au moins 8,5 milliards d'euros », sans indiquer à quel horizon. (4) Rapport sur les prélèvements obligatoires et leur évolution annexé au PLF 2011. (5) Par convention, montants du présent projet de loi.

Source : commission des finances

Au total, les mesures nouvelles résultant de dispositions postérieures au premier semestre 2010 sont accrues de 8,5 milliards d'euros par rapport au programme de stabilité 2010-2013 et de 7,5 milliards d'euros par rapport à une lecture stricte du rapport du Gouvernement déposé en vue du DOFP pour 2011. Cependant, comme les mesures nouvelles pour 2010 résultant de mesures antérieures ont été revues à la baisse pour environ 3 milliards d'euros, alors que le présent projet de loi prévoit paradoxalement des mesures nouvelles en 2011 inférieures de 0,9 milliard d'euros à ce qui résulte des PLF et PLFSS pour 2010, au total le présent projet de loi prévoit des mesures nouvelles totales d'ici 2013 supérieures d'environ 6 ou 5 milliards d'euros par rapport, respectivement, au programme de stabilité et au DOFP.

Les mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires prévues par le présent projet de loi : évolution par rapport aux annonces antérieures

(en milliards d'euros)

Mesures nouvelles prévues post juillet 2010

Total des mesures nouvelles

Evolution par rapport au programme de stabilité 2010-2013

8,5

6,2

Evolution par rapport au DOFP

7,5

5,2

Source : commission des finances, d'après le tableau ci-avant

Cette révision à la baisse des mesures nouvelles en 2011 provenant de mesures antérieures aux PLF et PLFSS 2011 s'explique notamment par celle de l'impact de la suppression de la taxe professionnelle. Le coût en régime de croisière a été revu à la hausse (5,2 milliards d'euros contre une prévision initiale de 3,2 milliards d'euros), le coût légèrement inférieur aux prévisions en 2010 devant s'accompagner d'un « contrecoup » nettement inférieur en 2011.

La révision de l'impact de la suppression de la taxe professionnelle

(en mesures nouvelles
et en milliards d'euros)

2010

2011

Cumul

Ecart pour les mesures nouvelles de 2011

Rapport PO 2010

-11,7

8,5

-3,2

Rapport PO 2011

-9,6

4,4

-5,2

-4,1

Etat

24,3

-23,4

0,9

Administrations publiques locales

-33,9

27,8

-6,1

Source : rapports du Gouvernement sur les prélèvements obligatoires et leur évolution, calculs de la commission des finances

Les mesures sur les recettes prévues par le Gouvernement sont indiquées par le tableau ci-après.

Suppressions/réductions de dépenses fiscales et niches sociales, et recettes nouvelles

(en millions d'euros)

Mesures nouvelles 2011

Mesures nouvelles 2012

2012

Ménages

Entr.

Total

Ménages

Entr.

Total

Ménages

Entr.

Total

Réforme des retraites

825

2200

3025

190

100

290

1015

2300

3315

Suppression du crédit d'impôt sur les dividendes

645

645

0

0

0

645

645

Imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières au premier euro

0

0

180

0

180

180

180

Hausse des contributions sur les stock-options

70

70

10

0

10

80

80

Suppression de l'abattement et instauration d'une contribution sur les retraites-chapeaux

110

110

0

0

0

110

110

Annualisation des allègements généraux de cotisations sociales

2 000

2000

0

100

100

2 100

2100

Suppression du plafonnement de la quote-part pour frais et charges sur les dividendes

200

200

0

0

0

200

200

Financement de la dette sociale

1 600

2 150

3 750

-200

0

-200

1 400

2 150

3 550

Imposition aux contributions sociales des compartiments euros des contrats d'assurance-vie multisupports au fil de l'eau

1 600

1 600

-200

0

-200

1 400

1 400

Imposition à la TSCA à taux réduit des contrats d'assurance maladie solidaires et responsables

1 100

1100

0

0

0

1 100

1100

Taxation des sommes placées dans la réserve de capitalisation par les sociétés d'assurance

1 050

1050

0

0

0

1 050

1050

Autres mesures « niches » PLFSS

25

420

445

0

0

0

25

420

445

Hausse du forfait social

350

350

0

0

0

350

350

Assujettissement aux cotisations sociales des rémunérations versées par des tiers

70

70

0

0

0

70

70

Limitation du champ de la déduction de 3 % de CSG pour frais professionnels

25

25

0

0

0

25

25

Autres mesures « niches » PLF

1130

1090

2220

1795

170

1965

2925

1260

4185

Réduction de 10 % d'un ensemble de crédits et réductions d'impôt sur le revenu

0

0

430

0

430

430

430

Suppression du taux réduit de TVA sur les offres composites « triple play »

550

550

1100

0

0

0

550

550

1100

Aménagement des dispositifs d'aide à l'investissement dans des équipements photovoltaïques

150

150

700

0

700

850

850

Recentrage des dispositifs d'aide à l'investissement dans les PME

30

30

50

0

50

80

80

Révision des modalités déclaratives en cas de mariage, divorce, PACS

0

0

500

0

500

500

500

Application de la taxe sur le véhicule de tourisme de société aux véhicules immatriculés N1

40

40

0

0

0

40

40

Suppressions ou réduction d'exonérations de cotisations employeurs (dont plateaux repas, ZRR OIG, JEI, emplois à domicile des publics non fragiles, etc.)

400

500

900

115

170

285

515

670

1185

Autres mesures

495

950

1445

610

50

660

1105

1000

2105

Contribution sur les hauts revenus et les revenus du capital

495

495

10

0

10

505

505

Augmentation du taux de cotisation ATMP

450

450

0

0

0

450

450

Taxe sur les banques

500

500

0

50

50

550

550

Réforme de l'accession à la propriété

0

600

0

600

600

600

Total niches fiscales et sociales

3 580

5 860

9 440

1 785

270

2 055

5 365

6 130

11 495

Total recettes nouvelles

4 075

6 810

10 885

2 395

320

2 715

6 470

7 130

13 600

En %

37 %

63 %

48 %

52 %

Source : d'après le dossier de presse du projet de loi de finances pour 2010

3. Une trajectoire de solde volontariste

Votre commission des finances évaluait lors du débat d'orientation des finances publiques à une cinquantaine de milliards d'euros l'effort supplémentaire d'ici 2013 pour ramener à cette échéance le déficit public à 3 points de PIB.

Son analyse, qui conduisait à un déficit public de près de 5,5 points de PIB en 2013, reposait sur des hypothèses de croissance du PIB (2 % par an au lieu de 2,5 %) et de croissance des dépenses (de l'ordre de 1,3 % par an en volume au lieu de 0,6 %) moins favorables que celles du Gouvernement : dans le cas de la croissance du PIB, elle supposait que la croissance était égale à son taux structurel et dans celui de la croissance des dépenses publiques elle ne prenait en compte que les mesures réellement « documentées » par le Gouvernement. Votre rapporteur général ne reviendra pas ici sur l'analyse détaillée de la dynamique des différentes dépenses publiques, qui l'a conduit à estimer l'évolution probable des dépenses publiques à environ 1,3 % en volume, à défaut de mesures supplémentaires.

Ce chiffre doit désormais être revu à la baisse d'un montant compris entre 5 et 10 milliards d'euros :

- le déficit 2010 devrait être de 7,7 points de PIB, et non 8 points de PIB (soit un écart de l'ordre de 6 milliards d'euros) ;

- alors que le Gouvernement n'annonçait explicitement que 8,5 milliards d'euros de réductions de niches en 2011-2013, les mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires sont désormais évaluées à 16 milliards d'euros sur la période, ce qui correspond à une augmentation de 7,5 milliards d'euros ;

- le présent projet de loi prévoit une programmation de l'ONDAM de facto plus stricte que celle du débat d'orientation des finances publiques, ce qui pourrait réduire le déficit de 2 milliards d'euros supplémentaires en 2013 ;

- en sens inverse, selon le consensus des conjoncturistes la croissance du PIB serait de 1,5 % en 2011 (et non 2 % comme supposé par votre commission des finances), ce qui aggraverait le déficit d'environ 5  milliards d'euros ;

- par ailleurs, les mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires relatives à l'année 2011 et résultant de dispositions antérieures au 1 er juillet 2010 ont été revues à la baisse de 3 milliards d'euros (passant de 10 à 7 milliards d'euros).

a) Un déficit de 4 ou 5 points de PIB en 2013, selon que les normes de dépenses et de mesures nouvelles du présent projet de loi sont plus ou moins respectées ?

Selon les calculs de votre commission des finances, si l'on retient le scénario d'une croissance du PIB de 2 % de 2011 à 2014, le déficit en 2013 est :

- de 4,3 % si les dépenses évoluent conformément aux prévisions du Gouvernement, mais en retenant l'hypothèse d'un déficit des administrations publiques locales de 0,5 point de PIB (scénario B) ;

- de 5 % si l'on retient le scénario de dépenses présenté par votre commission des finances à l'occasion du débat d'orientation des finances publiques (scénario C).

Différents scénarios de finances publiques

(en points de PIB)

2010

2011

2012

2013

2014

A. Présent projet de loi

Croissance du PIB

1,5

2,0

2,5

2,5

2,5

Solde des administrations publiques

-7,7

-6

-4,6

-3

-2

Etat et organismes divers d'administration centrale

-5,6

-4

-3,1

-2,1

-1,5

Administrations de sécurité sociale

-1,7

-1,5

-1,2

-0,8

-0,5

Administrations publiques locales

-0,4

-0,5

-0,3

-0,2

0

Dette

82,9

86,2

87,4

86,8

85,3

B. Scénario de la commission des finances avec respect total des normes de dépenses*

Croissance du PIB

1,5

2

2

2

2

Solde des administrations publiques

-7,7

-5,8

-5,1

-4,3

-3,5

Etat et organismes divers d'administration centrale

-5,6

-4,3

-3,7

-3,2

-2,7

Administrations de sécurité sociale

-1,7

-1,1

-0,9

-0,7

-0,5

Administrations publiques locales

-0,5

-0,5

-0,5

-0,5

-0,5

Dette

82,9

85,9

88,1

89,5

90,1

C. Scénario de la commission des finances avec respect partiel des normes de dépenses**

Croissance du PIB

1,5

2

2

2

2

Solde des administrations publiques

-7,7

-5,9

-5,4

-5,0

-4,4

Etat et organismes divers d'administration centrale

-5,6

-4,3

-3,7

-3,2

-2,7

Administrations de sécurité sociale

-1,7

-1,2

-1,2

-1,2

-1,2

Administrations publiques locales

-0,5

-0,5

-0,5

-0,5

-0,5

Dette

82,9

86,0

88,5

90,4

91,7

* Sauf pour les dépenses d'assurance chômage, du fait de la moindre croissance.

** Croissance des dépenses de l'ordre de 1,3 % par an en volume (contre 0,6 % selon le présent projet de loi et une moyenne de 2,4 % depuis le début des années 2000).

Remarques :

1. On suppose que les collectivités territoriales poursuivent un objectif de solde. Les variations selon les scénarios des taux de croissance des dépenses locales n'ont donc pas d'impact sur leur solde, les collectivités ajustant leurs recettes en conséquence.

2. Le scénario B est légèrement moins favorable que le scénario de croissance à 2 % inséré par votre commission des finances à l'article 3, calculé par variation par rapport au scénario du Gouvernement.

Sources : présent projet de loi ; calculs de la commission des finances

Le scénario B, pourtant « favorable », est préoccupant. En effet, en l'absence de mesures nouvelles sur les recettes, une croissance des dépenses publiques de l'ordre de 1,3 % et une croissance du PIB de 2 % tendent à réduire le déficit des administrations publiques d'environ 0,35 point de PIB par an. A ce rythme, le déficit ne serait ramené sous les 3 points de PIB qu'en 2018.

Le pilotage de la dépense publique pour atteindre les objectifs ambitieux que le Gouvernement s'est fixés constitue donc la clé de la réussite de l'ajustement budgétaire.

b) Le ratio dette/PIB devrait continuer d'augmenter, contrairement à ce que prévoit le Gouvernement

Ce tableau permet également de mettre en évidence l'optimisme des projections du Gouvernement en matière de dette publique, conséquence des ses hypothèses de croissance du PIB et d'évolution du solde. Dans le scénario du Gouvernement, le PIB augmente de plus de 4 % par an en valeur, ce qui, si le déficit se maintenait à 3 points de PIB, ferait à long terme se rapprocher le ratio dette/PIB d'un niveau légèrement inférieur à 75 points. Cela permet au Gouvernement d'afficher une légère diminution du ratio dette/PIB en 2013 et en 2014.

En revanche, dans les scénarios de votre commission des finances, la croissance du PIB en valeur est légèrement inférieure à 4 % par an, et le déficit toujours supérieur à 3,5 points de PIB. Le ratio dette/PIB continue donc d'augmenter. La situation n'a toutefois a priori rien de dramatique, le déficit stabilisant le ratio dette/PIB étant de 4 points de PIB avec une croissance du PIB en valeur de 4 % et une dette de 100 points de PIB (qui correspond à la limite à ne pas dépasser mais reste soutenable, dans un scénario sans forte augmentation des taux d'intérêt).

E. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES POUR SÉCURISER LE RETOUR DU DÉFICIT À 4 POINTS DE PIB EN 2013 AVEC DES HYPOTHÈSES DE CROISSANCE PRUDENTES

Il est donc nécessaire d'aller plus loin.

Dans son rapport d'information relatif au débat d'orientation des finances publiques pour 2011, votre commission des finances proposait, de manière illustrative, un ensemble de mesures concrètes susceptibles d'être mises en oeuvre pour ramener le déficit à 3 points de PIB en 2013.

Il n'est cependant pas possible, alors qu'une élection présidentielle doit avoir lieu en 2012, de décider dès à présent quels moyens seront mis en oeuvre d'ici 2013 pour réduire le déficit. Par ailleurs, ce qui compte du point de vue de la soutenabilité de la dette publique, c'est le niveau du déficit sur la durée : peut importe en réalité que le déficit soit ramené à 3 points de PIB en 2013 plutôt qu'en 2014 ou qu'en 2015, dès lors que la trajectoire est crédible.

Dans ce contexte, votre commission des finances estime que l'important est certes d'accroître l'effort structurel prévu par le présent projet de loi, mais surtout de faire en sorte que les normes de dépenses et de recettes qu'il prévoit soient effectivement respectées.

Elle a adopté à cet égard une série d'amendements, tendant en particulier à :

a) définir les normes de manière à renforcer leur portée pratique (par exemple, celle relative aux dépenses des administrations publiques, définie en % d'évolution moyenne d'ici 2014, est par nature quasi nulle, puisqu'il ne serait pas possible de savoir avant 2015 si elle a été respectée ou pas) ;

b) prévoir un examen parlementaire des programmes de stabilité préalablement à leur transmission à la Commission européenne , de manière à ce qu'il précède l'envoi des programmes de stabilité à la Commission européenne, qui aura désormais lieu en avril ;

c) mettre en oeuvre certaines des principales propositions (convergentes) de la commission des finances et du rapport Camdessus, tendant à :

- améliorer la sincérité de la programmation , par un scénario alternatif de croissance à 2 % (la proposition du groupe Camdessus de mettre en place un comité d'experts ne semblant pas réalisable, du moins dans l'immédiat), le maintien comme scénario unique de l'hypothèse « traditionnelle » de croissance de 2,5 % (jamais vérifiée sauf en 2000 et en 2004) n'étant plus possible, si l'on veut donner une certaine crédibilité à la programmation, ce qui implique de mettre fin au « double langage » ;

- permettre un véritable pilotage des finances publiques , en particulier par une meilleure information du Parlement (qui ne dispose actuellement généralement pas des données à périmètre constant relatives à l'exécution des lois de programmation et des programmes de stabilité), le débat d'orientation des finances publiques (DOFP) devenant l'occasion de faire le point sur les perspectives d'exécution de l'année en cours et sur les mesures correctrices devant, le cas échéant, être prises ;

- lutter contre les niches fiscales et sociales , en prévoyant que la règle de « durée déterminée » des niches s'applique bien à l'ensemble des niches créées ou étendues depuis l'entrée en vigueur de la première loi de programmation et donc, notamment, à l'application du taux réduit de la TVA à la restauration sur place.

Ces amendements, d'apparence technique, sont pourtant essentiels. Actuellement, le présent projet de loi ne se distingue guère des douze programmes de stabilité, des neuf programmations annexées aux projets de lois de finances et de la loi de programmation des finances publiques 2009-2012, qui, depuis la fin des années 1990, l'ont précédé, avec l'efficacité qu'on sait. En définissant les règles de manière à ce que leur mise en oeuvre puisse effectivement être vérifiée chaque année, en donnant au Parlement l'information nécessaire pour cela, en prévoyant deux grands rendez-vous au premier semestre (l'examen du projet de programme de stabilité en avril et le DOFP en juin), ces amendements tendent à mettre en place les conditions d'un véritable pilotage des finances publiques.

Les amendements adoptés par la commission des finances

Article

Objet de l'article

Amendements

Formulation de la règle de manière à renforcer sa portée pratique

Mise en oeuvre de propositions convergentes de
la commission des finances et du groupe Camdessus

Divers

Sincérité

Pilotage/
information du Parlement

1

Objet de la programmation pluriannuelle

2

Approbation du rapport annexé

Modifications de précision et de coordination du rapport annexé

3

Évolution du solde des administrations publiques et de la dette publique

Scénario alternatif avec croissance du PIB de 2 %

4

Évolution annuelle des dépenses publiques en volume

• Expression en écart cumulé par rapport à l'exécution de 2010, en milliards d'euros constants (actualisés chaque année en fonction de la prévision d'indice des prix associée au PLF), pour chaque année de la programmation (et non en % d'évolution moyen en volume sur une période)

• Remplacement, pour ce calcul , du taux de 0,8 % par le taux de 0,6 % figurant dans le rapport annexé (le taux de 0,8 % est corrigé du contrecoup du plan de relance, et ne doit donc pas être retenu)

5

Norme annuelle de progression des dépenses de l'Etat

Expression de la règle du « zéro volume » en montants en milliards d'euros constants (actualisés chaque année en fonction de la prévision d'indice des prix associé au PLF) (et non en % d'évolution des dépenses en volume par rapport à l'année précédente, qui suscite un risque de « cumul des dérapages »)

6

Programmation triennale des crédits des missions du budget général de l'Etat

7

Norme annuelle d'évolution des concours de l'État aux collectivités territoriales

Précision que la règle s'applique chaque année de 2011 à 2014

8

Norme annuelle d'évolution des dépenses de sécurité sociale

• Précision que dans le cas des régimes obligatoires de base la règle s'entend à périmètre constant

• Précision que les moyens de l'ONDAM mis en réserve ne peuvent être inférieurs à 0,3 % du montant de l'ONDAM

9

Encadrement des mesures nouvelles afférentes aux prélèvements obligatoires

Par coordination avec le PLF et le PLFSS, majoration d'1 Md € du montant des mesures nouvelles proposées (qui passeraient de 19 à 20 Mds €)

9 bis

Rétablissement de la règle de durée des nouvelles niches à 4 ans

Précision que cette règle continue de s'appliquer aux niches créées ou étendues à partir de 2009 (conformément au droit actuel)

10

Affectation des surplus des prélèvements obligatoires à la réduction du déficit public

11

Interdiction, pour les opérateurs de l'Etat, d'emprunter pour une durée supérieure à douze mois

Précision que la règle est pérenne et ne s'applique pas seulement jusqu'en 2014

12

Information du Parlement sur les dépenses fiscales et les réductions, exonérations ou abattements de cotisations et contributions sociales

Rétablissement de la disposition prévoyant un rapport sur les niches au 30 juin 2011 (art. 11 LPFP 2009-2012), que le PJL propose de « reléguer » dans le rapport annexé

12 bis

Dépôt d'un projet de loi de programmation des finances publiques avant le 1er juin 2011

Envoi par le Gouvernement au Parlement des projets de programmes de stabilité, au moins deux semaines avant leur transmission à la Commission européenne, pour que celui-ci se prononce par un vote

13

Bilan de la mise en oeuvre de la programmation

• Fongibilité possible entre recettes et dépenses en exécution (comme le proposent la commission des finances et le rapport Camdessus)

• Précision du contenu des informations que le Gouvernement doit transmettre au Parlement avant le débat d'orientation des finances publiques.

14

Abrogation de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012

Source : commission des finances

Si l'on suppose que ces amendements permettent de faire en sorte que les objectifs d'effort structurel (c'est-à-dire d'évolution des dépenses et de mesures nouvelles en recettes) sont effectivement respectés, le déficit pourrait s'en trouver réduit en 2013 de l'ordre de 15 milliards d'euros par rapport au scénario C, le plus défavorable (celui dans lequel la croissance est inférieure aux prévisions du Gouvernement et les dépenses augmentent plus qu'il ne l'envisage).

Par ailleurs, la modification de l'article 9 par l'Assemblée nationale de manière à prévoir un gel des niches fiscales et sociales en valeur pourrait conduire à accroître le montant des mesures nouvelles nécessaires d'ici 2014. Celles-ci passeraient de 20 milliards d'euros (19 milliards selon le texte initial), toutes mesures nouvelles confondues, selon le texte adopté par votre commission, à un montant qui, si l'on retient l'hypothèse d'une croissance annuelle du PIB de 4 % en valeur (inférieure à celle du Gouvernement, de 4,25 %), pourrait atteindre 25 milliards d'euros, pour les seules réductions nettes de niches.

L'ensemble de ces mesures permettraient de ramener le déficit de 2013 à 4 points de PIB en retenant des hypothèses de croissance prudentes (l'objectif de 3 points de PIB étant atteint en 2014 ou 2015).

Les mesures proposées par la commission des finances/
résultant des modifications apportées par l'Assemblée nationale

(en milliards d'euros)

Montants

Solde public en 2013
(points de PIB)

Mesures manquant pour atteindre un déficit de 3 points de PIB en 2013 (scénario C*)

40

-5,0

Amendements de la commission des finances au présent projet de loi relatifs aux dépenses et au dispositif de pilotage (dont on suppose qu'ils permettent la réalisation du scénario B**)

15

+0,7

Gel des niches fiscales et sociales résultant du texte de l'Assemblée nationale (article 9)

5

+0,3

Mesures manquant après propositions de la commission des finances et gel des niches fiscales et sociales par l'Assemblée nationale

20

=-4,0

* Scénario de la commission des finances avec respect partiel des normes de dépenses (croissance des dépenses de l'ordre de 1,3 % par an en volume)

** Scénario de la commission des finances avec respect total des normes de dépenses (croissance des dépenses de l'ordre de 0,6 % par an en volume).

Hypothèses de croissance du PIB des scénarios A et B : 1,5 % en 2011 et 2 % ensuite.

Source : commission des finances

IV. QUELLE ÉVOLUTION DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES ?

A. UNE RÉPARTITION ENTRE LOI DE FINANCES ET LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE QUI FRACTIONNE LES DÉBATS ET COMPARTIMENTE LES ENJEUX

Dans leur note du 17 mai 2010 à M. Michel Camdessus, le président et le rapporteur général de votre commission des finances préconisent la fusion des parties « recettes » des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale. Le rapport du « groupe Camdessus » envisage quant à lui le « regroupement partiel ou total des dispositions » de ces deux textes.

1. Les prélèvements obligatoires des administrations de sécurité sociale sont presque deux fois supérieurs à ceux de l'Etat

Les administrations de la sécurité sociale représentent plus de la moitié des prélèvements obligatoires, comme le montre le graphique ci-après.

Les prélèvements obligatoires perçus par les différentes catégories d'administrations publiques (2009)

(en milliards d'euros)

Total : 793,0 milliards d'euros.

Source : Insee

Certes, les administrations de sécurité sociale ne sont que partiellement prises en compte par la loi de financement de la sécurité sociale. En effet, alors qu'en 2009 leurs recettes totales ont été de 470,1 milliards d'euros (au sens de la comptabilité nationale), celles des régimes obligatoires de base (au sens de la comptabilité publique) ont été de « seulement » 405,6 milliards d'euros. L'écart provient, outre des différences entre les concepts utilisés (comptabilité nationale ou comptabilité publique), de l'assurance chômage (recettes de 30,4 milliards d'euros en 2009) et des régimes complémentaires, qui sont des administrations de sécurité sociale n'entrant pas dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale.

Les recettes des régimes obligatoires de base (405,6 milliards d'euros en 2009) n'en sont pas moins nettement supérieures à celles de l'Etat (233,7 milliards d'euros en 2009, année marquée par la crise, et une prévision de 273,3 milliards d'euros en 2010).

2. Des mesures nouvelles pour 2011 artificiellement éclatées entre projet de loi de finances et projet de loi de financement de la sécurité sociale

Le présent projet de loi prévoit, on l'a vu, des mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires de 10 milliards d'euros en 2011 et 3 milliards d'euros en 2012. En réalité, comme cela a été indiqué, les mesures résultant des projet de loi de finances et projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 sont de 10,9 milliards d'euros en 2011 et 2,6 milliards d'euros en 2012, soit 13,5 milliards d'euros au total.

Ces 13,5 milliards d'euros se répartissent entre respectivement 10,4 et 2,7 milliards d'euros entre ces deux textes (auxquels il faut ajouter 0,4 milliard d'euros de hausse réglementaire des cotisations ATMP), comme le montre le tableau ci-après.

La répartition des mesures nouvelles entre projet de loi de finances et projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011

(en milliards d'euros)

2011

2012

Cumul

Total

PLF

PLFSS

Domaine réglementaire

Sous total réforme des retraites

3

0,2

3,2

1

2,2

Mesures portant sur les stock-options et les retraites chapeau

0,2

0

0,2

0,2

Imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières au 1er euro

0

0,2

0,2

0,2

Annualisation des allégements généraux de cotisations sociales

2

0

2

2

Suppression du crédit d'impôt sur les dividendes

0,6

0

0,6

0,6

Suppression du plafonnement de la quote-part pour frais et charges sur les dividendes

0,2

0

0,2

0,2

Sous total financement de la dette sociale

3,8

-0,2

3,6

3,6

0

Taxation des sommes placées dans la réserve de capitalisation par les sociétés d'assurance*

1,1

0

1,1

1,1

Imposition aux contributions sociales des compartiments euros des contrats d'assurance vie multisupport au fil de l'eau

1,6

-0,2

1,4

1,4

Imposition à la TSCA à taux réduit des contrats d'assurance maladie solidaires et responsables

1,1

0

1,1

1,1

Sous total autres mesures niches PLF 2011

2,2

2

4,2

4,1

0

Suppression du taux réduit de TVA sur les offres composites triple play

1,1

0

1,1

1,1

Aménagement des dispositifs d'aide à l'investissement dans des équipements photovoltaïques

0

0,7

0,8

0,8

Révision des modalités de déclarations de revenus (mariage, PACS, divorce)

0

0,5

0,5

0,5

Recentrage des dispositifs d'aide à l'investissement dans les PME

0

0,1

0,1

0,1

Application de la taxe sur le véhicule de tourisme de société aux véhicules immatriculés N1

0,9

0

0

0

Suppression ou réduction d'exonérations de cotisations employeurs

0

0,3

1,2

1,2

Réductions de 10 % d'un ensemble de crédits et réductions d'impôt sur le revenu

0

0,4

0,4

0,4

Sous total autres mesures niches PLFSS 2011

0,4

0

0,4

0

0,5

Hausse du forfait social

0,4

0

0,4

0,4

Limitation du champ de la déduction de 3 % de CSG pour frais professionnels

0

0

0

0

Assujettissement aux cotisations sociales des rémunérations versées par des tiers

0,1

0

0,1

0,1

TOTAL NICHES FISCALES ET SOCIALES

9,4

2

11,4

8,7

2,7

Contribution supplémentaire de 1 % sur les hauts revenus et sur les revenus du capital**

0,5

0

0,5

0,5

Hausse du taux de cotisations ATMP**

0,4

0

0,4

0,4

Taxe systémique sur les banques

0,5

0,1

0,6

0,6

Réforme de l'accession à la propriété

0

0,6

0,6

0,6

TOTAL RECETTES NOUVELLES

10,9

2,6

13,5

10,4

2,7

0,4

(*) La mesure comporte deux volets : taxation du stock des sommes mise en réserve (affectée à la CADES) et taxation des flux futurs (affectés au budget général).

(**) Affectée au financement de la réforme des retraites.

Sources : rapport du Gouvernement sur les prélèvements obligatoires et leur évolution, commission des finances

Sur les 3,7 milliards d'euros de recettes supplémentaires (hors hausse du taux de cotisations ATMP) destinés à financer la réforme des retraites, 1,5 milliard d'euros (1 milliard d'euros de réductions de niches et 0,5 milliard d'euros pour la contribution supplémentaire de 1 % sur les hauts revenus et sur les revenus du capital) proviennent du projet de loi de finances pour 2011 et 2,2 milliards d'euros du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

Cet éclatement complexifie bien entendu la discussion du volet financier de la réforme des retraites.

L'examen du volet financier de la réforme du financement de la dette sociale peut paraître ne pas poser de problème dans la mesure où ce volet a été intégralement inscrit dans le projet de loi de finances pour 2011. Or dès lors que le choix des mesures destinées au refinancement de la dette sociale ou le principe de l'affectation de ces dernières à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) commence à être remis en cause, les conséquences doivent en être tirées aussi bien dans le PLF que dans le PLFSS, suscitant d'ailleurs l'inscription dans l'un de ces textes de dispositions qui auraient eu vocation à relever de l'autre.

Ainsi, l'Assemblée nationale a choisi, dans le cadre de son examen des articles 7, 8 et 9 du projet de loi de finances, d'affecter le panier de recettes initialement affecté à la CADES à la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF), et par conséquent, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, de proposer, via sa commission des finances, l'affectation à la CADES d'une fraction de la CSG actuellement versée à la CNAF, choix que le Sénat devra apprécier.

Il en résulte un brouillage des domaines respectifs des deux lois financières.

B. FAUT-IL S'INQUIÉTER DE LA HAUSSE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES ?

1. Une augmentation qui pourrait être moindre que ce que prévoit le Gouvernement

Selon le Gouvernement, le taux de prélèvements obligatoires, de 41,6 points de PIB, retrouverait en 2014 son niveau de 2006, soit 43,9 points de PIB. L'augmentation serait de 2,3 points de PIB.

Le taux de prélèvements obligatoires, selon le scénario du Gouvernement

(en points de PIB)

Sources : Insee, rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2011, présent projet de loi, calculs de la commission des finances

Cette augmentation se décomposerait entre, d'une part, l'augmentation spontanée du taux de prélèvements obligatoires, de près d'1 point de PIB, et les mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires, de l'ordre de 1,4 point de PIB.

Ce scénario suscite toutefois certaines interrogations. En effet, il repose sur des hypothèses de forte croissance du PIB (2,5 % en volume) et d'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB supérieure à l'unité, cette dernière expliquant que le taux de prélèvements obligatoires tende spontanément à augmenter.

Cependant, si l'on retient, comme la commission des finances, une élasticité des prélèvements obligatoires au PIB égale à l'unité, correspondant à sa tendance de long terme et à celui habituellement observé avec une croissance de 2 %, le taux de prélèvements obligatoires tend à rester stable. Celui-ci n'augmente plus que du montant des mesures nouvelles, et passe alors de 41,9 % en 2010 à 43,2 points de PIB en 2014.

Le taux de prélèvements obligatoires : comparaison du scénario du Gouvernement et de celui de la commission des finances

(en points de PIB)

Sources : Insee, rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2011, présent projet de loi, calculs de la commission des finances

2. Des mesures nouvelles rendues nécessaires par la crise

L'évolution discrétionnaire du taux de prélèvements obligatoires au cours de la décennie écoulée conduit à distinguer trois phases, comme le montre le graphique ci-après.

Cumul des mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires depuis 1999* : quelques ordres de grandeur indicatifs

(en points de PIB)

* Le montant des mesures nouvelles n'est pas disponible avant 1999.

NB : ce graphique additionne les estimations de coût des mesures nouvelles figurant dans différents documents budgétaires. Il doit être considéré comme indiquant de simples ordres de grandeur.

Sources : rapports économiques, sociaux et financiers associés aux projets de lois de finances pour 2004, 2005 et 2006 ; rapports sur les prélèvements obligatoires et leur évolution associés aux projets de lois de finances pour 2007, 2008, 2009, 2010, 2011 ; présent projet de loi

Dans un premier temps, la majorité issue des élections de 1997 a considérablement réduit les prélèvements obligatoires. Les données ne sont pas disponibles avant 1999 mais sur la seule période 1999-2002 les allégements ont été de l'ordre de 2,5 points de PIB.

Dans un deuxième temps, la majorité issue des élections de 2002 a pris des mesures nouvelles qui se sont globalement révélées à peu près neutres. Le Président Nicolas Sarkozy a alors mené une politique résolue de baisse des prélèvements obligatoires, pour plus d'un point de PIB.

Contrairement à ce qui était le cas en 1997, cette politique se justifiait, dès lors que l'on réduisait parallèlement le ratio dépenses publiques/PIB. Cependant, la crise économique a vraisemblablement réduit le PIB structurel de plusieurs points. Si l'on suppose que cette réduction est de 5 points, le ratio dépenses/PIB, et donc le déficit structurel, s'en trouve mécaniquement accru de 2,5 points. Toutes choses égales par ailleurs, il est donc nécessaire de réduire le déficit structurel pour un montant équivalent, par des actions sur les recettes comme sur les dépenses.

Les mesures d'augmentation des prélèvements obligatoires prévues par le présent projet de loi sont donc bien la conséquence de la crise économique. Elles sont au demeurant modestes, l'effort d'ajustement reposant aux trois quarts sur les dépenses, comme le montre le tableau ci-après.

L'effort structurel résultant de la programmation du Gouvernement

(en points de PIB)

2011

2012

2013

2014

Total

Effort structurel sur les dépenses

0,8

0,7

0,8

0,7

2,8

Mesures nouvelles sur les recettes

0,9

0,2

0,2

0,2

1,3

Effort structurel total

1,6

0,8

0,9

0,8

4,1

NB : les réductions et suppressions de niches sont ici comptabilisées en tant que mesures nouvelles sur les recettes, conformément à la comptabilité nationale.

Sources : présent projet de loi, calculs de la commission des finances

Par ailleurs, les allégements de prélèvements obligatoires ont été tels depuis la fin des années 1990 que, même après avoir pris des mesures nouvelles prévues par le présent projet de loi, on observerait toujours un allégement net de plus de 2 points de PIB depuis la fin des années 1990.

3. Des mesures qui ne remettent pas en cause la tendance à la stabilisation du taux de prélèvements obligatoires

Ainsi, les allégements de prélèvements obligatoires ont été tellement importants depuis la fin des années 1990 que le taux de prélèvements obligatoires demeurerait stable par rapport au niveau alors atteint, comme le montre le graphique ci-après.

Le taux de prélèvements obligatoires depuis 1980

(en points de PIB)

Sources : Insee, rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2011, présent projet de loi, calculs de la commission des finances

Les mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires prévues par le présent projet de loi ne permettraient pas, en particulier, au taux de prélèvements obligatoires de repasser au dessus de son niveau de 1999, son maximum historique, à 44,9 %.

En tout état de cause, les efforts supplémentaires en recettes qui pourraient s'avérer nécessaires pour réduire le solde structurel devront être considérés à l'aune de la compétitivité de notre pays. En effet, le taux de prélèvements obligatoires de la France est déjà particulièrement élevé, comme le montre le graphique ci-après.

Le taux de prélèvements obligatoires des principaux membres de l'OCDE

(en points de PIB)

Source : OCDE

EXAMEN DES ARTICLES

ARTICLE PREMIER - Objet de la programmation pluriannuelle

Commentaire : le présent article précise que les articles 2 à 10 appliquent l'avant-dernier alinéa de l'article 34 de la Constitution.

I. UN ARTICLE QUASIMENT IDENTIQUE À L'ARTICLE PREMIER DE LA LOI DE PROGRAMMATION ACTUELLE

Le présent article prévoit que « les articles 2 à 10 de la présente loi fixent, en application de l'avant-dernier alinéa de l'article 34 de la Constitution, les objectifs de la programmation pluriannuelle des finances publiques pour les années 2011 à 2014 ».

A quelques détails formels près, la rédaction est identique à celle de l'article 1 er de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.

On rappelle que l'avant-dernier alinéa de l'article 34 de la Constitution dispose, depuis la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 que : « Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques ».

Les articles 11, relatif à l'endettement des opérateurs de l'Etat, ainsi que les articles 12 et 13, relatifs à l'information du Parlement, ne définissent pas de telles orientations. Ils ne mettent donc pas en oeuvre l'avant-dernier alinéa de l'article 34 de la Constitution. Une remarque analogue pouvait être faite au sujet des articles 12 et 13 de la loi de programmation précitée.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article n'a pas de portée juridique. Les lois ne sont en effet pas des textes réglementaires, en préambule desquels il est nécessaire d'indiquer à quels textes législatifs ils se rattachent.

En particulier, le présent article n'a pas pour conséquence de priver les articles 2 à 10 du présent projet de loi de portée normative. Ainsi, dans le cas de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, le fascicule « Voies et moyens » annexé au projet de loi de finances pour 2010 considérait que la « TVA restauration » était bornée dans le temps à quatre année, conformément à la règle prévue par l'article 11 de la loi précitée, entrant pourtant dans le champ des articles relevant, selon son article 1 er , de l'article 34 de la Constitution.

Dans le cas de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 précitée, votre commission des finances avait proposé d'adopter l'article correspondant sans modification. Elle a maintenu cette position, le présent article présentant notamment l'intérêt de définir la période de programmation.

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 2 - Approbation du rapport annexé

Commentaire : le présent article prévoit d'approuver le rapport annexé au présent projet de loi de programmation des finances publiques.

Le présent article prévoit qu'« est approuvé le rapport annexé à la présente loi précisant le contexte, les objectifs et les conditions de réalisation de la programmation des finances publiques pour la période mentionnée à l'article 1 er ».

Le point de vue de votre commission des finances sur le contenu de ce rapport a été présenté en détails dans l'exposé général du présent rapport.

Comme cela a été souligné ci-avant, l'analyse de votre commission des finances s'écarte de celle du Gouvernement sur des points importants, en particulier les perspectives de croissance, d'évolution des dépenses d'assurance chômage et des perspectives de retour des administrations publiques locales à l'équilibre en 2014.

La commission a adopté deux amendements tendant à :

- supprimer l'allusion à « l'absence de réforme de grande ampleur de la fiscalité programmée à ce jour » ;

- à insérer la référence à la « LPFP 2009-2012 » (et non 2009-2011).

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

CHAPITRE 1ER - LES OBJECTIFS GÉNÉRAUX DES FINANCES PUBLIQUES

ARTICLE 3 - Évolution du solde des administrations publiques et de la dette publique

Commentaire : le présent article donne un statut législatif aux objectifs de solde et de dette des administrations publiques pour la période 2011-2014.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LES PROGRAMMATIONS DES FINANCES PUBLIQUES EXISTANT ACTUELLEMENT

Il existe d'ores et déjà de nombreuses programmations des finances publiques qui, comme le présent projet de loi, n'ont qu'un rôle indicatif :

- les programmes de stabilité ;

- les programmations pluriannuelles annexées aux projets de loi de finances ;

- les lois de programmation des finances publiques.

Ces différents documents ont été présentés ci-avant dans l'exposé général.

B. DES PROGRAMMATIONS JAMAIS RESPECTÉES

L'évolution du solde public a été jusqu'à présent largement indépendante des programmations, qui se sont jusqu'à présent contentées de décaler, chaque année ou presque, l'objectif de retour à l'équilibre, comme cela a été indiqué dans l'exposé général.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article actualise la trajectoire de finances publiques prévue par l'article 2 de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.

On rappelle que la loi de programmation actuelle, dont la trajectoire de solde était manifestement caduque lors de son adoption définitive en février 2009, prévoit un déficit de 3,1 % en 2010, 2,3 % en 2011 et 1,5 % en 2012.

Les lois de programmation des finances publiques, de projet de loi à projet de loi : programmation du solde public

(en points de PIB)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Hypothèse de croissance pour 2009

Loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012

Texte initial

-2,7

-2,7

-2

-1,2

-0,5

de 1 % à 1½ %

Texte AN

-2,7

-2,7

-2

-1,2

-0,5

de 1 % à 1½ %

Texte Sénat

-2,9

-3,1

-2,7

-1,9

-1,2

de 0,2 % à 0,5 %

Texte promulgué

-3,2

-4,4

-3,1

-2,3

-1,5

de  0,2 % à 0,5 %

Présent projet de loi

-7,7

-6

-4,6

-3

-2

-

Source : textes mentionnés

Plus précisément, le présent article prévoit :

« La programmation du solde des administrations publiques et de la dette publique s'inscrit dans le cadre des engagements européens de la France. Dans le contexte macroéconomique décrit dans le rapport annexé mentionné à l'article 2, elle s'établit » conformément au tableau ci-après.

La trajectoire de finances publiques prévue par le présent article

(en points de PIB)

2010

2011

2012

2013

2014

Administrations publiques

-7,7

-6

-4,6

-3

-2

Etat et organismes divers d'administration centrale

-5,6

-4

-3,1

-2,1

-1,5

Administrations publiques locales

-0,4

-0,5

-0,3

-0,2

0

Administrations de sécurité sociale

-1,7

-1,5

-1,2

-0,8

-0,5

Dette des administrations publiques

82,9

86,2

87,4

86,8

85,3

La formule « dans le contexte macroéconomique décrit dans le rapport annexé mentionné à l'article 2 » signifie que les véritables engagements du Gouvernement concernent les dépenses et les mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires, et non le solde en lui-même. Votre commission des finances ne peut qu'approuver cette précision, conforme à ses positions déjà exprimées et notamment à la précision analogue, insérée à son initiative, figurant dans la loi de programmation des finances publiques 2009-2012.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Dans sa rédaction initiale, le présent article ne ventilait pas le solde public entre les différentes catégories d'administrations publiques (Etat, organismes divers d'administration centrale, administrations de sécurité sociale, administrations publiques locales).

Cette ventilation résulte en effet d'une modification apportée par la commission des finances de l'Assemblée nationale, à l'initiative de son président Jérôme Cahuzac.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. LA VENTILATION PAR CATÉGORIES D'ADMINISTRATIONS PUBLIQUES INSÉRÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE PEUT ÊTRE MAINTENUE

La rédaction adoptée par l'Assemblée nationale se démarque donc de la position de votre commission des finances exprimée lors de l'examen de ce qui est devenu la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.

En effet, votre commission des finances a alors présenté - sans succès, le texte initial ayant été rétabli par la commission mixte paritaire - un amendement tendant à supprimer cette ventilation, qui figurait dans le texte initial. Elle considérait en effet qu'il n'était pas opportun d'adopter un article prévoyant explicitement le retour des collectivités territoriales à l'équilibre en fin de période (soit 2012). Par ailleurs, peu importe que la répartition du solde public se décompose d'une manière ou d'une autre : du point de vue de la maîtrise de l'endettement, c'est le niveau global du déficit qui importe.

Votre commission des finances estime cependant que le contexte a changé. En effet, il est désormais clairement acquis que l'objectif de solde public n'a pas, en tant que tel, de valeur contraignante.

B. AJOUTER UN SCÉNARIO ALTERNATIF REPOSANT SUR UNE HYPOTHÈSE DE CROISSANCE DE 2 %

1. La nécessité de rompre avec l'habitude de retenir systématiquement une hypothèse de croissance de 2,5 %

Comme cela a été indiqué dans l'exposé général, une cause essentielle du non respect des programmations en ce qui concerne le solde est l'optimisme systématique de l'hypothèse de croissance du PIB.

En effet, la croissance structurelle de l'économie française est habituellement estimée à environ 2 % par an. Depuis le début des années 2000, la croissance du PIB a été de seulement 1,6 % en moyenne. Or, à quelques exceptions près, les programmes de stabilité ont reposé sur une hypothèse de croissance de 2,5 %, voire 3 % dans le cas des « scénarios hauts ». Le présent projet de loi, qui retient une hypothèse de croissance du PIB de 2,5 % en 2012-2014, ne marque hélas pas de rupture à cet égard.

La croissance du PIB : hypothèses associées aux trois années suivant celles couvertes par la LFI et exécution

(en %)

Le taux de croissance indiqué pour 2010 est celui du consensus des conjoncturistes (Consensus Forecasts, octobre 2010).

PS : programme de stabilité. H : scénario « haut ». B : scénario « bas ». LPFP : loi de programmation des finances publiques. PJL : projet de loi.

Source : commission des finances, d'après les documents indiqués

Il est certes toujours possible de discuter des hypothèses de croissance triennales dans le cas d'une programmation particulière, et de confronter, de manière assez vaine, les arguments suggérant que la croissance sera supérieure ou inférieure à 2 %. La vérité est :

- que personne n'en sait rien ;

- que si l'on retient systématiquement une hypothèse de 2,5 % on est certain sur longue période de surestimer la croissance d'environ 0,5 point par an ;

- que si l'on retient systématiquement une hypothèse de 2 % on est certain sur longue période de ne pas se tromper de beaucoup.

Dans ces conditions, si l'objectif est d'afficher une trajectoire crédible de dette et de solde publics, il n'est manifestement pas justifié de retenir une hypothèse de croissance du PIB de 2,5 % en 2012-2014, comme le fait le présent projet de loi. Une hypothèse de 2 % serait plus appropriée.

Tel est d'autant plus le cas que si le Gouvernement respecte les objectifs du présent projet de loi en matière d'évolution des dépenses publiques et de mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires, la croissance du PIB, du fait de l'effet récessif de ces mesures, pourrait s'en trouver réduite d'environ 0,5 point de PIB par an. Cela réduit encore la crédibilité d'une hypothèse de croissance du PIB de 2,5 %.

2. Un consensus sur la nécessité de retenir des hypothèses prudentes

Les travaux récents sur la règle de solde sont parvenus à un consensus sur le fait que les hypothèses économiques sur lesquelles reposent les programmations doivent être prudentes.

C'est ce que votre commission des finances appelle la « règle de sincérité ». Ainsi, dans son rapport en vue du débat d'orientation des finances publiques, elle estime qu'« on pourrait prévoir, par convention, que les programmes de stabilité sont construits en fonction du taux de croissance moyen du PIB constaté au cours des dix dernières années ou de toute autre méthode prudente résultant, par exemple, d'une concertation au sein de l'Eurogroupe ».

Le groupe de travail présidé par M. Michel Camdessus envisage quant à lui (sans être parvenu à un consensus) la mise en place d'un comité d'experts chargé de se prononcer à ce sujet. Il y voit une condition de la sincérité du débat budgétaire, et se réfère à l'article 47-2 de la Constitution, qui concerne la sincérité des comptes publics.

Par ailleurs, l'article 4 de la proposition de directive sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres rendue publique par la Commission européenne le 29 septembre 2010 prévoit : « Les États membres veillent à baser leur planification budgétaire sur des prévisions macroéconomiques et budgétaires réalistes, en utilisant les informations les plus actuelles. La planification budgétaire repose sur le scénario macrobudgétaire le plus probable ou sur un scénario plus prudent qui met en évidence, de manière détaillée, les écarts par rapport au scénario le plus probable. (...) Les prévisions macroéconomiques et budgétaires établies aux fins de la planification budgétaire incluent des scénarios macroéconomiques alternatifs permettant d'étudier la trajectoire des variables budgétaires dans différentes conditions économiques ».

Dans ces conditions, il paraît nécessaire de modifier le présent article afin d'insérer un scénario alternatif. Si l'on conserve l'optimisme du Gouvernement au sujet du solde des administrations publiques locales, on parvient au tableau ci-après.

Le scénario alternatif de finances publiques proposé par la commission des finances (croissance du PIB de 2 % par an de 2011 à 2014)

(en points de PIB)

2010

2011

2012

2013

2014

Administrations publiques

-7,7

-6,0

-5,0

-3,8

-3,0

Etat et organismes divers d'administration centrale

-5,6

-4,0

-3,2

-2,3

-1,8

Administrations publiques locales

-0,4

-0,5

-0,4

-0,4

-0,2

Administrations de sécurité sociale

-1,7

-1,5

-1,4

-1,2

-1,1

Dette des administrations publiques

82,9

86,1

87,9

88,6

88,5

Ce scénario est calculé par variation par rapport à celui du présent projet de loi, ce qui explique qu'il ne coïncide pas parfaitement avec le scénario B de la commission des finances présenté ci-avant. L'hypothèse de croissance retenue ici (2 % par an de 2011 à 2014) n'étant pas supérieure à la croissance structurelle, on suppose une stabilité des dépenses d'assurance chômage en points de PIB (contrairement à l'hypothèse du Gouvernement, retenue dans le programme de stabilité 2010-2013, d'une diminution des dépenses d'assurance chômage de 5,4 % par an en valeur).

Source : calculs de la commission des finances

Il est à noter que le programme de stabilité 2010-2013 comprend un scénario alternatif de croissance à 2,25 % (contre 2 % dans le scénario ci-avant). Le principe d'un scénario de croissance alternatif ne constituerait donc pas une innovation. Il est à noter que ce scénario parvient à des résultats analogues à ceux de celui indiqué ci-avant, qui paraît donc plutôt optimiste. L'objectif de 3 points de PIB serait atteint en 2014.

Le scénario alternatif de finances publiques figurant dans le programme de stabilité 2010-2013 (croissance du PIB de 2,25 % à partir de 2011)

(en points de PIB)

Source : programme de stabilité 2010-2013

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

CHAPITRE II - L'ÉVOLUTION DES DÉPENSES PUBLIQUES

ARTICLE 4 - Évolution annuelle des dépenses publiques en volume

Commentaire : le présent article prévoit que « l'évolution des dépenses des administrations publiques s'établit à + 0,8 % en volume en moyenne annuelle ».

I. LE DROIT EXISTANT

Il n'existe pas actuellement de texte de programmation indiquant l'objectif de croissance des dépenses sur la période 2011-20 14 .

A. LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES 2009-2012

L'article 4 de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 prévoit que « l'évolution des dépenses de l'ensemble constitué par l'Etat, les organismes divers d'administration centrale et les régimes obligatoires de base de sécurité sociale pour la période 2009 à 2012 s'établit à 1,1 % en volume en moyenne annuelle ».

Cette norme ne comprend pas l'ensemble des administrations publiques, à la suite d'un amendement de votre commission des finances, qui avait considéré qu'en l'absence de dispositif de pilotage, il était vain que le Gouvernement s'engage sur des dépenses qu'il ne contrôlait pas.

Il résulte du rapport annexé que cette norme doit être vérifiée non chaque année, mais en moyenne sur la période. En effet, l'hypothèse de croissance varie fortement d'une année à l'autre, comme le montre le graphique ci-après.

L'hypothèse de croissance des dépenses publiques retenue par le rapport annexé à la loi de programmation 2009-2012

Source : loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012

L'hypothèse de croissance des dépenses retenue pour chacune des années n'apparaît pas ailleurs que sur ce graphique, et n'est donc pas exprimée numériquement.

B. LE PROGRAMME DE STABILITÉ 2010-2013

Le programme de stabilité 2010-2013 avance le chiffre de 0,9 % en volume, mais sur la période 2010-2013.

Dans les deux cas, le fait que la norme de dépenses soit exprimée en moyenne sur la période, et non année par année, la prive de toute portée pratique. Ce n'est en effet qu'en 2013 ou 2014 que l'on saura si elle a ou non été respectée.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article, adopté sans modification par l'Assemblée nationale, prévoit que « l'évolution des dépenses des administrations publiques s'établit à + 0,8 % en volume en moyenne annuelle ».

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. DIVERS PROBLÈMES TECHNIQUES PRIVENT LE PRÉSENT ARTICLE DE TOUTE PORTÉE PRATIQUE

Le présent article est, avec l'article 9 (relatif aux mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires), le plus important du présent projet de loi. Ce sont en effet ces deux articles qui déterminent la politique de finances publiques du Gouvernement.

Or, le présent article pose d'importants problèmes qui le vident de l'essentiel de sa portée.

1. Le taux de 0,8 % est supérieur au taux de 0,6 % retenu par le rapport annexé

Tout d'abord, le présent article n'est pas cohérent avec le rapport annexé. En effet, ce dernier précise que ce taux de 0,8 % s'entend « hors contrecoup du plan de relance » : en réalité, le Gouvernement suppose « une croissance annuelle moyenne de +0,6 % par an en volume, soit +0,8 % par an hors plan de relance ».

Il convient donc soit de retenir le chiffre de 0,6 %, soit de préciser que le chiffre de 0,8 % s'entend sans contrecoup du plan de relance. Ne pas raisonner ainsi conduirait à un déficit public supérieur de 0,4 point de PIB (soit 8 milliards d'euros) en 2014.

2. Il faudra attendre 2015 pour savoir si le présent article a été respecté

Ensuite, le rapport annexé précise que le taux de 0,8 % ne correspond pas au taux de croissance chaque année de la période, mais à « la moyenne des progressions 2010-2011, 2011-2012, 2012-2013, 2013-2014 ».

Ainsi, comme dans le cas de la loi de programmation actuelle, la croissance des dépenses publiques doit varier d'une année sur l'autre, comme le montre le graphique ci-après, issu du rapport annexé.

La croissance des dépenses publiques, selon le rapport annexé au présent projet de loi

Source : rapport annexé au présent projet de loi

Concrètement, cela signifie qu'il ne sera pas possible de déterminer, avant que l'exécution de l'année 2014 soit connue (c'est-à-dire 2015), dans quelle mesure le présent article aura été respecté. Cela revient à le priver de toute portée pratique.

B. LA NÉCESSITÉ D'UN AMENDEMENT SUBSTANTIEL

Il est donc nécessaire de modifier le présent article.

1. Définir des plafonds annuels de dépenses publiques

Tout d'abord, il faut définir des plafonds annuels de dépenses publiques, afin qu'il soit possible de savoir, chaque année de la programmation, dans quelle mesure l'objectif de dépenses publiques est ou non respecté.

Pour éviter que les dérapages éventuels ne se cumulent d'une année sur l'autre, la norme doit être définie non en taux de croissance par rapport à l'année précédente, mais par référence à des niveaux définis en milliards d'euros.

Comme il n'est pas possible de savoir ce que sera l'inflation sur la période, on peut retenir la même solution que celle des lois de programmation militaire, consistant à définir les montants en euros constants , actualisés pour une année donnée en fonction de la prévision d'indice des prix à la consommation associée au projet de loi de finances pour l'année concernée. Ainsi, si des erreurs de prévision d'inflation sont possibles (et même probables), au moins elles ne se cumulent pas (la prévision d'indice des prix étant bien entendu réactualisée en fonction de l'exécution constatée).

Par ailleurs, il faut retenir une hypothèse de croissance des dépenses en volume non de 0,8 % par an, ni même de 0,6 % par an, mais correspondant à celle effectivement retenue par le Gouvernement, pour chaque année de sa programmation.

Sur la base de prévisions de dépenses publiques de 1 103 milliards d'euros en 2010 (correspondant aux 1067,7 milliards d'euros de 2009, majorés sur la base des hypothèses du Gouvernement d'une inflation de 1,5 % et d'une croissance des dépenses de 1,8 % en volume), on arrive aux montants de la ligne 1 du tableau ci-après.

Le montant définitif des dépenses des administrations publiques de 2009, et a fortiori de 2010, n'est pas encore connu. C'est pourquoi le texte adopté par votre commission des finances exprime les objectifs annuels sous la forme d'une augmentation cumulée par rapport à 2010 (ligne 2). Il est d'autant plus impératif que la prévision de dépenses de 2010 soit respectée, afin de ne pas remettre en cause la programmation du Gouvernement.

Les plafonds de dépenses des administrations publiques proposés par la commission des finances

(en milliards d'euros de 2010)

2010

2011

2012

2013

2014

1

Plafond en Mds € de 2010

1102,9

1108,4

1116,2

1121,8

1129,6

2

Evolution par rapport à l'année précédente*

6

14

20

28

3

Pour mémoire : taux de croissance en % **

0,5

0,7

0,5

0,7

* Montants figurant dans le texte de la commission (arrondis au milliard d'euros le plus proche).

** Hypothèses retenues par le Gouvernement.

2. Prévoir un dispositif de pilotage

L'expérience des programmes de stabilité, qui existent depuis la fin des années 1990, avec une inefficacité totale (les dépenses publiques ont continué d'augmenter de plus de 2 % par an en volume, alors que les programmes de stabilité prévoyaient une croissance des dépenses de l'ordre de 1 % en moyenne), montre qu'une programmation des dépenses publiques est vaine si elle ne s'accompagne pas d'instruments de pilotage.

Il importe donc, comme l'a souhaité votre commission des finances en appelant, lors du débat d'orientation des finances publiques pour 2011, à un « pilotage en temps réel », qu'un éventuel dérapage des dépenses publiques ne soit pas simplement constaté a posteriori , mais donne lieu à des mesures correctrices immédiates.

La nécessité d'instruments de pilotage de la dépense publique, selon le président et le rapporteur général de la commission des finances

« Il est déterminant que le « pilotage » puisse intervenir quasiment en temps réel, de façon à ce que la règle reste contraignante. Plusieurs mécanismes sont envisageables, et en particulier la présentation par le Gouvernement au Parlement d'une situation des finances publiques à la fin de chaque trimestre.

« Dans le même esprit, il a été proposé de confier à la Cour des comptes un rôle d'alerte en cas de risque de dérapage des recettes ou des dépenses, le Gouvernement devant alors réaliser les ajustements nécessaires par une loi de finances rectificative. On pourrait également envisager de confier ce rôle à un comité indépendant, sur le modèle du comité d'alerte des dépenses d'assurance maladie.

« Dans tous les cas de figure, il est possible d'envisager ex ante, dans la LFI et la LFSS, des mesures correctrices susceptibles d'être prises en cours d'année si la règle semblait devoir ne pas être respectée. »

Source : Jean Arthuis, Philippe Marini, « Note à l'attention de M. Michel Camdessus, président du groupe de travail sur la mise en place d'une règle d'équilibre des finances publiques », 17 mai 2010

Certes, le présent projet de loi n'a pas de nature contraignante. Votre commission des finances a cependant apporté des modifications à l'article 13, afin de mettre en place les premiers éléments d'un dispositif de pilotage qui devrait donner davantage d'effectivité au présent article.

3. Garder comme périmètre l'ensemble des administrations publiques

A l'initiative de votre commission des finances, l'article 4 de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 concerne non l'ensemble des administrations publiques, mais « l'ensemble constitué par l'Etat, les organismes divers d'administration centrale et les régimes obligatoires de base de sécurité sociale ».

Votre commission des finances avait en effet alors estimé que, pour que l'article concerné ne soit pas purement déclaratif, il convenait d'en restreindre le champ à ce que le Gouvernement contrôlait le moins mal.

En effet, le Gouvernement ne contrôle pas certaines dépenses. Tel est le cas en particulier :

- de celles des collectivités territoriales ;

- des dépenses d'assurance chômage, gérées par les partenaires sociaux et très dépendantes de la conjoncture. Selon les estimations usuelles, chaque point de croissance du PIB au dessus du taux structurel de 2 % réduit le taux de chômage de 0,35 point (le même phénomène jouant également en sens inverse). Si la croissance du PIB d'ici 2013 était inférieure de 0,5 point par an aux prévisions du Gouvernement, chaque année les dépenses publiques s'en trouveraient accrues de 1,5 milliard d'euros supplémentaire, ce qui correspondrait à une augmentation de 0,15 point du taux de croissance des dépenses publiques.

La situation n'est aujourd'hui plus la même, votre commission des finances, dans sur rapport en vue du débat d'orientation des finances publiques pour 2011, et le rapport du groupe de travail présidé par M. Michel Camdessus, jugeant nécessaire de mettre en place une véritable norme de dépenses publiques, ayant effectivement vocation à être appliquée.

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 5 - Norme annuelle de progression des dépenses de l'Etat

Commentaire : le présent article fixe une norme de progression nulle en volume applicable au périmètre élargi des dépenses de l'Etat, assortie d'une norme de progression nulle en valeur des mêmes dépenses, hors pensions et charge de la dette.

I. LA NORME ACTUELLE ET SES LIMITES

A. LA NORME « ZÉRO VOLUME ÉLARGI »

1. Un périmètre élargi...

A compter de la loi de finances pour 2008 (n° 2007-1822 du 27 décembre 2007), le Gouvernement a entendu étendre le périmètre sur lequel était mise en oeuvre la norme d'évolution des dépenses de l'Etat. Alors que cette norme n'intéressait que les dépenses du budget général hors remboursements et dégrèvements et hors recettes en atténuation de la charge de la dette, son application a donc été élargie aux prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et de l'Union européenne et aux affectations de taxes à des opérateurs, lorsque ces affectations venaient en substitution de crédits budgétaires.

Cette norme de dépense « élargie » a été consacrée par l'article 5 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 (n° 2009-135 du 9 février 2009).

2. ... mais des points de fuite nombreux

Si la norme de dépense « élargie » a indiscutablement contribué à contenir la progression des dépenses de l'Etat ( cf. infra ), elle présentait néanmoins un certain nombre d'insuffisances et de « points de fuite ».

S'agissant tout d'abord du mode de calcul de la norme , la comparaison des dépenses d'une année sur l'autre exigeait des retraitements destinés à rapprocher des périmètres de dépenses similaires . Bien que ces retraitements soient explicités dans une charte de budgétisation annexée à chaque projet de loi de finances, des débats n'ont pas manqué de surgir sur l'opportunité de prendre ou de ne pas prendre en compte tel ou tel type d'opération, et le calibrage des mesures de périmètre a pu viser délibérément à minorer les dépenses prises en compte dans le champ de la norme . En 2009, selon la Cour ces comptes, les opérations abusivement traitées en mesures de périmètre ont ainsi conduit à diminuer de 2,56 milliards d'euros le montant des dépenses à prendre en compte pour le calcul de la norme élargie ( cf . encadré). Inévitables d'un point de vue technique, ces ajustements et les controverses qu'ils suscitent n'ont donc contribué ni à la lisibilité ni à la fiabilité de la norme de dépense.

Des mesures de périmètre inopportunes

Plusieurs ajustements opérés par l'administration et mentionnés dans l'exposé des motifs du PLF pour 2009 ont eu pour effet de réduire le montant des dépenses prises en compte. Certaines opérations sont à juste titre écartées, par exemple les loyers budgétaires ou les transferts de compétences aux collectivités territoriales, parce qu'elles sont neutres pour l'Etat, l'évolution des dépenses étant équilibrée par une évolution comparable des recettes.

D'autres exclusions, en revanche, ne paraissent pas justifiées et les dépenses correspondantes devraient être réintégrées dans le calcul de l'évolution des dépenses :

- les subventions de 1,20 et 0,14 Md€ versées aux établissements publics AFITF et OSEO, qui sont des dépenses de l'Etat ;

- la dotation de l'Etat au fonds national des solidarités actives (FNSA) pour contribuer au financement du revenu de solidarité active (RSA). Il a été indiqué que cette dépense nouvelle serait compensée, d'ailleurs partiellement, à hauteur de 0,4 Md€) par l'absence d'indexation de la prime pour l'emploi (PPE). Une absence d'indexation ne constituant pas une recette budgétaire, la mesure n'est pas neutre au regard du solde et doit donc être comptabilisée pour mesurer l'évolution des dépenses constatées. Les crédits ont, d'ailleurs, été utilisés pour payer la prime de Noël des allocataires du RSA et de l'API ;

- la charge supplémentaire d'intérêts (0,35 Md€ en 2009) qui résulterait pour l'Etat de la reprise de la dette du FFIPSA (8 Md€). En effet, non seulement la dette reprise correspondait à des charges constituées parce que l'Etat n'a pas rempli ses obligations financières à l'égard du fonds, mais la dette du FFIPSA a été intégralement remboursée au 31 décembre 2008. Rien ne justifie que les intérêts aujourd'hui à la charge de l'Etat, attachés aux emprunts contractés pour rembourser la dette du fonds, ne soient pas pris en compte pour évaluer l'évolution des dépenses. Il devra d'ailleurs en être ainsi pour de futures reprises de dettes ;

- la contribution de 0,473 Md€ au financement de l'audiovisuel public pour compenser la suppression de recettes publicitaires. Cette mesure n'a pas eu pour contrepartie la réaffectation au budget de l'Etat d'une recette fiscale perçue par les établissements bénéficiaires et elle constitue donc une charge nette.

Si on réintègre les sommes correspondant aux opérations précitées, le montant des dépenses constatées augmente de 2,56 Md€.


Source : rapport de la Cour des comptes sur les résultats et la gestion budgétaire de l'Etat exercice 2009 - mai 2010.

Ensuite, et pour élargie qu'elle soit, la norme de dépenses ne couvre pas un certain nombre de « dépenses » de l'Etat, entendues au sens large. Il en va tout d'abord ainsi des dépenses portées par les comptes spéciaux , que le Gouvernement exclut de la norme en raison des risques de double comptabilisation entre dépenses budgétaires et dépenses des comptes. Si ces risques existent, il était néanmoins possible de les circonscrire en comptabilisant les dépenses des CAS nettes des versements du budget général, opération qui n'apparaît guère plus complexe que certaines mesures subtiles de périmètre.

Les remboursements et dégrèvements d'impôts sont également exclus de la norme, alors qu'ils représentaient un montant global de crédits de plus de 90 milliards d'euros en 2010. Ces dépenses répondent, il est vrai, à une logique de recettes et sont, comme tels moins aisément pilotables que la dépense budgétaire au sens strict. A contrario , l'on peut légitimement se poser la question de l'inclusion dans la norme de dépenses du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne, notre contribution au budget communautaire dépendant de paramètres institutionnels que nous ne maîtrisons que très indirectement et ne pouvant, par conséquent, être pilotée annuellement.

Parmi les « points de fuite » de la norme, on citera enfin la non-comptabilisation :

1) des dépenses fiscales , alors même que leur dynamisme vide en grande partie de sa portée l'exercice de rétablissement de l'équilibre des finances de l'Etat ;

2) des dépenses des opérateurs de l'Etat financées par des ressources extrabudgétaires , dont un des exemples symptomatiques peut être trouvé dans l'affectation à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie de plus de 500 millions d'euros de taxe générale sur les activités polluantes, afin de financer la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement.

L'Etat a enfin été prompt à considérer que certaines dépenses substantielles ne devaient pas être incluses dans la norme qu'il s'était donnée, en raison de leur caractère « exceptionnel » . Ainsi des crédits ouverts dans le cadre du Plan de relance, qui répondaient à une dégradation sans précédent de la conjoncture, appelant des mesures de soutien à l'investissement et à la consommation d'une ampleur incompatible avec le respect de la stabilisation en volume des dépenses de l'Etat. Ainsi également, et de manière plus contestable, des « investissements d'avenir » prévus par la loi de finances rectificative pour 2010 du 9 mars 2010 (n° 2010-237), et financés par des crédits « décaissés » en dehors de la norme de dépense alors même que les modalités retenues conduiront, pendant plusieurs années, à des flux financiers en direction des opérateurs, qui seront juridiquement des flux de trésorerie.

B. LA NORME À L'ÉPREUVE DES FAITS

Au-delà des défauts « de conception » de la norme de dépense, peuvent être identifiés deux principales insuffisances apparues au gré de son application. Ces insuffisances tiennent au caractère global de l'outil, qui autorise le recyclage d'économies de constatation , ainsi qu'à sa vocation purement programmatique .

1. Des économies de constatation recyclables

La norme de dépense fait « un tout » des dépenses du budget général et des prélèvements sur recettes et s'exprime en volume, c'est-à-dire par rapport à l'évolution prévisionnelle des prix à la consommation. Ces deux caractéristiques ont entraîné, en 2009 comme en 2010, un phénomène de recyclage d'importantes économies de constatation, nonobstant le respect des plafonds de la programmation triennale.

En 2009 , le budget de l'Etat a subi une forte pression à la hausse des prélèvements sur recettes. Le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne a ainsi connu une forte progression entre 2008 et 2009, passant de 18,7 milliards d'euros à près de 19,99 milliards d'euros (+ 6,9 %). L'écart à la prévision élaborée en LFI fut également substantiel (1,096 milliard d'euros, soit + 5,8 %). De même, entre 2008 et 2009, le prélèvement sur recettes au profit des collectivités territoriales a augmenté, hors mesure FCTVA du plan de relance, de 2,3 % à périmètre constant (+1,183 milliard d'euros), pour s'établir à 52,35 milliards d'euros. L'augmentation par rapport à la prévision de LFI était moindre, de l'ordre de +0,2 % (102 millions d'euros). Au total, l'on s'aperçoit donc que l'Etat a dû, pour tenir la norme de dépense, « absorber » une hausse des prélèvements sur recettes de 2,5 milliards d'euros par rapport à 2008 et de 1,2 milliard d'euros par rapport à la LFI.

Dans le même temps, le budget général a bénéficié, en 2009, d'une économie substantielle sur la charge d'intérêts de la dette, qui s'est établie à 37,62 milliards d'euros au lieu des 44,45 milliards d'euros en 2008, soit une économie « de constatation » de 6,83 milliards d'euros par rapport à l'exécution 2008 et de 5,3 milliards d'euros par rapport à la prévision de LFI.

Cette marge de manoeuvre a été utilisée par le Gouvernement dans le cadre du collectif d'hiver 2009 , où 2 milliards d'euros de crédits complémentaires ont été ouverts afin de résorber la plupart des dettes de l'Etat à l'égard de la Sécurité sociale, de remettre à niveau certaines interventions à caractère social (1,3 milliard d'euros) et d'ouvrir des crédits complémentaires pour le financement des dépenses liées à la grippe A (0,6 milliard d'euros), du plan exceptionnel de soutien à l'agriculture et de l'acquisition du terrain et les études préalables à la construction du nouveau Palais de justice de Paris (88 millions d'euros).

Les mêmes causes entraîneront vraisemblablement les mêmes effets en 2010 , où les hypothèses d'inflation ont été sérieusement révisées à la baisse, pour s'établir à 1,2 %, alors que les plafonds et la norme avaient été construits sur une hypothèse d'1,75 %. Selon sa propre analyse de la situation, le Gouvernement a donc adopté une attitude particulièrement vertueuse en s'astreignant à respecter la norme « zéro volume » dans un contexte de baisse de l'inflation, et ce sans y être obligé par la programmation triennale. L'équation est néanmoins plus complexe. De fait, la baisse importante de l'inflation permet à nouveau au Gouvernement d'enregistrer « automatiquement » des économies substantielles par rapport aux anticipations ayant servi de support à la construction du budget pluriannuel et de la loi de finances initiale. De telles économies concernent, en 2010, les dépenses de pensions, en baisse de 1,6 milliard d'euros par rapport au cadrage pluriannuel, la charge de la dette, en recul de 2,7 milliards d'euros par rapport au montant prévu dans le budget pluriannuel, les crédits de la mission « Défense », en baisse de 0,6 milliard d'euros et les concours de l'Etat aux collectivités territoriales, dont la progression est indexée sur l'inflation.

Bénéficiant d'une marge globale de 5,7 milliards d'euros, le Gouvernement a néanmoins, dans le cadre de la construction du PLF pour 2010, réalloué 4 milliards d'euros aux missions supportant les effets de la crise économique , ainsi qu'à des dépenses discrétionnaires.

2. Une vocation seulement programmatique

Une ambiguïté persiste sur les finalités de la norme de dépense et sur ce qu'il convient de comparer par son truchement. Initialement, la norme de dépense a été conçue comme un instrument de pilotage des finances de l'Etat, donc comme un outil de construction des projets de loi de finances permettant de comparer, d'une année sur l'autre, les prévisions de dotations budgétaires pour s'assurer qu'elles respectaient un certain rythme d'évolution. Dans cette perspective, la norme de dépenses s'appréciait de loi de finances de l'année n à projet de loi de finances de l'année n +1.

L'expérience a néanmoins démontré qu'elle pouvait revêtir une autre signification, et s'apparenter à un instrument d'évaluation des efforts réellement accomplis pour tenir la dépense. Votre rapporteur général s'est efforcé de promouvoir cet usage en comparant, à l'occasion de l'examen des projets de loi de règlement, la progression des dépenses en norme élargie d' exécution de l'année n -1 à exécution de l'année n .

Calculer l'évolution des dépenses « élargie » en exécution a permis d'établir que, si la norme était toujours respectée en prévision, elle l'était moins en réalisation :

1) de loi de finances pour 2007 à projet de loi de finances pour 2008, la règle du zéro volume était respectée, mais d'exécution 2007 à exécution 2008, la progression réelle des dépenses aura été de 0,5 % ;

2) de loi de finances pour 2008 à projet de loi de finances pour 2009, la règle du zéro volume était à nouveau respectée, mais d'exécution 2008 à exécution 2009, la progression réelle des dépenses aura été de 0,3 % en retranchant les effets du Plan de relance, mais de 4,8 % en les intégrant au calcul.


L'évolution de la dépense en norme élargie de l'exécution 2008 à l'exécution 2009,
avec et hors effets du Plan de relance

(en millions d'euros)

R&D = remboursements et dégrèvements et PSR = prélèvements sur recettes
Source : commission des finances, d'après la Direction du budget

Enfin, le Gouvernement lui-même aura été tenté de « jouer » sur les bases de calcul de la norme de dépense lorsque son respect menaçait d'être compromis . Ainsi de l'année 2009, où l'effondrement de l'hypothèse d'inflation à 0,4 % a rendu singulièrement plus complexe la tenue de l'objectif zéro volume, et a conduit le Gouvernement à proposer une méthode de calcul « innovante » de la norme. Lors de l'examen du deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2009, l'exécutif a ainsi pu soutenir qu'il convenait de recalculer la norme à partir de l'exécution 2008, et non de la prévision . De fait, l'exécution 2008 ayant connu une augmentation importante de la charge de la dette (+4 milliards d'euros), elle constituait un « point haut » à partir duquel il était plus facile de demeurer « dans les clous » de la norme l'année suivante : de 1,2 % de LFI 2008 à LFI 2009, la progression de la norme tombait à 0,0 % d'exécution 2008 à LFI 2009.

Au total, ces observations démontrent que si des intentions louables ont présidé à l'élaboration de la norme de dépense élargie, les défauts de conception initiale dont elle a pâti et le contexte économique « tourmenté » dans lequel elle a trouvé à s'appliquer en ont réduit la portée.

II. UNE NORME PLUS ÉLABORÉE, DES GARANTIES SUPPLÉMENTAIRES

Le présent article définit une norme de progression des dépenses de l'Etat plus sophistiquée , et que l'on pourrait qualifier d'outil « à double détente ».

A. UNE NORME DE PROGRESSION « À DOUBLE DÉTENTE »

1. Le « zéro volume », le « zéro valeur » et leur articulation

Si la nouvelle norme de dépense s'applique à un périmètre identique à celui de la norme actuellement en vigueur, elle se décline néanmoins en deux sous-objectifs distincts. Le présent article dispose donc que :

1) « la progression annuelle des crédits du budget général de l'Etat et des prélèvements sur recettes est, à périmètre constant, au plus égale à l'évolution prévisionnelle des prix à la consommation » . Il s'agit de la reprise de la norme « zéro volume » telle que nous la connaissons aujourd'hui ;

2) « Hors charge de la dette et hors contributions aux pensions des fonctionnaires de l'Etat, ces crédits et prélèvements sur recettes sont stabilisés en valeur à périmètre constant » . Cette norme « zéro valeur » appliquée aux dépenses hors charges de pensions et de la dette constitue donc la principale innovation proposée par le présent article. Elle aboutit à contenir ces dépenses à 274,8 milliards d'euros par an, en euros courants, sur la période .

Pour l'application de la norme « zéro valeur », et au sens de la nomenclature budgétaire , les contributions aux pensions des fonctionnaires de l'Etat s'entendent des contributions au compte d'affectation spéciale « Pensions », imputées sur les crédits de titre 2, soit 35,057 milliards d'euros en LFI pour 2010. La charge de la dette s'entend des crédits inscrits au programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l'Etat » de la mission « Engagements financiers de l'Etat », soit 42,45 milliards d'euros en LFI pour 2010.

On comprend d'emblée que la vertu principale d'un tel dispositif sera d'empêcher le recyclage en dépenses nouvelles d'économies de constatation, tel qu'il a pu se produire en 2009 ou en 2010 . Dans la mesure où les dépenses hors dette et pensions seront stabilisées en valeur, tout redéploiement au profit de ces dépenses constituerait, en effet, une infraction à la norme. Dans ces conditions les éventuelles économies de constatation sur la charge de la dette ou les économies attendues de la réforme des retraites sur les dépenses de pensions des fonctionnaires contribueront à l'amélioration du solde .

Le rapport annexé au présent projet de loi fournit d'intéressantes précisions sur les modalités d'application de cette norme à double détente et d'articulation du « zéro valeur » et du « zéro volume », en particulier si les hypothèses d'inflation, de charge de la dette et de dépenses de pensions étaient amenées à évoluer en cours de programmation.

Ainsi, ce rapport dispose que « quelles que soient ces hypothèses, les plafonds de dépenses résultant des normes "0 volume" et "0 valeur hors dette et pensions" seront respectés, la règle la plus contraignante des deux étant retenue pour chaque année » . Cela emporte :

1) qu'en cas d'inflation modérée, susceptible de dégager des marges de manoeuvre sur la charge de la dette, l'application du zéro valeur interdira tout redéploiement et aboutira à une diminution de la dépense globale en volume . Ce cas de figure, exactement inverse des phénomènes constatés en 2009 et 2010, devrait se produire en 2011 puisque le Gouvernement indique que « les crédits diminueront en euros constants de près de 0,2 % » ( cf. infra ) ;

2) en cas de forte inflation et de hausse de la charge de la dette et des pensions, c'est alors la règle du zéro volume qui prévaudra : il conviendra donc de comprimer les dépenses hors dette et pensions , et donc de les faire diminuer en valeur, pour tenir l'objectif global de stabilisation en euros constants. Le rapport annexé indique donc que, dans cette hypothèse, « les plafonds des crédits des missions seraient révisés à la baisse de manière à respecter la norme "0 volume". »

Ce rapport précise que les ajustements nécessaires « seraient opérés conformément au cadrage fixé par le Premier ministre au début de la procédure budgétaire. En cas de révision à la baisse de l'hypothèse d'inflation, ils se feraient prioritairement par la révision à la baisse des plafonds des missions comprenant des dotations dont l'évolution est directement corrélée au niveau de l'inflation , en vertu notamment de mécanismes d'indexation prévus par une disposition juridique » . Il est en revanche muet sur les arbitrages qu'il conviendrait d'opérer en cas de poussée inflationniste impliquant de réduire les dotations des missions hors charge de la dette et de pensions.

2. Le schéma global d'évolution des dépenses

La traduction chiffrée de ces nouveaux principes fait ressortir une stabilisation des dépenses hors dette et pensions à 274,84 milliards d'euros par an , tandis que la charge de la dette progresserait d'environ 4,3 milliards d'euros par an (+10 %) et les dépenses de pensions de 1,5 milliard d'euros en moyenne annuelle entre 2010 et 2013 (+4 %). ( cf . diagramme et tableau).


Evolution des crédits, à champ constant, sur les périmètres de la norme

Source : rapport annexé au présent projet de loi.


Evolution des dépenses en valeur et en volume au sens de la norme élargie

(en millions d'euros, à périmètre constant)

Source : commission des finances, d'après le rapport annexé au présent projet de loi.

Selon le rapport annexé, la mise en oeuvre du zéro valeur combiné au zéro volume constitue « un effort inédit et un infléchissement marqué par rapport aux budgets précédents. En effet, pour les lois de finances initiales 2006 à 2010, les crédits du budget général et prélèvements sur recettes désormais soumis au "0 valeur" ont progressé en moyenne d'environ 2,9 milliards d'euros par an , là où ils seront désormais stabilisés sur 3 ans » ( cf . schéma). L'effort est, au demeurant, présenté comme d'autant plus important que le zéro valeur « s'impose à des dépenses qui connaissent une tendance spontanée à la hausse » , notamment en raison de mécanismes d'indexation automatique des prix ou des prestations (allocations logement, minima sociaux), d'une augmentation structurelle du nombre de bénéficiaires d'interventions servies par l'Etat (allocation adulte handicapé et exonérations de cotisations sociales), ou encore de l'incidence pluriannuelle de décisions déjà prises (investissements ou contrats de projet Etat-régions).


Progression annuelle, à champ constant, des crédits du budget général (hors charge de la dette et pensions) et des prélèvements sur recettes sur la période 2006-2013

(en milliards d'euros)

Source : rapport annexé au présent projet de loi.

B. QUEL IMPACT POSTE PAR POSTE ?

Le tableau qui suit calcule la progression moyenne annuelle des principaux postes de dépenses inclus dans la normé élargie.


Progression moyenne annuelle des postes de dépenses

(en millions d'euros, à périmètre constant)

Source : commission des finances, d'après le rapport annexé au présent projet de loi.

1. Les évolutions à la hausse : charge de la dette, pensions et prélèvement européen

Les évolutions à la hausse intéressent :

1) la charge de la dette , qui progresse en moyenne de 4,25 milliards d'euros par an (+10 %). Selon l'Agence France Trésor, cette hausse serait imputable, pour 3 milliards d'euros à l'accroissement de l'encours de la dette (effet volume), et pour 1 milliard d'euros à l'évolution des taux d'intérêt sur la période ;

2) les dépenses de pensions , qui augmentent de 1,51 milliard d'euros par an en moyenne (+4,3 %) ;

3) le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne qui, contrairement aux charges de pensions et de la dette, est inclus dans le périmètre d'application du « zéro valeur ». Ce prélèvement augmenterait de 482 millions d'euros par an sur la période (+2,7 %). Cette dépense n'est que très indirectement maîtrisable par le Gouvernement puisqu'elle résulte de la procédure budgétaire communautaire, et donc des arbitrages négociés entre le Parlement européen et le Conseil, sur la base des propositions formulées par la Commission. Votre rapporteur général observe que le rythme de progression retenu par le Gouvernement est relativement optimiste , puisque le prélèvement sur recettes exécuté a progressé de 8,9 % entre 2007 et 2008, puis de 6,8 % de 2008 à 2009. De surcroît, la Commission a demandé à la France d'accroître sa participation au budget communautaire de 6 % en 2011, et ce bien que les Etats membres aient fait part de leur détermination à imposer au budget communautaire les mêmes contraintes qu'aux budgets nationaux.

2. Les dépenses de personnel

Afin de respecter la norme, tous les autres postes de dépenses seraient donc appelés à diminuer . Les dépenses de rémunérations diminueraient ainsi de 120 millions d'euros en moyenne par an par rapport à 2010 (-0,1 %). Cette inflexion, mérite d'être soulignée, car votre rapporteur général a déjà eu l'occasion de montrer que, nonobstant les suppressions de postes intervenant dans le prolongement de la RGPP, la masse salariale de l'Etat continuait de progresser sous l'effet du glissement vieillesse-technicité et des mesures générales ou catégorielles . Deux leviers sont mobilisés pour atteindre cet objectif :

1) les diminutions de postes résultant des réformes structurelles décidées dans le cadre de la RGPP. Ce sont ainsi 100 000 départs à la retraite qui ne devraient pas être remplacés sur la période 2011-2013, soit environ 31 600 ETP en 2011, 33 000 ETP en 2012 et 33 100 ETP en 2013. Selon le rapport annexé au présent projet de loi, « ce niveau correspond à la poursuite du non-remplacement d'un fonctionnaire partant à la retraite sur deux sur l'ensemble des trois années de la programmation, selon des prévisions de départ à la retraite qui s'élèvent à environ 62 000 ETP en 2011, 63 200 ETP en 2012 et 62 600 ETP en 2013 » ;

2) les mesures de modération salariale décidées par le Gouvernement, qui prennent la forme d'une absence de revalorisation du point fonction publique en 2011 .

Selon la direction du Budget, les économies brutes (hors retour catégoriel aux agents) des suppressions d'emplois prévues pendant la période de programmation seraient de 837 millions d'euros en 2011, 853 millions d'euros en 2012 et 845 millions d'euros en 2013, soit un total de 2,535 milliards d'euros .

3. Les « autres dépenses » : fonctionnement et intervention

Les « autres dépenses » du budget général font l'objet d'une présentation globalisée dans le schéma d'évolution proposé par le Gouvernement, de sorte qu'il n'est pas toujours possible de connaître la trajectoire prévue pour chaque catégorie . Ces dépenses, qui comprennent principalement les dépenses de fonctionnement, d'intervention et d'investissement, connaîtraient une baisse moyenne de 376 millions d'euros par an par rapport à leur niveau de 2010 (0,3 %). La baisse par rapport à leur croissance tendancielle n'est en revanche chiffrée que pour les dépenses d'intervention, votre rapporteur général n'ayant pu obtenir du Gouvernement une évaluation de ce tendanciel au cours des dernières années pour l'ensemble des catégories de dépenses.

S'agissant des dépenses de fonctionnement (titre 3), le rapport annexé au présent projet de loi réaffirme l'objectif de 10 % de réduction sur la période, avec une inflexion de 5 % dès 2011. Il précise que cet objectif s'applique à une assiette de 18,3 milliards d'euros, qui n'inclut donc pas les subventions pour charges de service public versées aux opérateurs. Par ailleurs, il convient de retrancher de cette assiette les crédits de fonctionnement de la mission « Défense » (7,8 milliards d'euros en 2010), traités globalement dans le cadre de la loi de programmation militaire, ainsi que les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » relatifs à la vie politique cultuelle et associative (0,2 milliard d'euros en 2010), en raison du ressaut lié à l'organisation des élections de 2012.

Selon le rapport annexé, « retraitée de ces éléments, l'assiette des crédits de fonctionnement sur laquelle portent les efforts de productivité retenus pour la programmation du budget triennal s'élève à près de 10,3 milliards d'euros » . L'économie de 5 % en 2011 est donc censée s'élever à 500 millions d'euros. Elle ne sera toutefois que de 200 millions d'euros , « compte tenu de l'évolution des moyens inéluctables et de la mise en oeuvre de moyens nouveaux - à hauteur d'environ 0,3 milliard d'euros en 2011 (notamment pour l'organisation des G8 et G20 sous présidence française, le respect des engagements pris sur la mission « Justice », etc. » . Au total, les économies de fonctionnement prévues en 2011 atteignent donc 0,47 % des dépenses de fonctionnement, au sens du titre 3 de la LOLF, soit dix fois moins que ce que laissait entendre une lecture « intuitive » des annonces gouvernementales.

Les économies de fonctionnement et leur assiette en 2011

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, d'après le rapport annexé au présent projet de loi

Ces économies seront, selon le Gouvernement, permises par la poursuite des réformes de structure résumées dans l'encadré qui suit.

La baisse des dépenses de fonctionnement

Réduire de 10% en trois ans les crédits de fonctionnement de l'État et de ses opérateurs ne peut se faire sans réorganisation : un tel niveau de réduction excède en effet, très largement, les marges naturelles que pourraient mobiliser les administrations en l'absence de réformes. Les économies programmées reposent, ainsi, sur un champ très vaste :

- elles portent sur les fonctions support comme les fonctions métiers ;

- elles concernent les crédits destinés à l'ensemble de l'État. Ainsi, par souci d'exemplarité, la réduction des dépenses visera tout particulièrement certains avantages individuels comme les voitures ou les logements de fonction, dont les critères d'attribution sont sensiblement durcis ;

- elles tendent à diminuer les prix des achats de l'Etat (grâce à la nouvelle politique des achats) et à en maîtriser les volumes (mètres carrés occupés, mutualisation des moyens, etc.) ; en matière immobilière en particulier, la réduction des surfaces utilisées par les agents publics pour converger vers la norme de 12 mètres carrés par poste a déjà permis de réduire le parc immobilier de 184 000 mètres carrés depuis 2007 ; un objectif de réduction des surfaces de 500 000 mètres carrés supplémentaires d'ici fin 2012 a été fixé à France Domaine ;

- elles s'appuient, comme les réductions d'effectifs, sur des chantiers interministériels de réformes (création du Service des achats de l'Etat, ou de l'Opérateur National de Paye). Des initiatives interministérielles complémentaires couvrent également la fonction logistique (constitution de marchés multiservices, mutualisations), la fonction systèmes d'information (convergence vers des standards d'organisation plus élevés) ;

- une fraction des économies, enfin, découle mécaniquement de la diminution des effectifs de l'État (sur le champ des dépenses directement variables avec les effectifs, correspondant à des coûts dits « environnés »).

Au-delà, il appartiendra à chaque ministère de définir son propre plan d'action pour réduire ses dépenses de fonctionnement, parfois en révisant en profondeur son organisation et ses procédures « métiers » (par exemple, le ministère de l'intérieur réduira ses dépenses de fonctionnement « métiers » par la diminution des dépenses de propagande électorale). Les efforts de productivité demandés à l'État ayant été étendus à l'ensemble de ses opérateurs sur la période de programmation, leurs dépenses de fonctionnement courant diminueront de 10% sur la période.

Source : rapport annexé au présent projet de loi

Contrairement aux dépenses de fonctionnement, les dépenses d'intervention (titre 6) voient leur trajectoire clairement définie par le rapport annexé au projet de loi. On lit ainsi :

1) que les crédits des interventions de guichet seront quasiment stabilisés sur la période de programmation, atteignant 37 milliards d'euros en 2011, 37,5 milliards d'euros en 2012 et 38,0 milliards d'euros en 2013. Compte tenu de la forte progression spontanée de ces dépenses, « cette stabilisation nécessitera des réformes dont les économies attendues sont [par rapport à la tendance] de l'ordre de 1,7 milliards d'euros en 2011, puis 2 milliards d'euros en 2012 et 2013 » . Dans l'état actuel des choses, cette annonce paraît purement cosmétique ;

2) que les crédits des interventions dites « discrétionnaires » s'élèveront, au prix de « réformes ambitieuses » à 21,3 milliards d'euros en 2011, 20,2 milliards d'euros en 2012 et 19,1 milliards d'euros en 2013, soit une réduction, par rapport à la LFI 2010, respectivement de 3 %, 8 % et près de 13 %. Encore faudrait-il que ces réformes soient crédibles pour que l'on puisse prendre ces chiffres au sérieux.

Le détail des mesures sous-tendant ces économies ne fait pas l'objet d'une présentation consolidée, les membres du cabinet du ministre du budget ayant indiqué à votre rapporteur général qu'il serait fourni dans les projets annuels de performances. On voit donc qu'il y a loin de la coupe aux lèvres. En ce qui concerne la maîtrise des dépenses d'intervention et de fonctionnement, l'écart s'est creusé entre les martiales annonces du Gouvernement et la réalité plus nuancée de cette programmation.

4. Les taxes affectées

Deux mouvements de recettes sont enfin comptabilisés dans la norme de dépense en application de la charte de budgétisation, pour un montant total de 70 millions d'euros. Il s'agit :

1) de l'affectation à Voies navigables de France d'une fraction additionnelle de la taxe hydraulique (30 millions d'euros) ;

2) de l'affectation de 40 millions d'euros de taxe sur la cession à titre onéreux de terrains nus rendus constructibles à un fonds pour l'installation des jeunes agriculteurs, inscrit au budget de l'Agence de services et de paiement.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Nos collègues députés ont, en commission des finances, adopté deux amendements au projet de loi, ayant reçu un avis favorable du Gouvernement. Le premier a consisté à viser non les crédits du budget général mais ses dépenses. Cette distinction, pour sémantique qu'elle puisse paraître, emporte des conséquences significatives. En effet, la référence faite aux crédits du budget général dans la version initiale de l'article rappelle la vocation programmatique de la norme de dépense, qui s'apprécie, selon l'interprétation constante du Gouvernement, entre la loi de finances initiale de l'année n et le projet de loi de finances de l'année n+1 .

Or, selon votre rapporteur général, le fait de se référer aux dépenses du budget général étend l'application de la norme à l'exécution budgétaire , les dépenses effectivement mises en oeuvre étant retracées en loi de règlement . Cet amendement renvoie donc aux deux lectures et usages que l'on peut faire de la norme de dépense, selon qu'on y voit un instrument de prévision ou de contrôle a posteriori :

1) apprécier la norme de dépense entre la LFI n et le PLF n+1 recouvre une dimension clairement programmatique. C'est l'usage gouvernemental de cet instrument ;

2) apprécier la norme de dépense entre l'exécution n-1 et l'exécution n , comme le préconise votre rapporteur général, consiste à porter un regard rétrospectif et complémentaire sur ce qu'aura été la progression effective des dépenses . S'il est alors trop tard pour « corriger le tir », dans la mesure où les budgets sont exécutés, ces comparaisons peuvent néanmoins être porteuses de leçons pour les lois de finances à venir. Plus encore, la comparaison de réalisation à réalisation fait obstacle à toute manipulation ou simplement à toute présentation d'opportunité dans tous les Gouvernements sont naturellement friands.

En second lieu, la commission des finances de l'Assemblée nationale a souhaité faire figurer au sein de l'article le montant global que ne pourraient dépasser les crédits compris dans l'enveloppe « zéro valeur ». Ce montant, soit 274,8 milliards d'euros, ne figurait en effet que dans le rapport annexé au projet de loi.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre commission des finances salue la mise en oeuvre d'une norme de dépense plus exigeante, de nature à circonscrire les effets d'aubaine constatés par le passé.

Des points restent cependant à préciser.

A. UNE NORME À PRÉCISER

Dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale la première phrase du présent article prévoit que « la progression annuelle des dépenses du budget général de l'État et des prélèvements sur recettes est, à périmètre constant, au plus égale à l'évolution prévisionnelle des prix à la consommation ».

Cette rédaction présente une ambiguïté. En effet, elle donne l'impression que ce qui importe, c'est l'évolution des dépenses par rapport à l'année précédente, et non leur niveau. Ainsi, on pourrait craindre qu'un gouvernement, après avoir laissé les dépenses déraper en début de période, les stabilise ensuite en volume, et affirme qu'il respecte la norme, alors même que l'on partirait d'un niveau plus élevé.

La commission des finances a donc adopté un amendement convertissant cette règle en plafonds annuels, afin d'ôter toute ambiguïté.

Pour que la norme puisse être utilisée en cours d'année comme instrument de pilotage de la dépense, il faut que, pour chaque année, elle soit convertie en euros courants. Cette conversion s'effectuerait sur la base de ma prévision d'indice des prix à la consommation associée au projet de loi de finances de l'année concernée (comme c'est déjà le cas pour les dépenses des lois de programmation militaires).

B. DES INTERROGATIONS PERSISTANTES

Plusieurs interrogations persistent néanmoins sur les déterminants de la trajectoire proposée. Les débats devront donc, en premier lieu, permettre de bénéficier d'une présentation consolidée des mesures d'économies permettant d'infléchir la progression des dépenses d'intervention dans des proportions aussi significatives que celles qui sont évoquées dans le rapport annexé.

Il appartiendra également au Gouvernement d'indiquer au Parlement quelle sera l'évolution des dépenses d'investissement de l'Etat sur la période 2011-2013. Rien n'est réellement dit de cette évolution, alors même qu'une baisse substantielle (-12 %) des crédits de titre 5 est observée entre 2010 et 2011.

Sur le plan de la méthode enfin, il est regrettable que le Gouvernement persiste à présenter des documents ne permettant pas une reconstitution exhaustive et consolidée de l'ensemble des chiffrages proposés .

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 6 - Programmation triennale des crédits des missions du budget général de l'Etat

Commentaire : le présent article fixe, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, les plafonds des missions du budget général pour les années 2011 à 2013.

I. LE BUDGET PLURIANNUEL 2011-2013

L'article 6 constitue une déclinaison de l'article 5 dans la mesure où il détermine, à l'intérieur du périmètre d'application de la norme de dépense élargie, comment se définissent les plafonds de crédits des missions du budget général , pour les années 2011, 2012 et 2013. Il convient néanmoins de ne pas confondre ces plafonds avec le champ couvert par la norme « zéro valeur ». En effet, les plafonds par mission incluent les contributions dues au titre des pensions et les dépenses liées à la charge de la dette, non comprises dans le « zéro valeur ». Ils ne tiennent pas compte , en revanche, des prélèvements sur recettes, pourtant inclus dans le périmètre du « zéro valeur » ( cf . diagramme).

Les différents champs des normes prévues par le projet de loi

Source : commission des finances.

A. UN MÉCANISME LARGEMENT CONSERVÉ

Les règles de fonctionnement du budget pluriannuel 2011-2013 sont largement identiques à celles du précédent budget triennal, à l'exception notable que constitue la suppression de la réserve de budgétisation.

1. Le budget pluriannuel et son articulation avec les lois de finances de l'année

Le présent article définit, en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) les plafonds de crédits des missions du budget général pour les années 2011 à 2013, en individualisant, pour les missions porteuses de dépenses de personnel, les contributions dues au titre des pensions, ces dernières n'entrant pas dans le champ de la norme « zéro valeur ». Votre rapporteur général observe toutefois que le tableau figurant à l'article 6 n'individualise pas, au sein des crédits de la mission « Engagements financiers de l'Etat », les crédits correspondant à la charge de la dette , alors qu'ils sont, au même titre que les contributions aux pensions, hors du périmètre du « zéro valeur ».

Le fonctionnement du budget triennal ne peut être totalement appréhendé par la seule analyse du projet de loi de programmation, dont les dispositions doivent faire l'objet d'une lecture croisée avec les documents budgétaires annexés au projet de loi de finances initiale . En effet :

1) les plafonds par mission sont fixés par le projet de loi de programmation . Ils sont fermes pour 2011 et 2012, puis indicatifs pour 2013, dans le respect du plafond global ;

2) les plafonds par programme sont retracés dans le projet de loi de finances pour 2011 . Ils sont fermes pour 2011, puis indicatifs pour 2012 et 2013.

Selon le rapport annexé au présent projet de loi, « pour chacune des années de la programmation, le projet de loi de finances est élaboré et présenté au Parlement dans le respect des plafonds fixés dans le budget pluriannuel. La première année de la programmation constitue le cadre du projet de loi de finances pour 2011, qui procède à la ventilation fine des crédits par destination et, à titre indicatif, par nature. La deuxième année de la programmation fera, de la même façon, l'objet d'une déclinaison au niveau prévu par la loi organique (programmes, actions, titres et catégories) dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012. Enfin, la troisième année de la programmation (2013) constituera le point de départ d'un nouveau budget pluriannuel portant sur trois années (ajoutant ainsi deux années par rapport à la programmation initiale), soit 2013 à 2015 » ( cf . diagrammes).


La portée du budget triennal et son articulation avec les lois de finances

Source : rapport annexé au présent projet de loi

Le respect de la programmation par chaque projet de loi de finances initiale a naturellement valeur d'engagement politique, mais ne présente pas de réel caractère contraignant . En effet, les lois de finances occupant, dans la hiérarchie des normes, le même rang que la loi de programmation, et leur adoption intervenant postérieurement à celui du budget triennal, rien n'oblige juridiquement à ce qu'elles soient conformes au cadrage pluriannuel. C'est notamment ce constat qui a conduit la commission présidée par M. Michel Camdessus à proposer, au prix d'une révision constitutionnelle, la création de lois-cadres de programmation des finances publiques , de rang normatif supérieur aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale.

2. Le fonctionnement du budget triennal et la fin de la réserve de budgétisation

Tout instrument à vocation programmatique doit être susceptible d'absorber un certain nombre d'aléas tout en tenant les objectifs globaux que le législateur a fixés pour l'évolution de la dépense. A cet égard, le rapport annexé rappelle la double vocation du budget pluriannuel : « assurer une visibilité suffisante aux gestionnaires et garantir le strict respect de la norme de dépense » .

Cette visibilité réside dans la fixation à trois ans des enveloppes par mission, en contrepartie de laquelle est posé un principe d'auto-assurance . En vertu de ce principe, en construction budgétaire comme en gestion, « les aléas ou les priorités nouvelles affectant les dépenses d'une mission (seront) gérés dans la limite du plafond de ses crédits , soit par redéploiement de dépenses discrétionnaires, soit par la réalisation d'économies. Ces redéploiements ou économies doivent être mis en oeuvre prioritairement au sein du programme qui supporte les aléas ou les priorités nouvelles. A défaut, ils doivent être réalisés entre les programmes de la même mission » . Afin de mettre en oeuvre efficacement ce principe, le Gouvernement annonce que des travaux seront conduits aux fins d'identifier, pour chaque mission, un responsable administratif chargé du pilotage des crédits qui, sur le modèle du responsable de programme, « serait en mesure de proposer aux ministres gestionnaires concernés des redéploiements entre programmes de la mission ou des économies correctrices » .

Dans l'hypothèse où, malgré tout, des circonstances exceptionnelles conduiraient à ne pas respecter les plafonds, le rapport annexé au projet de loi indique que « les dépassements de crédits réalisés en année n pourront se traduire par une révision à la baisse des ressources disponibles l'année n+1 , par exemple par la limitation des reports de l'année n vers l'année n+1 ou par l'application de taux dérogatoires de mise en réserve de crédits en année n+1 » .

On observe en outre que, contrairement au précédent, le budget triennal 2011-2013 ne prévoit plus de réserve de budgétisation imputée sur la mission « Provisions ». Cette disparition s'explique, selon le Gouvernement, par l'institution de la norme « zéro valeur », dont le degré d'exigence « ne permet pas de dégager des marges complémentaires » . De fait, la réserve de budgétisation atteignait 1,1 milliard d'euros sur la précédente période de programmation . Elle a été, selon la Direction du Budget et « par construction » , redéployée au profit des autres missions du budget général.

Ce montant, certes substantiel, doit néanmoins être rapporté aux économies constatées en 2009 et en 2010 au titre de la charge de la dette ou des pensions, qui ont autorisé le redéploiement de montants beaucoup plus substantiels. C'est donc, dans une certaine mesure, la mission « Engagements financiers de l'Etat » qui a constitué, ces dernières années, la véritable réserve de budgétisation...

B. LES MONTANTS EN JEU

Les montants figurant au présent article montrent que, au gré des priorités gouvernementales, toutes les missions ne subissent pas le même sort quant à leur budgétisation sur la période 2011-2013. Ainsi, sur les 31 missions du budget général faisant l'objet de la programmation, 13 voient leurs crédits de paiement diminuer en valeur entre 2011 et 2013 ( cf . tableau 1).

Tableau 1 - Evolution des crédits de paiement des missions

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, d'après le présent projet de loi

Si l'on neutralise les effets haussiers, sur les enveloppes de crédits, des augmentations des contributions dues au titre des pensions, ce sont 15 missions dont les crédits (hors pensions) diminuent , dans des proportions encore plus significatives ( cf . tableau 2).

Tableau 2 - Evolution des crédits de paiement des missions hors CAS Pensions

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, d'après le présent projet de loi

Ainsi, outre la mission « Provisions », dont la dotation baisse des trois quarts en raison de la suppression de la réserve de budgétisation ( cf. supra ), les baisses les plus marquantes en pourcentage sont observées sur les missions « Travail et emploi » (-20 %), « Médias, livres et industries culturelles » (-18 %), « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » (6,7 %) et « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » (-5,2 %).

1. Le financement des priorités gouvernementales

Hors effets liés à la charge de la dette et aux pensions, les missions qui connaissent des augmentations de leur dotation sont synthétisées dans le tableau qui suit.

Au total, les hausses de crédits se justifient par le financement de priorités gouvernementales (en matière de justice judiciaire et administrative ou de recherche et d'enseignement supérieur), par la mise en oeuvre de lois de programmation (défense, outre-mer et sécurité civile), par la montée en charge de dépenses à caractère social (financement des régimes spéciaux, montée en charge du RSA et de l'allocation aux adultes handicapés), ou encore par le financement de chantiers et de réformes spécifiques (service civique, organisation de l'Euro 2016...).


Les dotations à la hausse sur la période 2011-2013
(hors « Engagements financiers de l'Etat)

Mission et évolution 2011-2013

Déterminants

Recherche et enseignement supérieur
(+1,39 %)

Augmentation des moyens de fonctionnement des universités pour accompagner leur autonomie, dispense de suppressions d'emplois, progression des moyens de la recherche (mise en oeuvre du chantier relatif à l'attractivité des carrières).

Justice
(+1,55 %)

400 créations de postes en 2011 et financement des opérations liées à la réforme de la carte judiciaire et aux programmes immobiliers pénitentiaires.

Parallèlement, meilleure gestion des frais de justice et des crédits de fonctionnement (rationalisation des structures de la protection judiciaire de la jeunesse et de l'administration centrale).

Défense
(+2,85 %)

Mise en oeuvre de la loi de programmation militaire (modernisation des équipements des forces et amélioration de la condition militaire).

Réductions d'effectifs (-7.585 ETP en 2011) et économies de fonctionnement courant.

Sécurité civile
(+2,50 %)

Investissements prévus pour la mise en oeuvre de la LOPPSI et mise en oeuvre des recommandations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

Direction de l'action du Gouvernement
(+3,45 %)

Moyens nouveaux accordés au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale.

Sport, jeunesse et vie associative
(+12,20 %)

Montée en charge du service civique et dotation de 25 millions d'euros en 2011 et de 10 millions d'euros en 2012 et 2013 pour le fonds d'expérimentation pour la jeunesse (actions innovantes en faveur de l'insertion sociale et professionnelle des jeunes).

Réduction des autres dépenses d'intervention de la mission en faveur de la jeunesse et des associations (-16 % en 2011, -20 % en 2012 et -24 % en 2013).

Régimes sociaux et de retraite
(+8,29 %)

Evolutions démographiques propres aux régimes spéciaux et extinction de la compensation spécifique entre régimes spéciaux en 2012, impliquant une diminution des ressources perçues à ce titre par les régimes subventionnés et leur compensation par des subventions de l'Etat.

Conseil et contrôle de l'Etat
(+2,13 %)

Renforcement des missions des juridictions administratives.

Outre-mer
(+5,13 %)

Financement des mesures de la LODEOM et des décisions du Conseil interministériel de l'Outre-mer (CIOM) du 6 novembre 2009 (financement de la montée en charge du service militaire adapté, de la politique du logement outre-mer, des dispositifs de continuité territoriale, du dispositif d'aide au fret et de la réforme des exonérations de charges).

Solidarité, insertion et égalité des chances
(+6,78 %)

Dynamique spontanée de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), en raison de l'augmentation tendancielle du nombre de bénéficiaires, et de la revalorisation de la prestation de 25 % en cinq ans.

Montée en charge progressive du revenu de solidarité active (RSA) avec un doublement des bénéficiaires sur la période, soit une cible de 1,2 million de bénéficiaires en 2013 (extension aux jeunes de moins de 25 ans et aux DOM).

Source : commission des finances, d'après le rapport annexé au présent projet de loi

2. Les missions supportant les ajustements à la baisse

Plusieurs missions dont les crédits baissent sur la période 2011-2013 supportent de façon notable les ajustements prévus en matière d'interventions . Néanmoins, un examen attentif des justifications apportées dans le rapport annexé au présent projet de loi montre qu'aux baisses de crédits prévues ne correspondent pas nécessairement des baisses de dépenses. En effet, certaines interventions seront désormais financées soit par des tiers, soit par des ressources extrabudgétaires, le cas échéant majorées pour compenser la baisse des concours de l'Etat. Il en va ainsi, par exemple :

1) du financement de la politique de l'emploi , désormais partagé entre l'Etat et d'autres acteurs : une partie des excédents du fonds de sécurisation des parcours professionnels sera mobilisée, à hauteur de 300 millions d'euros, « pour le financement de dépenses assurées par l'Etat dans le domaine de la formation professionnelle » ;

2) du financement de certaines interventions agricoles , telles que les aides aux associations départementales pour l'aménagement des structures et des exploitations agricoles (ADASEA), « progressivement prises en charge par les chambres d'agriculture » ... elles-mêmes financées par une taxe ;

3) de la baisse des crédits de la mission « Ville et logement » , largement imputable, non à des économies réelles, mais à des débudgétisations. Ce sont ainsi Action logement et les organismes HLM qui se substitueront à l'Etat pour le financement de dépenses de développement et d'amélioration de l'offre de logement auparavant supportées par le budget général, de même que le financement des aides personnelles au logement continuera s'effectuer par la majoration des contributions au Fonds national d'aide au logement qui permettra de diminuer le montant de la subvention d'équilibre versée par l'Etat ;

4) au titre de la mission « Ecologie, développement et aménagement durables » , des dépenses de l'AFITF, qui pourront « s'appuyer sur la mise en oeuvre, à compter de mi 2012, de la taxe poids lourds » , ou de la diminution des soutiens de l'Etat à Réseau ferré de France, permise par l'orientation des tarifs ferroviaires sur les coûts d'infrastructure.

S'ils permettent d'afficher une programmation triennale vertueuse, ces choix (dont l'impact global gagnerait à être quantifié) n'en accentuent pas moins une tendance à la débudgétisation du financement des politiques publiques .

Les dotations à la baisse sur la période 2011-2013
(hors « Provisions »)

Mission et évolution 2011-2013

Déterminants

Action extérieure de l'Etat
(-2,48 %)

Baisse, de 2011 à 2013, due au ressaut de dépenses constaté en 2011 au titre de l'organisation des G8 et G20. Maîtrise du coût global des bourses et de la prise en charge de la gratuité de la scolarité des élèves français dans les lycées du réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.

Administration générale et territoriale de l'Etat
(-3,47 %)

Ressaut en 2012 lié au financement des élections présidentielle et législatives, puis diminution du fait de réorganisations (allégement et centralisation du contrôle de légalité, industrialisation et rationalisation des processus d'établissement des titres, recentrage des missions des sous-préfectures sur le conseil aux collectivités, la coordination interministérielle de l'action de l'État, la sécurité et le soutien au développement économique et social).

Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales
(-5,21 %)

650 emplois supprimés en 2011 (rationalisation des fonctions support en administration centrale et dans les services déconcentrés, développement de la télé-déclaration et simplification des processus de gestion des aides agricoles, rationalisation du pilotage des actions en matière de sécurité alimentaire, poursuite de la suppression des missions d'ingénierie concurrentielle). Prise en charge progressive des aides aux Associations départementales pour l'aménagement de structures et des exploitations agricoles (ADASEA) par les chambres d'agriculture. Audit du régime forestier.

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation
(-6,69 %)

Réduction du nombre de pensionnés, création d'un point unique d'accueil et de renseignements dans le cadre d'un service départemental de proximité de l'office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONAC).

Ecologie, développement et aménagement durables
(-1,25 %)

Concentration des financements de l'Etat sur les priorités du Grenelle de l'environnement. Poursuite de la mise en oeuvre des pistes d'économie identifiées dans le cadre de la RGPP et l'application des normes transversales de maîtrise des dépenses des opérateurs de l'Etat.

Reconduction de la subvention allouée à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) au niveau de la LFI 2010 hors plan de relance. Orientation des tarifs ferroviaires sur les coûts d'infrastructure et diminution concomitante des concours de l'Etat à RFF.

Economie
(-3,53 %)

Optimisation accrue de l'allocation des moyens d'intervention et de soutien aux entreprises efforts d'efficience de l'Etat et de ses opérateurs, permettant le financement d'OSEO-Garantie et d'Ubifrance.

Enseignement scolaire
(-0,83 %)

Non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux : 16 000 suppressions de postes en 2011. Restitution de la moitié des économies aux personnels sous la forme d'une revalorisation des primes et salaires.

Gestion des finances publiques et des ressources humaines
(-3,35 %)

Achèvement du processus d'unification des deux réseaux déconcentrés des anciennes directions générales des impôts et de la comptabilité publique au sein de la direction générale des finances publiques (DGFiP), poursuite du développement de l'administration électronique, poursuite du déploiement du système CHORUS, de l'Opérateur national de paye (ONP) et du programme COPERNIC.

Immigration, asile et intégration
(-1,82 %)

Mise en oeuvre des réformes initiées dans le cadre de la RGPP : amélioration de la gestion des centres de rétention administrative (CRA) et des centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) et réduction des délais d'instruction des demandes d'asile.

Médias, livres et industries culturelles
(-18,06 %)

Baisse en 2012 et 2013 après un ressaut en 2011, dû à l'effort exceptionnel en faveur de la presse décidé dans le cadre des États généraux de la presse écrite, à la couverture des besoins relatifs à la montée en puissance de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI), et à l'achèvement du passage à la télévision tout numérique. Moratoire sur la suppression de la publicité en journée sur les antennes de France Télévisions, dont le PLF 2011 propose le report jusqu'en janvier 2014.

Politique des territoires
(-3,13 %)

Les crédits de la mission participent à l'objectif de stabilisation du budget de l'Etat. La budgétisation intègre notamment le financement des nouvelles mesures annoncées lors de la conclusion des assises des territoires ruraux, la montée en charge du plan exceptionnel d'investissements pour la Corse et la mise en oeuvre du plan « algues vertes ».

Sécurité
(-0,78 %)

Financement des priorités de la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI) moyennant un étalement de certains de ses programmes d'investissement.

Réforme des fonctions support et recentrage des forces de sécurité sur les missions prioritaires (réduction des gardes statiques, modernisation des structures et des procédures de l'administration centrale et des états-majors locaux, rationalisation des fonctions ressources humaines...).

Diminution des emplois (808 ETP en 2011 au sein de la Police et de la Gendarmerie nationales).

Travail et emploi
(-20,05 %)

Légère hausse des crédits en 2011 (effets de la crise), puis forte décroissance en 2012 et 2013 en lien avec l'amélioration attendue de la situation de l'emploi et la pleine entrée en vigueur des réformes programmées concernant les exonérations de charges. Concentration des moyens de l'Etat sur les publics prioritaires et les dispositifs les plus efficaces (mobilisation des excédents du fonds de sécurisation des parcours professionnels pour le financement de dépenses assurées par l'Etat dans le domaine de la formation professionnelle).

Gains de productivité réalisés par les structures du service public de l'emploi (Pôle emploi, opérateurs privés de placement...), réduction de la participation de l'Etat dans les maisons de l'emploi.

Diminution du volume de contrats aidés (340.000, 270.000 et 200.000 nouveaux contrats non marchands en 2011, 2012 et 2013) et diminution des taux de subvention par l'Etat qui avaient été augmentés lors de la crise.

Ville et logement
(-1,45 %)

Financement par Action logement et les organismes HLM des dépenses de développement et d'amélioration de l'offre de logement. Financement des aides personnelles au logement par majoration des contributions au Fonds national d'aide au logement.

Source : commission des finances, d'après le rapport annexé au présent projet de loi

3. Les missions stabilisées

Outre la mission « Pouvoirs publics », dont les crédits font l'objet d'une inscription conventionnelle, respectueuse du principe d'autonomie financière des pouvoirs publics, les missions « Culture », « Aide publique au développement », « Relations avec les collectivités territoriales » et « Santé » bénéficient d'une dotation stable sur la période.


Les dotations stabilisées sur la période 2011-2013

Mission et évolution 2011-2013

Déterminants

Aide publique au développement
(0 %)

Recentrage des dispositifs d'APD sur les priorités du CICID, en particulier pour les dispositifs d'attractivité culturelle. Financement des contributions obligatoires aux organismes internationaux, de la participation aux reconstitutions de fonds de développement, et des priorités du Gouvernement (concentration géographique de l'aide sur l'Afrique subsaharienne, fonds mondial SIDA).

Culture
(0 %)

Maintien des actions prioritaires en matière d'entretien et de rénovation du patrimoine monumental et architectural, plan « Musées », soutien aux structures du spectacle vivant et développement de l'éducation artistique et culturelle.

Relations avec les collectivités territoriales
(0 %)

Stabilisation des concours de l'Etat aux collectivités territoriales ( cf . commentaire de l'article 7).

Santé
(0 %)

Augmentation mécanique des dépenses prises en charge par l'Etat dans le cadre de la formation initiale des médecins, conséquence de l'augmentation du numerus clausus et réévaluation des dépenses liées à l'aide médicale d'Etat.

Pouvoirs publics
(0 %)

Hypothèse conventionnelle, compte tenu de l'autonomie financière des Pouvoirs publics.

Source : commission des finances, d'après le rapport annexé au présent projet de loi

L'Assemblée nationale a adopté l'article 6 sans modification .

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur général prend acte des plafonds fixés par le présent article et des déterminants qui les sous-tendent, dont la présentation par mission demeure toutefois largement littéraire.

Afin que le contrôle du respect de ces plafonds s'opère aisément, il proposera un amendement à l'article 13 du présent projet de loi, afin de prévoir que soient désormais transmises au Parlement des données d'exécution à périmètre constant.

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 7 - Norme annuelle d'évolution des concours de l'État aux collectivités territoriales

Commentaire : le présent article prévoit la stabilisation en valeur des concours de l'Etat aux collectivités territoriales.

I. LE DROIT EXISTANT

L'article 7 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 régit actuellement l'évolution des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales. Il prévoit une norme d'évolution annuelle qui s'applique à l'ensemble constitué par :

- les prélèvements sur recettes de l'Etat établis au profit des collectivités territoriales ;

- la dotation générale de décentralisation de la formation professionnelle inscrite sur la mission « Travail et emploi » ;

- les dépenses du budget général relevant de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » .

Cette norme est égale, pour les années 2009 à 2012, à l'évolution prévisionnelle des prix à la consommation, c'est-à-dire à l'inflation. Elle fixe donc le principe d'une stabilisation en volume appliquée aux concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales, cohérente avec la norme « zéro volume » appliquée à la progression annuelle des dépenses de l'Etat en application de l'article 5 de la même loi.

En pratique, à l'heure d'adopter une nouvelle loi de programmation des finances publiques, il apparaît que cette règle d'indexation sur le rythme de l'inflation ne s'est pas appliquée aussi strictement que prévu . Ainsi, d'une part, l'article 7 précité dispose que « pour 2009, cette évolution est supérieure de 0,5 % à celle prévue pour les prix à la consommation ». Cette mention résulte d'un amendement proposé par le Gouvernement et adopté par le Sénat lors de la discussion du projet de loi. Elle instaure, pour l'année 2009, une exception résultant de la volonté de ne pas traduire l'incidence de la nouvelle prévision d'inflation (1,5 % au lieu de 2 %) sur l'évolution des concours de l'Etat aux collectivités territoriales en 2009. La décision a été prise de maintenir la base d'une augmentation de 1,1 milliard d'euros de ces concours, prévue au début du débat parlementaire sur le projet de loi de finances pour 2009.

Par ailleurs, l'article 7 précité prévoyait également d'exclure de la norme d'évolution des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales « l'effet de la loi n° 2009-122 du 4 février 2009 de finances rectificative pour 2009 », c'est-à-dire celui du plan de relance de l'économie . Or, l'impact du plan de relance sur les concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales a été particulièrement important, du fait de l'article premier de la loi de finances rectificative pour 2009 précitée. Cet article a mis en place, pour les collectivités territoriales s'engageant à maintenir, en 2009, le niveau de leurs investissements, un versement anticipé et pérenne des attributions au titre du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). D'après les informations recueillies par votre rapporteur général, si le coût de cette mesure avait été évalué par le Gouvernement à 2,5 milliards d'euros lors des débats sur le projet de plan de relance, son coût effectif s'est en réalité élevé à 3,853 milliards d'euros en 2009 . En vertu de l'exception introduite par l'article 7 de la loi de programmation pour les années 2009 à 2012, ce montant n'a toutefois pas été retenu pour la mise en oeuvre de la norme d'évolution des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose deux modifications par rapport à la norme établie par l'article 7 de la loi de programmation des finances publiques pour 2009 à 2012. Il modifie, d'une part, le rythme d'évolution et, d'autre part, le périmètre des concours financiers auxquels cette norme s'applique.

A. PASSER DU « ZÉRO VOLUME » AU « ZÉRO VALEUR »

Le présent article propose de remplacer la norme d'évolution « zéro volume », c'est-à-dire l'indexation sur l'inflation, par une norme « zéro valeur » , correspondant à une stabilisation en euros courants des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales.

Cette modification applique aux concours visés la même règle de progression que celle proposée par l'article 5 du présent projet de loi pour les dépenses de l'Etat , qui prévoit une stabilisation en valeur de ses dépenses, hors charge de la dette et contributions aux pensions des fonctionnaires, pour la période 2011 à 2014.

Puisque la nouvelle norme prévue par le présent article s'applique à compter de l'année 2011, les concours de l'Etat seront stabilisés à leur niveau de l'année 2010, c'est-à-dire à hauteur de 50,44 milliards d'euros pour le périmètre concerné.

B. SORTIR LE FCTVA DE L'ENVELOPPE NORMÉE

La seconde modification proposée par le présent article par rapport au dispositif prévu par la loi de programmation pour 2009 à 2012 est l'exclusion du FCTVA des concours financiers pris en compte pour l'application de la norme .

Le présent article propose également de sortir de l'enveloppe « les dotations de compensation de la réforme de la taxe professionnelle » . Cette précision, essentielle, vient concrétiser l'engagement pris à plusieurs reprises par Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, devant votre commission des finances. Elle implique que ne seront pas pris en compte pour l'application du dispositif, d'une part, la compensation-relais versée en 2010 aux collectivités territoriales pour se substituer au produit de la taxe professionnelle et, d'autre part, les dotations de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) versées, à compter de l'année 2011, aux collectivités territoriales « perdantes » à l'issue de la réforme pour garantir l'application du principe d'une compensation à l'euro près des pertes de recettes subies par elles.

Il résulte de ces éléments que le périmètre des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales auquel s'appliquera la règle de stabilisation en valeur sera composé :

- des prélèvements sur les recettes de l'Etat au profit des collectivités territoriales, à l'exclusion de celui correspondant aux versements au titre du FCTVA , aux dotations versées par l'Etat pour compenser la réforme de la taxe professionnelle et aux amendes forfaitaires de la police de la circulation et des radars automatiques ;

- des crédits inscrits au sein de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » , hors crédits de fonctionnement de la direction générale des collectivités locales (DGCL) ;

- des crédits inscrits au sein de la mission « Travail et emploi » destinés à la dotation générale de décentralisation de la formation professionnelle .

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

La commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de Gilles Carrez, son rapporteur général, et avec un avis favorable du Gouvernement, un amendement de précision remplaçant le terme de « crédits du budget général » par celui de « dépenses du budget général », identique à l'amendement adopté à l'article 5.

Elle a jugé préférable de privilégier l'emploi d'un terme largement compréhensible plutôt que l'usage du mot « crédits », propre à l'administration. La substitution opérée par la commission des finances de l'Assemblée nationale présente également l'avantage de conduire à interpréter la norme d'évolution comme s'appliquant aux budgets exécutés, c'est-à-dire aux dépenses effectives annuelles, et non aux prévisions de crédits figurant dans les lois de finances.

Aucune modification n'a été apportée au dispositif du présent article en séance publique.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. UNE EXCLUSION DU FCTVA QUI DEVRA ÊTRE PÉRENNE

1. Une exclusion en principe favorable aux collectivités territoriales

En 2009, comme en 2010, l'application de la norme « zéro volume » aux concours financiers de l'Etat avait pour principale conséquence la nécessité de déterminer des variables d'ajustement, devant évoluer à la baisse, pour compenser l'évolution à la hausse du prélèvement sur recettes que constitue le FCTVA . Votre rapporteur général relevait ainsi, dans son rapport sur l'article 16 du projet de loi de finances pour 2010, qu'à « lui seul, le FCTVA devrait passer de 5 855 millions d'euros à 6 228 millions d'euros, soit une hausse de 373 millions d'euros qui préempte plus de 55 % de la marge d'augmentation de l'enveloppe ».

En effet, le FCTVA, à la différence de la majorité des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales, n'évolue pas selon une norme fixée en loi de finances ou dans le code général des collectivités territoriales, que ce soit l'inflation ou la formation brute de capital fixe. Le FCTVA fonctionne, en pratique, comme un dispositif de remboursement de la TVA acquittée par les collectivités territoriales et leurs groupements sur leurs investissements. Par conséquent, son rythme d'évolution ne dépend que de celui des investissements mis en oeuvre par les collectivités territoriales. Il en résulte, en moyenne, comme le montre le tableau ci-dessous, une hausse annuelle très supérieure à l'inflation, même en excluant les effets du plan de relance.

Evolution du prélèvement sur recettes au titre du FCTVA

(en millions d'euros)

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Montant

3.326

3.583

3.613

3.664

3.710

3.791

4.030

5.058

5.192

5.855

6.228

Evolution

7,73 %

0,84 %

1,41 %

1,26 %

2,18 %

6,30 %

25,51 %

2,65 %

12,77 %

6,37 %

Source : direction générale des collectivités locales

Sur les dix dernières années, la hausse moyenne du prélèvement sur recettes au titre du FCTVA s'est donc élevée à 6,7 % par an. Sortir le FCTVA de l'enveloppe normée des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales est donc, en principe, favorable à ces collectivités puisque cela permet d'éviter que son évolution ne pèse sur les autres composantes de l'enveloppe .

Cette exclusion est aussi une forme de reconnaissance du caractère spécifique du FCTVA par rapport aux autres prélèvements sur recettes dont bénéficient les collectivités territoriales . En effet, le FCTVA n'est pas une simple dotation versée par l'Etat. Il a pour objet de compenser de manière forfaitaire la TVA acquittée par les collectivités territoriales et certains organismes sur leurs dépenses réelles d'investissement, grevées de TVA, et concernant une activité non assujettie à la TVA. Il doit donc être considéré comme un remboursement de TVA auquel les collectivités territoriales ont droit et qui favorise l'investissement local. L'exclusion du FCTVA de l'enveloppe normée est cohérente avec ce constat.

2. Le cas particulier de l'année 2011

Outre son dynamisme, l'évolution du FCTVA apparaît très erratique au regard du tableau figurant ci-dessus, ce qui résulte directement du fait qu'il est corrélé au rythme d'investissement des collectivités territoriales et que celui-ci varie amplement d'une année sur l'autre, en fonction essentiellement du rythme de croissance de l'économie.

L'année 2011 est à cet égard symptomatique puisque le montant du prélèvement sur recettes correspondant au FCTVA devrait diminuer par rapport à 2010 . Il s'élèverait, d'après les informations fournies par le Gouvernement à votre rapporteur général et au comité des finances locales, à 6 038 millions d'euros en 2011 contre 6 228 millions d'euros en 2010, soit une diminution de 3,1 %. Cette baisse résulte directement du ralentissement, hors effets du plan de relance, du rythme d'investissement des collectivités territoriales en 2009 et 2010.

Par conséquent, en 2011, l'exclusion du FCTVA de l'enveloppe normée des concours de l'Etat aux collectivités territoriales est une « aubaine » pour l'Etat . Son inclusion aurait en effet permis de dégager des marges de manoeuvre supplémentaires pour l'augmentation des autres composantes de l'enveloppe à destination des collectivités territoriales.

Il est donc impératif que l'exclusion du FCTVA de l'enveloppe soit effectivement pérenne et s'applique non seulement en 2011 mais durant toute la période régie par la présente loi de programmation des finances publiques . En effet, l'évolution du FCTVA sur la dernière décennie nous enseigne qu'à moyen terme, il est inenvisageable que son rythme de croissance ne soit pas positif.

B. UNE APPLICATION LOGIQUE DE LA STABILISATION EN VALEUR

Concernant la modification du rythme d'évolution de l'enveloppe, il paraît logique que le poids des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales n'évolue pas plus rapidement que l'ensemble des dépenses du budget de l'Etat , hors remboursement de la dette et contributions au financement des retraites.

En effet, dans le cas contraire, l'évolution des concours financiers de l'Etat aux collectivités pèserait sur les autres dépenses du budget général de l'Etat en les contraignant à se contracter.

Votre rapporteur général relève par ailleurs que le dispositif proposé par le présent article peut être interprété, comme celui fixé par l'article 7 du précédent projet de loi de programmation des finances publiques, comme une garantie offerte aux collectivités territoriales. A l'initiative de votre commission des finances, l'article 7 de la précédente loi de programmation avait prévu que l'évolution des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales « est égale, chaque année et à périmètre constant, à » l'inflation et non, comme le proposait le Gouvernement dans le projet de loi initial, que cette évolution « n'excède pas, chaque année et à périmètre constant » l'inflation. Ainsi, la norme d'évolution n'était pas seulement un plafond mais également une garantie d'évolution.

A la lumière du projet de loi de programmation pour les années 2009 à 2012, le présent article doit être également interprété comme garantissant aux collectivités territoriales une stabilisation en valeur des concours financiers que l'Etat leur verse . Cette interprétation résulte, selon votre rapporteur général, du texte même du présent article qui dispose qu'est « stabilisé, en valeur, à périmètre constant », l'ensemble de ces concours, écartant par là même une régression des mêmes concours. Le Gouvernement pourra utilement confirmer cette interprétation en séance publique.

C. UN IMPACT INCERTAIN SUR LA DÉPENSE LOCALE ET QUI NE SAURAIT ÊTRE POSITIF SUR LE SOLDE

En plus d'une protection, destinée à éviter que le soutien financier aux collectivités territoriales ne pèse sur le budget de l'Etat, le présent article est aussi un outil pour atteindre les objectifs fixés par le présent projet de loi en matière de dépenses des administrations publiques .

Ainsi, selon le rapport annexé au présent projet de loi, les dépenses des administrations publiques locales passeraient de 12 points de PIB en 2010 à 11,2 points de PIB en 2014. De manière étonnante, cette diminution en points de PIB serait supérieure à celle des recettes, d'où un retour à l'équilibre en 2014.

Les dépenses et les recettes des administrations publiques locales, selon le rapport annexé au présent projet de loi

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Dépenses en points de PIB

12

12

11,8

11,6

11,3

11,2

Recettes en points de PIB

11,7

11,6

11,3

11,2

11,2

11,1

Solde en points de PIB

-0,3

-0,4

-0,5

-0,3

-0,2

0

Solde en Md€

-5,6

-8,5

-9,9

-7

-3,3

-0,3

Source : rapport annexé au présent projet de loi

Il est vraisemblable que la stabilisation en valeur des contributions de l'Etat aux budgets des collectivités territoriales tendra à limiter les dépenses des administrations publiques locales. En effet, les collectivités territoriales sont contraintes par la nécessité de limiter leur besoin de financement.

Or, on ne voit pas bien comment cette stabilisation en valeur des dotations pourrait s'accompagner d'un retour des administrations publiques locales à l'équilibre en 2014. Il ne faut pas confondre moindre croissance des dépenses et réduction du déficit. Il est probable que le gel en valeur des dotations de l'Etat se traduira par une moindre progression de la dépense. Cependant, cette moindre progression de la dépense, qui exigera déjà des efforts importants, ne contribuera pas à réduire le déficit, mais seulement à compenser partiellement les moindres recettes.

La question est de savoir si les administrations publiques locales estimeront avoir intérêt à parvenir à l'équilibre d'ici 2014. Tel ne semble pas devoir être le cas.

Le graphique ci-après indique l'historique de leurs dépenses et de leurs recettes depuis 1980, complété par la programmation du tableau ci-avant.

Les dépenses et les recettes des administrations publiques locales

(en points de PIB)

Sources : Insee, rapport annexé au présent projet de loi

On voit que les administrations publiques locales ont connu un besoin de financement à peu près permanent, la période 1996-2003 constituant une exception. Le besoin de financement observé depuis 2004 correspond en réalité à une situation normale, venant du fait qu'il est rationnel pour une administration publique de s'endetter, dès lors que sa charge d'intérêts représente une part raisonnable de ses ressources.

Par ailleurs, une inversion de tendance s'est produite en 2000 : jusqu'alors le solde s'améliorait ; depuis il se dégrade.

Le solde des administrations publiques locales

(en points de PIB)

Sources : Insee, rapport annexé au présent projet de loi

Dans ces conditions, on ne voit pas pourquoi, sauf en cas de forte hausse des taux d'intérêt, les administrations publiques locales chercheraient à parvenir à l'équilibre en 2014. Leur charge d'intérêts représente aujourd'hui une part historiquement faible de leurs dépenses, comme le montre le graphique ci-après.

Part des intérêts dans les dépenses des administrations publiques locales

(en %)

Sources : Insee, calculs de la commission des finances

Des programmations optimistes du solde des administrations publiques locales sont un moyen utilisé depuis longtemps pour « boucler » optiquement les programmes de stabilité, comme le montre le graphique ci-après.

Le solde des administrations publiques locales : prévision et exécution

(en points de PIB)

PS : programme de stabilité. LPFP : loi de programmation des finances publiques. PJL : projet de loi.

Source : commission des finances, d'après l'Insee et les programmes de stabilité

Le programme le plus manifestement irréaliste de ce point de vue a été le programme de stabilité 2007-2009, qui prévoyait un excédent de 0,4 point de PIB en fin de période. Cela s'explique par le fait que ce programme cherchait à afficher un objectif aussi ambitieux que celui du « rapport Pébereau », ce qui était irréaliste, comme votre rapporteur général l'a souligné dans son rapport d'information relatif à ce programme.

Il est regrettable que le Gouvernement n'ait toujours pas rompu avec cette pratique, qui nuit à la crédibilité de la programmation.

D. CLARIFIER LES MODALITÉS D'APPLICATION DU DISPOSITIF

Le présent article ne précise pas quelle sera sa période d'application . L'article 1 er du présent projet de loi dispose que « les articles 2 à 10 de la présente loi fixent [...] les objectifs de la programmation pluriannuelle des finances publiques pour les années 2011 à 2014 », ce qui laisse penser que la norme de progression des concours doit s'appliquer pour les quatre exercices 2011 à 2014.

L'exposé des motifs indique, pour sa part, que « l'article 7 pose la règle de la stabilisation en valeur sur la période 2011-2013 des concours financiers de l'État aux collectivités locales, hors fonds de compensation de la TVA. Cette règle est appliquée pour élaborer le budget triennal 2011-2013 ». Ainsi, la norme d'évolution ne correspondrait qu'à la programmation budgétaire triennale, pour les exercices 2011 à 2013.

Il paraît donc nécessaire de clarifier le dispositif . Le présent projet de loi de programmation a vocation à s'appliquer pour les quatre exercices 2011 à 2014. La seule exception à cette règle concerne la programmation triennale des plafonds des missions du budget de l'Etat, qui n'est prévue que jusqu'en 2013. Il convient donc d'aligner la durée du gel en valeur des concours de l'Etat aux collectivités territoriales sur celle du gel en valeur des dépenses de l'Etat, et donc de retenir la date de 2014.

Par ailleurs, préciser que la norme s'applique pour chacun des exercices concernés évitera que la règle puisse être interprétée comme permettant, une année, de diminuer les concours financiers aux collectivités territoriales pour en relever le montant, l'année suivante, à leur niveau initial.

Votre commission a donc modifié le présent article afin de prévoir explicitement que « pour chacune des années 2011 à 2014 , est stabilisé en valeur, à périmètre constant » l'ensemble des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales inclus dans l'enveloppe normée.

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 8 - Norme annuelle d'évolution des dépenses de sécurité sociale

Commentaire : le présent article propose d'instaurer une norme annuelle d'évolution de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie et des dépenses du régime général de sécurité sociale (l'Assemblée nationale ayant élargi cette dernière norme aux régimes obligatoires de base).

I. LE DROIT EXISTANT

A. DES DÉPENSES QUI FONT DÉJÀ L'OBJET D'UNE PROGRAMMATION PLURIANNUELLE

L'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) et les dépenses du régime général de sécurité sociale font d'ores et déjà l'objet d'une programmation pluriannuelle.

1. Depuis 2006, une programmation pluriannuelle en annexe aux lois de financement de la sécurité sociale

a) Une avancée de la LOLFSS

Ainsi, l'article LO 111-4 du code de la sécurité sociale, inséré par la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, prévoit :

« Le projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'année est accompagné d'un rapport décrivant les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche des régimes obligatoires de base et du régime général, les prévisions de recettes et de dépenses des organismes concourant au financement de ces régimes ainsi que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie pour les quatre années à venir. Ces prévisions sont établies de manière cohérente avec les perspectives d'évolution des recettes, des dépenses et du solde de l'ensemble des administrations publiques présentées dans le rapport joint au projet de loi de finances de l'année en application de l'article 50 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances. »

On rappelle que l'ONDAM est défini depuis 1997 par les lois de financement de la sécurité sociale, instaurées par la loi organique n° 96-646 du 22 juillet 1996 relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Cependant, celles-ci n'étaient pas alors accompagnées d'une programmation pluriannuelle.

b) Une programmation de l'ONDAM exprimée d'une manière qui la prive de toute portée pratique

Les lois de financement de la sécurité sociale ne programment pas l'ONDAM et les dépenses du régime général de la même manière :

- l'ONDAM est défini par un taux d'évolution moyen sur une période triennale (sauf peut-être dans le cas de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, ambiguë à ce sujet) ;

- les dépenses du régime général le sont quant à elles par un montant en milliards d'euros, exprimé pour chaque année de la programmation.

Il en découle tout d'abord que les dérapages des dépenses du régime général sont plus visibles. Par exemple, un fort dépassement du taux de croissance de l'ONDAM en début de période, suivi d'un taux de croissance de l'ONDAM analogue aux prévisions, pourrait donner l'impression que la programmation est à peu près respectée, alors que tel ne serait pas le cas en pratique.

Surtout, le fait que la programmation de l'ONDAM soit exprimée en moyenne sur une période triennale la prive de toute portée pratique. En effet, une programmation n'a d'utilité que si elle permet un pilotage de la dépense. Tel n'est manifestement pas le cas d'une règle dont on ne peut, par définition, évaluer le respect qu'à l'expiration de la période de programmation.

2. Depuis la fin des années 1990, une programmation a minima de l'ONDAM dans le cadre des programmes de stabilité

L'ONDAM fait en outre l'objet d'une programmation pluriannuelle, également exprimée sous la forme d'un taux de croissance moyen sur une période (et donc sans utilité pratique), dans les programmes de stabilité transmis à la Commission européenne depuis la fin des années 1990.

Contrairement à ce qui est le cas pour les programmations associées aux lois de financement de la sécurité sociale, les programmes de stabilité expriment généralement la croissance de l'ONDAM en volume (comme celle des autres dépenses publiques).

B. UNE EXÉCUTION PLUS SATISFAISANTE DEPUIS LE MILIEU DES ANNÉES 2000

1. L'ONDAM : une programmation davantage respectée depuis le milieu des années 2000

L'ONDAM est, par nature, plus difficile à prévoir et à contrôler que les dépenses de retraite ou les prestations familiales. Aussi observe-t-on un écart plus important entre la programmation et l'exécution dans le cas de l'ONDAM que dans celui de l'ensemble des dépenses du régime général.

Dans le cas de l'ONDAM, les lois de financement de la sécurité sociale pour 2006 et 2007 ont programmé une croissance peu volontariste de l'ordre de 4 % par an en valeur. Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, cet objectif est sans cesse revu à la baisse, passant de 3,6 % dans la programmation associée à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 à 3,3 %, puis 3 % dans celles associées aux lois de financement de la sécurité sociale pour 2009 et 2010. Depuis 2006, la réalisation moyenne est de 3,6 % (soit environ 2 % en volume), ce qui correspond au taux de croissance moyen de la dépense publique, et représente déjà un effort considérable. Les prochaines années montreront si cet objectif très volontariste pourra ou non être atteint.

L'ONDAM : programmation (sur la base des lois de financement de la sécurité sociale, en valeur ) et exécution

(croissance en valeur en %)

Le taux de croissance des programmations est le taux de croissance moyen sur la période.

Sources : lois de financement de la sécurité sociale, commission des comptes de la sécurité sociale

Les programmes de stabilité comprennent depuis plus longtemps une programmation de l'ONDAM, qui on l'a vu présente la particularité d'être définie en volume , également en moyenne sur une période.

Cette rétrospective sur une période plus longue permet de mettre en évidence un net ralentissement depuis le milieu des années 2000. En effet, si la croissance de l'ONDAM en volume était alors de près de 3,5 % par an en moyenne, il n'est plus depuis que d'environ 2 % par an, comme on l'a indiqué ci-avant.

L'ONDAM : programmation (sur la base des programmes de stabilité, en volume ) et exécution

(croissance en volume %)

Le taux de croissance des programmations est le taux de croissance moyen sur la période.

Sources : lois de financement de la sécurité sociale, commission des comptes de la sécurité sociale

2. Les dépenses du régime général : une programmation plus récente mais par nature mieux respectée

La programmation des dépenses du régime général est on l'a vu exprimée en milliards d'euros et par année, ce qui présente l'intérêt - non négligeable pour une programmation - de faire clairement apparaître l'écart en niveau par rapport au montant initialement programmé, et donc de permettre un pilotage annuel.

Après un dérapage en 2006, en partie compensé en 2007, les dépenses évoluent à peu près conformément à la programmation, comme le montre le graphique ci-après.

Les dépenses du régime général : prévision et exécution

(en milliards d'euros)

Sources : lois de financement de la sécurité sociale

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. LA DÉFINITION DE PLAFONDS DE DÉPENSES POUR LE RÉGIME GÉNÉRAL, MAIS AUSSI (CE QUI EST NOUVEAU) POUR L'ONDAM

Sous sa forme initiale, le présent article proposait (dans ses I et II) de programmer l'ONDAM et les dépenses du régime général, en milliards d'euros courants, et pour chaque année de la programmation, conformément au tableau ci-après.

La programmation des dépenses sociales proposée par le présent article

(en milliards d'euros)

2010

2011

2012

2013

2014

Dépenses du régime général

316,5

327,6

337,9

349,3

360,5

ONDAM

162,4

167,1

171,8

176,6

181,6

B. LA MISE EN RÉSERVE D'UNE PARTIE DES DOTATIONS DE L'ONDAM (COMME EN 2010)

Le III du présent article prévoit quant à lui que « pour garantir le respect des montants fixés au II, une partie des dotations relevant de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie est mise en réserve au début de chaque exercice ».

Ainsi, l'annexe B au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 prévoit « l'instauration de mécanismes systématiques de mise en réserve en début d'année des dotations s'apparentant à des crédits budgétaires, les décisions de dégel total ou partiel, ou d'annulation, étant prises en cours d'année par le comité de pilotage ».

Il ne s'agit pas d'une nouveauté. En effet, une telle mise en réserve a déjà été effectuée en 2010. L'annexe B précitée précise que « cette mesure a été appliquée par anticipation dès cette année afin d'assurer le respect de l'ONDAM 2010 : plus de 500 millions d'euros de crédits ont été mis en réserve à cet effet et il est prévu une mise en réserve de 530 millions d'euros de crédits en 2011 ».

En pratique cette mise en réserve ne peut avoir qu'un effet modeste. En effet, les sommes en jeu correspondent à seulement 0,3 % de l'ONDAM (167 milliards d'euros en 2011).

C. L'ARTICLE 13 PRÉVOIT QUE LE GOUVERNEMENT PRÉSENTE LES MODALITÉS D'APPLICATION DES II ET III DU PRÉSENT ARTICLE AU PLUS TARD LE 15 OCTOBRE

Selon le II de l'article 13, « le Gouvernement présente chaque année au Parlement, au plus tard le 15 octobre, les modalités de mise en oeuvre des II et III de l'article 8 ».

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de nos collègues députés Charles de Courson, Nicolas Perruchot et Philippe Vigier, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté un texte remplaçant la références au « régime général de sécurité sociale » par une référence aux « régimes obligatoires de base de sécurité sociale ». Elle n'a pas toutefois modifié le tableau correspondant, introduisant une incohérence.

Cette dernière modification a été apportée lors de la discussion en séance publique, par un amendement du Gouvernement.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. UN APPORT SIGNIFICATIF DANS LE CAS DE L'ONDAM

Le présent article n'apporte rien de nouveau dans le cas des dépenses du régime général, qui font d'ores et déjà l'objet d'une programmation analogue, également exprimée en milliards d'euros courants, annexée aux lois de financement de la sécurité sociale.

Il constitue en revanche une avancée significative dans le cas de l'ONDAM, dont jusqu'à présent la programmation n'était exprimée que sous la forme d'un taux de croissance moyen sur une période, avec les inconvénients soulignés ci-avant.

B. LA DÉCISION DE MAINTENIR L'EXPRESSION DE L'ONDAM ET DES DÉPENSES DES RÉGIMES OBLIGATOIRES DE BASE EN EUROS COURANTS

1. Les inconvénients d'une programmation en euros courants

Le présent article exprime les montants en euros courants, sur la base d'une hypothèse d'inflation de 1,75 %.

On peut tout d'abord s'interroger sur cette hypothèse d'inflation de 1,75 %. En effet, l'inflation hors tabac observée depuis le début des années 1990 est de l'ordre de 1,5 %. Si l'inflation était effectivement de 1,5 %, cette hypothèse reviendrait à majorer de 0,25 point par an le taux de croissance des dépenses concernées, ce qui dans le cas de celles du régime général correspondrait à un écart de l'ordre de 3 milliards d'euros (soit 0,15 point de PIB) en 2014.

Plus fondamentalement, l'inflation est structurellement erratique, comme le montre le graphique ci-après.

Evolution de l'indice des prix à la consommation hors tabac

(en moyenne annuelle, en %)

Source : Insee

Dans ces conditions, le respect ou le non respect des montants en valeur proposés par le présent article n'aurait guère de signification en termes de respect de la trajectoire de solde public.

On peut en effet s'interroger sur l'objet des normes de maîtrise de la dépense. S'il s'agit de réduire le déficit public, exprimé en points de PIB, cela implique une règle de dépenses définie en euros constants. En effet, il s'agit de réduire le ratio dépenses publiques/PIB. Comme l'évolution des prix du PIB est en général à peu près égale à celle des prix à la consommation, une règle de dépenses définies en euros constants permet, pour un taux de croissance réelle du PIB donné, de réduire le déficit d'un certain montant en points de PIB.

C'est donc à juste titre que les normes de dépenses publiques (article 4) et des dépenses de l'Etat (article 5) sont définies en euros constants.

On peut par ailleurs se demander s'il serait bien incohérent de disposer, d'une part, d'une norme de dépenses globale (article 4) et d'une norme de dépenses de l'Etat (article 5) exprimées en euros constants, et d'autre part, d'une norme de dépenses des régimes obligatoires de base exprimée en euros courants (présent article), sauf à considérer que ce sont les autres administrations publiques qui doivent faire l'ajustement.

C'est pourquoi votre rapporteur général a proposé un amendement tendant à exprimer les montants proposés par le présent article en euros constants.

Dans le cas des retraites et des prestations familiales, indexées sur l'inflation, cette expression de la règle en euros courants n'aurait rien changé en pratique. Dans celui de l'ONDAM, elle aurait impliqué des économies supplémentaires en cas de faible inflation (ou moindres en cas d'inflation élevée).

2. La décision de la commission de maintenir la présentation en euros courants

Après que l'amendement de votre rapporteur général avait obtenu un avis défavorable du Gouvernement, votre commission des finances a décidé, lors de sa réunion du 27 octobre 2010, de maintenir l'expression en euros courants.

Certes, cela remet en cause la cohérence de la programmation, et fait courir le risque d'un dérapage de la dépense en volume (et donc du solde public exprimé en points de PIB) en cas d'inflation inférieure à l'hypothèse de 1,75 % associée au présent projet de loi pour les années 2012 à 2014.

Cependant, le Président de la République ayant déclaré que « le taux d'augmentation de l'ONDAM continuera (...) d'être progressivement abaissé pour passer de 3 % en 2010 à 2,9 % en 2011 et 2,8 % en 2012 », il n'a pas été jugé souhaitable de courir le risque de brouiller ce message. Par ailleurs, l'expression en euros courants impliquerait un effort réel moins important en cas d'inflation supérieure à l'hypothèse de 1,75 %. Or, le Gouvernement a jugé qu'au cours de la programmation l'aléa en matière d'inflation était à la hausse, et non à la baisse.

C. PRÉCISER QUE DANS LE CAS DES RÉGIMES OBLIGATOIRES DE BASE ÉGALEMENT, LA RÈGLE S'ENTEND À PÉRIMÈTRE CONSTANT

Le présent projet de loi prévoit, à juste titre, que les normes de dépenses de l'Etat (article 5), les plafonds de crédits des missions (article 6), les dotations de l'Etat aux collectivités territoriales (article 7) et l'ONDAM (II du présent article) s'entendent à périmètre constant.

En effet, une norme de dépenses à périmètre courant n'a de sens que si l'on raisonne au niveau de l'ensemble des administrations publiques (article 4). La déclinaison des normes de dépenses par catégories d'administrations publiques n'a de signification concrète que si l'on neutralise les variations de périmètre.

Etrangement, le I du présent article, relatif aux régimes obligatoires de base, ne précise pas que la norme de dépenses s'entend à périmètre constant. Il convient donc de corriger cet oubli.

D. PRÉCISER UN MONTANT MINIMAL DE DOTATIONS DE L'ONDAM MIS EN RÉSERVE

Comme on l'a indiqué ci-avant, le montant des moyens mis en réserve au titre de l'ONDAM a été de 500 millions d'euros en 2010 et devrait être de 530 millions d'euros en 2011, ce qui représente environ 0,3 % du montant total de l'ONDAM.

Votre commission des finances a adopté un amendement précisant dans le présent article que le montant des moyens mis en réserve ne peut être inférieur à ce seuil.

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

CHAPITRE III - L'ÉVOLUTION DES RECETTES PUBLIQUES

ARTICLE 9 - Encadrement des mesures nouvelles afférentes aux prélèvements obligatoires

Commentaire : le présent article propose des montants minima de mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires, définis chaque année de 2011 à 2014.

I. LE DROIT EXISTANT

La loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 comporte des dispositions de nature à sécuriser les prélèvements obligatoires.

Il en existe deux principales :

- l'article 11 oblige, chaque année, à gager les mesures nouvelles accroissant les niches fiscales (y compris, semble-t-il, celles de fiscalité locale) ou sociales par d'autres mesures nouvelles relatives aux niches ;

- l'article 10, qui ne s'entend qu'à l'échéance de la période de programmation (soit 2012), interdit de prendre des mesures nouvelles (qu'elles concernent ou non des niches) qui, considérées globalement, feraient passer les recettes fiscales de l'Etat ou les recettes sociales en dessous de certains montants.

A. L'OBLIGATION DE GAGER ANNUELLEMENT LES CRÉATIONS DE « NICHES » FISCALES OU SOCIALES EST INTERPRÉTÉE DE MANIÈRE LAXISTE PAR LE GOUVERNEMENT

Le I de l'article 11 de l'actuelle loi de programmation des finances publiques définit une « règle de gage », selon laquelle les créations ou extensions de « niches » fiscales ou sociales sont compensées par des suppressions ou diminutions d'autres « niches » de la même catégorie.

Cette règle a été interprétée par le Gouvernement d'une manière qui la vide de toute portée pratique.

Elle est présentée plus en détails dans le commentaire de l'article 9 bis .

B. LA RÈGLE DE GAGE GLOBAL DE L'ENSEMBLE DES MESURES NOUVELLES FISCALES OU SOCIALES D'ICI 2012 EST DÉPOURVUE DE PORTÉE PRATIQUE

1. Une disposition dont la mise en oeuvre ne pourra être appréciée que postérieurement à 2012

La principale disposition de la loi de programmation des finances publiques tendant à sécuriser les prélèvements obligatoires est censée être son article 10, qui prévoit qu'au titre de la période de programmation, les mesures nouvelles (qu'il s'agisse ou non de la création de « niches » : cela inclut donc les autres allégements, mais aussi les alourdissements) relatives aux recettes fiscales nettes de l'Etat ou aux recettes des régimes obligatoires de base de sécurité sociale ne peuvent avoir pour conséquence de réduire ces recettes par rapport à certains niveaux, définis pour chaque année de 2009 à 2012 en euros courants. Cette règle doit être appliquée séparément à ces deux catégories de recettes (une consolidation globale n'est pas possible).

Les mesures nouvelles relatives aux impôts locaux ne sont pas concernées, la loi se référant explicitement aux « recettes fiscales nettes de l'Etat ».

a) Un article mal rédigé

La portée de cet article est ambiguë.

Si les recettes constatées sont inférieures à celles de la programmation, l'écart ne peut être supérieur au montant des mesures nouvelles prises depuis le début de la période.

En revanche, si sans mesures nouvelles les recettes auraient de toute façon été inférieures aux montants programmés, la lettre de cet article autorise des allégements pour n'importe quel montant. Cela ne paraît pas avoir été souhaité par le législateur. Ainsi, le rapport annexé à la loi de programmation indique que « tant que le niveau des recettes de l'Etat et de la sécurité sociale prévu par la loi de programmation n'est pas atteint, les mesures nouvelles ayant un impact à la baisse sur le niveau des recettes fiscales et/ou des cotisations ou contributions sociales seront gagées, sur l'ensemble de la période de programmation, par une augmentation à due concurrence de ces recettes ».

Pourtant, la situation économique rendait d'ores et déjà la rédaction de cet article peu opérationnelle. On rappelle en particulier que ce texte a été discuté au Sénat le 6 novembre 2008, après la faillite de la banque Lehman Brothers (15 septembre). Le consensus des conjoncturistes prévoyait alors une croissance de 0,5 % et une inflation de 2 %, mais, comme le soulignait alors votre commission des finances, une faible inflation sur la période de programmation était envisageable et pouvait rendre les montants de recettes caducs. Votre commission des finances n'envisageait pas alors toutefois un effondrement des recettes de l'ampleur de celui constaté en 2009. Sa crainte était plutôt que la règle soit trop rigoureuse, conduisant à interdire des allégements alors même que les recettes, traduites en points de PIB (seule notion réellement importante, alors que le déficit pris en compte par le pacte de stabilité est défini en points de PIB et que la croissance des dépenses est exprimée en volume), auraient été conformes à la programmation.

b) Un article qui ne s'applique pas annuellement, ce qui le prive de toute portée pratique

Le Gouvernement a donné un avis défavorable à un amendement de votre commission des finances (que celle-ci a retiré) indiquant que cette règle s'appliquait « chaque année ». Le Gouvernement considère en effet (comme cela est indiqué dans le rapport annexé à la loi de programmation 2009-2012) que l'application de cette règle doit être appréciée globalement sur la période, ce qui la vide de toute portée pratique. Dans la situation actuelle, les recettes étant nettement inférieures aux montants programmés, et devant probablement le rester d'ici 2012, cette interprétation signifie que la sommation de toutes les mesures nouvelles de 2009 à 2012 devrait être neutre ou positive. Selon les estimations présentées par votre commission des finances lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2010, l'impact global des allégements de recettes de l'Etat alors prévus à partir de 2009 (correspondant en quasi-totalité à la TVA restauration et à la suppression de la taxe professionnelle) semblait impliquer d'ici 2012, en sus des mesures nouvelles alors prévues, des mesures nouvelles augmentant les recettes fiscales nettes d'un montant analogue, soit environ 6 milliards d'euros (0,3 point de PIB).

Cette disposition a d'autant moins de portée pratique que les modalités retenues par le Gouvernement pour l'application de l'article 11 précité de la loi de programmation laissent en outre craindre qu'il considère que cette règle s'entend également en « régime de croisière ». Il pourrait ainsi considérer que les mesures destinées à « gager » d'ici 2012 les diminutions nettes de recettes fiscales de l'Etat ou de recettes des régimes obligatoires de base n'ont pas vocation à entrer en vigueur en 2012, mais peuvent le faire bien au-delà, ce qui, là encore, priverait la règle de l'essentiel de sa portée.

On se retrouve donc avec un article dépourvu de la moindre portée pratique. Selon le rapport annexé à la loi de programmation 2009-2012, la mise en oeuvre de cette disposition ne peut être appréciée avant que soit connue l'exécution de 2012. Si l'on retient une interprétation littérale du texte, elle a bien été respectée, mais seulement parce que l'effondrement des recettes a été tel que même sans mesures nouvelles le plancher de recettes aurait de toute façon été « enfoncé ».

Au total, on aurait probablement pu se passer de cet article.

2. Un article que votre commission des finances avait proposé de remplacer par une disposition opérationnelle

L'article 10 de la loi de programmation 2009-2012 étant manifestement inadapté, votre commission des finances a présenté lors de la discussion du texte un amendement prévoyant que les mesures nouvelles ne pouvaient réduire les recettes tant que le déficit des administrations publiques de l'année précédente était supérieur à 1,5 point de PIB.

Elle a cependant été conduite à le retirer, à la suite d'un avis défavorable du Gouvernement, qui ne souhaitait pas alors se lier en matière de mesures nouvelles sur les recettes (ce qui pouvait sembler étonnant, dès lors que l'on acceptait le principe d'une loi de programmation).

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Sous sa forme initiale, le présent article prévoyait que « l'impact annuel des mesures nouvelles afférentes aux prélèvements obligatoires votées par le Parlement ou prises par le Gouvernement par voie réglementaire est au moins égal aux montants retracés dans le tableau ci-dessous, exprimés en milliards d'euros :

2011

2012

2013

2014

10

3

3

3

»

On observe qu'il résulte de la rédaction retenue que ces montants n'incluent pas les mesures nouvelles correspondant aux augmentations de taux des collectivités territoriales. Cela est justifié si l'on considère que, les valeurs locatives cadastrales (actualisée chaque année par des coefficients fixés par une loi de finances) étant à peu près indexées sur l'inflation, les impôts locaux tendent spontanément à augmenter moins vite que le PIB, de sorte que la tendance à l'augmentation des taux de la fiscalité locale ne traduit pas en tant que telle un effort structurel.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A. UNE PRÉCISION INDISPENSABLE QUANT AUX MESURES PRISES EN COMPTE

Sous sa forme initiale, le présent article n'était pas opérationnel. En effet, la notion de « mesures nouvelles » n'était alors pas précisément définie. Or, celle retenue était manifestement différente de celle habituellement utilisée.

Le montant de 10 milliards d'euros retenu pour l'année 2011 implique qu'elle ne comprend pas le « contrecoup » de diverses mesures déjà en vigueur, comme la suppression de la réforme de la taxe professionnelle. Le montant des mesures nouvelles relatives à l'année 2011 figurant dans le rapport relatif aux prélèvements obligatoires annexé au présent projet de loi est en effet de 17,7 milliards d'euros.

Les 10 milliards d'euros inscrits pour l'année 2011 correspondent en fait aux 10,9 milliards d'euros de mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires prévus par les projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2011.

Aussi, à l'initiative du rapporteur général de l'Assemblée nationale, notre collègue député Gilles Carrez, le texte adopté par la commission des finances de l'Assemblée nationale a apporté la précision indispensable selon laquelle les mesures nouvelles concernées sont uniquement celles « votées par le Parlement ou prises par le Gouvernement par voie réglementaire à compter du 1 er juillet 2010 ».

B. UNE DISPOSITION PEU EFFECTIVE SUR LA STABILISATION DU COÛT DES NICHES FISCALES ET SOCIALES EN VALEUR À PÉRIMÈTRE CONSTANT

1. Une règle qui tend à soumettre la dépense fiscale et sociale à la règle du « zéro valeur »

Egalement à l'initiative de son rapporteur général, le texte adopté par la commission des finances de l'Assemblée nationale précise que le coût des niches fiscales et sociales - c'est-à-dire celui des « dépenses fiscales » et des « réductions, exonérations ou abattements d'assiette s'appliquant aux cotisations et contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale ou aux organismes concourant à leur financement » - est « stabilisé en valeur à périmètre constant ».

Cette règle s'appliquerait séparément pour les niches fiscales et sociales. L'exposé des motifs de l'amendement précise qu'elle s'entend « sur l'ensemble de la durée de la programmation ».

2. Une règle très ambitieuse

Cette règle est très ambitieuse.

Tout d'abord, elle pourrait impliquer d'accroître de plus de 5 milliards d'euros les mesures nouvelles sur les recettes prévues par le I du présent article. En effet, si l'on suppose que le PIB augmente de 4 % par an en valeur de 2011 à 2014, avec une élasticité des prélèvements obligatoires au PIB proche de l'unité, les prélèvements obligatoires tendront à augmenter d'un taux analogue. Le coût des niches fiscales et sociales, de l'ordre de 150 milliards d'euros au total selon l'approche de la Cour des comptes et de la commission des finances, augmenterait donc spontanément d'environ 25 milliards d'euros d'ici 2014 (soit alors environ un point de PIB). Or, les mesures nouvelles prévues par le présent article sont de seulement 19 milliards d'euros, et ne consisteraient pas exclusivement en la suppression ou la réduction de niches. Il faudrait donc réaliser des réductions ou suppressions de niches supplémentaires, pour un montant correspondant à l'écart entre cette somme et 25 milliards d'euros.

Ensuite, cette mesure implique de réaliser des progrès considérables en matière d'évaluation du coût des niches, soit parce qu'on ne sait évaluer précisément le coût de certains dispositifs, soit parce que la notion de niche est elle-même assez vague, en particulier dans le cas des niches sociales. Ainsi, selon le rapport annexé au présent projet de loi, « la notion de « dépenses fiscales et niches sociales » s'est avérée difficile à appréhender juridiquement ». En particulier, le montant des niches sociales peut varier entre 40 et 75 milliards d'euros selon la méthodologie retenue. Il faudra donc veiller à ce que les gouvernements successifs ne « cassent pas le thermomètre » et ne sous-évaluent pas délibérément le montant des niches, pour s'émanciper de la règle.

Enfin, cette norme revient à obliger les gouvernements successifs à limiter quasiment les mesures nouvelles prévues par le présent article à des réductions de niches. Cela implique donc de renouveler chaque année l'exercice de réduction des niches des PLF et PLFSS pour 2011, déjà très ambitieux.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. ACCROÎTRE LE MONTANT PRÉVU D'UN MILLIARD D'EUROS

Le montant des mesures nouvelles prévu pour 2011 par le présent article est d'ores et déjà inférieur à celui des mesures prévues pour cette année, comme le montre le tableau ci-après.

Les mesures nouvelles* prévues par le présent article et par le rapport relatif aux prélèvements obligatoires

(en milliards d'euros)

2011

2012

2013

2014

Montants proposés par le présent article

10

3

3

3

Rapport sur les prélèvements obligatoires annexé au présent projet de loi de finances

dont :

PLF et PLFSS 2011

10,9

2,6

Dont réductions et suppressions de niches

9,4

2,1

* Dispositions votées par le Parlement ou prises par le Gouvernement par voie réglementaire à compter du 1 er juillet 2010.

Sources : présent projet de loi, rapport sur les prélèvements obligatoires et leur évolution annexé au présent projet de loi de finances

Il convient donc d'accroître le montant prévu pour 2011, par coordination avec les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2011, et de porter ce montant à 11 milliards d'euros.

B. NE PAS ALLER AU-DELÀ

Il ne paraît en revanche pas souhaitable d'aller au-delà.

Certes, comme on l'a indiqué ci-avant, en l'absence de mesures supplémentaires par rapport à celles véritablement « documentées », il risque de manquer de l'ordre de 40 milliards d'euros (soit 2 points de PIB) en 2013 pour ramener le déficit à 3 points de PIB en 2013.

Cependant, ce montant vient pour environ la moitié du fait que l'on considère que le Gouvernement ne parviendra pas complètement à limiter la croissance des dépenses publiques à 0,6 % par an en volume. Il est hélas possible que le déficit ne diminue pas de la manière prévue par le présent projet de loi, et que des mesures complémentaires soient nécessaires. Cependant, plutôt que de modifier, de manière un peu vaine, la répartition proposée par le présent projet de loi, votre commission des finances préfère proposer de permettre, en exécution, une « fongibilité » entre maîtrise des dépenses et mesures nouvelles sur les recettes (comme le préconise le rapport Camdessus, et conformément à la logique de la contribution précitée du président et du rapporteur général de votre commission des finances), en modifiant en ce sens l'article 13 du présent projet de loi.

Il est vrai que le reste des 40 milliards d'euros qui risquent de manquer en 2013 proviendrait d'une croissance vraisemblablement plus faible que celle supposée par le Gouvernement. Cependant, votre commission des finances considère que l'important n'est pas de ramener à tout prix le déficit à 3 points de PIB en 2013, mais d'avoir une stratégie crédible de réduction du déficit à moyen terme.

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 9 bis (nouveau) - Encadrement de l'application des créations ou extensions de dépenses fiscales et de réductions, exonérations ou abattements de cotisations et contributions sociales

Commentaire : le présent article, inséré par la commission des finances de l'Assemblée nationale à l'initiative de son président, notre collègue député Jérôme Cahuzac, propose de maintenir la règle selon laquelle chaque création ou extension de niche fiscale ou sociale n'est applicable qu'au titre des quatre années qui suivent celle de son entrée en vigueur.

I. LE DROIT EXISTANT : L'ARTICLE 11 DE LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES POUR LES ANNÉES 2009 À 2012

L'article 11 de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 comprend deux dispositions relatives aux niches fiscales et sociales :

- son I prévoit une règle de « gage des niches » ;

- son II limite à 4 ans les extensions ou créations de niches fiscales ou sociales.

A. LA RÈGLE DE GAGE DES NICHES : UNE MISE EN oeUVRE PEU SATISFAISANTE

1. La règle de gage des niches

Selon le I de l'article 11 précité, « Au titre de chaque année de la période mentionnée à l'article 1er, les créations ou extensions :

« 1° De dépenses fiscales ;

« 2° Ainsi que de réductions, exonérations ou abattements d'assiette s'appliquant aux cotisations et contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base ou aux organismes concourant à leur financement, sont compensées par des suppressions ou diminutions de mesures relevant respectivement des 1° et 2°, pour un montant équivalent, selon les modalités précisées dans le rapport annexé à la présente loi. »

A l'initiative de votre commission des finances, les dispositions de l'article 11 ont été « durcies ». Ainsi, contrairement au texte initial, la règle fixée par l'article 11 s'entend au titre de chaque année de la période de programmation (et non de la période de programmation considérée globalement).

Dans son rapport relatif au débat d'orientation des finances publiques pour 2010, le Gouvernement indiquait : « Les articles de loi nécessaires au respect de la règle de gage devront être soumis au vote du Parlement dans le cadre du PLF ou du PLFSS suivant l'adoption de la dépense fiscale ou de la niche sociale (ou du même PLF / PLFSS pour les mesures qui y figurent) et non pas reportés à la date d'entrée en vigueur de la mesure, même si celle-ci est éloignée dans le temps ».

Ainsi, il faut distinguer deux cas de figure :

- les niches fiscales créées par un projet de loi de finances doivent être gagées par ce même projet de loi de finances ;

- celles créées hors projet de loi de finances doivent être gagées par le projet de loi de finances suivant.

Dans le même rapport, le Gouvernement indiquait son intention de ne pas prendre en compte les créations ou extensions de niches instaurées par le plan de relance, en principe non pérennes.

2. La décision du Gouvernement de considérer que cette disposition ne s'applique qu'à la situation en « régime de croisière »

Le Gouvernement retient une interprétation laxiste de la règle de « gage des niches », qui a eu pour effet d'autoriser le passage au taux réduit de la TVA dans la restauration, et la vide de fait de l'essentiel de sa portée.

En effet, il indique, dans son rapport précité relatif au débat d'orientation des finances publiques pour 2010, que « le coût des dépenses fiscales et des niches sociales à prendre en compte pour le gage devra être apprécié en régime de croisière ».

On rappelle par ailleurs que la règle concerne non les mesures relatives aux niches entrant en vigueur en tant que mesures nouvelles une année donnée, mais les mesures de projet de loi de finances à projet de loi de finances.

a) L'application de la règle pour les niches « gagées » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2010

Ainsi, dans le cas des créations ou extensions de niches « gagées » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2010, le Gouvernement met en avant le fait que les mesures relatives aux niches fiscales prises à partir de la loi de finances initiale pour 2009 auront pour effet, en 2013 (soit une année après la fin de la période couverte par la loi de programmation des finances publiques), d'accroître ces niches de seulement 0,2 milliard d'euros. Cependant, les années précédentes les alourdissements nets de niches fiscales seront significatifs : 2,2 milliards d'euros en 2010, 1,3 milliard d'euros en 2011, et encore 1 milliard d'euros en 2012.

Cette réduction nette des nouvelles niches prévue entre 2010 et 2013 vient du fait que loi de finances pour 2009 comprend diverses dispositions dont l'impact évoluerait au cours du temps :

- l'amendement sur la demi-part supplémentaire, après avoir rapporté seulement 0,1 milliard d'euros en 2010, en rapporterait 0,9 milliard en 2013 ;

- les autres amendements, considérés globalement, coûteraient 0,4 milliard d'euros en 2010 mais rapporteraient 0,1 milliard d'euros en 2013.

La prise en compte du seul impact à long terme des dispositions relatives aux niches vide la règle de l'essentiel de sa portée. En effet, on conçoit bien que le Gouvernement de 2013 ne se sentira pas lié par les décisions prises par le Gouvernement actuel, et que rien ne l'empêcherait, si la règle de compensation des niches est toujours en vigueur, d'instaurer à son tour de nouvelles niches, dont la durée serait limitée à quelques années ou qui seraient compensées par des mesures ne devant entrer en vigueur que progressivement.

Par ailleurs, le coût effectif des mesures en « régime de croisière » ne pourra être vérifié que trop tardivement pour qu'il soit possible de juger de l'effectivité de l'application de la règle. Cette interprétation n'est évidemment pas conforme à l'esprit de la loi.

La mise en oeuvre de la règle de gage des mesures relatives aux niches fiscales prévue par l'article 11 de la loi de programmation des finances publiques : le cas du PLF 2010

(en milliards d'euros, par rapport à la situation

à droit 2008 inchangé)

2010

2011

2012

2013

Droit antérieur au projet de loi de finances pour 2010

Mesures proposées par le Gouvernement en PLF 2009

0,6

0,8

0,8

0,8

dont mesure agrocarburants

0,6

0,8

1,1

1,1

dont autres mesures proposées en PLF 2009

0

0

-0,3

-0,3

Coût des amendements au PLF 2009

-0,3

-0,1

0,2

0,9

dont amendement mesure agrocarburant

-0,1

-0,1

-0,1

-0,1

dont amendement demi-part supplémentaire

0,1

0,3

0,6

0,9

dont autres amendements

-0,4

-0,3

-0,3

0,1

Coût des mesures nouvelles mise en place par d'autres lois

-2,8

-2,5

-2,5

-2,4

dont loi outre-mer

-0,3

-0,3

-0,4

-0,3

dont loi pour le logement

-0,1

0

0

0,1

dont TVA restauration (loi de développement et de modernisation des services touristiques)

-3

-3

-3

-3

dont Loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion

0,6

1

1

1

dont basculement d'une partie de la PPE vers le RSA

0,3

0,6

0,6

0,6

dont suppression du dégrèvement d'office de TH attaché au statut de bénéficiaire du RMI

0,4

0,4

0,4

0,4

dont LFR 2008 et 2009

0

-0,1

-0,1

0

DROIT ACTUEL

-2,5

-1,8

-1,5

-0,7

Mesures proposées par le Gouvernement en PLF 2010

Total

0,3

0,5

0,5

0,5

Impact de la suppression de la TP

0,8

0,8

0,8

0,8

Impact taxe carbone

-0,6

-0,6

-0,6

-0,6

dont impact RSTA

0,1

0,1

0,1

0

Modification des modalités de taux réduit de TVA sur travaux de rénovation

0,1

0,1

0,1

0,1

Verdissement du CI TEPA

0

0

0,1

0,2

Autres variations

-0,1

0

0,1

0,1

Solde après prise en compte du PLF 2010

Solde

-2,2

-1,3

-1

-0,2

Remarque importante : contrairement à ce qui est habituellement le cas, la présentation retenue par le Gouvernement, et conservée ici, prend pour référence le droit de 2008 (et non le droit de l'année précédente, ce qui correspond à la présentation dite en « mesures nouvelles »). Ainsi, en 2010 l'ensemble des mesures relatives aux niches prises à partir de la loi de finances initiale pour 2009 aggraveront le déficit de 2,2 milliards d'euros, et en 2013 elles l'aggraveront de 0,2 milliard d'euros.

Un signe négatif indique un coût.

Conformément à l'interprétation de la règle de gage faite par le Gouvernement dans son rapport relatif au débat d'orientation des finances publiques pour 2010, les mesures du plan de relance ne sont pas prises en compte.

Sources : projet de loi de finances pour 2010, tome II du fascicule « Voies et moyens »

b) L'application de la règle sur la totalité de la période

Certes, cette interprétation contestable n'a conduit à dégrader le solde que pour les mesures « gagées » par le projet de loi de finances pour 2010, comme le montre le tableau ci-après.

L'application de la règle de « gage des niches » fiscales en 2009, 2010 et 2011

(réductions de niches
en milliards d'euros)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

PLF 2009

0,3

0,5

0,8

0,7

PLF 2010

-2,2

-1,3

-1

-0,2

PLF 2011

1,5

3

3,8

3,4

Total

0,3

-1,7

1

2,7

3,6

3,4

Un signe positif indique une amélioration du solde.

Source : d'après la réponse du Gouvernement au questionnaire adressé par le rapporteur général relatif au projet de loi de finances pour 2011 (total calculé par la commission des finances)

On peut cependant s'interroger sur l'utilité d'une règle de gage des niches que le Gouvernement peut décider, s'il le souhaite, d'interpréter de manière à aggraver le déficit de plusieurs milliards d'euros une année donnée.

Par ailleurs, si après prise en compte du projet de loi de finances pour 2011 on constate bien des réductions nettes de niches fiscales en 2011 (pour 1 milliard d'euros), en 2010, même après prise en compte du projet de loi de finances pour 2009, les niches fiscales connaîtraient une augmentation nette de 1,7 milliard d'euros .

B. LA LIMITATION À 4 ANS DES CRÉATIONS OU EXTENSIONS DE NICHES : UNE DISPOSITION DIRECTEMENT APPLICABLE

Le II de l'article 11 de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 prévoit que « chaque mesure relevant des 1° ou 2° du I [c'est-à-dire une création ou extension de niche fiscale ou sociale] instaurée par un texte promulgué au cours de la période mentionnée à l'article 1er n'est applicable qu'au titre des quatre années qui suivent celle de son entrée en vigueur ».

Ce II résulte d'un amendement de votre commission des finances, s'inspirant lui-même des travaux de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur les niches fiscales (2008).

Cette disposition, selon une interprétation concordante du Gouvernement, de la Cour des comptes et de votre commission des finances, est directement applicable, sauf disposition contraire dans le texte concerné (la loi postérieure l'emportant sur la loi antérieure).

Dans son rapport en vue du débat d'orientation des finances publiques pour 2011, votre commission considérait que « le caractère opérationnel des dispositions de la loi de programmation des finances publiques relatives à la « durée de vie limitée des niches » est discuté car, même si cette interprétation est partagée par le Gouvernement, la Cour des comptes et votre commission des finances, il reste possible de contester l'assertion selon laquelle une disposition fiscale figurant dans une loi postérieure à l'entrée en vigueur de la loi de programmation, également de valeur ordinaire, est effectivement bornée dans le temps.

« Cette ambiguïté serait levée si cette règle figurait dans un texte de rang organique. Ainsi, les dispositifs dérogatoires disparaîtraient automatiquement de la législation, sauf reconduction explicite, à l'issue de la période de quatre ans. Les bénéficiaires de ces régimes, et les administrations qui les promeuvent, seraient fortement incités à procéder à des évaluations détaillées et convaincantes de l'utilité des différentes mesures ».

II. L'ARTICLE 14 DU PRÉSENT PROJET DE LOI PROPOSE D'ABROGER LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES POUR LES ANNÉES 2009 À 2012

L'article 14 du présent projet de loi abroge la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.

Or, toutes les dispositions de la loi précitée ne sont pas reprises par le présent projet de loi. Sont ainsi abrogés :

- l'article 10, prévoyant une règle de limitation des mesures nouvelles allégeant les prélèvements obligatoires, on l'a vu conçue de manière à n'avoir aucune portée pratique ;

- l'article 11 précité.

III. LE PRÉSENT ARTICLE PROPOSE DE MAINTENIR LA LIMITATION À QUATRE ANS DE LA DURÉE DES NOUVELLES NICHES

Le présent article, inséré par la commission des finances de l'Assemblée nationale à l'initiative de son président, notre collègue député Jérôme Cahuzac, propose de maintenir les dispositions du II de l'article 11 de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.

Ainsi, les créations et extensions de niches continueraient d'avoir une validité limitée à quatre années.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. PRÉCISER QUE CETTE RÈGLE S'APPLIQUE ÉGALEMENT AUX NICHES CRÉÉES OU ÉTENDUES EN 2009 ET EN 2010

Le présent article, auquel votre commission des finances ne peut qu'être favorable, compte tenu de ses positions antérieures, se réfère aux seules créations et extensions de niches par des textes promulguées lors de la période de programmation, soit 2011-2014. Ainsi, les niches actuelles visées par le II de l'article 11 de la loi de programmation des finances publiques 2009-2012 ne seraient pas couvertes par le présent article.

Il serait absurde que chaque adoption d'une loi de programmation revienne à décaler la période prise en compte pour l'application de cette règle, qui en viendrait à perdre toute effectivité.

Aussi votre commission des finances a-t-elle modifié le présent article, de manière à prévoir, conformément au droit actuel, que sont concernées les niches créées ou étendues à partir de 2009.

B. NE PAS RÉTABLIR LA RÈGLE DE « GAGE » DES NICHES

La question du rétablissement de la règle de « gage » des niches, que le rapport Camdessus suggère d'élever au rang organique, se pose.

Cette solution ne semble cependant pas devoir être retenue compte tenu des dispositions de l'article 9 du présent projet de loi et des modifications qui leur ont été apportées par l'Assemblée nationale.

En elle-même, la notion de plancher de mesures nouvelles en recettes implique, dès lors que l'on fait le choix de concentrer les mesures nouvelles sur les réductions de niches, que non seulement les créations de niches sont gagées, mais qu'au total on constate des suppressions nettes de niches.

L'Assemblée nationale a complété ces dispositions par une règle de gel en valeur et à périmètre constant du montant des niches. Compte tenu du dynamisme spontané des niches, le respect de cette règle impliquera une politique résolue de réduction des niches fiscales et sociales.

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 10 - Affectation des surplus des prélèvements obligatoires à la réduction du déficit public

Commentaire : le présent article prévoit d'affecter au désendettement les surplus des impositions de toute nature de l'Etat et des cotisations et contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base.

I. LE DROIT EXISTANT CONCERNE LE SEUL ÉTAT

A. L'ARTICLE 34 DE LA LOLF : L'OBLIGATION DE PRÉCISER EN LOI DE FINANCES L'AFFECTATION DES ÉVENTUELS SURPLUS DE L'ETAT

La loi organique n° 2005-779 du 12 juillet 2005 a modifié l'article 34 de la LOLF, qui prévoit désormais, au 10° du I, que la loi de finances de l'année « arrête les modalités selon lesquelles sont utilisés les éventuels surplus, par rapport aux évaluations de la loi de finances de l'année, du produit des impositions de toute nature établies au profit de l'Etat ».

M. Nicolas Sarkozy, alors ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, avait en effet annoncé, au début du mois de mai 2004, qu'il prendrait une initiative tendant à définir une norme de comportement budgétaire vertueuse en cas de surplus non anticipés de recettes. L'apparition d'un éventuel surplus de recettes est, en partie, liée à la qualité de la prévision de recettes, et donc de la prévision de croissance.

Les questions relatives à l'affectation des surplus de recettes sont familières à votre commission des finances. Elle avait, à l'automne 1999, affirmé qu'il existait un surplus de recettes fiscales par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale pour 1999, ce que le Gouvernement avait longtemps contesté, avant de déposer, lors de la discussion de l'article d'équilibre du projet de loi de finances rectificative pour 1999, le 20 décembre 1999, un amendement qui, selon les termes du ministre, tendait à « corriger l'équilibre de ce collectif budgétaire » et, en particulier, « relever le niveau des recettes de 11,3 milliards de francs (1,7 milliard d'euros), soit 0,7 % des recettes fiscales nettes, ce afin de tenir compte des informations les plus récentes ». Cet épisode, qui avait été qualifié indûment « d'affaire de la cagnotte budgétaire » par la presse, laissant ainsi penser qu'existaient des excédents alors que le budget connaissait alors un important déficit, avait constitué un moment de vérité budgétaire.

En pratique, l'article d'équilibre de chaque projet de loi de finances détermine l'affectation des éventuels surplus. Depuis la loi de finances pour 2006, il est d'usage que les surplus de recettes sont affectés en totalité à la réduction du déficit. Ainsi, le IV de l'article 67 de la n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 prévoit :

« Pour 2010, les éventuels surplus mentionnés au 10° du I de l'article 34 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances sont utilisés dans leur totalité pour réduire le déficit budgétaire.

« Il y a constatation de tels surplus si, pour l'année 2010, le produit des impositions de toute nature établies au profit de l'Etat net des remboursements et dégrèvements d'impôts, révisé dans la dernière loi de finances rectificative de l'année 2010 ou, à défaut, dans le projet de loi de finances pour 2011, est, à législation constante, supérieur à l'évaluation figurant dans l'état A mentionné au I du présent article. »

B. L'ARTICLE 9 DE LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES 2009-2012 : L'OBLIGATION D'AFFECTER AU DÉSENDETTEMENT LES ÉVENTUELS SURPLUS DE L'ÉTAT

L'article 9 de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 prévoit qu'au cours de la période de programmation, « les éventuels surplus, constatés par rapport aux évaluations de la loi de finances de l'année, du produit des impositions de toute nature établies au profit de l'Etat, sont utilisés dans leur totalité pour réduire le déficit budgétaire ».

Cette disposition de pure cohérence avec la politique poursuivie par l'actuel gouvernement, et le gouvernement précédent, ne conduit pas à rendre inopérantes les dispositions de la loi de finances de l'année en ce qui concerne la mise en oeuvre du 10 ° du I de l'article 34 de la LOLF.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : L'EXTENSION DE LA RÈGLE AUX RÉGIMES OBLIGATOIRES DE BASE

Le présent article, adopté sans modification par l'Assemblée nationale, prévoit que « les éventuels surplus, constatés par rapport aux évaluations de la loi de finances de l'année ou de la loi de financement de la sécurité sociale de l'année, du produit des impositions de toute nature établies au profit de l'État ou des cotisations et contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base et aux organismes concourant à leur financement sont utilisés dans leur totalité pour réduire le déficit public ».

La règle est donc étendue aux régimes obligatoires de base.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Si les dépenses publiques (article 4) et les mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires (article 9) étaient rigoureusement égales aux montants de la programmation, le présent article n'aurait aucune utilité pratique. En effet, lorsque l'on énonce que les surplus sont affectés au désendettement, cela signifie que l'on ne prend aucune mesure supplémentaire sur les dépenses ou les recettes tendant à aggraver le déficit.

Cependant, sous sa forme actuelle, le présent projet de loi ne prévoit aucune procédure permettant de crédibiliser les règles définies par l'article 9 et, surtout, l'article 4. Dans ces conditions, il paraît nécessaire de maintenir le présent article, au moins de manière temporaire.

Par ailleurs, le présent article peut être utile dans le cas de figure où la loi de finances ou la loi de financement de la sécurité sociale prévoirait des mesures plus strictes que ce que prévoit la loi de programmation. Il jouerait un rôle de « cliquet », en retenant pour référence la loi de finances ou la loi de financement de la sécurité sociale.

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article sans modification.

CHAPITRE IV - LIMITATION DU RECOURS À L'EMPRUNT DE CERTAINS ORGANISMES PUBLICS

ARTICLE 11 - (Art. L. 6141-2-1 du code de la santé publique) - Interdiction, pour les opérateurs de l'Etat, d'emprunter pour une durée supérieure à douze mois

Commentaire : le présent article institue une règle générale d'interdiction de recourir à l'emprunt, pour une durée supérieure à douze mois, applicable à certains organismes publics

I. UN ENDETTEMENT CROISSANT, QU'IL CONVIENT DE CONTENIR

A. L'ENDETTEMENT DES ODAC

1. Un phénomène identifié de longue date

Entre 2000 et 2009, la part des organismes divers d'administration centrale (ODAC) dans l'endettement public s'est accrue d'1,5 point, alors même que le ratio de dette sur produit intérieur brut (PIB) passait de 57,3 % à 78,1 % sur la même période ( cf . tableau).

Evolution des composantes de la dette publique et du ratio dette/PIB

Source : commission des finances, d'après Comptes nationaux base 2000 - INSEE, DGFiP, Banque de France

Le rapport annexé au présent projet de loi prévoit que la capacité de financement des ODAC, après avoir atteint un point haut de 2,1 % de PIB en 2010, dû aux dotations reçues par les opérateurs dans le cadre des investissements d'avenir et du Plan campus, devrait retrouver un étiage de 0,3 % de PIB entre 2011 et 2013, puis de 0,4 % en 2014. En effet, malgré le facteur de dégradation que constituera le décaissement progressif et partiel des fonds de l'Emprunt national, le solde des ODAC devrait globalement s'améliorer sous l'effet de l'affectation de nouvelles recettes à la CADES (3,2 milliards d'euros), de la disparition des ODAC, par construction déficitaires, qui assuraient l'apurement des soultes de La Poste (en 2009) et de France Télécom (en 2011) et de la fin des effets du transfert exceptionnel de titres de l'ERAP (Entreprise de recherches et d'activités pétrolières) à l'Etat, qui avait contribué à dégrader temporairement le solde d'un montant d'1,7 milliards d'euros en 2009.

Votre rapporteur général a eu, à maintes reprises, l'occasion de souligner dans quelle mesure la débudgétisation des ressources, l'inflation de la dépense et la progression de l'endettement des opérateurs constituaient des « points de fuite » susceptibles de vider de leur sens et de priver d'une partie de leurs effets les normes appliquées à la dépense de l'Etat .

Ce constat est, au demeurant, partagé de longue date par nos collègues députés qui, en 2008, s'étaient inquiétés des incertitudes entourant les règles relatives à l'emprunt des opérateurs et avaient recommandé que soit transmis au Parlement un état annuel de leur endettement. A l'initiative de nos collègues députés Gilles Carrez, rapporteur général du Budget et Michel Bouvard, un article 107 a également été inséré dans la loi de finances pour 2010, prévoyant que le « jaune » budgétaire relatif aux opérateurs de l'Etat présenterait « le montant des dettes des opérateurs de l'Etat, le fondement juridique du recours à l'emprunt et les principales caractéristiques des emprunts contractés, ainsi que le montant et la nature de leurs engagements hors bilan » . Les données ainsi rassemblées n'ont toutefois pu faire l'objet d'aucune exploitation dans le cadre de l'analyse du présent article, le « jaune » n'étant toujours pas disponible à la date d'achèvement du présent rapport.

L'année 2010 aura enfin vu ce sujet de préoccupation ressurgir, dans le cadre des débats de la commission présidée par M. Michel Camdessus . Le rapport final qu'elle a rendu déplore explicitement qu'il soit permis « à un opérateur de s'endetter alors qu'il n'a manifestement pas une capacité de remboursement propre suffisante, ou à affecter à un ODAC des recettes non fiscales existantes ou futures (telles des créances non échues) ponctuelles, conduisant à terme à faire apparaître un besoin de financement non couvert » .

Jugeant que le recours à l'emprunt était admissible pour l'Etat, au nom de la conduite des politiques publiques, et pour les collectivités territoriales, au nom du principe de libre administration, la commission a estimé qu'il « ne (pouvait) être question d'étendre cette possibilité aux opérateurs que dans le cadre d'un périmètre clairement défini et d'une régulation appropriée, sous un contrôle strict, particulièrement lorsqu'ils peuvent apparaître aux marchés comme bénéficiaires d'une garantie au moins implicite de l'Etat » .

2. L'insuffisance des normes actuelles

Si le droit en vigueur ne prévoit aucune limitation de portée générale , le recours à l'emprunt fait l'objet d'un encadrement au cas par cas. Cet encadrement peut résulter :

1) de la loi , notamment pour la Caisse d'amortissement de la dette sociale, pour la Société de prises de participation de l'Etat ou pour les établissements publics contribuant à l'action extérieure de la France ;

2) du règlement , qu'il s'agisse des décrets constitutifs des établissements ou de textes de portée plus générale. Pour les universités, le recours à l'emprunt est ainsi prévu à l'article 40 du décret du 27 juin 2008 relatif au budget et au régime financier des EPSCP bénéficiant de responsabilités et de compétences élargies. Le recours à l'emprunt des établissements publics administratifs (EPA) est, quant à lui, soumis à la validation expresse de la tutelle financière.

Néanmoins, et en l'absence de règles de portée générale, les exemples ne manquent pas d'opérateurs qui recourent à l'emprunt pour des montants parfois importants. Il a pu en aller ainsi de l'ex-Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA), qui avait souscrit un emprunt de 25 millions d'euros sur trente ans pour l'installation de son siège à Limoges, ou encore de l'Institut d'études politiques de Paris, qui a financé l'achat de l'ancien immeuble de l'Ecole nationale d'administration, rue de l'Université dans le VII e arrondissement de Paris, par un emprunt de 46 millions d'euros.

Plus récemment, M. Jean-Paul Cluzel, président de l'Etablissement public du Grand palais, proposait dans un rapport de recourir à un emprunt de 119 millions d'euros sur trente ans pour financer la rénovation de l'édifice.

B. L'ENDETTEMENT DES HÔPITAUX

1. Une évolution préoccupante

Selon l'évaluation préalable du présent article, l'endettement hospitalier augmente régulièrement depuis 2001, sous l'effet conjugué :

1) d'une part de la dégradation du résultat comptable des établissements publics de santé (EPS), qui est passé d'un excédent de 345,8 millions d'euros en 2001 à un déficit de l'ordre de 338,5 millions d'euros en 2008, soit une dégradation de presque 700 millions d'euros :

2) d'une croissance très dynamique de l'investissement hospitalier , passé de 2,8 milliards d'euros à plus de 6,4 milliards d'euros sur la période, en lien notamment avec le volet investissement du plan « Hôpital 2007 ».

L'endettement hospitalier s'est ainsi accru de 8,8 milliards d'euros à 18,9 milliards d'euros entre 2001 et 2008 , cependant que la durée apparente de la dette s'allongeait (de 4,9 ans en 2007 à 6 ans en 2008) et que les ratios d'indépendance financière se détérioraient (passant de 33,2 % en 2004 à 46 % en 2008).

Selon le rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale de septembre 2010, « l'emprunt sert non seulement au financement des investissements, mais aussi à faire face aux déficits d'exploitation (...). Le constat est celui d'une concentration du problème sur les CHU et de l'existence de cas difficiles dispersés parmi les CH » .

2. La portée du contrôle actuel

A l'instar des dispositions en vigueur pour les ODAC, les textes en vigueur prévoient un contrôle, par les agences régionales de santé , de la situation financière des établissements publics de santé, et notamment de la soutenabilité de leur endettement.

Conformément à la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, et aux décrets pris pour son application, le directeur général de l'ARS prend en compte, lors de l'analyse de l'état prévisionnel des recettes et des dépenses des établissements, le critère de la soutenabilité financière de la politique d'investissement et évalue la stratégie d'endettement .

L'article 4 du décret n° 2010-425 du 29 avril 2010 relatif à l'organisation financière et à l'investissement immobilier des établissements de santé prévoit ainsi que « le directeur général de l'agence régionale de santé peut s'opposer au projet de plan global de financement pluriannuel pour un ou plusieurs des motifs suivants : (...) les niveaux d'investissement ou d'endettement financier à long terme de l'établissement ne sont pas compatibles avec la situation financière présente et future de l'établissement » . Les articles L. 6143-3 et suivants du code de la santé publique permettent également au directeur général de l'ARS de demander à l'établissement de présenter un plan de redressement , notamment lorsque l'établissement présente une situation de déséquilibre financier.

Par ailleurs, ces mécanismes ne sauraient se substituer à un outil de consolidation nationale de l'endettement hospitalier, permettant de mieux le contrôler et d'en maîtriser davantage l'évolution.

II. LES RÈGLES D'INTERDICTION ET DE LIMITATION INSTITUÉES PAR L'ARTICLE 11

Le présent article, adopté sans modification par l'Assemblée nationale, pose deux règles respectivement applicables à l'endettement des administrations publiques centrales (hors Etat, CADES, Caisse de la dette publique et Société de prises de participation de l'Etat) et aux établissements publics de santé .

A. L'INTERDICTION DE L'ENDETTEMENT DE CERTAINS ORGANISMES PUBLICS CENTRAUX

1. Un principe général d'interdiction

Le I du présent article interdit « de contracter auprès d'un établissement de crédit un emprunt dont le terme est supérieur à douze mois » , ainsi que « d'émettre un titre de créance dont le terme excède cette durée » . Il en résulte que le recours à l'emprunt infra-annuel demeure autorisé, afin de couvrir des besoins de trésorerie , et que les prêts et avances entre administrations , notamment lorsqu'ils sont consentis par le Trésor, demeurent possibles.

Cette interdiction s'applique ensuite aux « organismes français relevant de la catégorie des administrations publiques centrales, au sens du règlement (CE) n° 2223/96 du Conseil, du 25 juin 1996, relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans la Communauté » , à l'exception :

1) de l' Etat , qu'on imagine mal, à l'évidence, privé de recours à l'emprunt ;

2) de la Caisse d'amortissement de la dette sociale , dont l'émission d'emprunts est la raison d'être ;

3) de la Caisse de la dette publique , dont la vocation est d'intervenir sur le marché secondaire pour en assurer la liquidité et pour amortir des titres de dette publique ;

4) de la Société de prises de participation de l'Etat , créée spécifiquement pour lever des financements sur les marchés afin de recapitaliser le secteur bancaire, consécutivement à la crise financière survenue en 2009.

On rappelle qu'au sens du règlement précité, « le sous-secteur de l'administration centrale (S.1311) comprend tous les organismes administratifs de l'Etat et autres organismes centraux dont la compétence s'étend normalement sur la totalité du territoire économique, à l'exception des administrations de sécurité sociale de l'administration centrale. Font partie du sous-secteur S.1311 les institutions sans but lucratif qui sont contrôlées et majoritairement financées par l'administration centrale et dont la compétence s'étend à l'ensemble du territoire économique » .

Pour la tenue des comptes nationaux, cette définition est déclinée de la façon suivante par l'Institut national de la statistique et des études économiques : « les organismes divers d'administration centrale (ODAC) regroupent des organismes auxquels l'Etat a donné une compétence fonctionnelle spécialisée au niveau national . Contrôlés et financés majoritairement par l'Etat, ces organismes ont une activité principalement non marchande » .

Votre rapporteur général rappelle que cette définition, qui englobe environ 800 entités recensées par l'INSEE, recoupe en grande partie la notion d'opérateur de l'Etat au sens de la documentation budgétaire. Cette catégorie regroupe, en 2010, 583 entités dont la définition obéit aux critères suivants :

1) « une activité de service public , qui puisse explicitement se rattacher à la mise en oeuvre d'une politique définie par l'Etat et se présenter dans la nomenclature par destination selon le découpage en mission-programme-action » ;

2) « un financement assuré majoritairement par l'Etat , directement sous forme de subventions ou indirectement via des ressources affectées, notamment fiscales » ;

3) « un contrôle direct par l'Etat , qui ne se limite pas à un contrôle économique ou financier mais doit relever de l'exercice d'une tutelle ayant capacité à orienter les décisions stratégiques , que cette faculté s'accompagne ou non de la participation au conseil d'administration » .

2. Une liste définie par arrêté

En tout état de cause, le présent article dispose que la liste des organismes auxquels elle s'applique sera établie par un arrêté conjoint des ministres chargés de l'économie et du budget . Cette liste est traditionnellement élaborée et actualisée par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), en lien avec Eurostat. Ce travail est néanmoins largement rétrospectif , l'INSEE pouvant être conduit à se prononcer sur le classement de certains organismes avec une voire deux années de retard. Le recours à un arrêté ministériel annuel permettra de donc de tenir compte avec une plus grande réactivité à l'évolutivité de la liste des ODAC.

La règle définie par le présent article s'applique enfin « pendant la période mentionnée à l'article 1 er » , c'est-à-dire pour les années 2011 à 2014 , et « nonobstant toute disposition contraire des textes » applicables aux organismes visés par le présent article. Cette disposition fait donc échec aux dispositions législatives « éparses » qui peuvent aujourd'hui encadrer l'endettement de tel ou tel organisme. Le Gouvernement indique néanmoins qu'un travail de toilettage juridique sera mené ultérieurement. Ainsi, « les dispositions antérieures ouvrant la faculté de recourir à l'emprunt auprès d'établissements bancaires pour une durée supérieure à un an à des organismes compris dans le champ de l'interdiction devront être modifiées. Un recensement des textes juridiques à modifier ultérieurement est en cours » .

B. LA LIMITATION DE L'ENDETTEMENT DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ

1. Un principe général d'encadrement

Le II du présent article complète l'article L. 6141-2-1 du code de la santé publique, relatif aux modalités de financement des établissements publics de santé . Il prévoit désormais que ces ressources pourront comprendre des emprunts et des avances « dans les limites et sous les réserves fixées par décret ». Il est rappelé que les établissements publics de santé comprennent 29 centres hospitaliers régionaux universitaires (CHRU), 518 centres hospitaliers (CH) et 9 hôpitaux d'instruction des armées, soit 556 entités. Ils sont, au sens de la comptabilité nationale, classés dans les administrations de sécurité sociale (ASSO).

Contrairement à la règle posée pour les ODAC, il n'est pas fait interdiction d'emprunter aux établissements publics de santé. Cette option n'a pas été retenue dans la mesure où ces établissements sont dotés d'une autonomie de gestion et qu'ils ont besoin de recourir à l'emprunt pour financer leurs investissements, les ressources procurées par la tarification des soins ne permettant pas à elles-seules de couvrir les charges d'exploitation courante et le financement des immobilisations.

Enfin, et toujours contrairement à la règle d'interdiction prévalant pour les ODAC, la règle d'encadrement de l'endettement des établissements publics de santé est d'application permanente .

2. Des conditions définies par décret

Le présent article ne précise pas la nature exacte des limites et réserves sous lesquelles les établissements de santé pourraient s'endetter, dont la définition est renvoyée au décret . L'évaluation préalable de l'article indique néanmoins que ce principe d'encadrement consisterait à « réduire les motifs de recours à l'emprunt au financement de la politique d'investissement » , et « permettrait aux directeurs généraux des ARS de s'appuyer sur une base juridique pour s'opposer au recours à l'emprunt réalisé par les établissements en vue de financer leur cycle d'exploitation courant » .

Des « valeurs seuils complèteraient utilement le dispositif en constituant une référence mobilisable par les directeurs généraux d'ARS lors de l'analyse de l'état prévisionnel de ressources et de dépenses et de l'évaluation de la soutenabilité du recours à l'emprunt » .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur général souscrit pleinement au dispositif proposé par le présent article. Outre le fait qu'il « tarit » une source de contournement de la norme de dépense imposée à l'Etat, ce dispositif est de nature à freiner la dispersion et la progression des émissions d'emprunts par les administrations publiques, ainsi que de contenir la charge d'intérêts qui lui est associée, et qui résulte de conditions de financement souvent moins favorables que celles qui sont consenties à l'Etat . Une telle règle permettra également de circonscrire les situations dans lesquelles des entités ayant recours à l'emprunt ne disposeraient pas d'une capacité de remboursement propre suffisante et feraient appel aux transferts l'Etat pour faire face à leurs charges.

Il ne semble cependant pas opportun de limiter à la durée de programmation l'interdiction faite aux ODAC d'emprunter à plus de douze mois. En effet, si cette limitation s'avère d'autant plus nécessaire que la trajectoire de redressement de nos comptes publics requiert dès aujourd'hui d'importants efforts, elle constitue aussi, dans l'absolu, une règle de saine gestion dont l'application pourrait être rendue permanente .

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

CHAPITRE V - LA MISE EN oeUVRE DE LA PROGRAMMATION

ARTICLE 12 - Information du Parlement sur les dépenses fiscales et les réductions, exonérations ou abattements de cotisations et contributions sociales

Commentaire : le présent article propose de reconduire, de manière quasiment identique, le dispositif d'information du Parlement sur les niches fiscales et sociales prévu par l'article 12 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.

I. LE DROIT EXISTANT

A. L'ARTICLE 12 DE LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES 2009-2012

L'article 12 de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 prévoit que le Gouvernement présente chaque année au Parlement :

- au plus tard le premier mardi d'octobre, l'objectif annuel de coût retenu pour les dépenses fiscales de l'exercice à venir et de l'exercice en cours, ainsi que le montant de dépenses fiscales constaté pour le dernier exercice clos (éléments figurant en pratique dans le tome II du fascicule « Voies et moyens » annexé au projet de loi de finances) ;

- au plus tard le 15 octobre, l'objectif annuel de coût des « niches sociales » retenu pour l'exercice à venir et l'exercice en cours, ainsi que le montant de leur coût constaté, pour le dernier exercice clos (données figurant en pratique dans l'annexe 5 du projet de loi de financement de la sécurité sociale) ;

- un bilan des niches fiscales et sociales adoptées dans les douze mois qui précèdent ou prévues par le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale afférents à l'année suivante (éléments figurant en pratique dans les documents précités).

Enfin, cet article prévoit que dans les trois ans suivant l'entrée en vigueur de toute création ou extension de niche fiscale ou sociale, le Gouvernement présente au Parlement une évaluation de son efficacité et de son coût. Pour les mesures en vigueur à la date de publication de la loi de programmation des finances publiques 2009-2012, soit au 11 février 2009, cette évaluation est présentée au plus tard le 30 juin 2011.

B. LA MISE EN oeUVRE DE RECOMMANDATIONS DE NOS COLLÈGUES DÉPUTÉS

Dans le rapport annexé à la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, le gouvernement indique se conformer aux préconisations du « rapport d'information de la commission des finances, de l'économie générale et du plan de l'Assemblée nationale sur les niches fiscales du 5 juin 2008 ».

Ce rapport d'information propose en particulier d'améliorer l'information du Parlement sur les niches fiscales.

Les propositions de l'Assemblée nationale relatives tendant à mieux informer le Parlement sur les « niches » fiscales

(...)

« 4.1/ Faire figurer dans le fascicule Voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 2009 une présentation de l'exécution des dépenses fiscales du dernier exercice clos et de l'exercice en cours, mettant en évidence les éventuelles dérives constatées

« 4.2/ Présenter, dans l'exposé des motifs de l'article 1er de la loi de finances initiale pour 2009 (autorisation de percevoir les impôts), un objectif de dépenses fiscales (ODF) pour l'année

(...)

« 5.2/ Faire figurer dans l'exposé des motifs de l'article 1er de la loi de finances initiale (autorisation de percevoir les impôts) un tableau récapitulant l'ensemble des dépenses fiscales adoptées depuis la dernière loi de finances initiale »

Source : Didier Migaud, président, Gilles Carrez, rapporteur général, Jean-Pierre Brard, Jérôme Cahuzac, Charles de Courson, Gaël Yanno, rapport d'information n° 946 (XIIIe législature) fait au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale

Le tome II du fascicule « Voies et moyens » annexé au projet de loi de finances pour 2009 a par ailleurs été clarifié et complété. Ainsi, l'annexe présente distinctement les dépenses correspondant à des mesures nouvelles, votées en cours d'année, ainsi que les dépenses supprimées.

Par ailleurs, l'annexe V du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui décrit l'ensemble des exonérations de cotisations et des réductions ou abattements d'assiette des prélèvements sociaux, est désormais pluriannuelle, « conformément au souhait exprimé par la Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale » de l'Assemblée nationale.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. LA SUPPRESSION (SANS CONSÉQUENCE) DE LA DISPOSITION PRÉVOYANT LA REMISE AVANT LE 30 JUIN 2011 D'UN RAPPORT ÉVALUANT LE « STOCK » DE NICHES

Le présent article apporte au droit existant une unique modification potentiellement significative.

Il supprime en effet la dernière phrase de l'article 12 de la loi de programmation des finances publiques 2009-2012 selon laquelle « pour les mesures en vigueur [au 11 février 2009], cette évaluation est présentée au plus tard le 30 juin 2011 ».

Le rapport annexé au présent projet de loi indique néanmoins que « dans le prolongement de la démarche engagée à l'occasion de la première loi de programmation des finances publiques et de la révision générale des politiques publiques (RGPP), l'évaluation de l'ensemble des dispositifs d'atténuation de recettes fiscales et sociales permettra d'éclairer le Gouvernement et le Parlement pendant la durée de programmation sur leur coût, leur efficacité et le cas échéant les réformes possibles, voire nécessaires. Une première évaluation globale de ces dispositifs sera remise au Parlement avant le 30 juin 2011, conformément aux dispositions de la LPFP 2009-2011 ».

B. QUELQUES MODIFICATIONS FORMELLES

Le présent article apporte en outre au droit actuel quelques modifications formelles, comme le remplacement de la notion d'« objectif » de coût par celle de « prévision » de coût, ou la suppression par coordination des références à l'article 11 de la loi de programmation des finances publiques 2009-2012.

Comparaison du droit actuel et du droit proposé

Article 12 de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012

Présent article

I. Le Gouvernement présente chaque année au Parlement :
1° Au plus tard le premier mardi d'octobre, l'objectif annuel de coût retenu pour les dépenses fiscales de l'exercice à venir et de l'exercice en cours, ainsi que le montant de dépenses fiscales constaté pour le dernier exercice clos ;

I. - Le Gouvernement présente chaque année au Parlement :

1° Au plus tard le premier mardi d'octobre, la prévision annuelle de

coût retenue pour les dépenses fiscales de l'exercice à venir et de l'exercice

en cours, ainsi que le montant de dépenses fiscales constaté pour le dernier

exercice clos ;

2° Au plus tard le 15 octobre, l'objectif annuel de coût des réductions, exonérations et abattements mentionnés au 2° de l'article 11 retenu pour l'exercice à venir et l'exercice en cours, ainsi que le montant du coût constaté, pour le dernier exercice clos, de ces réductions, exonérations et abattements.

2° Au plus tard le 15 octobre, la prévision annuelle de coût retenue

pour l'exercice à venir et l'exercice en cours des réductions, exonérations

ou abattements d'assiette s'appliquant aux cotisations et contributions de

sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base de sécurité

sociale ou aux organismes concourant à leur financement, ainsi que le

montant du coût constaté, pour le dernier exercice clos, de ces réductions,

exonérations et abattements.

II. - A cette occasion, il présente également un bilan des créations, modifications et suppressions de mesures visées à l'article 11 adoptées dans les douze mois qui précèdent ou prévues par le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale afférents à l'année suivante.

II. - À cette occasion, il présente également un bilan des créations,

modifications et suppressions de mesures mentionnées au I adoptées dans

les douze mois qui précèdent ou prévues par le projet de loi de finances et

le projet de loi de financement de la sécurité sociale afférents à l'année

suivante.

III. - Dans les trois ans suivant l'entrée en vigueur de toute mesure visée à l'article 11, le Gouvernement présente au Parlement une évaluation de son efficacité et de son coût. Pour les mesures en vigueur à la date de publication de la présente loi, cette évaluation est présentée au plus tard le 30 juin 2011.

III. - Dans les trois ans suivant l'entrée en vigueur de toute mesure

mentionnée au I, le Gouvernement présente au Parlement une évaluation de

son efficacité et de son coût.

III. LA MODIFICATION APPORTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de sa commission des finances, l'Assemblée nationale a adopté en séance publique un amendement rédactionnel au présent article.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre commission des finances ne peut qu'être favorable au présent article, qui contribue utilement à l'information du Parlement, et reprend une disposition qu'elle avait approuvée lors de l'examen de la loi de programmation actuelle.

Elle ne voit cependant pas l'utilité de supprimer la dernière phrase, précitée, de l'article 12 de la loi de programmation des finances publiques 2009-2012 selon laquelle « pour les mesures en vigueur [au 11 février 2009], cette évaluation est présentée au plus tard le 30 juin 2011 ». Certes, comme on l'a souligné, le rapport annexé fait explicitement référence à ce futur rapport. Il n'y a cependant pas de raison de « dégrader » cette règle en la faisant passer du corps du texte au rapport annexé.


Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 12 bis (supprimé) - Actualisation de la programmation

Commentaire : le présent article, inséré par la commission des finances de l'Assemblée nationale, puis supprimé par l'Assemblée nationale en séance publique à l'initiative du Gouvernement, prévoit le dépôt d'un projet de loi de programmation des finances publiques avant le 1 er juin 2011.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Avant sa suppression, le présent article, inséré par la commission des finances de l'Assemblée nationale, résultait de deux amendements identiques de nos collègues députés Jérôme Cahuzac et Gilles Carrez, président et rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale.

Il prévoyait qu'« un projet de loi de programmation des finances publiques est déposé avant le 1 er juin 2011 ».

II. LA SUPPRESSION DU PRÉSENT ARTICLE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article a été supprimé par l'Assemblée nationale en séance publique, à l'initiative du Gouvernement.

Le Gouvernement justifiait son amendement de suppression par l'objet suivant :

« Le nouveau calendrier européen mis en oeuvre à partir de 2011, dont les principaux points ont été entérinés par le Conseil Ecofin du 7 septembre 2010, prévoit que :

« - le programme de stabilité est dorénavant transmis aux institutions européennes par les Etats membres pour la fin avril ;

« - le conseil Ecofin de juillet rend son avis sur chacun des programmes de stabilité.

« Il est rappelé que le programme de stabilité sera élaboré à partir des comptes provisoires de l'année précédente fournis par l'INSEE début avril, qui forment la base de la notification transmise à Eurostat.

« Dans ces conditions, afin d'informer le Parlement en amont de la transmission à Bruxelles, le Gouvernement s'engage à transmettre au Parlement pour le 15 avril 2011 les informations relatives au projet de programme de stabilité.

« Dès lors, une loi de programmation des finances publiques élaborée fin mai aurait une portée limitée :

« - elle ne pourrait que reprendre le programme de stabilité transmis à Bruxelles fin avril et déjà examiné par le Parlement, dans l'attente de l'avis rendu par le Conseil Ecofin du mois de juillet ;

« - elle ne pourrait inclure les informations pertinentes en matière de recettes (évolution de l'assiette des cotisations sociales, évolution de l'impôt sur les sociétés), non encore connues à cette date et qui fourniront nécessairement la base des textes financiers de l'automne.

« C'est pourquoi le calendrier envisagé serait articulé de la manière suivante :

« - deuxième quinzaine d'avril : information du Parlement avant la transmission du programme de stabilité à Bruxelles ;

« - fin juin : maintien du débat d'orientation des finances publiques, qui portera notamment sur les plafonds de dépenses de l'Etat et permettra au Gouvernement d'informer le Parlement sur l'avancée des discussions européennes ;

« - fin septembre : si les circonstances économiques le justifient, actualisation éventuelle de la trajectoire de la loi de programmation des finances publiques en cohérence avec les textes financiers de l'automne (PLF et PLFSS). »

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article poursuivait un objectif essentiel : permettre l'articulation des lois de programmation des finances publiques et des programmes de stabilité, dans le contexte de mise en place d'un « semestre européen » de finances publiques.

A. LES PROJETS DE RENFORCEMENT DU PACTE DE STABILITÉ

La crise de la dette souveraine a mis en évidence la nécessité d'améliorer la gouvernance économique de la zone euro, en particulier en ce qui concerne les finances publiques.

Il convient en particulier d'assurer une meilleure coordination entre les programmes de stabilité et les procédures budgétaires nationales. On peut citer à cet égard l'exemple du Portugal, dont le Parlement a adopté le 25 mars 2010 une résolution relative au programme de stabilité.

1. Les propositions de renforcement de ses pouvoirs par la Commission

La Commission européenne a rendu publics le 29 septembre 2010 cinq propositions de règlements et une proposition de directive, qu'elle présente comme « le plus important renforcement de la gouvernance économique de l'UE et de la zone euro depuis le lancement de l'union économique et monétair e ».

La Commission indique que ces textes sont compatibles avec les traités européens.

Il faut distinguer trois sujets :

- la réforme du pacte de stabilité ;

- la correction des déséquilibres macroéconomiques ;

- le cadre budgétaire des Etats membres.

a) La réforme du pacte de stabilité

La réforme du pacte de stabilité serait réalisée par trois textes :

- la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1466/97 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques ;

- la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil visant à accélérer et à clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs ;

- la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la mise en oeuvre efficace de la surveillance budgétaire dans la zone euro.

Ce dernier texte reviendrait à instaurer un véritable fédéralisme en matière de politique budgétaire, pour les Etats de la zone euro. En effet, s'appuyant sur l'article 136 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), qui permet aux Etats de la zone euro de « renforcer la coordination et la surveillance de leur discipline budgétaire », il prévoit notamment l'obligation de constituer un dépôt égal à 0,2 % du PIB, selon une procédure dite de « vote inversé » : le dépôt deviendrait exigible sur proposition de la Commission, à moins que le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, ne décide du contraire dans les dix jours. La Commission n'aurait elle-même pas compétence liée, mais disposerait d'une importante faculté d'appréciation.

Cette procédure de dépôt et de vote inversé s'appliquerait non seulement pour le volet répressif, mais aussi pour le volet préventif. D'autres sanctions seraient également possibles. En particulier, le dépôt pourrait être transformé en amende.

Le volet préventif serait enrichi par l'introduction d'une notion dite de « politique budgétaire prudente ». Celle-ci serait définie d'une manière étonnamment peu exigeante, pour les Etats membres qui n'ont pas encore atteint leur objectif budgétaire à moyen terme, par le fait que « l'augmentation annuelle des dépenses ne dépasse pas un taux inférieur à un taux de croissance prudent de moyen terme du PIB, sauf si ce dépassement est compensé par des augmentations discrétionnaires des recettes ». Autrement dit, il suffirait que les Etats membres n'aggravent pas discrétionnairement leur déficit pour que leur politique budgétaire soit jugée « prudente ».

Le principal renforcement des règles serait la réforme du volet répressif. En effet, le seuil de déficit de 3 points de PIB ne serait plus le seul à faire l'objet de sanctions, mais tel serait également le cas du seuil de dette de 60 points de PIB. Plus précisément, serait prise en compte l'évolution du ratio dette/PIB, qui devrait diminuer chaque année d'1/20 e de la différence avec le seuil de 60 %, la diminution prise en compte étant celle des trois dernières années. Autrement dit, la France devrait ramener son déficit à un niveau proche de l'équilibre pour que son ratio dette/PIB diminue au rythme souhaité.

b) La correction des déséquilibres macroéconomiques

Deux autres textes iraient au-delà de la politique de finances publiques pour instaurer un fédéralisme économique dans le domaine de la correction des déséquilibres macroéconomiques :

- la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques ;

- la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des mesures d'exécution en vue de remédier aux déséquilibres macroéconomiques excessifs dans la zone euro.

Comme dans le cas de la politique budgétaire, les Etats membres de la zone euro seraient passibles d'une amende selon la procédure de « vote inversé ».

c) Les cadres budgétaires des Etats membres

Enfin, la Commission a rendu publique une proposition de directive du Conseil sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres.

Cette directive a pour base juridique l'article 126, paragraphe 14 du TFUE, qui vise notamment à préciser les obligations des autorités nationales quant au respect des dispositions de l'article 3 du protocole n°12 sur la procédure concernant les déficits excessifs, annexé aux traités.

Cette directive fixe un certain nombre d'exigences minimales, concernant les statistiques publiques, l'obligation pour les Etats membres de disposer de règles pluriannuelles chiffrées, etc. Dans l'ensemble le texte est assez vague.

d) Une position ambiguë des Etats membres

(1) Des déclarations optimistes du groupe de travail

Un groupe de travail sur la gouvernance économique a été instauré par le Conseil européen le 26 mars 2010.

Le communiqué de presse du 27 septembre 2010 de M. Herman Van Rompuy, président du Conseil européen, suggère que les propositions de la Commission européenne seraient soutenues par les Etats membres, comme le montrent les extraits ci-après.

Remarques formulées par M. Herman Van Rompuy, président du Conseil européen, à la suite de la réunion du groupe de travail sur la gouvernance économique du 27 septembre 2010 (extraits)

« Le groupe de travail sur la gouvernance économique a tenu aujourd'hui sa cinquième réunion depuis sa création par le Conseil européen le 26 mars. (...)

« Les discussions qui ont eu lieu aujourd'hui ont montré qu'il existait un degré très élevé de convergence sur une série de questions essentielles dans les domaines de la surveillance économique et budgétaire :

« - Il convient de surveiller l'endettement beaucoup plus étroitement.

« Les pays dont le taux d'endettement dépasse 60 % devront se fixer des trajectoires d'ajustement plus ambitieuses ; la procédure concernant les déficits excessifs placera davantage l'accent sur la situation de la dette. Ainsi, même si son déficit est inférieur à 3 %, un pays sera soumis à une procédure en matière de déficit excessif si son endettement dépasse 60 % et que le scénario de réduction de la dette est jugé insuffisant.

« - Un nouveau système d'exécution sera mis au point.

« Les membres du groupe de travail sont convenus de la nécessité, dans un système où la responsabilité budgétaire relève encore en grande partie de la compétence des autorités nationales, de mettre au point un mécanisme d'exécution crédible au niveau de l'UE. De nouveaux progrès ont été enregistrés en ce qui concerne les paramètres clés du système de sanctions. Les sanctions seraient imposées plus tôt; elles seraient également plus progressives et seraient fondées sur un éventail plus large de mesures d'exécution.

« Beaucoup ont estimé qu'il conviendrait, dans un premier temps, et sur la base des propositions que la Commission va présenter prochainement, de renforcer les sanctions dans la zone euro, l'article 136 du traité étant retenu comme base juridique. Par ailleurs, il y aurait lieu de subordonner, dès que possible, l'utilisation des fonds de l'UE au respect des obligations contractées au titre du Pacte de stabilité et de croissance.

« Dans toute la mesure du possible, les procédures décisionnelles en matière de sanctions devraient être plus automatiques et fondées sur une règle de majorité inversée, selon laquelle une proposition de la Commission serait considérée comme adoptée dès lors qu'elle n'aurait pas été rejetée par le Conseil.

« - Un nouveau cadre de surveillance macroéconomique

« Au pilier budgétaire de l'union monétaire, concrétisé dans le Pacte de stabilité et de croissance, s'ajoutera un pilier économique. (...)

« Le rapport intégral du groupe de travail, qui comprendra un ensemble complet de recommandations destinées à orienter les futurs travaux législatifs, sera présenté au Conseil européen fin octobre. »

Source : « Remarques formulées par M. Herman Van Rompuy, président du Conseil européen à la suite de la réunion du groupe de travail sur la gouvernance économique », PCE 195/10, 27 septembre 2010

Cet optimisme a été confirmé par M. Herman Van Rompuy dans sa déclaration du 18 octobre 2010 relative aux conclusions du groupe de travail. En particulier, selon cette déclaration les Etats seraient d'accord pour que les sanctions soient imposées selon la règle de la majorité inversée.

Remarques formulées par M. Herman Van Rompuy, président du Conseil européen, à la suite de la dernière réunion du groupe de travail sur la gouvernance économique, le 18 octobre 2010 (extraits)

« Aujourd'hui, l'Union européenne a fait un grand pas en avant en ce qui concerne la gouvernance économique de l'Union européenne.

« Le « paquet » adopté par le groupe de travail, quand il sera validé par le Conseil européen la semaine prochaine, sera la plus grande réforme de l'Union économique et monétaire depuis la création de l'euro.

« Les recommandations et propositions concrètes contenues dans le rapport du groupe de travail vont dans cinq directions.

« Première direction : une surveillance économique plus large.

« Nous recommandons de créer un mécanisme pour la surveillance macro-économique. C'est de mon point de vue la plus grande innovation. Un système d'alerte précoce détectera le risque de bulles immobilières ou de caractéristiques non soutenables de la balance des paiements, ou de fortes divergences de compétitivité. Ces types de risques ont été négligés dans la première décennie de l'euro. La crise a montré que des budgets sains ne sont pas suffisants pour garantir une croissance économique soutenable. C'est pourquoi nous recommandons ce mécanisme de surveillance, comme un pendant macro-économique du pacte, centré sur le budget. A terme il pourrait résulter en des sanctions pour les pays dans la zone euro seulement. Il renforcera le pilier économique de l'Union économique et monétaire.

« Deuxième direction : une plus grande discipline budgétaire, un pacte de stabilité et de croissance plus fort.

« Lors de réunions précédentes, nous nous étions déjà mis d'accord sur les principaux principes :

«
• Une gamme plus large de sanctions et de mesures, à la fois financières et politiques ;

«
• Une importance plus grande donnée au critère de la dette, qui était insuffisamment prise en compte ;

«
• Un calendrier adapté, avec des sanctions survenant à un stade plus précoce.

« Aujourd'hui nous avons aussi atteint un consensus sur la manière de mettre en oeuvre ces principes généraux. Un élément est l'accord sur une plus grande automaticité dans la prise de décision. Pour la décision sur toute les nouvelles sanctions, la règle dite de majorité inversée s'appliquera : une recommandation de sanctions par la Commission s'appliquera : une recommandation de la Commission sur des sanctions d'appliquera à moins qu'une majorité qualifiée d'Etats membres dans le Conseil vote contre.

(...) »

Source : « Remarks by Herman Van Rompuy, President of the European Council, following the last meeting of the Task force on economic governance », PCE 230/10, 18 octobre 2010 (traduction de la commission des finances)

(2) Des positions plus réservées des Etats membres

Les articles de presse font toutefois état de divergences importantes entre Etats membres, faisant craindre « une réforme cosmétique ».

Ainsi, la déclaration franco-allemande publiée le 18 octobre 2010 à l'occasion de la rencontre tripartite Allemagne-France-Russie est nettement plus réservée que les déclarations de M. Herman Van Rompuy. Certes, contrairement à la Commission européenne, la France et l'Allemagne proposent, de manière très volontariste (et peut-être peu réaliste), une révision du traité avant 2013, afin de mettre en place un mécanisme permanent de résolution des crises, et, « dans le cas d'une violation grave des principes de base de l'Union Économique et Monétaire », de permettre « la suspension des droits de vote de l'État concerné ». Cependant, il n'est plus question de majorité inversée. Dans le cas du volet préventif comme du volet répressif, les sanctions seraient imposées « à la majorité qualifiée », ce qui conduit à s'interroger sur la portée de l'affirmation que dans le second cas les sanctions seraient « automatiques ». Quant aux Etats connaissant des déséquilibres économiques, leur cas serait seulement « discuté au Conseil européen ». Par ailleurs, aucune référence n'est faite à la prise en compte de la dette publique.

Déclaration franco-allemande à l'occasion de la rencontre tripartite Allemagne-France-Russie

Deauville -- Lundi 18 octobre 2010

« La France et l'Allemagne sont d'accord sur la nécessité de renforcer le gouvernement économique européen. A cette fin, ils se sont entendus sur les points suivants.

« 1) La France et l'Allemagne soulignent que les procédures qui assurent la surveillance budgétaire et la coordination des politiques économiques devraient être renforcées et accélérées. Cela passe par les éléments suivants :

« Une gamme de sanctions plus large devrait être progressivement applicable dans le volet préventif du Pacte comme dans son volet correctif. Ces sanctions devraient être plus automatiques, tout en respectant le rôle des différentes institutions et l'équilibre institutionnel.

« Dans la mise en oeuvre du volet préventif du Pacte, le Conseil doit pouvoir décider, à la majorité qualifiée, d'imposer de manière progressive des sanctions sous la forme de dépôts portant intérêt lorsque la trajectoire de consolidation budgétaire d'un État membre dévie de manière particulièrement significative par rapport à la trajectoire d'ajustement prévue sur la base du Pacte.

« S'agissant du volet correctif du Pacte, lorsque le Conseil décide d'ouvrir une procédure de déficit excessif, il devrait y avoir des sanctions automatiques dès lors que le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, décide qu'un État membre n'a pas pris les mesures correctrices nécessaires dans un délai de 6 mois.

« Afin de compléter le cadre législatif de surveillance des déséquilibres macro-économiques, le cas d'un État membre affecté d'un déséquilibre persistant et placé sous la surveillance du Conseil devra être discuté au Conseil européen.

« 2) La France et l'Allemagne considèrent qu'il est nécessaire de réviser le traité et qu'il devrait être demandé au président du Conseil européen de présenter, en étroit contact avec les membres du Conseil européen, des options concrètes permettant l'établissement d'un mécanisme robuste de résolution des crises avant la réunion de mars 2011.

« La révision des traités sera limitée aux points suivants :

«
• L'établissement d'un mécanisme permanent et robuste pour assurer un traitement ordonné des crises dans le futur, comprenant les arrangements nécessaires pour une participation adéquate du secteur privé et permettant aux Etats membres de prendre les mesures coordonnées appropriées pour préserver la stabilité financière dans la zone euro.

«
• Dans le cas d'une violation grave des principes de base de l'Union Économique et Monétaire, et suivant les procédures appropriées, la suspension des droits de vote de l'État concerné.

« Les amendements nécessaires devraient être adoptés et ratifiés par les Etats membres en accord avec leurs règles constitutionnelles respectives, en temps utile avant 2013. »

Source : présidence de la République

En tout état de cause, il convient d'attendre la réunion du Conseil européen des 28 et 29 octobre 2010, qui, selon les termes de son ordre du jour, « sur la base du rapport final du groupe de travail sur la gouvernance économique, (...) règlera définitivement les questions en suspens et fixera des orientations pour que les conclusions de ce rapport puissent être rapidement mises en oeuvre ».

2. Le futur « semestre européen »

Dans sa présentation commune des propositions de textes ci-avant, la Commission européenne écrit que « les différents volets de la coordination des politiques économiques, dont la surveillance des réformes structurelles, seront intégrés dans un nouveau cycle de surveillance baptisé «semestre européen», qui regroupera les procédures en vigueur dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance et des Grandes orientations de politique économique, en synchronisant notamment la remise des programmes de stabilité ou de convergence et des programmes nationaux de réforme ».

Il est vraisemblable que les réformes d'ampleur proposées par la Commission européenne fassent long feu. Cependant, il serait conforme au bon sens que les programmes de stabilité soient transmis à la Commission européenne non en décembre-janvier, c'est-à-dire après la discussion budgétaire, mais avant, au printemps.

a) Une décision pour l'instant non contraignante

Le régime des programmes de stabilité est défini par le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques. Selon l'article 4 de ce texte, « des programmes actualisés sont présentés annuellement ».

Jusqu'à récemment, le code de conduite sur le format et le contenu des programmes de stabilité prévoyait que les Etats membres devaient présenter leurs programmes de stabilité avant le 1 er décembre de chaque année.

Le Conseil Ecofin du 7 septembre 2010 a modifié le code de conduite de manière à ce que les programmes de stabilité soient transmis à la Commission européenne en amont de la discussion budgétaire, dès le mois d'avril. Cette initiative est issue des travaux du groupe de travail sur la gouvernance économique présidé par M. Herman Van Rompuy. Cette modification de calendrier entrerait en vigueur dès 2011.

Le code de conduite n'a toutefois pas de valeur contraignante. Pour contraindre les Etats, il faudrait modifier le règlement (CE) n° 1466/97 précité.

b) Une présentation des programmes de stabilité à la Commission européenne au mois d'avril

Selon le communiqué de presse publié par le conseil Ecofin à l'issue de sa réunion du 7 septembre 2010 précitée, « le nouveau cycle semestriel débutera chaque année en mars : sur la base d'un rapport de la Commission, le Conseil européen recensera les principaux défis économiques et formulera des conseils stratégiques sur les politiques à suivre. Compte tenu de ces conseils, les États membres réviseront en avril leurs stratégies budgétaires à moyen terme, et dans le même temps, élaboreront des programmes nationaux de réforme décrivant les mesures qu'ils prendront dans des domaines tels que l'emploi et l'inclusion sociale. En juin et en juillet, le Conseil européen et le Conseil formuleront des conseils sur les politiques à suivre avant que les États membres ne mettent au point leurs budgets pour l'année suivante ».

Interrogé par le rapporteur général, le Gouvernement a transmis les précisions suivantes.

Le calendrier du futur « semestre européen », selon le Gouvernement

En début d'année (a priori fin février ou début mars) : sur la base d'un rapport de la Commission, recommandations « horizontales » (par groupes de pays) du Conseil Ecofin sur des grandes orientations de politique budgétaire, qui devront être suivies par les Etats membres dans la confection des programmes de stabilité.

Au 1 er avril (pas de changement par rapport au calendrier passé) : notification par les Etats membres à Eurostat du solde public de l'année précédente et de l'année en cours. En France, l'Insee notifie le solde de l'année précédente et la DG-Trésor notifie celui de l'année en cours.

Si possible mi-avril et au plus tard fin avril : envoi des programmes de stabilité ainsi que des programmes nationaux de réforme (PNR) à Bruxelles. Dans le cas de la France, le prochain programme de stabilité doit être adressé à la Commission non en décembre 2010, mais en avril 2011, et il doit porter sur la période 2011-2014 (comme tel aurait été le cas du programme adressé en décembre 2010).

Autour de la première quinzaine de juin : avis de la Commission sur les programmes de stabilité rendus publics. Sur la base de ces avis, discussion au CEF-supp, puis au CEF pour définir l'avis du Conseil Ecofin sur les programmes de stabilité.

Au plus tard fin juillet : avis du Conseil Ecofin sur les programmes de stabilité.

Source : informations transmises par le Gouvernement dans le cadre de l'examen du présent projet de loi

Le mois d'avril est également retenu par la Commission européenne dans sa proposition de modification du règlement (CE) n° 1466/97 précité. Ainsi, dans son « paquet » du 29 septembre 2010, elle propose que l'article 4 de ce texte prévoie que « les programmes de stabilité sont présentés tous les ans entre le 1 er et le 30 avril ».

B. RÉTABLIR LE PRÉSENT ARTICLE, EN PRÉVOYANT QUE LE PROJET DE PROGRAMME DE STABILITÉ EST EXAMINÉ AU PARLEMENT PRÉALABLEMENT À SA TRANSMISSION À LA COMMISSION EUROPÉENNE

Pour justifié qu'il soit en son principe, le présent article - avant sa suppression par l'Assemblée nationale - suscitait certaines interrogations.

Selon l'exposé sommaire de l'amendement de notre collègue député Gilles Carrez (différent de celui de l'amendement identique du président Jérôme Cahuzac), il s'agissait de remplacer le débat d'orientation des finances publiques par l'examen d'un projet de loi de programmation des finances publiques, qui par ailleurs aurait permis au Parlement de « se prononcer sur le programme de stabilité ».

On peut se demander si l'échéance proposée (avant le 1 er juin 2011) aurait permis d'atteindre ce dernier objectif. En effet, comme on l'a vu ci-avant, le Gouvernement aura transmis le programme de stabilité dès le mois d'avril. L'exposé sommaire de l'amendement du président Jérôme Cahuzac mettait en lumière cette ambiguïté, puisque tout en affirmant qu' « il convient (...) que le Parlement puisse se prononcer sur [le] programme » de stabilité, il indiquait que « le Gouvernement prévoit de transmettre le prochain programme de stabilité en mars 2011 ». Autrement dit, le Parlement ne se serait prononcé qu' a posteriori , au moment du débat d'orientation des finances publiques, sur un document qui aurait déjà été transmis à la Commission européenne.

Votre commission des finances juge préférable de rétablir l'article, mais avec un dispositif différent. En effet, du point de vue de la souveraineté nationale, il est indispensable que le document qui engage la stratégie des finances publiques, et dont les lois financières annuelles sont de plus en plus appelées à n'être qu'une déclinaison, soit examiné et débattu au Parlement avant sa transmission à la Commission européenne .

Compte tenu à la fois des délais de production des données comptables nécessaires à la construction du programme de stabilité (aujourd'hui connues au 1 er avril) et de la nouvelle date butoir pour sa transmission (le 30 avril), votre commission des finances a modifié cet article pour prévoir la transmission au Parlement, au moins deux semaines avant celle à la Commission européenne, des projets de programmes de stabilité, le Parlement se prononçant par un vote.

Le débat d'orientation des finances publiques ne serait pas pour autant supprimé. Certes, l'article 48 de la LOLF, qui prévoit que le Gouvernement remet nécessairement son « rapport sur l'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des finances publiques » « au cours du dernier trimestre de la session ordinaire », c'est-à-dire au plus tôt le 1 er avril, ne fait de l'organisation de ce débat qu'une faculté. Cependant, ce débat serait l'occasion d'examiner le rapport relatif à la mise en oeuvre du présent projet de loi prévu par l'article 13, que votre commission des finances propose d'enrichir, notamment, de contenus relatifs à l'exécution de l'année en cours. Le Gouvernement continuerait en outre de remettre au Parlement son rapport actuel, sous une forme allégée, correspondant essentiellement à la liste des missions, des programmes et des indicateurs de performances envisagés pour le projet de loi de finances de l'année suivante.

Décision de la commission : votre commission a rétabli cet article dans la rédaction qu'elle vous soumet.

ARTICLE 13 - Bilan de la mise en oeuvre de la programmation

Commentaire : le présent article prévoit la transmission par le Gouvernement au Parlement de diverses informations relatives à l'application du présent projet de loi.

I. LE DROIT EXISTANT

A. UN RAPPORT AU PARLEMENT

L'article 13 de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 prévoit : « Chaque année, le Gouvernement établit et transmet au Parlement, au cours du dernier trimestre de la session ordinaire et au plus tard avant le débat d'orientation budgétaire, un bilan de la mise en oeuvre de la présente loi. En cas d'écart par rapport à la programmation des finances publiques fixée à l'article 2, il précise les mesures envisagées pour l'année en cours et les années suivantes afin d'en assurer le respect. »

B. UNE MISE EN oeUVRE PARTIELLE

Aucun rapport de ce type n'a été remis au Parlement. La seconde phrase n'a quant à elle pas été suivie d'effet, les objectifs affichés en matière de solde (ceux définis par l'article 2) ayant simplement été abandonnés.

Le Gouvernement estime cependant que l'article précité a été respecté. Ainsi, selon l'évaluation préalable du présent article, « les rapports préparatoires au débat d'orientation des finances publiques de 2009 et de 2010 présentaient l'actualisation des articles 2, 5 et 6 de la LPFP 2009-2012 [relatifs, respectivement, à la trajectoire de solde et de dette, aux dépenses de l'Etat et aux plafonds de crédits des missions]. Des parties spécifiques du rapport préparatoire au DOFP 2010 expliquaient l'inscription de la deuxième année du budget triennal de l'État 2009-2011 dans le respect de la LPFP et les règles définies par la LPFP en matière de recettes ».

Cette mise en oeuvre n'est pas satisfaisante. En effet, l'article 13 de la loi de programmation actuelle ne se réfère pas uniquement à ses articles 2, 5, 6 et 11, mais bien à l'ensemble de la loi de programmation. Par ailleurs, ce qui importe ce n'est pas seulement de rendre publics les principaux éléments d'exécution, mais aussi de le faire de manière visible, pour que les résultats d'exécution aient un impact. De ce point de vue, il serait préférable que le Gouvernement consacre un rapport spécifique à la mise en oeuvre de la loi de programmation.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article prévoit que le Gouvernement transmet au Parlement diverses informations relatives à la mise en oeuvre du présent projet de loi.

A. UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT AVANT LE DÉBAT D'ORIENTATION DES FINANCES PUBLIQUES, NE DEVANT PAS NÉCESSAIREMENT INDIQUER LES MESURES CORRECTRICES ENVISAGÉES

Son I prévoit que « le Gouvernement établit et transmet chaque année au Parlement, avant le débat d'orientation des finances publiques, un bilan de la mise en oeuvre de la présente loi. Ce bilan justifie les éventuels écarts constatés entre les engagements pris dans le dernier programme de stabilité transmis à la Commission européenne et la mise en oeuvre de la présente loi ».

Le contenu de ce rapport est donc singulièrement restreint par rapport à celui prévu par l'article 13 de la loi du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, qui prévoyait que ce rapport précisait « les mesures envisagées pour l'année en cours et les années suivantes afin d'(...) assurer le respect » de la trajectoire de solde de la programmation.

B. LES MODALITÉS DE RESPECT DE L'ONDAM

Selon le II du présent article, « le Gouvernement présente chaque année au Parlement, au plus tard le 15 octobre, les modalités de mise en oeuvre des II et III de l'article 8 ».

On rappelle que le II de l'article 8 fixe le montant annuel de l'ONDAM jusqu'en 2014 et que son III prévoit que pour garantir le respect de ces montants, une partie des dotations relevant de l'ONDAM est mise en réserve au début de chaque exercice.

Cette disposition est bienvenue, les ressources potentiellement concernées étant de nature très différente.

Le rapport du groupe de travail présidé par M. Raoul Briet sur les moyens d'assurer le respect de l'ONDAM (avril 2010) évalue le montant global des moyens susceptibles d'être mis en réserve à 22 milliards d'euros. Ce montant correspond au fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins (FIQCS), au fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP), aux missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) et à l'ONDAM médico-social.

Sur ces 22 milliards d'euros, tous ne sont pas susceptibles d'être mis en réserve avec la même facilité. Par exemple, s'agissant des MIGAC, si un gel peut se concevoir sur l'enveloppe « AC » (aide à la contractualisation), relativement discrétionnaire, il paraît plus difficile pour le financement de certaines missions d'intérêt général.

C. L'ÉVALUATION DES MESURES NOUVELLES RELATIVES AUX PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

Selon le III du présent article, « le Gouvernement présente chaque année au Parlement, au plus tard le premier mardi d'octobre, l'évaluation des mesures nouvelles afférentes aux prélèvements obligatoires mentionnées au I de l'article 9 ».

Cette disposition est en l'état inutile, ces éléments figurant d'ores et déjà dans le rapport sur les prélèvements obligatoires et leur évolution annexé au projet de loi de finances.

III. LA MODIFICATION APPORTÉE PAR LA COMMISSION DES FINANCES DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE, PUIS SUPPRIMÉE EN SÉANCE PUBLIQUE

A l'initiative de son président, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté un amendement précisant que la transmission des informations concernées doit être effectuée non « avant le débat d'orientation des finances publiques », mais « avant le 1 er juin ».

Cette modification a toutefois été supprimée en séance publique par un amendement du Gouvernement, par coordination avec la suppression de l'article 12 bis, qui prévoyait qu'un projet de loi de programmation des finances publiques était déposé avant le 1 er juin 2011.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. METTRE EN PLACE DES PREMIERS ÉLÉMENTS D'UN DISPOSITIF DE PILOTAGE

Le présent projet de loi constitue une nouvelle programmation, comme il en a existé de nombreuses autres : les douze programmes de stabilité adressés à la Commission européenne depuis la fin des années 1990, les neuf programmations pluriannuelles annexées aux projets de lois de finances depuis le projet de loi de finances pour 2003 en application de l'article 50 de la LOLF, et la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.

Pour que le présent projet de loi soit plus efficace que les vingt-deux programmations qui l'ont précédé depuis la fin des années 1990, avec une inutilité à peu près totale, il faut tout d'abord qu'il énonce des règles suffisamment claires pour qu'il soit possible de déterminer, année par année, dans quelle mesure celles-ci sont mises en oeuvre. Tel est l'objet de plusieurs amendements adoptés par votre commission des finances.

Cependant, des règles claires ne suffisent pas. Il faut en effet que soit mis en place un dispositif de pilotage, qui fasse qu'« il se passe quelque chose » en temps utile si les dépenses dérapent ou s'il apparaît que le produit des mesures nouvelles sur les recettes est inférieur aux prévisions.

1. Prévoir une « fongibilité » entre dépenses et mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires

Tout d'abord, il convient de préciser la règle afin de spécifier que la répartition de l'effort entre maîtrise de la dépense (article 4) et mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires (article 9) n'est pas une donnée immuable, et qu'une « fongibilité » est possible.

En effet, pour être crédible, la règle ne doit pas préjuger des choix de politique économique qui seront faits en 2012. Actuellement, même en prenant en compte le montant élevé des mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires en 2011, les trois quarts de l'effort concerneraient les dépenses, comme le montre le tableau ci-après.

L'effort structurel résultant de la programmation du Gouvernement

(en points de PIB)

2011

2012

2013

2014

Total

Effort structurel sur les dépenses

0,8

0,7

0,8

0,7

2,8

Mesures nouvelles sur les recettes

0,9

0,2

0,2

0,2

1,3

Effort structurel total

1,6

0,8

0,9

0,8

4,1

NB : les réductions et suppressions de niches sont ici comptabilisées en tant que mesures nouvelles sur les recettes, conformément à la comptabilité nationale.

Sources : présent projet de loi, calculs de la commission des finances

Par ailleurs, dans l'hypothèse où la norme de dépenses, très ambitieuse, ne pourrait être tenue, il conviendrait de prendre des mesures d'ajustement complémentaires en ce qui concerne les recettes. En effet, si le respect de la norme de dépenses en 2011 devrait être favorisé par le « contrecoup » de l'impact en 2010 du changement des modalités de prise en compte des dépenses d'équipement militaire par la comptabilité nationale, qui majore artificiellement les dépenses de 0,4 % en 2010, le respect de la norme risque d'être plus difficile les années suivantes.

Aussi, il semble nécessaire de préciser qu'il est possible de s'écarter du présent projet de loi dans le cas des dépenses ou des recettes publiques, dans un sens aggravant le déficit, dès lors que ce « dérapage » est compensé à due concurrence par des mesures sur les recettes ou les dépenses publiques. C'est ce que suggère en particulier le rapport Camdessus, qui recommande une « fongibilité entre plafonds des dépenses et mesures nouvelles en recettes ».

Le dispositif, pour contenir les « points de fuite » de la dépense publique, à l'origine d'une large part du non respect des précédentes programmations, doit s'appliquer à la part des dépenses publiques la plus importante possible. Le Gouvernement n'ayant que de faibles moyens d'action sur les dépenses des administrations publiques locales, dont l'autonomie financière et la libre administration sont au demeurant garanties par la Constitution, le texte adopté par votre commission des finances les exclut du champ de cette règle. Cela paraît d'autant plus justifié qu'en pratique, il n'est pas évident que l'évolution des dépenses des administrations publiques locales ait, en tant que telle, un impact sur le solde public, comme cela est expliqué dans le commentaire de l'article 7.

Il paraît nécessaire d'inclure dans le champ de la règle, outre l'Etat, les organismes divers d'administration centrale et les régimes de sécurité sociale, les administrations de sécurité sociale échappant au champ des lois de financement de la sécurité sociale, c'est-à-dire les régimes complémentaires et, surtout, l'Unedic. En effet, si la croissance n'est pas de 2,5 %, mais de 2 %, les dépenses de l'Unedic ne diminueront pas de 5,4 % par an comme le prévoit le Gouvernement, ce qui exigera de prendre des mesures supplémentaires sur les recettes ou les dépenses pour respecter la programmation.

Il en va de la sincérité du présent projet de loi. Une loi de programmation des finances publiques doit comporter des dispositions de nature à infléchir les dépenses publiques. Si l'article 4, relatif aux dépenses de l'ensemble des administrations publiques, devait n'avoir qu'une valeur prévisionnelle, il aurait plus sa place dans le rapport annexé au présent projet de loi.

2. Mettre en place un dispositif d'alerte

a) Une recommandation du président et du rapporteur général de votre commission des finances

Il importe en outre de mettre en place un dispositif d'alerte.

Dans leur note précitée du 17 mai 2010 à M. Michel Camdessus, le président et le rapporteur général de votre commission des finances formulaient un certain nombre de propositions en matière de pilotage des finances publiques, de manière à ce que la règle soit effectivement appliquée.

Extrait de la note adressée à M. Michel Camdessus par le président et le rapporteur général de la commission des finances du Sénat

« Il est déterminant que le « pilotage » puisse intervenir quasiment en temps réel, de façon à ce que la règle reste contraignante. Plusieurs mécanismes sont envisageables, et en particulier la présentation par le Gouvernement au Parlement d'une situation des finances publiques à la fin de chaque trimestre.

« Dans le même esprit, il a été proposé de confier à la Cour des comptes un rôle d'alerte en cas de risque de dérapage des recettes ou des dépenses, le Gouvernement devant alors réaliser les ajustements nécessaires par une loi de finances rectificative. On pourrait également envisager de confier ce rôle à un comité indépendant, sur le modèle du comité d'alerte des dépenses d'assurance maladie.

« Dans tous les cas de figure, il est possible d'envisager ex ante, dans la LFI et la LFSS, des mesures correctrices susceptibles d'être prises en cours d'année si la règle semblait devoir ne pas être respectée. »

Source : Jean Arthuis, Philippe Marini, « Note à l'attention de M. Michel Camdessus, président du groupe de travail sur la mise en place d'une règle d'équilibre des finances publiques », 17 mai 2010

b) Le « rapport Camdessus » propose de confier ce rôle d'alerte à la Cour des comptes

La mise en place d'un dispositif d'alerte est également préconisée par le rapport du groupe de travail présidé par M. Michel Camdessus, qui propose de confier ce rôle à la Cour des comptes, essentiellement dans son rapport préliminaire au débat d'orientation des finances publiques, prévu par le 3° de l'article 58 de la LOLF, comme l'indique l'encadré ci-après.

Extrait du chapitre V du « rapport Camdessus »
(« Instituer un dispositif d'alerte rapide devant le Parlement »)

« Afin de contribuer à identifier un éventuel écart significatif entre prévisions et exécution en cours d'année, la Cour des comptes pourrait être invitée, comme elle s'est déclarée prête à le faire, à étendre ses interventions en cours d'exercice. Compte tenu de ses compétences et du calendrier de ses travaux, ces nouvelles interventions pourraient se décliner de la façon suivante, par sous-secteur des administrations publiques :

« - s'agissant de l'État, la Cour des comptes doit, en application de l'article 58-4 de la LOLF, produire chaque année un rapport sur l'exécution de l'année précédente, en vue de la loi de règlement.

« Cette intervention pourrait être l'occasion d'un examen de l'exécution des premiers mois de l'exercice en cours et d'une première analyse des tendances qui pourraient se manifester. La Cour des comptes pourrait jouer ainsi un rôle fort utile de prévention des dérapages et d'alerte ;

« - s'agissant de la sécurité sociale, la session budgétaire de printemps au cours de laquelle le Parlement examinerait la LCPFP [loi-cadre de programmation des finances publiques] pourrait intégrer les constats de la commission des comptes de la sécurité sociale qui, au-delà des résultats de l'année précédente, apprécie les premiers résultats de l'année en cours. Elle pourrait aussi prendre en compte les constats plus détaillés du comité d'alerte sur l'ONDAM ;

« - s'agissant des collectivités territoriales, les remontées d'information sont insuffisantes pour permettre un constat précis dès le printemps des tendances des premiers mois de l'année, mais la Cour des comptes pourrait se donner les moyens de faire état de premières constatations.

« Ces constats et surtout les conclusions qu'ils suggèrent sur le respect de la trajectoire définie par la LCPFP et de l'objectif de moyen terme pourraient être complétés par des recommandations quant aux solutions et à la cohérence des mesures prévues. Il s'agirait ici de poursuivre en l'approfondissant le travail effectué chaque année pour le rapport préliminaire au débat d'orientation des finances publiques, prévu par l'article 58-3 de la LOLF, qui porterait ainsi sur l'exécution de la loi-cadre sur sa durée. Comme ce rapport couvre l'ensemble des finances publiques, le comité d'alerte sur l'ONDAM pourrait y contribuer, en application des propositions du rapport du groupe de travail sur le pilotage des dépenses d'assurance-maladie présidé par M. Raoul Briet.

« Il resterait à faire en sorte que les calendriers de ces différentes contributions de la Cour des comptes soient suffisamment harmonisés pour faciliter et donner toute leur efficacité à ses interventions. »

Source : Groupe de travail présidé par M. Michel Camdessus, « Réaliser l'objectif constitutionnel d'équilibre des finances publiques », 21 juin 2010

La nature des publications de la Cour des comptes dans le cadre de sa mission d'assistance au Parlement relève de l'article 58 de la LOLF. Dans son rapport préliminaire au débat d'orientation des finances publiques, la Cour des comptes consacre d'ores et déjà des développements importants aux perspectives de finances publiques de l'année en cours, même si ceux-ci ne peuvent être comparés au rôle d'un comité d'alerte. On pourrait toutefois envisager que la Cour des comptes « muscle » cette partie de son rapport.

En pratique toutefois, il paraît prématuré de confier aujourd'hui à la Cour des comptes un tel rôle d'alerte.

Par ailleurs, la Cour des comptes ne jouerait vraisemblablement ce rôle que vers la mi-année, soit peu avant le débat d'orientation des finances publiques. Dans ces conditions, il pourrait être difficile pour le Gouvernement d'indiquer dès celui-ci quelles mesures correctrices il entend prendre.

3. Spécifier le contenu du rapport du Gouvernement prévu par le présent article

a) Réintroduire la précision que le Gouvernement indique quelles dispositions il prévoit de prendre pour assurer le respect de la programmation

Aussi le texte adopté par la commission des finances se borne-t-il, à ce stade, de prévoir qu'en cas de « risque sérieux » de non respect des normes de dépenses et de mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires, le Gouvernement indique dans son rapport relatif au débat d'orientation des finances publiques, quelles mesures correctrices il entend prendre.

L'article 13 de la loi du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 prévoyait d'ailleurs que ce rapport précisait « les mesures envisagées pour l'année en cours et les années suivantes afin d'(...) assurer le respect » de la trajectoire de solde. Cette disposition ne résultait pas d'un amendement parlementaire, mais figurait dans le texte initial. Il paraît souhaitable de la rétablir, dans le cas des objectifs de dépenses et de mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires.

b) Se doter, enfin, des instruments permettant de vérifier le respect des programmations en exécution

Le rapport du Gouvernement doit en outre faire le point sur l'exécution des années antérieures.

En effet, aussi paradoxal que cela paraisse, il n'est actuellement pas possible de déterminer dans quelle mesure les programmations (programmes de stabilité et loi de programmation des finances publiques) ont été respectées pour chacune des catégories d'administrations publiques.

Ces programmations définissent en effet les normes de croissance des dépenses des différentes catégories d'administrations publiques à périmètre constant. Ainsi, les programmes de stabilité définissent les normes de croissance des dépenses de l'Etat (ou des administrations publiques centrales), des administrations de sécurité sociale et des administrations publiques locales « hors transferts entre administrations publiques ». De même, la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 définit les normes de croissance des dépenses de l'Etat, des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales et de l'ONDAM « à périmètre constant ». Le présent projet de loi obéit à la même logique. Il prévoit en effet, à juste titre, que les normes de dépenses de l'Etat (article 5), les plafonds de crédits des missions (article 6), les dotations de l'Etat aux collectivités territoriales (article 7) et l'ONDAM (II de l'article 8) s'entendent « à périmètre constant ».

Malheureusement, sauf dans le cas de l'ONDAM, il n'existe aucun document indiquant ce qu'a été l'exécution à périmètre constant. Dans le cas des programmes de stabilité (qui recourent aux concepts de la comptabilité nationale), il n'est donc pas possible de savoir, dans le cas de l'Etat au sens de la comptabilité nationale, des organismes divers d'administration centrale, des administrations de sécurité sociale considérées dans leur ensemble, et des administrations publiques locales, dans quelle mesure les normes de dépense ont été ou non respectées. De même, dans le cas du présent projet de loi (qui recourt généralement aux concepts de la comptabilité publique), il n'existe pas à ce jour de publication, par le Gouvernement ou par la Cour des comptes, de l'évolution à périmètre constant des dépenses de l'Etat (article 5), des plafonds de dépenses des missions de l'Etat (article 6), des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales (article 7) ou des dépenses des régimes obligatoires de base (article 8).

En particulier, dans le cas de l'Etat, il est paradoxalement difficile de déterminer dans quelle mesure la programmation triennale est respectée en 2009 et en 2010. A titre liminaire, une remarque méthodologique s'impose : rapprocher les montants de crédits effectivement consommés en 2009 aux plafonds de la loi de programmation implique :

1) de neutraliser les rattachements de fonds de concours et les transferts de crédits entre missions ayant lieu en gestion, et en particulier les transferts à partir de la mission Plan de relance ;

2) d'identifier, parmi les crédits transférés au titre du Plan de relance, ceux qui ont fait l'objet d'une consommation effective en 2009, ce qui n'est pas toujours aisé au moyen de la documentation budgétaire, car ces crédits s'agrègent à des crédits existants et que les rapports annuels de performances ne précisent pas systématiquement les taux de consommation spécifiques aux crédits « relance » ;

3) de comparer des enveloppes délimitées selon les mêmes critères, ce que ne favorise pas la multiplicité des conventions de présentation des dépenses d'un document à un autre, exprimées avec ou sans titre 2, avec ou sans contributions au CAS « Pensions »...

2009 étant la première année d'application de la « pluri-annualité », et compte tenu des difficultés méthodologiques qui viennent d'être exposées, votre rapporteur général et ses collègues rapporteurs spéciaux auraient pu s'attendre à ce que les rapports annuels de performances et le projet de loi de règlement de l'année comportent systématiquement des développements spécifiquement consacrés au respect de la loi de programmation, étayés sur des chiffrages homogènes. De fait, chaque rapport annuel de performances comportait, dans son sommaire, une rubrique consacrée au « Bilan de la première année de la programmation pluriannuelle ». Les développements placés sous cette rubrique sont toutefois demeurés étrangement lapidaires, en particulier lorsqu'il s'agissait de rapprocher les dépenses réelles des plafonds prévus.

Cette remarque n'est pas seulement de forme : toute règle de gouvernance des finances publiques se trouve privée de réelle portée si le contrôle de son application ne peut se faire qu'au prix d'infinies manipulations techniques et s'il n'est pas possible d'en mesurer immédiatement le respect. Il conviendra, dans ces conditions, que les normes futures que les administrations publiques entendent se donner puissent faire l'objet d'une définition robuste et d'une application aisément contrôlable.

Il est donc nécessaire de prévoir que le rapport du Gouvernement comprend les données d'exécution relatives aux dépenses de chacune des administrations concernées. Concrètement, dans le cas du présent projet de loi cela impliquerait que le Gouvernement publie les données retraitées dont il dispose déjà relatives à l'application du plafond de dépenses de l'Etat et retraite le périmètre des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales et, si les modifications apportées par votre commission des finances au I de l'article 8 subsistent dans le texte adopté, celui des dépenses des régimes obligatoires de base. Il serait également utile que ce rapport présente les données d'exécution relatives aux programmes de stabilité (qui utilisent des normes de dépenses différentes). Dans ce cas, il conviendrait de retraiter les dépenses de chaque catégorie d'administrations publiques, au sens de la comptabilité nationale. En toute rigueur, il faudrait également disposer de ces données pour chacune des branches de la sécurité sociale et pour l'Unedic, dont les dépenses font également l'objet d'un objectif de taux de croissance (que l'on peut supposer défini à périmètre constant, bien que cela ne soit pas précisé).

Il n'existe déjà pas de « loi de règlement » des lois de programmation ou des programmes de stabilité. La moindre des choses serait que le législateur dispose des données lui permettant de déterminer clairement les catégories ou sous-catégories d'administrations publiques à l'origine du dérapage des dépenses.

Les programmations de dépenses des programmes de stabilité actuellement impossibles à vérifier en exécution : l'exemple du programme de stabilité 2010-2013

Page 17 :

(croissance des dépenses définie à périmètre constant ; or l'Insee n'indique l'exécution qu'à périmètre courant)

Page 22 :

(le périmètre n'est pas précisé mais semble implicitement constant pour la période 2011-2013)

Source : d'après le programme de stabilité 2009-2013

c) Prévoir que ce rapport constitue un document exhaustif, et lui donner une visibilité suffisante

Il convient en outre de prévoir que ce rapport constitue un document exhaustif.

Il doit faire le bilan de l'application de chaque article du présent projet de loi, et non seulement de certains articles choisis par le Gouvernement, comme c'est le cas actuellement. En effet, on rappelle que les rapports du Gouvernement préalables aux débats d'orientation des finances publiques n'évaluent la mise en oeuvre que des articles 2 (trajectoires de dette et de solde), 5 (dépenses de l'Etat), 6 (plafonds des missions) et 11 (gage des niches fiscales et sociales).

Par ailleurs, dans le cas de figure où le Gouvernement déciderait de continuer de « fusionner » ce rapport avec celui préalable au débat d'orientation des finances publiques, il conviendrait de donner aux informations correspondantes une visibilité suffisante. Il ne saurait en particulier être question de les « diluer » dans le rapport.

Si le Gouvernement faisait le choix d'un rapport spécifique transmis au Parlement, celui-ci devrait être rendu public et accessible sur Internet.

B. PRÉCISER LES MODALITÉS D'ÉVALUATION DES MESURES NOUVELLES AFFÉRENTES AUX PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

Selon le III du présent article, « le Gouvernement présente chaque année au Parlement, au plus tard le premier mardi d'octobre, l'évaluation des mesures nouvelles afférentes aux prélèvements obligatoires mentionnées au I de l'article 9 ».

Pour que cette disposition apporte quelque chose par rapport au rapport sur les prélèvements obligatoires et leur évolution annexé au projet de loi de finances, il convient de spécifier :

- que le Gouvernement présente cette évaluation en exécution à compter de l'année 2009 (ce qui est peut-être sous-entendu mais mériterait d'être explicité) ;

- que ces estimations ventilent le coût entre les principales mesures.

En effet, les rapports sur les prélèvements obligatoires et leur évolution n'indiquent habituellement ce dernier que pour l'année en cours et l'année suivante, nécessairement en prévision. Les données en exécution ne concernent que l'impact global des mesures nouvelles, exprimées en points de PIB.

Il est à noter que le rapport sur les prélèvements obligatoires et leur évolution annexé au projet de loi de finances pour 2011 innove à cet égard, puisqu'il comporte une telle ventilation pour les années 2009, 2010 et 2011. Il convient donc de poursuivre cette pratique, tout en précisant les mesures nouvelles concernant éventuellement la suite de la période de programmation.

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 14 - Abrogation de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012

Commentaire : le présent article propose d'abroger la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.

I. LE DROIT EXISTANT ET LE DISPOSITIF PROPOSÉ

La loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 a été présentée en détails dans l'exposé général du présent rapport.

Le présent article propose de l'abroger.

L'Assemblée nationale a adopté le présent article sans modification. Comme cela a été indiqué ci-avant, elle a toutefois inséré l'article 9 bis , qui rétablit la règle selon laquelle les nouvelles niches fiscales et sociales sont créées pour une durée de 4 ans.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article est un article de coordination : dès lors que le présent projet de loi correspond à une nouvelle loi de programmation, il convient d'abroger l'ancienne.

Par ailleurs, votre commission des finances a rétabli dans le III de l'article 12 la disposition selon laquelle l'efficacité des mesures en vigueur à la date de publication de la présente loi font l'objet d'une évaluation au plus tard le 30 juin 2011.

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une réunion tenue le mercredi 27 octobre 2010, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur le projet de loi n° 66 (2010-2011) de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

A l'issue d'un large débat, la commission a adopté ce projet de loi avec modifications.

Le compte-rendu de la réunion peut être consulté sur le site Internet du Sénat :

http://www.senat.fr/commission/fin/travaux.html

ANNEXE : NOTE ADRESSÉE PAR LE PRÉSIDENT ET LE RAPPORTEUR GÉNÉRAL DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES À M. MICHEL CAMDESSUS (17 MAI 2010)

Note à l'attention de M. Michel Camdessus, président du groupe de travail sur la mise en place d'une règle d'équilibre des finances publiques

La recherche d'une règle d'équilibre a pour objet de permettre de rompre avec la trajectoire des finances publiques depuis le milieu des années 70, en faisant l'hypothèse que l'ensemble des formations politiques susceptibles d'être en situation d'appliquer la règle souscrivent à cette rupture.

Si la recherche d'une règle contraignante ne doit pas être écartée, notamment en raison du signal positif que son adoption enverrait aux marchés sur lesquels la France se finance, le retour sur une trajectoire de convergence est également conditionné par la détermination de règles institutionnelles et de règles de procédure, dans un cadre européen rénové.

En tout état de cause, une règle ne pourra être retenue que si son effectivité est assurée et si elle est suffisamment lisible pour être comprise par l'opinion. Elle ne saurait se substituer ni aux principes fondamentaux (sincérité, transparence, lisibilité, équilibre), ni à la volonté de les respecter.

1. Le cadre institutionnel

1.1. Le programme de stabilité

La trajectoire pluriannuelle sur laquelle s'engage la France est celle qui résulte du programme de stabilité transmis au mois de janvier à la Commission européenne, et qui reprend généralement, en la développant, la programmation pluriannuelle des finances publique annexée au projet de loi de finances.

Le programme de stabilité doit être reconnu comme la « norme supérieure » en matière de finances publiques, de laquelle doit découler le contenu de toutes les autres normes : loi de finances, loi de financement de la sécurité sociale et, le cas échéant, loi de programmation des finances publiques. Dès lors : on peut considérer qu'une règle de solde existe déjà : la limitation du déficit à 3 % du PIB, prévue par les traités ; on doit désormais raisonner à l'échelle de l'ensemble des administrations publiques, en considérant notamment que la séparation entre lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale est simplement fonctionnelle, les grands équilibres devant être appréciés de manière consolidée. Au demeurant, nos partenaires européens, en règle générale, ne connaissent pas cette dualité de documents budgétaires.

Paradoxalement, le document qui détermine la trajectoire pluriannuelle sur laquelle s'engage la France n'est pas soumis au Parlement préalablement à sa transmission, ni pour qu'il y soit voté, ni même pour qu'il soit informé. Dès lors que la stratégie des finances publiques a pour objet de respecter la trajectoire définie par le programme de stabilité, l'assentiment du Parlement est indispensable . Il devrait se traduire par l'adoption de résolutions, selon la procédure issue de la révision constitutionnelle de 2008. Ce serait une expression politique suffisamment forte, même si elle ne revêt pas la forme juridique d'une loi. Elle replacerait les groupes politiques au coeur du processus et les conduirait à faire preuve de l'esprit de responsabilité qui leur manque.

1.2. La loi de programmation des finances publiques

La Constitution prévoit désormais que les lois de programmation des finances publiques, qui sont des lois ordinaires, concourent à l'objectif d'équilibre des finances publiques. Si leur calendrier était aligné sur celui des programmes de stabilité, il serait possible de les envisager comme le document qui décline les engagements européens de la France , en ventilant les efforts annoncés, en recettes comme en dépenses, entre ceux qui relèvent de la loi de finances et ceux qui entrent dans le champ de la loi de financement de la sécurité sociale. La ventilation serait présentée par mission du budget général et par branche du régime général de la sécurité sociale.

Cependant, dès lors que la loi de programmation n'a pas une valeur supérieure à celle des deux lois financières, on peut considérer qu'elle n'est qu'indicative et qu' une annexe détaillée au programme de stabilité produirait les mêmes effets en faisant l'économie d'un processus législatif lourd.

Il importe de veiller à ne pas brouiller les messages . Le vote d'objectifs de solde dans une loi de programmation pluriannuelle ne serait concevable que si ceux-ci sont identiques aux montants inscrits dans le programme de stabilité. Or l'existence de deux supports différents emporte des risques de divergence entre les montants (liés aussi bien à des modifications d'hypothèses économiques qu'à des différences de périmètre) et donc d'illisibilité de la trajectoire. A cet égard, l'expérience de la mise en oeuvre de la loi de programmation des finances publiques de février 2009 n'est guère encourageante. L'unification des temps et des concepts est désormais une nécessité.

1.3. Les lois financières de l'année

L'annualité budgétaire est un principe de rang constitutionnel, faisant obstacle à ce que les lois de programmation des finances publiques soient considérées comme des normes de rang supérieur.

L'annualité budgétaire est le principe qui procure au gouvernement la souplesse nécessaire à la conduite de sa politique, dans le respect des engagements internationaux de la Franc e. Dès lors, les lois financières de l'année doivent constituer l'instrument privilégié pour prendre les mesures permettant d'atteindre l'objectif de solde fixé par le programme de stabilité. Cette réalité est la seule qui puisse concilier la souveraineté budgétaire de l'État et la mise en oeuvre des traités .

1.4. Le « session budgétaire de printemps »

En vertu de la loi organique relative aux lois de finances, il existe bien une « session budgétaire de printemps », au cours de laquelle le Parlement examine la loi de règlement des comptes de l'exercice précédent puis, sur la base d'un rapport de la Cour des comptes et d'un rapport du Gouvernement, débat des orientations des finances publiques. S'agissant de l'État, les plafonds de dépense par mission lui soit soumis à cette date. Ce processus peut dessiner, pour l'exécutif comme pour les assemblées, un équivalent de la « spring law » à la suédoise.

Dans le schéma institutionnel ici proposé, il serait concevable que cette séquence soit utilisée pour constater les écarts éventuels par rapport à la trajectoire du programme de stabilité et annoncer les mesures complémentaires devant être prises pour respecter les objectifs fixés . De la même manière que pour la déclinaison annuelle du pacte de stabilité, le vote des résolutions parlementaires apporterait la conclusion appropriée aux débats d'orientation budgétaire, aujourd'hui simple succession de prises de parole sans vraie expression politique.

2. Les règles de procédure

La détermination de la trajectoire pluriannuelle, donc l'objectif de solde, doit rester une décision politique, prise en fonction des évolutions de la conjoncture et en tenant compte des engagements internationaux de la France.

En revanche, pour s'assurer que les différentes décisions de politiques sectorielles sont cohérentes avec la stratégie globale des finances publiques, des règles de procédure doivent être adoptées.

2.1. Le monopole des lois financières sur les dispositions ayant un impact sur le solde des administrations publiques (crédits budgétaires, dépenses fiscales et sociales)

Une révision en ce sens de la Constitution est une condition de la cohérence des orientations en matière de finances publiques, puisque chaque mesure coûteuse serait appréciée non seulement au regard de ses effets sectoriels mais également sur le solde des administrations publiques.

Elle serait également facteur de hiérarchisation des priorités de l'action publique puisque les mesures sectorielles se feraient concurrence entre elles, toutes ne pouvant être retenues.

La pratique conduit malheureusement à constater qu'il serait illusoire de parier sur un sursaut comportemental de la part des ministres et des parlementaires. Une règle est indispensable. Du choix de la créer ou non dépend clairement la crédibilité de nos intentions. C'est pour nous la clé de l'ensemble du processus. Sans cette règle, le double langage, en d'autres termes l'écart de la parole aux actes, continuera d'être une tentation à laquelle la « classe politique » ne pourra résister .

2.2. La fusion des parties « recettes » des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale

Dès lors que l'on se situe dans une perspective de déclinaison entre catégories d'administrations publiques des objectifs de solde prévus par le programme de stabilité, il est logique d'examiner de manière agrégée l'ensemble des ressources disponibles avant de les répartir entre les différentes catégories de dépenses . La culture différente des commissions des finances et des affaires sociales est une réalité, qui fait aujourd'hui obstacle à une appréciation économique correcte de la politique des prélèvements obligatoires.

Cette réforme, qui nécessiterait de modifier la Constitution, reviendrait à aller au bout de la logique qui a conduit, à l'initiative du Sénat, à l'inscription dans la loi organique relative aux lois de finances la remise par le Gouvernement, à l'automne, d'un rapport sur les prélèvements obligatoires pouvant donner lieu l'organisation d'un débat. Serait ainsi mis fin à une pratique qui conduit à débattre des prélèvements obligatoires dans deux cadres distincts, en deux temps séparés.

2.3. La saisine obligatoire du Conseil constitutionnel sur les lois financières

Dès lors que l'objectif d'équilibre des finances publiques figure dans la Constitution, ne serait-ce que pour définir l'objet des lois de programmation des finances publiques, une nouvelle révision devrait faire en sorte que le Conseil constitutionnel soit en mesure d'examiner la conformité à la Constitution de toutes les lois financières, surtout si elles devaient, à l'avenir, avoir le monopole des dispositions ayant une incidence sur le solde des administrations publiques. Il s'agit là encore d'un dispositif de cohérence qui conditionne les « enchaînements vertueux » que nous recherchons.

2.4. L'élévation au niveau organique de la règle de gage et de la durée limitée des dépenses fiscales

La loi de programmation des finances publiques de février 2009 a marqué un premier pas dans l'encadrement des « niches fiscales et sociales », en particulier du fait des dispositions de son article 11 selon lesquelles, d'une part, toute création ou extension de « niche » devait être gagée à due concurrence par la suppression ou la réduction d'une ou plusieurs autres niches et, d'autre part, la durée de vie d'une « niche » nouvelle est limitée à quatre années.

Bonnes dans leur principe, ces mesures ont connu une application caricaturale et par là-même très révélatrice. Le « compteur de gage » mis en place est fictif puisqu'il s'apprécie au regard du coût estimé des mesures « en régime de croisière » et non au regard de leur coût constaté l'année de mise en oeuvre. L'absence de primauté des dispositions de l'article 11 sur celles des lois promulguées postérieurement conduit à s'interroger sur la réalité de la durée de vie limitée des « niches nouvelles ». Ainsi, l'esprit de la loi de programmation voudrait que la baisse de taux de la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux restaurateurs, intervenue en juillet 2009, s'applique seulement jusqu'en 2013.

Tant par souci de clarification juridique que pour faire prévaloir l'intention du législateur, il est indispensable d'ériger au niveau organique la règle de gage et de durée limitée des dépenses fiscales.

2.5. L'extension de la norme de dépense de l'Etat à la dépense fiscale

La présentation par mission du budget de l'Etat a pour finalité de faire apparaître le coût des principales politiques publiques. Les projets annuels de performances présentent désormais, outre les crédits budgétaires consacrés à une politique, le montant des dépenses fiscales y concourant. Au sein des dépenses fiscales, les crédits d'impôts s'apparentent à des « subventions fiscales » peu différentes des subventions budgétaires.

Les outils de pilotage de la dépense restent en retrait par rapport à cette présentation consolidée des dépenses consacrées aux différentes politiques et, dans certains domaines, les efforts consacrés à la maîtrise de la dépense budgétaire sont contredits par le dérapage de la dépense fiscale. Dans le projet de loi de finances pour 2010, le montant de l'évolution du coût des crédits d'impôts est comparable à celui résultant de l'indexation des dépenses de l'Etat sur l'inflation. Dans ces conditions, il n'est pas possible de considérer que l'objectif de stabilisation des dépenses en volume soit atteint. Il n'est dès lors pas crédible, et cette considération serait encore plus forte s'il s'agissait d'une stabilisation en valeur.

La solution passe par l'application de la norme d'évolution, qui doit rester de niveau législatif, à l'ensemble des dépenses, budgétaires ou fiscales, concourant à une politique donnée . Compte tenu de l'imprévisibilité de l'évolution des dépenses fiscales, il reviendrait aux gestionnaires de crédits d'arbitrer entre dépenses fiscales et budgétaires et d'apprécier au mieux la dynamique des dépenses fiscales pour éviter qu'un dérapage ne se traduise par un gage à due concurrence de leurs crédits budgétaires. Sans une telle compensation, les intentions exprimées relèveraient dans une large mesure du « trompe l'oeil ».

3. Les règles contraignantes

L'Allemagne s'est dotée d'une règle de solde, de niveau constitutionnel. Dans un monde où les apparences sont déterminantes, tout État qui n'en ferait pas autant est réputé moins vertueux.

Si l'on souhaite que la trajectoire soit connue et comprise, il importe de faire apparaître le montant total du déficit, sans distinguer sa composante structurelle de sa composante conjoncturelle . Il est également nécessaire de l'exprimer à la fois de manière concrète, en milliards d'euros, et en pourcentage du produit intérieur brut (PIB), seule façon pertinente de procéder à des comparaisons entre États. C'est à ce prix que l'opinion publique sera réellement associée au respect de la trajectoire de convergence.

Dès lors, les règles exprimées en termes d'effort ou de solde structurel doivent être écartées. Outre que ces notions ne sont pas facilement intelligibles par les non spécialistes, leur calcul repose sur des hypothèses pouvant être contestées et, surtout, manipulées. Elles renvoient à des dispositifs d'expertise qui suscitent toujours la méfiance dans une démocratie, ce qu'exprime la contribution du Président Cahuzac.

Si l'on considère que la règle doit imposer au gouvernement des contraintes quantitatives claires en matière d'action à mener pour réduire le déficit, qu'elle doit être suffisamment souple pour ne pas enfermer l'action politique dans un chemin unique (ce qui risquerait de conduire rapidement à sa remise en cause), qu'elle ne doit pas susciter le risque de polémiques entre un comité d'experts indépendants (comme un panel d'économistes ou la Cour des comptes) et le Gouvernement (ce qui ruinerait sa légitimité), qu'elle doit être non manipulable par les gouvernements et qu'elle doit être compréhensible par l'opinion, faute de quoi elle ne sera pas perçue comme légitime, deux pistes complémentaires doivent être examinées.

Dans les deux cas, les règles devraient être de niveau organique de façon à pouvoir être contrôlées par le Conseil constitutionnel.

3.1. Une règle de sincérité

La trajectoire de convergence inscrite dans le programme de stabilité ne doit pas constituer une déclaration d'intention mais un engagement de la France. Dans ces conditions, il convient qu'elle soit définie en fonction d'hypothèses économiques prudentes, car la France ne peut plus se permettre de ne pas respecter son programme de stabilité, tout programme construit sur des hypothèses optimistes ayant peu de chances d'être respecté .

Pour s'assurer que les mesures prises pour atteindre les objectifs de solde sont suffisantes, on pourrait prévoir, par convention, que les programmes de stabilité sont construits en fonction du taux de croissance moyen du PIB constaté au cours des dix dernières années ou de toute autre méthode prudente résultant, par exemple, d'une concertation au sein de l'Eurogroupe . Cette règle n'empêcherait évidemment pas le Gouvernement de publier ses prévisions de croissance du PIB.

3.2. Une règle de responsabilité

Il appartiendrait au Gouvernement, pour atteindre les objectifs de solde qu'il se fixe et en tenant compte des hypothèses prudentes, de prendre des mesures en recettes et en dépenses, qu'il exprimerait en milliards d'euros .

Le respect de ces engagements ferait l'objet d'un contrôle par le Conseil constitutionnel.

En cas de croissance du PIB supérieure à la prévision (telle que déterminée au 3.1. ci-dessus), les recettes supplémentaires viendraient mécaniquement réduire le déficit.

En cas de croissance inférieure à la prévision, les stabilisateurs automatiques joueraient leur rôle. Le Gouvernement ne serait responsable que des mesures discrétionnaires, celles résultant de ses propres décisions (évolution des dépenses, produit des mesures nouvelles en recettes), et non des variations du solde liées aux évolutions de la croissance.

Il est déterminant que le « pilotage » puisse intervenir quasiment en temps réel, de façon à ce que la règle reste contraignante. Plusieurs mécanismes sont envisageables, et en particulier la présentation par le Gouvernement au Parlement d'une situation des finances publiques à la fin de chaque trimestre.

Dans le même esprit, il a été proposé de confier à la Cour des comptes un rôle d'alerte en cas de risque de dérapage des recettes ou des dépenses, le Gouvernement devant alors réaliser les ajustements nécessaires par une loi de finances rectificative. On pourrait également envisager de confier ce rôle à un comité indépendant, sur le modèle du comité d'alerte des dépenses d'assurance maladie.

Dans tous les cas de figure, il est possible d'envisager ex ante , dans la LFI et la LFSS, des mesures correctrices susceptibles d'être prises en cours d'année si la règle semblait devoir ne pas être respectée.

3.3. Quel contrôle de constitutionnalité ?

Le contrôle de constitutionnalité pourrait intervenir à un double niveau :

- l'ensemble LFI+LFSS (fusionné pour les parties recettes) devrait être conforme à la programmation ;

- en cas de dérapage constaté postérieurement à l'exécution (norme de dépense non respectée, mesures nouvelles en recettes plus coûteuses que prévu), des mesures correctrices devraient être prises dans la première loi de finances postérieure à la notification du solde (qui a lieu avant le 1 er avril de l'année n+1).

Une saisine automatique sur l'ensemble LFI+LFSS serait nécessaire car, outre que le Conseil constitutionnel n'a pas été saisi sur les LFI 2007, 2008 et 2009, la mise en oeuvre de la règle ne peut être appréciée séparément pour la LFI et la LFSS.

Les conséquences d'une censure devraient en outre être précisées, pour que celle-ci ne conduise pas à une politique plus laxiste que celle prévue par les textes censurés.

Pour l'application de la norme, on pourrait distinguer deux cercles concentriques :

- le solde fixé par la programmation serait celui de l'ensemble des administrations publiques : c'est donc bien l'ensemble des administrations publiques qui serait pris en compte pour juger du respect de la trajectoire de convergence ;

- cependant, le contrôle de constitutionnalité ne s'appliquerait qu'à la LFI et à la LFSS, c'est-à-dire à l'État et aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale (couverts par la LFI et la LFSS). En effet, inclure dans la loi organique des dispositions relatives à l'Unedic ou aux collectivités territoriales, ce qui nuirait à leur autonomie, entraînerait nécessairement sa remise en cause à court terme. Le Gouvernement serait en revanche de fait incité à mettre en oeuvre de telles mesures au niveau de la loi de programmation ou de la loi annuelle, pour que l'effort ne repose pas exclusivement sur l'État et les régimes obligatoires de base. Cela étant, les règles qui encadrent le pilotage des collectivités territoriales limitent le risque d'une dégradation du solde.

4. Le cadre européen

La réforme des règles nationales doit s'accompagner d'une rénovation du cadre européen et en particulier de la création d'une Autorité européenne des comptes publics, compétente pour définir la méthodologie permettant d'aboutir à l'homogénéité des normes de présentation des budgets nationaux, de leur exécution et des situations patrimoniales des Etats.

Une publication coordonnée des prévisions et exécutions budgétaires doit être envisagée. Il convient d'encourager une coopération entre Etats visant à promouvoir un consensus macro-économique européen duquel émergeraient des prévisions harmonisées en termes d'évolution des prix, de la croissance du PIB, de la parité euro-dollar ou encore du prix des matières premières.

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Nous sommes bien sûr à votre disposition, si cela vous semble utile, pour développer ces propositions devant le groupe de travail.

Jean ARTHUIS Philippe MARINI

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