Rapport n° 97 (2010-2011) de Mme Marie-Thérèse HERMANGE , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 10 novembre 2010

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N° 97

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 10 novembre 2010

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la proposition de loi , ADOPTÉE AVEC MODIFICATIONS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE en deuxième lecture, relative aux recherches impliquant la personne humaine ,

Par Mme Marie-Thérèse HERMANGE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Muguette Dini , présidente ; Mme Isabelle Debré, M. Gilbert Barbier, Mme Annie David, M. Gérard Dériot, Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Raymonde Le Texier, Catherine Procaccia, M. Jean-Marie Vanlerenberghe , vice-présidents ; MM. Nicolas About, François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Gisèle Printz, Patricia Schillinger , secrétaires ; M. Alain Vasselle, rapporteur général ; Mmes Jacqueline Alquier, Brigitte Bout, Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Yves Daudigny, Mmes Christiane Demontès, Catherine Deroche, M. Jean Desessard, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Guy Fischer, Mme Samia Ghali, MM. Bruno Gilles, Jacques Gillot, Adrien Giraud, Mme Colette Giudicelli, MM. Jean-Pierre Godefroy, Alain Gournac, Mmes Sylvie Goy-Chavent, Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, M. Claude Jeannerot, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Jacky Le Menn, Jean-Louis Lorrain, Alain Milon, Mmes Isabelle Pasquet, Anne-Marie Payet, M. Louis Pinton, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, MM. René Teulade, François Vendasi, André Villiers.

Voir le(s) numéro(s) :

Première lecture : 1372 , 1377 et T.A. 229

Deuxième lecture : 2074 , 2444 et T.A. 457

Première lecture : 177 (2008-2009), 34 , 35 et T.A. 21 (2009-2010)

Deuxième lecture : 426 et 98 (2009-2010)

Mesdames, Messieurs,

L'examen d'un texte en deuxième lecture est devenu rare. Malgré la réforme constitutionnelle, on continue en effet d'associer importance d'un texte et rapidité de son examen, et la pression pour aboutir à un texte commun au Sénat et à l'Assemblée nationale se substitue trop souvent à la recherche d'un compromis compatible avec le respect des valeurs défendues par chacun.

La proposition de loi relative aux recherches sur la personne en est à sa quatrième étape d'examen et il faut saluer l'initiative de son auteur, le député Olivier Jardé, qui donne l'occasion au Parlement d'un travail approfondi sur le cadre de la recherche appliquée en France.

Ce texte propose de réformer la loi Huriet-Sérusclat de 1988, modifiée par la loi de 2004 relative aux recherches biomédicales, qui a posé le cadre de la recherche impliquant les personnes.

Lorsqu'un protocole de recherche suppose qu'une intervention soit menée sur l'homme, le promoteur de la recherche, c'est-à-dire celui qui la finance, qu'il s'agisse d'une institution publique ou d'une entreprise privée, doit faire approuver l'objet de la recherche, sa méthodologie ainsi que les documents d'information qui seront remis aux participants, par un comité de protection des personnes (CPP).

Ces comités, au nombre de quarante, ont une compétence géographique ; ils sont composés paritairement de sept représentants de la société civile et de sept scientifiques. Leur double regard, scientifique et éthique, doit garantir la qualité de la recherche et le respect du droit des personnes. Les CPP peuvent donc demander la modification d'un protocole de recherche, voire le rejeter. Dans ce cas un autre comité, choisi au hasard, peut réexaminer le protocole.

La proposition de loi élargit la compétence des CPP à l'ensemble des recherches impliquant les personnes, qu'elles soient interventionnelles ou observationnelles. A ce jour, les recherches observationnelles, comme l'épidémiologie, ne font l'objet que d'un contrôle méthodologique. Le risque existe donc que certaines recherches soient abusivement qualifiées d'observationnelles par leur promoteur pour échapper au contrôle des CPP. La proposition de loi met fin à ce risque puisque tous les protocoles, sans exception, seront contrôlés par les CPP.

Parallèlement au renforcement du contrôle exercé par les CPP, le texte comporte plusieurs mesures tendant à simplifier la mise en oeuvre des recherches biomédicales. Ces mesures, complétées par le Sénat en première lecture, n'ont fait l'objet que d'ajustements techniques lors du nouvel examen du texte par l'Assemblée nationale.

Mais au-delà de la recherche de la rédaction la plus claire et la plus exacte techniquement, un désaccord subsiste entre les deux assemblées sur trois points :

- la nature du consentement en matière de « recherche interventionnelle à risque minime » ;

- le renforcement des CPP ;

- l'interdiction de recherche effectuée sur des malades mais portant sur des médicaments sans lien avec leur pathologie.

Sur le consentement

Le travail collectif qu'avait mené votre commission des affaires sociales en première lecture était animé par la volonté que les personnes participant à la recherche le fassent en pleine connaissance de cause. Elle était, pour cette raison, revenue sur la subdivision en trois branches établie par l'Assemblée nationale : recherche interventionnelle, recherche interventionnelle à risque minime et recherche observationnelle. En effet, l'Assemblée avait associé à la nouvelle catégorie des « recherches interventionnelles à risque minime » un consentement allégé : non plus un consentement écrit, mais un simple consentement « libre et éclairé », exprimé oralement - le même que celui qui est demandé à tout patient avant d'effectuer un soin.

Or, la recherche, ce n'est pas le soin. Elle a pour but l'amélioration des connaissances et sa finalité est altruiste. Ce n'est qu'incidemment et dans certains cas précis qu'elle peut amener un bénéfice direct au malade qui y participe. Il est nécessaire que le malade participant soit bien conscient de cette distinction pour qu'il ne se fasse pas d'illusion sur le bénéfice qu'il peut en attendre, et pour que s'établisse entre lui et le médecin-chercheur une véritable relation de confiance.

C'est pourquoi la commission avait tenu à ne distinguer que deux catégories de recherche : la recherche interventionnelle et la recherche observationnelle. C'était là définir la recherche du point de vue du malade participant : exigera-t-elle ou non de lui qu'il se soumette à une procédure qui ne relève pas des soins qu'il reçoit ou de sa prise en charge habituelle ? C'est finalement la seule distinction qui importe.

Or, en deuxième lecture, l'Assemblée nationale est revenue à son texte initial.

Sur les CPP

En première lecture, le Sénat avait créé une commission nationale des recherches impliquant la personne humaine, chargée d'assurer la coordination entre les CPP afin de renforcer la qualité et l'uniformité de leurs analyses. A cette fin, elle était notamment chargée du deuxième examen de l'ensemble des protocoles rejetés par les différents CPP ; et, pour garantir son indépendance, le Sénat avait souhaité qu'elle soit rattachée à la Haute Autorité de santé.

En seconde lecture, l'Assemblée nationale a supprimé ce rattachement à la HAS. De même, elle a supprimé la distribution aléatoire des protocoles entre les CPP : celle-ci, introduite lors de la discussion au Sénat, mettait fin à la possibilité, pour les promoteurs, de choisir parmi les CPP géographiquement compétents celui auquel ils préfèrent confier leur dossier - avec le risque évident de disparités de traitement que cela comporte.

Sur les limites de la recherche

Enfin, l'Assemblée nationale a supprimé l'article issu d'un amendement de Nicolas About tendant à interdire d'administrer la dose maximale d'un médicament sans lien avec la pathologie du patient dans le but d'en tester les limites de prescription.

*

Les positions, assez éloignées, des deux assemblées sur ces points plaidaient en faveur de la recherche d'un compromis ; tel était l'objectif des aux consultations auxquelles s'est employé votre rapporteur.

Sur ses préconisations, la commission a considéré qu'il était prioritaire de protéger les droits des personnes, spécialement des plus faibles et donc des malades. Dès lors, le principe du consentement écrit pour les recherches interventionnelles n'est pas discutable. Il ne s'agit pas sur ce point de formalisme, ni de simple gestion de la responsabilité civile ou pénale. Le problème est bien plus profond. Personne ne peut concevoir de permettre des recherches qui ne reposeraient pas sur un consentement réel des participants, ce qui renverrait à une époque de la science heureusement révolue en Europe. Or, le consentement écrit est le meilleur moyen de garantir que le consentement sera réel car il oblige au dialogue. Demander au patient d'apposer sa signature sur un document lui fait prendre conscience de l'importance du protocole dans lequel il entre et l'incite à se préoccuper de l'étendue de son engagement. L'obligation de recueillir la signature oblige le chercheur à entendre les questions qui lui sont posées et à y répondre.

Il est donc essentiel de maintenir le principe du consentement écrit pour toute recherche interventionnelle. Néanmoins, l'attachement des chercheurs à une catégorie de « recherches interventionnelles à risque minime » mérite d'être pris en compte, et il apparaît que ces deux préoccupations peuvent être conciliées. En effet, maintenir une catégorie de recherche interventionnelle à risque minime correspond finalement au droit existant, puisque cette nouvelle catégorie se substituerait à celle des « recherches en soins courants » créée en 2004 par la loi relative aux recherches biomédicales, mais qui n'a jamais été clairement définie.

Dès lors, la commission a prévu, pour l'ensemble des recherches interventionnelles, la nécessité du consentement écrit mais a choisi de laisser subsister la catégorie des recherches comportant un risque minime. Pour cette dernière, si la procédure du consentement écrit s'impose, une procédure dérogatoire est ouverte pour permettre aux CPP de lever, au cas par cas, la nécessité du consentement écrit et de le remplacer par un simple consentement « libre et éclairé ».

Cette dérogation serait accordée par les CPP : il convient de leur faire confiance pour savoir quand le consentement écrit pourra ne pas être nécessaire, notamment parce que les représentants de patients composent la moitié de chaque CPP et qu'aucune décision ne peut être prise sans leur accord.

De plus, cette dérogation devra être interprétée à la lumière de l'intention du législateur. Elle dépendra non pas seulement du seul degré de risque, mais de la qualité de la procédure d'information et de dialogue avec le patient. En effet, faire dépendre la forme de consentement du seul risque encouru serait anachronique : ce sont les chercheurs qui déterminent ce qu'est un « risque minime », et non les patients. Or, c'est précisément contre cette forme de contrainte découlant du savoir médical que la législation a évolué, depuis la loi relative aux droits des malades.

C'est pourquoi, dans le cadre de la procédure dérogatoire, si un CPP estime qu'un consentement écrit n'est pas nécessaire, ce ne sera pas uniquement en raison de la faiblesse du risque encouru lors du geste nécessité par la recherche (un prélèvement de salive par exemple), mais parce qu'il aura la certitude que le consentement du patient sera véritablement libre et éclairé. Concrètement, le CPP devra être convaincu que l'accord du participant sera recueilli par un investigateur qui prendra tout le temps et utilisera toute la pédagogie nécessaires pour lui expliquer quoi il s'engage. Ce sont des pratiques qui existent dans certaines équipes, celles des « bons services » hospitalo-universitaires. Si le CPP est satisfait de la qualité de la relation entre médecins et malades dans un service, alors il pourra déroger au consentement écrit pour les recherches comportant un risque minime.

Mettre en place cette procédure dérogatoire, c'est exiger des CPP un examen encore plus approfondi des protocoles soumis, et c'est élargir leurs compétences et leurs responsabilités. Pour le bon fonctionnement du système, il est donc plus que jamais nécessaire de les renforcer afin d'arriver à une réelle homogénéité de leurs pratiques et de leur niveau de compétence. Pour cela, il est indispensable que l'augmentation des exigences s'accompagne de la création d'une instance centrale indépendante permettant une coordination réelle.

De ce point de vue, la création d'une autorité administrative indépendante réunissant l'ensemble des CPP, que préconisait Claude Huriet, aurait été une solution envisageable ; mais l'article 40 de la Constitution s'oppose à l'initiative du Parlement en ce sens. De plus, la multiplication des agences intervenant dans le domaine de la santé n'est pas nécessairement la garantie de la meilleure efficacité du système. Le Sénat avait donc décidé de la constitution d'une commission nationale de protection des personnes et de son rattachement à la HAS. Ce dernier a été supprimé par l'Assemblée

En seconde lecture, votre commission souhaite rétablir le principe de ce rattachement, seul réellement garant de l'indépendance de la commission nationale. Elle a cependant renoncé à en faire l'instance unique d'appel des CPP, qui étaient d'ailleurs opposés à cette forme de hiérarchie trop contraignante à leurs yeux.

L'enjeu essentiel est en fait la composition de la commission. Il faut que les CPP aient confiance dans la commission nationale qui sera chargée de les coordonner : dès lors c'est d'eux qu'elle doit émaner.

Un dernier point, primordial, est celui de la répartition des protocoles de recherche entre les CPP. Alors que l'Assemblée nationale voulait maintenir une logique territoriale, votre commission a choisi de revenir à la répartition aléatoire, seule à même de garantir véritablement l'absence de biais dans l'examen. Corollairement, elle a donné la possibilité aux promoteurs de faire appel de la décision du sort et donc de demander à la commission nationale de faire examiner le protocole par un autre CPP.

*

Votre commission espère vivement que, sur cette base, un rapprochement des positions respectives des deux assemblées puisse être trouvé, dans l'intérêt partagé et respectueux des droits de la recherche et des patients.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er (art. L. 1121-1 à L. 1121-3, L. 1121-4, L. 1121-8-1 (nouveau), L. 1121-11, L. 1121-12, L. 1121-14, L. 1121-15, L. 1121-16, L. 1122-1-1 (nouveau), L. 1122-1-2, L. 1122-2, L. 1123-6, L. 1123-89, L. 1125-2, L. 1125-3, L. 1126-3, L. 1126-5, L. 1126-7, L. 1126-10 du code de la santé publique) - Création de trois catégories de recherches sur la personne dans un cadre législatif unique

Objet : Cet article crée un cadre unique de contrôle pour l'ensemble des recherches sur la personne.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

L'Assemblée nationale a apporté en commission dix modifications de fond à l'article 1 er .

- Elle a tout d'abord préféré retenir, pour la partie du code de la santé publique destiné à accueillir les dispositions de la proposition de loi, le titre « recherches impliquant la personne humaine » plutôt que celui, introduit par le Sénat, de « recherches clinique ou non interventionnelle impliquant la personne humaine ». La distinction « clinique ou non interventionnelle » repose en effet sur une distinction binaire des types de recherche, incompatible avec le retour, préconisé par l'Assemblée nationale, à une distinction de la recherche en trois catégories.

- Elle a supprimé la possibilité pour les comités de protection des personnes (CPP) de qualifier de façon différente les phases successives d'un même protocole de recherche, afin d'éviter une alternance de régimes juridiques applicables selon les étapes.

- Elle a rendu obligatoire la saisine pour avis de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) par le CPP qui aurait un doute sur la qualification d'un protocole de recherche.

- La possibilité pour tout investigateur d'accéder au fichier national recensant les personnes qui se prêtent à une recherche a été supprimée, seuls les investigateurs participant à la recherche concernée pouvant y avoir accès.

- Elle a prévu que le second examen des demandes d'autorisation de recherche serait effectué par des CPP désignés par la commission nationale des recherches impliquant la personne humaine, et non par la commission elle-même.

- Elle a introduit une disposition spécifique afin de prendre en compte le cas des recherches portant sur l'observance des traitements. Le comportement des personnes qui s'y prêtent risquant d'être profondément modifié si elles en connaissent la finalité, il est proposé d'instituer une dérogation à l'obligation d'information préalable des volontaires. Le CPP saisi devra valider l'adéquation de l'information fournie aux objectifs de la recherche. Cette dérogation ne sera possible qu'à la demande de l'Afssaps, de la Haute Autorité de santé (HAS) ou de l'agence européenne du médicament, et en aucun cas d'un promoteur privé.

- Elle a supprimé l'obligation faite à l'investigateur d'une recherche d'indiquer aux personnes qui s'y prêtent la date limite de recevabilité des réclamations, une telle disposition étant jugée de nature à faire naître chez elles une suspicion injustifiée.

- Elle a réaffirmé que les règles de recueil du consentement dépendent du niveau de risque que présentent les différents types de recherche pour les personnes qui s'y prêtent : consentement écrit pour les recherches interventionnelles, consentement libre et éclairé pour les recherches interventionnelles à risque minime et absence d'opposition pour les recherches observationnelles.

- La commission nationale des recherches impliquant la personne humaine ayant compétence en matière de coordination, d'harmonisation et d'évaluation des pratiques des CPP l'Assemblée nationale lui a confié, plutôt qu'à la HAS, la mission d'élaborer le référentiel d'évaluation de ces comités.

- Elle a prévu une procédure d'autorisation simplifiée pour les tests de performance et d'acceptabilité de produits cosmétiques.

L'Assemblée nationale a également adopté en séance plusieurs amendements.

- Elle a soumis l'arrêté fixant la liste des recherches à risques minimes à l'avis de l'Afssaps.

- Sur la participation à des protocoles de recherche de personnes qui ne bénéficient pas d'une affiliation à la sécurité sociale, elle jugé préférable de ne l'autoriser que pour les cas où le risque encouru prévisible est nul.

- Elle a prévu expressément que les recherches de première administration de médicament à l'homme doivent systématiquement être conduites dans un lieu spécialement autorisé à cet effet.

- Elle a précisé que la dérogation à une information exhaustive des personnes pour les études d'observance thérapeutique ne concerne que les recherches non interventionnelles.

- Elle a supprimé l'obligation faite aux investigateurs d'informer chaque participant de la fin de la recherche, une telle formalité constituant une charge administrative lourde pour les chercheurs, sans présenter d'intérêt particulier pour les participants.

- Elle a supprimé l'obligation faite aux investigateurs de rappeler expressément aux participants leur droit de recevoir les résultats de la recherche, ce qui n'est pas utile dès lors qu'en application de la nouvelle rédaction de l'article L. 1121-15 du code de la santé publique, ces résultats doivent être rendus publics.

- Elle a étendu aux recherches à risque minime la possibilité de prévoir que la personne qui s'y prête ne puisse pas participer simultanément à plusieurs recherches ni participer à une nouvelle recherche avant un certain délai.

- Enfin, elle a simplifié le régime de notification des événements et effets indésirables : il est proposé que ces événements et effets soient systématiquement notifiés à l'Afssaps, mais qu'ils ne soient transmis au CPP que dans le cas des recherches interventionnelles présentant des risques et des contraintes qui ne sont pas minimes.

II - Le texte adopté par la commission

Votre commission admet l'intérêt que peut représenter, pour la recherche, le maintien des trois catégories proposée par l'Assemblée nationale. Elle ne se résout cependant pas à considérer que consentir à une recherche puisse être la même chose que consentir à un soin. A l'initiative de son rapporteur, elle a dès lors rétabli la nécessité d'un consentement écrit pour toutes les recherches interventionnelles.

Toutefois, par souci de pragmatisme, elle a autorisé les CPP à prévoir, pour les recherches interventionnelles à risque minime, une dérogation au consentement écrit, s'ils le jugent adéquat.

La confiance ainsi accordée aux CPP exige qu'ils bénéficient d'une parfaite indépendance. En complément des modifications apportées à l'article 4 quinquies , la commission a donc suivi son rapporteur et rétabli la distribution aléatoire des protocoles entre les CPP. Toutefois, afin de faire droit aux inquiétudes des chercheurs concernant les compétences des comités, elle a prévu la possibilité pour un promoteur de faire appel de la décision du sort devant la commission nationale des recherches impliquant la personne humaine. Les demandes considérées comme fondées par la commission entraîneront l'attribution de l'examen des protocoles à un autre CPP. Cette disposition ménage ainsi un point d'équilibre entre l'indépendance des CPP et la nécessité d'une analyse compétente des protocoles de recherche.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 2 (art. L. 1121-16-1 du code de la santé publique) - Définition des recherches interventionnelles à finalité non commerciale

Objet : Cet article tend à mettre en conformité avec le droit communautaire le régime de prise en charge des médicaments utilisés dans la recherche par l'assurance maladie.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

L'Assemblée nationale n'a adopté à cet article que des améliorations de coordination et rédactionnelles sans en modifier le fond.

II - Le texte adopté par la commission

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 3 (art. L. 1123-7, L. 1243-3 et L. 1243-4 du code de la santé publique) - Simplification et mise en cohérence du régime d'autorisation et de déclaration des recherches utilisant des collections d'échantillons biologiques humains

Objet : Cet article vise à simplifier le régime d'autorisation, par les comités de protection des personnes, des collections biologiques.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

L'Assemblée nationale a adopté sur cet article un amendement de coordination sans en modifier le fond.

II - Le texte adopté par la commission

A l'initiative de son rapporteur, la commission a adopté un amendement tendant à conforter les pouvoirs de la Cnil, puis cet article ainsi modifié.

Article 3 bis (art. L. 1131-1-1(nouveau) du code de la santé publique) - Consentement d'une personne à l'examen de ses caractéristiques génétiques à partir d'échantillons biologiques prélevés à d'autres fins

Objet : Cet article encadre la possibilité d'examen des caractéristiques génétiques d'une personne

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

L'Assemblée nationale a prévu, pour les personnes majeures qui ne sont pas en état d'exprimer leur consentement sans pour autant faire l'objet d'une mesure de tutelle, que celui-ci pourra être donné par la personne de confiance qu'elles ont désignée.

II - Le texte adopté par la commission

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 4 bis (art. L. 5126-1 du code de la santé publique) - Distribution des produits, substances ou médicaments nécessaires à la recherche

Objet : Cet article simplifie le régime de distribution des produits, substances ou médicaments nécessaires à la recherche.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

L'Assemblée nationale a apporté deux modifications à cet article pour :

- permettre la distribution des produits par une pharmacie à usage interne dans le cadre d'une recherche interventionnelle à risque minime ;

- supprimer la référence au décret prévu pour fixer les règles spécifiques de la délivrance des produits nécessaires à une recherche impliquant la personne humaine par une pharmacie à usage intérieur à une autre pharmacie à usage intérieur. Ces opérations sont déjà contrôlées dans le cadre de l'autorisation de fonctionnement de la pharmacie, ainsi que lors de l'autorisation de la recherche.

II - Le texte adopté par la commission

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 4 ter (art. L. 1125-3 du code de la santé publique) - Mise en cohérence du code de la santé publique et du code de l'environnement

Objet : Cet article organise la cohérence du code de la santé publique avec le code de l'environnement.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

L'Assemblée nationale a renforcé le contrôle des recherches sur les stupéfiants et les psychotropes, en intégrant ces recherches dans la liste des études particulièrement sensibles qui ne peuvent être mises en oeuvre qu'après autorisation expresse de l'Afssaps.

II - Le texte adopté par la commission

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 4 quater (art. L. 5124-9 du code de la santé publique) - Régime des médicaments radiopharmaceutiques et de certains médicaments élaborés dans le cadre de la recherche

Objet : Cet article tend à simplifier le régime applicable aux médicaments radiopharmaceutiques et à certains médicaments élaborés dans le cadre de recherches sur la personne.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

L'Assemblée nationale a procédé, à cet article, à la correction d'une erreur matérielle.

II - Le texte adopté par la commission

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 4 quinquies A (nouveau) (art. L. 161-37 du code de la sécurité sociale) - Compétences de la Haute Autorité de santé en matière de recherche

Objet : Cet article additionnel tend à confier à la Haute Autorité de santé une compétence générale en matière de recherche.

Bien qu'elle ait établi le référentiel de pratiques pour les comités de protection des personnes, la HAS ne dispose pas, à l'heure actuelle, de compétences en matière de recherche qui justifieraient de lui rattacher la commission nationale des recherches impliquant la personne humaine. Il apparaît pourtant que le lien entre la recherche appliquée et le soin est un des éléments clefs pour l'avenir de la santé en France. Dès lors, cet article additionnel confie à la HAS une compétence en matière de recommandation sur les orientations de la recherche et d'application des résultats obtenus pour l'évolution des soins. Il lui confie également la mission de veiller au bon fonctionnement des CPP.

A l'initiative de son rapporteur, la commission a adopté cet article additionnel ainsi rédigé.

Article 4 quinquies (art. L. 1123-1-1 nouveau du code de la santé publique) - Création d'une commission nationale des recherches impliquant la personne humaine

Objet : Cet article prévoit la création d'une instance nationale indépendante chargée de coordonner l'activité des comités de protection des personnes.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

L'Assemblée nationale a rattaché la commission nationale des recherches impliquant la personne humaine au ministre de la santé plutôt qu'à la HAS, considérant que la recherche ne relève pas des missions de cette dernière.

II - Le texte adopté par la commission

A l'initiative de son rapporteur, votre commission a réaffirmé son souhait d'inclure cette commission nationale dans la HAS. Elle a également prévu une composition paritaire reposant sur l'élection par les deux collèges composant les CPP. Elle estime en effet que ce rattachement et cette composition sont les seules garanties d'une amélioration rapide du mode de fonctionnement des CPP, la commission nationale étant appelée à agir de manière consensuelle et indépendante du fait de son rattachement et de sa composition.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 4 sexies - Possibilité de dérogation à la procédure de contrôle du traitement de l'information

Objet : Cet article prévoit la possibilité d'une dérogation au passage prévu devant le comité consultatif sur le traitement de l'information en matière de recherche dans le domaine de la santé en cas d'avis favorable d'un CPP.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article, hormis par un amendement rédactionnel.

II - Le texte adopté par la commission

Sur la proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement tendant à conforter les pouvoirs de la Cnil en matière de contrôle de la méthodologie des protocoles de recherche.

Elle a adopté cet article ainsi modifié.

Article 4 septies - Interdiction du test de la dose maximum tolérée pour un médicament sans lien avec la pathologie de la personne à laquelle il est administré.

Objet : Cet article tend à interdire de conduire des tests de dosage maximal d'un médicament sur des personnes malades auxquelles il ne peut apporter aucun soin.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

L'Assemblée nationale a supprimé cet article.

II - Le texte adopté par la commission

Votre commission a maintenu cette suppression.

Article 4 octies (art. L. 1125-1 du code de la santé publique) - Autorisation expresse de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé pour toutes les recherches sur les médicaments innovants

Objet : Cet article tend à harmoniser les législations française et européenne en matière de recherche sur les médicaments innovants.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

Cet article, ajouté au texte en seconde lecture par un amendement du rapporteur, tend à harmoniser la législation française en matière de contrôle des médicaments innovants avec le droit communautaire en procédant, à l'article L. 1125-1 du code de la santé publique relatif au contrôle exercé par l'Afssaps, à un renvoi au règlement (CE) n°1394/2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007, concernant les médicaments de thérapie innovante et modifiant la directive 2001/83/CE ainsi que le règlement (CE) n° 726/2004.

II - Le texte adopté par la commission

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 4 nonies (art. L. 1245-4 du code de la santé publique) - Régime d'autorisation des recherches portant sur les tissus

Objet : Cet article encadre le régime d'autorisation des recherches sur les tissus.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

Cet article, ajouté au texte en seconde lecture par un amendement du rapporteur, tend à établir une procédure équivalente à celle qui existe pour la thérapie cellulaire pour l'autorisation de recherches biomédicales portant sur les tissus et les autorisations de prélèvement, de préparation, de conservation, de greffe et d'administration de ces tissus.

II - Le texte adopté par la commission

Votre commission a adopté cet article sans modification.

*

* *

Lors de sa réunion du 10 novembre 2010, la commission des affaires sociales a adopté le texte de la présente proposition de loi dans la rédaction résultant de ses travaux.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 10 novembre 2010 , sous la présidence de Muguette Dini, présidente , la commission examine , en deuxième lecture, le rapport de Marie-Thérèse Hermange et le texte proposé pour la proposition de loi n° 426 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, relative aux recherches impliquant la personne humaine .

EXAMEN DU RAPPORT

Marie-Thérèse Hermange, rapporteur . - Il est devenu rare que nous examinions un texte en deuxième lecture. Je salue donc l'initiative de notre collègue député Olivier Jardé, auteur de la proposition de loi, qui nous donne l'occasion d'un travail approfondi.

Ce texte propose de réformer la loi Huriet-Sérusclat de 1988, modifiée par la loi relative aux recherches biomédicales de 2004, qui a posé le cadre de la recherche impliquant les personnes.

Lorsqu'un protocole de recherche prévoit une intervention sur l'homme, le promoteur, public ou privé, doit faire approuver l'objet de la recherche, sa méthodologie ainsi que les documents d'information remis aux participants, par un comité de protection des personnes (CPP). Au nombre de quarante, ces comités ont une compétence géographique ; ils sont composés de sept représentants de la société civile et de sept scientifiques. Ce double regard doit garantir la qualité de la recherche et le respect du droit des personnes. Les CPP peuvent demander la modification d'un protocole de recherche, voire le rejeter. Dans ce cas, un autre comité, choisi au hasard, pourra le réexaminer.

La proposition de loi élargit la compétence des CPP à l'ensemble des recherches impliquant les personnes, qu'elles soient interventionnelles ou observationnelles. Ces dernières faisant à ce jour l'objet d'un contrôle uniquement méthodologique, certaines recherches risquaient d'être abusivement qualifiées d'observationnelles par leur promoteur pour échapper au contrôle des CPP.

Les mesures tendant à simplifier la mise en oeuvre des recherches biomédicales, complétées par le Sénat en première lecture, n'ont fait l'objet que d'ajustements techniques lors du nouvel examen par l'Assemblée nationale. Je vous proposerai d'y apporter des précisions afin de conforter la protection des personnes.

Toutefois, un désaccord subsiste entre nos deux assemblées sur deux points : la nature du consentement en matière de « recherche interventionnelle à risque minime », et le renforcement des CPP.

En première lecture, nous avions collectivement souhaité que les personnes participant à la recherche le fassent en pleine connaissance de cause. Nous étions ainsi revenus sur la création par l'Assemblée nationale d'une catégorie de « recherches interventionnelles à risque minime » - par exemple, un régime protéiné -, qui aurait exigé non plus un consentement écrit, mais un simple consentement « libre et éclairé », exprimé oralement - celui qui est demandé à tout patient avant un soin.

Or, la recherche n'est pas le soin. Sa finalité est altruiste. Le malade qui y participe doit être conscient de cette distinction pour qu'il ne se fasse pas d'illusion sur le bénéfice à en attendre, et pour que s'établisse entre lui et le médecin-chercheur une relation de confiance. C'est pourquoi nous avions tenu à poser une distinction unique entre deux types de recherche : recherche interventionnelle et recherche observationnelle. La recherche exigera t elle du malade participant qu'il se soumette à une procédure qui ne relève pas des soins qu'il reçoit ou de sa prise en charge habituelle ? C'est la seule distinction qui importe. Or, en deuxième lecture, l'Assemblée nationale est revenue à son texte initial.

Deuxième point de discordance : les CPP. Le Sénat avait créé une commission nationale des recherches impliquant la personne humaine, chargée d'assurer la coordination entre les CPP afin de renforcer la qualité et l'uniformité de leurs analyses. Nous l'avions chargée du deuxième examen des protocoles rejetés ; pour garantir son indépendance, nous l'avions rattachée à la Haute Autorité de santé (HAS), contre l'avis du Gouvernement.

Or, l'Assemblée nationale a supprimé ce rattachement à la HAS, ainsi que la distribution aléatoire des protocoles entre les CPP, pourtant demandée par ces derniers et par les associations de patients, qui mettait fin à la possibilité pour les promoteurs de choisir parmi les CPP géographiquement compétents, celui auquel ils préfèrent confier leur dossier.

Enfin, les députés ont supprimé l'article issu d'un amendement de Nicolas About tendant à interdire d'administrer la dose maximale d'un médicament sans lien avec la pathologie du patient.

Au vu de l'écart entre nos positions, je pense que nous ne pouvons ni nous rallier à la rédaction de l'Assemblée, ni espérer que notre texte initial sera retenu, d'autant que chaque chambre a adopté son texte à l'unanimité.

Pour rechercher un compromis acceptable par l'ensemble de notre commission, j'ai consulté nos collègues About, Godefroy et Autain qui s'étaient particulièrement investis lors de la première lecture du texte. J'en ai aussi longuement débattu avec les principaux acteurs de la recherche, dont l'expérience du terrain ne peut être négligée.

Notre mission première étant de protéger les droits des personnes, le principe du consentement écrit pour les recherches interventionnelles ne me paraît pas négociable. Il n'est pas concevable de permettre des recherches sans consentement réel des participants : cet âge de la science est heureusement révolu. Le consentement écrit est le meilleur moyen de garantir un consentement réel car il oblige au dialogue.

Néanmoins, les chercheurs sont attachés à une catégorie de « recherches interventionnelles à risque minime », qui se substituerait à celle des « recherches en soins courants », adoptée en 2004 dans le cadre de la loi sur les recherches biomédicales mais qui n'a jamais été clairement définie. Je vous propose donc de prévoir une procédure dérogatoire pour cette catégorie de recherches, permettant aux CPP de lever, au cas par cas, la nécessité du consentement écrit et de le remplacer par un simple consentement « libre et éclairé ». Faisons confiance aux CPP, qui sont composés pour moitié des représentants de patients.

La dérogation devra dépendre non du seul degré de risque, déterminé par les chercheurs, mais de la qualité de la procédure d'information et de dialogue avec le patient : le CPP ne prononcera la dérogation que s'il a la certitude que le consentement du patient sera véritablement libre et éclairé, que l'information fournie sera véritablement pédagogique. La faiblesse du risque est une condition nécessaire mais non suffisante.

Avec cette procédure dérogatoire, il est plus que jamais nécessaire de renforcer les CPP afin d'homogénéiser les pratiques et les niveaux de compétence. Pour cela, il me paraît indispensable de créer une instance centrale indépendante permettant une coordination réelle. La création d'une autorité administrative indépendante réunissant l'ensemble des CPP, que préconisait Claude Huriet, se heurte à l'article 40.

Dominique Leclerc . - Tant mieux !

Marie-Thérèse Hermange, rapporteur . - A défaut, nous avions décidé du rattachement d'une commission nationale des recherches impliquant la personne humaine à la HAS, ce qui a été supprimé par l'Assemblée. S'il me semble important de revenir à ce rattachement, seul garant de l'indépendance de cette instance, nous pourrions renoncer à faire de cette commission l'instance unique d'appel des CPP, qui dénonçaient une hiérarchie trop contraignante.

Le véritable enjeu est la composition de la commission. Nous ne pouvons accepter que les promoteurs publics et privés y siègent. Pour que les CPP aient confiance dans la commission nationale chargée de les coordonner, elle doit émaner d'eux.

Nous avons choisi de rétablir la répartition aléatoire des protocoles entre les CPP, seule à même d'assurer l'absence de biais dans l'examen. Pour que la compétence des CPP soit garantie, nous donnons la possibilité aux promoteurs de faire appel de la décision et de demander à la commission nationale que le protocole rejeté soit examiné par un autre CPP.

La technicité du sujet et les contraintes de temps ne doivent pas nous faire perdre de vue les principes fondamentaux du droit des personnes. Si vous retenez les amendements que je vous propose, il faudra également affirmer que nous n'accepterons plus d'évolution du texte, en séance publique ou en commission mixte paritaire. Revenir sur le consentement écrit ou sur l'indépendance de la commission nationale ne pourrait, à mes yeux, qu'entraîner le rejet du texte par notre assemblée. Je vous demande donc d'adopter les amendements que je vous soumets et de définir la position de notre commission pour la suite de l'examen de ce texte. Nous pourrons ainsi aboutir, je crois, au meilleur texte possible.

Nicolas About . - J'admire le travail de notre rapporteur, qui propose, avec une grande sagesse, d'assouplir la position du Sénat mais de tenir bon sur l'essentiel. J'approuve le distinguo entre interventionnel à risque minime, interventionnel classique et observationnel. Le rattachement de la commission nationale à la HAS me paraît indispensable.

Je souhaite que la commission adopte à nouveau mon amendement qui visait à interdire l'administration de la dose maximale d'un médicament sans lien avec la pathologie du patient, en excluant cette fois les sujets sains. Le terme de « patient » s'applique à un malade ; il s'agit souvent de personnes à l'extrémité de leur vie, que l'on abuse en testant sur eux la dose maximale d'une molécule, sans se soucier du consentement ou de l'intérêt du patient. Il faut mettre fin à cette pratique inacceptable.

Jean-Pierre Godefroy . - Je remercie Mme Hermange, qui nous a consultés tout au long de son travail.

La recherche est indispensable, mais attention aux dérives incontrôlées. La protection du droit des personnes doit rester la priorité. Veillons à maintenir les avancées de la loi Huriet-Sérusclat.

Y aurait-il des enjeux cachés dans ce texte ? On assistait hier à un véritable ballet des laboratoires pharmaceutiques au Sénat. Pour ma part, j'ai refusé de recevoir ces lobbyistes, n'ayant nul besoin d'être évangélisé.

Je suis d'accord à 95 % avec le rapport de Mme Hermange, mais les dérogations au consentement écrit pour les recherches interventionnelles devront être ponctuelles.

La répartition entre CPP doit être aléatoire. Permettre au promoteur de choisir son CPP, c'est permettre à l'étudiant de choisir son examinateur, au prévenu de choisir son jury ! Et les promoteurs voudraient siéger dans les CPP ?

Traiter les CPP d'incompétents n'est guère aimable pour les scientifiques et les représentants des patients qui les composent !

Alain Milon . - Hier, vous accusiez d'incompétence les experts sur la grippe !

Jean-Pierre Godefroy . - Je ne me suis jamais dédit sur ce dossier. Les promoteurs doivent pouvoir faire appel, d'où la nécessité d'une instance. D'accord pour la rattacher à la HAS, à défaut d'autorité indépendante.

Nous nous rallierons à la position de M. About sur l'administration de doses maximales : d'accord pour la recherche sur des sujets sains, mais pas sur les personnes diminuées, les individus ne sont pas des souris blanches !

Enfin, j'ai déposé à titre personnel un amendement visant à interdire toute recherche sur des personnes non couvertes par la sécurité sociale. Comment ces personnes, qui sont souvent de passage, feront-elles valoir leurs droits une fois raccompagnées à la frontière ? On leur impose déjà une franchise de 30 euros pour l'aide médicale d'Etat (AME), n'en rajoutons pas !

François Autain . - Je remercie Mme Hermange de nous avoir associés à ses travaux. Pour ma part, je n'ai pas été approché par les laboratoires pharmaceutiques...

Marie-Thérèse Hermange, rapporteur . - Moi non plus !

François Autain . - Se heurtant à des principes éthiques, les laboratoires s'en vont réaliser leurs essais thérapeutiques dans les pays du tiers monde. Je remercie notre rapporteur de tenir bon devant leurs assauts - l'Assemblée nationale ne peut en dire autant.

Créer une nouvelle autorité administrative indépendante ne s'impose pas : nous en avons déjà trop, qui ont tendance à se substituer à l'autorité de l'Etat. Je suis contre leur prolifération. Le rattachement de la commission à la HAS offre une garantie d'indépendance et de compétence. Il n'y a que le Leem, syndicat des laboratoires, pour dire qu'un expert n'est compétent que s'il a un lien d'intérêt avec les laboratoires !

L'article 2 précise que lorsque la recherche ayant bénéficié d'une prise en charge ne répond plus à la définition d'une recherche à finalité non commerciale, le promoteur reverse les sommes engagées à la sécurité sociale. Ne pourrait-on prévoir une sanction contre les promoteurs qui ne s'acquitteraient pas de cette obligation, afin de garantir ce remboursement ?

Isabelle Debré . - Qui nomme les sept représentants de la société civile et les sept scientifiques qui composent les CPP ? C'est une question essentielle.

Comment l'Assemblée nationale a-t-elle motivé son refus de rattacher la commission nationale à l'HAS ?

Je regrette que l'on en arrive à devoir adopter la mesure que propose l'amendement de M. About : les médecins ont quand même prêté le serment d'Hippocrate !

François Autain . - Et alors ?

Isabelle Debré . - Votre scepticisme me désole. Je n'imagine pas ceux que je connais administrer à un patient une dose mortelle d'un médicament qui n'aurait rien à voir avec sa pathologie !

Jean-Louis Lorrain . - Je respecte le travail de longue haleine du rapporteur, mais je regrette que seuls certains de nos collègues y aient été associés...

J'ai fondé en 1988 une fondation pour la recherche en neurosciences appliquées à la psychiatrie : ai-je encore le droit de m'exprimer ici, ou mes propos sont-ils entachés de suspicion ?

Quels sont les arguments en faveur de l'approche aléatoire, qui ne se pratique pas en Europe ? Les potentiels de compétences des CPP ne seront pas les mêmes en Ile de France, à Toulouse ou à Grenoble qu'ailleurs.

Il me semble difficile d'imposer un consentement écrit dans certains cas : il y a aussi des recherches sur des enfants, en psychiatrie, en réanimation...

Enfin, je suis gêné par le refus de notre rapporteur de faire dorénavant évoluer la position du Sénat : pour ma part, j'estime que l'on peut toujours discuter, échanger, et je ne refuse jamais le dialogue ! Soit je m'abstiendrai sur l'ensemble du rapport, soit je m'y opposerai.

Claude Jeannerot . - A mon tour de remercier Mme Hermange.

Tout compromis implique de faire des concessions, mais autoriser la dérogation au principe du consentement écrit pour la recherche interventionnelle crée une zone de flou et d'incertitude. La procédure écrite permet le dialogue. Pour le reste, j'approuve le rapport.

Alain Milon . - Je partage la position de Jean-Louis Lorrain, et j'adopterai la même attitude que lui lors du vote. Pour le reste, je souhaite que la HAS puisse véritablement intervenir.

Raymonde Le Texier . - La profane que je suis ne comprend pas la notion de « dose maximale ». Par exemple, comment savoir quelles réactions extrêmes le traitement par statines peut entraîner si l'on ne va pas jusqu'au bout ? Une jeune femme de ma connaissance, atteinte d'une forme modérée de la maladie des os de verre, mais loin d'être en fin de vie, est entrée dans un protocole de recherche pour tester des médicaments. Il me semble important de pouvoir aller le plus loin possible pour vérifier les effets positifs ou secondaires.

Nicolas About .  - Il faut bien entendu poursuivre ces essais le plus longtemps possible. Mon amendement vise les expériences réalisées sur certains patients en toute fin de vie auxquels, « perdus pour perdus », on administre une dose triple ou quintuple d'un produit sans rapport avec leur pathologie, pour voir par exemple si les cellules hépatiques vont exploser... Sur le plan humain, c'est choquant. Si le médicament a un lien avec la maladie, on pourrait, à la rigueur, espérer un bénéfice d'un tel traitement, mais là, dans le rapport bénéfice-risque, le bénéfice est nul, voire négatif !

Quant à la maladie des os de verre, elle a tendance à s'améliorer avec le temps.

Raymonde Le Texier . - Qu'est-ce qu'une dose « maximale » ?

Nicolas About . - Les chercheurs savent ce dont il s'agit : c'est ce qu'on appelait autrefois une dose « létale » ou « toxique » - même si tout médicament est toxique !

J'approuve le choix aléatoire du CPP, avec possibilité pour le promoteur de déposer un recours motivé devant la commission nationale, qui le rejetterait ou désignerait un autre comité. On peut accepter que le CPP local lève l'obligation de consentement écrit pour les interventions à risque minime, comme un prélèvement de gorge sur des enfants d'âge scolaire. Enfin, l'article L. 1123-3 du code de santé publique règle le problème de conflit d'intérêts au sein des CPP.

Jacky Le Menn . - Il est bon d'avoir plusieurs lectures sur ce texte important. Je salue l'excellent rapport de Mme Hermange, empreint de beaucoup de subtilité. Mais pourquoi l'Assemblée nationale, alors que les députés sont attachés comme nous à la sécurité des personnes, a-t-elle pris une position radicalement différente de la nôtre ?

Muguette Dini, présidente . - Unanimement !

Jacky Le Menn . - Il y a sans doute des raisons...

Quoi qu'il en soit, les propositions de notre rapporteur sont pleines de bon sens. Il faut chercher une issue, en se souvenant qu'il est impossible d'être exhaustif ni de tout prévoir. Qui définit le « risque minime » ? Quel est le seuil ? Des conflits d'analyse sont inévitables.

Je souscris à la position ferme de Mme Hermange : toute recherche interventionnelle exige un écrit, de l'intéressé ou des personnes, parents ou tuteurs légaux, susceptibles de prendre une décision à la place du patient. Les dérogations doivent être prévues, mais très encadrées. C'est sur ce point qu'il faut travailler, avec les députés, pour trouver une solution. La distribution aléatoire des protocoles aux divers CPP apporte les garanties souhaitables, le promoteur conservant une possibilité de faire appel, autrement dit de récuser le CPP désigné.

L'amendement de M. About est plein de bon sens, d'inspiration plus philosophique que scientifique : il s'agit de savoir jusqu'où on peut aller, à vouloir faire le bonheur des gens malgré eux.

Alain Vasselle . - Mme Hermange nous a apporté un éclairage pertinent sur un sujet d'une grande complexité et très délicat. Les intérêts sont divers. La protection des personnes ne souffre pas de compromis et je félicite notre collègue de son intransigeance sur certains points, qui l'a conduite à formuler des conclusions très fermes. Je partage son analyse.

Dans la première partie de son exposé, elle a fait référence à la disparition de l'amendement About dans la rédaction de l'Assemblée nationale. Mais elle n'a pas dit si elle entendait le rétablir. De même, nous ignorons ses intentions sur le rattachement à la HAS. Il ne faut pas lâcher prise au motif, invoqué par certains, que « c'est la composition des CPP qui compte ».

Patricia Schillinger . - Comment réagiront les assurances quand une personne aura un pépin de santé à la suite d'une expérimentation ? Dans les autres pays européens, les normes d'expérimentation sont-elles les mêmes que chez nous ?

Les groupes pharmaceutiques se délocalisent. Les médicaments viennent d'ailleurs : les expériences faites en Inde respectent-elles les mêmes exigences qu'en France ? M. Yves Bur a appelé de ses voeux un déremboursement de nombreux médicaments « qui ne servent à rien ». Sommes-nous intoxiqués pour rien ?

Gisèle Printz . - Les termes que j'entends dans notre discussion, « dose maximum » ou « expériences sur des patients en fin de vie » m'évoquent les expérimentations conduites dans les camps de concentration durant la Seconde Guerre mondiale. Il faut être très prudent...

Yves Daudigny . - Où est la frontière entre le consentement écrit et l'exigence d'une explication détaillée, pédagogique ? Si l'on prend un long moment pour expliquer les choses au patient, pourquoi ne pas recueillir à cette occasion son autorisation écrite ?

Brigitte Bout . - Bravo à Marie-Thérèse Hermange pour son travail qui repose sur une réflexion de très long terme. Cependant, il m'est difficile de partager sa conclusion, selon laquelle, dans certains cas, « il faut s'arrêter là » : non, il faut laisser la science avancer. Et prendre en compte la liberté du patient qui, même à l'approche de la mort, est vivant et doit conserver la possibilité de se rétracter.

Jean-Pierre Godefroy . - Les députés ont remarqué que la HAS ne possédait pas la compétence pour exercer la tutelle sur les CPP : eh bien il n'y a qu'à la lui donner ! Ne renvoyons pas à un décret la composition des comités.

Marie-Thérèse Hermange , rapporteur. - Le dialogue reste possible. J'ai voulu proposer un texte qui soit le plus largement acceptable, en faisant un compromis entre développement de la recherche et protection de la personne, en restant fidèle aux principes votés en première lecture, à la professionnalisation des CPP et leur rattachement à la HAS, tout en prenant en compte les orientations du Président de la République sur la recherche et en maintenant l'obligation du consentement écrit. Protéger les personnes, c'est aussi rendre la recherche plus professionnelle. La commission nationale est importante, pour harmoniser les conditions d'examen d'un CPP à l'autre. Sur le terrain, j'ai vu des comités qui agissent de façon très variable... Il est bon de les rattacher à la Haute Autorité et d'assigner à celle-ci une mission en matière de recherche. Il n'est pas acceptable que le promoteur de la recherche choisisse le CPP, nous avons donc maintenu le principe de la répartition aléatoire - avec appel devant la commission nationale.

Le consentement des personnes hors d'état de s'exprimer est prévu dans le code civil. Je remercie M. About de son amendement, nous l'examinerons en séance publique et aurons alors les informations du Gouvernement sur ce qui se passe dans la phase I des protocoles. Sur le sujet sain, M. About apporte des nuances. Je crois qu'un accord sera possible.

La dérogation est le pendant du consentement écrit. Je fais confiance aux CPP réformés.

Ne privons pas les personnes non couvertes par la sécurité sociale de ce qui peut constituer pour elles un accès à des traitements innovants et onéreux, sur des pathologies orphelines par exemple.

Je renvoie M. Autain, sur l'article 2, aux sanctions de droit commun pour le non paiement des dettes. Et je précise à Mme Debré que les membres des CPP sont choisis sur listes préfectorales, les représentants de la société civile étant désignés en accord avec les associations de patients. J'ignore pourquoi l'Assemblée nationale a supprimé le rattachement des comités à la HAS. Les CPP étaient jusqu'à présent gérés par le ministère - en théorie du moins, car personne ne s'en occupait. La proposition de loi vise justement à les réformer dans le sens d'une plus grande professionnalisation.

Pour ce qui est de mes remarques finales, il est évidemment toujours possible de poursuivre le dialogue. Cependant si, en CMP, l'Assemblée nationale devait revenir sur le consentement écrit, la composition de la commission nationale et la répartition aléatoire, je vous le dis tout net, cela se fera sans moi.

Muguette Dini, présidente . - La CMP peut échouer...

Marie-Thérèse Hermange, rapporteur . - Absence d'obligation du contrat écrit, nécessité du dialogue, tel est le sens de la dérogation. L'Assemblée nationale s'efforce de promouvoir la recherche, nous la suivons, mais en exigeant des garanties. Le « risque minime » sera défini par un arrêté pris après avis du directeur de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps).

Le rattachement à la HAS est important mais la composition de la commission compte aussi : cette dernière ne doit pas inclure de promoteurs. Une plus grande coordination des autorités en Europe et dans le monde serait bienvenue, Mme Schillinger a raison. Mme Bout, ne faisons pas de confusion entre la recherche et les soins. Et restons fermes sur les principes.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Marie-Thérèse Hermange, rapporteur . - L'amendement n° 7 clarifie la rédaction en regroupant les dispositions qui concernent les personnes non affiliées à un régime de sécurité sociale.

Jean-Pierre Godefroy . - J'avais émis des réserves en première lecture. Aujourd'hui, ce sont des interrogations ! Des personnes sans couverture sociale pourraient être tentées d'accepter un protocole afin de pouvoir se soigner- le risque sera plus fort encore si une franchise de 30 euros est appliquée pour l'accès à l'AME.

François Autain . - Je partage les craintes de Jean-Pierre Godefroy mais nous avons prévu suffisamment de verrous - l'ayant obtenu en première lecture, je ne peux pas être contre ici. C'est le CPP qui autorise la personne non affiliée à suivre un protocole ; nous avons amélioré la qualité des comités et créé une commission nationale dépendant de la HAS.

Catherine Procaccia . - Et la recherche à l'étranger ?

Catherine Deroche . - Ceux qui sont attirés par une rétribution se présenteront : 30 euros ou non n'y changeront pas grand-chose.

Jean-Louis Lorrain . - Que les personnes non affiliées puissent entrer dans un protocole, par exemple les frontaliers qui passent la frontière pour se soigner chez nous, me dérange.

Jean-Pierre Godefroy . - Je ne pense pas que « les personnes non affiliées » vise les frontaliers. Soit dit en passant, les Anglais traversent la Manche pour se faire soigner en France et les établissements, ensuite, ont le plus grand mal à récupérer les frais hospitaliers... Néanmoins, ayant entendu les explications de M. Autain, je me range à son avis.

L'amendement n° 7 est adopté.

Marie-Thérèse Hermange, rapporteur . - La recherche à l'étranger ne tombe pas sous le coup de la loi française. Quant au terme d'affilié, il est consacré et recouvre les Français et les étrangers en situation régulière dans notre pays. Nous avons voté la disposition en première lecture.

L'amendement n° 1 est retiré.

Marie-Thérèse Hermange, rapporteur . - L'amendement n° 5 prévoit une distribution aléatoire des protocoles entre les CPP et une procédure d'appel pour le promoteur.

Alain Milon et Jean-Louis Lorrain . - Nous nous abstenons.

L'amendement n° 5 est adopté.

L'amendement n° 2, satisfait, est retiré.

Marie-Thérèse Hermange, rapporteur . - L'amendement n° 8 répond à une demande de la commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) et tend à garantir que les personnes seront informées du traitement de leurs données personnelles.

L'amendement n° 8 est adopté.

Marie-Thérèse Hermange, rapporteur . - Je suis favorable au I de l'amendement n° 3 mais souhaite le retrait du II.

Jean-Pierre Godefroy . - J'accepte la dérogation touchant la recherche interventionnelle avec risque minime, puisque c'est le comité de protection des personnes qui la prononce. J'accepte de rectifier mon amendement en retirant le II.

L'amendement n° 3 rectifié est adopté.

Marie-Thérèse Hermange, rapporteur . - L'amendement n° 6 concerne la dérogation à l'obligation de consentement écrit pour les recherches à risque minime.

Muguette Dini, présidente . - Où est précisé ce qu'est le risque minime ?

Marie-Thérèse Hermange, rapporteur . - A l'alinéa 8 de l'article 1er.

L'amendement n° 6 est adopté.

Marie-Thérèse Hermange, rapporteur . - Le Sénat a adopté une disposition qui permet de débuter une recherche sans le consentement de la famille en cas d'urgence vitale. L'amendement n° 9 tend à prévoir que, dans la mesure du possible, le consentement sera demandé de façon retardée.

Jean-Louis Lorrain . - En quoi l'urgence vitale concerne-t-elle le processus de recherche ? C'est ubuesque !

Jean-Pierre Godefroy . - Qu'est-ce que ce consentement retardé ? Que fait-on si la famille ne donne pas son accord ?

Alain Vasselle . - La disposition votée en première lecture n'a pas été remise en cause par l'Assemblée nationale. L'urgence vitale, c'est quand la vie est menacée. La recherche peut tout de même commencer... L'idéal serait un accord en amont.

Marie-Thérèse Hermange, rapporteur . - L'urgence existe sur le plan médical, non par rapport à la recherche. Par exemple, un patient fait un arrêt cardiaque et un protocole nouveau est proposé.

Jean-Louis Lorrain . - N'oublions pas que nous disposons des grands textes fondateurs, le code de Nuremberg en particulier. Ici, nous ne sommes pas dans le cadre d'un consentement éclairé. Dans un protocole de recherche, la personne peut à tout moment mettre un terme à sa participation, sans avoir même à donner d'explications. Nous ne sommes pas dans ce cadre ici.

François Autain . - Lorsqu'il y a urgence vitale, pas le temps de demander l'autorisation de la personne : elle risque de mourir avant ! Il faut être pragmatique et autoriser des expérimentations dans ces circonstances, afin de ne pas priver le malade d'une chance de s'en sortir. Parfois, on a intérêt à se passer du consentement, dans l'intérêt du malade.

Nicolas About . - Il y a une obligation légale à mettre tous les moyens techniques et toutes les connaissances au service du patient. Si l'on applique un protocole expérimental, c'est que les méthodes en vigueur ont échoué. On est ici dans le domaine du soin, non de la recherche. Si le malade est conscient, le problème est tout autre. On lui propose par exemple de participer à un programme portant sur l'interféron dans l'hépatite A : la moitié des patients recevront le médicament, l'autre moitié un placebo. On donne là son consentement à la possibilité de ne pas recevoir le médicament ; on accepte de renoncer à une chance de guérir mais aussi au risque potentiel du traitement. Je ne comprends pas la crainte de Jean-Pierre Godefroy, s'agissant de personnes inconscientes en fin de vie.

Jean-Pierre Godefroy . - J'ai fait l'expérience de ce genre de situation : ma mère et moi avons dû décider à la place de mon père pour autoriser l'application d'un traitement qui n'était pas en usage.

M. Alain Vasselle . - Merci à Nicolas About de son analyse éclairante de praticien. Je suis néanmoins inquiet des risques de dérapage. Ne risque-t-on pas d'engager des recherches dont on ne connaît pas les conséquences possibles ? Dans les lois de bioéthique, nous avons prévu pour les dons d'organes, non pas un accord tacite, mais une absence de refus explicite. Pourquoi ne pas imaginer un dispositif comparable pour les cas d'urgence vitale, lorsque les promoteurs veulent démarrer une recherche ?

Marie-Thérèse Hermange, rapporteur . - Soit on décide de ne pas autoriser les protocoles de recherche dans les situations d'urgence vitale, soit on les accepte et, dans ce cas, il faut prévoir un dispositif. L'amendement n° 10 va de pair avec l'amendement n° 9 : il prévoit que la personne, lorsqu'elle retrouve sa capacité à consentir, doit être informée et donner son autorisation à la poursuite de la recherche.

Jean-Pierre Godefroy . - Le traitement que ma mère et moi avions autorisé a bien fonctionné et mon père a recouvré sa santé : que se serait-il passé s'il avait après coup contesté le traitement et refusé d'y consentir ?

Les amendements n os 9 et 10 sont adoptés.

Marie-Thérèse Hermange, rapporteur . - L'amendement n° 11 correspond à une demande de la Cnil. Les CPP joueront auprès d'elle une mission d'expertise scientifique, concernant le traitement des informations de santé dans le cadre des études observationnelles.

L'amendement n° 11 est adopté, ainsi que les amendements n os 12, 13 et 14.

L'amendement n° 4 est retiré.

L'amendement n° 15 est adopté.

Nicolas About . - J'ai voté les amendements n os 9 et 10 car des recherches pourraient devoir s'engager dans une situation d'urgence vitale : non pas une recherche sur un protocole de soins, mais sur les conséquences des soins. Les dispositions votées ne dérogent pas à l'impératif médical, mobiliser tous les moyens pour soigner le malade.

Raymonde Le Texier . - Je pense qu'il faut clarifier notre débat : les amendements n os 9 et 10 du rapporteur apportent des garanties supplémentaires pour les personnes en matière de consentement puisqu'ils prévoient un consentement avec retard, s'il est possible, plutôt que pas de consentement du tout.

Jean-Pierre Godefroy . - Nous demandons une suspension de séance avant le vote sur l'ensemble du texte.

Muguette Dini, présidente . - J'appelle à voter sur l'ensemble du texte.

Jean-Pierre Godefroy . - Nous remercions Mme Hermange, qui a su rendre le texte aussi acceptable que possible : nous le voterons, ce qui ne préjuge pas de notre vote en séance si le Gouvernement en modifiait l'équilibre.

François Autain . - Nous le voterons également, dans les mêmes conditions, en remerciant Mme Hermange d'être allée aussi loin que possible.

Muguette Dini, présidente . - A mon tour de féliciter notre collègue pour avoir consulté et obtenu un tel accord.

L'ensemble de la proposition de loi est adopté dans le texte résultant des travaux de la commission.

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